collectif la vie brève i jeanne candel

Transcription

collectif la vie brève i jeanne candel
Dossier pédagogique
SAISON 2011 I 2012
Robert
Plankett
COLLECTIF
LA VIE BRÈVE I
JEANNE
CANDEL
DU 2 AU 11 MAI
© Charlotte Corman
{ AU THÉÂTRE DES ABBESSES }
JEANNE CANDEL I COLLECTIF LA VIE BRÈVE
Robert Plankett
Jeanne Candel
Samuel Vittoz
CRÉATION LUMIÈRES Sylvie Mélis
SCÉNOGRAPHIE Lisa Navarro
DIRECTION MUSICALE Jeanne Sicre
MISE EN SCÈNE
DRAMATURGIE
& JEU Marie Dompnier, Lionel Dray, Sarah Le Picard, Laure Mathis, Hortense Monsaingeon,
Juliette Navis, Jan Peters, Jeanne Sicre, Marc Vittecoq
ÉCRITURE COLLECTIVE
Jean-Sébastien Bach, Franz Schubert, carton, papier kraft, Titien, Rossini, Jill Bolte Taylor, The Coasters,
Robert Garnier, cervelle de veau, Jean-Luc Godard, maïs grillé ET bien d'autres...
MATÉRIAUX
PRODUCTION
La Vie Brève
Théâtre de Vanves, scène conventionnée pour la danse
COPRODUCTION
CE TEXTE A REÇU L'AIDE À LA CRÉATION
du centre national du théâtre
ET LE SOUTIEN ARTISTIQUE
du Jeune Théâtre National.
HYMNE AUX SOUVENIRS
Que se passe-t-il quand quelqu’un de familier disparaît brutalement ?
Se mettent en mouvement les jeux de la mémoire, des sourires, des larmes douces.
Robert Plankett vient de mourir, brusquement. C’était un jeune metteur en scène et ses comédiens, incrédules, assommés,
trient dans leur mémoire et dans les affaires qu’il a laissées. Dont, entre autres, un poulet congelé avec lequel sa veuve finit
par danser… Chacun y va de ses souvenirs, moins pour le faire revivre que pour accepter son absence. D’ailleurs il est là,
silencieux, comme s’il voulait lui aussi retrouver quelque chose. La mort est forcément une énigme, surtout à cet âge-là : tous
sont jeunes et tirent d’eux-mêmes leurs mots, leurs gestes, leur comportement. Juste avec une idée de départ, ils ont, ensemble, sous le regard de Jeanne Candel, metteur en scène, inventé, au cours des répétitions, le texte et l’histoire, l’environnement simplissime, rassemblé les musiques des plus variées. Ils forment un collectif du nom de La Vie brève. Mais à aucun
moment ils ne se complaisent dans la morbidité. Au contraire. Manifestement cette brièveté doit être vécue dans l’énergie, l’humour, l’amour.
Colette Godard
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SOMMAIRE
Ondes de choc I
H. Le Tanneur
Robert Plankett par J. Candel
p. 5
Entretien avec J. Candel
p. 6
Origine du projet
p. 8
Biographies
p. 9
Presse I À écouter
p. 12
© Charlotte Corman
3
p. 4
ONDES DE CHOC
Avec Robert Plankett, fruit d’une création collective,
Jeanne Candel invente une écriture théâtrale d’une rare fraîcheur.
Traitant avec délicatesse et une pincée d’humour un sujet on ne peut plus grave.
