BÛCHERONS L`HIVER, CULTIVATEURS L`ÉTÉ

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BÛCHERONS L`HIVER, CULTIVATEURS L`ÉTÉ
L’été à la ferme, l’hiver au chantier
Une sorte de moyen âge préindustriel
Pendant deux siècles le métier de bucheron ou de forestier a profondément marqué l’imaginaire
québécois. Le chantier hivernal et la drave printanière ont servi de prétexte à une profusion de
récits et de contes et de légendes qui mettent en scène des personnages doués d’une force peu
commun ou d’une habileté extraordinaire. Chaque région forestière connait ses Jos Monferrand
et ses Louis Cyr, élevés à la dimension de mythe par la tradition orale. Dans la seconde moitié du
XXe siècle, toutefois, la génération et l’utilisation de la scie à chaine relègue les récits de chantier
à une époque qui semble lointaine à nos contemporains à une sorte moyen âge préindustriel, dont
nos grands-parents ont pourtant été acteurs ou témoins.
Le bucheron
Est un professionnel de l’abattage (coupe) des arbres. Les cultivateurs exercent aussi souvent ce
type d’activité pour tirer des forets qu’ils gèrent un
revenu et se chauffer. C’est un des métiers
statistiquement les plus risqué quant aux accidents.
Le camp de bucherons
Représente plus qu’une construction rudimentaire ou
temporaire au Québec. Il constitue une véritable
institution qui trahit un mode de vie.
Camp de bûcherons 1917
Il y eu deux grande périodes pour l’exploitation de la forêt:
La première pour la construction navale et la seconde pour la
« pitoune » (billot de bois pour pâtes à papier et autre produit du
bois) dont la matière première était l’épinette noire. C’est à cette
dernière période qu’on doit l’origine du développement industriel
du lac Saint-Jean. Le camp forestier reconstitué dans le Parc des
sentiers de la nature représente un camp au début du 20e siècle.
Le cook
Le cook était un élément important dans la vie du camp et certains travailleurs refusaient d’aller
dans un camp, plutôt que dans un autre, si le cuisinier n’était pas bon. Ce dernier était alors
surnommé le «bouilleux». Le cuisinier avait un assistant « chore boy». Il s’occupait de charroyer
l’eau et le bois et d’aider le « cook ». C’est aussi lui qui nettoyait le camp.
La vie de bûcheron était réservée à la gent masculin, il n’y a normalement qu’une femme: la
femme du foreman (contremaître). Il n’y a donc pas de femme aux fourneaux pour faire saliver et
pour cuisiner… les hommes.
à la suite de l’introduction de nouveau ingrédients comme la farine, le corned-beef, les fèves
blanches, le thé chinois, le sucre, les raison secs, le boeuf frais, les légumes, le beurre et la
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confiture. Certains camps demeuraient cependant trop éloignés ou trop pauvres pour se procurer
ces produits, mais en général, is sont tous devenus plus accessibles à cette époque. Le fond de
cette marmite en fonte avait une forme que s’ajustait à celle des rondelles du poêle.
La batterie de cuisine
La batterie dont se servait le cuisinier s’est enrichie au cours de la dernière partie du X1Xe siècle,
e de la viande rôtie se répandait dans le camp, mais les bûcherons
n’avaient pas le droit d’entrer dans la salle à manger, peu importe leur
appétit jusqu’à ce que le cuisinier sonne la cloche. Le son de la cloche
était suivi de grondement de bottines de travail sur les trottoirs de bois à
mesure que les bûcherons se ruaient vers la salle à manger.
« Je vous ai parlé d’un «couque» que j’ai connu dans un chantier du
Maine ? Il avait le secret des crêpes et des galettes de sarrasin comme
pas une « créature » est capable d’en délayer. Elles fondaient dans la bouche. Seulement on
n’avait pas l’agrément d’en parler à table parce qu’il fallait garder le silence ».
Les bûcherons se déchaussaient avant d’entrer dans la salle à manger et puis prenaient place dans
une des rangées de longues tables pleine de nourriture. Après une dure journée de travail, les
travailleurs avaient bon appétit et consommaient jusqu’à 9 000 calories par jour.
Le cuisinier se levait tôt
Debout vers les 4 heures du matin, il travaillait habituellement jusqu’à 21 heures ou plus tard.
Entre temps, il servait le déjeuner et le dîner et souper en plus d’avoir un montage de vaisselle et
de casserole à laver. Personne ne se formalisait outre mesure si le cuisinier avait mauvais
caractère, du moment qu’il était compétent, car ses repas pouvait faire le succès ou la ruine du
camp. C’est aussi lui qui nettoyait le camp. p.7. La vie du bûcheron était réservée à la gent
masculine. Il n’y a normalement qu’une femme, la femme du foreman (contremaître). Il n’y a
donc pas de femmes aux fourneaux pour faire saliver …les hommes.
« Parfois Certains travailleurs refusaient d’aller travailler dans un camp plutôt que dans un
autre si le «cook» n’était pas bon. Ce dernier était alors appel le « bouilleux ». Le cuisinier avait
parfois un assistant, le « Shore boy ». (Germain Côté).
À 5 heures du soir
Le « cook » frappe sur un triangle en fonte, avec une énorme fourchette à la viande, et appelle
ainsi au souper les rares habitants du dépôt. C’est
l’Angélus de la forêt doux comme des Ave. On court à
la cuisine. La table recouverte d’un tapis en toile
blanche, offre ses mets délicieux: haricots au lard cuit
sous la cendre; pain sortant du four thé noir comme du
rhum; pomme de terre et ragoût de castor. Le dessert:
des prunes bleues, flottant dans un sirop ambre.
- Un fricot pour à « souaire ».
- Ça sera bon, avec une truite, de l’oignon, une
brique de lard et pis un brin de cannelle…
- On s’emplira comme des salauds.
- Je dirai au cuisiner d’ouvrir une boîte de tomate, pour compléter le fricot.
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La salle à manger
L’arôme de la viande rôtie se répandait dans le camp, mais les bûcherons n’avaient pas le droit
d’entrer dans la salle à manger, peu importe leur appétit
jusqu’à ce que le cuisinier sonne la cloche. Le son de la
cloche était suivi de grondement de bottines de travail
sur les trottoirs de bois à mesure que les bûcherons se
ruaient vers la salle à manger.
Les bûcherons se déchaussaient avant d’entrer dans la
salle à manger et puis prenaient place dans une des
rangées de longues tables pleine de nourriture. Après
une dure journée de travail, les travailleurs avaient bon
appétit et consommaient jusqu’à 9 000 calories par jour.
Le thé de chantier
« C’est un bon thé, mais c’est pas encore un vrai thé de chantier. Parlez-moi d’un thé assez fort
qu’il porte la hache, sans misère!
Un bon cuisinier valait son pesant d’or
Car la qualité de sa nourriture pouvait grandement influencer sur le moral des hommes. Jusqu’à
la fin du X1Xe siècle le régime alimentaire du bûcheron était très
simple: lard salé, haricots, biscuits de matelot ou « bannique » et pois
séché. Tout était cuit sur un grand feu de bois érigé au centre du camp
ou sur le foyer de la cambuse. Peu à peu, avec l’expansion des
colonies jusqu’au environ des camps, les travailleurs forestiers ont pu
avoir accès à des aliments frais tandis que l’introduction de poêle a
permis de préparer la nourriture plus rapidement et de l’apprêter de façon plus variées.
Manger et sortez
Voilà en quoi consistait la règle dans les camps forestiers. En effet, en l’absence de «syndict»
pour réclamer des périodes de repos obligatoires et une journée normale, le bûcheron du X1Xe
siècle était tenu de se mettre au travail le plus rapidement possible. D’énorme repas étaient
souvent avalés en 10 ou 15 minutes et les échange verbaux se limitaient à «passe-moi le pain»,
un homme ne pouvaient manger et parler en même temps. Une profusion de crêpes, de haricot,
de rôti de bœuf ou de porc, de tartes et de biscuits procuraient aux hommes le carburant dont ils
avaient besoin. En effet, les bûcherons brûlaient deux fois plus de calories que la plupart des
travailleurs des centres urbains.
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La hiérarchie du camp
La hiérarchie s’étendait jusque dans le réfectoire et la salle à manger. Les nouveaux venus
s’assoyaient aux tables les plus éloignées des plats et souvent il restait peu de nourriture dans les
plats quand arrivait leur tour de manger. Dans certains camps, les amis essayaient de se
regrouper pour pouvoir parler durant le repas. Par contre, dans d’autres camps, c’était le silence
complet durant le repas.
Les serveurs
Les serveurs se promenaient parmi les travailleurs, s’assurant de remplir les plats vides et ils
apportaient des plateaux de pain et de pâtisseries aux bûcherons. Habituellement, les serveurs
travaillaient de 4 h 30 à 9 h 30 pour la préparation du déjeuner puis de 10 h 45 à 13 h 30 pour le
dîner et finalement de 15 h 45 jusqu’à ce tous les travailleurs soient nourris et que le travail soit
terminé. Avant la 2e guerre mondiale, les travailleurs étaient tous des hommes, mais après la
guerre, les femmes ont commencé à travailler dans les réfectoires pour nourrir les bûcherons
affamés.
Les tables
Habituellement très longues, les tables où étaient servis les repas
pouvaient asseoir de 20 à 30 hommes, et ce sans égard à l’envergure des
camps qui pouvaient varier d’une poignée d’homme à une centaine de
travailleurs. Règle générale, on prévoyait un pichet de lait, un sucrier et un
beurrier pour six hommes.
Les pichets (1880) dont on voit ici un exemple contenaient
habituellement un mélange de lait en poudre et de lait en conserve.
Le poêle à deux ponts
Ce bâtiment était chauffé avec un poêle appelé « truie à deux ponts».
Chaque homme devait s’en occuper à tour de rôle, car les habitants
du camp ne voulaient pas se réveiller avec les pieds gelés et du
frimas sur la moustache.
La boite à bois
«Venant apportait le bois dans le bûcher. Depuis son arrivée, du
bois fin et des éclats pour les feux vifs, du bois de marée, pour les
feux de durée, il y en avait toujours. Il veillait à remplir franchement
la boite à bois sans les détours d’Amable qui réussissait, en y jetant une coupe de brassée pêlemêle, à la faire paraître comble ».
La « truie »
Ne criez pas à l’horreur, madame! Je répète « la truie ». C’est le nom consacré par des
âges de bucherons, pour la fournaise en tôle bleue, ayant un diamètre de 2
pieds et une longueur de 2 aunes. On la nomme aussi « chienne ». Et
pendant tout l’hiver, surtout des nuits hurlantes et grogneuse de froid, on
entend des suppliques, des ordres
- Félix, chauffe plus fort, la neige à m’tinbe sur le front
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-
Maudite truie, on gèle, icite
C’te chienne là, si j’me lève, a va s’emplir
Zigonne-là …zigonne là… tu vois ben pauvre toé qu’à se meurt.
Le « kérosène »
Le « cook »s’éclairait toujours au kérosène, combustible également employé dans l’ensemble du
camp.
Pour tous les habitants du camp sauf le cuisinier, les lumières s’éteignaient à 21 heures (9h). La
plupart des hommes ne s’en plaignaient pas, car ils étaient harassés de leur journée.
Le dortoir
Le camp était fait de plusieurs bâtiments dont le plus imposant était le quartier de bûcherons. Les
hommes y vivaient à plusieurs dans des conditions de vie rudimentaires. Ils dormaient sur des lits
de bois tapissés de branches d’épinette qui était appelé des «bed à beu». Occasionnellement, une
épidémie de poux pouvait sévir et pouvait grandement agacer les dormeurs. Apparemment, en
retournant leur maillot de corps les hommes gagnaient une heure de tranquillité, car les poux
prenaient une heure pour traverser le tissu! S’il réussissait à s’endormir avant que les poux aient
traversé à nouveau son vêtement, il avait droit à une bonne nuit. Il était donc difficile pour un
bûcheron de « dormir comme une bûche ».
« Mont’ en haut Desrochers,
« Mont’ en haut pour t’épouiller
« Car les poux de ta couchette
« Sont aussi gros qu’une épinette.
Repos
Et dans le calme féerique des heures de repos, la « truies » et la « chienne », chauffées à blanc,
étirent en flammeroles pétillantes le cordon de bois qu’elle avale gloutonnement à tous les heures.
Je bourre la fournaise. Les tisons se sauvent tellement vite que le tuyau en est tout rouge. La
poudrerie gambade autour du chantier. Elle s’assomme aux vitres. Elle étreint la cheminé ronde.
Les mousses des joints sont effrayés de pareille furie et se font des signaux. Avec un peu
d’imagination, je les verrais lancer des S.O.S., sur le bois des murs. La porte mal fermée, taquine
la folie blanche. La neige entre juste assez pour bomber un rayon sur le plancher lequel aussitôt
meurt d’effroi, en voyant la grosse bête accroupie à bouche édentée, crachant du feu.
La meule à aiguiser
La meule à aiguiser tient une place d’honneur sous la fenêtre. Dimanche est pour elle aussi jour
de repos. Il semble qu’elle se courbe davantage, coquettement, lorsque les hommes déposent,
coquettement sur son auge épaisse savonnette, la petite bouteille de parfum à 10 sous, la poudre
qui « sent pareil à celle de Philomène «Comme à Paris, ma chère).
Calfeutrage du camp
Toutes les ouvertures, entre les poutres horizontales du carré, sont fermées. Quatre hommes
charroient la mouse humide, avec des sacs. D’autre la masse entre dans les joints. Rien de plus
charmant que ces guirlandes jaunes, rouges, mauves, roses et vertes, en couche légères qui
sèchent en jetant leur parfum de savane, et laissent, à la bonne chaleur des tiges fragiles
.Banderoles légères, rayons poilus, que les braves forestiers caressent souvent, en amis.
- Regarde le beau paquet blond, à ma tête, c’est pareil comme les cheveux de Césarine.
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Certains contremaîtres engageaient des musiciens et chanteurs n’ayant aucune expérience dans la
coupe du bois afin de divertir les travailleurs. Félix Leclerc a été de ceux-là.
Latuque voit le jour de l’un des plus grands artistes le 2 août 1914.
Cette neige rose … résume toute la femme
Et ceux qui, toute une semaine durant, ont senti, sur leur joues avivées, les pincés du froid, la
flagellation des ramures, retrouvent tout le bonheur posant sur des visages lavés cette neige rose,
qui, pour eux, résume toute la femme.
Les contremaîtres
Ferdinand Boisvert est un célibataire de 44 ans. Face anguleuse, regard noir, très vif. Une peau
tannée, des joues proéminentes dénotent un rien de sang sauvage. Il est
le meilleur homme de barge et de canot, dans tout le Saint Maurice…
Ses hommes l’aiment beaucoup quoique il ait une physionomie sévère
et ne cause que rarement. Boisvert a un patois distinct «Tabernacle» qui
donne une force nerveuse à sa conversation. Depuis l’âge de 15 ans,
« ce coureur des bois » travaille dans le même région. Il saute un rapide
debout sur un billot, et conduit les barges lorsqu’il y a danger pour ses
rameurs, découvrant les roches cachées, à la couleur de l’eau. Chacun
aime le voir marcher. Quelle souplesse de tigre dans tous ses
mouvements. Ses pieds effleurent à peine le sol. On conçoit bien chezlui une pratique de 25 ans à courir sur les buches flottantes. Et chacun
de ses pas soulèvent presque la terre.
Un contremaître endimanché
Pantalon gris-clair, étouffé aux genoux par des grands bas brun, à rayure vertes; chemise jaune,
mouchoir en soie violette, à picots blancs autour du cou; botte chocolat allant à mi-jambe;
chapeau de cow-boy, avec cordelette rouge, pressant sur le feutre des plumes de pivert, en
éventail. Tel est l’accoutrement d’un contremaitre endimanché.
Joseph Boisclerc « doyen des bucheux »
Il est âgé de 68 ans. Il est le fondateur de la paroisse Saint-Michel-des-Saints avec le curé
Brossard, digne émule de Mrg Labelle. À lui revient l’honneur d’avoir ouvert le premier chemin
du lac Clair, et aussi celui de la construction de le première digue dans le district, il y a près d’un
demi-siècle. L’habitude est bien une seconde nature chez Boischer. Il continue de manger que du
porc salé froid, du pain sans beurre mais trempé dans la mélasse, après chaque bouchée de
viande. Tel est le menu, dans les bois en 1880.
Le vieillard déteste les commis, ces blancs becs du progrès, et sans être brusque avec eux notre
bonhomme, chaque soir, en fumant sa pipe bourrée, enregistre lui-même le temps de ses
employés, dans un carnet noirci par la poussière du tabac, qui gonfle toujours ses poches. Son
expression favorite « C… de C…, Ce n’est pas Chevalier de Colomb, croyez-moi.
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Arthur Deslauriers, surmommé « Caraquet »
Parce qu’il est né au pays des huîtres délicieuses. Jeune patriote canadien-français, comme vous
et moi, et conduit toutes les opérations forestières. Il doit voir à la nourriture et à l’entretient de
plus de 2 000 hommes, et faire descendre 5 000 000 à 8 000 000 de billots, chaque printemps vers
le Saint-Maurice. Ces responsabilités ne l’empêchent pas d’être le plus affable des garçons et de
traiter en intime tous ceux qui depuis toujours préparent la civilisation future en abattant les
arbres, et alimentent la prospérité actuelle, par l’industrie du bois de papier.
Trois hourras pour le grand boss
A peine avait-il ouvert la porte qu’un tonneau dissimulé dans le pignon lui vide son contenu sur
la tête. 40 gallons d’eau glacée le saluent et mêlent leurs glouglous cinglants aux rires des
employés. Ce baptême d’automne d’un surintendant est de tradition sacrée, au lac Clair. Le
forgeron, toujours aidé de l’inséparable Laurence, avait travaillé pendant deux soirs afin
d’installer le baril, quand Deslauriers annonça par téléphone son départ de Saint-Michel. Une
corde adroitement tirée par la porte elle-même fit le reste.
L’office
Un autre bâtiment, plus petit, servait de magasin, c’était l’office. C’était là que le commis
s’occupait de procurer aux bûcherons du tabac, des couvertures, des limes et d’autres biens, mais
pas d’alcool, car l’alcool était interdit au camp. Le commis était aussi chargé de la comptabilité
et de la paye des hommes. Il était le bras droit du « jobber ». Les responsables du camp
« le jobber » avait son propre logis. Il était engagé par la compagnie forestière et était responsable
du bon fonctionnement du camp. Il n’était pas nécessairement instruit, mais avait un bon sens des
affaires. C’était également lui qui recrutait tous les hommes pour travailler au camp.
« J’apporte un steack d’orignal.
J’ai « chancé », au creek Bouteille…C’est un mâle, bien entendu … Vous me verrez pas Valade
tuer ane femelle, surtout à c’temps icitte, parce que elles ont leurs petits depuis ane
semaine...Venez pesez- ça commis…
Deux cent hommes flânent, dorment, fument, rient autour des bâtiments, couchés à l’ombre des
érables, furetant parmi le potager, jouant sur la grève du lac.
L’audition des livres
Retour au bureau, l’audition des livres est rapide:
Un baril de porc, 7 sacs de farine, 100 livres de fèves, 50 livres de pois, 20 livres de thé, etc,
Tout cela en 6 jours. Coût moyen des repas Homme 16 centimes. Chevaux 50.
Note Envoyer de la viande fraîche, 200 minots d’avoine et 10 000 livres de foin pour le mois
prochain.
Nous partons curieux de voir cette belle viande neuve
Dans le hangar principal, où s’alignent les provisions, au total de 250 000$. Une vingtaine de
chats s’amusent, sautent et griffent. Ces gentilles bêtes s’amusent, valent leur pesant d’or car les
rats, par milliers, auraient vite fait de déchirer les sacs contenant plus de 5 400 minots d’avoine,
les 1 500 sacs de farine, pois, haricots.
Des cordes à linge sont tendues.
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Jeune saule ébranché, de la grosseur du bras, et supporté par des broches, au-dessus du poêle, ou
plutôt de la ….. Toute la garde-robe s’y entasse. Les bottes des charretiers laissent tomber leurs
miettes de crottin, à côté des chemises secouant de leurs dos les aiguillettes de sapin ou de cyprès.
Un pantalon ballonnant courtise un mouchoir jaune. Une mitaine baille, pendue par le pouce, et
endort en valsant sa voisine, une bretelle usées.
« Dans un des chantiers, une dizaine de vieux sont déjà à leur aise. Les pieds nus s’étirent,
laissent voir des orteils plissées comme des figues sèches. Les chemises évaporent la sueur sur
les gaules tendues entre deux ormes ».
L’installation pour le lavage
À nous 3, nous lavons 25 paires de couvertes par jour. Grasse matinée à bourrer les pipes tout en
bourrant les poêles qui réchauffent notre eau. Savez-vous que c’est une profession de laver les
couvertes du Lac Clair?
Deux poêles sont installés dans un gros chaland de 35 pieds de long. Quatre bouilloires de 20
gallons chacune y pérorent. Elles préparent un savonnage de la plus belle eau. Une énorme
barrique s’écrase dans un coin du plancher flottant. Son utilité : salle de rinçage. Les deux tuyaux
galeux sont attachés par des fils de fer : perchoir de grive. Les rondins de cèdes et de pins secs
comme des vendredis s’évaporent en flammèche.
A l’aide de grappins, la laine mouillée est tirée dans les chaudières. Chaque bouillotte dure une
heure. Puis, refroidissement, par un rinçage à tour de bras dans l’onde. Enfin chaque partie est
pressée à l’essoreuse qui happe, tire, assèche.
Les couvertes sont alors étendues sur l’herbe au grand plaisir de Chanteclerc, pouvant offrir des
tapis d’Orient à ses poules. Orgie de picotement, à travers les carrés nets, pour trouver des
cadavres des bandits du camp Sale et d’ailleurs. Les punaises s’offrent toujours les premières.
Elles ont gardé même dans la mort leur tinte frais et rose. Et les colonies à plume y vont de tous
ses becs.
L’équarrisseur Laurence préside au pliage. Ses grands bras se prêtent admirablement à
l’opération. Puis il aime la laine. Cela lui rappelle le métier de l’aïeule. Toute une époque
ressuscite. C’est tendrement qu’il leur parle.
Le hangar principal
Le hangar principal
Le hagard principal offre un aspect de foire: sac de fèves et de pois, sucre, riz, et farine, raisins,
pruneaux séchés, sel fin, gros sel, épices, thé, café,
etc...s’entassent près de la portes en tas colorés, en
courbes jaunes ou brunes. Assiettes, soucoupes en fer
blanc, gobelets, couteaux de table, fourchettes, cuillères
en étain, tombent pèle mêle
Le camp pouvait comprendre plusieurs bâtiments
améliorés.
Les camps situés dans des endroits plus reculés
pouvaient avoir plusieurs bâtiments et employer plus de 100 hommes à temps plein. Les
composantes essentielles de ces camps était le dortoir et la
« cookerie », de même que la cache où était stockés les provisions du camp.
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Il y avait aussi l’office la limerie, l’écurie, la forge et la tour des garde-feu.
Reste la visite au hangar à foin. Il y fait une chaleur de ferme. Les gars aspirent cet arôme de la
terre et deviennent pensifs. Sans doute, il revoient Cécile et Thérèse levant les veillottes, d’un
geste gracieux, pour les jeter, gorge nue, sur la charge montante là-bas au pays.
Les quatre chiens
Accourent joyeusement. Ils sautent sur le visiteur. Tous veulent à la fois une parole, ne tape
amicale. Les énormes bêtes ouvrent la route, jappent
se retournent, reviennent, s’en vont, s’immobilisent,
se sentent au derrière. Les queues noires, mélanges de
craie et de suie, les queues jaunes, oscillent sans arrêt
« tictaquant» la joie de vivre.
Les loisirs
On fume beaucoup
Et les pipes donc! Pipe en bruyère, en plâtre, en chêne, arrondissement des têtes rondes à
cervelle grises. La blague à tabac, dégonflée, se contente de peu, un clou. Les allumettes, en
écolières dorment ici et là, abandonnées.
- Mon cher M. Laurence, ce cigare vient de Saint-Jacques. Il a poussé chez-nous.
- À cette condition-là, j’peux pas refuser. Mais soyez pas mortifié si je fume par étape, dans
ma pipe du dimanche. Ça fera de la belle cendre pour frotter la «fine» (hache). Il tourne
son cigare entre ses mains, le porte à ses narines. Enfin il le « fourre », d’un coup, dans
sa poche de chemise.
La touchante grandeur de ces riens
Le portrait de la mère, celui de la future épouse, le crucifix, le chapelet, les médailles du tonnerre,
de la bonne mort, de la peur, toute cette poudre du ciel enfin, repose un cœur taillé au couteau,
large comme un cœur de bucheron et entouré d’une guirlande volée à la soie d’un ancien faux –
col. Certains contremaîtres engageaient des musiciens et chanteurs n’ayant aucune expérience
dans la coupe du bois afin de divertir les travailleurs. Félix Leclerc a été de ceux-là.
Latuque voit le jour de l’un des plus grands artistes le 2 août 1914.
Le violoneux
Dionne Desrosiers entre avec son violon, chaussé de bottes aux
genoux, avec lacets traînants. Sa poitrine velue se gonfle sous
la laine. Pas de soie ici, à fleur de peau. Il prend place sur la
balance où trône un énorme sac de gruau moelleux, à lettres
rouges, entourant une couronne royale. Applaudissement
prolongés. Chacun se pousse du coude.
- Y t’la frotte, lui l’archet. C’es le meilleur poignet du canton.
Les « danceux »
Les danceux se donnent la main, tournent sur eux-même, par deux fois, se font une référence,
toussent et regardent le violoneux.
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– Gratte-nous le « reel» du pendu!
Tous les titres sont bons pour Desrochers. Il commence une gigue endiablée. Avec justesse mes
danceux augmentent leurs pas et accordent. Deux cent semelles sur le plancher, à l’unisson. Le
cou des admirateurs s’étirent. Les bottes des danseurs tapent les planches avec plus de force. Ils
se prennent la main rapidement, change de place, se salue et recommence. Le violon court, vole,
tonne.
Les « gigueux »
Les applaudissements, les hourras, encouragent nos héros. Leurs mouchoirs planent,
horizontalement au-dessus des épaules. La sueur laisse
des coulisses blanches sur leurs fronts poudreux. Les
mouvements recommencent, plus rapides encore. J’ai à
peine le temps de suivre cette agilité nerveuse. Les deux
pieds, à la fois, sautent en l’air pour retomber en
pétarades suivies. Écartement et rapprochement des deux,
jambes, bout de semelle sur le plancher, suivi d’une tape
sur les cuisses. Enfin toute la beauté de cet exercice légué
par les aïeux. Peu surprenant qu’avec de tels jarrets, ils
aient couvert un monde. Le joueur de violon, épuisé, s’est
arrêté avant les danseurs. Ces derniers ont gigué pendant
20 minutes. La décision de Deslauriers, montre en main, collé à une lanterne est digne de foi
La fête continue
Morceau d’accordéon par Réal Archambeau, jeune commis qui fera l’inspection des billots.
- Réal brasse-nous donc «La Marseillaise »!
- Frotte-nous la « Madelon »!
- Défrippe la « Petite Tonkinoise »!
- Étire-nous donc «Isabeau »!
Les airs demandés se succèdent parmi le vivats et les rires de satisfaction. Le musicien joue
ensuite: « Minuit chrétien, Vive la Canadienne, Par derrière chez mon père, C’est la mère
Michel, Ô Carillon, la casquette du père Chaput, etc..
Musique à bouche
cTrois musiques à bouche charment à leur tour de rôle.
Puis Boisvert joue un air de guimbarde, ou ruine babine.
En terminant, il remarque:
- Les ceuss qui veulent avoir la paix dans le
mariage, y n’ont qu’à enseigner c’te musique à
leu belles-mères.
Ces derniers jouent un fox-trot, puis un two steps, deux
tangos et finissent par un charleston. Le grotesque des
danseurs. Quelle mimique parfaite! Jamais je n’ai tant ri. Il semble que la danse moderne
répugne instinctivement à ces bucherons naïfs.
Une danse carrée continue le bal
Les filles sont choisies. Quatre gars solides se laissent attacher les mouchoirs bleus au coude. Le
« set » commence. Deslauriers est choisie pour « caller »
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- Promenade
- Salute your partner!
- Swing la baquaise!
- À la man a lef (Gentlemen to the left)
Les guirlandes humaines se forment. Avec quelle énergie les couples tournent, sans attouchement
équivoques.
- Les descentre gent around…(Ladies in the center, Gent’s around )…
- All swing (Tournez tous ).
Les toupies de chair tournent. Ici et là un pas de gigue. Des cris « Au jour! au jour!…Violon,
musique à bouche, guimbarde, hurlent leur symphonies. La danse se termine dans la joie, la
franchise, la fatigue représente la bonne gaieté du 18e siècle. Tel a été une soirée pour ouvrit une
saison rude offerte au pays par ses plus valeureux enfants). Si vous n’aimez par nos moqueries,
vous aimez pas nos pères. C’était des rudes comme nous autres…torrieux!
