art, technique, expression - Collège et lycée international de Saint
Transcription
art, technique, expression - Collège et lycée international de Saint
Saint-Germain en Laye, le 17 novembre 2015 DNB session 2016 Exemplaire à consulter sur place uniquement… Saint-Germain en Laye, le 17 novembre 2015 Histoire des Arts DNB session 2016 Partie FRANCAISE Thème 2 (arts / techniques / expression) L’ancien passage du Pont Neuf d’Eugène Atget La fontaine Stravinsky de Niki Saint Phalle & Jean Tinguely L’arbre des voyelles de Giuseppe Penone Générique de La mort aux trousses (North d’Alfred Hitchcock by Northwest) Saint-Germain en Laye, le 17 novembre 2015 « Histoire des Arts » DNB session 2016 Partie 2 Française Eugène ATGET L’ancien passage du Pont Neuf Portrait d'Eugène Atget réalisé par un Photo de Berenice Abbott photographe anonyme vers 1890 1927 – Portrait d’Eugène Atget Jean Eugène Auguste Atget (né le 12 février 1857 à Libourne et mort le 4 août 1927 à Paris) est un photographe français. Il est principalement connu pour ses photographies documentaires sur le Paris de la fin du XIXème et du début du XXème siècle. Eugène Atget est né d'un couple d'artisans de la banlieue parisienne. Orphelin à l'âge de cinq ans, il est élevé par ses grands-parents. Après de courtes études secondaires, il s'embarque comme mousse dans la Marine marchande, et sera, de 1875 à 1877, sur un navire des lignes d'Afrique. En 1878, de retour à Paris, il tente d'entrer, sans succès, aux cours d'art dramatique du Conservatoire. Il doit alors accomplir son service militaire. En 1879, il tente de nouveau le Conservatoire, et réussit. Il commence une carrière d'acteur qu'il poursuivra durant quinze ans, sans grande réussite. En 1885, il entre dans une troupe ambulante de comédiens. Son métier lui aura au moins permis de rencontrer, en 1895, Valentine Delafosse-Compagnon, qui deviendra sa femme. L'année suivante, victime d'une affection des cordes vocales, il abandonne le théâtre et Paris pour se lancer dans la peinture, le dessin et la photographie. Dès 1890, il est de retour à Paris pour s'essayer à la peinture, sans grand succès. Il comprend vite que les peintres, architectes et graphistes ont besoin de documentation, c'est alors qu'il se tourne vers la photographie. Il commence à photographier systématiquement, avec l'intention de réunir une collection documentaire à destination des peintres. Il est alors à contre-courant du mouvement photographique de ce tournant du siècle qui cherche à imiter la peinture avec des flous et des retouches, réalisant des clichés nets et détaillés mais en s'attachant au cadrage, à l'usage des lignes de fuites ou la répartition de la lumière. Il utilise également encore un appareil en bois, avec une chambre à soufflet, exigeant des poses longues pour imprimer les plaques en gelatino-bromure d'argent, négligeant les nouveaux appareils plus légers et rapides apparus au tournant du siècle. En 1899, le couple s'installe au 17 bis rue Campagne-Première, dans le quartier du Montparnasse. Malgré son illustre clientèle d'artistes (Georges Braque, André Derain, Maurice Utrillo, Maurice de Vlaminck, André Dunoyer de Segonzac, Moïse Kisling, Tsugouharu Foujita), la situation financière d'Atget est précaire (le couple vivra pendant un temps sur les seuls revenus de sa femme), particulièrement durant et après la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle il cesse progressivement de photographier jusqu'aux années 1920. Il meurt à l'âge de 70 ans, le 4 août 1927, dans la misère et est inhumé dans la 4ème division du Cimetière parisien de Bagneux. La photographie : l’un des beaux arts ? Au regard de la facilité technique avec laquelle chacun peut pratiquer la photographie, on peut se demander à quel titre celle-ci ferait partie des beaux arts. C’est supposer que l’image photographique ne fait que reproduire la réalité, que l’on se hâte alors d’identifier, de situer dans le monde que nous connaissons. Cependant, c’est oublier que si l’on reconnaît l’objet, le paysage ou la personne présent dans l’image, celle-ci produit sur nous un effet tout particulier, tout à fait distinct de “l’original”.En effet, prendre une photographie, c’est prélever un élément de la réalité commune, pour en faire un autre usage. Au lieu d’accepter les choses telles qu’elles se présentent à nous, on y opère une découpe inédite. Le cadrage est donc au centre de l’acte de photographier. Le photographe fait un “trou” dans la réalité ambiante : il s’approprie celle-ci en sorte qu’elle lui appartienne. Ce cadrage