On dit que la mort fait parler. Mais parler de la mort est ce
qu’il y a de plus difficile. En affrontant cette question délicate de la disparition d’un proche, Robert Plankett, création
collective mise en scène par Jeanne Candel, témoigne d’une
étonnante inventivité dans sa capacité à traiter un événement
douloureux sur le mode d’une distanciation légèrement désabusée. À commencer par ce gigantesque papier kraft qui
occulte le plateau, métaphore d’un horizon anéanti, d’une fermeture opaque, mais aussi d’un seuil. La mort nous renvoie
à nous-mêmes, à nos propres limites. C’est en perçant le
papier kraft, en y opérant des trouées – comme des fenêtres
– d’abord timides puis de plus en plus importantes, que le
spectacle va peu à peu révéler ses secrets. La mort produit
une onde de choc. Non seulement il y a un avant et un après,
mais il y a toute une série d’effets sur les proches, la famille,
les amis, désarçonnés par l’événement. La délicatesse du
spectacle tient précisément à la façon dont il s’attache à des
détails humains très simples. Frappé par cette onde de
choc, le moindre mot, le moindre geste prend une tonalité
différente. Un peu comme si tout ce que l’on disait perdait
de son poids ou était dévié de son sens. Avec en même temps
la nécessité de remettre de l’ordre dans ce qui a été bousculé. Un travail d’autant plus délicat qu’il est le fruit d’une
écriture collective, même si l’ensemble est dirigé et mis en
scène par Jeanne Candel. « Je suis partie d’une histoire
personnelle, mais avec le souhait de l’aborder sans pathos
en jouant sur un style décalé. C’est un événement qui m’a
tellement figée dans sa brutalité que j’ai éprouvé un besoin
très fort de remettre du mouvement. »
en résulte un spectacle d’une grande fraîcheur naviguant
entre réalisme et onirisme avec un sens du détail qui frappe
par sa justesse. « Je suis obsédée par les détails, confirme
Jeanne Candel. Des choses minuscules qui prennent de l’ampleur. Au fond, le théâtre permet beaucoup de choses. L’idée
que le mort soit présent au milieu des autres, qu’il parle et
qu’on parle de lui devant lui comme s’il n’était pas là, par
exemple, c’était presque évident, une façon de montrer
comment le mort est présent dans l’espace mental de ses
proches. Dans ce spectacle, on peut dire qu’il y a un fond
réaliste et, sur ce fond, on pose des choses comme des éraflures qui déforment et remettent plus ou moins en question ce réalisme. C’est quelque chose qui part des acteurs,
chacun étant auteur de sa scène. D’où leur liberté dans le jeu.
C’est une question de rebond. Je les provoque sur un thème,
sur une idée. Après quoi je rebondis à mon tour sur leurs propositions. Je crois beaucoup à la fiction, au récit et aux possibilités que cela ouvre dans l’espace du plateau. Mon rêve aujourd’hui, ce serait de transposer un roman dans l’espace
du théâtre. »
Hugues Le Tanneur
Le théâtre de Jeanne Candel s’appuie sur une approche originale qui implique les comédiens dans le processus d’écriture. Formée au Conservatoire, elle a effectué plusieurs stages
auprès du metteur en scène hongrois Arpad Schilling dont
la méthode l’a beaucoup marquée. Elle commence par former
des groupes en leur donnant des thèmes à partir desquels
ils doivent inventer une scène qu’ils interprèteront ensuite
devant les autres acteurs et qui seront commentées par ces
derniers. « Petit à petit on a créé un langage, un matériau
dans lequel on pouvait piocher. C’est comme un laboratoire
dans lequel s’éprouvent des idées de scènes. À un moment
donné, il faut faire un choix, assembler tout ça pour que cela
devienne un spectacle. C’est un travail de longue haleine.
On construit des modules que l’on va ensuite agencer. » Il
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ROBERT PLANKETT
PAR JEANNE CANDEL
Robert Plankett c’est le nom du personnage principal de cette histoire et il est mort, il était metteur en scène. Robert Plankett
c’est le nom « arrangé » d’une rue proche de mon appartement : rue Robert Planquette dans le 18e arrondissement.
Robert Planquette était un compositeur d’opérette influencé par Offenbach, mais ça n’a rien à voir avec notre création, seul
le nom nous intéresse.
Robert Plankett est composé d’histoires vraies, de mensonges, de papier kraft, de la petite messe solennelle de Rossini,
d’un poulet, d’un livre introuvable intitulé L’art dentaire en médecine légale, d’un chagrin d’amour, d’un cercueil et de cendres, d’une actrice qui perd la mémoire, d’un cerveau, d’une machine à crêpes, de cartons pour emballer les objets du mort,
de trous pour différents points de vue, de pommes, du temps qu’il fait pour de vrai aujourd’hui…
Jeanne Candel
CE QUI RESTE I CEUX QUI RESTENT
PROCESSUS DE RÉPÉTITION
Robert Plankett, metteur en scène contemporain, est mort
et ses proches se retrouvent dans sa maison pour s’occuper
de « ce qui reste » et essayer de faire face à cette disparition
prématurée et subite, à ce « scandale ».
Ses amis, sa compagne et une cousine germaine trient ses
affaires, se confrontent au vide, résilient ses contrats, « toutes ces petites choses auxquelles on n’a jamais pensées »,
s’interrogent sur l’absurdité de cette mort, vident son frigo,
tombent face à face avec un poulet congelé qu'« on aurait dû
mangé avec lui », tentent de trouver du sens en observant
le comportement des saumons du Pacifique, se souviennent
de moments intimes passés avec lui, réinterprètent le passé.
Pas de texte en amont de la création, tout s’est écrit au plateau
avec les acteurs. Cette écriture collective s’appuie sur des éléments composites qui prennent leur source dans différents
supports : littérature, documentaire, anecdotes personnelles,
films, peinture, etc.