La fièvre du samedi soir
Notre guide nous explique que, si la vie est dure au camp, on sait aussi faire la fête, le samedi,
veille du seul congé dominical, on s’amuse à des jeux d’adresse comme le tir au poignet, on
chante et on se raconte des histoires. De grandes légendes québécoises, comme la chasse-galerie,
sont nées de ces soirées. Mais attention: rien de tout cela ne doit être fait sous le signe de l’alcool.
On ne boit pas dans les bois.
Divertissements
On transformait de vieux barils, des boîtes et divers rebus en meuble pour l’intérieur et l’extérieur
du camp. Des causeuses telles que celle-ci étaient probablement
utilisées par des musiciens ou des conteurs d’histoire, qui, les
samedis soirs occupaient un espace spéciale dans le camp,
procurant animation et divertissement. P. 11
Les meubles utilisés dans le camp étaient fabriqués sur place, près
d’une réserve, de matériaux facile d’accès.
Note : Le siège de cette chaise est fait de deux pièces de bois. Les
pattes et les bâtons sont fixés à l’aide chevilles, tandis que le
dossier est cloué. Les meubles de ce genre étaient habituellement
confectionnés le dimanche.
Le samedi soir et le dimanche
Dans les camps de bûcherons le travail n’occupait pas la semaine entière, car le dimanche était
congé pour tous, sauf pour le cuisiner.
Le samedi soir était consacré à diverses formes de divertissement: on faisait de la musique, on
chantait, on dansait, on se racontait des histoires et on jouait des jeux.
Le dimanche, les hommes en profitaient pour faire leur lessive, raccommoder leurs chaussettes,
sculpter du bois ou continuer une histoire entamée la veille.
Les airs demandés se succèdent parmi le vivats et les rires de satisfaction. Le musicien joue
ensuite: Minuit chrétien,
Vive la Canadienne,
Par derrière chez mon père,
C’est la mère Michel,
[Texte]
Page 11
Ô Carillon,
La casquette du père Chaput, etc..
Des couteaux croches étaient souvent fabriqués
À partir de vieilles lames de rasoir limées que l’on fixait à un manche de bois sculpté. Conçus
selon une méthode élaborée à l’origine par les premières nations. Ces couteaux étaient employés
pour les travaux de ferme et forestier ainsi que pour fabriquer des colifichets et d’autres
décorations créatives.
Note : Sur le manche on a sculpté un motif floral ou de feuillage
- Les boîtes de bois sculptée étaient contenant de la résine d’épinette et munies d’un
couvercle étaient très prisée dans les camps.
- Les bûcherons sculptaient parfois, des boîtes de bois, en forme de livre, pour contenir des
cadeaux de résine d’épinette pour leurs bien-aimées, qu’ils ne verraient que le printemps.
- Bien que les activités de sculpture au couteau eussent surtout lieu le dimanche, on
pouvait s’y adonner subrepticement pendant quelques minutes le soir entre le souper et
l’extinction des lumières
Ceux qui savent écrire font de la correspondance et aide ceux qui ne le savent pas.
Le «scrimshaw»
Cette sculpture composée de bois, d’ivoire, de verroterie et de laine
témoigne d’un sentiment religieux, comme l’indique la présence des
cloches de la croix. Si les matelots construisent des navires à l’intérieur
des bouteilles, les bûcherons n’avaient rien à envier car ils avaient le
scrimshaw. En raison de leur relatif éloignement, les camps de bûcherons
recevaient rarement la visite des prêtres et des pasteurs. De toute
évidence, le créateur de cette sculpture avait su garder sa foi bien vivante.
Certains contremaîtres engageaient des musiciens et chanteurs n’ayant
aucune expérience dans la groupe du bois afin de divertir les travailleurs.
La prière du soir
Ces papas ont des moeurs. Vous ne le prendrez pas à conter fleurette
à Saturne, encore moins à Vénus. L’un d’eux, Georges Thiffaut, de
Saint-Adelphe, propose la prière du soir. Les pipes se vident. La
fumée tombe sur le sol avec les cendres. On s’agenouille autour des
bancs, bouleaux fendus et le chapelet commence.
- J’vous salue Marie... le chapelet sur ces longs membres, imite
un bruit d’ossement. Il recommence:
- J’vous salue Marie... Et l’on entend dix voix, pleines
d’années répondre, à l’unisson
- Soit-il!
Le diseur de prière n’a pas oublié ses Actes. Les commandements sont un peu écorchés. Ceux de
l’Église, écourtinés. Peu importe le bon Dieu n’est pas sourd.
[Texte]
Page 12
Le curé Damphousse confesse
Il en profitait pour confesser les bûcherons et malheur à ceux qui ne se confessaient pas. Ils
étaient regardés de travers et par les autres et par le contracteur. Bon gré mal gré, ça coûtait 1 $
par homme pour les deux sacrements et ce montant était retenu sur le salaire du bûcheron.
À tour de rôle chacun entre ou sort du confessionnal.
Une fois par mois nous recevons du courrier apporté par un abbé. (Mario Bergeron, Trois-Rivières)
Qui donc ose éveiller les poissons
Flic! Flac! Flic! Intrigué, j’ouvre la porte. À 100 pas, dans la petite baie, en face des constructions
neuves, des truites saumonées, à la douzaine, et pesant au moins 8 livres chacune, montrent leur
flan aux étoiles reculantes. Paul Charrette réussit à s’éveiller. Puis il sort dehors, regarder l’aube.
Ses mains sur la bouche, il crie : « Léve!.. Lève..! Léve ».Les collines maussades, au vent de
rêves brisées, répondent : Lève! Lève! Lève!
La clenche de la porte
La clenche de la porte tombe plus doucement, bourrée de neige. Mon ami entre, secoue les bras,
frappe ses jambes sur le parquet, tape sa tuque sur ses épaules, puis sur la fournaise qui chante sa
joie depuis tantôt. Avec son mouchoir, il essuie un front d’accordéon. Sa
barbe luit. L’eau du ciel, figée, s’y évapore.
Gomme d’épinette
Une bonbonnière se bombe de morceaux de gomme d’épinette.
Les Conteurs
La chasse-galerie
Ce conte écrit par Honoré Beaugrand fit référence à un groupe de
bûcherons de l’Outaouais qui un soir, décident de conclure un pacte avec le diable pour aller voir
leur blonde (leurs filles amis et leurs femmes) dans la région de Montréal
en canot volent, l’espace d’une nuit, la ville du jour de l’an. Ils s’engagent
à revenir au camp à 6 h. du matin sans quoi le diable prendra possession
de leur âme.
Chemin faisant, les hommes prennent un coup, s’enivrent au whishy
blanc et, de place ne place, le canot zigzague de plus en plus, il faut dire
qu’à cette époque lointaine, on ne prévenait pas encore les conducteurs
contre la conduite en état d’ébriété…, si bien que le canot fonce tout
droit dans un arbre laissant les hommes choir dans la neige. Tous en
sortent sains et saufs, mais ils sont compris la leçon.
Au parc d’attraction de la Ronde, le manège « la pitoune » est doté
d’une sculpture où l’on voit des bûcherons, un canot volant et le diable,
soit un représentation de la plus célèbre légende canadienne.
Ça me rappelle histoire
Je conduis l’aïeul à sa future demeure, tout à côté de la masure du forgeron.
Il jase, gesticule et crache copieusement. Ses yeux voient une chenille, tapon
de soie qui rampe, sur une gaule séchée.
[Texte]
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- Quin, la gueuse!… dit-il, en l’écrasant de sa botte lourde. Puis me tapant sur l’épaule, j’en vibre
encore, il continue:
Vous avez le temps, y a ben 40 ans, un nommé Jean Ratinet, qui venait de la belle France. Y
faisait ane religion à lui. « J’ai la foi », qu’il disait. « Ma foi a moi »…Y parlait d’un homme
Lamanas (LaMennais), de vol à terre (Voltaire), d’Jacque Ruisseau (Rousseau) de Dit pas Trop
(Diderot), des gars que j’ai jamais vu ni connu. Puis de Varsaille (Versailles) et des Tuilerie. Y
a ben ri de moé quand je lui demandé si les Tuileries c’était des belles femmes. C’est ben moé
qui savait que c’était le château du roi.
Donc pour revenir à ma chenille, un printemps les chenilles dévorent tout dans la paroisse.
L’curé au prône, un dimanche, promet ane procession pour les conjurer. Dans la semaine, au jour
dit, tout le monde arrive à l’église, et bedeau en tête, nous v’la partis dans la grand rue, en
salamandiant (psalmodiant) les Litanies. J’priais comme les autres et je criais « Ora pas vite!»
(Ora pro nobis).
Devant le chantier de Radinet pas d’image sainte, mais y avait de monter, sus la toiture, un
drapeau de France. J’ai toujours aimé les couleurs… Aussi j’ai ôté mon
casque, à chaque fois que j’ai passé devant un… Comme je saluais le celui
à Ratinet, v’la-ti pas que notre homme qui promenait un Saint-Joseph tout
doré dans son jardin, suivi d’une moutonne qu’il avait apprivoisée. Et mes
oreilles entendent le drôle qui crie à pleine tête « Ecaucez Ratinet, Exaucez
Ratinet… Et moé de répondre, ben entendu: « Ora pas si vite ».
Un éclat de rire fuse comme des balles. Une autre tape m’ébranle. Le vieux
tout courbé de plaisir, se frappe le genou et termine. « Vous m’crairez pas,
toutes les chenilles étaient rendues dans le jardin du curé.
Je vais vous parler un p’tit brin de Clément Valade
Vous serez moins surpris quand vous le verrez. Y vient le samedi, des fois, pour changer une
fesse d’orignal avec d’autres provisions du «store»... Depuis 10 ans que je viens icitte me gagner
un beau 100$ par mois, en plus de la nourriture, afin d’attendre les récoltes, j’ai ben connu
Valade… C’est d’abord géant de 6 p, qui pèse 250 livres, tout compté… Y a déjà assommé un
ours avec ses points… si vous voulez être bon avec lui ne le contrariez jama… En politique
comme en religion, soyez de son bord… C’est ça le plus important. Y vous dira comme à tout le
monde qu’il a vu Laurier monter au ciel… Admirez-le, dans ce temps- là … Y vous demandera
de l’invoquer: « Saint Laurier, priez pour nous...» dans vos prières… Dites que oui… Ce brave
homme y s’confesse à Dieu, tout haut dans un coin de son île, où il m’a fait installer ane croix de
fer dans un arbre ceux …Vous savez, y vient des missionnaires ben rarement icitte.
Inutile de vous dire que j’écoute de toutes mes oreilles. Le conteur tue un maringouin gonflé de
sang sur sa main plissée, une énorme araignée jaune, et continue son récit. A chacune de ses
visites il entre dans ma boutique et m’annonce qu’il a vu l’pôtre Saint-Paul..
Lire aussi Contes des bucherons p: 58 à 63
[Texte]
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L’écurie et la forge
Il y avait deux autres bâtiments très important au camp: l’écurie et la forge. Les chevaux étaient
essentiels aux «bûcheux» et ils devaient donc en prendre
soin.
Le forgeron, quand à lui, était l’homme clé du camp car il
était affecté à la fabrication d’outils et à la préparation
d’équipement de chantier. Il faisait aussi office de maréchal
ferrant et réparait les voitures ainsi que les attelages. Il était
considéré par le «jober» comme le travailleur le plus
important du chantier.
Le harnais sur le dos les chevaux attendaient pour être ferrés. Le forgeron, un colosse, les bras
poilus et musclés, le front tout en sueur, la chemise ouverte jusqu’au nombril et un tablier de cuir
devant lui, frappait comme un démon sur l’enclume sans pendre garde aux étincelles qui lui
mordillait la peau. Il venait de donner les deniers coups de marteau à un fer et, maintenant après
l’avoir trempé dans l’eau froide, il le clouait au sabot d’un étalon, en lui serrant la patte entre ses
cuisses.
La grise
Le charretier me salue au passage et va attacher son équipage à l’ombre, dans la fraîcheur de la
remise à tentes. Il étire le bon foin jusqu’au nez de la grise, lui donne deux tapes sous le ventre,
desserre la sangle qui coupe, et s’achemine vers la boutique de forge. ( A la hache p. 102 )
Les chevaux
Jamais vous ne les verrez salis d’urine. Gras, dodus, ronds. Ils savent hennir, piocher, changer
leur eau et se vider comme de vrais chevaux de bois. Une simple perche de séparation. Aussi l’on
mange mieux, en se regardant manger. Nellie et Pitoun règnent au fond. Leur rang explique tout,
et les chères petites, si par malheur, elles se faisaient gripper? Avec cette porte toujours ouverte.
Non, le beau sexe doit toujours avoir la meilleure part, même
en plein bois. La nuit seule les rassemble.
La douce blancheur des croupes, lorsque 10 lanternes, à
hauteur de bras, permettent aux charretiers de jeter un denier
coup d’œil aux crèches, débordantes de foin nouveau. Les
étrilles pendant au poteau. Elles s’usent déjà, remplies de poils
argentés. Les harnais ne troublent aucunement les rêves de
mes amis. Le tout est proprement remisé dans la boutique de
forge.
Quelle ironie au passage, dans les hen… hen… hennissement des bêtes au repos, mais prête à
recommencer l’attaque au premier appel. Je regarde passer les deux traîneaux, arrivant chargés
d’hommes. Ils chantent, satisfaits eux aussi, de leur sort.
« L’industrie artisanale des premiers temps de noter colonie ne s’arrête pas uniquement à la
transformation du bois. D’autre domaine aussi important connurent leur période d’apogée. Ainsi
en était-il des bucherons. À l’époque des chevaux chaque cultivateur était un peu forgeron. Pour
[Texte]
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les gros travaux on s’adressait à un homme de métier. Il arrivait à l’occasion que les forgerons
devenaient dentistes .Quelques cas ont été relevé au cours de ce siècle d’existence ».
(Saint-Martin de Beauce, Qc )
L’épicier active le feu de forge
Avec un soufflet en cuir d’orignal. Ses bras nus, noirs d’un poil fauve son durs comme l’acier
qu’il travaille. J’entre dans la boutique, le marteau écrase les étoiles. La sueur inonde le front du
bonhomme et les minces crochets de fer tombent, un à un, Dans une cuve pour y chanter l’agonie
de feu. La forge s’emplit d’une vapeur de rouille. Le forgeron essuie du revers de la main en
laissant sur son front des coulées de suie. Ensuite, il mord dans une torquette de tabac toujours
prêt sur son établi.
Le temps se « morpionne »
C’est une vrai bordée, hein pour la première! Je l’ai senti venir et depuis deux jours que j’disais à
Manzar: « Le temps se morpionne, y va neiger».
-Tant mieux, les blés donneront plus. Le diction: « Neige d’octobre, pain pour juillet » ne sait pas
encore trompé, que je sache!
Il y aura sans doute du mauvais temps d’ici demain. Le soleil a descendu ses
persiennes grises et les roule, en amateur, devant la fenêtre de feu. Les
nuages font courir leurs ombres sur le lac et sur les monts. Les bosquets sont
inondés de légères vagues noires, déferlant, de montagne en montagne, en
effluve de nuit.
Les éclairs du tonnerre augmentent, en se rapprochant. La rafale, soudain se
change en cyclone et le fouet de la grêle cingle ma pauvre masure. Le feu du
ciel illumine à toute seconde les murs du bureau. Aux joints des pièces, la
mousse se dresse, comme des cheveux. La tempête s’infiltre souveraine. La
pluie tombe en grappe pesante. C’est un demi-jour blafard transformé
aussitôt en nuit. Étreintes rapides de la lumière et de l’obscurité.
La nuit est grandiose
Cette lune tellement ronde qu’elle flotte en ballon dans un bleu de fourrure. Les étoiles! Clous
d’or allongés. On distingue leur marque dans l’azur. Un repli les entoure comme de la chair sur
une nuque de femme aimée. La voie lactée! Fleuve roulant des cendres vives. L’horizon, gonflé
de jades, se tend à briser. Roulant sa souplesse dorée, toute appesantie de rayons lunaires, le lac
vint briser son plateau de verre taillé sur tout. Ô nature, Ô nuit de ma province! Combien
l’homme se sent petit!
Minuit moins cinq
Le bon père Doyon commence à s’habiller. J’ai le bonheur d’être son servant. Les burettes sont
déjà sur une tablette du poêle. L’autel portatif a été déplié
dans une fenêtre, près de la crèche. Une lune heureuse jette
son or sur le calice. Petit il est vrai, mais il renferme
l’Éternité. Desrochers sonne l’appel.
Les invités de Jésus entrent un à un, pieusement, et regarde
la féerie. Ils secouent leur soulier de boeufs, leurs bottes
sauvages. La chaleur fait fondre aussitôt la neige. Un
parfum de cuir viril monte de la pièce.
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Tous ont revêtu leurs plus beaux habits: ceinture fléchée, des étreintes radieuses du pays.
Mouchoir voyants, autour du coup, makinas en étoffe. En fin, les tuques lourdes de laine de
village jettent leurs fleurs lumineuses au-dessus des tables rangées aux murs.
Vous les grands, vous les riches qui dans la basilique parfumée, penchez davantage vos têtes
pour mieux voir la toilette de votre voisinage au manteau échancré de loutre ou d’astrakans
regardez aussi les fronts d’acier des humbles du Lac Clair!
Mais, sous toute la pesanteur du Dieu qui les écrase de ses secondes éternelles, ils songent à
l’épouse, aux fils déjà nés, à ceux que l’impérieux devoir national fera naitre encore.
(Un rappel : « Noël au camp de Tex Lecor p.106)
Les outils
C’est maintenant le tour des outils à ajouter aux effets données pour le groupe du Lac Jérôme :
gaffes, crochets, grappins, rames, câbles, dynamite. L’acier brille, s’accroche, tombe à coté des
provisions. Ces armes de la colonisation première semblent avoir hâte de griffer, mordre, pousser
des billes dans le l‘eau, verte et bleue, aux caprices des lointaines falaises.
Des moustiques
Elles sont venus, je ne sais d’où, par millions. Sous les arbres, dans l’espace, aux portes des
bâtisses, leurs mouvements dessinent des arabesques sales, de guirlandes de bruit. Il s’amuse à
jeter des poignées d’herbe dans une chaudière rouillée, trouée au fond de laquelle brûle du
charbon de forge. La boucane éloigne les mouches noires, qui, non contentes de vous mordre,
enlèvent en bacchantes des parcelles de la peau.
« Elles auraient de la misère, pour sûr, à faire la chasse. Voyez-vous leurs bas de soie dans les
broussailles? C’que les maringouins s’en feraient du fun, Ah! Ah! Ah!
La chasse à l’orignal
-Ha…ha…aaa…a…a…a…a..a..
Un meuglement terrible, nerveux, nous fait trembler. Notre guide commande d’une voix ferme :
- Soyez prêt... Pis au diable la peur, hein … Si non, lui y nous manquera pas
- En joue... Et tirez avant qu’il ne se jette à l’eau.
Valade est déjà en position, carabine à l’épaule. Soudain une tête énorme apparait au-dessus des
aunes
- Bang.
La bête se cabre, fonce vers nous, approche. Laurence hurle : Cré gué ! Puis
- Bang.
Autre bond du superbe mâle. Je vois le sang qui coule de ses naseaux. Il continue quand même,
vengeur, grandiose…Le voilà sur le sable. Râles maintenant
plaintif. L’orignal se relève sur ses pattes arières. Elles mollissent
soudain. Et le roi de la foret Laurentienne tette à l’écho son dernier
appel, trahi par des convoites humaines…La masse de 2000 livres,
s’écrase dans le sable rougi. Le mourant laboure le sol gelé de se
patte puissante en soubresauts. Étendu sur le coté la respiration
s’alanguit. Le poil hérissé du dos retombe peu à peu. Jamais je
n’oublierai ces prunelles ouvertes redevenues douces dans la mort...
[Texte]
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La tête lourde essaie d’aller quand même vers la vie. Le père Joseph n’a dit qu’une phrase de
toute la journée:
- J’cré quasiment qu’on a fait un péché!
Accoudé à ma fenêtre, je suis triste. Pourquoi l’avoir tué? La passion de la chasse n’est-il pas ce
qu’il garde de plus bestial ?
Le marqueur
Ils n’ont pas fini de se faire barbouiller au crayon de couleur, les pauvres! Le commis les passe au
jaune. Le toiseur
leur donne une blessure rouge.
L’inspecteur les marques en vert. Et l’agent du
gouvernement termine le maquillage avec une lourde croix
noire. Finalement, lorsqu’arrive le charroyage, les hommes
comprennent aussi leur nombre, avec le charbon de rondins
calcinés. De sorte que les écureuils, les belettes toujours
curieuses, même dans le bois, s’extasient devant ces rien
multicolores et semble dire:
-
Mais sont-ils savants, tout de même les humains,
pour réaliser de pareils équation !
Le « toiseur » de son crayon à mine très dure
Marque ainsi 11111 sur une carte épaisse. Puis à tous les 5 billots, il fait un trait en diagonale, sur
les barres enregistrées. Ce procédé rend le montage plus facile, surtout le soir lorsque chacun
parle de femmes et organise des voyages de nuits bleues, lorsque juillet tournera sa boule au
billard du temps. L’assistant-toiseur joue au pic-bois toute la journée. Son marteau est
infatigable. Et le bruit tombe en grêle, sur tous les échos. Aux extrémités des buches. Il frappe
sans arrêt en tonnant :
- souche de pins, 12 pouces.
- sommet de sapins 5 pouces
- sommet de pruche 9 pouces.
Lorsqu’un billot mesure 12 pouces à la souche et que le sommet ne donne que 6 pouces, le
toiseur concède la valeur marchande de 6 pouces seulement à l’entrepreneur. La balance presque
que le 1/3, dans nombre de billes trapues, avec le système de mesurage actuel, dans la province
de Québec, est un cadeau du gouvernement local aux grandes compagnies.
Cette marque est le seul moyen, lorsque les écorces sont enlevées pour assortir et séparer le
million de buches descendant ensemble la rivière Saint-Maurice, à tous les étés.
Les blocs-notes (teller s’bords)
Dans l’industrie forestière de ce temps, le tri et la comptabilité
liés à l’expédition du bois d’œuvre et de sciage constituaient un
défi de taille. Les tellers s’boards étaient des blocs-notes en bois
employés pour contrôler la quantité de bois chargés sur les
navires ainsi que le port d’embarquement. Les deux scieries dont
le nom figure sur le blocs-notes montrés ici, sont Dixon’ Mill
[Texte]
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dont le propriétaire était Léger de Cormier Village, et de Hupper Mill, appartenant à Moise
Bourgeois. Ces deux scieries qui exerçaient leurs activités à Haute-Aboujagane au N.B. ont fini
par être achetées par Joseph L.Black de Sackville N.B.
Shédiac au Nouveau-Brunswick est le port d’embarquement mentionné sur les block-notes.
Les block-notes remontent à 1887 et 1888. On y trouve les noms des scieries d’où provenait le
bois, de même que ceux des navires ou la cargaison était chargée.
Souvenir du Dr Max Comtois
Un jour du mois de décembre, entre Noël et le jour de l’an, le grand contracteur Rouleau faisait
une pneumonie et on m’appela. Il fallait le transporter à l’hôpital. On fit des arrangements avec
la compagnie d’aviation du Lac à la Tortue, près de Grand-mère, et un « bush pilot » promit de
venir. Il fallait déblayer une piste d’atterrissage sur le St-Maurice, changer des billot de place.
200 hommes eurent vite fait de faire ce travail et au bout d’une heure c’était fini. On installa des
couvertures Hudson Bay rouge sur la piste pour servir d’indication au pilote. L’avion décolla. Je
regardais au bout de la piste improvisée et je voyais les billots cordés à une hauteur de 25 pieds.
Mes yeux étaient fixés sur ces billots et je me demandais si nous décollerions avant de les
atteindre. Le pilote les évita de justesse et je poussai un soupir de soulagement.
Un feu de forêt
Un craquement continu d’arbres tombés s’unit aux sifflement de la flamme en une douleur
d’anéantissement. Des orignaux affolés, des ours, des loups, ont
traversé vers nous. Des oiseaux volètent, aveugles et s’accrochent
désespérément aux branches. Tous les lièvres de l’île, des milliers
s’arrondissent autour de la statuette de l’Enfant-Dieu. La nature a
perdu ses instincts et ma belle forêt meut, sous les étoiles.
Le feu s’en vient comme un cheval à l’épouvante. Dans une heure,
créé et alimenté par ce démon roulant, nous serons menacés. Et la
nuit tombe pour illuminer le tout. C’est dans de telles minutes que l’amour de la patrie, du foyer,
de l’épouse, assomment le cœur de toute leur intensité.
La fumée devient plus dense.
Les chevaux sont libérés. Toutes les portes sont ouvertes. Nous avons même brisé la palissade du
parc à cochons, afin qu’ils puissent fuir. Les animaux, ça sauvent toujours quand on leur donne
une partance.
- Commis, on a décidé, Boisvert et moé et Dulac, d’rester ici…Vous le savez, la Cache se
trouve dans une baisseur. Le feu y va peut ben sauter par-dessus.
- Laurence se bat presque avec le forger, si vous voulez pas cuire comme une cochon d’lait
embarquez »!
Je scrute le ciel. Il me semble que tout brûle, à la Cache. Vais-retrouver des morts, au retour,
et des ruines fumantes sur tous mes trésors ?
Entre deux rochers
Un orignal a labouré le sol avec rage. Il est mort debout, son museau entré dans la terre, presque
jusqu’aux yeux. A-t-il vu, dans son agonie, la forêt automnale toute parée de pourpre et de
premier givre afin de saluer la période de ses amours?
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Mais « vlimeux » qu’on a arraché
Ça nous a pris 200 « siaux » d’eau… Le feu a commencé à 35 places, sus ma boutique, partout..
J’vous dit que Boisvert en a s’mé des «tabernacle» ... Je félicite de dernier. Il me regarde comme
si rien n’était.
- C’est rien de l’ouvrage comme ane autre, ça… J’ai déjà vu pire. quand j’ai passé sous les
billots, il y a 12 ans, aux chutes des 5... Il avait ben un mille cordé… J’veux donner la
chance à un jeune de se sauver, la « jam » avance d’un pied, je saute et v’lan dans le
rapide. J’sus sorti tout nu d’la chute. C’était plus risqué qu’icite. Mais on m’crayaient
nayer et en me voyant tous se signaient,
- J’leur crie ; «Tabernacle c’est moé, jus pas un fantôme. Trouvez-moi des habits… Le
maudit courant m’a déculotté…J’ai pu rien que mes bottes. Puis donnez-moi du tabac et
des allumettes. Dépêchez-vous»
Et dire que des citadins matadors, en excursion avec des petites amies sur la rivière Bull, ont
commencé le cataclysme. Involontairement, il est vrai, mais avec combien d’imprudence.
Les vers sapeurs
Tamisent les bâtisses neuves de leur catacombe microscopiques. Il en est ainsi, dans les régions
ravagées par le feu. Vous marchez sous les bosquets sans feuilles. Une poudrerie de safran vous
inonde, vous grise. D’ici 3 ans, l’oeuvre de destruction sera complétée. Les essences n’auront
plus de valeur commerciale. C’est pourquoi après chaque incendie les coupes s’intensifient, dans
les régions ou les arbres ne sont pas tombés.
Déguédine la pitoune!
Les mots « déguédine » et « la pitoune » sont très fréquemment utilisés dans le langage populaire
québécois. Peu de gens savent qu’ils ont une origine anglosaxonne. « Déguédine » signifie
«dépêche-toi», vient de l’anglais « dig it in» indication
donné par un contremaître pour signifier au bûcheron de
dégager le contour d’un arbre pour pouvoir le hacher.
Le terme « pitoun», est encore plus fréquent, il désigne
officiellement les billots de bois qui flottent sur les rivières.
Il vient de la déformation de l’anglais «happy town» ou
ville joyeuse. C’est ainsi que les contremaîtres nommaient la ville dans laquelle il pouvait
séjourner, alors que les bûcherons étaient retenus au camp tout l’hiver. Comme ils y faisaient la
connaissance de jolies demoiselles, « pitoune » est aussi devenu synonyme de belles femmes.
La souche
Les beaux serments échangés sur ton fauteuil dur! Aussi l’épouvante glorieuse de leur
fécondité…Je ne te blâme pas, ô souche! De te prétendre de vraie noblesse. Il est facile de
comprendre pourquoi tu dédaignes les fauteuils de 1930, les « chesterfields », ayant participé à la
naissance du Québec, prêté ton coeur au premier berceau et sanctifié la planche de la première
tombe, en retournant avec le mort, dans la terre d’où tu étais sortie!
[Texte]
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Les souches ont des tuques
Un bonnet recouvre des roches, frileuse…les pignons ouvrent leur dentelles. Les toitures dorment
dans l’hermine. Les pins sont en sucre. Sur un vieux pin, le ciel a fouetté de la crème. Les bras
nus des érables, des bras de femmes ont la chair de poule. Chaque fougère ouvre est un éventail.
