Justice en Bretagne sous l`Ancien Régime
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Justice en Bretagne sous l`Ancien Régime
Justice en Bretagne sous l'Ancien Régime Le palais du Parlement de Bretagne est né des plans de Germain Gaultier repris par Salomon de Brosse. Il est achevé et ouvert en 1655. Son architecture est politique. Bâtiment de Parlement de Bretagne Sur le toit se trouve l'hermine représentant la Bretagne alternée avec des fleurs de lys, dorées a la feuille d'or, pour symboliser l'union entre la Bretagne et le royaume de France. Au deuxième niveau se trouve de la pierre calcaire issu des bords de la Loire, c'est-àdire du royaume de France. Cela symbolise la soumission de la Bretagne. Au premier niveau se trouve de la pierre de granite qui provient exclusivement de Bretagne. Le retour du Parlement à Rennes, gravure, 1690, musée de Bretagne, Rennes. Le plus célèbre des monuments de Rennes est né des plans de Germain Gaultier (1571–1624): quatre corps de bâtiments, reliés par quatre pavillons d'angle, formant une cour intérieure. Le projet, repris par Salomon de Brosse, s'il retient le granite pour le rezde-chaussée, préfère le tuffeau pour l'étage. En façade, une balustrade rejoint les deux pavillons d'angle, supportée par un escalier menant à une terrasse qui permet aux nobles parlementaires d'accéder directement à la salle des procureurs. Le rez-dechaussée sert à l'époque de prison. La porte qui ouvre sur cette salle indique clairement qu’il s’agit d’un lieu de justice et de police. Les gens de justice travaillent pour garantir la quiétude à la population qui peut ainsi se consacrer pleinement à son labeur. La hauteur sous plafond est importante pour impressionner les justiciables afin qu’ils se présentent en toute modestie. 1. Salle des Procureurs. Ce tableau de Coypel qui orne la Grand’Chambre représente L’Innocence implorant la Religion. Le chérubin, qui se trouve aux pieds de la religion, symbolise la justice car il tient dans les mains la balance et le glaive. Le faite que ce soit un jeune enfant nous laisse dire que la justice est aussi là pour protéger les plus vulnérable. La femme habillée d'une tunique blanche symbolise la pureté et l'innocence. Elle tient la main d'une autre femme qui se trouve au-dessus d'elle, cette dernière représente la religion. La religion est la source de la justice, elle s'impose à tous. L'on peut voir deux femmes La femme portant un casque et un qui tiennent un lion par une glaive représente la force de la laisse. Le lion symbolise la justice. Cette allégorie représente la force mais le fait qu'il soit déesse grecque Athéna qui chasse le tenu en laisse signifie que la mal et la criminalité sous toutes ses force est maitrisée. La formes. justice n'est pas là pour se venger mais pour être exercée avec retenue. L'innocence implorant la Religion, Noël Coypel, plafond de la Grand'Chambre, Parlement de Bretagne, Rennes. Cliché Artur et Lambart. La France protégeant la justice, Noël Coypel, 1661, plafond de la Grand’Chambre, Parlement de Bretagne, Rennes. Cliché Artur et Lambart. La femme portant une couronne représente la monarchie. Elle tient un sceptre dont l’embout est une fleur de lys. A ses pieds, une autre allégorie est vêtue de blanc en signe de pureté. Dans sa main droite elle porte une balance l’identifiant à la justice. Son bras est soutenu par la monarchie afin de signifier que la justice émane du roi. L'architecture, les peintures, les dorures visent à faire ressortir une symbolique. Cette symbolique exprime clairement une hiérarchie : la justice est rendue au nom du roi qui lui-même tient de Dieu. LA JUSTICE EST DONC SACREE ! Néanmoins ce lieu de prestige et de noblesse est paradoxalement confronté à des réalités très triviales. Règlement de la Cour En effet, ce qui est étonnant c'est qu'avant le règlement de 1787 beaucoup de personnes fréquentent le Palais de justice. Ces gens ne sont pas forcément ceux auxquels on s'attend.