Présentation La rose pourpre du Caire
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Présentation La rose pourpre du Caire
Cinéphilosophie - Fête des arts Projection / conférence / débat : A quoi sert l’art ? La rose pourpre du Caire de Woody Allen. Jeudi 19 mars 2015 de 14h30 à 17h00 (auditorium) La septième séance de l’atelier de cinéphilosophie coïncidera, ce mois-ci, avec la Fête des Arts et sera consacrée à la question « à quoi sert l’art ? », autour du chef-d’œuvre de Woody Allen, La rose pourpre du Caire, réalisé en 1985 et inspiré de la pièce de Pirandello, Six personnages en quête d'auteur (1921), avec, dans les rôles principaux, Mia Farrow (Cecilia) et Jeff Daniels (Tom Baxter). Un chef-d’œuvre, oui, comme sait en produire, depuis ses origines en 1895, le cinématographe - étymologiquement l’écriture ou la transposition du mouvement - lorsqu’il n’oublie pas sa vocation artistique. Car le « septième art », comme on le désigne couramment depuis 1912, n’a pas toujours eu bonne presse. Pour ses détracteurs, en effet, parmi lesquels l’écrivain Georges Duhamel, le cinéma est tout le contraire d’un art : il n’est qu’« un passe-temps d’illettrés, de créatures misérables, ahuries par leur besogne et leurs soucis », comme il l’écrit, en 1930, dans Scènes de la vie future. Mieux ou pis : le cinéma est devenu « le plus puissant instrument de conformisme moral, esthétique et politique. » Et si pour Paul Valéry le septième art est un « rêve artificiel », Walter Benjamin y voit la consécration de la distraction entendue comme procédé hypnotique qui captive l’attention au lieu de la stimuler, à la différence de la peinture qui, elle, invite à la contemplation et au recueillement. Alors que celui qui se recueille devant un tableau s’y abîme à l’instar de ce peintre chinois dont la légende raconte que, contemplant son tableau achevé, il y disparut, le cinéma, par son « effet de choc », écrit encore Walter Benjamin, transforme le « public des salles obscures » en un « examinateur distrait », les images mouvantes se substituant à ses propres pensées. Au fond, ce qu’on reproche au cinéma, c’est d’être une activité commerciale n’ayant d’autre but que d’exacerber l’appétit de divertissement du spectateur érigé en consommateur d’images. Plus profondément, l’anathème jeté sur le cinéma et, à travers lui, sur l’art mimétique, la peinture en particulier, remonte à Platon qui, dans le livre X de la République, soutient la thèse que l'art, l’art du trompe-l’œil en l’espèce, reste prisonnier de la surface, c’est-à-dire de la partie la plus superficielle des choses. L'artiste ne peut atteindre les choses telles qu'elles sont dans leur essence, mais seulement les choses telles qu'elles apparaissent être. Le problème que pointe Platon dans sa critique de l’art illusionniste, et que le cinéma ne fait que réactiver, concerne le statut de l’image, c’est-à-dire de la représentation. Le cinéma, comme toute figuration, est une image d’image, une image au carré en quelque sorte, une image de l’image perceptive à l’instar de la photographie et, mieux que la photographie, c’est une image animée, une image vivante, tellement vivante qu’elle finit par détenir une intensité et une profondeur que ne connaît pas l’original. Le cinéma, fait d’images en mouvement susceptibles de créer, en donnant l’illusion du réel, une sorte d’univers onirique parallèle à celui de la vie quotidienne, constitue sans conteste la plus formidable machine à faire fantasmer les foules qui n’ait jamais été conçue. Regarder un film nous arrache à notre monde quotidien et nous fait rêver à un monde plus dense et plus beau, celui où l’on peut vivre des aventures et de grandes passions. Et quand on sort d’une salle de cinéma comme d’un rêve pour retrouver la réalité quotidienne, le risque est grand que par contraste le réel nous paraisse décevant, fade, dur, laid, ou que nous ne puissions plus nous y adapter. La question de savoir si l’évasion par la fiction est une aliénation ou, au contraire, une forme de libération, sous-tend La rose pourpre du Caire qui ne cesse d’explorer, avec un mélange remarquable d’ingéniosité et de poésie, les rapports du réel et de la fiction. Si l’on creuse encore plus la question pour en extraire la substantifique moelle, le film de Woody Allen nous invite à une réflexion abyssale sur la valeur et la finalité de l’art dont le cinéma fait figure de parangon. A quoi sert l’art ? Pourquoi consommons-nous des œuvres d’art ? Pourquoi regardons-nous des films, lisonsnous des romans ou de la poésie, écoutons-nous des concerts ou des disques ? Si l’art semble avoir d’abord pour tâche de nous distraire d’un quotidien souvent ennuyeux et harassant, si entendre ou regarder une œuvre d’art délasse, change les idées, amuse, les artistes sont-ils seulement des clowns, des amuseurs, des marchands d’illusions qui nous en mettent plein la vue au lieu de nous aider à affronter, voire à changer le monde ? C’est à ces questions essentielles que nous essaierons de répondre ensemble après la projection de La rose pourpre du Caire. Le film est en version originale en anglais sous-titré en français. Bon film et vive le cinéma !