engendre une transformation radicale des éléments photographiés. Ce qui apparaît dans une photographie n’est donc pas la “réalité référentielle” mais bien plutôt une réalité hallucinée : au fond, on photographie des choses que personne n’a jamais vues. Et cela, quand bien on s’exclamerait: “Tiens, je le reconnais !” On identifie, alors, un objet qui se présente à nos yeux sous une forme renouvelée, dans une image qui porte l’estampille du regard singulier du photographe. L’opération matérielle de cadrage produit l’objet esthétique. On sait tous comment le cadre d’une fenêtre force notre regard : en classe, on tourne toujours les yeux dès que quelqu’un passe à l’extérieur, alors qu’on n’éprouverait aucun sentiment de curiosité si l’on était soi-même dehors. Dès lors, on peut dire que la photographie présente l’image cernée par le cadre, mais aussi qu’elle nous cache toute une part à nos yeux : l’image est composée à la fois de ce qui est donné à voir, et de la dimension qui demeure invisible, c’est-à-dire, le contexte d’ensemble, qui permettrait une interprétation réaliste. La photographie a évolué. Sous sa forme argentique (avec plaque de verre ou pellicule), elle est un art moderne, dans le sens où elle se pratique au moyen d’un appareil mécanique, et repose à la fois sur des calculs d’optique (mesure de la lumière, mise au point) et sur une maîtrise des éléments de la chimie (pour le développement de la pellicule et la fabrication des tirages sur papier). Aussi, la lumière imprime l’image matériellement sur le support, de la même façon que les ondes sonores se marquaient dans la cire des premiers cylindres et disques, au moyen de l’aiguille : il s’agit d’une technologie analogique. Contrairement à la peinture, qui entraîne la manipulation de la matière, l’intervention de l’appareil mécanique, dans la photographie, introduit une esthétique de l’instantané et de la série : on peut multiplier les prises de vue d’un même sujet ; chacune de ces prises de vue est déjà complète. La peinture, en revanche, suppose une succession de gestes aboutissant à un seul produit final. La photographie devient un art postmoderne avec l’introduction de la technologie numérique. Elle est alors entièrement dématérialisée : la lumière est convertie en un code informatique, au lieu de marquer la matière. Elle se prête ensuite à une dissémination illimitée par les réseaux de l’internet, et à une manipulation systématique. De même, le temps d’attente entre la prise de vue et la visualisation est réduit à une fraction de seconde, et le nombre de prises de vue est potentiellement illimité (moyennant plusieurs cartes mémoire). Par contraste, avec la photographie argentique, on peut voir l’image qu’on a prise seulement une fois que l’on a développé la pellicule. Cette démarche suppose un élément de risque où le photographe ne peut être complètement certain du résultat final, ni de l’effet que celui-ci produira sur le spectateur. PHOTOGRAPHIE : « ANCIEN PASSAGE DU PONT-NEUF » ÉLEMENTS D’ANALYSE Points techniques L’utilisation d’un objectif à grand angle renforce le dynamisme des lignes convergentes. On note aussi un effet de vignettage (l’ombre en haut, à gauche), produit quand l’image projetée par l’objectif ne couvre pas complètement la surface de la photographie. Important : Atget réalisait ses images avec une chambre (voir bibliographie infra). Qualité matérielle de l’image : il faut noter que l’utilisation d’une chambre donne une image extrêmement nette. Atget réussit à rendre le premier plan et l’arrière-plan aussi nets l’un que l’autre, ce qui accentue l’étrangeté de la scène. La réalité représentée Il ne s’agit pas des beaux quartiers de Paris, mais d’un lieu en cours de transformation : un chantier de démolition. Il est à noter aussi que la scène est vide de toute présence humaine : les objets y occupent la première place. Si l’on accepte la notion que la photographie représente une “réalité hallucinée”, ou quelque chose que l’on n’a jamais vu, cela est d’autant plus vrai d’un lieu qui est voué à disparaître : désormais, la scène n’existe plus que dans cette image, qui ne possède plus d’équivalent dans la réalité. Une telle scène fonctionne alors selon son propre dynamisme, présentant un ensemble de formes, de lignes, de valeurs, qui ont une efficacité esthétique. Composition de l’image “Règle des tiers” : classiquement, pour être esthétiquement satisfaisante, la composition d’une image doit suivre une division en trois parties (comme dans un commentaire composé à l’école !), afin de mieux