Les saules agitent des nerfs. Les fils de téléphones balancent des macaronis.
Grande fête ce soir
Le bal à l’huile, sous les lampes à pétrole, infiniment plus morales que les clairs de lune, se donne
à l’honneur des chanceux, appelés les premiers à inaugurer les travaux d’automne en coupant
une première souche. Et cette souche, qui offrira aussitôt sa sève morte aux écureuils, est,
sachez-le bien, la pierre angulaire de tout l’édifice national. Combien glorieuse est son histoire!
Première souche, de la première mansarde du premier hameau de Québec, comme tu es grande!
Le ber
Écoute-moi, si vous voulez m’en croire, dit le vieux ber, écoutez mon histoire: J’étais dans la
solitude des bois, un bel érable aux innombrables voix... Le front chargé de ces clartés d’aurore,
dont je m’enivre encore. Lorsqu’un matin l’ancêtre vint à moi et
me disant avec effroi: j’attends un fils, dis, ne veux-tu pas être le
ber de ce doux petit être ? Alors Dieu m’est témoin, je répondis:
« Je suis à toi ». Mes rameaux reverdis se gonflent d’une ardeur
nouvelle. Dieu qui veut que chaque an, le bois se renouvelle.
Ancêtre, fit de nous vos grands-frères muets…Arrache mes
membres épais, et fais-en des berceaux. Moi de ta race, emblème
d’un passé que ton orgueil retrace. Je ferai de tes fils des hommes courageux et je leur soufflerai
l’âme des aïeux.
Le ber est très vieux
Les aïeux y furent bercés. Je dirais que le ber de chez-nous existe depuis toujours. On ne sait pas
son âge tellement il compte d’années. Il était dans la maison avant que les chaises au treillis de
peau de cheval. Il y était avant le poêle trapu qui supplanta le foyer ouvert avant la huche rouge
qu’on a toujours vue dans le coin du nord-ouest, avant le coffre bleu ou de temps immémorial on
serre les catalognes. Le ber a vu construire la maison pièce sur pièce. Il attend seulement qu’on
l’eût couvert pour y entrer, car on était sur le bord d’avoir besoin de lui.
Suivant la tradition, le ber des ancêtres se transmet d’une génération à l’autre, comme un héritage
sacré. C’est un privilège réservé à l’aînée des filles mariée d’aller le chercher à la maison
paternelle quand elle espère la première visite des sauvages. En vérité ce meuble est aussi
ancien que la famille.
Mort (la gueuse)
Oui! La mort doit être ainsi, calme, prenant, durable, profonde, éternelle, Boisvert n’a pas peur de
rien. L’automne dernier, il a transporté le cadavre d’un homme tué à la chasse, seul dans son
canot, depuis les sources de la rivière Mattawin jusqu’au Piles. Le voyage dura 5 jours. Le
canotier tenait la tête du mort, entre ses genoux pour stabiliser davantage sa fragile embarcation.
Peu agréable la monotonie des heures, avec la mort et le grand silence de la forêt, à peine troublé
par les centaines de mouches à vers qui laissaient leurs millions d’œufs sur la toile grise du
linceul fabrique avec des vieux sacs de farine.
[Texte]
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« T’es pas fou Désiré… À 65 ans c’est ben trop jeune pour faire un mort ».
On n’est pas sorti du bois
Mais on est quand même en ville! À quelques Km du Musée des Grandes Piles, le Vieux Port de
Trois-Rivières abrite le Centre d’exposition sur l’industrie des pâtes et
Papiers qui donne un bon aperçu de cette vie trépidante! En découvrant
l’envers du décor, soit la fabrication du papier vous comprendrez mieux le
fruit du travail des bûcherons! De nombreux panneaux expliquent les
aspects économiques du métier.
Ailleurs au Québec
Dans l’Outaouais, terre du bucherons le plus célèbre en Amérique, Jos
Montferrand, le Musée de civilisation a reproduit un camp de bûcherons,
tandis qu’en Abitibi, la ville de LaSarre a son Centre d’interprétation en
foresterie qui propose chaque été la visite complète d’un camp tel qu’il
existait en 1930. Au programme reconstitution intérieure d’un camp, tableau thématique,
collection d’outils forestiers et maquette d’un moulin à scie.
Légendes
Jos Monferrand
Homme aussi fort que lui, on s’en doute, était capable de s’imposer dans un camp d e bûcherons,
ce qu’il a fait en Outaouais. Fierté des Canadiens-français, on dit que son
exploit le plus célèbre a été de combattre 150 Irlandais, appelés shiners,
qui victimes du chômage après la construction du canal Rideau à Ottawa,
faisaient concurrence aux Canadiens-français pour obtenir des emplois
dans les camps. Sa réputation était grande non seulement dans les camps,
mais au sein de la population canadienne-française du Canada et des E.U.
En Nouvelle-Angleterre et ses exploits étaient légendaires!
Louis Cyr
L’haltérophilie n’est pas un sport officiellement reconnu.
Les compétitions prennent la forme de défis et Louis Cyr est toujours vainqueur. Il remporte le
championnat nord-américain d’haltérophilie en 1885 et le championnat du monde en 1892. La
plupart de ses exploits ont lieu en public et attirent de très grande foule y compris les membres de
la famille royale.
Il triomphe et est honoré à Londres quand le 19 janvier 1889, il soulève successivement un poids
de 250 kg d’un doigt. Il revint au Canada avec un cheval appartenant au
marquis de Queensbury, après avoir gagné un pari selon lequel il pouvait
immobiliser deux chevaux d’attelage rattaché à chacun de ses bras massifs.
En 1895, il soulève une plate-forme où 18 hommes corpulents sont installés
et qui pèse 1967 kg.
De 1894 à 1899, il se produit en tournée avec les cirques Ringling Brothers et
Barnum and Baily. Il ouvre plus tard une taverne à Montréal. Il succombe à la
maladie de Bright probablement engendrée par la quantité de nourriture qu’il
absorbe quotidiennement pour maintenir sa force extraordinaire. Louis Cyr n’a jamais perdu de
concours d’haltérophilie.
[Texte]
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Testament de Jos Laurence
J’attends Joseph Laurence. Au souper, le bonhomme m’a confié avoir un gros service à
demander. J’avoue j’y perds mon latin. Peut-être veut-il me faire additionner ses gages? Il envoie
souvent des sous à ses petits-fils. La clenche de la porte tombe doucement, bourrée de neige. Mon
ami entre, secoue les bras, frappe ses jambes sur le parquet, tape sa tuque sur ses épaules, puis sur
la fournaise qui chante sa joie depuis « tantôt ». Avec son mouchoir il essuie un front en
accordéon. Sa barbe luit.
- Vous m’avez demandé un service, je suis à vos ordres,
mon ami.
- Je veux faire mon testament
- Mais vous n’êtes pas malade. Et vous n’avez Quand on
a travaillé à faire d’la terre toute sa vie on a pas peur
de mourir, je suppose ?
- Cré gué, non! La mort j’m’en sacre! J’ai point peur. Je
veux jouer un tour à la gueuse. (la mort).
Voici mon questionnaire. J’ai mon alphabet à moé. Vous savez.
Écrives dans le ton. Pas comme je parle, mais sans faute, à la française. Y verront les petits gars,
si meurs tout d’un coup, que l’père a pensé à tout. Bon aré ? Je commence à vous déplier ça.
Lac Clair 22 octobre 1932
Ceci est mon testament. Je donne mon âme à Dieu.
« Je lègue mon corps à la terre que j’ai tant aimée.
« Je laisse la « fine »(ma hache)à Moïse Laurendeau, mon petit-fils, le fis de Nicolas de SaintJean-de-Matha, pour qu’il l’empêche de rouiller. Je lui demande de continuer la tradition dans
notre famille. C’est lui que je nomme pour remplir la profession d’équarrisseur. Je donne ma
blague à tabac et ma pipe de cérémonie à Almazar, l’épicier, qui me les a demandées. Ça lui
épargnera le trouble de s’en acheter ».
«Je fais cadeau à la fabrique de Saint-Ignace-du-Lac de 100$, pour que le marguillier achète
une soutane neuve à mon curé tous les 4 ans, jusqu’à expiration du capital, les intérêts compris.
Je réserve la somme de 10$ pour me faire acheter un beau crucifix, en cuivre solide fait avec du
métal de ma province, attaché avec une corde de laine blanche prise sur les moutons de ma bru
à Beaupré, le manchot ».
« Je veux un cercueil en pin du Québec, sans argenterie et je demande au bedeau de Saint Ignace
de mettre 8 pieds de terre sur le ventre. Je réserve 5$ pour son trouble. « Quand on est mort c’est
pour longtemps »
« Le reste de ma fortune: 1385 $ clair de toute hypothèque, je la passe à mon épouse Zéphirine,
pour qu’elle en jouisse de son vivant, mais à condition qu’elle fasse chanter 6 messes basses pour
Arthémise et Laura, mes deux défuntes. Ces messes en souvenir des enfant qu’elle m’ont donnés.
Elles ont bien gagné ça…»
« Je meurs dans l’Église catholique, apostolique, romaine, une, indivisible et canadiennefrançaise. Signé par devant témoin après lecture faite ».
Il signe :
[Texte]
Joseph Laurence équarrisseur
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Quelle signature!
Les seuls mots qu’il puisse écrire!
Roi, le bûcheron
N’est-il pas le roi, dans toute cette majesté de nature sauvage? Peu lui importe les bruits, les
fatigues, les dangers de la ville. Ici, l’air pur, lourd de sève entre dans les
poumons sans se contaminer. Ici l’infini de l’espace s’unit à l’abîme
liquide et seul trois rangs d’écorce nous permettent d’admirer le soir qui
naît.
Il y a ce peuple, réalisé ses devoirs d’expansion, en admirant le cours
majestueux, autant qu’immuable de ton fleuve, le Saint-Laurent et le
plus beau du monde, et qui baigne de ses flots la moitié d’un hémisphère.
La scie de long
Les scieurs de long débitaient de longues pièces de bois dans le sens du
fils, ils obtenaient des planches, poutres chevrons, voliges, etc. Nous leur devons les étaies de
mines, les traverses de chemin de fer, les merrains des tonneaux, et le bois d’allumette. Ils
intervenaient aussi bien pour la construction d’un hangar ou
d’une barque que pour celle d’un château ou d’un très gros
bateau. Ils intervenaient partout grâce à leur équipement léger, à
une grande facilité de mobilité et à une main d’ouvre
nombreuses et bon marcher.
Les sédentaires : travaillaient surtout à proximité de leur
résidence.
Les itinérants : allaient par deux dans un rayon de plusieurs
dizaines de kilomètres.
Les ambulants : parcouraient inlassablement la campagne, ils
n’avaient pas de résidence fixe.
Des « squaters » installés sans permis
Ils avaient quitté les vieilles paroisses surpeuplées du
Saint-Laurent, pour s’enfoncer en pleine forêts, quittant
la civilisation avec quelques hardes et quelques réserves
de nourriture. Ils s’étaient munis de leur principal
instrument la hache. Avant de trouver une terre à
ensemencer, ils leur fallait d’abord faire une éclaircie
dans la forêt, puis monter pièce sur pièce leur cabane en
bois rond habitable à deux familles.
Après viendraient les sentiers leur permettant de
transportant leur potasse jusqu’aux lieux d’échange et de
communiquer les uns avec les autres. Puis tard la terre porterait ses fruits, maigres parfois.
Pour lors, les ressources fauniques, les racines, et les herbages, les baies et les fruits sauvages
composant le menu de ces pionniers. Beaucoup plus tard, ils prospéreraient avec leur famille dans
les bois éclaircis où ils cultiveraient les céréales et les légumes nécessaires à leur substance.
(Ils bâtirent Saint-Médard de Warwick, Nelson-Matin Dawson, et Ass.)
[Texte]
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La vie dans les camps de bûcherons était difficile et dangereuse
Les hommes de chantiers, en dépit de leur allure fruste, leurs cheveux ébouriffés et leur barbe
hirsute, se distinguait souvent par leur amabilité et la noblesse de leur
comportement. Mais elle a produit une race d’hommes robustes et fiers de
leur métier, dont la vie en forêt était gouvernée par un âpre code de
conduite. Dans les camps, les conditions de vue était plutôt rudimentaire.
Au X1Xe siècle, en l’absence de syndicat. Le travail du bûcheron était
régi essentiellement par les conditions et la longueur des jours.
L’événement le plus excitant dans la routine du camp était probablement
la drave du printemps, qui avait toutes les caractéristiques d’une aventure
palpitante : travail vivifiant, action trépidante et dangers à faire dresser
les cheveux sur la tête.
« Ces bûcherons sont des jeunes gens qui ne sont pas mariés ou des journaliers qui n’ont pas de
terre à cultiver. Ils passent l’hiver à bûcher, travaillent à la drave du printemps. Il faut
comprendre que pour des fils de cultivateurs, habituer à trimer dure, cette expérience de
jeunesse représente une évasion des travaux de la ferme, de l’autorité familiale et de la pression
sociale ». (Michaud, Jos Phydime. Kamouraska de mémoire. Mtl, Boréal, Express 1981, 281 p.)
Des changements technologiques accélérés
À la fin du X1Xe siècle, l’industrie de sciage a connu des changements technologiques accélérés
qui ont eu un impact sur l’ordinaire des travailleurs et leurs outils, ainsi que sur les méthodes de
transport du bois et l’efficacité des moulins à scie. Dorénavant hautement mécanisée, l’industrie
forestière exerce ses activités pendant toute le l’année. Les moulins à scie fabriquent des produits
finis en bois ont alors cédé la place à une importante industrie de pâte et papier, pendant que les
chemins de fer, la scie à chaîne, le tracteur, le camion et l’abatteuse-tronçonneuse (ébrancheuse)
bouleverse irrémédiablement l’univers du bûcheron d’antan.
Ils avaient besoin
Les premiers temps, tout ce dont une équipe de bûcheron avait besoin était un attelage de boeufs,
deux ou trois haches d’abattage, une doloire pour
l’équarrisseuse des grumes, quelques barils de lard et peut
être un tonneau de rhum. Les hommes étaient logés dans
une cabane de bois rond d’environ un mètre et demi de
haut, doté d’un toit d’écorce de bouleau et tapissée de
branches de sapin. Un foyer se trouvait en plein milieu
ou d’un côté. Fatigués de s’éreinter à essayer de gagner
leur vie en travaillant la terre, de nombreux fermiers ont tout abandonné pour se rendre en forêt
et attirés par la possibilité de gagner un salaire et les privilèges tant vanté de cette vie.
Les habits du bûcheron
Comprenait des sous-vêtements chauds, un pantalon et des chaussettes de laine, plusieurs
chemise et, au besoin, une veste Makinaw pour couper le vent.
[Texte]
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La performance
Pas d’alcool, car l’alcool était interdit au camp. Le commis était aussi chargé de la comptabilité
et de la paye des hommes. Il était le bras droit du « jobber ». Les
responsables du camp « le jobber » avait son propre logis. Il était
engagé par la compagnie forestière et était responsable du bon
fonctionnement du camp. Il n’était osa nécessairement instruit, mais
avait un bon sens des affaires. C’était également lui qui recrutait tous
les hommes pour travailler au camp.
Note: L’imagerie populaire veut que le bucheron soit habillé d’une
chemise à carreaux rouge, d’un pantalon en toile et des chaussures de
marche. Il est souvent représenté avec la barbe.
Matériel et outillage moderne
Le matériel de base était à l’époque une hache et la scie. Aujourd’hui dans la plupart des cas il est
largement remplacé par la tronçonneuse et ou l’abatteuse. De même depuis la fin de la Première
Guerre mondiale les engins à moteurs (tracteur, à chenille, puis débardeur et autre engin adaptés
aux terrains difficiles) ont pris la place des chariots et des chevaux pour le débardage.
Des hommes religieux ?
Un vieux bûcheron a dit un jour n’avoir vu qu’une fois dans sa vie un travailleur forestier en train
de lire la Bible. À part les Français et certains irlandais les bûcherons n’étaient pas considérer
comme des hommes religieux. P. 16
Des photos d’actrices
Des photos d’actrices, série de Mac Sennett, ont la décence de se laisser couvrir avec une queue
d’écureuil, deux plumes de perdrix, ou encore une aile de moineaux.
« La vie dans les chantiers étaient difficile. Les bucherons s’ennuyaient de
leur blonde ou de leur femmes ». (Les bucherons de l’Outaouais)
« Le temps le plus triste pour eux c’était le temps des fêtes. Ils pensaient à
toutes les veillées, aux repas de fêtes avec la parenté, surtout ceux de Noël
et du jour de l’an. Ils rêvaient d’avoir des canots volants qui les
amèneraient rapidement auprès de leur femme et de leur blondes. Ils
rêvaient tellement fort de faire ce voyage fantastique que certains auraient
donné leur âme au diable pour faire ce voyage.
Donner son âme au diable, c’était très grave. C’était refuser d’aller au ciel
et accepter de passer son éternité en enfer. (Le bucheron de l’Outaouais).
La journée de l’équipe d’abattage
Il fait jour dans le chantier.
La journée de l’équipe d’abattage commence souvent
avec ces mots scandés par le contremaître: « Il fait jour
dans le chantier » mais il n’était pas rare qu’il fasse
encore noir quand les hommes arrivent à l’aire de coupe
[Texte]
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après le déjeuner.
Contrairement à la plupart des travailleurs urbains, dont les horaires étaient strictement
réglementés, les bûcherons travaillaient en harmonie avec le changement des saisons et la lumière
du jour.
Le travail de l’abatteur et du scieur commençaient à l’automne, après les récoltes, et se
poursuivait jusqu’à la fin de l’hiver. Considérés comme les troupes de choc de la forêt, les
abatteurs ont adopté divers types d’outils au fils des ans et coupé une grande variété d’arbres
selon les fluctuations de l’offre et la demande, tel le majestueux pin blanc. Il atteignait souvent 35
mètres de hauteur, était l’arbre le plus recherché.
« Peu de métier employait une main d’œuvre plus migratoire que le coupeur du bois. En 1900, la
moitié des bûcherons du Maine venaient des Maritimes ».
Les « faiseuses de veuves »
Les branches qui se brisaient lors de tempêtes ou qui se détachaient accidentellement lors du
travail d’abattage ou de débardage étaient appelées « faiseuses
de veuve ».
Les bûcherons croyaient que le fait de chanter « Peter
Emberley » en forêt portait malchance.
Les abatteurs
Les abatteurs se servaient d’une hache pour couper les arbres.
Les haches étaient à l’origine de plus de la moitié des accidents
survenus dans la forêt. En cas de blessure, le remède courant
consistait à appliquer des cataplasmes de tabac à chiquer sur la plaie, La hache d’abattage était
dotée d’une tête étroite dont le poids équivalait à celui de la lame, ce qui donnait plus d’impact
aux bûcherons. Pendant la plus grande partie du X1Xe siècle et jusqu’à l’avènement de la scie de
travers
(scie à tronçonner) , la hache a été le seul outil employé pour
l’abattage des arbres.
Note: Les bûcherons préféraient la hache « Black Prince » ou
la hache « Samson », fabriquées à Montréal, ou une hache
faite à Ottawa par Henry Walters, qui avait appris son métier
à Sheffield en Angleterre.
- Les bûcherons emmanchaient habituellement lui-même
sa hache et affûtait la lame en éventail.
L’écorceuse
Après avoir abattu un pin blanc et coupé sa cime ainsi que ses branches. On enlevait deux
longues bandes d’écorce de chaque côté du tronc à l’aide d’une
écorceuse. Des cordeaux traceurs étaient tendus juste derrière la bille,
laissant leur marque sur la partie écorcée. Ensuite, on pratiquait une
entaille là où se trouvait ces marques, à 4 pieds d’intervalle, et on
coupait grossièrement les dosses, C’est alors qu’entraient en jeu les
manieurs de doloires. Debout de chaque côté de la bille, ils
travaillaient en progressant à reculons afin d’obtenir une surface
[Texte]
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plane te lisse. Cette opération produisait une grande quantité de déchet ligneux qu’on
abandonnait ensuite dans la forêt.
En plus de prendre moins d’espace lors du transport que le billes rondes, le bois équarri était
prêt à être scié et transformé en bois de construction.
Les hommes qui maniaient la doloire étaient des hommes extrêmement adroits. Les meilleurs
d’entre eux pouvaient faire une entaille de 35 cm à chaque coup.
Note : Outil tranchant utilisé pour amincir ou régulariser l’épaisseur d’une pièce de bois.
La scie à tronçonner
La scie à tronçonner qui succédé à la hache d’abattage, était manipulé par deux hommes. Elle a
rapidement gagné en popularité après son introduction à la fin du X1Xe siècle. Et pour cause, elle
permettait d’abattre deux fois plus d’arbres que deux hommes utilisant une hache. Au fur et
mesure que les peuplements de pins blancs se raréfiaient, on a commencé à employer la scie à
tronçonner pour abattre le pin gris l’épinette et le sapin, des arbres plus petits. Avec
l’introduction de cette scie, un nouveau travailleur a fait son apparition :
Note : Deux hommes maniaient la scie à tronçonner pouvait abattre en moyenne jusqu’à 100
arbres par jour.
Le « godendar »
Ce matin, délivré des larges mitaines fourrées de peau de mouton, qui rendent les mains si
maladroites, j’ai aidé mon vieux français, à manœuvrer « le godendar » aux belles dents
découpées en broderie, pendant que notre toit en bardeau roux finissant dégoutter sa neige
fondue.
L’affûteur
L’affûteur aiguisait chacune des scies selon le type de bois à abattre et la méthode employé par
les deux maniant l’outil. Chaque soir, les scieurs portaient leur outil de travail à l’affûteur et
l’échangeait contre une scie aiguisée pour le lendemain.
Spécialiste, l’affûteur avait parfois tendance, pour préserver son emploi, et créer un peu de
mystère autour de son métier.
À la lumière de 20 chandelles, le limeur, penché sur son travail, dans une humble bicoque,
prépare les 8 godendards, pour demain. Sa lime fait: Gre…Gre… Gr…Sur une souche, dans une
flaque de lune, un écureuil; répond: Trr..Trr... tre... tr…
[Texte]
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L’équipe de débardage
Travaillait avec un jour de décalage par rapport aux abatteurs et aux scieurs, à ouvrir les
sentiers dans la forêt afin d’acheminer les billes et le bois de sciage hors de l’aire de coupe. Au
début, on faisait appel aux boeufs mais la fin du X1Xe, les chevaux ont pris la relève car ils
étaient plus rapides, plus faciles à nourrir et plus dociles. Harnaché à un petit traîneau muni de
chaînes reliées à l’extrémité d’un gros tronc ou de plusieurs petites, le cheval ou l’attelage
traînait sa charge dans la piste accidentée, malgré les souches, les pierres ou la neige. La
destination était le chemin principale, où se trouvaient les quais d’embarquement forestier
constitués de piles souvent contenir jusqu’à 350 pièces de bois chacune. Quand tout le bois
abattu avait enfin été sorti de la forêt et empilé, on était déjà fin décembre ou début janvier.
Note : Si un bœuf pouvait traîner un poids plus élevé qu’un cheval, il était néanmoins plus lent
,se déplaçant à 1,5 km à l’heure.
- Tous les sentiers de débardage étaient reliés aux chemins principaux comme autant
d’artères.
- Un bon débusqueur ne travaillait que de bouche à oreille, transmettant les instructions à
un cheval bien entraîné.
Le charretier
Le travail des charretiers consiste à charger les billots sur un traîneau tiré par des chevaux et
à les convoyer, en empruntant un chemin souvent jonché de périls,
jusqu’aux berges de la rivière de la rivière ou du lac, où le bois était
empilé jusqu’au dégel du printemps. Sur les segments plat et du
trajet, un traîneau d’un réservoir d’eau déversait son contenu afin de
glacer la surface du chemin. Deux profondes ornières étaient
ensuite creusées dans la glace pour éviter le dérapage des patins
des traîneaux. Les traîneaux lourdement chargés progressant sur ces
rails de fortune ressemblaient à des tramways qui auraient été tirés
par des chevaux.
Les empilement de bois étaient placés le plus possible près du cour d’eau, pour qu’il soit plus
facile de jeter les billots à l’eau le printemps venu. La saison des charretiers s’étendaient de
janvier à mars. Ils transportaient des billes du parterre de coupe à la rivière dans le but d’atteindre
les quotas. Selon les vieux charretier, il était honteux de sauter d’un traîneau dont les chevaux
s’étaient emballés. (Lire aussi Laurette Gagné p. 85)
Note : La « crazy wheel » était un mécanisme employé par les charretiers pour freiner dans une
pente. « Dans les endroit difficiles, ils laissent toujours les chevaux marcher à leur allure. Ils
reprennent les rênes dans les descentes. Au moment de franchir cette arrête des Appalaches, le
voyageur n’a pas le temps de contempler le panorama que s’offre à la vue que le vent s’élève et
qu’une bourrasque de neige le force à s’emmitoufler dans la peau de bison de son traîneau
pendant que le conducteur s’efforce de suivre le chemin balisé il parvient au camp de bucheron
sans encombre. (Les chantiers de la Côte-du-Sud )
[Texte]
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On va commencer « betot » à ouvrir les chemins. V’a du gai travail! Le champion du bûchage
endosse une chemise nette. Il ose s’étouffer avec un faux-col voyant. Comme il en tient de peu
pour gouter au bonheur, lorsque le devoir est accompli. Le premier ravin à gauche, déploie ses 5
pieds de neige. Se peut-il qu’un chemin soit caché là ? Le premier attelage s’y jette, avec entrain.
Des bonds, des sauts, la jument se cabre, intelligemment, puis rabat tout son corps dans la
couche molle.
Boisvert a reçu 8 chevaux pour charroyage, afin d’en intensifier la période. Les groupes partent
à la file. 4 chargeurs, 6 « jigidis », 2 vieux arrangeurs de chemin. Les attelages sortent ensuite,
les derniers plus lentement. La tête du défilé commence à charger à 5 heures, La queue à 8
heures seulement. Un voyage de 250 billots ne s’empilent pas par enchantement. Loin de là .
– Oh ! la maudite queue dans le l’charriage c’est moins que drôle.
Les draveurs
Du temps des camps de bûcherons.
Les pieds gelés, la barbe longue pleine de glace, s’enfonçant dans les vastes forêts de la HauteMauricie, de l’Abitibi, de l’Outaouais et d’ailleurs au Québec, le
cultivateur a repris comme tous les ans sa marche hivernale! Vous
êtes les bienvenus dans un camp de bûcheron du 19e siècle.
La mort de Joson
Tous les hommes et toutes les gaffes se figèrent immobiles. Joson
n’avait pu sauter à temps. Il était emporté sur la queue de l’embâcle!
Menaud se leva, devant lui hurla soudain la rivière en bête qui veut
tuer. L’enfant s’agriffait, plongeait, remontait dans le culbutis des
billes. Puis, il disparut dans la gueule de l’eau. Menaud fit quelques
pas en arrière, et comme un bœuf qu’on assomme, s’écroula, le
visage dans le noir des mousses.
Alexis, lui, s’était précipité dans le remous. Il se mit à tâtonner à travers les longues écorces, à
battre des bras fraternels vers les formes étranges qui semblaient des signes de Joson. Et quand
l’eau lui gelait le coeur, il remontait respirer, puis, replongeait encore dans la fosse parmi le
linceul de l’ombre.
Non! Personne autre que lui n’aurait fait cela: car c’était, terrible, terrible!
Mais, d’épuisement, il dut bientôt saisir la gaffe qu’on lui tendit, les yeux fous, les lèvres
blanches les bras vides, il courut vers les tentes et se roula dans son chagrin.
(Menaud maître-draveur, p.55-56)
L’équipement des draveurs
Était composé de bottes cloutées lui permettant de se déplacer
avec plus d’assurance sur les billes mouillées, d’une veste de
Mackina à carreaux rouges et noirs et de pantalon coupé à la
hauteur du mollet pour éviter tout empêtrement.
Certains draveurs avaient l’habitude d’enfoncer dans l’eau les
billes sur lesquelles ils se tenaient afin de se mouiller les pieds et
[Texte]
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les jambes affirmant que leur équilibre était meilleur quand ils avaient les pieds mouillés.
Boisvert prend la gaffe
Saute sur une épave et traverse vers moi, défiant le danger, tel un roi de légende, portant
glorieusement ses loques. Avec quelle adresse il se tient debout. La sureté de ses gestes, en
ramant avec le souple bâton. Il s’approche de la rive, fait tourner le billot sous ses talons ferrés,
plante son outil dans la glaise et saute sur le sol, en décrivant une courbe magnifique. Le brave
grimpe jusqu’à moi s’accrochant aux ronces, aux fougères, et me dit simplement – Tabernacle!
Dommage qu’on a pas un coup pour mouiller ça!
