Louis-José Barbançon, un Caldoche, auteur de plu
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Louis-José Barbançon, un Caldoche, auteur de plu
104 Louis-José Barbançon, un Caldoche, auteur de plusieurs livres courageux11 et d’une thèse remarquable, est fort injustement traité. Il en est de même pour Georges Pisier, un « autodidacte métropolitain » (p. 331), « ancien fonctionnaire d’autorité vichyste en Indochine » (p. 162). Et de quelques autres... Prolixe à l’occasion, il passe quasiment sous silence les ouvrages ou articles éminemment respectables d’un Pierre Gascher, d’un Michel Reuillard, d’une Roselène DoussetLeenhardt ou du sociologue Jean-Marie Kohler brutalement chassé de Nouvelle-Calédonie pour son indépendance de plume. Les thèses de ses pairs, les cinq docteurs calédoniens, subissent le même ostracisme. Adoptant la posture confortable de l’historien professionnel modéré, l’auteur oppose les chercheurs « engagés » aux conservateurs, les métropolitains aux Calédoniens, les autodidactes aux professionnels. Il s’acharne particulièrement sur la pauvre et sur son ancien président, une « école historique » à laquelle il appartint pourtant et dont il cautionna longtemps l’orientation12. Et, ultime inconséquence, il ne craint pas de se poser en rassembleur, à exprimer son désir de voir tous les historiens travailler en commun, qu’ils résident en Nouvelle-Calédonie ou ailleurs. Autant dire que ce n’est pas gagné ! L’ouvrage aurait sans doute mérité une relecture plus attentive : le style est laborieux, voire défectueux13, les coquilles orthographiques se comptent par dizaines, plusieurs références sont erronées, le tableau 17 est manifestement faux (p. 327), les redites pullulent ainsi que les tics d’écriture14. Dans son introduction, l’auteur appelait de ses vœux la constitution d’« une école historique calédonienne capable de dynamiser les énergies et de les mettre en synergie » (p. 8). Il traquait, dans le corps du livre, « l’émergence tardive de deux écoles historiques antipodéennes », érigées selon lui autour de la Société des études mélanésiennes () et de la . La lumière se fait en conclusion : « Quant à la question de savoir s’il existe une ou des écoles historiques, on considère qu’il existe à ce jour une école historique qui s’ignore, regroupée jusqu’à ce jour autour de Bernard Brou et de la Société d’études historiques de Nouvelle-Calédonie, et qu’il existe une école historique en gestation autour de l’université de la NouvelleCalédonie. » (p. 356) De la , il n’est plus fait mention, alors qu’elle a repris force et vigueur et qu’elle accueille désormais en son sein plusieurs historiens. La reste une école historique, mais elle ne le sait pas ! Heureusement, Frédéric Angleviel, le seul historien qui « pratique la recherche à titre professionnel sur place » (p. 306), s’emploie à combler cette lacune, non pas avec les récents docteurs en histoire qui l’ont globalement déçu mais en comptant sur « l’apparition progressive sur le SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES marché historique [sic] des étudiants d’histoire de l’ » (p. 357). Incomplet, partial, bâclé, doté d’une problématique inconsistante, le livre de Frédéric Angleviel est un livre immodeste, irritant et décevant. Joël D Historien P Richard, 1999. Thirty Years in the South Seas, Land and People, Customs and Traditions in the Bismark Archipelago and on the German Solomon Islands. Traduction John Dennison, Bathurst, Crawford House Publishing, in association with Oceania Publications, University of Sydney. L’ouvrage publié par Crawford House Publishing en 1999 est la traduction en anglais du livre de Richard Parkinson publié en 1907. La publication récente reprend la pagination de 1907 en y incluant les illustrations originales mais parfois dans un ordre différent. Une introduction de Jim Specht apporte des précisions sur la vie de Richard Parkinson. Enfant naturel du duc de Schleswig, Richard Parkinson est né en 1844. Sa formation est mal connue et sa découverte des îles du Pacifique tardive. Sans doute sous l’influence du naturaliste et ethnologue Kubary, il se rend en 1876 à Samoa en tant que planteur. Trois ans plus tard, il se marie avec Phebe Clotilda Coe, sœur de la célèbre « Queen Emma ». La même année, associé à son beau-frère Thomas Farrell et à sa belle-sœur, Parkinson s’installe avec ces derniers dans les îles du Duke of York. Là, il s’installe comme planteur et recruteur. À partir de 1887, il commence à publier des ouvrages ou des articles descriptifs traitant essentiellement de l’archipel Bismark (essentiellement sur la Nouvelle-Irlande et le Nord de la Nouvelle-Bretagne). Il a publié ainsi jusqu’à sa mort en 1909 près d’une quarantaine d’articles et deux livres dont l’ouvrage de 1907 constitue à la fois la synthèse et un de ses derniers travaux. Ses recherches s’intensifient alors qu’il est engagé par la Deutsch Neu Guinea Companie en 1890. Cette nouvelle activité lui permet de multiplier les voyages dans les îles sous contrôle allemand. Là, il intensifie les collectes de spécimens naturels et d’objets ethnographiques. Rapidement après son installation en Nouvelle Bretagne, il instaure des relations avec l’Australian Museum de Sydney puis, un peu plus tard, par l’intermédiaire de Dorsey, avec le Field Museum de Chicago. Son activité d’ethnographe amateur est parallèle voire soutenue par ses collectes qu’il 11. Dont Le pays du non-dit (Nouméa, 1991). 