situer le cœur du tableau en lien avec son contexte environnant qui, alors, fonctionne comme un nouveau “cadre” à l’intérieur de l’image. Par exemple, un paysage qui occuperait les deux tiers, sur l’axe vertical, laissant un tiers pour le ciel (ou l’inverse). Ici, l’image se divise en trois grands blocs : les poutres au sol (occupant tout le bas), le mur tenu par des étais (haut droit), et l’immeuble au fond à gauche. En suivant l’axe vertical, nous trouvons : poutres/immeuble/ciel. En suivant l’axe horizontal : poutres-immeuble-ciel (= un tiers) et mur (= un tiers). Les poutres au sol forment un triangle qui conduit l’œil du bas de l’image vers le milieu, tandis que les étais – eux aussi posés en biais – relient le milieu de l’image et le haut droit. Les roues avec brancard se distinguent par leur forme arrondie. Elles semblent composer une polarité avec l’immeuble ; les poutres font de même à l’égard des étais. Les morceaux de bois, et la charrette, apparaissent comme un assemblage de formes pures, alors que l’immeuble au fond représente une forme achevée. Cet immeuble apparaît donc comme le cœur de l’image. On peut avancer l’interprétation suivante de cette photographie : le dynamisme propre de celle-ci semble suggérer que cet immeuble risque de se voir bientôt englouti par le processus de destruction (on pourrait aussi risquer l’interprétation inversée : l’immeuble résiste à la démolition). BIBLIOGRAPHIE L’image étudiée : http://liquidnight.tumblr.com/image/270796596 Sur Eugène Atget : http://classes.bnf.fr/atget/ Consulter aussi : http://www.atgetphotography.com/The-Photographers/Eugene-Atget.html (Auteur : L. BROWN) Voir en annexe les photographies proposées Image à étudier : Eugène ATGET Ancien passage du Pont Neuf, 1913 La composition : un contre-exemple Porte de Bercy. Chemin de fer du PLM. Sortie de Paris, boulevard Poniatowski, Paris (XIIème arrondissement). 1910. Photographie d’Eugène Atget. Bibliothèque historique de la ville de Paris Saint-Germain en Laye, le 17 novembre 2015 « Histoire des Arts » DNB session 2016 Partie 2 Française Niki SAINT PHALLE (1930, Paris – 2002, San Diego) et Jean TINGUELY (1925, Fribourg – 1991, Berne) La fontaine Stravinsky (1983) A voir : exposition Niki de Saint Phalle, Grand Palais, Paris, jusqu’au 2 février 2015 La Fontaine Stravinsky est un ensemble de « sculptures-fontaines » en mouvement et/ou avec jet d’eau, dans un bassin de 580 m2. Il s’agit d’une œuvre in situ qui prend en compte les éléments architecturaux et le contexte du lieu. Lieu : Place Igor Stravinsky, Paris, place piétonne entre l’église Saint-Merri et le Centre Pompidou (Beaubourg). La place constitue la couverture-terrasse du bâtiment souterrain de l’IRCAM (Institut de recherche et de coordination acoustique/musique). Matériaux : Acier et moteurs pour les sculptures de Jean Tinguely, polyester et fibre de verre pour les sculptures de Niki de Saint Phalle. Bassin avec banc intégré est en acier inoxydable et l’eau, matériau essentiel ! L’œuvre est une commande publique de la ville de Paris, en partenariat avec le Centre Pompidou et le Ministère de la Culture, en lien avec l’IRCAM et son directeur de l’époque, Pierre Boulez. La Fontaine Stravinsky est l’œuvre commune de Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely, elle évoque l’œuvre musicale du compositeur Igor Stravinsky, compositeur russe du XXème siècle. Elle est composée de seize sculptures rendant hommage aux compositions du musicien, mais ici l’hommage ne se fait pas sous la forme d’une statue représentant le musicien, mais constitue un hommage aux sons, aux rythmes et aux figures des compostions d’Igor Stravinsky : « L’oiseau de feu » 1910, « Le sacre du printemps » 1918, « Les noces de Petrouchka » 1911, « Ragtime » 1918, « Le renard » 1916. Sept sculptures sont de Jean Tinguely : la vie, le renard, la diagonale, Ragtime, la clé de sol, six de Niki de Saint Phalle : le cœur, l’oiseau de feu, le chapeau de clown, la sirène, le serpent, le rossignol et trois sont des œuvres communes : l’éléphant, la mort, l’amour. Les sculptures de Jean Tinguely sont noires en contraste avec celles de Niki de Saint Phalle recouvertes de couleurs vives. Les formes sont courbes et généreuses. Les mécanismes engagent des mouvements divers, lents ou rapides, d’où peuvent jaillir des jets d’eau multidirectionnels. Rotations, va et vient, balancements, déclics, percussions, cliquetis… rendent l’eau et la fontaine sonores. Les rythmes réguliers des fontaines classiques sont ici remplacés par une grande diversité d’impacts