Les acteurs sont convoqués sur le plateau non plus comme
simples interprètes, mais comme auteurs.
Le point de départ de cette création fut cette situation de mort
prématurée : Robert Plankett meurt d’un AVC. À partir de
cette situation traitée de manière réaliste, le jeu a consisté
à créer des décalages, des torsions, des boursouflures : une
base réaliste que l’on vient altérer, « griffer » pour créer des
« haïkus scéniques ». Un exemple : une femme décrit au public
son histoire d’amour passée avec Robert, elle raconte leur rupture amoureuse en montrant des détails sur son corps qui devient une « grande carte des sentiments », « un atlas intime » ;
à un moment, elle découvre sa cheville, montre sa malléole et
dit: «ça, c’est la boule que j’avais alors dans la gorge».
C’est un théâtre d’assemblage qui circule entre concret et
métaphore.
Consignes/Mots-clés et Rebonds
Les acteurs ont été amenés à écrire des morceaux de cette histoire de manière très concrète : je leur ai donné des canevas,
des situations, des synopsis ou des mots-clés, et je les ai laissés chercher ensemble par petits groupes que je définissais
préalablement.
L’écriture de cette création s’est donc faite au plateau et ne s’est
construite que sur les propositions des acteurs qui ne sont
plus considérés comme simples interprètes mais comme
auteurs actifs. C’est ce rebond permanent entre mes provocations et leurs propositions qui produisent la matière du
spectacle.
Montage/Associations
À partir de cette accumulation de matériaux divers, le montage
commence : comme au cinéma, je coupe, élague, transfère,
associe. Tout vient en même temps : fond et forme sont confrontés et c’est le plateau qui décide : une chose n’existe que
si le plateau est « convaincu ».
NOTES SCÉNOGRAPHIQUES
Avec Lisa Navarro, nous avons cherché un dispositif qui parlait du théâtre et qui s’en jouait par la même occasion : nous
avons conçu un grand rideau de scène éphémère puisqu’il
est en papier kraft et qu’il est déchiré chaque soir par l’acteur qui joue Robert Plankett.
Durant le prologue, Robert découpe à l’aide d’un cutter des fenêtres de taille différentes dans ce rideau qui viennent cadrer
la situation de deuil dans laquelle sont encerclés les vivants :
c’est une incision qui vient zoomer sur des détails profonds ou
prosaïques. L’espace est traité comme un agrandisseur des
toutes petites choses.
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ENTRETIEN
AVEC JEANNE CANDEL
DU COLLECTIF LA VIE BRÈVE
Comment est né le collectif La Vie Brève? D’où vient son nom?
Il n’y a pas un acteur – type mais des rencontres entre différents tempéraments que je provoque.
Pour résumer, on peut dire que pour le moment je suis la
directrice artistique de La Vie Brève. Je prends donc toutes
les décisions artistiques finales et je collabore avec mes administratrices pour les décisions inhérentes à l’administration. Cependant nous nous laissons la possibilité d’évoluer.
Si quelqu’un de nous a un projet et veut le mettre en place
avec La Vie Brève, on en discutera. Il ne s’agit donc pas d’un
collectif au sens strict du terme. Ce que je voulais affirmer
en choisissant la notion du collectif, c’est notre manière de
créer au plateau ensemble. Aujourd’hui, je me rends compte
que ça peut nous jouer des tours, car le terme est très galvaudé… et à la mode…
JEANNE CANDEL : J’ai créé le collectif La Vie Brève parce que
nous avions besoin d’une structure juridique. À la suite de trois
chantiers-laboratoires que j’avais proposés aux acteurs, José
Alfarroba (directeur du Théâtre de Vanves) et Christian
Benedetti (directeur du Théâtre-studio d’Alfortville) nous ont
invités en résidence pour créer Robert Plankett. Ces trois chantiers sont vraiment à l’origine du collectif, même si le groupe
des acteurs de l’époque n’est pas exactement le même que
celui qui finalement joue dans Robert Plankett. J’avais envie
de continuer le travail entamé avec Arpad Schilling qui avait
invité Marc Vittecoq, Juliette Navis-Bardin et moi-même à
participer à des workshops et à créer quatre spectacles entre
la Hongrie et la France. La recherche qu’il nous a proposée
consistait à questionner les outils de représentation et à considérer l’acteur non pas comme un simple interprète mais
comme un auteur/créateur. Cette rencontre est donc constitutive de La Vie Brève, même si j’avais toujours eu le désir
de faire de la mise en scène. Elle a affirmé quelque chose.