Émoi pendant la nuit
Un ours fourre son nez glacé dans ma tente et sent mon voisin, Raphaël Le Tendre, au dos. Cri
de mort du dormeur. Effroi de Martin qui court encore et ne reviendra plus, croyez-moi chercher
du miel sauvage à pareil endroit.
Un billot solitaire
De temps autre, un billot solitaire descend vers sa destinée. Paisible, il coule au fil des heures.
Alouettes et pluviers invitent l’aurore attentifs et ravis sur son dos bosselé.
Un amoncellement de billots
Oblige Boisvert à recourir aux grands moyens. 200 bâtons de dynamite sont placés dans la base
de l’énorme estacade. Seul il allume les fusées, ne connaissant que le devoir. Et le danger en est
un… Un cri puissant averti les hommes. Tous se sauvent au hasard des abris. La masse saute,
retombe en pulpe, sur la foret, dans la rivière. Une fumée plane un moment, Puis l’eau et le
travail reprennent leur cours.
L esCageux
Les cageurs
S’abritent sous la tente ou dans les appentis. Ils étaient accompagnés d’une popote flottante
recouverte d’un toit en bois ou le cuisinier pouvait faire un
feu. Vers la fin du X1Xe siècle, les remorqueurs à vapeur
avaient pratiquement remplacé
La fluctuation du niveau des eaux, la vitesse des courants et
les nombreux méandres des rivières et des cours d’eau
constituaient souvent des irritants pour des draveurs. Mais
tous étaient conscients des risques de complications et
d’accidents. Le tourne-bille se révélait indispensable lorsque
des billes s’échouaient sur les rives des cours d’eau.
Si une bille menaçait de faire obstacle à la circulation du bois, un draveur se jetait dans l’eau
glacée pour la décoincer.
Les cuisiniers leur apportaient à manger le long de la rivière. Les repas étaient généralement
composés de fèves au lard, de saucissons de Bologne, de petits-pains, des beignes, des gâteaux,
de tartes, etc… Le soir les hommes demeuraient dans des maisons ou des granges situées le long
de leur parcours. Il arrivait par temps chauds qu’ils couchaient à la belle étoile.
(Saint-Martin de Beauce, Québec)
[Texte]
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Au terme d’une journée de 15 heures et après 4 repas les draveurs se reposaient pendant quelques
heures et se détendaient parfois en se racontant des histoires de fantômes telles que la
Dungarvon Whooper. Ils dormaient en portant leur vêtement mouillés qu’ils ne pouvaient
changer.
Pour ce rude métier les salaires étaient de 0.75 $ par jour en 1910 et de 3 $ en 1940. Une fois la
drave terminée chaque draveur retournait sur sa terre respective afin d’effectuer les travaux
exigés par la belle saison. (Saint-Martin de Beauce, Québec)
C’était un métier dangereux. Peu de gens restaient en vie lorsqu’ils tombaient à l’eau.
L’embâcle
Le principal danger de la drave était les embâcles qui se formaient aux rétrécissements des
rivières ou des ruisseaux affluents. Il fallait un homme ou un
groupe d’hommes très braves pour tenter de décoincer un
amoncellement de billes retenant des milliers de gallons d’eau.
Il existait 3 types d’embâcles :
- ceux qui se formaient au milieu de la rivière,
- ceux qui se formaient sur les côtés à partir d’une
accumulation de billes échouée sur la berge et enfin
- ceux qui s’étendaient d’une rivière à l’autre.
Les embâcles pouvaient avoir plusieurs mètres de hauteur, sans compter les billes dégringolaient
vers la rivière sous le poids de celle du dessus.
Les embâcles survenaient plus fréquemment sur les cours d’eau étroits et peu profonds qui
comportaient de nombreux obstacles dans lesquels les billes étaient susceptibles de s’empêtrer.
Quand ils constataient que l’interruption du flot de billes les gens qui se trouvaient en amont
savaient qu’un embâcle s’était formé.
Alors le contremaître criait des ordres et tendait l’oreille, avec ses hommes, afin de détecter tout
craquement ou gémissement pouvant signaler le dénouement de l’embâcle.
La dangereuse tâche consistait à trouver et à couper la bille clé qui créait l’embâcle et, avec de
la chance, à se rendre assez rapidement en lieu sûr. On disait parfois de ces volontaires qu’ils
faisaient sauter la « jam ».
Les outils des draveurs
Le tourne-bille ou franc-renard était fréquemment utilisé lors du transport par flottage sur les
rivières pour soulever, pousser et déplacer les rondins qui s’enlisaient en
eau peu profonde, s’enchevêtrant sur des amas rocheux ou échouaient sur
les berges. Cet outil comportait un crochet en forme de pouce qu
s’articulait de haut en bas et non latéralement, ce qui permettait au draveur
de manoeuvrer les billes plus efficacement.
Le tourne-bille a révolutionné le transport par flottage. L’éperon dont il
était muni à l’extrémité permettait d’immobiliser la bille, contrairement
aux employés précédemment, dont les balancements désordonnés
entraînaient souvent des chutes. P.32
Note : C’est Joseph Peavey de Still wate du Maine qui a inventé le tourne-bille ou franc-tireur en
1858.
[Texte]
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C’est maintenant le tour des outils à ajouter aux effets données pour le groupe du Lac Jérôme:
gaffes, crochets, grappins, rames, câbles, dynamite. L’acier brille, s’accroche, tombe à côté des
provisions. Ces armes de la colonisation première semblent avoir hâte de griffer, mordre,
pousser des billes dans le l‘eau, verte et bleue, aux caprices des lointaines falaises.
La gaffe (1900)
Avec le tourne-bille, la gaffe était l’outil le plus couramment utilisé par les draveurs. On s’en
servait pour diriger les billes vers le large et les estacades. Mesurant
entre trois et quatre mètres de longueur, ces perches étaient munies à
l’extrémité d’une pointe permettant de harponner les billes. P. 34
Fabriquée avec de l’épinette ou du hêtre, les gaffes étaient munies à
l’extrémité d’une pointe de fer. Au début les camps de bûcherons
employaient des jeunes garçons de 12 à 15 ans, qui restaient après la
fermeture afin de confectionner des gaffes pour la drave de l’année suivante.
Le contremaître évitait la dynamite
Qui endommageaient les billes, mais quand tous les autres moyens avaient échoués, c’est cette
méthode infaillible qu’il fallait parfois recourir.
Quand un embâcle commençait à se défaire, le draveur avait deux solutions: se précipiter vers la
rive ou rester en équilibre sur les billes et descendre le courant à vive allure.
Parfois, il fallait plusieurs jours pour défaire un embâcle, mais quand c’était enfin fait les
hommes poussaient des cris de joie.
Goulot de triage du bois flotté
Lorsque les billes descendaient les rivières ou des ruisseaux, il pouvait y avoir une seule ou
plusieurs estacade, mais les opérations qui s’y déroulaient
étaient toujours les mêmes. Le bois équarri ou les billes
provenant de plusieurs compagnies qui arrivaient
mélangés ensemble étaient par la suite acheminés vers le
goulot de triage.
Estacade: est un chapelet de pièces de bois attachées
bout à bout par une chaîne, un câble ou un cordage afin
d’empêcher les bois flottés de partir à la dérive.
[Texte]
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Les trains de bois flottés
En prévision du dernier voyage vers la scierie radeaux était complexe et exigeait des mains
habiles. Les trains étaient formés à partir de à l’intérieur de l’estacade. On assemblait
habituellement ces deniers les uns aux autres en perçant au moyen d’une tarière des trous dans
les billes, dans lesquelles on insérait des chevilles de bois dur, puis on attachait le tout à l’aide de
cordage. Les trains pouvaient être constitués d’une douzaine de radeaux ou plus ils et
s’étendent sur une distance d’une dizaine de Km. Mais la plupart se limitaient à 12 ou 13 radeaux
et mesurait environ 46 m. Un radeau comprenait de 25 à 30 billes.
Note: Les tarières devaient avoir au moins 1,5 mètre de hauteur pour que les « cageurs »
puissent les manipuler en se tenant debout sur une bille flottante.
les voiles et les rames. C’est eux qui remorqueront les trains de bois vers les scieries,
Les trains n’atteignaient les scieries qu’au début ou au milieu du mois de juillet.
En août 1888, Hugh Robertson de Saint-Jean a lancé sur les eaux un train géant en forme de
cigare en N.E. Il contenait 22 000 billes.
« Les flotteurs de bois couvent les 35 milles qui séparent Saint-Michel et le lac Clair ».
(La drave en Mauricie)
Le sciage du bois
Était une activité estivale qui dépendait de l’approvisionnement en bois équarri provenant des
forêts et des rivières. Les trains de bois étaient démantelés lorsqu’ils atteignaient la scierie, et les
billes étaient soient acheminées vers un bassin de flottage en attendant d’être sciées, soit cordées
sur le rivage. Au début du X1Xe siècle, la plupart des scieries
du N.B. étaient de très petites installations hydrauliques
éparpillées dans l’arrière-pays. Elles fabriquaient des planches
et d’autres produits destinés au marché local.
En 1850, les moulins se sont mis à grossir, se convertir la
vapeur et a se concentrer dans les régions portuaires. Cette
évolution répondait à la croissance du marché de
l’exportation, d’abord avec le Royaume Uni, puis avec les
États-Unis.
Les moulins à scie
Le développement industriel a de lourdes retombées sur le domaine commercial. À l’époque des
premiers défricheurs les moulins à scie étaient très fréquentés. Ils furent la base de
[Texte]
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développement industriel. Afin de faciliter la construction des premières habitions d’ingénieuse
personnes construisirent de rudimentaires moulins fonctionnent grâce aux pouvoirs hydrauliques.
« La chanson régulière du vieux moulin, allongeant chaque jour ses dentelles de planches.»
Allumettes
Les ateliers de menuiserie connurent une croissance rapide à partir de 1850 en réponses aux
exigences de l’industrie provinciale de la construction et de la
demande des consommateurs. Avec l’introduction des chaudières à
vapeur et de l’équipement spécialisés dans les centres urbains
prirent de l’expansion pour finalement devenir de véritable usines.
La production de châssis, de fenêtres de portes de moulures
architecturales exigeaient à a fois un usine plus spacieuse et des
chaînes de montage. La demande des consommateurs entraînait
l’établissement d’entreprises très spécialisées telles que les
fabriques d’allumettes. Quel que soit leur nature, les diverses
industries de transformation du bois représentaient l’étape finale
L’époque des bûcherons touchait sa fin
Mais les camps de bûcherons et le transport par flottage ont continuée d’exister pendant quelques
décennies. Même dans les années 70 on pouvait encore voir à l’occasion des trains de billes
descendre dans nos rivières à Québec. Toutefois au cours du XXe siècle les chemins de fer, la
scie à chaîne, le tracteur, le camion et l’abatteuse-tronçonneuse ont grandement contribuer à
automatiser l’industrie du bois. Les scieries elles-mêmes se sont converties au moteur benzine
dans les années 1920 et 1930, puis l’énergie électrique des années 1940 et 1950. L’industrie
forestière exerçait dorénavant ses activités l’année longue.
Note : Depuis 1987, une loi interdit cette pratique jugée non-écologique. Plusieurs draveurs
perdirent leur emploi.
Musés des bûcherons
On n’est pas sorti du bois
Mais on est quand même en ville! À quelques Km du Musée des Grandes Piles, le Vieux Port
de Trois-Rivières abrite le Centre d’exposition sur l’industrie des
pâtes et Papiers qui donnent un bon aperçu de cette vie trépidante!
En découvrant l’envers du décor, soit la fabrication du papier vous
comprendrez mieux le fruit du travail des bûcherons! De nombreux
panneaux expliquent les aspects économiques du métier.
Ailleurs au Québec
Montferrand, le Musée de civilisation a reproduit un camp de
bûcherons, tandis qu’en Abitibi, la ville de La Sarre a son Centre
d’interprétation en foresterie qui propose chaque été la visite complète d’un camp tel qu’il
existait en 1930. Au programme reconstitution intérieure d’un camp, tableau thématique,
collection d’outils forestiers et maquette d’un moulin à scie.
[Texte]
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Tout le transport du bois s’effectuait par la rivière car il n’y avait pas de route. Pour le
transport, on fabriquait d’épais et grand radeau en assemblant des billes
équarries à la hache. Et solidement attachées, les billes flottaient jusqu’au
port de Québec.
« Les commis en ont pour leur argent lors de ces départs. Il faut organiser
cuisine, vivres et accoutrements, le plus tôt possible. Des chefs cuisiniers
rudes comme leur chaudron, surveillent le travail et demande toujours de
la vaisselle veuve. Il faut si peu pour satisfaire les grands enfants »
L’hiver au chantier en Abitibi
L’Abitibi dont le nom signifie (Eau du milieu), fut annexée au Québec en 1898 entant que
région mais elle s’ouvrit à la colonisation au début du siècle dernier seulement, ce qui en fait la
dernière région colonisée du Québec.
À l’époque plusieurs facteurs socioéconomiques fut à
l’origine de l’émigration vers les E.U. d’un nombre
croissant de Québécois en quête de travail. Ils furent
10 083 à quitter le Québec en 1909, ce qui fournit aux
propagandistes de la colonisation les arguments capable de
convaincre les politiciens de tenter de contrer cet exode.
Ces derniers se firent les principaux promoteurs du
passage du Transcontinental d’est en ouest à la hauteur des terres de l’Abitibi. Seul chemin de
pénétration avec les cours d’eau qu’empruntaient autrefois les commençants de fourrure.
Métiers exécutés au chantier
Les compagnies productrices de pâte à papier de même que les scieries confiant leurs opérations
de coupe à des sous-traitants contremaîtres qui engageaient eux-mêmes les bucherons et les
autres travailleurs du camp. Elles avaient aussi à leur emploi un ou plusieurs superviseurs dont le
mandat était de veiller à la bonne marche des opérations sur le chantier.
Les chantiers étaient situés au centre des parcelles à exploiter, à une distance moyenne de 15 à 20
km du grand chemin. Il arrivait que les bucherons doivent emprunter un trottoir de bois aussi
appelé « pole-track », long de 3 à 4 km pour se rendre jusqu’au camp. Il est constitué de planches
de 8 po. de largeur, mise bout à bout pour faciliter la marche en forêt. Au chantier on commence
comme bucheron. On fait ses preuves à travers le métier le plus difficile physiquement. Ensuite
on développe d’autres compétences pour devenir charretier, conducteur, commis, etc. Certains
buchent toute leur vie et considèrent encore ce travail comme bon exercice au grand air, tout
simplement.
Le bucherons : on engageait un bucheron pour 100 cordes à couper, le bucheron abat les arbres
à la souche 30 cm sur une largeur de 60 à 100 pi. et les coupes en
longueur de 8, 12, ou 16 pi. Il utilise le sciotte et la hache et, dans les
dernières décennies, la scie à chaîne, le poids de la hache varie selon le
calibre de l’arbre (2 /12 à 4 livres ). Les bucherons sont requis pour un
camp de coupe moyenne de 5 000 cordes.
[Texte]
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Le contremaître : (jobber) il engage les bucherons. Il fait le lien entre les travailleurs et la
compagnie et c’est lui qui veille à leur juste rémunération. Il marque les chemins d’abattages et
distribue les ères de coupe entre les bucherons. C’est le sous-traitant que la compagnie choisit.
Superviseur : il travaille pour la compagnie en supervisant les
opérations aux chantiers. Il est le guide de sécurité en ce sens qu’il
s’assure avec le contremaître de la bonne marche des opérations
sans qu’aucun risque inconsidéré ne soit pris par les travailleurs en
forêt, les risques d’accidents sont très présents. Il faut donc être
prudent.
Arpenteur : responsable d’évaluer en volume p. m. p. (pied mesure de planche) la production
d’un chantier de coupe et le salaire des ouvriers travaillant à leur compte. Il établit également le
volume de coupe annuel. Ses outils de travail sont la mesure, la jauge et le marteau du mesureur.
Commis: engagé par le contremaître celui-ci prenait bonne note de tous les relevés et calculs que
lui apportait le mesureur. Il tenait les livres et à l’occasion il pouvait travailler de concert avec le
cuisinier pour l’approvisionnement du camp.
Le cuisinier : responsable de la cuisine et des repas 3 fois par jour, 7 jours par semaine avec des
options à chaque repas. À ses débuts l’histoire parle de cas où les travailleurs ont dû se mobiliser
pour revendiquer une meilleure nourriture plus variée avec des légumes et des fruits en saison. Le
cuisinier s’entoure d’une équipe d’aide-cuisiniers et le travail commence à l’aurore.
Charretier :aussi appelé le « skideur ». Il charge les billots produits par le bucheron en paquet de
billots, roule, à l’aide du pic ou du crochet et les place le long du chemin d’abatage. Le travail
d’un charretier suivait la production de 4 bûcherons mais un bucheron performant exigeait un
charretier pour lui seul. Il travaillait avec le crochet, l’herminette et la hache et le tourne-bille,
outil idéal pour empiler le gros bois sur les roules
Le draveur : il est chargé de veiller au flottage du bois lorsque
les chantiers sont situés près des rivières. Ses bottes à crampon le
tiennent en équilibre sur les billots, mais il n’est pas rare qu’il
finisse la journée trempé jusqu’au os. Ce travail s’effectue en mai
et juin. La gaffe sert à tirer et à pousseur sur les billots qui
s’entremêlent constamment et qui bloquent leur libre circulation
sur la rivière.
Conducteur : il conduit les tracteurs , les camions utilisés dans le transport du bois lorsque les
chevaux ont été abandonnés au profit de la mécanisation, après la guerre.
Mécanicien ; il veille à ce que les outils mécaniques et les véhicules motorisés utilisés sur le
chantier fonctionnent à leur plein rendement. (Roland Larochelle, Maurice Pinard )
[Texte]
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La grève des bucherons en Abitibi-Témiscamingue (1933)
Le milieu de travail des bucherons se détériore rapidement, à compter de 1928. Les conditions
de vie et d’hygiène diminuent dans les chantiers. Les sous-traitants introduisent également un
nouveau mode de rémunération, le travail à la pièce. Cette dégradation des conditions de travail
est à l’origine d’une grève, à l’hiver 1933.
En 1920 les conditions générales ressemblent étrangement à celles en vigueur 40 ans plus tôt,
exception faite des augmentations de salaire. La crise des années 1929 commande des
conditions de travail et des modifications importantes dans le monde de rémunérations des
bucherons. En 1933, devant cette détérioration, des bûcherons lancent un mouvement de grève,
connu sous le nom anglais déformé de : « le Strike du Clérion » est rapidement et durement
réprimé par la police. Toutefois elle aura à long terme des retombées positives sur les conditions
des bucherons.
Au début de 1928, une crise de surproduction éclate dans le secteur des pâtes et papiers, un an
avant la crise économique générale. Cette année-là les jobbers introduisent un nouveau mode de
rémunération pour les bucherons basée sur le travail à la pièce. Ils veulent aussi augmenter le
productivité des travailleurs forestiers, jugé beaucoup trop bas. Seuls les excellents travailleurs
tirent profit de cette rémunération. En effet, ce système est peu rentable pour la majorité de ceuxci comme l’illustre cet exemple :
En 1932, un bucheron payé au rendement ou à la pièce reçoit le salaire brut de 32. 50 $ par mois
et en soustrayant sa pension le 15 $ par mois, l’outillage 1 $ et la « van » ou les provisions de 3$,
il lui reste 13, 50$ net par mois Le bucheron payé au mois reçoit 26 $ brut, moins l’outillage et la
« can » il ne paye pas pension et son salaire net est de 22 $.
Les bucherons de Témiskamingue revendiquent sur trois points:
- une augmentation de salaire de 26$ à 35$ par mois pour ceux qui travaillent à la
journée et de 2 $ à 3 ½$ du billot pour les travailleur à la pièce.
- l’augmentation des conditions de vie, notamment une meilleure nourriture, une
diminution du coût de la pension, un éclairage suffisant
- la signature d’un contrat entre les jobbers et les employers. (Abitibi)
Le jour on discute de la situation et de l’obligation de faire la grève pour améliorer les conditions
de vie et de travail. Le groupe des grévistes grossit réussit
à fermer tous les chantiers du secteur de la rivière Clérion.
Ainsi 400 bucherons se rendent à Rouyn Noranda situé à
50 Km de là. La CIP et la police demandent aux grévistes
de cesser leur piquetage, mais en vain. Finalement les
policiers brisent la ligne de piquetage avec des gaz
lacrymogène. Ils procèdent à l’arrestation de plusieurs
grévistes. Le travail dans les chantiers reprend à compter
de janvier 1934 aux mêmes conditions qu’avant la grève.
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La répercussion positive de la grève se fait sentir les années suivantes. Le gouvernement du
Québec met sur pied deux commissions d’enquête sur les conditions de vie et de travail. À la
suite leurs rapports le gouvernement établit en 1935 la salaire minimum à 37 $ par mois de 26
jours d’ouvrage. Il fixe les normes minimales d’hygiène dans les chantiers forestiers. Par ailleurs
une association des bucherons voit le jour sous l’égide UCC (Union Catholique des travailleurs)
(Riopel, Marc, Les bucherons et l’exploitation forestière au Témiscamingue, 1939-40).
Les bucherons de la Beauce
Les hommes partaient pour les chantiers au début de l’automne. À leur arrivée ils devaient se
construire un camp. Celui-ci était fait de bois rond. Ils calfeutraient les joints avec de la mousse.
Le plancher était aussi de bois rond recouvert de planches. Les bucherons préparaient leurs lits.
Ceux-ci étaient faits de perche de bois lesquelles étaient recouvertes de quelque pouces de
branches de sapin. Une couverture épaisse était recouverte de quelques pouces de branches de
spin. Les premiers lits étaient placés les uns à côté des autres sur le plancher. Il va s’en dire que
de cet état de fait occasionnait des désagréables surprises de se retrouver avec des poux. Les
normes d’hygiène étaient réduites au strict minimum. Avec le temps les lits se sont superposés
rendant la vie plus agréable.
Les bucherons se servaient de la hache, du «buck saw» et
du godendard. Après avoir abattu un arbre, il devait
l’entasser et former un amoncellement. Le bucheron y
plaçait une longue branche qui indiquerait l’endroit de
l’amoncellement du bois pendant les fortes précipitations de
neige. Un mesureur passait le temps à autre afin de visiter de
chaque bucheron. Le mesureur étampait le bois à l’aide d’un
marteau qui enfonçait la lette «B» pour Breakay à chaque billot. La visite du mesureur se faisait
à toutes les deux semaines.
Parmi les autres employés des contracteurs notons le contremaître le « foreman » qui dirigeait les
travaux. Cette tâche était souvent remplie par le contremaître lui-même. L’on y trouvait le
commis qui voyait à la tenue des livres. Chaque campement était desservi par un cuisinier et un
assistant cuisiner. Le bâtiment était entretenu, chauffé et éclairé grâce à présence d’un gardien
« show-boy ».
Après avoir rempli le quota de coupe, venait le tour du transport du bois près des cours
d’eau. Règle générale, la période des fêtes séparaient le temps de la coupe du bois de celui du
transport. Les hommes de chantier pouvaient aussi passer ce temps de réjouissance auprès des
leurs. Pourtant certains jeunes gens partaient l’automne pour ne revenir qu’au printemps chez
leurs parents.
Cet apport de la permettait la subsistance d’une bonne partie de la population forêt.
Pour certains d’entre eux, les chantiers et la drave étaient les seuls emplois rémunérateurs qu’ils
pouvaient trouver. Pendant les autres mois de l’année, les produits de la ferme soutenaient la
famille. Au début du siècle un cultivateur qui possédaient 10 à 12 vaches se rangeaient parmi les
ambitieux.
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L’essor laitier
« Les fromageries et les beurrerie créèrent dans la classe agricole un bien-être considérable.
Cette industrie permit une ère de prospérité sans précédent. C’est ainsi que l’agriculteur put
songer à agrandir son cheptel et à rendre la vie de sa famille plus confortable. Partie d’une
production artisanale, l’économie agricole débouche sur une production industrielles ».
(Saint-Martin de Beauce)
Un Saint
Joseph
habillé
en
bûcheron
Au pays de Charlevoix
Selon l’inspiration poétique de Mgr Antoine Savard la région de Charlevoix se compose de trois
milieux naturels distincts: le fleuve, la terre et la forêt. Comme notre but c’est de rendre
hommage à nos bucheron nous parlerons surtout de la forêt.
Même si ce fait est souvent oublié la forêt occupe la majorité de l’espace charlevoisien.
Elle représente depuis les débuts de la colonisation un actif économique majeur. Dès 1670
,l’intendant Talon mis en exploitation les grands pins de la Baie-Saint-Paul avec une
goudronnerie qui s’installe sur place durant plusieurs années. Ces expériences s’avère plutôt
infructueuse, mais n’empêcha pas la population de Charlevoix de continuer à se servir du bois
pour ses besoins domestiques ou encore pour la construction.
Plus tard, au début du X1Xe siècle les marchands anglais s’intéressent au bois canadien pour la
construction de navires et celui-ci devient très en demande. Charlevoix s’impose alors comme
une région-ressource stratégique et rapidement des marchands de bois s’implantent tant à la
Malbaie qu’à la Baie-Saint-Paul. La population charlevoisienne se mette à leur service et la grand
époque de chantiers débute Même si la coupe ne s’effectuait sur une grand échelle, elle ne
produisait pas vraiment une industrie de transformation sur place à cause de son
éloignement des grands centres. Le bois est donc régulièrement transporté par bateau vers les
centres urbains de Québec et Montréal. Une seule exception est notée : la Donahue Brothers de
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Clermont qui s’implante dès 1911 sous l’impulsion du célèbre Rodolphe Forget alors député
fédéral de Charlevoix. Cette usine connaît une impulsion remarquable qui, outre la période de la
crise économique de 1930, se poursuit jusqu’à nos jours. On y fabrique du papier journal et elle
constitue toujours la principale industrie de la région.
La foret représente un atout économique majeure pour les charlevoisiens.
Contrairement à certaines convictions populaires qui attribuent une vocation essentiellement
touristique à Charlevoix, la foret continue à gérer la plus grande partie des emplois disponibles
dans la région. Elle fut longtemps menacée à cause de cette exploitation grandissante, mais des
politiques de reboisement gouvernementales permettent maintenant d’espérer un avenir plus
prometteur. C’est dire comme Mgr Félix-Antoine Savard et son Menaud de l’avenir :
« Regarde si c’est beau ! Garde ça pour toi et pour ceux qui viendront. (Jean Yves Dubois)
Un vrai camp de bucherons
Le camp Atrthur-Savard du nom d’un bucheron de
Charlevoix qui a marqué l’imaginaire. Sur le site de 4
bâtiments en bois rond sans clou comme on le faisait à
l’époque abrite une cafétéria pouvant accueillir une centaine
de personnes, une forge, une écurie et bien entendu un dortoir
(14 lits) à l’ancienne.
Que ce soit pour une heure ou quelques jours cette pause une
forêt s’avère un excellent moyen de mieux comprendre la vie
de ces hommes qui passaient l’hiver dans des cabanes ou l’ai
glacial leur dessinait des moustaches de frimas durant la nuit et où le réveil exigeait une bonne
dose de courage.
Un grand petit homme
Des bucherons, il y en avait dans toutes les familles, mais Arthur Savard possédaient ce petit
quelques chose de plus grand qui lui permet d’entrer dans l’histoire. D’abord il n’était pas très
grand à peine 5 pi. 4 po. (1mètre 64) et puis il était gentil, timide, discret. Pourtant
Il n’en demeurait pas moins « grand» atteignaient avec peine leurs 2 ou 3 cordes.
Arthur Savard était reconnu comme un gars qui ne dérangeait jamais. Beau temps mauvais
temps, de septembre à avril, il partait dans la foret dès son déjeuner avec son chapeau de lin, ses
culottes
multicolores, son «sciot ». Il impressionnait
tellement qu’à l’entrée de l’Anglo Pulp and Paper du Québec
(aujourd’hui Papier White Birch) division Stadacona une
plaque le désignait comme le meilleur bucheron.
Il avait 87 ans.
Après avoir buché pendant plus de 45 ans et vécu autant
d’années dans un camp qui porte son nom, Arthur Savard est
mort le 2 novembre.
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Les bucherons du Maine
La foret Appalachienne qui s’étend de part et d’autre de la frontière est exploitée à des fins
commerciales depuis le milieu du X1Xe sicle. Malgré la présence d’une frontière internationale,
des bucherons de la Cote-du-Sud travaillent depuis des générations dans les forets du Maine.
La frontière n’est pas un élément naturel
La côte du Sud partage une longue frontière avec l’état du Maine. Cependant la ligne droite
tracée en 1842 par le traité Webster-Ashberton entre
Pohégamook et le lac Frontière ne correspond pas à un
élément naturel. La forêt Appalachiennes, s’étend de part et
d’autre de cette ligne imaginaire et ceux qui l’exploitent du
milieu du X1Xe siècle font souvent appel aux bucherons et
la Cote-du-Sud. Les travailleurs jouissent d’une solide
réputation dans le nord du Maine.