sonores des chutes d’eau, mêlés aux bruits des machines/sculptures de Jean Tinguely. Le spectateur est invité à une promenade sonore autour de ce bassin, invité à s’y asseoir, à s’approcher, à multiplier les points de vue, à regarder autrement les éléments architecturaux environnants jusqu’à la nuit où la Fontaine s’éclaire. L’ensemble évoque les jeux d’enfants, les fêtes foraines, l’esprit des carnavals que Jean Tinguely avait côtoyé à Bâle en Suisse notamment. « …Les artistes visent à créer un lieu d’attraction populaire, plus proche du cirque que du monument urbain ; quelque chose, dira Tinguely, de point trop haut, d’humble et de démocratique. Un fait humain. Je ne veux pas impressionner les gens, je désire jouer avec eux, faire du cirque, jeter une attraction. Car j’ai la concurrence : formations de musique latino-américaines, cracheurs de feu, illusionnistes, saltimbanques ou baladins. Alors j’essaie de faire la même chose qu’eux. Je ne veux pas combattre la grandeur par la grandeur. Les flâneurs ne devront pas se tordre le cou comme devant la tour Eiffel ou le Centre Pompidou. Simplement tourner autour de ce catalyseur ludique, discuter à l’emporte-pièce de ces mécanismes qui glapissent comme fennecs des glaces ou craquent comme morses du désert. Farfelus, joyeux, énigmatiques, faisant semblant d’être une sculpture. L’eau seule s’élèvera au-dessus du spectateur. L’eau malléable par définition, qu’on n’a pas besoin de suivre des yeux mais qu’on enregistre. L’eau pulvérisée, brouillée, souterraine, de ruissellement, stagnante, forte, de vie, d’amour ! ». Extrait du livret du CNDP, « La Fontaine Stravinsky », 2003 L’œuvre célèbre le lien entre l’Art et la Vie, une proximité avec les spectateurs grands et petits. Si l’ensemble convie à la fête et à l’amusement, certaines sculptures rappellent la part d’ombre, une dimension tragi/comique qui évoque joyeusement notre condition mortelle. Le Nouveau Réalisme : un recyclage poétique du réel Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely ont fait parti d’un mouvement artistique majeur en France « Le Nouveau Réalisme » constitué d’un groupe d’artistes aux pratiques diverses entre 1960 et 1963. « Ces artistes affirment s’être réunis sur la base de la prise de conscience de leur « singularité collective ». En effet, dans la diversité de leur langage plastique, ils perçoivent un lieu commun à leur travail, à savoir une méthode d’appropriation directe du réel, laquelle équivaut, pour reprendre les termes de Pierre Restany, en un « recyclage poétique du réel urbain, industriel, publicitaire » (60/90. Trente ans de Nouveau Réalisme, édition La Différence, 1990, p. 76). Le terme de Nouveau Réalisme a été forgé par Pierre Restany à l’occasion d’une première exposition collective en mai 1960. En reprenant l’appellation de « réalisme », il se réfère au mouvement artistique et littéraire né au 19 e siècle qui entendait décrire, sans la magnifier, une réalité banale et quotidienne. Cependant, ce réalisme est « nouveau », de même qu’il y a un Nouveau Roman ou une Nouvelle Vague cinématographique : d’une part, il s’attache à une réalité nouvelle issue d’une société urbaine de consommation, d’autre part, son mode descriptif est lui aussi nouveau car il ne s’identifie plus à une représentation par la création d’une image adéquate, mais consiste en la présentation de l’objet que l’artiste a choisi. » Extrait du dossier pédagogique « Le Nouveau Réalisme » du Centre Pompidou http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-nouvrea/ENS-nouvrea.htm Pistes éventuellement à développer : la commande publique, le monument, la statuaire dans la ville les fontaines l’œuvre et le lieu, comment une œuvre dialogue avec l’espace public l’œuvre et le spectateur, comment les œuvres interagissent avec le spectateur l’interdisciplinarité : sculpture, peinture, mobilier urbain, musique, son, cinéma, architecture… l’œuvre réalisée à plusieurs (voir aussi « Le Cyclop » à Milly-La-Forêt, http://www.lecyclop.com (œuvre commune dont Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle) la sculpture en mouvement, la sculpture sonore recycler – créer l’œuvre comme fête Saint-Germain en Laye, le 17 novembre 2015 « Histoire des Arts » DNB session 2016 Partie 2 Française Giuseppe PENONE L’arbre des voyelles Dans un rectangle de verdure gît l'arbre pétrifié de Giuseppe Penone, comme arraché par un vent puissant, déraciné, privé de l'humus nourricier. L'arbre des voyelles est un moulage en bronze d'un chêne d’une trentaine de mètres de long et au contraire