Quant au nom du collectif, il ne vient pas du nom du roman
mais d’un film réalisé par Damien Mongin (Pôle Nord) dans
lequel j’ai joué et improvisé.
Robert Plankett est le premier spectacle du collectif: comment
s’est-il élaboré ? Comment se déroule concrètement le processus de création ?
J. C. : Au début, je repartis les acteurs en groupes et je leur
donne une consigne, une question : cela peut être une question purement formelle, une question philosophique ou
scientifique, une question de contenu, un canevas très précis de scène que je leur demande de traverser, ou une situation très concrète… Chaque petit groupe part dans son coin
pour travailler seul. Ils ont un temps défini qui peut aller de
dix minutes à une journée. Quand ils sont prêts, ils montrent ce qu’ils ont préparé. Cela peut être écrit ou joué, ils
peuvent décider d’improviser, de mettre en scène, d’écrire,
ou même présenter plusieurs études répondant à la question, bref ils sont libres et responsables de leur choix, qu’ils
ont dû négocier entre eux au préalable. Une fois que tous
les groupes ont montré leur travail, on discute de ce qu’on
vient de voir. Cela peut durer des heures ! Là commence un
travail d’analyse et de critique : qu’est ce qu’on a vu, senti,
compris ? Puis je note et je trie : certaines séquences peuvent être oubliées, jetées tout de suite, d’autres réutilisées,
recyclées, d’autres gardées intactes dans le montage final. Il
y a beaucoup de déchets et c’est très important, c’est notre
grand sac à dos.
Donc, en gros, je donne aux comédiens des cadres, des provocations et des stimulations pour qu’ils puissent écrire au
plateau. Parfois ça bloque, alors on en parle ou on attend
un peu. La création collective se fait par rebonds : ils rebon-
Le collectif est constitué d’acteurs, de plusieurs metteurs en
scène et d’une scénographe. Est-ce à dire que malgré le statut de collectif, le partage des fonctions/tâches est nettement
défini ?
J. C. : Vaste question en éternel mouvement… Pour le moment,
et en ce qui concerne l’équipe de Robert Plankett, on s’accorde à dire que La Vie Brève est une compagnie “classique”
avec un metteur en scène, des acteurs-créateurs-auteurs,
une scénographe et un dramaturge, même si cette fonction
n’est pas vraiment bien nommée. Le mot collectif définit
avant tout notre manière de travailler au plateau : les acteurs
sont sollicités très activement, ils créent énormément de
matière que je monte, bidouille, réécris, un peu comme les
danseurs qui produisent des matériaux d’après les stimulations du chorégraphe, qui s’en emparent pour construire
l’objet global. Tout le monde est donc très actif selon sa personnalité et sa spécificité : certains acteurs sont, par exemple,
particulièrement doués en improvisation, d’autres ont un don
à l’écriture, d’autres sont de grands interprètes, d’autres encore regardent et écoutent, ils sont peut-être plus en retrait…
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dissent les uns sur les autres pour préparer leurs séquences
et je rebondis sur leur propositions pour construire le spectacle. Mais tout cela ne part évidemment pas du grand vide !
J’arrive avec des propositions, des questions, je propose le
thème central, ou cette idée de haïkus scéniques… Et parfois
c’est la fiction elle-même qui demande des choses. Certains
personnages, par exemple, se sont créés très tard, car ils sont
venus en contrepoint.
Comment doit-on considérer le fait que dans Robert Plankett,
ce soit justement un metteur en scène contemporain qui
meure ? C’est une forme de manifeste de votre part, un programme à la fois politique et artistique ?
J. C. : C’est quelque chose d’assez inconscient finalement. Ce
qui est suggéré, c’est l’idée qu’il faudrait tuer les maîtres. Mais
je n’ai pas cherché à la revendiquer, elle est juste présente,
calmement.
Travailler en collectif, est-ce une manière politique de faire du
théâtre ?
J. C. : Je ne sais pas ! C’est une manière de jouer ensemble, c’est
un rebond, une richesse, mais je ne revendique pas de geste politique. Pour moi cela a plus rapport à l’enfance.
Dans Robert Plankett, on observe un travail particulier (et réussi) sur le jeu de l’acteur, délesté de «toute dynamique outrée»
pour reprendre vos mots. Ce travail dans la précision et la
« détente absolue » que vous mettez en place avec les acteurs entre-t-il explicitement dans votre conception du collectif ? Autrement dit, concevez-vous le collectif comme le
lieu où peut se repenser et s’expérimenter à nouveau le jeu
de l’acteur ? Et où, du coup, peut s’établir un autre rapport
avec le spectateur ?
