Exposé des motifs

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Exposé des motifs
Direction des affaires juridiques
Service du droit privé et des affaires générales
Bureau du droit privé
2015 DAJ 16 : Délibération requérant l’engagement par la Maire de Paris, au nom et pour le compte de la
Commune de Paris, d’une plainte avec constitution de partie civile contre X du chef de diffamation
publique à l’égard d’un corps constitué, en l’espèce la Commune de Paris, aux fins de recherche, et
d’identification des personnes physiques responsables de la diffusion de propos diffamatoires tenus les 8,
9 et 10 janvier 2015 sur le site internet « http://www.foxnews.com/ » associés à des images de nature
diffamatoire, représentant une carte de Paris classant huit quartiers (cerclés de rouge et de blanc) qualifiés
de « no-go zones » c’est-à-dire de « zones interdites » et ainsi obtenir réparation du préjudice subi par la
Commune de Paris.
PROJET DE DÉLIBÉRATION
EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Au cours du mois de janvier 2015, la chaîne de télévision Fox News a diffusé plusieurs émissions relatant
l’existence en France et en particulier à Paris de « no-go zones » ou « zones interdites ».
Ces émissions ont été diffusées sur le site internet de la chaîne de télévision Fox News à l’adresse
suivante : http://www.foxnews.com/.
Une carte de Paris qui classe huit quartiers (cerclés de rouge et de blanc) en « no-go zones » a été diffusée à
plusieurs reprises dans ces émissions.
Dans le cadre de ces émissions qui montraient cette carte, des propos portant atteinte à l’honneur et à la
considération de la Commune de Paris ont été tenus, notamment par Monsieur Nolan PETERSON et
d’autres intervenants et présentateurs de cette chaîne.
Ces propos ci-dessous retranscrits, associés à la diffusion de la carte de Paris, justifient la présente
délibération afin de requérir l’engagement par la Maire de Paris, au nom et pour le compte de la Commune
de Paris, d’une plainte avec constitution de partie civile contre X du chef de diffamation publique à l’égard
d’un corps constitué, en l’espèce la Commune de Paris.
1 - C’est ainsi que le 8 janvier 2015, au cours d’une séquence vidéo intitulée « A look at the no go zones in
France :
Investigation
into
sharia
courts »
accessible
à
l’adresse
URL
http://video.foxnews.com/v/3978888136001/a-look-at-the-no-go-zones-in-france/?#sp=showclips&v=3978888136001, un intervenant, présenté par la chaîne comme un expert, affirmait :
(01:01) “In those enclaves, and remember that there are 741 one of them all over France, and that’s not
rumor or conjecture, that’s based on the French government website that list them all. These 741 no go
areas are essentially ruled by sharia law, they have no regard for French law, they do not teach French
law, they inculcate sharia. (…) Two of the three shooters at the Charlie Hebdo’s offices were born and
raised in France, they grew up in these areas and learned that blasphemers must be put to death; that’s
what they acted upon when they entered Charlie Hebdo’s offices”.
Ces propos peuvent être traduits en ces termes : « Dans ces enclaves, et souvenez-vous qu’il y en a 741 de
la sorte dans toute la France, et ce ne sont pas des rumeurs ou des conjectures, c’est basé sur le site
internet du gouvernement français qui les liste. Ces 741 zones interdites sont essentiellement régies par la
loi islamique, elles ne respectent pas la loi française, elles n’enseignent pas la loi française, elles
inculquent la loi islamique. (…) Deux des trois tireurs de l’attaque des bureaux de Charlie Hebdo sont nés
et élevés en France, ont grandi dans ces zones et ont appris que les blasphémateurs devaient être
assassinés et c’est ce sur quoi ils se sont basés quand ils ont attaqué Charlie Hebdo. ».
Quelques instants plus tard (01:49), le présentateur de la chaîne reprend la parole en affirmant :
« In other words (that) there is no French authority, so ostensibly you have a country or mini country
within a country. Why would the French allow that to happen ? ».