de son modèle déjà retourné à la terre, il ne pourrira pas. L’œuvre est complétée par la plantation, à l’intersection des branches, de divers (vrais) arbres : un frêne, un buis, un aulne, un peuplier, un chêne vert qui verdissent à la verticale au-dessus de l’arbre de bronze. L’arbre des voyelles photographié de profil, en hiver "Si j'ai utilisé le bronze, c'est parce qu'il est une fossilisation idéale du végétal. Le bronze a ses racines dans une culture qui est l'animisme et je ne peux penser qu'elle ait utilisé des techniques qui n'étaient pas en liaison avec la brutalité de la nature. Enfin c'est un matériau qui, si on le laisse à l'extérieur, à toutes les intempéries, prend une oxydation dont l'aspect est très similaire à celui de la feuille ou du fût des arbres." Giuseppe Penone. Gros plan sur les racines Contredisant la maxime d'Héraclite l'obscur, "Ta panta rei, ouden menei", "tout change, rien ne perdure", Giuseppe Penone suspend le temps, jouant avec la notion de pourrissement et d'intemporalité. C'est une méditation romantique sur la fragilité des choses. La sculpture nous renvoie ainsi à la terrible tempête de 1999, la tempête du siècle, qui a dévasté la forêt française. Réminiscence ou plutôt prémonition d'un cataclysme (l'oeuvre date elle aussi de 1999), l'arbre est simplement beau, d'une force brutale liée à la violence des éléments qui l'ont terrassé. D'une beauté aujourd'hui apaisée au milieu des herbes et des fleurs qui chaque printemps l'encerclent un peu plus. Un memento mori qui nous renvoie à notre propre mortalité. L’arbre des voyelles, en hiver L'oeuvre s'inscrit parfaitement dans le paysage. Elle change au gré des saisons soulignant l'ambiguïté entre l'artifice et la nature. De loin on pourrait ne pas l'identifier comme une création humaine tant l'arbre se confond avec la végétation. En même temps l'arbre déraciné s'oppose ironiquement à la perfection classique des parterres. Quel jardinier laisserait un arbre mort au beau milieu d'un jardin à la française, un jardin dessiné à l'origine par Le Nôtre au 17ème siècle? Pourquoi l'arbre des voyelles? Y-a-t-il un rapport avec le poème de Rimbaud? Avec la sculpture cubiste de Jacques Lipchitz " Le chant des voyelles"? Lipchitz précisait en 1948 que le titre de sa sculpture, une harpe, n'avait pas de rapport avec le poème rimbaldien mais avec une légende de l'Egypte ancienne selon laquelle existe une prière, le chant des voyelles, pour appeler, ou exorciser, les forces de la nature. Ici au jardin des Tuileries, les forces de la nature ont eu raison de l'arbre mais comme dans les forêts préhistoriques pétrifiées, l'arbre survit, ou plutôt son image, pris dans une élégante gangue de bronze. Giuseppe Penone est né en 1947 en Italie. Il est issu de l'arte povera. La nature, source de son inspiration, nourrit toute son oeuvre. L'arbre des voyelles est une commande du Ministère de la Culture et de la Communication. Il a été réalisé avec la participation de Pascal Cribier, architecte paysagiste. Le moulage en bronze, commande publique, résistera au temps et ne risque pas de connaître de problème de maintenance comme l'installation complexe des colonnes de Buren dans la cour du Palais Royal. A coté des sculptures mythologiques classiques et des oeuvres de Maillol, le jardin de sculptures des Tuileries comprend, depuis 1998, de nombreuses oeuvres contemporaines. L’arbre des voyelles au printemps Texte et photos: Catherine-Alice Palagret janvier 2008 Giuseppe Penone, né le 3 avril 1947 à Garessio, province de Cuneo, dans le Piémont, région montagneuse en Italie, est un artiste et sculpteur italien représentant du courant artistique Arte Povera. Il vit et travaille à Turin et enseigne à l’École nationale supérieure des beauxarts de Paris. Penone est fils et petit-fils d'agriculteurs. Il est le dernier arrivé au sein de l’Arte Povera où il réalise un parcours atypique. Son travail puise son essence et sa force au sein de la terre de son village, où il développera une sensibilité particulière à la nature. Après avoir terminé l'école secondaire avec un diplôme en comptabilité, il entre à l'Accademia Albertina di Belle Arti de Turin. Dans le premier de ses nombreux écrits, Penone se demandait si emblématiquement la terre pourrait assimiler et exprimer l'être humain. Depuis, l'artiste a continué à s'interroger sur la terre, considérée comme une substance universelle. Dès ses premiers travaux de la fin des années 1960 à nos jours, la production de Penone a été dominée par une préoccupation pour les phénomènes de la