J. C. : A mon avis, ce n’est pas le collectif qui détermine cela,
mais mon propre goût, mon propre style, qui se trouve être
le même que celui de la plupart des artistes de La Vie Brève.
Oui, il y a une certaine communauté de goûts mais je pense
qu’un tout autre collectif pourrait s’engager sur un chemin
opposé, dans un jeu outré par exemple, qui du coup serait
son style.
Robert Plankett fait référence à la peinture classique et notamment à sa stratégie du détail : quel est le rôle des arts
plastiques et notamment de la peinture dans votre travail et
votre conception du théâtre ?
J. C. : Cela me passionne ! Je suis obsédée par le détail et la miniature, et très sensible à la peinture classique, à la composition. L’idée du cadre, du focus au théâtre m’excite beaucoup. Comment orienter le regard du spectateur sur une
chose minuscule avec les outils du théâtre ? Comment faire un
gros plan au théâtre?… Et là encore il s’agit de mon propre goût.
Propos recueillis par Myrto Reiss, aupoulailler.com, 28 avr. 2011
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ORIGINES DU PROJET
La Vie Brève est composée d’acteurs, de metteurs en scènes et d’une scénographe qui se sont rencontrés au cours de leur
formation au Conservatoire national supérieur d’Art Dramatique, au Conservatoire du 5e arrondissement de Paris, à l’École
régionale d’Acteurs de Cannes et aux Arts Décoratifs.
À notre sortie du CNSAD, Marc Vittecoq, Juliette Navis et moi-même sommes invités par Arpád Schilling et le Kretakör à participer à des workshops et à créer quatre spectacles (Éloge de l’escapologiste, Père courage, Openning office, Laborhotel).
La recherche qu’il nous propose consiste à questionner les outils de représentation et à considérer l’acteur non pas comme
un simple interprète mais comme un auteur/créateur.
Lors des workshops, perdus dans une maison de chasseur hongroise ou dans un centre de vacances anciennement voué à
accueillir de jeunes élèves communistes, nous avons cherché jour et nuit, montré des “études” dans tous les espaces possibles, attendu une journée entière seuls dans un champ (le mot-clé était “patience”), cherché comment arrêter le mouvement
d’une rivière, composé des scènes à effets spéciaux, discuté pendant des heures du rapport fond-forme et de la question
du cadre. Comme des scientifiques, nous avons fait des expériences et avons abordé une question chère à Vitez : peut-on faire
du théâtre de tout ? Simultanément à cette intense période de recherche en milieu hongrois, je lance une série de chantiers
en France avec les acteurs qui composeront plus tard le collectif La Vie Brève. Chaque laboratoire a été accueilli dans un
lieu différent : la Ferme du Buisson, une maison et sa grange dans le Lot et Garonne, des appartements parisiens et des
mjc : autant de lieux qui ont déterminé le rapport à la recherche théâtrale, à l’espace, au point de vue.
En janvier 2009, José Alfarroba (directeur du Théâtre de Vanves) et Christian Bénédetti (directeur du Théâtre-Studio
d’Alfortville) invitent La Vie Brève en résidence pour créer Robert Plankett. Le collectif La Vie Brève s’est formé en 2007.
Robert Plankett est son premier spectacle.
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© DDM, N. Saint-Affre
BIOGRAPHIES
MARIE DOMPNIER commence sa formation au Conservatoire d’Art Dramatique du Ve arrondissement de Paris et intègre la Compagnie Artéria en résidence au Théâtre du Soleil
jusqu’en 2004. En 2007, elle sort de l’école régionale d’Acteurs
de Cannes (ERAC) au sein de laquelle elle a joué notamment dans Une Orestie d’Eschyle mis en scène par Jean-Pierre
Vincent et Troilus et Cressida mise en scène d’Anne Alvaro et
David Lescot.
Durant cette formation, elle a également travaillé avec Didier
Galas, Jean François Peyret, André Markowicz. Depuis elle
a joué dans La Cerisaie mis en scène par Didier Carette, La
Seconde Surprise de l’amour mis en scène par Alexandra
Tobelaim et en 2009 elle joue dans L’Européenne écrit et
mis en scène par David Lescot. En décembre 2010, elle jouera
dans Eric Von Stroheim mis en scène par Renaud Marie
Leblanc. Au cinéma elle joue dans No Comment ! de Pierre
Henri Salfati.
JEANNE CANDEL est formée au conservatoire municipal
Gabriel Fauré (Ve arrondissement de Paris) sous la direction
de Bruno Wacrenier. En 2002, elle entre au CNSAD où elle
travaille avec Andrzej Seweryn, Joël Jouanneau, Muriel
Mayette, Philippe Adrien, Mario Gonzalès et Arpàd Schilling.