« Faisons défense audit garde de laisser les enfants, gens de livrée, porteurs de chaises et autres sans distinction, jouer et à quelque heure que ce soit aux cartes, aux dés, au volant et à tous autres jeux dans les galeries, dans la grande salle, sur les escaliers, sous les voûtes du Palais, ni y faire leurs ordures. » C'est pourquoi les commissaires directeurs ont créé un règlement concernant la garde du Palais de justice. Il faut chasser toutes les personnes non désirées (« d'en chasser les mendiants et Greuze Jean-Baptiste, 18e siècle, cliché RMN. les vagabonds à quelque heure et quelque jour que se puissent être ») car elles laissent des « ordures ». Le Parlement est au sommet de la pyramide judiciaire de la province. C'est une cour d'appel qui juge en dernier ressort. En dessous, il y a des sénéchaussées royales mais aussi environ 2000 juridictions seigneuriales. Carte extraite de Atlas d'Histoire de Bretagne, Skol Vreizh, 2002. La prison de Guerlesquin témoigne de la puissance du seigneur local. Les fourches patibulaires du comté de Plourhan marquent le paysage de leur empreinte terrible. Elles signifient que le seigneur haut justicicier a le droit de condamner à mort. ADCA, 39 Fi 420, vers 1906. Aquarelle, 1776, musée de l’Armée, Paris. « L’an mille sept cent quatre vingt un, le deux Novembre aux onze heures du matin, Dans le champs de foire de la Toussaint à Plumaudan, nous pierre Leclerc et andré Lebrun cavalliers de marechaussée à la brigade de Dinan, ou étant suivant lusage et passant à côté d’un particulier qui tenoit en vante en la dite foire un cheval en poil noir d’où il demandoit un prix bien au dessous de la valleur et suivant ce que l’on nous a dit qu’il en demandoit tantôt plus tantôt bien moin toujours au dessous de sa valleur. Ce qui nous a fait presumer que le particulier avoit volé ce cheval ; en conséquence nous nous sommes adressé à lui et lui avons demandé ou il avoit pris ce cheval & de quel endroit il étoit lui-même. Il nous a répondu qu’il étoit de Saint pierre de Plainguen et que le cheval en étoit aussi. En conséquence & de toutes les tergiversations de ce particulier, nous sommes retiré laissant à notre confrere à la garde et informé d’avec des particuliers de Saint pierre de Plainguen sils connaissoient ce particulier avec le cheval dont est et qu’il nétoit pas de saint pierre de Plesguen. car il mont repondu qu’ils ne le connaissoient point Ce qui nous a fait mon confrère & moi saisir cet homme et le conduire chez le juge de police du lieu. Chemin faisant, plusieurs particuliers ont reconnu cet homme et dit qu’il étoit de la chapelle Blanche et sur l’interrogatoire qu’en a fait en notre présance monsieur le juge de police de Plumaudan, ledit coupable a avoué qu’il étoit effectivement de la chapelle Blanche et dit qu’il avoit ce matin trouvé dans le Grand chemin menant à la Foire de Chateauneuf ce cheval. En conséquence et Monsieur le juge de police nous ayant dit que la foire d’aujourd’hui relevoit de Dinan, que par conséquent les suites de cette affaire incomboient à Monsieur le procureur du Roy de la sénéchaussée de Dinan, qu’il n’étoit pas douteux que cet homme paroissoit coupable et qu’il nous incomboit pour remplir notre devoir d’emmener par provision cette homme et de le constituer aux prisons de Dinan, pour après en donner avis à Monsieur le procureur du Roy & de déposer le présent au greffe de Dinan. Pour y parvenir nous avons premierement fait conduire le dit cheval en poil noir sans autres marques, pouvant valoir environ cent cinquante livre, chez le meme Michel Jugon hote & aubergiste au dit bourg de Plumaudan ou nous l’avons laisser en fourriere a charge d’yceluy par et d’autorité de Justice pour le garder et soigner aux frais, risques, perils et fortunes de quil appartiendra jusqu'à ce que il n’en soit déchargé de l’ordre et à la requeste de monsieur le procureur du Roy. A le dit Jugon signé, ainsi signé sur la minute M. Jugon. En conséquence de tout quoy nous dit cavaliers avons appréhendé au corps le dit particulier pour le conduire aux prisons de Dinan & rapporté le présent notre procès verbal en présance de plusieurs personnes sous nos seings le dit jour et ont signé sur la minutte Leclaierc et Lebrun. Vu par nous procureur du Roy de la sénéchaussée de Dinan le present procès-verbal, ordonnons que le particulier y denommé sera chargé à notre requeste aux prisons de cette ville, à Dinan, le deux novembre mille sept cent quatre vingt un et qu’ensuite le present sera déposé au greffe. » La Porte de Brest, ancienne prison, 1858, auteur inconnu, Bibliothèque municipale