nature. Ses œuvres les plus célèbres sont Alberi (Arbres). En 2000, son Arbre des voyelles est installé dans le parc de sculptures du jardin des Tuileries. Une rétrospective lui est consacrée au Centre Georges Pompidou en 2004. Saint-Germain en Laye, le 17 novembre 2015 « Histoire des Arts » DNB session 2016 Partie 2 Française Alfred HITCHCOCK La mort aux trousses (North by Northwest) 1. Présentation du réalisateur Alfred Hitchcock (Londres, 1899 – Los Angeles, 1980) Après une carrière à succès dans son pays natal à l’époque du muet et au début du parlant (il réalise le premier film parlant européen Chantage en 1929), Hitchcock part s’installer à Hollywood en 1939, appelé par David O. Selznick, le patron tout puissant de la MGM. En avril 1955, il acquiert la citoyenneté américaine, tout en conservant sa citoyenneté britannique. Pionnier de nombreuses techniques dans le genre du thriller (film qui provoque une certaine tension chez le spectateur, un sentiment de peur à l’idée de ce qui pourrait arriver aux personnages), Hitchcock est considéré comme l’un des réalisateurs les plus influents sur le plan stylistique, installant les notions de suspense (émotion qui se caractérise par une incertitude liée au développement d’un événement inachevé) et de MacGuffin dans le cinéma. Hitchcock a défini lui-même le MacGuffin : « C'est l'élément moteur qui apparaît dans n'importe quel scénario. Dans les histoires de voleurs c'est presque toujours le collier, et dans les histoires d'espionnage, c'est fatalement le document. » Hitchcock emploie ce concept dans beaucoup de films car les convoitises qu’il suscite entraînent les héros dans une suite de péripéties. Par exemple les formules secrètes des 39 marches, l'uranium dans les bouteilles de vin dans Les Enchaînés, la somme d'argent volée dans Psychose et Pas de printemps pour Marnie, le couple d'inséparables dans Les Oiseaux ou bien les bijoux dans La Main au collet. Pour Hitchcock lui-même, son meilleur MacGuffin était celui de La Mort aux trousses car les « secrets du gouvernement » dont il est question durant tout le film n'existent même pas sous la forme de documents : ils restent une pure abstraction. Ses thrillers se caractérisent le plus souvent par une habile combinaison entre tension et humour. Doué par ailleurs d’un sens aigu de l’autopromotion, notamment par ses caméos (apparition en clin d’œil dans ses films), Hitchcock demeure encore aujourd’hui l’une des personnalités du XXe siècle les plus reconnaissables et les plus connues à travers le monde. 2. Présentation de sa filmographie Au cours de ses quelques soixante années de carrière, il réalise une cinquantaine de longs métrages. Il est considéré comme le « Maître du suspense ». Les thèmes récurrents de ses films sont la peur, la perte d’identité, la culpabilité, l’innocent persécuté. Période anglaise 1926 The Pleasure Garden 1929 Chantage / Blackmail 1930 Murder 1934 L’Homme qui en savait trop / The Man who knew two much 1935 Les Trente-neuf marches / The Thirty-Nine steps 1939 L’Auberge de la Jamaïque / Jamaica Inn Période américaine 1940 Rebecca 1941 Soupçons / Suspicion 1942 Cinquième colonne / Saboteur 1945 La Maison du Dr. Edwardes / Spellbound 1946 Les Enchaînés / Notorious 1954 Le Meurtre était presque parfait / Dial M for murder Fenêtre sur cour / Rear Window 1955 1956 1958 1960 1963 1964 La Main au collet / To catch a thief L’Homme qui en savait trop / The Man who knew two much Sueurs froides / Vertigo Psychose / Psycho Les Oiseaux / The Birds Pas de printemps pour Marnie / Marnie En conclusion, Alfred Hitchcock est un réalisateur perfectionniste, le moindre détail participe à la mise en scène. Il adore jouer avec le public : chez lui, tout n’est que trucage et manipulation. On dit de lui qu’il préfère la direction de spectateurs à la direction d’acteurs. On retrouve dans presque tous ses films l’actrice hithcockienne par excellence : blonde, grande, mince, élégante, froide mais non dénuée de sentiments. 