Elle a assisté Thomas Quillardet à la mise en scène des Quatre
jumelles de Copi en 2002 à Agitact et Sarah Le Picard à la
mise en scène de Platonov de Théckhov. Elle met en scène
Icare une création itinérante entre le théâtre et la danse au
CNSAD en 2004. En 2005, elle danse au sein de la Cie
AZAR dans l’Imprudence (Isabelle Catalan). Depuis 2006,
elle travaille régulièrement avec le Kretakör et Arpàd
Schilling avec qui elle crée Éloge de l’escapologiste à la MC93
(mai 2008), Père courage à Budapest et Aurillac (août 2008),
et Laborhotel à Budapest (mars 2009). Elle joue au cinéma
dans les films de Michael Hers (Primrose Hill, Montparnasse,
Memory Lane).
José Alfarroba l’invite en résidence avec le collectif La Vie
Brève pour créer ROBERT PLANKETT au Théâtre de Vanves
(Artdanthé 2010) et l’invite également à coordonner et assembler les 30 petites pièces de Montre-moi ta Pina, une
soirée dédiée à Pina Bausch (Janvier 2010).
LIONEL DRAY est formé au conservatoire municipal Gabriel
Fauré (Ve arrondissement de Paris) sous la direction de Bruno
Wacrenier et Solenne Fuimani. Puis il intègre le CNSAD et
suit les cours de Dominique Valadié, Nada Strancar, YannJoël Collin. En parallèle, il joue dans Platonov de Tchekhov
mis en scène par Sarah Le Picard et Jeanne Candel, Le Café
de Fassbinder mis en scène par Adrien Lamande, Push-up de
Roland Schimmelpfennig, mis en scène par Gabriel Dufay,
ainsi que Réception de Serge Valetti, mise en scène de Samuel
Vittoz. Au cinéma il travaille avec Jeanne Candel, Mia HansenLove, Olivier Assayas, Adrien Lamande, Elie Wajeman.
SARAH LE PICARD est formée au conservatoire du Ve arron-
dissement de Paris. Pendant ses années d’école, elle monte un
spectacle, une adaptation de Platonov, en étroite collaboration avec Jeanne Candel. Au théâtre elle travaille avec Robert
Cantarella et Noëlle Renaude, et suit des cours en Anglais à
New York sous la direction de Robert Castle. Elle rencontre
Matthieu Roy et participe à plusieurs de ses créations de 2005
à 2008 : Drames de princesses de Elfried Jelinek L’Amour
conjugal de A.Moravia et Histoire d’amour de J.-L. Lagarce,
à la Comédie de Reims. En 2009, elle joue dans Tartuffe de
Molière mis en scène par Brigitte Jaques-Wajeman. Au cinéma,
elle tourne avec Sophie Fillières, Pascal Bonitzer, Yann
Coridian, Elie Wajeman, Pascal Cervo, Mona Achache, Nicolas
Maury et Mia Hansen-Love.
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JULIETTE NAVIS-BARDIN sort du Conservatoire national
Supérieur d’Art Dramatique de Paris en 2006. Elle y a rencontré Philippe Adrien, Daniel Mesguish, Muriel Mayette, et
Arpad Schilling avec qui elle a travaillé régulièrement pendant trois ans en Hongrie comme en France. Elle joue aussi
Eglée dans La Dispute de Marivaux, en France et en Angleterre, Les Négres de Jean Genet, dans une mise en scène de
Christelle Meira à l’Athénée Louis Jouvet, et dans Dans
l’escalier-Histoires de voisinage, qu’elle met en scène et
joue au Caire. C’est au Conservatoire national de Région de
musique de Lyon, en 1999 qu’elle passe son diplôme de fin
d’étude de piano, instrument qu’elle pratique toujours
aujourd’hui. Au cinéma, elle tourne avec Vincent Garenq,
Cédric Klapish, Etienne Chatiliez… et elle travaille avec
Joann Sfar sur un projet de bande dessinée.
LAURE MATHIS
À sa sortie du CNSAD (où elle a travaillé avec Joël Jouanneau,
Dominique Valadié, Mario Gonzalès, Jean-Paul Wenzel,
Cécile Garcia- Fogel et Denis Podalydès) elle joue dans Dickie,
mis en scène par Joël Jouanneau au Théâtre de la Bastille
et dans L’Illusion comique de Corneille dans une mise en scène
de Paul Golub.
En 2005, elle entre dans la troupe permanente du CDN de
Dijon dirigé alors par Robert Cantarella. Elle joue notamment dans Hippolyte de Robert Garnier, mis en scène par
Robert Cantarella et repris au Festival d’Avignon en 2007, au
Festival d’Almada (Portugal) en 2008 puis au 104 en 2010.