de Dinan. Le 22 janvier 1780, Julien Chevalier saisit par le biais d’un mémoire Monsieur le Sénéchal de Dinan afin de pouvoir faire renfermer son épouse. Scène galante, Louis Joseph Watteau, 2ème moitié du 18ème siècle, musée des Beaux Arts de Valenciennes, © RMN / René-Gabriel Ojéda. « Disant qu’il y a environ 11 ans qu’il eut le malheur de se marier avec Marie postel qui n’a jamais eu le caractère ni la conduite d’une honnete femme, que depuis 3 ans elle s’est tellement debauchée qu’elle luy a enlevé la majeure partie de ses effets et marchandises pour souiller avec les libertins son lit nuptial, qu’elle a toujours continuée ses débauches tantôt avec la troupe tantôt avec dautres et en différents lieux. Votre supliant a inutillement cherche à la ramener des égarements et vices ou elle s’étoit plongée, tous les efforts ont été inutile. Mardy dernier dix huit de ce mois votre supliant fut prevenu quelle etoit chez les nommés marquet rue du jerzual, lieu ou elle se trouvoit souvent et faisoit partie de ses debauches, et ensuite chez le sieur percevault laisné demeurant grande rüe. Et que ce jour, sans doute avec ses partisants, elle avoit projetté son evasion en demandant a cet effet un cheval pour seloigner de son mary et de sa maison. Prevoyant sans doute que leffet de cette evasion projectée ne pouvoit tendre qu’a mettre le comble a sa debauche et a la honte qu’en souffre vôtre supliant crût pouvoir prendre la resolution de mettre fin a son inconduite […] pourquoy il recouru a un huissier auquel il donna un pouvoir daller la saisir et arrester chez le sieur percevault […]. Lequel huissier secondé de quatre huissiers se saisirent de la ditte postel en presence du supliant environ les dix heures et demie du soir et pour sassurer de sa personne la fit constituer prisonniere et lecroua. Il ne luy reste donc plus aujourdhuy que la ressource de prendre les moyens de supprimer une conduite aussy dereglée que celle de la ditte postel […]. » L’affaire est instruite et une décision est rendue. «Nous juges et assesseurs […] declarons la dite marie potel convaincüe d’avoir tenü une conduite scandaleuse et en un commerce illicite avec plusieurs soldats des regimens qui ont été et qui sont en garnison dans cette ville, entre autres avec les nommés hassard musicien dans le regiment de Dilon et bois-gautier grenadier dans le regiment dorleans, conduite dans laquelle elle a constament perseveré malgré la correction humiliante luy faite par son mary, d’avoir tant de jour que de nuit mangé, bu, pris du caffé et dansé avec cette soldatesque, d’avoir prié le cabaretier de fournir audit hassard tout ce qu’il demanderoit prometant de payer toutte la depense, et pour sureté du payement d’avoir mis en gage des bas apartenans a son mary et jusqu’à sa propre jupe retirée par son mary de le cabaretier, et pour fournir a ses debauches d’avoir diverti et vendu plusieurs effets de la communauté. Pour reparation de quoy, […], avons condamné la ditte marie potel d’etre renfermée dans une maison de force pendant deux ans durant lesquels le dit chevalier la poura voir et reprendre si bon luy semble, sinon le dit temps passé sera la ditte marie potel rasée et gardée dans ladite maison de force le reste de ses jours, la charge audit chevalier de luy payer sa pension, sauf le droit de leurs enfans et a etre pourvu a leurs interets ainsy quil peut apartenir, et avons condamné la ditte potel aux depens liquidés a cent trente neuf livres deux sols quatre deniers et aux epices, conclusions et retrait de la presente. Arreté a dinan en la chambre du Conseil ce huit mars mil sept cent quatre-vingt et remis au greffe avec les charges. […] Nous, charles louis Baignoulx, greffier de la Senechaussée Royalle de dinan, certifions nous etre ce jour transporté aux prisons de ce siège. Ouverte les portes et guichets d’icelle avons fait venir laditte marie potel a laquelle ayant donné lecture en entier de la sentence cy contre et des autres parts. Elle nous a declaré s’en porter avec reverence apellante, de quoy elle a requis acte et a signé marie potel. Porte de Lamballe, anciennes prisons civiles de Dinan, François du Petit-Bois, 1807, collection Bibliothèque municipale de Dinan. Ces messieurs du Parlement auront donc à se prononcer sur cet appel.