3. Présentation de La Mort aux trousses Fiche technique titre original : North by Northwest pays et date : Etats-unis, 1959 réalisation : Alfred Hitchcock scénario : Ernest Lehman production : durée : générique : compositeur : Metro-Goldwyn-Meyer (MGM) 2h16 Saul Bass Bernard Herrmann Synopsis Le publicitaire Roger Thornhill est confondu avec un espion nommé George Kaplan par une organisation criminelle qui tente de le supprimer. Parvenant à échapper aux mains de Philipp Vandamm, le chef de cette organisation, Thornhill se lance à la poursuite du véritable Kaplan, dont il ignore qu’il s’agit en réalité d’un leurre inventé par le gouvernement. Dans le train pour Chicago, il est séduit par Eve Kendall, qui lui tend un piège en l’envoyant dans un lieu désert où un avion tente de l’abattre. Il s’avère pourtant qu’Eve joue un double jeu : infiltrée auprès de Vandamm, dont elle est la compagne, elle est en fait au service du gouvernement. Après avoir simulé le meurtre de Tornhill par Eve pour lever les soupçons portés sur elle, tous deux s’allient pour déjouer la fuite de Vandamm sur le Mont Rushmore. Distribution Roger O. Thornhill : Cary Grant Eve Kendall : Eva Marie Saint Philipp Vandamm : James Mason Leonard : Martin Landau La Mort aux trousses est, de tous ses films, l’un des plus admirés et cités. C’est un véritable mode d’emploi du cinéma de ce cinéaste définissant aussi bien sa mise en scène que sa relation au spectateur, révélant ses obsessions thématiques et esthétiques. Hitchcock a inventé le film d’action moderne, définissant le genre (les James Bond vont suivre) : course-poursuite, humour désinvolte, glamour, méchants remarquables, scènes de bravoure… Présentation d’une œuvre par les documentalistes dans le cadre de l’Histoire des Arts 4. Le contexte historique Après la seconde guerre mondiale, les deux grands vainqueurs, Etats-Unis et URSS sont en désaccord sur l’organisation du monde : désaccord idéologique, politique, économique… Ces deux pays se dotent d’alliés militaires et bientôt deux blocs se retrouvent face à face : le bloc occidental et le bloc communiste. Les EtatsUnis et l’URSS vont s’affronter directement en Corée (1950-1953) mais le reste du temps, c’est une lutte d’influence par pays interposés. C’est la grande époque des espions, de la conquête spatiale. On appelle cette période La Guerre Froide. Le partage de l’Allemagne et le Mur de Berlin (édifié en 1961) sont le symbole de cette guerre entre les deux grandes puissances. Le scénario de La Mort aux trousses ne cite aucune nationalité et ne revendique aucun engagement pour jouer en apparence la seule carte du divertissement. Le contexte historique est pourtant bien présent : trois sites emblématiques de l’histoire des Etats-Unis sont présents à l’image et pour deux d’entre eux dans le scénario : le siège des Organisations Unies à New York, le Capitole à Washington, et le Mont Rushmore, près de Rapid City, dans le Dakota du Sud. Le site a été rendu célèbre par les visages géants, sculptés dans la roche entre 1927 et 1941, de quatre présidents américains prestigieux (George Washington, Thomas Jefferson, Theodore Roosevelt, Abraham Lincoln). Des meurtres sont commis dans ces lieux, les symboles se trouvent malmenés. A travers ce film, Alfred Hitchcock nous parle bien des peurs de son époque, celle de la Guerre Froide, et des forces obscures guidant le destin des hommes. La Mort aux trousses : analyse du générique Un générique est une partie d'un film, d'une émission de radio ou d'une émission de télévision indiquant les personnes physiques ou morales qui ont participé à la création de l'œuvre. Le générique peut apparaître au début de l'œuvre (générique d'ouverture ou générique de début) ou à la fin (générique de fin ou générique de fermeture). 1. Le travail de Saul Bass (New-york, 1920 - Los Angeles, 1996) Saul Bass est un graphiste qui réalise des affiches et génériques de films. Il a travaillé essentiellement pour Alfred Hitchcock et Otto Preminger. C'est notamment grâce à Saul Bass que le générique de début est devenu une véritable introduction au film, une « mise en condition du spectateur » et non plus une liste de noms, invitant les projectionnistes à ouvrir le rideau dès le générique. Il a inventé le générique moderne sur le film L'Homme au bras d'or film réalisé par Otto Preminger en 1955. Pour ce film, Saul Bass s’est inspiré de l’abstraction géométrique des peintures de Mondrian. La couleur verte apparaît avant même le générique proprement dit puisqu’elle remplace le fond noir où s’inscrit habituellement le lion rugissant de la MGM. Après la disparition de la mascotte des studios, des séries de lignes traversent l’écran. Ces lignes obliques entrecroisées de lignes verticales suggèrent un filet, une cage, une grille : le héros sera pris comme un poisson dans un filet, il est enfermé dans une identité qui n’est pas la sienne. Roger O. Thornhill n’existe plus, il est remplacé par George Kaplan. Et comme tout animal pris au piège, sa vie est en danger. Puis viennent les noms du générique qui suivent le tracé du quadrillage. Bass choisit d’associer à ces noms un