En 2006, elle crée une compagnie à Dijon, “Idem collectif”,
avec deux autres comédiennes Aline Reviriaud et Elisabeth
Hölzle ; ensemble elles montent Insert, montage de textes
de Philippe Minyana (Festival Frictions 2006) et Les Bonnes
de Jean Genet et présenteront une maquette de leur troisième
projet en avril 2011 à la scène nationale de La Roche sur
Yon. Elle travaille également avec Viviana Moin sur sa prochaine création Espiral. Au cinéma, elle tourne avec Philippe
Garrel (Les Amants réguliers, La Frontière de l’aube), Jeanne
Candel, Damien Mongin et Nicolas Maury.
LISA NAVARRO
Études à l’École nationale Supérieure des Arts Décoratifs,
où elle s’oriente vers la scénographie. Par le biais de ses
études, elle aura l’occasion de rencontrer professeurs et élèves de l’École du Théâtre national de Chaillot ainsi que ceux
du CNSAD. Elle a travaillé notamment avec Hans-Peter
Cloos et Jean Paul Wenzel.
Depuis un peu plus de deux ans, elle travaille principalement pour le spectacle vivant. Elle participe à la scénographie pour des créations : de danse, en 2008 pour le chorégraphe canadien Benoit Lachambre, de théâtre, notamment
pour Sylvain Creuzevault, Bérangère Jannelle, Vincent
Ecrepont ainsi que d’opéra pour Jean Paul Scarpitta. Elle
rencontre également Gabriel Dufay avec lequel elle collabore aujourd’hui pour la scénographie de Push-up, monté
en 2009 au Théâtre de Vidy à Lausanne.
JAN PETERS est formé à l’École régionale d’Acteurs de Cannes
(ERAC) où il travaille avec Anne Alvaro, David Lescot, JeanPierre Vincent, Didier Galas, Philippe Demarle, André
Markowicz. Il joue ensuite dans Ceux qui partent à l’aventure et Racines de
Noëlle Renaude et dans Phèdre de Racine mise en scène
par Renaud Marie Leblanc. Il participe également aux travaux de “l’Institut des Recherches Menant à Rien” (l’IRMAR).
Actuellement il participe à la création de La Trilogie de la
villégiature de Goldoni mise en scène par Jeanne Candel et
Thomas Quillardet. Il vit entre Berlin et Paris.
HORTENSE MONSAINGEON a suivi une formation au conservatoire du Ve arrondissement de Paris puis à l’ERAC où elle
aborde sous forme de stages, entre autres, le jeu masqué, la
poésie, le théâtre classique, les écritures contemporaines
(intervenants : Julie Brochen, Charlotte Clamens, Xavier
Marchand, Didier Galas, Nadia Vonderheyden, Michel Corvin,
Philippe Demarle…).
Elle danse également au sein de la Compagnie Azar, et plus
récemment en 2007 dans L’Imprudence (CND de Pantin).
En 2008 elle rencontre la compagnie Idem Collectif, avec qui
elle joue le rôle de Madame dans Les Bonnes de Jean Genet,
au théâtre de l’Athéneum à Dijon. Et en 2009, elle rejoint
la compagnie Scena Nostra, pour Quanta ou la terrible histoire de Lulu Schrodinger de et mis en scène par Julie Cordier,
un conte fantastique et musical, qui se jouera au festival Nous
n’irons pas à Avignon à Vitry-sur-seine, et au Théâtre de la
Jonquière à Paris.
JEANNE SICRE
Après une formation en piano, chant choral et formation
musicale au CNR de Toulouse, elle étudie le chant lyrique
auprès de différents professeurs (actuellement M-H. Dejean
et H. Haskin), en parallèle à des études de musicologie et
d’ethnomusicologie.
Elle entre en 2004 en classe d’art dramatique du conservatoire F. Poulenc à Paris (S. Auvray-Naurroy) ; par ailleurs,
elle se forme en direction de chœur au conservatoire M.
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Ravel (avec C. Marchand) et pratique la danse flamenco.
Depuis 2004, elle participe à différents projets en tant que
comédienne (Allain et Palomides de M. Maeterlinck, Manque
de S. Kane) et en tant que chanteuse : création des Bouches
Absolues, La Décision de Brecht, Quanta conte musical de
Julie Cordier) ; en parallèle, elle enseigne l’éveil musical, le
piano et le solfège.
et les réflexions issues de ces rencontres trouvent écho et
prolongement dans le travail avec “La Vie Brève”. Il écrit
actuellement son curriculum vitae.