Les bucherons Québécois gagnent très vite la confiance
des entrepreneurs Américains
Ce n’est pas d’hier que les bucherons de la Cote-du-Sud vont travailler « du côté américain »,
comme cela est dit communément dans la région. En effet en 1850, des entrepreneurs du Québec
et du Nouveau-Brunswick exploitent des concessions forestières à la rivière Saint-Jean. Après
ceux de la province voisine, les bucherons de la Cote-du-Sud se dirigent travers les chantiers du
Maine.
Selon l’histoire américaine Richard W. Judd, il semble être recrutés le plus souvent par groupe et
ils travaillent sous la direction d’un homme de leur région. Il ajoute que la main d’oeuvre
canadienne-française prend le relais des fermiers américains du Sud de l’état au moment de la
transition d’une agriculture de subsistance à une production axée sur le marché. Les bucherons
de la Cote-du-Sud gagnent très vite la confiance des entrepreneurs américains.
La nouvelle taxe imposée en 1917 sur les travailleurs migrants ne ralentit pas le flux saisonnier
des Canadiens français vers la forêt du Maine. Lorsque les lois américaines sur l’émigration
imposent un quota aux travailleurs européens, en 1922 les papetières et les compagnies de bois se
tournent davantage vers la main d’oeuvre Québécoise pour leurs opérations forestières.
Vers 1925, 85% de la main-d’oeuvre des chantiers forestiers situés à l’ouest du comté
d’Aroostook sont des Québécois. Ces derniers sont accusés de prendre les emplois des
Américains. Le problème persiste durant quelques années, mais la crise économique de 1929 met
un terme aux critiques à la suite du ralentissement des opérations forestières.
Les principaux chemins conduisant au Maine
Chemins qui ont facilité le passage des francophones du Québec et du Nouveau-Brunswick vers
le Maine: le Chemin du Roy, la route du Lac Mégantic, la route Coös, la route du Canada, les
routes d’Aroostook, le route Airline, le chemin de fer du grand Tronc, la route de service
California et le chemin de fer du Canadien pacifique.
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Comme une flèche au Cœur
L’état du Maine entre comme une flèche au coeur du Canada-Français. En effet si l’on
prolongeait vers le 45o parallèle qui sépare le Québec du Vermont le
deux tiers du Maine se retrouverait au nord de cette ligne. Les
anciennes racines acadiennes du Maine sont souvent oubliées et ses
plus récents rapports intimes avec le Québec écarté.
(Le Maine
devient état Américain en 1820).
En 1842, le Traité d’Ashburton-Webster mit fin au conflit entre le
Canada et les E.U. concernant la frontière entre les deux pays.
(Jacques Saint-Pierre, historien, 2002)
Madawaska
Les premiers colons
Isolés des centres commerciaux à cause des grandes distances et ne possédant pas de route
carrossables les premiers colons vivaient simplement de la terre.
Ils utilisaient des instruments de bois et confectionnaient leurs
vêtements et leurs chaussures. La chasse, la pêche et la culture du
sol leur permettaient de subsister tandis que les produits tels le sel
et la mélasse étaient obtenus de Frédéricton ou d’autres
établissements mieux équipés le long du Saint-Laurent. C’était
une existence précaire et certaines années lorsque le temps des
gelées venait tôt ou que la récolte était mauvaise la misère frappait
toute la population. Ce fut le cas en 1796-97, l’année de la grande famine de l’histoire de la
région.
De plus en plus de terre étaient défrichées pour la culture
Et la vie du colon connut une situation des plus rassurantes. Au début des années 1800 les
moulins ont fait leur apparition et un commerce rentable de farine s’était établi avec la capitale
provinciale. Cependant la prospérité se succédait tour à tour et comme la majorité des colons
néobrunswickois, qui apportaient un revenu que l’agriculture seule ne fournissait pas.
Conflits de frontières
En plus de son vaste impact, le commerce du bois a fini par forcer les antagonistes à apporter un
règlement au conflit territorial entre le Nouveau-Brunswick et le Maine. Dans les années 1830
comme les bucherons pénétraient profondément dans les régions boisées du Nord-ouest des
conflits mineurs éclatèrent par rapport aux droits de propriété de deux parties. La situation
s’envenimait et les deux pays commencèrent les préparatifs de guerre. Cependant les E.U.
n’étaient pas intéressés à la guerre avec la Grande-Bretagne. Ils proposèrent la retraite des troupes
du Maine et conclurent un arrangement à l’amiable. En 1842 le conflit des frontières a été réglé
par la signature du traité d’Ashburton-Webster. La région de Madawaska définie par le traité a
été intégrée comme comté de Victoria en 1851 et en 1873 est devenue un comté distinct avec
Edmonston comme chef-lieu.
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Les bucherons du Nouveau–Brunswich
Imaginez une rivière, une des nombreuses du Québec qui s’étend devant vous.
Sur la berge se trouve un camp de bûcherons, un endroit fait pour dormir et manger, où vous
pouvez momentanément vous reposer après le dur travail en forêt.
Bientôt, vous aurez à couper des arbres, à les convoyer et à les
draver par flottage en descendant le courant jusqu’au moulin à
bois, les billes seront scier puis écoulés sur le « marcher ». Des
bruits de hache et de scie autour de vous, ponctuées ça et là par
l’interjection « Timber » !
La forêt, une importante source de bois pour la
Grande-Bretagne
La luxuriante du N.B. sont devenues est une importantes source de bois de sciage pour la GrandeBretagne lors que l’approvisionnement, provenant traditionnellement des pays situés autour de la
mer Baltique, a été interrompu en raison des guerres napoléoniennes du début des années 1800.
Au cours des mois d’hiver, des arbres étaient abattus et empilés. Le printemps venu, le bois était
transporté par flottage le long des rivières du N.B. jusqu’à des moulins à scie se trouvant en aval
ou le long de la côte.
À la fin du X1Xe siècle, les techniques de traitement du bois ont évolué rapidement, facilitant la
transformation de la matière première en une variété de marchandises propres à la vente, comme
les planches, les boiseries décoratives et même les modestes mais essentielles allumettes.
Forêt.
Bucherons de L’Outaouais
Durant la première moitié du XXe siècle ces camps abritent en hiver 40 000 à 50 000 hommes et
de 5 000 à 6 000 femmes et enfants. En général le camp de bois rond doit servir de deux à 4
années car on en construit de nouveaux à mesure que l’abattage sur les parterres de coupe
progresse. Sur le réseau d’exploitation de la Rivière Rimouski le camp moyen doit loger 25
hommes: l’entrepreneur, un cuisinière et son assistant, 12 bucherons, 6 charretiers et 4 préposés
aux chemins. Le travail annuel d’exploitation se divise en 4 étapes au cour desquelles les camps
et les chemins de halage sont préparés, les billes coupées et transportées jusqu’à la rivière, puis
acheminées par flottage à l’usine de sciage.
La Flewelling Saw Mill & Match Factory produisait des allumettes et des boîtes de bois très
populaires la fin du X1Xe siècle et début XX siècles. Après 1900 la firme a été achetée par la
Eddy Match Co. de Hull, au Québec mais a gardé sa dénomination commerciale.
Des chemins de fer se rendaient jusqu’aux régions boisées
Au début du XXe siècle l’industrie forestière du N.B. avait commencé à changer. Des chemins de
fer se rendaient jusqu’aux régions boisées, et le bois était
expédié directement vers la scierie. Il n’était pas nécessaire
d’attendre le dégel du printemps et on évitait dorénavant les
imprévisibles arrière-pays de plus petites scieries, ou les billes
étaient transformées en bois de construction et envoyées par
chemin de fer à des destinations provinciales ou des port
d’exportation.
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Les cultivateurs du Bas Saint-Laurent
Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, le système agro-alimentaire est au X1Xe siècle un mode de vie
.Les colons concilient à cette époque activités agricoles et travail dans les chantiers.
Les cultivateurs du Bas Saint-Laurent vont travailler dans les chantiers de la Côte-Nord.
Au Cours des 30 premières années du XXe siècle on estime que les ¾ de la coupe dans les forêts
du Québec sont l’oeuvre de l’agriculture, des colons et leurs fils. Le travail en forêt constitue
souvent la principale source de numéraire En montant au chantier avec leurs chevaux de ferme,
les agriculteurs peuvent augmenter leur revenu d’une façon substantielle.
En 1931 la main d’oeuvre masculine sur les fermes du Bas-Saint-Laurent totalise 17 000
individus de 10 ans et plus. Comme les chantiers de la région ne
peuvent accueillir cette main d’ouvre, un nombre variable et
croissant d’entre eux traverse le fleuve.
À la fin de l’années 1920 la moitié des 5 000 ouvriers forestiers
de la Cote-Nord viendrait de la rive sud surtout depuis le port de
Matane. Et déjà les forêts du Maine attiraient les bucherons
témiscouatain.
La compagnie Price paie ses hommes 1 $ à peine par jour
Parmi les métiers frappés par la crise des années 1930 celui de bucheron occupe une place à part.
Dans de nombreux chantiers on ne trouve à s’employer que pour le gite et le couvert. Ainsi chez
le plus important employeur de la région, la compagnie Price 70 % des travailleurs gagnent
0.77 $ ou moins par jour. Des débrayages spontanés surviennent dans les camps qui forcent leur
famille à recourir à la charité publique pour survivre. Parmi tous les employeurs de la région la
compagnie Madawaska dirigée par Édouard Lacroix fait exception. Elle garantit 1 $ net par jour
et assure les frais de transport depuis sa base de Causapcal.
1$ net par jour ou 45 $ par mois en 1937-38
Quand le gouvernement provincial met sur pied une commission d’enquête sur les conditions de
travail et sur les salaires des ouvriers forestiers, c’est 1$ quotidien net qui sert de base à sa
législation. À mesure que les effets de la crise s’atténuent ce revenu minimal se verra rehaussé
pour atteindre 45$ par mois en 1937-1938.
La pénurie de main-d’oeuvre forestière, durant la guerre, puis le boom de l’après-guerre et la
syndicalisation leur assureront désormais des revenus plus décents.
(Jean Charles Fortin, INRS-Urbanisation, culture et société, 21 mars 2003)
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Vicenzo 77 ans
Bucheron
Le village des bucherons de Grandes-Piles (Musée)
Situé dans le charmant village de Grande-Piles,
Berceau de l’exploitation forestière en Mauricie au
Québec
Ce village forestier retrace un siècle d’histoire légendaires
des bucherons et draveurs. Reconstitution d’un véritable
camp de bucherons et draveurs. Du début du siècle, le musée
regroupe sous 25 bâtiments, les différentes dépendances
d’un camp traditionnel. Venez visiter l’office, le mesureur,
la limerie, la cache, la forge et l’écurie.
Au milieu du XXe siècle le petit village de Grandes-Piles fut la plaque tournant de l’économie
forestière de la région.
« Et c’est dans ce village que s’établit Jean Crète surnommé le « Roi de la Mauricie ». C’est le
plus important contracteur forestier de la région. D’ailleurs toute l’aventure du Musée débuta en
1978 par une exposition permanente au 3e étage de la grange de M. Crète. Le succès fut tel
qu’après quelques années la nouvelle corporation pris le décision de créer un nouveau décor et
une meilleure infrastructure pour illustrer de manière encore plus convenable une des belles
pages de l’histoire de la Vallée du St-Maurice ». (site du musée )
Sur place on trouve la Grange des artisans
Ainsi que d’un camp forestier construit sur le modèle des anciens camps, c’est-à-dire comprenant
à la fois le dortoir et la cookerie.
Le musée comprend pas moins de 20 bâtiments : la cookerie, le camp des hommes, l’office, le
camp des mesureurs, la bécosse, la limerie, la cache, la tour du grand-feu et sa résidence, les
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moulins à scie, l’écurie, la forge, la shed à voitures, le grand chaland sans oublier la grange qui
abrite la galerie d’art, une collection d’antiquités, le centre de recherche historique.
Bûeherons de l’Outaouais
Est la région située entre l’Ontario, les Laurentides et Montréal (1609-1763)
La rivière Outaouais, frontière entre le Québec l’Ontario, est très ancienne, elle coulait déjà avant
la période glaciaire. Prenant sa source dans le nord du Québec,
elle se jette dans le Saint-Laurent à la pointe ouest de l’Ile de
Montréal. C’était le chemin emprunté par les coureurs des bois.
L’arrivée de Champlain, les Hurons ont aidé les Français à faire
le commerce des peaux de castor. La nation huronne fut presque
détruite vers 1649 et ce sont les Outaouais, un peuple du Lac
Supérieur, qui ont continué à transporter les peaux de castors à
Montréal. On a fini par donner leur nom à la rivière qui les
amenait à Montréal.
Peu à peu les français établirent des postes de traite dans l’Outaouais.
Il a fallu attendre 1800 avant qu’un premier groupe de colons s’installe dans la région. Ce groupe
de 37 hommes, 5 femmes et 21 enfants s’est installé au portage de la Chaudière (Hull) Philémon
Wight, le chef du groupe construisit un hôtel et des moulins. Wright eut aussi l’idée de vendre du
bois à l’Angleterre.
Travailleurs forestiers syndiqués
La syndicalisation des travailleurs forestiers a été un long processus. La 1iere organisation à
défendre les droits de ces travailleurs fut L’UCC au
Saguenay-Lac Saint-Jean de (1934-1980).
Dans la région plusieurs génération d’habitants ou de
cultivateurs ont été appelés à travailler en forêt durant la
saison hivernale afin de gagner de l’argent.
La syndicalisation des travailleurs forestiers fut un long
processus. Il faut dire que la majorité d’entre eux ont été
longtemps des agriculteurs pour qui le travail en forêt était
une activité complémentaire. Jusque dans les premières
décennies du XXe siècle la majorité des travailleurs forestiers sont donc des agriculteurs. Cette
situation peut expliquer pourquoi la première organisation à défendre les droits des travailleurs
forestiers a été l’UCC. En 1934 une session spéciale est créée pour ces travailleurs dont on veut
améliorer les conditions de vie et de travail.
L’UCC demande en particulier des salaires plus décents et une diminution des heures de
travail.
La première reconnaissance syndicale est obtenue da la région en 1952 et implique la
Compagnie Price Broders. Rapidement d’autres compagnies doivent composer avec les
revendications de leurs employés qui exigent à leur tour une convention collective. Mais le
climat et les compagnies forestières défendent leurs droits, en particulière sur la gestion et
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l’embauche du personnel. Le syndicat doit parfois siéger devant la Commission des relations
ouvrières et rédiger des demandes au ministre du Travail afin de défendre ses causes.
Finalement, salaires, conditions de travail et niveaux de production seront fixés par conventions
collectives. Dans les années 1990, le syndicat regroupe près de 3 000 travailleurs forestiers sur un
total de 10 000 pour l’ensemble de la région.
En 1962 une grève éclate dans la région.
Les travailleurs forestiers affrontent la compagnie Price Brothers et la Domtar Corporation. La
Fédération de L’UCC appuie les revendications des travailleurs. Les discussions sur la
convention collective durent jusqu’en 1968. Les parties ne s’entendent pas sur la libre circulation
des personnes d’une concession forestière à l’autre. Les compagnies affirment que les
concessions forestières leur appartiennent en exclusivité et que seules les personnes autorisées
peuvent s’y rendre ce que réfutent les travailleurs forestiers.
C’est peu à peu que les travailleurs forestiers se syndicalisent
Comme corps de métier ont acquis leurs lettres de noblesse. La syndicalisation a permis une
amélioration progressive des conditions de vie et travailleurs des forestiers. Le bûcheron
d’autrefois est devenu un professionnel de travail en forêt.
( Laurie Goulet ( GRH , UCAQ, 30 oct. 2003)
Portrait de l’Industrie forestière auQuébec
L’industrie forestière et papetière va mal, donc pas de job là-dedans ?
- Détrompe-toi, car il y a des secteurs qui vont bien, notamment le secteur de l’aménagement et
du développement forestier et le secteur de la recherche forestière.
Pour ce qui est de l’industrie papetière, il y a encore quelques dizaine d’usines dont plusieurs
d’entre-elles ont besoins de technologues et d’ingénieurs.
La foret c’est la vie ! Fais-en ta carrière.
Si tu n’as pas peur d’aller travailler de longues périodes dans les régions forestières éloignées,
que de longues heures de travail ne te font pas peur, alors tire-toi une buche et écoute bien ça :
Certains secteurs vont plutôt bien. Le Canada est l’un des plus grands pays forestiers au monde,
c’est donc évident que l’industrie forestière canadienne soit le plus grand exportateurs de produits
forestiers au monde.
En 2009, elle avait un chiffre d’affaire estimé à plus de 54 milliards de dollars dont près de 70 %
des produits étaient exportés, principalement aux E.U. (34%) dans les
pays africains et moyen orient (11%), les pays européens ( 10%) dans les
pays d’Asie du Sud (9%), alors que le tiers soit 36 % étaient vendus au
Québec et ailleurs au Canada, surtout en Ontario).
Au Canada
On trouve au Canada plus de 500 entreprises directement impliquées
dans le domaine de la foresterie dont : 8 grandes sociétés papetières et
forestières, une dizaine de sociétés d’ingénieries forestières, plus d’une
centaine de coopératives forestières, quelques centaine de petites scieries
indépendantes, quelques dizaines de firmes de consultants en foresterie,
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plus d’une centaine de pépinières commerciales, des entreprises d’aménagements forestiers etc. Il
ne faut pas oublier non plus les organismes gouvernementaux fédéraux principaux et municipaux
(MRC), les pourvoiries de chasse et de pêche, les propriétaires de forêt privées qui emploient
aussi des spécialistes de la foresterie.
Au Québec
Ce sont plus de 400 000 emplois, dont plus de 150 000 emplois
(incluant l’industrie papetière) et 250 000 emplois indirects que cette industrie a créés au sein de
plus de 200 entreprises dont 14 sociétés papetières et forestières, 36 coopératives forestières, une
cinquantaine de scieries un peu plus de 35 producteurs d’arbres de Noël et plusieurs dizaines de
société d’entreprises d’aménagement forestière. Il faut ajouter à ces dernières le Gouvernement
du Québec, le Gouvernement du Canada et de nombreuses municipalités et MRC situées dans les
régions forestières qui emploient eux aussi des spécialistes de la foresterie.
La drave sur la rivière Malbaie
En effet le travail en forêt permet aux agriculteurs de Charlevoix de s’assurer un revenu
supplémentaire non négligeable. Les hommes se rendent aux camps de bucherons où ils résident
une grande partie de l’hiver à travailler rudement. Au printemps, la période de la drave succède
au temps de la coupe. Cette activité forestière comme nous le savons a d’ailleurs inspiré FélixAntoine Savard son célèbre Menaud maître draveur.
Bien sur ce contact avec la forêt n’est pas une entreprise facile.
On oublie trop souvent le courage, voire la hardiesse qu’il nécessitait en ces temps où les
déplacements étaient toujours exigeants. De plus, nous ne concevons pas toujours l’exploitation
réelle que subissaient les courageux bucherons se mettant aux services des riches marchands de
bois. En plus de vivre dans des conditions sanitaires déplorables, les bucherons du temps étaient
éloignés de leur famille revenaient à la belle saison avec bien peu dans leurs poches. Mais
l’argent était rare en ces temps-là et peu d’entre eux s’en seraient cependant plaint....
La foret était un lieu où se pratiquait la chasse et la pêche dans les lacs de l’arrière-pays.
Cet apport était ajouté à l’alimentation familiale et était fort goûté. Faut-il dire qu’en ce temps-là
les paysans chassaient et ne pêchaient pas encore pour leur simple plaisir mais bien pour leur
subsistance. En relation avec les touristes estivaux, des pourvoiries s’établissent dans la région,
mais comme beaucoup de territoires étaient réservé aux gens riches de l’extérieur, elles ne
concernèrent qu’indirectement les gens de Charlevoix durant de nombreuses années.
L’hiver au chantier
On habitait tous les deux un petit camp de bois rond couvert de branches d’épinette et de sapin.
Après le souper, pendant qu’on fumait alentour du petit poêle de tôle noire qui réchauffait la
cabane, je disais: 50 bons billots d’épinette rouge encore aujourd’hui. C’est de l’argent pour le
printemps.
- Oui, si on s’était éreinté pour le reste de ses jours … ou d’autre chose d’aussi décourageant.
Mon Dieu que cette vie- là, pendant l’hiver était triste pour moi sans un mot de mon garçon sans
jamais un bon signe de contentement. On passait 5 longs mois dans la neige. Je savais Ernestine
et Jeanne à la maison seules pour voir au ménage et au train des animaux, à l’étable, pour scier
le bois, pour voir à l’eau. Malgré toutes ces difficultés qu’il y avait et ça me rendait inquiet sans
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bon sens. Je me faisais un devoir de descendre en raquette à tous les 5 ou 6 semaines pour passer
un dimanche et voir à mes affaires.
(Un ancien racontait p.70-71)
La compagnie s’enrichit sur le dos des cultivateurs
Lors du congrès régional de l’UCC de 1940, tenu à Mégantic, les membres présents soulignent le
fait que le bois de pulpe pourrait procurer un revenu
considérable aux agriculteurs. La compagnie forestière
s’enrichissait en effet sur le dos des cultivateurs en leur
payant 6 ou 7 $ la corde de bois livrée. L’année suivante
au Congrès de La Patrie, les cultivateurs exigent que le
ministère de la Colonisation fasse une enquête sur les
prix payés aux colons pour le bois de pulpe. En mars
1943 le cercle local de Rock Forest vote une résolution
afin que la prime d’un dollar accordée pour chaque
corde de bois d’un volume de 128 pieds cubes soit
accordée aux bucherons et non plus au commençant, ni
au marchand de bois.
Après la seconde guerre mondiale en 1949
Certaines entreprises paient toujours le même prix ridicule de 6 à 7 $ pour la corde de bois alors
que d’autres en offre de 12 à 15 $. On demande à la Confédération de l’UCC de faire une enquête
sur le commerce du bois.
Les compagnies forestières persistent et conservent l’initiative de négocier les prix du bois
avec les producteurs.
En 1952 le prix de la tonne de papier journal augmente de 20 $. Simultanément les producteurs
voient le prix de la corde baisse de 5 $. À l’époque les moulins de Bromptonville, Windsor et
East Angus reçoivent presque tout leur bois des cultivateurs de la région. En 1960 il est demandé
que le prix du bois de pulpe offert aux agriculteurs devienne le même que celui payé par les
forestières pour couper le bois des terres de la Couronne. Ce prix est alors fixé à 20 $ la corde.
Les chantiers coopératifs
Le 21 mars 1947 la Fédération de l’UCC de Sherbrooke décide de créer le Comité d’Industrie
forestière. Deux ans plus tard la Fédération des chantiers coopératifs de Sherbrooke voit le jour.
Le 13 septembre 1949 la Fédération régionale de l’UCC demande aux directeurs des chantiers
coopératifs d’envoyer 100 exemplaires de la doctrine sociale de l’Église afin que les bucherons
puissent le lire en équipe d’étude.
Pendant plusieurs années les bucherons du chantier coopératif de l’UCC de Sherbrooke
passent la saison hivernale à Blind River, un village situé à 160 Km à l’ouest de Sudbury, en
Ontario sur la rive du lac Huron. C’est un endroit où l’on ne retrouve que des camps de
bucherons. En 1963 une cinquantaine de producteurs tous résidents de l’Estrie y travaillent. Le
contrat signé avec la compagnie Huron Forest Product prévoit la coupe d’une quinzaine de
millions de pied de bois par année. L’objet de cette entente comprend aussi la construction et
l’entretien des chemins forestiers. Les hommes doivent abattre, haler et transporter le bois coupé
par camion à une rivière située à 50 Km des camps.
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Au fil des ans les dirigeants du syndicat des producteurs de bois de l’Estrie ont dû prendre en
compte les préoccupations environnementales. Ils ont en ce sens adopté une politique de
développements municipaux sur l’abattage des arbres. Ils ont distribué plusieurs milliers
d’exemplaires le Guide des saines pratiques d’intervention en forêt privée en 1994 et en
2001.
(Syndicat des producteurs de bois de l’Estrie)
Histoire du commerce du bois
Le bois est à la base du commerce canadien pendant la plus grande partie du X1Xe siècle. Fondé
sur la demande Européenne, le commerce du bois contribue à l’essor économique du Canada en
y favorisant les investissements et l’immigration. Il transforme aussi l’environnement des villes et
de villages, plus radicalement que ne l’ont fait la pêche et la traite des fourrures, en encourageant
le développement des villes et villages, l’ouverture de route et l’exploitation. Ce commerce
engendre parfois de l’instabilité car les changements dans les cycles économiques font fluctuer la
demande et les prix, les conditions les aléas du commerce et la méconnaissance des marchés
amplifient ces difficultés.
Au X1Xe siècle le bois de commerce prend diverses formes
Les grands mats destinés aux navires de la Marine royale sont coupés dans les plus beaux arbres
des forêts mixtes qui couvrent les Maritimes et la vallée du Saint-Laurent et constituent le
produit le plus rentable des forets de l’Amérique du Nord britannique. On produit aussi bardeaux,
douves, planchettes pour boite et plus tard des fuseaux destinés aux fabriques de textiles.
Le bois de sciage et le bois équarri restent les principaux
débouchés.
Dans les scieries on prépare le bois d’oeuvre surtout sous forme de
planches et de madriers, pièce de bois brute mesurant au moins 12 pieds
de longueur sur 7 pouces de largeur et deux pouces d’épaisseur
(environ 366 cm x 18 cm x 6 cm). Le bois équarri, connu dans les
maritimes sous le nom de « Ton Timber » (bois à la tonne) consiste en
de billes équarries à la hache. Elles sont expédiées en Angleterre où on
procède souvent à un autre sciage. Le marché a des exigences strictes. On permet le taillage en
biseau et en pointe légèrement effilée, mais ces normes varient selon les dimensions des billes et
changent aussi avec le temps. À l’époque, le gaspillage est considérable puisqu’on élimine de 25
à 30 % de chaque arbre coupé.
Le commerce des mâts de navire (1763-1891)
Toujours limité à cause de sa spécialisation et de la haute qualité du bois exigé, se déplace de la
vallée de la rivière Saint-Jean à la vallée du Saint-Laurent tôt au X1Xe siècle, lorsque les
entrepreneurs recherchent le chêne et le pin des forets de feuillus du sud des grands lacs.
L’industrie du bois équarri se développe rapidement pour répondre à la demande considérable de
la Grande Bretagne, alors en guerre contre Napoléon et le plein essor industriel.
Le commerce transatlantique stimulé par des impératifs économiques et stratégiques, est bientôt
favorisé par le travail préférentiel au moment où le blocus Napoléon, en 1806 coupe la Grande
Bretagne de ses fournisseurs habituels, les pays du nord l’Europe. Les prix vont alors grimper de
300% en deux ans. Entre 1802 et 1805, il entre en moyenne en Grande Bretagne 9 000
chargement de bois, environ 1m 3 chacun en provenance des colonies. En 1807 le total atteint 27
000. 2 ans plus tard 90 000. En 1840 plus de 500 000 et en 1846 750 000. Par la suite les
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exportations vers la Grande Bretagne fluctuent pendant 20 ans autour de 600 000 chargement par
an, pour ensuite décimer jusqu’à 1e guerre mondiale.
Le pin est l’espèce la plus recherchée par l’industrie
Bien qu’on produise quantité de bouleau, de chêne blanc, orme, de frêne, de tilleul d’Amérique et
de noyer cendré équarri qu’on abat, des chênes et que la coupe d’épinettes et de pruches ait
augmenté après le milieu du X1Xe siècle. L’exploitation du pin couvre rapidement un vaste
territoire. En 1810, seule la lisière des forêts de pins du Nouveau-Brunswick a été coupée et le
confluent des rivières Outaouais et de Gatineau marquent la limite intérieure de l’exploitation
forestière en Amérique du Nord britannique. En 1835, c’est tout juste s’il reste un affluent des
rivières Miramichi, Saint-Jean et Outaouais qui n’a pas été exploité.
En 1850 les pins les plus accessibles de ce réseau de rivière ont été abattus, et beaucoup de petits
ports et d’anses côtières cessent leurs activités. Avec l’arrivée du chemin de fer le transport des
billes ne dépend plus exclusivement des cours d’eau ce qui permet aux régions éloignées des lacs
Ontario et Érié de s’ouvrir au marché. Les exportations de la région de Peterborough quintuplent
grâce à l’arrivée des chemins de fer en 1854.
Entre 1851 et 1861 le comté de Simco, auparavant inconnu prend une place prépondérante par
les producteurs forestiers du Canada-ouest. Les scieries se multiplient et le long des voies
ferroviaires qui se construisent en direction du nord du Bouclier Canadien.
(Encyclopédie canadienne, histoire du commerce du bois)
La révolution tranquille (1974-1985)
En1969, neuf compagnies forestières se partagent les ¾ de la forêt du Québec. Avec la révolution
tranquille à l’heure du «MAITRE CHEZ NOUS» l» l’État cherche à reprendre la gestion de la
forêt : on évoque les concessions et les forêts deviennent domaniales. Des entreprises locales se
développent (on parle de scieurs autochtones) on destine les résidus aux pâtes et papiers¸ et on
prône une gestion positive censé faire mieux que la nature à l’instar de l’agriculture industrielle et
de hauts rendements.