rectangle blanc qui, en sens inverse, accompagne leur trajectoire comme le contrepoids d’un ascenseur. La dynamique du mouvement se fait vers la droite et le haut. Les noms apparaissent verticalement et s’immobilisent dans le mouvement oblique : ils sont pris dans le filet. Les noms semblent actionnés par une machinerie, ils ne circulent pas librement : le héros va être projeté à travers les Etats-Unis par la force motrice de l’espion factice, Kaplan. Toutes ces lignes en mouvement annoncent les voyages, les déplacements, les changements de directions. La transition au plan suivant se fait grâce à un « fondu-enchaîné » (l’image A disparaît progressivement, en même temps l’image B apparaît alors que A n'a pas encore quitté l'écran. Si bien que, pendant un instant, A et B se superposent : il y a comme une courte surimpression). On aperçoit la façade d’un immeuble vitré en perspective. Les noms continuent d’apparaître dans un mouvement de haut vers le bas ou de bas vers le haut. Le décor est situé : l’action se passe à New York, on le sait grâce aux taxis jaunes et dans le monde des affaires, l’immeuble n’est pas un immeuble d’habitation mais un bâtiment renfermant des bureaux. Nous passons à un autre plan à l’aide d’un autre « fondu-enchaîné ». C’est un plan moyen large qui montre les employés qui sortent au bas de l’immeuble. Dans un mouvement horizontal, nous continuons de voir les employés, les passants sur le trottoir, les noms du générique. A partir de ce moment du générique, les plans sont moyens larges, la transition entre eux se fait grâce à un raccord franc. Le suivant est réalisé en plongée (de haut en bas) sur la foule qui s’engouffre dans le métro. Cela nous donne une indication temporelle : c’est la fin de la journée de travail. Le plan suivant nous montre toujours le même mouvement horizontal : les noms du générique, les véhicules. Cela se poursuit avec un plan réalisé en contre-plongée (de bas en haut) : descente massive des employés dans l’escalier d’une entreprise, chacun est pressé de rentrer chez lui. Les plans suivants se passent à nouveau dans la rue, deux femmes se disputent un taxi. Nous apercevons les passants, les véhicules. Rien n’est laissé au hasard. Tous ces mouvements sont aussi précis que les lignes dessinées par Saul Bass. Nous assistons à une chorégraphie. Hitchcock nous montre des anonymes, dans un environnement quotidien mais cela va se détraquer. Le héros, Roger Thornhill, fait partie de cette foule mais l’étau va bientôt se refermer sui lui. L’avant-dernier plan nous présente la scène du caméo. Hitchcock entre par la gauche dans le champ de la caméra. Il semble courir après son nom et sa fonction (directed by) qui filent vers la droite et lui échappent lorsque les portes du bus se referment devant lui. Le dernier plan nous ramène à la sortie de l’immeuble de bureaux du début du générique. On peut dire que ce dernier forme une boucle. 2. Le travail de Bernard Herrmann (New-York, 1911 – Los Angeles, 1975) Ce compositeur et chef d’orchestre a travaillé avec Alfred Hitchcock sur six films. Pour celui-ci, la musique a été composée entre janvier et mars 1959. Elle représente 47 minutes sur un film de 136 minutes. Elle est presque entièrement off, c’est-à-dire qu’elle a été composée et ajoutée au film. Le générique musical présente le film, un peu comme l’ouverture d’un opéra fait par l’orchestre : c’est un mélange des thèmes qui seront entendus dans le film et qui donne l’atmosphère générale ou le genre. Ici, on retrouve toutes les caractéristiques d’un film d’action. Il y a 204 mesures et le titre original du morceau est The wild ride (la course folle). Herrmann a adopté le style et le rythme de la danse espagnole du fandango, danse ponctuée par des castagnettes. Il a fait appel à un orchestre symphonique mais a réservé une place essentielle aux vents. L’emploi des cordes est très limité et souvent en sourdine. Il n’y a pas de structure véritablement définie, la partition consiste pour l’essentiel à décliner les deux thèmes musicaux principaux que l’on retrouve dans le film en différentes variations. Les deux thèmes correspondent aux deux identités du héros. La course des citoyens new-yorkais et le rythme effréné de la partition musicale préfigurent les poursuites qui jalonnent le film.
Documents pareils
La mort aux trousses complet
Hitchcock est considéré comme l’un des réalisateurs les plus influents sur le plan stylistique, installant les notions de suspense (émotion qui se caractérise par une incertitude liée au développem...
Plus en détail