Ces propos peuvent être traduits de la façon suivante : « En d’autres termes, qu’il n’y a aucune autorité
française, donc vous avez ostensiblement un État, ou un mini État, à l’intérieur de l’État. Pourquoi les
français permettent-ils cela ? ».
Ces propos ci-dessus retranscrits et soulignés portent atteinte à l’honneur et à la considération de la
Commune de Paris en ce qu’ils insinuent qu’au sein de la Commune de Paris, il existerait des zones
interdites aux non-musulmans dans lesquelles la loi républicaine ne serait pas appliquée au profit de la
charia, laquelle appellerait notamment au meurtre à l’égard de ceux qui blasphèmeraient le prophète
Mahomet.
Une telle imputation relève de la loi pénale.
Il est imputé à la Commune de Paris de laisser se développer, par laxisme ou indifférence, sur son territoire
des zones de non droit dans lesquelles la loi française ne serait pas appliquée et où des incitations à
commettre des crimes, c’est-à-dire des infractions pénales, seraient autorisées ou dont la commission serait
enseignée.
Pas plus que la Commune de Paris n’a accepté qu’une loi quelconque, religieuse ou autre, se substitue à la
loi républicaine, ces propos sont d’autant plus inadmissibles qu’ils laissent croire qu’elle aurait renoncé à
assurer la sécurité des personnes mettant délibérément en danger non seulement ses résidents mais aussi
ses visiteurs, ce qui est contraire à toutes les mesures de précaution de surveillance et de maintien de
l’ordre auxquelles la Commune de Paris, assistée par les divers pouvoirs publics de la République
Française, a recours.
Imputer à une collectivité locale comme la Commune de Paris un tel comportement est attentatoire à son
honneur et à sa considération.
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2 - Par ailleurs, le 8 janvier 2015, au cours d’une séquence vidéo intitulée « Europe is finished : Terror
expert
on
Islamic
no-go
zones
»,
accessible
à
l’adresse
url
http://video.foxnews.com/v/3977622014001/europe-is-finished-terror-expert-on-islamic-no-gozones/?#sp=show-clips&v=3977622014001, étaient diffusées sur la majeure partie de l’écran des images
relatives aux actes terroristes commis à Paris comportant la légende « Paris earlier », puis un texte incrusté
au bas de l’écran « Terror in Paris ».
Le présentateur de la chaîne américaine Fox News affirmait :
00:23 : « You have these no-go zones, you have sharia courts that they have allowed, I assume that the
French they wanted to be accepting, accommodating, and not insisting on assimilation ».
Ces propos peuvent être traduits de la façon suivante : « Il y a des zones interdites, avec des tribunaux
islamiques qu’ils ont autorisé, je suppose que les Français voulaient être accueillants et accommodants et
n’ont pas insisté sur leur intégration ».
Quelques instants plus tard, au cours de la même séquence, le présentateur de la chaîne Fox News
interrompt son interlocuteur et affirme :
01:05 : « No-go zones means no non-muslim, no police, no fire, their own courts system, so basically these
countries have allowed muslims to take over parts of their country, entire portions ».
Ces propos peuvent être traduits de la façon suivante : « zones interdites signifient pas de non musulmans,
pas de police, pas de pompiers, leur propre système judiciaire, donc, en gros, ces pays ont permis aux
musulmans d’occuper certaines parties de leur pays, des parties entières ».
Quelques minutes plus tard, au cours de la même séquence, le présentateur de la chaîne Fox News
interroge son interlocuteur de la façon suivante :
04:23 : « Do you think France can get control of their country again and take over these no-go zones, stop
sharia courts ? I know prayer rugs are in just about every hotels if you go to Paris according to a friend of
mine who travelled there quite often ».
Ces propos peuvent être traduits de la façon suivante : « Pensez-vous que la France peut encore reprendre
le contrôle de son pays et reprendre le contrôle de ces zones interdites, arrêter les tribunaux islamiques ?
Je sais qu’il y a des tapis de prière à peu près dans tous les hôtels si vous allez à Paris selon un ami à moi
qui a voyagé là-bas assez souvent ».