SAMUEL VITTOZ
Il sort du CNSAD en 2006 où il a travaillé avec Dominique
Valadié, Andrzej Seweryn, Muriel Mayette, Alain Françon,
Philippe Adrien, Caroline Marcadet et Arpàd Schilling.
Il joue dans Le Mental de l’équipe de Frédéric BélierGarcia et d’Emmanuel Bourdieu, mis en scène par Denis
Podalydès au Théâtre du Rond-point, il joue aussi dans Car
ceci est mon vin de Julien Guyomard et dans Dissident il va
sans dire de Michel Vinaver mis en scène par Gervais
Gaudreault. En 2007, il rencontre Yoshi Oida et joue dans
l’opéra Il mondo de la luna de Hayden et l’assiste à la mise
en scène de Don Giovani de Mozart en 2008. Il a mis en scène
la deuxième partie de Café de Bond en 2002 et Les Couteaux
dans les poules de David Harrower en 2005. En 2008, il
monte Réception de Valetti qu’il joue dans le Lot et
Garonne.
MARC VITTECOQ
Né en 1981 d’un père sportif et d’une mère migraineuse, il
commence véritablement le théâtre en 2001, après de longues études, auprès de Bob Villette qui, entre autres, le prépare pour le concours du Conservatoire. Au CNSAD il travaille principalement avec Muriel Mayette, Árpád Schilling
et quelques camarades. Il y monte et joue Chute libre (monologue de Yoland Simon) et Mal dansé, mal dit (projet de
Martin Barré sur des textes d’Antoine Volodine). À sa sortie, en 2006, il joue dans Phèdre Jouvet Delbo 39/45 (m.e.s
J.Kraemer) et La force de tuer de Lars Norén. Depuis juin
2007, il travaille régulièrement avec Á. Schilling et le Krétakör,
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PRESSE I À ÉCOUTER
ROBERT PLANKETT,
LA MORT TRAITÉE AVEC FRAÎCHEUR
Un gigantesque papier kraft masque une partie du plateau.
À l’avant-scène, une comédienne s’adresse au public comme
si le spectacle n’avait pas commencé. Jouant avec les codes
de la représentation, elle installe l’air de rien un processus
fictionnel habilement troussé. Parce que cette question du
commencement qui implique aussi la question de la fin, c’està-dire de la mort. Et, plus précisément, la question du passage d’un état à un autre, du franchissement irréversible
d’un seuil et de la séparation.
Robert Plankett est un jeune homme mort subitement d’un
accident de vasculaire cérébral. Tout en mettant de l’ordre
dans ses affaires, ses proches évoquent celui qui quelques
heures plus tôt était encore là parmi eux. Et d’ailleurs il est
bien là, présent à sa façon physiquement, tournant autour des
autres ou planté au milieu du décor. Une présence qui n’est
rien d’inquiétant ni de menaçant, mais qui rend la séparation
d’autant plus flagrante.
Fruit d’une écriture collective, ce spectacle regorge ainsi de
trouvailles sensibles servies par une mise en scène pleine de
fraîcheur et d’intuitions. Il y a, par exemple, ce poulet tout
bête que la compagne du défunt a acheté le matin même et
qu’elle pensait manger avec lui. Ce poulet déplumé, à la
peau rose légèrement obscène, revient comme un leitmotiv
tout au long du spectacle. Qu’en faire ? Doit-elle le manger
quand même ? Et avec qui alors ?
Une image qui s’insinue doucement mais inexorablement
jusqu’à cette danse du poulet un peu folle vers la fin de la pièce
évoquant un curieux rite chamanique.
Le spectacle met ainsi en parallèle non sans humour différentes approches de la mort. Une cervelle de mouton devient un
accessoire de jeu pour expliquer les étapes d’un accident
vasculaire cérébral, par exemple. Ce qui dans le récit du mort
se traduisait par une jolie histoire de hérisson qui parle et
que l’on suit dans la forêt. L’onirisme naïf coexistant dans
ce spectacle parfois maladroit mais délicatement distancié
avec un réalisme direct et sans fioritures. Une belle réussite
pour ce tout jeune collectif- dont le nom, La Vie brève, renvoie aussi à ce spectacle né il y a deux ans et qui avec cette
première création démontre une capacité réjouissante à
déjouer les clichés et à façonner un théâtre très libre hors
des sentiers battus.
Hughes Le Tanneur, Les Inrocks, 26 janv. 2011
À ÉCOUTER SUR FRANCE CULTURE Robert Plankett VERSION RADIOPHONIQUE
http://www.franceculture.fr/emission-l-atelier-fiction-robert-plankett-par-le-collectif-la-vie-breve-2012-01-25
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