Pourquoi dit-on. - Extrait du journal "Direct Matin"
Transcription
Pourquoi dit-on. - Extrait du journal "Direct Matin"
POURQUOI DIT-ON... EXTRAIT DU JOURNAL "DIRECT MATIN" N° 137 / JUIN 2013 Pourquoi dit-on... "Battre la chamade" ? A l'approche d'un rendez-vous amoureux, on a souvent le cœur qui se met à "battre la chamade", c'est-à-dire que le rythme cardiaque s'accélère sous le coup de l'émotion. Le terme "chamade" vient de l'italien "chiamada" et signifie "appel au secours" dès le XVIème siècle. A l'époque, la chamade désignait le son d'une trompette ou un roulement de tambour qu'une armée émettait pour informer ses adversaires qu'elle souhaitait cesser le combat et accepter une négociation. Aujourd'hui, l'expression fait référence au rythme des battements de tambour. Contrairement à l'explication militaire qui sous-entend une reddition, le sens actuel évoque des palpitations comme au début d'une histoire sentimentale. "Un secret de polichinelle" ? Un secret qui n'en est plus un, dont tout le monde est au courant malgré les précautions prises pour garder le mystère, peut être qualifié de "secret de polichinelle". L'expression fait référence au personnage comique napolitain de Polichinelle, incarné par un comédien ou par une marionnette. Celui-ci est né au cours du XVIème siècle en même temps que la commedia dell'arte, le théâtre populaire italien. Polichinelle est représenté par un valet au physique disgracieux, vêtu de blanc et portant un masque avec un long bec noir. Il est également si bavard qu'il n'hésite pas à révéler les secrets des uns et des autres pour faire la conversation. Une personne qui s'est confiée à lui est alors persuadée que son secret est bien gardé alors qu'il est connu de tous. P. 40 "Etre un cordon-bleu" ? Tous les amateurs de gastronomie ont qualifié un jour l'auteur d'un bon plat ou un chef remarquable, de cordon-bleu. A l'origine, cette locution renvoie à une distinction remise au Moyen Age aux plus méritants. Le cordon-bleu était le ruban accroché à la croix de Malte qui était la plus haute décoration de l'ordre du Saint-Esprit, fondé par le roi Henri III (1551-1589). Les chevaliers de cet ordre étaient ainsi surnommés "les cordons-bleus" et comptaient parmi l'élite du royaume de France. Si la médaille et l'appellation ont été abolies avec la révolution de 1789, celle-ci a été remplacée par la Légion d'Honneur. Parallèlement, l'expression s'est popularisée pour désigner les bons cuisiniers. Une définition attestée par l'Académie française dès 1832. "Se croire sorti de la cuisse de Jupiter" ? D’une personne prétentieuse et imbue d’elle-même, on dit parfois qu’elle "se croit sortie de la cuisse de Jupiter", c'est-à-dire qu'elle se veut exceptionnelle. Cette expression tire ses origines du mythe gréco-romain de la naissance de Dionysos (Bacchus pour les romains), le dieu de la vigne, issu d'une relation extraconjugale entre Zeus (Jupiter) et Sémélé, une mortelle. Après que cette dernière ait été foudroyée par la puissance du roi des dieux, Zeus a extrait l'enfant de son ventre pour le placer dans sa propre cuisse. Ceci devait lui permettre de le protéger de la jalousie de sa femme légitime, Héra (Junon), jusqu'à sa naissance. Le bébé dieu jouissant de la protection divine est ensuite né trois mois plus tard, "sorti de la cuisse de Zeus/Jupiter". N° 137 / JUIN 2013 POURQUOI DIT-ON... EXTRAIT DU JOURNAL "DIRECT MATIN" "Pas folle la guêpe" ? Après une astuce bien pensée, une personne peut se vanter de son ingéniosité en s'exclamant : "Pas folle, la guêpe !" Cela lui permet ainsi de souligner à quel point elle est maligne. "Poser un lapin" ? D'une personne qui ne se rend pas à un rendez-vous et qui ne prévient pas celle qui l'attend, on dit qu'elle lui a "posé un lapin". Selon l'académicien Marc Fumarolli dans son livre des métaphores, cette expression aurait été popularisée par Jean de La Fontaine (1621-1695) dans sa fable le lièvre et les grenouilles. Cette expression est apparue au milieu du XIXème siècle, d'abord sous forme "pas bête, la guêpe". A l'époque, le corps fin de cet hyménoptère pouvait désigner une certaine finesse de l'esprit. C'est donc tout naturellement qu'un individu à l'esprit aussi fin qu'une guêpe, et donc "pas bête", pouvait être comparé à cet insecte. Dans cette histoire, le lièvre ou le lapin est décrit comme un animal "fuyant et fuyard, méfiant et peu fiable". L'expression, sous sa forme actuelle, a ensuite été popularisée au milieu du XXème siècle, notamment par la comédienne Arletty, qui l'a employée dans le film Circonstances atténuantes (1939) de Jean Boyer. Une réputation qui a ensuite servi de base à la métaphore "poser un lapin", qui décrivait au XIXème siècle une situation dans laquelle un individu s'arrangeait pour ne pas payer ses dettes. "Sortir de derrière les fagots" ? Cette locution a ensuite été généralisée dans le langage familier pour illustrer un rendez-vous manqué, pourtant fixé d'un commun accord. Pour ravir les papilles de ses invités, une personne peut leur concocter un plat "sorti de derrière les fagots", c'est-à-dire exceptionnel. Cette expression tire ses origines des habitudes de conservation du vin au XVIIIème siècle. Dans les caves, les meilleurs crus étaient précieusement gardés à l'abri des regards envieux. Il était alors courant de les cacher derrière des fagots de bois, des branchages stockés pour l'hiver en vue de faire démarrer le feu dans la cheminée. A l'époque, "sortir un vin de derrière les fagots" signifiait servir un millésime délicieux, généralement réservé aux grandes occasions. L'expression s'est ensuite généralisée à tous les aliments ou objets singuliers, qui se caractérisent par leur rareté ou leur très grande qualité. "Mi-figue Mi-raisin" ? Lorsqu'un individu a un avis mitigé sur quelque chose, il peut l a définir comme "m i-figue mi-raisin", c'est-à-dire aussi bonne que mauvaise. Cette expression, née au début du Moyen Age, est issue de la popularité des deux fruits. A l'époque, le raisin était considéré comme un mets raffiné et donc très apprécié, contrairement à la figue. Celle-ci était autrefois très courante et bon marché, et sa forme était souvent comparée à celle d'un excrément. Il arrrivait également que les marchands corinthiens (Grèce) ajoutent des morceaux de figues, lourds et peu chers, dans les raisins secs qu'ils vendaient afin de duper les clients. Dire qu'une situation ou un comportement est "mi-figue mi-raisin" signifiait donc qu'il était aussi vertueux que détestable. P. 41