Mais à la fin de cette période, force est de constater les faits suivants: on alloue 52 millions de
m3de bois par année aux industriels et la forêt n’est pas capable de fournir que 18 millions de
bois par an. À cela s’ajoute les dégâts causés par la tordeuse de l’épinette qui détruits 235 m3 de
bois entre 1970 à 1983, et l’effet de la mécanisation qui nuit à la conservation des forêts¸60 % des
coupes étant insuffisamment régénérées depuis 1960.
Les nouveaux régimes forestiers (1985-2013)
C’est ainsi qu’en 1985 le gouvernement procède l’abolition de l’ensemble des lois forestières
antérieures et instaure un nouveau régime forestier afin de répondre aux besoins de l’industrie on
crée des contrats d’approvisionnement et d’aménagement forestier (CAAF) un outil permettant
d’attribuer les bois des forets du domaine de l’État. D’autre part on cherche à préserver les
fonctions de la forêt à l’aide de règlement sur les normes d’inventions¸ et on applique une
stratégie de protection.
Cependant en 1999, le verdict populaire est sans appel le film « L’EREUR BORÉLAL » dénonce
le fait que l’on coupe trop et que l’on coupe mal. Le documentaire fait l’effet d’un électrochoc et
va contribuer à l’émergence de différentes formes de réflexions sur le secteur forestier.
Il y a d’abord en 2001 l’instauration d’un amendement de la loi de 1985. Puis en 2002, le rapport
du vérificateur général du Québec et en lumière le fait que le calcul de pression de coupe
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acceptable est inadéquate de sorte qu’au fond il n’y a pas de données fiables prouvant qu’il y a
surexploitation. Le rapport reproche aussi à la gestion de ne pas inclure une approche
systématique.
La commission Coulombe de 2004 fait le point de la situation et propose 81 recommandations
parmi lesquelles la mise en place d’une gestion intégrée et écosystémique, une rationalisation
industrielle, des rencontres avec les Autochtones et la création du Forestier en chef. Ces
événements se déroulent alors que l’industrie vit une grave crise qui conduit à la fermeture de
257 usines et la perte de 44 000 emplois en moins d’une décennie¸ une crise à laquelle le Québec
n’échappe pas. Un sommet à lieu sur la forêt en 2007 et dès 2010, le projet de loi 57 sur
l’occupation du territoire forestier devient le «nouveau» régime forestier. Celui-ci suscite
beaucoup d’espoir puisqu’il doit enfin rendre effectif un aménagement réellement écosystémique
de la forêt, une véritable implication des communautés locales.
Luc Boutiller professeur titulaire en politique forestière de l’Université Laval a résumé cette
histoiire de la forêt au Québec en distinguant les périodes où la gestion des forets a été
caractérisée différemment:
-
1849-1968, une foresterie faire pour et par l’industrie
-
en 1969-1985, une foresterie pour l’industrie et par l’état.
-
1987 à 2013, une foresterie pour l’état et par l’industrie
-
XX1e siècle, une foresterie qui devrait être faite pour et par les gens Un sommet sur la
foret a lieu au Québec en décembre 2007.
Mésange du Canada
Plus encore que le loup ou le huart, la mésange du Canada symbolise les grandes forêts boréales.
Ayant vite découvert que les humains représentent une excellente source
d’alimentation, cet oiseau recherche souvent les restes comestibles dans
les camps de bucherons, dans le sillage des chasseurs et dans les sites de
camping des canoteurs. Avec son caractère intrépide et fureteur, il a le
don d’amuser ou de contrarier les gens qui fréquentent ces forêts. Ces
deniers lui ont d’ailleurs prêté de nombreux surnoms dont celui de pie à
cause de son comportement de valeur. Les anglophones l’appellent
whisky-jack dérivé des mots algonquins : wiskedjak, wisagatcak et les
autres variantes qui désignent un esprit espiègle et multiforme et toujours
prêt à jouer des tours aux gens.
(Faune et flore du Pays)
Les Laurentides Curé Labelle
Le curé Labelle (1833-1891) un géant de notre histoire.
En 1863, l’abbé Labelle est nommé à la cure de Saint-Bernard-de-Lacolle, une paroisse voisine
de celle qu’il quitte, plus importante. C’est un bon curé, très aimé de ses paroissiens à cause de sa
générosité sans borne. Il demande à Mgr Bourget la permission de s’établir aux E.U., mais
l’évêque refuse et en 1867 le nomme curé de Saint-Jérome, une belle paroisse de 3700 âmes,
actives et prospères.
[Texte]
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Le mouvement de colonisation est au point mort
Lorsque le curé Labelle y arrive en 1868, le mouvement de colonisation est au point mort.
Quelques établissements s’étaient ouverts au nord dans les Laurentides, le plus important étant
Saint-Agathe et sur la rive-nord de l’Outaouais où s’était établie une colonie écossaise. Pourtant
ces cantons sont le théâtre d’une grande activé forestière qui emploie 25 000 hommes y compris
dans les établissements agricoles gérés par les compagnies en pleine forêt et qui sont à l’origine
de Lachute, la Nativité, Labelle l’Annonciation, l’Ascension. Saint Jérome est une plaque
tournant pour toutes ces activités, d’où sa prospérité et le développement d’une petite et moyenne
bourgeoisie dont les économies ne demandent qu’à investir.
Rameau de Saint-Père
On parle beaucoup autour de la table accueillante du curé qui devient la halte préférée des prêtres
en voyage entre Montréal et Ottawa. On s’y entretient aussi de la dégradation de la situation des
catholiques dans l’Outaouais depuis que les protestants ont entrepris d’investir dans la capitale de
la nouvelle Confédération. C’est alors que les leçons de Saint Père reviennent à l’esprit du curé
Labelle. Il écrira plus tard au successeur de Mgr Bourget :
« Je me suis dirigé du côté de l’ouest parce qu’il fallait enlever au protestant les comtés
d’Argenteuil et d’Ottawa et les assurer pour toujours en la possession des catholiques tout cela
sans le dire ouvertement. Les terres étaient meilleures de ce côté. Je savais que les protestants y
jetaient un œil de concupiscence, qu’ils faisaient des projets pour s’en emparer et nous avons
déjoué leur plan. »
Il mesure 6 pieds et pèse 333 livres
Dès 1869, le curé Labelle se lance dans cette venture avec une énergie de géant. Son premier
biographe l’abbé Auclair a des pages extraordinaires qui nous le font
revivre et nous explique la fascination qu’il exerça sur tout un peuple. Son
dernier biographe Gabriel Dussault, prend un plus grand soin d’expliquer
son action et de réfuter l’étiquette d’agriculturiste que certains néo
nationalistes lui ont donnée par anti-catholicisme.
Son curé Labelle, nous dépeint un curé à l’esprit moderne attaché non pas
au retour à la terre d’un peuple que le progrès éloignerait de la religion,
mais à l’expression territoriale et économique d’un peuple catholique
visant à contenir la puissance protestante.
Il fonde 29 cantons et ouvre 29 paroisses
Le curé Labelle exerce directement son zèle sur la région autour de Saint-Jérôme, dans un rayon
de 200 km. Il l’a parcourue en tous sens pour choisir l’emplacement des futurs villages en
fonction de la situation de la fertilité du terrain, des cours d’eau, du tracé de la ligne de chemin de
fer dont il rêve. Car ses projets de colonisation ne vont pas tarder à s’étendre jusqu’au
Manitoba : il veut peupler de Canadiens français toutes les régions du nord, les exploiter, les
rentabiliser, édifier une imprenable forteresse française et catholique d’où s’élancera la
reconquête du sud. Aussi lorsque son choix s’est arrêté sur un emplacement, y plante-t-il une
croix sur le modèle de celle de Jacques Cartier. Il fonde 29 cantons et ouvre 29 paroisses.
[Texte]
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Les premiers colons
Pour la plupart des gens pauvres, le plus souvent victimes de faillites, à moins que ce soit des
agriculteurs qui préféraient repartir à zéro pour avoir le bonheur de mourir entourés de leur fils
bien établis sur de belles terres. En principe, le colon arrivait seul à l’automne pour prendre
possession de son lot, généralement de 100 acres. Il a 4 ans pour défricher le 1/10, se bâtir une
maison et devenir alors le légitime propriétaire. Le reste de la famille suit à l’automne.
Dès que 300 colons sont installés, on procède à l’érection de la paroisse. Pour le curé Labelle
«c’est l’élément moteur de la colonisation, car le sentiment religieux chez les Canadiens français
est plus fort que l’or, l’argent et la misère parce que son point d’appui est le ciel »! Très vite il
fait construire une chapelle-presbytère-école dont il a tracé les plans et fixé le cout 500 $. C’est
la première vraie construction de la colonie souvent même avant le moulin à scie.
N’est pas colon qui veut
Un colon doit être courageux, ferme dans ses décisions, robuste et façonné pour une vie pénible.
Il lui fallait une certaine habileté pour les travaux des champs. L’épouse du
colon devait voir une forte constitution être initiée à toute les tâches de la
vie à la campagne. Les filles du cultivateur, habituées au même genre de
travail, ils étaient aptes à fonder en peu d’années, un bon établissement
agricole. Ils étaient en général, les seuls qui résistaient à ces travaux
rigoureux.
« Aux portiques des Laurentides, c’est que ce n’est pas le riche qui colonise,
mais bien celui-là seul qui n’a que sa hache et qui avec ce seul outil,
parvient à ouvrir de vaste étendues fermées à l’homme, à créer pour tous de nouvelles demeures,
de nouvelles richesses, à féconder des contrées nouvelles ou notre race pourra se développer de
plus en plus à l’aise, en conquérant de plus un plus de sol ». (Arthur Buis)
Premier colon à la Minerve
En 1887, le ministre de la colonisation prenait en main le sort de ces pionniers et les billets de
location sont arrivés après leurs demandes. Le notaire Lefebvre a ouvert un
moulin à farine et un moulin à scie sur le bord du lac Désert, afin de
satisfaire les besoins des colons. M. Isaac Grégoire en a été le gérant. Entre
1887 et 1897 plusieurs familles se sont ajoutées tandis que d’autres ont quitté
l’endroit et se sont dirigées vers des régions plus prometteuses. Des amis du
curé Labelle lui ont concédé leurs lots et leurs droits car les couts d’entretien
de colons établis diminuaient rapidement leur fortune. Le notaire Lefebvre a
obtenu ses lots. Sur ces lots, on a trouvé 331 acres en culture, 13 maisons, 4
granges, 40 arpents de clôture. Ces travaux furent faits par les résidents qui
s’engageaient à défricher et à cultiver ces lots. (Municipalité de la Minerve )
La construction du chemin de fer
Il a dessiné le tracé: de Montréal, à Saint-Jérôme, puis s’enfonçant dans les terres jusqu’au
Témiscamingue, il rejoindrait l’ouest francophone avec un réseau d’embranchements vers le lac
Saint-Jean, Gatineau, La Baie James. La tâche est ardue. Il avait pris soin de mettre discrètement
mais surement son influence au service de l’élection d’Adolphe Chapleau. Le chef des
Conservateurs et premier ministre du Québec. Mais il lui faut admettre que son cher 1e ministre
est sensible également à d’autres influences.
[Texte]
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Son souhait: pas une agriculture de survivance, mais une agriculture commerciale
L’installation est ordinairement rude et les colons ont bien de la misère. Mais le curé les connaît
tous, les visite régulièrement, distribue les aides nécessaires et redonne de l’enthousiasme. Il veut
organiser non pas une agriculture de survivance, mais bien une agriculture commerciale. Très en
avance sur son temps, il préconise l’ensilage, l’utilisation des engrais, prévoit l’exportation du
beurre en Europe. Bref, on est fort enthousiaste, d’autant plus que les rendements des premières
années sont prodigieux: on garde en mémoire des navets de 10 livres de François Francoeur,
et des choux de 13 livres, des Jésuites.
Le Roi du nord
Ainsi, pour le chemin de fer, une véritable manifestation de 3 000 colons sous les fenêtres du chef
du gouvernement (Adolphe Chapleau) n’arrive pas à ébranler son apathie.
Le gouvernement ne cède que dans le terrible hiver 1872, après qu’un
convoi de 80 chariots, organisé par le curé Labelle, est venu apporter
gratuitement du bois de chauffage aux pauvres de Montréal qui se
mouraient de froid. L’inauguration de la ligne Montréal-Saint-Jérôme en
1879, marque l’apogée du mouvement de colonisation de celui qu’on
surnomme maintenant le Roi du Nord.
Le curé « politicien »
Doit toutefois reconnaître la limite de ses pouvoirs. En 1888, il obtient que
le conseil des ministres présente un projet de loi pour protéger les colons
face aux compagnies forestières, mais une série d’amendements le vide pratiquement de son
contenu. Il cède à son meilleur ami (Mercier) pour ne pas indisposer ceux qui soutiennent le parti
et qui pourraient bloquer les projets de chemin de fer. «Mercier me demande de concourir avec
lui à faire réussir la politique que j’idolâtre depuis 15 ans. Il me parla avec tant de bons sens,
tant de sincérité que je crus voir en lui l’homme d’état transformé en Labelle. Alors lui refuser
nettement mon aide, c’était me renier moi-même. Cette nomination signifie que mon chemin de
fer est assuré, le chemin de fer de Gatineau est assuré le chemin de fer de la Pointe bleue est
assuré, du Lac Saint-Jean à Chicoutimi et celui du Témiscamingue est assuré, et que la politique
qui regarde la colonisation et l’agriculture va prendre un nouvel essor qui pourra être lent, mais
qui, je l’espère deviendra efficace.»
Une autre opposition qui lui sera plus crucifiante encore est celle de son évêque Mgr Fabre.
Successeur de Mgr Bourget, le premier évêque de Mtl a adopté comme ligne de conduite en
politique la discrétion et dans le domaine ecclésiastique l’exercice ferme de son autorité. Son
engagement politique lui déplait. Lorsqu’il apprend que Mercier s’adresse au Pape sans passer
par lui pour obtenir la prélature pour le curé-ministre, sa froideur se mue en hostilité. Dès qu’il
apprend que Rome lui a accordé le titre de protonotaire apostolique, l’archevêque exige qu’il
démissionne de ses fonctions gouvernementales.
La cassure avec son archevêque est irréparable
Il se retrouve privé de ce soutien important. Il offre sa démission au premier ministre qui la
refuse illico. Une hernie l’oblige à se faire hospitaliser. Quelques heures après son opération, il
s’éteint dans la nuit du 3 au 4 janvier 1891. Il a 58 ans et plein de projets pour son pays qu’il
aime tant. Tout entier le Québec pleure la perte d’un de ses fils les plus remarquables.
[Texte]
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Bucherons d’Ottawa
Première expérience de chantier en Abitibi
(U de S )
Hommage à la Terre Laurentienne
Il y a quatre siècles un embryon de petit peuple s’est accroché à tes flancs. Désespérément
d’abord, mais devenant plus fort, au fur et à mesure qu’il sortait de tes chênes et de tes pins, le
bois de ses caresses et de son dernier repos.
Il a ce peuple appris à ne pas avoir peur, en s’habituant à la musique de tes tonnerres
Il a ce peuple compris la fécondité, en voyant le manteau de tes glorieux hivers redonner toujours
au sol les plus blondes moissons.
Ton coeur, le roc de Québec est le sien.
Ton cerveau, la sève du Mont Royal est encore le sien
Et ce soir, illuminé par un couchant pourpre dans les
cieux en ébullition, je ne puis, ô ma terre, que joindre
aux nuages de feu roulant la haut le miracle français
rouge et fort comme le crépuscule, transformant en
porphyre, la surface immaculée du lac Clair.
Le soleil heureux de retrouver un peu de neuf, caresse
toute ma province de ses rayons de fête.
Germain Dubreuil & Berthe Bégin (Stoke)
Puis unissant les monts altiers avec la race qui les couvre, il offre le tout à son Maître, en une
apothéose de force et de survivance.
(Un homme à la hache, Adolphe Nantel, les Trois-Rivières, 1930)
[Texte]
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Bucheron du lac Écho
Bucheron de la Manouane
Contes de bucherons
« Une fois, je vais vous conter, vous raconter, tant de vérités, tant de « mentries », plus je
mens, plus je veux mentir »
On payait même un conteur pour récréer les bucherons. Il n’aimait rien de mieux que de
rencontrer un autre conteur dans les camps :
« On essayait de se bitter, chacun son soir. Lorsqu’un conteur entamait un conte dans les
camps, si quelqu’un faisait du bruit, on se le faisait dire. Les hommes venaient malins, ils ne
voulait rien perdre. J’ai jamais été payé mais j’avais droit à certain honneurs ».
(Le conteur Isaïe Jodoin de Saint-Gédéon de Beauce)
Le conte populaire regroupe 4 catégories principales de récits:
1- Les contes d’animaux, sauvages ou domestiques,
des oiseaux, des poissons)
2- les contes merveilleux qui se subdivisent:
a) en conte magiques: adversaires surnaturels, tâches
impossibles, objets magiques, forces surnaturelles,
etc…
b) en contes religieux : Dieu, les saints, etc…
c) en conte d’ogres:
3- conte à rire, qui prennent plaisir à se moquer des gens mariés,
des vieux garçons des vieilles filles, des ordres religieux, des
menteurs, etc..
Isaïe Jodoin (conteur)
4- des contes sans fin ou à formule, séries d’attrape nigaud.
Contes de bucherons,
Jean-Claude Dupont
Musée national de L’homme, Ed. Quinze, 1974
-
La bête à 7 têtes, Archives de Folklore, U de Laval, p. 21
Jack de bois, J.C. Dupont , p. 37
Le petit Jacob,
p. 49
Les 7 princes,
p. 61
Le père qui veut épouser sa fille, p.103
Le roi qui donne la moitié de son royaume, p. 85
Le roi parrain,
p. 121
La « bean »
p. 145
La veuve et les 3 Enfants, p.155
Le petit ruban bleu,
p. 163
L’oiseau de vérité,
p. 177
[Texte]
Page 58
-
Voir aussi: Un homme à la hache :
Pourquoi les ânes ont une croix sus l’dos ? p. 195
Les deux vieilles filles qui se chicanent
p. 196-97
Quand les juifs ont traversé la mer Rouge p. 197
C’est une vache qui a arrêté le train
p. 198
Quand je me marierai j’vas pardre qu’que chose. p. 199
Madame je ne mange rien de ce qui sort de la bouche d’un animal p. 200
Je viens de jouer aux dames
p. 200
Ça sert à rien quand j’en réveille un…vous en endormez 10 . p .201
La bête à 7 têtes
Le récit de la bête à 7 têtes, met en cause un jeune homme assisté
de 3 chiens, livrent combat à un monstre. A la fin, le jeune homme
est vainqueur, mais un imposteur veut s’attribuer le mérite de la
victoire. Comme dans de nombreuses versions français. Isaîe Jolin
ajoute à ce conte merveilleux un épisode du conte de « la soeur
infidèle ». Le jeune homme avant de combattre la bête à 7 têtes,
doit échapper à l’empoisonnement que lui prépare sa soeur sur le
conseil d’un ogre.
Jack de bois
Dans le folklore international, « Jack de bois » se nomme « Jean de l’Ours», et c’est un colosse
d’une force extraordinaire, né d’un ours et d’une femme. Isaïe Jolin nomme son gaillard « Jack
de bois» parce qu’il est né d’un tronc d’arbre. Un homme et une femme découragés de ne pouvoir
avoir d’enfant décident de s’en faire un à partir à partir d’un arbre. Le père prie pendant 15 jours
au pied de l’arbre et celui-ci se met à grouiller. Quinze autres de jours de prières feront que
l’arbre se transformera finalement en enfant.
Le Petit Jacob
Le Petit Jacob est d’abord présenté en train de renter du bois de chauffage dans la maison avec
ses petits frères. Ensuite, il s’en va chasser en forêt. Contrairement aux
chasseurs des contes étrangers, Jacob ne reçoit pas son arme (une
flèche) d’un autre chasseur, ou d’une vieille femme, mais c’est luimême qui la façonnera. Il se servira ensuite de cette flèche pour piquer
le nez de 3 géants, et attirer ainsi leur attention. Ceux-ci l’hébergeront
alors qu’il est perdu en forêt, et ils lui ménageront une rencontre avec
un ogre qu’eux-mêmes n’ont pu vaincre. Le petit Jacob tuera cet
animal fantastique, et il délivrera, le roi fera un prince de Jacob.
Les 7 Princes
Tit Jean et ses 6 frères sont fils de roi, et, pour se désennuyer, ils partent à la chasse. Tit Jean est
le plus intelligent de la famille, mais le roi prétend plutôt qu’il est à « moitié fou ». Ils reviennent
de la chasse avec une bête inconnue que le roi met en cage. À la demande de cette bête
fantastique Ti-Jean la laisse échapper et, en retour , il reçoit la promesse de devenir invincible. Et
c’est ainsi armé d’objets magiques, il vaincra 3 ogres et se méritera une princesse. Ti-Jean
refuse, puisque le roi lui donne, un peu à regret, sa fille en mariage.
[Texte]
Page 59
Le Roi qui donne la ½ de son royaume
Il figure cependant dans la littérature écrite. Madame Aulnay, en 1698, dans ses Contes nouveaux
ou les Fées à la mode, a adopté le texte oral. Les frères Grimm, au X1Xe siècle
( les 3 plumes et le pauvre garçon meunier et la petite Chatte), en firent à leur tour la trame de
deux contes, avec de légères variantes, ils apparaît aussi dans les Mille et une nuits, traduction
d’Antoine Gallant. Le roi demande à ses 3 filles de lui apporter des objets merveilleux. C’est la
plus jeune des 3 qui réussit le mieux. Son aide sera une chatte qui n’est rien d’autres qu’une
princesse emmorphosée. C’est d’abord un châle qu’exige le roi, puis un chien, et ensuite la plus
belle fille de la terre. Ti-Jean finira par épouser cette belle princesse qu’il a réussi à délivrer du
diable.
Le père qui veut épouser sa fille
Peau d’ânesse est aux prises avec son propre père qui veut l’épouser. Sur les conseils de sa
marraine, elle promet à son père de se soumettre à ses désirs s’il réussit à lui trouver une robe
couleur du ciel. Après bien des démarches et grâce à un aide, cette tâche difficile sera accomplie..
La jeune fille demandera ensuite une robe couleur d’étoile, puis une robe couleur de miel.
Finalement Peau d’Ânesse se couchera dans un coffre magique dans lequel elle a placé ses robes
et son argent, et elle sera transportée loin de son père. Arrivée à l’étranger, elle s’habille d’une
peau d’âne et s’en va s’engager chez un roi.
Le roi parrain
Parmi les récits d’Isaïe Jolin, celui-ci est sans doute le plus complexe: les péripéties se succèdent
prenant des formes inattendues, et les éléments merveilleux sont multiples. Cependant, la
caractéristique de ce conte est surement la démesure dans quantité et le nombre. Les aides
fantastiques qui viennent secourir le héros n’agissent plus isolément mais en groupe. C’est ainsi
que Tit-Jean sera aidé dans ses taches par une « nuées de pigeons », une « gagne de géants », et
un orchestre de musiciens, « une armée de frémilles « gagne de géants ». 700 livres de viande
serviront à nourrir les fourmis, et 700 minots de blé seront dévorés par les pigeons, une tonne de
sirop et une tonne de brandy seront englouties par un géant. Et Tit-Jean qui part chercher une
pomme et une fleur, reviendra avec un pommier sur le dos et sa brassée de fleurs.
La Bean
Un pauvre homme qui a autant d’enfants qu’il y a de roches sur sa terre ne sait plus à qui
demander de l’aide. Il décide d’aller demander la charité au bon Dieu. Celui-ci, par l’entreprise
de Saint-Pierre lui remet d’abord une table magique qui s’enroule qui s’encomble de nourriture,
puis un âne qui crotte de l’or et finalement un bâton qui frappe sans merci. Grace à ce bâton, le
pauvre homme pourra reprendre sa table et son ane qu’il s’était fait voler et donner une leçon à sa
femme incrédule. Dans ce récit de notre conteur, Dieu est reconnaissant pour ceux qui ont
beaucoup d’enfants et la demande faite à Dieu prend sa forme
connue de l’expression populaire répétée par le quêteux
québécois : « La charité pour l’amour de Dieu ».
La veuve et les 3 enfants
Isaïe Jodoin transmet ici une forme simplifiée de ce conte
populaire: il conserve les 4 épisodes de base du conte (la
découverte d’objets magiques, leur perte, la découverte de
fruits merveilleux et la récupération des objets magiques), mais
[Texte]
Page 60
il laisse tomber certains motifs dont il ne peut se souvenir. De plus il ne reste plus rien de « royal
» dans ce récit, ce n’est pas dans un château que se rendent les 3 frères mais sur une montagne de
bois. Et la princesse ressemble plutôt à une
« vilaine créature ». Isaïe donne une touche personnelle au dénouement. Il nous fait assister au
mariage du héros avec la princesse délivrée, comme le font la plupart des conteurs des autres
continents, mais plutôt à la vengeance du héros envers la princesse. En effet celle-ci sera battue
par Ti-Jean et finalement, elle sera changée en lion et lâchée en forêt.
Le petit ruban bleu
Ce récit d’Isaïe Jodoin n’est pas sans nous rappeler sans doute l’histoire de Samson, puisque
notre héros, devenu fort, grâce à un ruban qu’il porte autour du corps, sera un jour trahi par une
femme, sa mère. Ses ennemis, des géants, lui crèvent les yeux. A la façon de Samson qui anéantit
ses ennemis, en mourant, Tit-Jean retrouve finalement sa force, tue les géants et sa mère en
écartelant de ses mains. Il met ensuite le feu à la maison en disant: « Plus personne n’entrera ici.
Mais là où le conte s’éloigne de l’histoire sainte pour se rattacher davantage au merveilleux, c’est
lorsque le héros délivre une princesse, qu’il est secouru par une lionne et qu’il retrouve la vue en
buvant dans une source magique.
L’oiseau de vérité
Les 4 éléments du conte d’Isaïe Rolin sont les suivants :
1- Le mariage d’une jeune fille humble condition sociale à un prince, l’épouse promet au
prince de lui donner des enfants portant dans leur peau leur nom
écrit en lettre d’or.
2- L’épouse calomniée, le prince s’en va en guerre, et pendant ce
temps la belle-soeur jalouse échange les 3 nouveaux-nés marquée
d’or contre 3 petits-chats.
3- Les aventures des enfants, un roi trouve les enfants dans un panier
flottant sur l’eau. Il les amène au château et les élève. Le garçon du
groupe parvient, avec beaucoup de difficulté, à cueillir une pomme
d’or qui fabrique la richesse, une branche d’olivier chantant et un oiseau de vérité.
4- À l’occasion de la capture de cet oiseau, deux des enfants sont tournés en statue de sel.
Le troisième enfant délivre les deux autres.
5- Le dénouement, les enfants retrouvent leur père et mère. Ils arrivent au mont ou leur
mère est jugée. L’oiseau de vérité raconte toute la vérité, réhabilite la mère et confond la
belle-soeur.
Contes et légendes de la Gaspésie. Les nuits sont longues sur les côtes de la Gaspésie, les
conteurs s’y trouvaient en grand nombre.
Les gens étaient-ils plus naïfs jadis qu’aujourd’hui ou bien aimaient-ils davantage le
merveilleux? Il est resté de cette époque une kyrielle d’histoires fantastiques et de contes
populaires qui parlent de géant, du diable, de naufrages, etc. Certains les ont encore en
mémoire. En voici quelques exemples :
[Texte]
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Le Géant de Méchins
L’histoire d’Outikou, le géant de Meschins mangeur d’homme, est commune, semble-t-il, à
plusieurs tribus autochtones. Celles-ci a été raconté par Jean-Charles Taché. L’histoire se passe
vers 1668. Un missionnaire accompagné d’un guide malécite doit se rendre à Gaspé. Arrêté par la
nuit à l’endroit aujourd’hui
appelé les Méchins, les
l’Amérindiens dans tous les
ses états. Au missionnaire
qui s’informe de la raison de
sa
peur,
lui
répond
qu’Outikou,
un
géant
fantastique, rôde autour comme un lion rugissant et menace de le manger. Et le missionnaire de
lui répondre qu’Outikou ne mange pas les gens qui ont été baptisés. La nuit venue, le Malécite,
apeuré, réveille le missionnaire:« Patriarche, j’ai vu descendre le cri d’Outikou, et ce cri fait
mourir. Je l’ai vu descendre de la montagne, grand, grand comme les chikchâk …Il avait un
bâton pour se soutenir, un grand pin sec arraché de sa propre main. Il avait senti du sauvage non
baptisé…Il se penchait vers moi pour me saisir, ainsi j’ai pris ton crucifix et il s’est sauvé vers la
montagne en hurlant. Donne-moi le baptême ». Et le lendemain, le missionnaire, pour conjurer la
menace du méchant géant, Matsi en langue autochtone, construit une croix avec du grand pin sec.