Ces propos ci-dessus retranscrits et soulignés portent atteinte à l’honneur et à la considération de la
Commune de Paris en ce qu’ils affirment qu’en son sein, il existerait des zones interdites aux nonmusulmans dépourvues de toutes institutions républicaines et où les citoyens musulmans y vivraient de
manière autonome et exclusive en contrariété avec les principes républicains de laïcité et de respect de
l’État de droit.
La Commune de Paris aurait ainsi laissé s’installer un État religieux dans ces zones dont les principes de
gouvernance seraient contraires aux fondements de la République à tel point que des tapis de prières se
trouveraient dans tous les hôtels parisiens.
Il est ainsi imputé à la Commune de Paris de laisser se développer sur son territoire des zones de non droit
dans lesquelles la loi française ne serait pas appliquée et où elle ne pourrait ou ne voudrait pas assurer ses
obligations légales et règlementaires relatives à la tranquillité et à l’ordre public.
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Une telle imputation est attentatoire à l’honneur et à la considération de la Commune de Paris.
3 - Le 09/01/2015 une nouvelle émission était mise en ligne et accessible à l’adresse:
http://video.foxnews.com/v/3980744730001/french-no-go-zones-in-question-after-paris-terrorattacks/?#sp=show-clips.
Dans cette émission, Monsieur Nolan PETERSON était interviewé et déclarait notamment alors que la
carte de Paris était projetée simultanément pendant 10 secondes (01:47 à 01:57) :
1.47 “I think it will shock a lot of Americans to know that in a ten minutes cab ride from the Eiffel Tower,
you could be walking through streets that feel like Bagdad. There are were young men wearing Ussama
Bin Laden tee-shirts. I went to a hookah bar while I was there where they were showing a speech by Abou
Moussab Al-Zarqaoui back in 2005 who was leading an insurgency against US troups in Iraq, and the
people in the hookah bar were not in disagrement with what he was saying. And it shocked me that this
was just mainstream, nobody felt ashamed, it was just accepted that radical islamist ideology was sot of
the common ideology of the people who live in the “banlieues”.”
« Je pense que les américains seraient choqués de savoir qu’en 10 minutes de taxi depuis la Tour Eiffel,
vous pouvez marcher dans des rues qui ressemblent à Bagdad, avec des jeunes qui portent des tee-shirts à
l’effigie d’Oussama Ben Laden. (…) Je suis allé dans un bar a chicha pendant que j’étais là-bas et ils
diffusaient un discours Abou Moussab Al-Zarqaoui datant de 2005 qui menait une insurrection contre les
troupes américaines en Irak et les clients du bar à chicha n’étaient pas en désaccord avec ce qu’il disait
C’était juste accepté que les idéologies radicales islamistes faisaient partie de l’idéologie commune des
habitants de banlieues ». (…)
Il est ainsi affirmé qu’au sein de la Commune de Paris, des comportements contraires à la loi pénale
seraient autorisés et acceptés par tous de telle sorte que bien qu’en en étant informée, elle ne mettrait rien
en œuvre pour y mettre un terme.
Imputer à une collectivité de laisser se propager des comportements pouvant revêtir la qualification
d’apologie du terrorisme voire de les autoriser en fermant les yeux est contraire à son honneur et à sa
considération.
4 - Le 10 janvier 2015, lors d’une nouvelle émission de la chaîne de télévision Fox News accessible à
http://video.foxnews.com/v/3981380177001/a-look-at-the-current-environment-inl’adresse
URL
france/?#sp=show-clips&v=3981380177001, au cours de laquelle était diffusée, une nouvelle fois, une
carte de la Ville de Paris sur laquelle étaient délimitées des zones correspondant aux zones urbaines
sensibles (ZUS), qualifiées de zones interdites, un intervenant affirmait :
00:37 « There are 741 no-go zones throughout France. They are located in these ghettos that have formed
around of major cities called les “banlieues”, excuse my French (…) Well, it was pretty scary. I’ve been to
Afghanistan, Irak and Cashmere India and, at times, it felt like that, those places, the “banlieues” these
no-go zones. You see young men wearing Ussama Bin Laden tee shirts in a hookah shop, I saw a speech by
Abou Moussab Al Zarkaoui who is leading an insurgency against American troops in Iraq at the time. And
it seemed very mainstream and very accepted. This is the efforts of Islamists like the muslim brotherhood
or Al-Qaeda to recruit off the street of the no-go zones. It’s not something that’s hidden in the shadows.