12. Frédéric Angleviel est élu au conseil d’administration et nommé secrétaire dès mars 1967. Il devient membre du comité de lecture en novembre de la même année et conserve cette fonction jusqu’en 1994. Une dizaine de ses contributions parurent dans le bulletin trimestriel. 13. Que penser de cet échantillon non exhaustif : « Suit une description complète de l’insurrection, et de sa direction inopinée [?] des troupes contre les insurgés » (p. 27). « Commençant par des propos cannibales [?] » (p. 32). « L’accroissement du nombre de docteurs a donc complexifié [?] la situation » (p. 285). 14. L’auteur fait un usage abusif du mot « s’avère » présent plus de cent fois dans son ouvrage. COMPTES RENDUS effectue pour lui-même ou pour le compte d’autres institutions. Thirty Years in the South Seas est la synthèse des expériences de Richard Parkinson dans les îles mélanésiennes. Ses recherches sont centrées sur les îles du Duke of York qui furent le lieu principal de sa résidence. Son ouvrage est divisé en zones géographiques, dont les cinq derniers chapitres sont consacrés à des témoignages transversaux évoquant les danses et les sociétés secrètes, les mythes, quelques notes sur les langues de Nouvelle-Bretagne, les plantes cultivées et la chasse et les premiers navigateurs ayant fait escale en Mélanésie. Le premier chapitre (le plus long) est consacré à la Nouvelle-Bretagne, avec une insistance particulière sur la péninsule de la Gazelle. Les suivants traitent de la Nouvelle-Irlande et des petites îles environnantes, des îles situées entre la Nouvelle-Irlande et Manus (qu’il est un des premiers à avoir visité en 1900), aux îles de l’Amirauté puis Buka et Bougainville. Deux petits chapitres apportent des informations sur des îles ou archipels où les témoignages anciens sont rares : les « îles de l’Ouest » (Wuvulu, Kaniet...) et les « îles de l’Est » (les enclaves polynésiennes en Mélanésie de Nuguria, Tauu et Nukumanu). Les chapitres les plus conséquents sont précédés de longues descriptions géographiques basées sur ses connaissances personnelles augmentées de nombreuses références à des textes d’explorateurs, missionnaires ou scientifiques. Ces développements sont souvent les prétextes à la mise en valeur de ressources destinées à être exploitées par de futurs colonisateurs. Suivent ensuite la description de certaines pratiques sociales (mariage, funérailles, règlement des conflits). Ses récits portent la marque d’un intérêt réel pour la culture 105 matérielle et la fabrication d’objets. Ces témoignages sont riches de détails concernant la fabrication des armes, des masques et surtout des parures corporelles. Il montre aussi une fascination particulière pour un des sujets de prédilection de son temps : le cannibalisme. Cependant, sa connaissance parfois profonde de ces sociétés donne au texte un aspect personnel qui est souvent absent chez ses contemporains ethnologues. Une certaine retenue, un goût de la précision, la citation constante de ses sources et des conditions dans lesquelles lui furent données les informations donnent à ce livre une grande valeur documentaire. La présente édition en anglais permet sans doute à des non-germanophones d’avoir accès à un texte précoce et riche d’informations, cependant qu’il pose également un problème majeur. Le chapitre consacré aux sociétés secrètes livre sans réserve au plus grand nombre des informations fondamentales aux yeux de ceux qui en conservent le secret. Alors que la version allemande, de fait, limitait l’accès à ces informations, la version anglaise risque de provoquer des problèmes au sein des sociétés dans lesquelles il existe toujours une tradition de sociétés secrètes. Par ailleurs, mise à part l’introduction biographique de Jim Specht, l’édition actuelle n’est accompagnée d’aucune note, aucune bibliographie critique ni réactualisation des cartes. On peut le regretter dans la mesure où les travaux concernant les zones de recherches de Parkinson ont été nombreux et auraient permis d’apporter des éclaircissements. Nicolas G