Ainsi, de Matsi le nom de l’endroit serait devenu Méchant en français, puis Méchin.
La Gou-Gou
Cette histoire n’est pas sans rappeler celle de l’ogresse géante de l’île de Bonaventure, la GouGou, une vieille femme hideuse si grande que les mats des
navires ne lui venaient même pas à la taille. On la voyait
courir sur les rochers de l’île. Elle faisait un bruit terrible. Sa
voix striait l’air comme les vents sinistres qui hurlaient dans
la falaise. Parois, elle traversait sur la terre ferme ou elle
s’emparait d’Indiens qu’elle mettait dans son tablier pour les
manger plus tard, dans sa caverne.
Le missionnaires l’ont fait fuir, elle aussi, mais l’ogresse a
survécu et c’est un jeune garçon de grève natif de Bretagne qui l’a revue au temps de la grande
pêche. Le jeune homme travaillait pour le capitaine Cardurec. Un jour, voulant voir de ses yeux
l’antre de la sorcière, il fait une escapade et parvint à la caverne de l’île de Bonaventure. En
approchant, il entend souffler dans son dos. En se retournant, il voit la vieille sorcière indienne,
avec ses dents longues et menaçantes et ses deux yeux méchants qui brillent derrière les poils
jaunes qui lui pendent sur le museau. La bave coule sur les babines sanglantes. Le jeune mousse
se sauve à toute vitesse. À bout de souffle, il arrive à la falaise, mais la Gou Gou le rattrape. Il
n’a que le temps de sauter à l’eau où son capitaine le ramassera plus tard, sauvé in extremis.
La légende du diable danseur
Le visiteur de passage à Saint-Yvon est chanceux, il trouvera ce vieux pêcheur qui lui
racontera, l’oeil malicieux, l’histoire de Rose Latulipe : « Il y a longtemps dans les années
1745, Rose Latulipe une belle jeunesse de 20 ans voulait absolument danser mais l’histoire se
passait ailleurs.
[Texte]
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L’histoire que Carmen Roy a recueillie n’est pas tout à fait pareil. Celle-ci du moins est vraie.
Elle s’est produite à Cap-Blanc, juste à côté de percé. Une jeune fille décide, un bon soir, d’aller
passer, bien que sa mère ne veuille pas. « Même si ce devrait être le diable, je vais danser avec
lui »… En soirée alors qu’elle s’en allait à Percé, un beau jeune homme habillé de noir la repasse
en voiture et lui demande où elle va, « Danser » répondit-elle…« Montez j’y vais aussi », et elle
monte. Pendant la veillée, le jeune homme garde ses gants de sorte que la
demoiselle ne voit pas ses griffes, mais satan accroche une autre danseuse
et l’égratigne sans le faire exprès. Soupçonneuse, celle-ci prévient le
maître de la maison .Chaque fois que le beau danseur approche le ber du
bébé, remarque le maître de la maison, l’enfant braille. À n’en pas douter,
c’est le diable, pense-t-il, et il part immédiatement en avertir le curé qu’il
ramène à la maison.
Le bateau fantôme
La Gaspésie est un pays de côté de mers. La guerre de la Conquête s’y est
déroulée et a entraînée bien des pertes de vie...L’un des bateaux qui
sombra à cette époque aurait réapparu occasionnellement depuis, les
voiles toutes en feu. Marie Stella Bourg, de Carleton l’a aperçu è quelques
reprises en 1912 et 1914. Catherine Jolicoeur a recueilli son témoignage, aussi celui de John
Lebanc, de Nouvelle.
« J’me rappelle d’avoir entendu dire par mes ancêtres d’où vient le bateau-en-feu. En 1757, la
dernière guerre qui a eu avec les Acadiens et Anglais s’a faite en bas de Restigouche, Un-j’me
rappelle pas d’son nom de famille, qui était l’plus vaillant Français qui a eu au bord du bateau de
guerre. Ses camarades voulaient absolument qu’il cède aux bateaux Anglais pour se laisser
prendre par eux autres. Il a dit que c’est impossible, que le cœur français était pas capable de
céder à un anglais. Il a dit que malgré tous les pouvoirs d’anglais qu’il travaillerait, qu’il
loveillerait pour essayer à détruire la flotte anglaise jusqu’à ses derniers jours. Il a dit qu’il
loverait, pis qu’il travaillerait malgré, malgré le iâble jusqu’à la fin des temps de caler ce bateaulà.
Mais la Providence à pas permis. Il a été obligé d’céder par le manque de pouvoir et c’est son
bateau qu’a été coulé, que les ancêtres calculent, qu’c’est son bateau en feu qu’est vu sur la
mer…» (Catherine Jo)
C’est-y vrai toutes ces histoires ? En tous cas, se sont celles que mon père me contait à moi aussi.
Mario Mimeault. ( Ma histoire, chercheur indépendant, Gaspé, le 24 novembre 2002)
La maison hantée
Cette maison fut jadis un poste de transfert de pilotes et les marins y organisaient assez souvent
des beuveries, les bagarres ne manquaient pas. Or l’un tourna au tragique et un homme fut tué.
Pour cacher le crime, on enterra dans la cave et personne n’en souffla mot. Mais l’âme de la
victime depuis lors ne cessa d’exiger qu’on transporte les restes en terre bénie et on dut
abandonner la maison tellement les bruits et le désordre y étaient insoutenable.
(Circuit des légendes de Trois-Pistoles)
[Texte]
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Les Cultivateurs
Pendant plus de 100 ans
La majorité des écrits littéraires publiés au Québec s’inscrivent dans le courant du terroir. Le
mouvement s’amorce en 1846 avec la Terre paternelle de Patrice Lacombe et s’achève en 1945
avec le Survenant. Il sera particulièrement dominant dans les premières décennies du XXe siècle.
Camille Roy en sera le plus ardent promoteur. Il y voit une façon de nationaliser la littérature.
C’est en essayant de se donner un cachet canadien-français
que notre littérature se démarque des autres littératures. Les
« exotiques » essaieront, tant bien que mal, de s’opposer à
cette vision trop régionaliste de la littérature.
La littérature du terroir sort en ligne droite de
l’idéologie de conservation.
De 1840 à 1930, la population augmente très rapidement
(la revanche des berceaux). Comme les infrastructures sont
presque inexistantes et qu’elles appartiennent aux
anglophones, il ne reste que l’agriculture pour accueillir les
jeunes canadiens français.
Marc-Aurèle DeFoy Suzor-Coté (Retour des champs 1903)
Rapidement toutes les bonnes terres sont occupées. On s’enfonce de plus en plus dans l’arrière
pays, on colonise des terres de moins en moins productrices. Certains se découragent De 700 000
à 900 000 Canadiens français iront chercher un meilleur sort aux Etats-Unis. Les dirigeants et le
clergé comprennent qu’il faut arrêter l’hémorragie, que la survie de la nation en dépend.
Les auteurs du terroir vont contribuer à cette double tâche:
Garder les Canadiens français au Québec et sur des terres. Ils vont écrire des romans à thèses qui
défendent une idée, dans lesquels on démontre que la vie paysanne est supérieure à toutes les
autres. « C’est là le moyen le plus sûr d’accroître la prospérité générale assurant le bien-être
général des individus» (Jean Rivard), Le défricheur, (1862.)
Certains titres de roman assez évocateur:
Restons chez-nous (1908) et l’appel de la terre (1919) de Damase
Potvin. La terre vivante (1925) de Harry Bernard. La terre que l’on
défend (1928) de Henri Lapointe. La terre ancestrale (1930) de
Louis Philippe Coté. Les personnages qui optent pour un autre mode
de vie, qui manquent à leur devoir, seront considérés comme des
traîtres et connaîtront différent déboires.
Dans le déserteur (1934) de Claude Henri-Grignon. Isidore Dubras,
après avoir vendu sa terre pour s’installer en ville, devient alcoolique,
meurtrier et finit en prison! Quelques auteurs n’hésiteront pas à
interrompre le récit pour discourir sur l’importance de l’agriculture
(voir extrait de Gérin Lajoie), pour dénoncer statistique à l’appui, l’émigration aux E.U. (dans
[Texte]
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Restons chez-nous, Damase Potvin interrompt son récit pendant 29 pages. Le message doit être
compris.
Le but des auteurs est facilement identifiable et leur démarche toujours un peu semblable:
- « émouvoir le lecteur par la représentation d’une vie ardue mais libre
- « l’effrayer en lui racontant des dangers de l’exil ou ceux de l’industrialisation
- « le convaincre que l’avenir de la race dépend de la réponse des Canadiens français à leur
vocation historique des colonisateurs et de paysans.
La morale qui se dégage de ces romans est assez simpliste:
Restons sur nos terres, loin des « méchants anglais », près de nos églises. Dans les pires cas,
l’intrigue ressemble à ceci. Un paysan et sa nombreuse famille vivent en harmonie sur la terre.
Tout le monde travaille et la terre récompense généreusement leur dur labeur. Le bien et la
famille s’agrandissent, notre paysan mérite l’estime de ses de ses congénères et de M. le curé. Le
drame éclate lorsqu’un de ses fils décide de faire faux bond:
Il part en ville, pire, il émigre aux États-Unis. En ville le sort s’acharne sur lui: maladie,
accident alcoolisme, chômage…Complètement dégoûté, il rentre au bercail comme l’enfant
prodigue, s’installe sur une terre, trouve une paysanne et fonde un foyer chrétien. Bien entendu
ils ont beaucoup d’enfants.
La quarantaine de romans (autant de recueils de nouvelles)
parus entre 1837 et 1945, vont souvent poser le problème canadiens français en terme de fidélité
à la nation, ce qui les rapproche de la littérature patriotique. Les derniers
grands romans du terroir vont représenter aussi une dichotomie
(fidèle/infidèle;enracinés/déracinés; sédentaires/nomades), mais en
concluant sur une note plus nuancée.
Déjà dans Maria Chapdelaine (1930), la vie paysanne est loin d’être
idéalisée:
Les défricheurs peinent, les récoltes laissent parfois à désirer car la nature
est plutôt hostile. Pourtant, Maria qui pourrait partir en ville, choisit de
rester pour ne pas trahir la mémoire de ses parents et de tous les ancêtres
qui «ont ouvert le pays».
Dans Menaud Maître Draveur (1937)
Le patriarche Menaud ne réussira pas à soulever ses compatriotes contre les
envahisseurs anglais qui se sont emparés de l’arrière-pays .
Plus encore, dans la lutte, il perdit son fils et sa santé mentale! Mince consolation, sa fille et son
gendre semblent reprendre le flambeau. Dans 30 arpents (1930), la belle aventure se termine
plutôt mal pour Euchariste Moisan, un paysan exemplaire: il est trahi par sa terre et son fils
héritier et il ira mourir en exil aux E.U. chez son autre fils déserteur.
Les nuances sont encore plus marquée dans le Survenant (1945) et la suite,
Marie Didace (1947)
[Texte]
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Germaine Guèvremont ne condamne pas le déraciné pas plus qu’elle ne l’approuve: le Survenant
est un personnage sympathique comme le sont le père Didace et Angélina. Comme on le voit,
l’auteure ne pose pas vraiment le problème en terme fidélité ou d’infidélité au devoir national:
pour elle, il s’agit davantage d’étudier deux modes de vie qui divisent depuis toujours les
Québécois. Dans une entrevue accordée à la Presse (le 3 févier 1968), elle déclarait:
« La société, notre société québécoise, se compose de deux races fondamentales. D’une part, il y
a les habitants qui sont des gens solides ayant les deux pieds sur la terre et d’autre part, il y a les
coureurs de bois, les aventuriers, les meneurs ».
Marie Calumet et un Homme et son péché
Quelques romans anti-terroirs, présenteront une vision négative de cette mission. C’est le cas de
Marie Calumet dans lequel on se moque allègrement du clergé. Ce roman publié à compte
d’auteur, fut condamné par Mgr Bruchési et retiré de la vente. Rodophe Girard dut le désavouer
publiquement ce qui ne lui permit pas pour autant de regagner son travail au journal La Presse.
On peut penser aussi à son Homme et son péché, même si la thèse est plus nuancée: Séraphin
Poudrier n’aime ni la terre, ni la religion et n’a guère l’esprit de famille. Les paysans travaillent
fort, tirent le diable par la queue. Par contre, certains personnages font contrepoids et comme
l’avare est puni à la fin du roman, la morale terroriste est sauvegardée.
La Scouine
Un seul roman prendra résolument parti contre l’idéologie de conservation: la Scouine d’Albert
Laberge. L’auteur décrit les paysans comme des êtres paresseux, ignares et cruels, portés sur
l’alcoolisme, prisonniers de leurs pulsions sexuelles. La terre, loin d’être une mère nourricière,
produit peu et condamnent les paysans à la famine. La famille est le lieu de toutes les bassesses:
relations amoureuses sont pitoyables et l’amour filial est inspirée par vengeance et la cupidité.
Le roman et surtout le chapitre intitulé « Les foins », qui avaient été publié en 1909 dans La
Semaine, furent condamnés. Laissons Laberge commenter l’événement: « L’attaque fut brutale et
elle vint de haut.
Ce fut en effet « La Semaine religieuse »
L’organe de Mgr Bruchésie qui, en dépit de plates excuses, annonça la condamnation de la
feuille en question. L’auteur du conte « Les foins » fut qualifié de pornographe. Pour un coup de
crosse, c’était un rude coup de crosse. Pornographe. Mais ce n’est pas tout, l’Évêque tenta de me
faire perdre mon emploi à La Presse. Heureusement pour Laberge, pour une fois, il se trouva un
directeur courageux qui n’acquiesça pas la demande de l’ecclésiastique.
Vieilles chose, vieilles gens
Déjà au début des années 1860, quelques écrivains Joseph-Charles Taché, Hubert Larue,
Raymond Casgrain, Antoine-Gérin Lajoie s’étaient donné comme mission de raconter les
délicieuses histoires du peuple avant qu’il ne les ait oubliées. Ils publient dans les Soirées
Canadiennes (1861-1865) les légendes et les contes qu’ils ont recueillis. Plus tard dans le siècle,
Faucher de Saint-Maurice, À la brunante. Honoré Beaugrand la Chasse-galerie de Pamphile
Lemay Contes vrais, Louis Fréchette La Noël du Canada vont participer à cette mission.
Au début du XXe siècle, dans la foulée du succès de Chez nous (1914) d’Adjutor Rivard, toute
une littérature va développer le thème du « bon vieux temps ». Cette seconde facette de la
littérature du terroir, celle qui s’est donné comme mission de sauvegarder un passé en train de
disparaître dans le sillage de la Révolution industrielle, Camille Roy, Pamphyle Lemay, Adjutor
[Texte]
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Rivard, Lionel Groulx, Marie-Victorin, Frère Gilles, G. E. Marquis, Blanche Lamontagne et
Michelle Le Normand et bien des peintres, dont Edmond Massicotte, Henri Julien, Suzor Coté
vont œuvrer en ce sens.
Ils vont s’employer à écrire:
a. certaines pratiques agricoles préindustrielles: le labourage, la fenaison, le broyage du
lin l’engerbage, l’heure des vaches
b. certaines fêtes communautaires : les noces, la grosse gerbe, les courses en traîneau sur le
fleuve gelé, l’épluchette de blé d’Inde, le jour de l’an, la guignolée, la Saint-Jean
c. certaines pratiques religieuses: la marche au catéchisme, la visite paroissiale, le mois de
Marie devant la croix du chemin, la criée des âmes, la première communion.
d. Certains types: le laboureur, le semeur, la fileuse, le quêteux, le fondeur de cuillers, le
raccommodeur de faïence, le crampeur de poêle, le marchand ambulant.
e. Les veilles gens: les grands-mères qui tricotent, les grand-pères qui fument leur pipe de
plâtre
f. Les habitants: les vieilles maisons, les vieux hangars, les vieux greniers, le magasin
général
g. Certains objets: le four à pain, le poêle à trois ponts, le rouet, le vieux fusil
h. Les danses: le« reel» , la gigue, le cotillon
i. Les contes: les revenants, les maisons hantées, les feux follets, les loups-garous, la
chasse-galerie, le diable danseur, la bête à 7 têtes
j. Les chansons: À la claire fontaine, Le bal chez Boulé, C’est l’aviron
k. Les bêtes : les chevaux , les vaches, les chats et les chiens
La terre paternelle
Là aussi il s’agit d’une terre perdue aux mains des anglais. Là aussi la perte est attribuable aux
idées de grandeur de Charles Guérin (il a fait des emprunts tout comme Jean-Baptiste Gauvin
qui seront la cause de sa ruine). La aussi la famille ruinée devra s’exiler à la ville pour y connaître
la misère et subir, de plus, la terrible épidémie du choléra. La aussi, grâce à un événement assez
peu vraisemblable, Charles Guérin, héritant du tiers de la fortune de Me Dumont, pourra
reconquérir le « bien » perdu et devenir finalement un intrépide colonisateur. Là aussi le tout se
termine pour le mariage de Charles et celui de sa soeur.
(La terre paternelle, Patrice Lacombe p.19)
Tout notre hivernement
Notre bois, tu le vois, de la plaine des îles, de belles grosseurs. La fleur de
sarrasin, on en parle pas, on est à même. Nos pois cuisent en le disant sans
l’aide d’une goutte d’eau de pâques. Nos patates fleurissent, une vraie
bénédiction, notre beurre de beurrerie s’en vient. On a tout ce qu’il nous
faut. Il ne restera plus qu’à faire boucherie et à saluer le jeune lard, à la
première grosse gelée après la Notre-Dame. (Le Survenant, p. 38)
La faux
Elle ressemblait à une maison par lui aperçue en rêve autrefois une
maison assis à au bord d’une route allant mourir au bois, avec une belle
rivière à ses pieds. Il y resterait le temps qu’il faudrait Un mois? Deux
[Texte]
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mois? Six mois ? Insoucieux de l’avenir, il haussa les épaules et ramassa la pierre et l’outil. Puis
ayant pris connaissance de taillant, il continua tranquillement à affûter sa faux. (Le Survenant,
p. 41)
Le chien
Deux ans auparavant, Y’Yeux-rond, un chien errant, ras poil, l’oeil toujours étonné, avait suivi la
voiture des Beauchemin, jusqu’au Chenal. Une oreille arrachée et le corps zébré de coups, il
portait les marques d’un chien batailleur. (Survenant, p. 44)
Le fouet de cérémonie
Le fouet de cérémonie pour la voiture légère, les sorties du dimanche, les soirs de bonne veillée,
voisinait dans le coin avec le balai de sapinage. Le Survenant obéi. Près de la chambre
d’Alphonsine, il frappa le plancher à grands coups de manche de fouet:
- Fais-tu exprès Phonsine ? Tu sais ben que le cheval attend pas aux portes et que les
chemins sont méchants! (Le Survenant p. 80)
Les fleurs
Dès que la terre se réchauffait, on pouvait voir l’infirme agenouillée auprès des plates-bandes, ou
penchée au-dessus des corbeilles à transporter des pots en pleine terre les boutures ou les plants.
Lobélies, soucis-de-vieux-garçons, les bégonias, crêtes-de-coq., Œillet de
poète recevait de ses mains les soins les plus tendres. Ses doigts nus et
sensibles, à tout moment, volaient de l’une à l’autre, devinant les tendrons
maladifs, les feuille sans vie, pressant la terre autour, comme si elle eut reçu
la mission de les faire grandir. Sources de joie, les fleurs lui étaient aussi
motif de fierté et d’orgueil: à l’exposition régionale, elles lui valaient
toujours quelques mentions honorables et plusieurs premiers prix.
(Le Survenant p. 54-55)
Chaise en babiche
Sans même attendre l’invitation, chacun prenait place sur le banc de table
ou sur une chaise droite. Outre le fauteuil du chef de famille et la chaise
berçante d’Amable sur lesquels nul n’osait s’asseoir, il y avait une dizaine
de chaise, droites et basses les plus anciennes taillées au couteau, à fond de babiche tressée et au
dossier faiblement affaissé par l’usage. Les autres cannées d’éclisses de frêne, toute dressées au
mur. (Le Survenant p. 48)
La maison des Beauchemin et dépendances
Trapue, massive, et blanchie au lait chaux, soupçon tout noir en déclive douce, elle reposait, avec
le fournil collé à elle, sur un monticule, à peine une butte, au cœur d’une touffe de liard. Un peu à
l’écart en contre-bas se dressait les bâtiments: au premier rang deux granges neuves qu’on avait
érigées l’année précédente, énormes et imposantes, disposées en équerre, la plus avancée portant
au faîte, en chiffre d’étain, la date de leur élévation 1908. Puis, refoulées à l’arrière,
l’entassement des anciennes dépendances recouvertes de chaumes: remise, et « tasserie »
appenti encore utilisables, mais au bois pourri faiblissant de partout. (Le Survenant p. 40)
Une bonne journée de labour
Quand il arriva au sillon voisin de sa maison. Didace Beauchemin se dressa. Sans un mot il tira
sur les cordeaux. Docile, le cheval, la croupe lustrée d’écume, aussitôt s’arrêta. Pour mieux
[Texte]
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prendre connaissance de la planche de terre qu’il venait de labourer. Didace, le regard vif sous
d’épais sourcils embroussaillés, se retourna : les raies parallèles couraient égales et presque
droites dans la terre grasse et riche. Malgré ses 60 ans
sonnés, il gardait encore le poignet robuste et le coup
d’oeil juste. Il avait fait une bonne journée.
(Le Survenant p. 14)
Suzor Coté, le labour
La pompe à eau
« Puis il fit jouer la pompe avec tant de force qu’ayant geint par trois ou quatre fois. Elle se mit à
lancer l’eau hors de l’évier de fonte sur le bord du tapis et même sur le plancher ou des noeuds
saillants ça et là. Insouciant, l’homme éclata de rire, mais nul autre ne songeait même sourire.
Encore moins Alphonsine, qui, mécontente du dégât, lui reprocha: «Vous avec pas le tour »!
«Alors par coup bref, saccadés, elle manoeuvra si bien le bras de la pompe que le petit baquet
déborda bientôt. De ses mains extraordinairement vivantes l’étranger s’y baigna le visage,
s’inonda le cou, aspergea sa chevelure, tandis que les regards s’acharnaient à suivre le moindre de
ses mouvements ». (Le survenant p, 1-2)
Le fusil
« Depuis l’arrivée des Beauchemin, au Chenal du Moine, six générations auparavant, le fusil de
chasse était à l’honneur dans la maison. après le mousquet
apporté de France et le fusil à bourre celui-ci à canon broché, de
bonne valeur sans être une merveille, participait à la vie intime
de la famille Beauchemin, comme table, comme poêle, comme le
lit. Didace connaissait si bien la portée que, vint à passer du
gibier, gibier d’eau à gibier à poil, rarement il lui arrivait de
gaspiller une cartouche ». (Le Survenant p.68)
Les vaches
À tout moment les vaches, alourdies de lait, meuglaient de malaise. Dociles, elles suivirent les
femmes dans l’enclos. Ausitôt, l’Acayenne se mit à l’oeuvre, d’une
main sûre. Pour soulager ses reins faibles, Phonsine ne s’assit qu’à
demi sur le banc trop bas. Pliée en deux, elle appuya son front au
flanc roux de la vache. D’abord, les jets de lait cinglèrent le fond
du seau métallique. Ensuite, ils fient un bruit doux, comme une
pluie d’ondée. Phonsine ne voyait qu’un rond blanc. Elle tourna un
peu la tête.
À coté un veau, l’œil béat, les pattes écartées et la queue en
mouvement, buvait à la mère. Une bouffée de vent charria des vapeurs de lait chaud, de purin et
d’eau limoneuse. Tout tangua autour de Phonsine. Pour ne pas chavirer, elle colla davantage sa
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tête contre le ventre de la vache. La bête, impatientée, fit un écart subit et, d’un coup de sabot,
renversa le seau. Au lieu de secourir Phonsine, l’Acayenne éclata de rire. (Marie Didace p. 3637)
La criée
« La messe finie, on se hâta de sortir pour assister aux criées. Ces criées qui se font
régulièrement, le dimanche, à la sortie de l’église, sont regardées comme la plus haute importance
par la population des campagnes. En effet toutes les partie des lois qui l’intéressent, police
rurale, vente par autorité de justice, les ordres du grand-voyer,
des sous-voyers, des inspecteurs et sous inspecteurs s’y
publient de temps à autre et dans les saisons convenables. C’est
pour eux la gazette officielle.
Ensuite viennent les annonces volontaires et particulières:
encan de meubles et d’animaux, choses perdues, choses
trouvées, etc., etc. Tout tombe dans le domaine des annonces.
C’est la chronique de la semaine qui vient de s’écouler. Ces
criées sont confiées à un homme de la paroisse qui porte le
nom de crieur, qui sait lire quelques fois, et bien souvent ne de
le sait pas du tout, mais qui rachète ce défaut par de l’aplomb, une certaine facilité à parler en
public, et une mémoire heureuse qui lui a permis de former un petit vocabulaire de termes
consacrés à l’usage.
Si l’on ajoute à cela le ton comique et original avec lequel il parle, les contre-sens et les mots
merveilleusement estropiés, on aura quelque idée de cette scène quelquefois unique en son genre
(La terre paternelle p. 59 )
La tempête de neige
Pendant la première partie de la nuit la neige tomba lentement et en larges flocons. Puis le vent
s’étant levé, l’avait balayé devant lui et amoncelé un grand banc, à une telle hauteur que les
routes étaient complètement obstruées. L’entrée même de la maison en était tellement
encombrée, que le lendemain matin. Chauvin et ses garçons furent obligés de sauter par une des
fenêtres de la maison, pour ne déblayer les portes et pouvoir les ouvrir. L’état des chemins rendit
pour un moment le voyage indécis. Mais le père
remarqua judicieusement que le mauvais temps
empêcherait très sûrement les cultivateurs d’entreprendre
le voyage de la ville.
C’était pour lui le moment de faire un effort et de
profiter de l’occasion. Les deux meilleurs chevaux furent
donc mis à la voiture qui se mit en route, traçant
péniblement le chemin, et laissant derrière elle force
cahots et ornières. Les chevaux enfonçaient jusqu’au
dessus des genoux. Mais les courageuses bêtes s’en
tirèrent bien et le voyage s’accomplit heureusement
quoique lentement. (La terre paternelle, p. 47-48)
Tempête mars 1947
Vendeurs d’eau
Deux hommes, dont l’un paraissait de beaucoup plus âgé que l’autre, conduisaient un traîneau
chargé d’une tonne d’eau qu’ils venaient de puiser au fleuve, et qu’ils allaient revendre de porte
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en porte, dans les parties les plus reculées des faubourgs. Tous deux étaient revêtus de la même
manière: un gilet et pantalon d’étoffe du pays sales et usées. Des chaussures de peau de bœuf
dont les hausses enveloppant le bas des pantalons, étaient serrées par une corde autour des
jambes, pour les garantir du froid et de la neige. Leur tête
était couverte d’un bonnet de laine bleu du pays.
Les vapeurs qui s’exhalaient par leur respiration s’étaient
congelées sur leurs barbes, leurs favoris et leurs chevaux,
flancs amaigris attestaient à la fois, et la cherté du
fourrage et l’indigence du propriétaire. La tonne au
devant de laquelle pendaient deux sceaux de bois cerclés
en fer, était, ainsi que leurs vêtements, enduite d’une
épaisse couche de glace. (La terre paternelle p. 85-86)
Maison misérable
Tout dans ce réduit annonçait la plus grande misère. Dans un angle, une paillasse avec une
couverture toute rapiécée. Plus loin, un grossier grabat, quelques chaises dépaillées, une petite
table boiteuse, un vieux coffre, quelques ustensiles de fer blanc suspendus aux trumeaux, formant
tout l’ameublement. La porte et la fenêtre mal jointes permettaient au vent et la neige de s’y
engouffrer. Un petit poêle de tôle dans lequel achevaient de brûler quelques tisons, réchauffaient
à peine la seule pièce dont se composait cette habitation qui n’avait même le luxe d’une
cheminée: le tuyau du poêle perçant le plancher et le toit en faisait les fonctions.
(La terre paternelle p. 86)
La donation
Nous sommes venus, répondit Chauvin, nous donner à notre garçon que voilà et passer l’acte de
donation.
- Ah! dit le notaire, en s’efforçant de faire l’agréable, et lorgnant Marguerite du coin de
l’oeil, je croyais qu c’était pour le contrat de mariage de mam’selle
Marguerite baissa la tête en rougissant. Tous les autres se mirent à rire.
- Eh bien mam’selle, reprit le notaire, quand vous serez prête, je serai à vos ordres, pour
passer votre contrat de mariage. En attendant, faisons notre acte de donation.
Tout en parlant ainsi, le notaire avait pris une feuille de papier, et y avait imprimé du pouce une
large marge, puis après avoir utilisé sa plume, il plongea dans l’encrier, et commença:
Par devant le notaire Public etc…
Furent présents: J. B. Chauvin, ancien cultivateur, etc. et Josephte Le Roi, son épouse, etc.