It’s actually very open and it’s accepted and people just sort of go along and let this be the status quo ».
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Ces propos peuvent être traduits en ces termes : « Il y a 741 zones interdites dans toute la France. Elles
sont situées dans ces ghettos, qui se sont formés autour des grandes villes, appelés les banlieues, excusez
mon français. C’était assez effrayant. Je suis allé en Afghanistan, en Irak et au cachemire Indien et,
parfois, j’avais l’impression d’y être, dans ces banlieues, ces zones interdites. On y voit des jeunes hommes
avec des t-shirts d’Oussama Ben Laden. J’étais dans un bar/magasin à chicha et j’ai vu un discours Abou
Moussab Al-Zarkaoui qui à ce moment-là menait une révolution contre les troupes américaines en Irak.
Cela semble très ordinaire et accepté. Et les gens semblent s’en contenter et continuer le statu quo ».
Il est une nouvelle fois affirmé dans les propos ci-dessus retranscrits et soulignés qu’au sein de la
Commune de Paris, des comportements contraires à la loi pénale seraient autorisés et acceptés par tous de
telle sorte que bien qu’en en étant informée, elle ne mettrait rien en œuvre pour y mettre un terme.
Imputer à une collectivité locale de laisser se propager des infractions pénales voire de les autoriser en
fermant les yeux est contraire à l’honneur et à la considération.
***
Aux termes de l’article 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, « toute
allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou
du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction
de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si
elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue
possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés ».
L’article 30 de la même loi dispose que « la diffamation commise par [des discours, cris ou menaces
proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures,
emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en
vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au
regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique] envers les […]
corps constitués et les administrations publiques, sera punie d'une amende de 45 000 euros ».
En matière de communication audiovisuelle et/ou par voie électronique, tous les tribunaux dans le ressort
desquels les propos et/ou images ont pu être reçus ou captés sont compétents pour connaître des
poursuites pénales.
La diffusion de cartes de la Ville de Paris qui classe huit quartiers (cerclés de rouge et de blanc) en « nogo zones » ou zones interdites, ainsi que les propos reproduits et soulignés dans la présente délibération
portent atteinte, pour les raisons ci-dessus exposées, à l’honneur et à la considération de la Commune de
Paris.
L’article 48 1° de la loi du 29 juillet 1881 prévoit que « dans le cas d'injure ou de diffamation envers les
cours, tribunaux et autres corps indiqués en l'article 30, la poursuite n'aura lieu que sur une délibération
prise par eux en assemblée générale et requérant les poursuites, ou, si le corps n'a pas d'assemblée
générale, sur la plainte du chef du corps ou du ministre duquel ce corps relève ».
Il est donc de l’intérêt de la Commune de de Paris, corps constitué au sens de l’article 30 de la loi du 29
juillet 1881, de saisir la justice, par tous moyens de droit, afin que les auteurs et responsables de la
diffusion des propos ci-dessus retranscrits et soulignés associés aux images ci-dessus décrites, mis en
ligne sur internet depuis temps non prescrit, soient identifiés et sanctionnés.
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C’est pourquoi je sollicite de votre part que vous requerriez l’engagement de poursuites et m’autorisiez à
déposer, au nom et pour le compte de la Commune de Paris, une plainte avec constitution de partie civile
contre X du chef de diffamation publique envers un corps constitué, en l’espèce la Commune de Paris,
destinée à mettre en mouvement l’action publique dans le ressort du tribunal de grande instance de Paris,
afin qu’un juge d’instruction soit chargé de mener les investigations utiles pour rechercher et identifier les
personnes physiques responsables des propos ci-dessus retranscrits et soulignés associés aux images cidessus décrites et diffusées sur le site Internet de Fox News les 8, 9 et 10 janvier 2015.
Je vous prie, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir en délibérer.
La Maire de Paris.
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