Lesquels ont fait donation pure, simple, irrévocable et en meilleure forme que donation puisse se
faire et valoir, à J. B. Chauvin, leur fils aîné, présent et acceptant, etc. d’une terre sise en paroisse
du Saut-au-Récollet, sur la Rivière-des-Prairies, etc. bornée en front par le chemin du roi.
Derrière par le trécarré des terres de la côte Saint-Michel, du coté nord-est à Alexis Lavigne, et à
l’ouest à Joseph Sicard, avec une maison en pierre, grange, écurie et autres bâtisses sus-érigées,
etc.
Cette donation ainsi faite pour les articles de rente et pensions viagères qui en suivent, savoir:
Le notaire s’arrêta un moment, et dit à Chauvin qu’il allait écrire les conditions à mesure qu’il les
lui dicterait:
- 600 lbs en argent
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- 24 minots de blé froment, bon, sec, net, loyal et marchand
- 24 minots d’avoine
- 24 minots d’orge
- 12 minots de pois
- 200 bottes de foin
- 15 cordes de bois d’érable, livrées à la porte du donateur, sciées et fendues
Le donataire fournira aux donateurs 4 mères moutonnes et le bélier, lesquels seront tonsurée au
frais du donataire.
- 12 douz. d’oeufs
- 12 lbs de bon tabac
- une vache laitière
Pardon, interrompit le père Chauvin vous dite seulement une vache laitière. Mais je vous ai dit en
cas de mort, nous sommes convenus, mon fils et moi, qu’il la remplacerait par une autre. C’est
juste dit le notaire nous allons ajouter cela :
- une vache laitière qui ne meurt pas
Bon, c’est cela, dirent les assistants
- deux valtes de rhum
- 3 gallons de bon vin blanc.
-
Ici le notaire passa la langue à plusieurs reprises sur ses lèvres :
un cochon gras, pesant au moins 200 lbs
Mais papa, interrompit le garçon, voyez donc la rente est déjà si forte! Mettez donc un cochon
maigre, il ne vous en coûtera pas beaucoup pour l’engraisser.
- Non, non, dit le père, nous sommes convenus d’un cochon gras, tenons-nous en à nos
conventions.
La dessus, longue discussion entre eux, à laquelle tous les assistants prirent part. À la fin, le
notaire parut comme illuminé d’une idée subite :
- Tenez, s’écria-t-il, je vais vous mettre d’accord : vous, père Chauvin, vous exigez un
cochon gras. Vous, le fils, vous trouvez que c’est trop fort, hé! bien mettons:
- Un cochon raisonnable.
C’est cela, dirent ensemble tous les assistants. La lecture finie, le père, la mère et leur garçon
touchèrent la plume en même temps que le notaire en traçait trois croix entre leurs noms et
prénoms, lesquels devaient compter comme leur signature. Puis le notaire signe lui-même son
nom, en l’enlaçant d’un tournant, et paraphe, et procéda de suite à l’opération importante de
mentionner les renvois et compter les mots rayés. (La terre paternelle p. 66 à 69 )
Puis mon Varieur, c’était pas un ange
C’est mon premier mari. J’en parlerai tant que je voudrai, tant que je vivrai, si vous voulez le
savoir. Il n’y a pas de déshonneur là-dedans. Quand j’en parle, j’ vous ôte rien. Sa part d’amitié
personne peut la prendre, pas plus que lui prendre celle de son père Didace. C’est pas parce qu‘un
homme est mort depuis des années …
C’était un pêcheur, pêcheur d’éperlan, et c’était pas une ange, si vous voulez le savoir. Il buvait.
Des fois, il buvait ses pêches. En fête il ne se possédait pas. Il faisait maison nette, le tuyau du
poêle à terre. Mais à jeun, par exemple, il n’y avait pas meilleur coeur d’homme. Quand il disait:
[Texte]
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« La Blanche, en parlant de moi, il avait tout dit. Une nuit qu’il s’était endormi sur la corvette,
un raz de marée a tout lavé sur le pont, lui avec.
« J’avais jamais connu ce que c’était de le soigner. Il était charpenté fort, et ben dur à son corps.
Un gaillard, en santé. Jamais une minute de maladie pour me permettre de le dorloter. Tout ce
que j’avais ou faire pour lui, c’était de l’attendre, la main sur la clenche de la porte, et de tâcher
de la ramener à lui par la douceur. Et j’aurai pas eu la consolation de le recevoir une fois mort.
Son corps, ils me l’ont jamais ramené ». ( Marie-Didace p. 105-106 )
Son fameux six-pâtes
La veille du mariage, l’Acayenne préparait son fameux six-pâtes dans la cuisine des Provencal.
Les convives de la première tablée firent un tel éloge du six-pâtes qu’ils s’en trouvèrent le plus
punis. Ils ne purent en reprendre une 2e fois, chacun des autres qui n’étaient pas à table en
réclamant sa part. ( Marie Didace p. 103)
L’Acayenne expliqua sa recette
Vous prenez, dit-elle, une volaille de bonne grosseur, puis un lièvre d’une grosseur…
raisonnable que vous coupez par bons morceaux. Après, vous hachez une brique de lard de la
grosseur du poing que vous faites revenir dans la poêlonne. Pendant de ce temps là vous préparez
une galette. Pendant que les femmes étaient intentionnées à écouter l’Acayenne, la mère Salvail
glissa furtivement un beigne entre ses deux tabliers. ( Marie-Didace, p. 113)
Pourquoi tu l’appelles canard ?
Parce qu’il imitait le cri du canard à s’y méprendre. C’était toute beauté de le voir tirer. Je me
rappelle un avant-midi, pas ben des années avant d’arrêter de chasser, à lui tout seul il avait
abattu 150 canards, tous de courouges. Il en avait l’épaule toute bleue à force de tirer. À midi, il
lui restait p’us une seule cartouche. Mon Péloquin a monté à Sorel à l’aviron. Il a descendu se
replacer à l’affût. Et en a tué encore quelques-uns comme une 40 taine .
V’la ce qu j’appelle chasseur! (Marie Didace p. 126)
La vieille paire de raquette
Du fond du cabanon, la père Didace tira une vieille paire de raquette
que le Survenant avait réparées l’année précédente. Ses pouces
s’attardèrent à éprouver le nerf tressé. (Marie-Didace, p.127)
Vieillir …Vieillir … !
« Mes souliers mous, sortez-les! ordonna-t-il aux femmes pendant
qu’il se déchaussait. Phonsine lui apporte ses mocassins. Devinant le
dessin de son père, Amable lui dit sincèrement :
« Vous êtes trop vieux pour vous barauder la nuite, en raquettes, à travers les champs, restez
donc contre le poêle . Votre place est icitte pas dehors. Didace déclara : « Faut-il être simple
d’esprit pour parler de même. Si on dirait pas que la mousse est à la veille de prendre après moé
. Vieillir, vieillir.., j’suis pas tout seul. Oublie pas une chose, mon gars, pour chaque jour d’âge
que j’attrape , t’en attrape autant ! » (Marie-Didace p.127)
[Texte]
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Les ouaouarons
« Ils s’en revenaient que tard le soir, lorsqu’ils étaient fatigués d’entendre le coassement de
grenouilles et beuglement des ouaouaron ». ( A. Gérin Lajoie)
Quand l’arbre enténébré dans les lacs semble choir
Grenouilles que la mort des soleils fait poètes.
Vos chants, tels des adieux à la fuite du soir
Surgissent, tels des adieux, au bord des eaux muettes.
Comme un troupeau de bœufs vers la chute du jour
Emplit de beuglement la calme des prairies
Vous avez, quand vient l’heure où l’âme a plus d’amour
Peuplé de chants profonds mes jeunes rêveries.
Qu’ils ont lointain les soirs pensifs de mes 12 ans
Ces soirs dont la grandeur ont fait mon âme austère
Ces soirs où vous chantiez ouaouaron mugissants
La douce majesté de la grise lumière
Ah! Vos cris d’autrefois, grenouilles de chez-nous
À jamais regrettées, traversant ma mémoire
Toujours dans mon esprit religieux et doux
Regardant vous yeux d’or des soirs pleins de gloire!
Le déjeuner du curé Flavel
Après son déjeuner: de la soupane noyée dans de la crème, une tranche de lard salé, deux oeufs
à la coque, une cuillerée de miel du café d’orge brûlé qu’il se prépara lui-même, sa nièce s’étant
attardée dans la chaleur au lit, le curé bourra lui-même sa grosse pipe d’écume de mer. Tous nos
curés avaient, outre une nièce et une pipe d’écume de mer. Mettant ses deux mains dans ses
poches de pantalon, par les ouvertures faites exprès dan sa soutane. Il arpenta sa galerie. Puis
descendit dans son jardin, enclos entre le presbytère et le trottoir en gravier.
(Marie Calumet p. 26-27)
Désolation du curé Flavel
Ému jusqu’aux larmes, le curé Flavel dirigea ses pas vers la basse-cour. Là encore régnant la
désolation. Les poules picoraient avec ennui, en roulant tristement leurs yeux ronds chargés de
paillettes d’or. Les coqs même avaient perdu leurs anciennes ardeurs, oubliant leurs amours. Une
dinde glougloutait lugubrement, et, tout près dans le champ d’à côté, les vaches réunies en
choeur faisaient entendre une cacophonie qu’on eut dit une marche funèbre de toute la bassecour. (Marie Calumet p. 26-27)
Le quotidien de la ferme
D’un côté, le fleuve que l’on voit briller au soleil en reflets d’argent, à travers les branches vertes
et touffues des ormes, des noyers, des chênes, des bouleaux et des érables, qui ont grandi ainsi
bras dessus bras dessous, en bon camarades quoique de races différentes.
[Texte]
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De l’autre coté, des champs de foin, d’avoine, d’orge, de blé, de sarrasin, pain quotidien de la
ferme. Là-bas, un monticule que l’on contourne pour se rendre à Saint-Apollinaire, et du haut
duquel on voit poindre la flèche du clocher de Saint Ildephonse. (Marie Calumet p. 29)
On peinait dur
Ici une faucheuse, tirée par une paire de forts chevaux de trait disparaissaient à demi dans le
creux d’un vallon. Là, un gars, au poignet solide comme une barre de fer, et une fille robuste, les
bras nus jusqu’au coude, brunies par le soleil, faisaient des « veillottes » en chantant gaiement:
«…Par derrière chez ma tante ».
Plus loin, grimpés sur une charrette haute comme un brigantin, de petits bonhommes foulaient le
foin en s’en prenant aux chevaux et en faisaient de culbutes et tandis qu’un paysan déjà sur le
retour de l’âge mais encore vigoureux leur tendait avec effort, du bout de la fourche aux dards
luisant, d’énorme botte de fauchures.
Dans le champ voisin, excité par la voix et aiguillonné par le fouet sur les flancs assez rebondis,
un percheron gris pommelé à la croupe épaisse, les jarrets tendus, montait la pente, une
marmaille de diablotins se chamaille en se vautrant dans l’herbe grasse. (Marie Calumet p. 3)
Le forgeron
Le harnais sur le dos, les chevaux attendaient pour être ferrés. Le
forgeron, un colosse, les bras poilus et musclés, le front tout en sueur, la
chemise ouverte jusqu’au nombril et un tablier de cuir devant lui, frappait
comme un démon sur l’enclume sans pendre garde aux étincelles qui lui
mordillait la peau. Il venait de donner les deniers coups de marteau à un
fer et, maintenant après l’avoir trempé dans l’eau froide, il le clouait au
sabot d’un étalon, en lui serrant la patte entre ses cuisses.
(Marie Calumet p. 39)
Un train de bois (La cage)
Un train de bois avait en moyenne une superficie de 300 pieds sur 64 pi, mais il était formé de
petites cages au nombre de 5 ou 6 qui s’appelaient « drames », reliées entre elles par de gros
câbles. Ce train de bois comptait environ 4 pi. d’épaisseur de billes ou de plançons enchevêtrés
les uns dans les autres, et retenus par de fortes branches de merisier, un pied seulement
surnageant au-dessus de l’eau.
Sur chaque drame était un mât
d’une dizaine de pieds de hauteur auquel on hissait une voile
lorsque la brise se faisait sentir. Ce mât était parfois, d’une
grande utilité lorsque les drames étaient submergées dans la
descente des rapides. Alors les cageux s’y attachaient. Sur la
principale drame, celle du pilote, était construite une cabane en
bois divisée en deux parties. Cette dernière servit à tout : de
salle à manger, de cuisine, de chambre à coucher, d’abri contre
les tempêtes. Quoiqu’ aiguë, elle pouvait contenir aisément
tous les homme employés à descendre une cage de Kingston à
Québec. (Marie Calumet p. 100-101)
[Texte]
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La cheminée
Autrefois elle avait dû tant aimer le feu que le vent tire avec un ou-ou joyeux pendant que le bois
crépite, pétille, que des brindilles dessinent des arabesques roses et que la flamme monte toute
droite ou zigzague et s’incline. Elle avait tant réchauffé la grande pièce, à l’éclairer de ses rayons
rouge, à colorier les visages des petits enfants qui se faisaient bercer près du feu qu’ils aimaient.
Elle avait du voir des vieillards jongler devant les reflets du bois qui se consume, les étincelles
qui montent sous le fond noir du foyer, qui filent comme des étoiles …. Autrefois, elle était la
vie et la joie de la maison.
Elle était le coin préféré des mamans, des papas, des enfants, du chat et du chien. Elle
s’intéressait à tous. Elle savait leur joie, leur histoire, leurs occupations. On racontait tout devant
elle, la cheminée discrète et sympathique. Le soir, après le souper, elle écoutait la prière en
famille, et l’élan pieux des âmes montait tout droit vers le bon Dieu, avec la fumée blanche qui
portait vers la-haut les paroles de supplications confiantes. (Autour de la maison, p. 65-66)
Pauvre bonne terre canadienne
En certains endroits de notre province, elle n’a qu’à dormir au grand soleil du bon Dieu, tandis
que les outils des champs se rouillent sous les appentis. Les bras manquent trop. L’église de
certains villages devient trop grande, et durant les cérémonies du dimanche, il y a parmi
l’assistance des taches qui sont des bancs vides. On commence à rougir, chez-nous, du titre
d’habitants. On a honte d’être un homme qui habite « son » pays et dont on connaît le père, la
mère, le grand père et le bisaïeul.
L’on préfère se faire aventurier des grandes villes avec un passé ignoré, un avenir inquiétant,
renoncer au bénéfice d’honneur et d’estime dont on peut jouir chez soi, pour aller chercher à la
ville une place sans gloire, sans plaisir, pas toujours honorable. Que cette peur des soi-disant
«intellectuels» sortis de nos maisons d’éducation, que cette peur de toucher aux mancherons de
la charrue et de salir leurs mains blanchies par le frottement du papier, dans la terre humide des
labours, en a fait des dévoyés, des ratés ! (L’appel à la terre p. 15-16)
Un homme conduisait un gros boeuf roux
Tout autour, le sol était déboisé et cultivé, couvert de foin et de grains aux longs épis. Sur une
petite élévation, un homme conduisant un bœuf roux
tenait les mancherons d’une charrue et labourait la terre.
Sa silhouette et ses gestes lents se détachaient carrément
sur l’horizon. Cet homme, m’apparaissait comme un
géant de l’antiquité en train d’ouvrir les premiers sillons.
C’est mon oncle répondit Marie -Jeanne. Il est vieux et il
travaille comme un jeune. C’est lui qui fut ici le premier
agriculteur. Ce qu’il a souffert. Dieu seul le sait! Il a ,
pendant des années, vécu de pain noir. Et pourrant, il est
bien gai, tu vas voir. (Au fond des bois p. 66-67)
Je ne partirai pas
Je sens des liens puissants qui m’attachent ici. Je sais maintenant que si je partais, mon cœur en
serait à jamais déchiré. Je suis sûr, je mourrais d’ennui. J’en suis sûr, comme une plante
déracinée qui se dessèche sur sa tige. La fleur des bois (comme il m’appelle) ne sera pas
transplantée dans une terre lointaine pour sécher et pour y mourir. Les mille esprits de ces bois et
toute les voix du passé me défendent contre cette invasion étrangère. (Au fond des bois p. 46-47)
[Texte]
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La forêt recule
Devant notre labeur persévérant notre forêt recule, et la pauvre maison d’autrefois est devenue
une grande et solide demeure où il fait bon vivre. D’un
coté le jardin débordent de verdure et ombragé par
d’énormes peupliers qui croisent libres dans la lumière.
Ici c’est le four à pain, là c’est le poulailler et le
fournil. Plus loin c’est une longue étable toute neuve.
En face brille le champ principal qui fait une grande
trouée dans le forêt et qui s’étend presque dans la forêt
et qui s’étende à perte de vue. Oui, tout cela est beau à
regarder. Tout cela annonce le bonheur. (Au fond des
bois, p. 49)
Des arbres partout
Des arbres, des arbres, des arbres! Des arbres partout, des arbres de toutes formes et de toutes
grandeurs. Nous sommes cachés, nous sommes enfouis sous les arbres, et dans ce fouillis
admirable nous voyons juste un petit coin admirable du ciel…Les sapins gardent leur feuilles
toute l’année, les grands cèdres et les érables les garderont encore quelques semaines, quelques
jours seulement peut être. En attendant leur dépouillement, leur magie, quel enchantement,
quelle magie, pour les yeux qui savent voir. Il y a du jaune soleil, du jaune doré, du rouge vin, du
rouge sanglant, du rouge éblouissant. Et le brun! Du brun clair de lune et coucher de soleil, du
brun rosé, du brun couleur de fruit mur, brun des splendeurs éteintes. O forêt, je n’ai pas assez de
mes yeux pour te contempler et de mon âme pour t’aimer . (Au fond des bois p. 5-6)
Un établissement de colonLe petit coin de terre que mon père a défriché borde notre
maisonnette à gauche. C’est un établissement de colon, et c’est le commencement de la ferme que
mes parents rêvent de fixer dans cette immensité vierge. Nous sommes les premiers à envahir ces
sauvages montagnes. Plus tard, bientôt peut-être d’autres maisons s’élèveront près de la nôtre,
mais aujourd’hui nous sommes seuls, et à dix milles des autres habitations. Un petit écureuil gris
argent, assis sur son petit derrière, me regarde amicalement en croquant une noisette. Aujourd’hui
il n’est pas venu. A-t-il cherché ailleurs son gîte pour l’hiver ? (Au fond des bois p. 6 )
L’humble école
Cependant, je n’ai ni tristesse de me retrouver si loin du monde, malgré
mes 19 printemps un petit village de X ou je suis née, je n’ai souvenir,
que de l’humble école où j’ai puisée ma modeste instruction. J’ai pensé
quelquefois à ma bonne vieille institutrice--- aux petits yeux
étincelants sous ses lunettes--- qui paraissait toujours étonnée de mes
aptitudes littéraires, et qui s’est donné tant de mal pour m’instruire. Et
c’est tout, parmi les jeunes filles de ce village aucune ne partageait mes
idées et mes goûts. Je ne regrette rien. J’aime ma solitude et les arbres...
(Au fond des bois p. 8 )
Le feu ne manque pas
Mon frère passe des journées entières à couper des branches d’arbres pour notre bois de
chauffage. Après que, muni de la hache, il les a toutes détachées du tronc, il se sert de la scie
[Texte]
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pour les mettre en longueurs convenant à la forme de notre « poêle à trois ponts ». Et les grosses
branches rougies et pétillantes, jettent dans notre pauvre maison la résineuse senteur des forêts.
(Au fond des bois p. 11)
Notre ferme s’est agrandie
Nous voilà établi comme des colons qui peuvent espérer l’aisance, tout en ne la possédant pas
encore. Notre maison qui n’était d’abord qu’une cabane,
a été peu à peu élargie. Elle est maintenant une demeure
d’apparence solide. Un four à pain une laiterie, un
hangar ont été bâtis par les mains habiles de mon père.
Nous avons deux vaches 15 poules, un cheval. Il nous
est possible de voir venir les longs hivers sans craindre
les malheureuses aventures qui découlent d’un trop
grand éloignement. Il ne nous arrivera plus de redouter
la mort par la faim et des temps de maladie ou de
tempête.
Tout a été prévu. Mon père et mon frère ont fait dans la terre un grand trou dont ils ont retenu les
bords avec des pieux. À l’extérieur cette caverne a été recouverte de branches et de feuilles
étendues ave soin. D’un automne à l’autre ce trou est plein de glace et c’est là que nos
provisions se gardent fraîche, même dans les jours de chaleur. (Au fond des bois p. 31-32)
La belle Octavie
La belle Octavie ne s’est pas mariée. Et cela, non pas faute de prétendants, mais pour avoir soin
de sa vielle mère. Elle lui garde toujours une vénération sans borne qui
fut la source de son inlassable dévouement. Chaque fois qu’un nouveau
« cavaliers » se présentait, la vieille en suppliant disait à sa fille: « Tu
sais, mon enfant, je veux mourir dans ma maison. Tu n’est pas pour me
laisser seule. Et tout de suite la réponse venait jusqu’au sacrifice, réponse
dictée par l’amour qui va joyeusement jusqu’au sacrifice. « Non, non,
vous savez bien que je ne pars pas. Je ne m’en irai jamais. Soyez
tranquille! Chaque fois, l’amoureux s’en allait, et la ville recommençait à
être heureuse. (Au fond des bois, p.100 )
Sa chambre ressemblait à une chapelle
Rien n’était trop beau pour lui. Chaque soir, pour le lendemain, elle brossait ses habits et passait
du noir sur ses chaussures. Une fois par semaine, elle lavait avec un soin religieux le surplis
dont il se servait comme enfant de choeur. Les années et les années passaient paisiblement,
faisant suivre les rudes hivers. Pierre était devenu un jeune homme sage, aux goûts mystiques.
Sa chambre ressemblait à une chapelle aux 4 murs tapissés d’images saintes et de crucifix. Avec
l’aide d’Angèle, il s’y était fait un autel, où luisait une blanche nappe brodée au point de Venise.
Deux grands cierges s’y dressaient, plantés en de vieux chandeliers, devant gravure en couleurs
qui représentait le crucifiement. Revêtu de son surplis des dimanches et d’une bande de drap
fleuri, en guise d’étole, il y « disait sa messe » à sa manière en chantant le « Ite missa est » sur le
même ton que M. le curé. (Au fond des bois p. 121-122)
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La vieille horloge
Tout en parlant le vieillard m’entrainait dans la cuisine et me montrait la vieille horloge,
immobile sur sa corniche de bois brut où pendait une dentelle en papier à
jour. C’est une horloge haute de plusieurs pieds, brune, presque noire. Dont la
tête pointue est surmontée de deux petits clochetons qui lui donnent un air
sévère et monastique. Elle est faite d’un bois verni qui a depuis longtemps
cessé de luire. Son aiguille, semblable à un doigt de fer, se détache, ridicule
sur la pâleur du cadran. Sa robe brune est ornée en avant d’une grosse touffe
d’églantine peintes à la main, et dont les couleurs sont à demi effacées par
l’usure.
On dirait quelques grandes dames de jadis, en toilette démodée, qui garde
dans sa décrépitude une apparence de splendeur. Il se dégage d’elle je ne sais
quel aspect de mélancolie et de fatigue. Elle semble triste et lasse comme tous
les êtres qui ont peiné et souffert. Oui, je te dis ma fille, aussi vrai que je suis
ici, c’te horloge là elle a un cœur comme toi et moi. (Au fond des bois p. 145 à 151)
« Mon fi », disait-elle
En son langage rustique, mon fi », dépêche-toi de pousser, il y a de l’ouvrage qui t’attend! On
travaillera tous les deux, ce sera amusant… Tu amasseras ton argent, sou par sou, et tu pourras
ensuite agrandir ton bien et acheter une lisière de terrain du voisin. Ça donnera du beau foin, tu
verras. Ensuite tu achèteras des moutons et des vaches, tu prospéreras, je te la dis mon « fi », tant
que j’aurai de deux yeux ouverts. Et son regard s’attachait sur moi avec un amour intense mêlé
d’orgueil.
Ma grand-mère avait l’énergie d’un homme et la force d’un lion. Elle venait à bout des plus
grosses souches et c’est elle qui soulevait les fagots que je pouvais à peine remuer. Pour toi «
mon fi » aucun fardeau ne me paraît trop lourds. (Au fond des bois p. 72,76 )
La vieille
En attendant que je fusse assez grand pour commencer avec elle le travail des champs, la pauvre
vieille peinait bien fort pour gagner sa vie et la mienne. Elle reprisait les
filets de pêche, faisait des chaussures, cousait et filait. En retour elle
recevait du poisson. D’autre lui apportait du bois pour se chauffer. Les
marchand lui donnait du drap, du sucre, de l’huile pour sa lampe et
parfois aussi une ou deux pièces d’argent qu’elle serrait avec joie dans un
tiroir de la vieille commode aux poignées usées … J’étais toujours bien
vêtu, mieux que les autres de mon âge. Elle prenait du temps sur ses nuits
pour coudre mes habits et même des fois, je crois qu’elle ne se couchait
pas de tout. Je la voyais toujours à l’ouvrage avec une aiguille à la main,
ou bien, assisse à son rouet et filant... (Au fond des bois p. 73-74)
Le rouet
Ah! Ce que je la connaissais la voix du rouet, cette voix ouatée qui berce comme une chanson et
qui endort comme un rêve! O voix berceuses du rouet, que ne raisonnez-vous encore à mes
oreilles comme au temps où j’étais un petit garçon à l’âme pure et aux longs cheveux frisées!
Toute l’année, en toute saison, du matin au soir, et parfois du soir au matin, ma grand-mère filait
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près de la fenêtre pour voir filer plus longtemps pour ménager l’huile. L’été, et tant que le vent le
permettait, elle s’asseyait dehors, près du vieux perron aux marches tremblantes, du coté du soleil
et de la montagne. Que de fois en revenant de l’école j’apercevais de loin la chère vieille filant au
milieu des rayons du soleil couchant! Et tandis que son bras vigilant tournait la roue du rouet,
parmi cette poussière dorée, il me semblait que grand-mère filait du soleil.
(Au fond des bois p. 74-75)
Au large
J’avais sans doute du sang de marin dans les veines. Je ne songeais qu’à naviguer. Souvent avec
des camardes je me laissais aller au gré du vent dans un chaloupe à voile. Cette promenade sur
l’eau était la plus grande joie que je connusse. Le large m’attirait avec ses courants mystérieux,
ses brouillards dorés, ses éclairs, ses ombres, ses vagues frangées d’écume… Dès lors, mon
avenir fut fixée et rien ne put m’en dissuader. Les conseils, les remontrances de ma grand-mère,
les dangers des flots, qu’elle me fit voir sous toutes leurs faces, les larmes qu’elle versait
abondamment chaque fois que je parlais de mon dessein, rien ne put me détourer de ce funeste
projet. O douloureux, Ô cruel souvenirs! Encore aujourd’hui, après tant d’année, ils sont dans
mon âme comme un fer chaud dans une plaie vive! (Au fond des bois p. 77)
Le passant
Les Beauchemin pouvaient recevoir, à toutes heure du jour, recevoir du passant, sur la route ou
sur le chenal, un mot, un salut, un signe d’amitié. Même s’ils
avaient peu de choses à dire, il échangeait de braves remarques
sur l’eau haute ou l’eau base, l’erre de vent, la santé, pour le seul
plaisir de se délier la langue, pour montrer qu’ils étaient encore
de ce monde, ou tout bonnement pour ne rien laisser perdre une
si belle occasion. Si l’un d’eux, peu d’humeur à causer,
n’entendait pas la plaisanterie, il se contentait de le signifier d’un
rebondissement du derrière: un signe de vie tout de même.
(Le Survenant p. 15-16)
Printemps
Le semeur esquisse dans la plaine son geste divin. Les sapins reprennent leur vieille sève, la terre
retrouve sa beauté perdue, et la rive joyeuse chante dans les grands chênes. Salut ô printemps
saison de promesses et de résurrection! J’ai revu la corneille au plumage noir comme nuit et son
cri est un cri d’espérance. Il dit son merci au soleil, aux feuilles, aux bourgeons nouveaux, aux
parfums, aux moucherons. Il dit sa gratitude aux torrents de jeunesse et de lumière, aux sèves en
mouvement qui montent à l’assaut de tout comme une armée triomphante …
Tous ces rêves sont ranimés. Rêves des jeunes amoureux attendant la bien-aimée à la lueur de
« clair-d’étoiles ». Rêves du laboureur comptant sur les champs plein d’épis. Rêves de la fermière
admirant ses légumes abondants et dorés. Rêves du pauvre vieux espérant un regain de santé.
Tous les rêves sont éveillés et font une ronde lumineuse dans la réjouissance du printemps.
(Au fond des bois p. 130-131)
Vieille demeure
J’ai revu aujourd’hui la plus vieille maison de la région, la plus vieille qu’on puisse imaginer.
Elle est maintenant déserte. Le vieux qui, l’habitait est mort, l’année dernière. Comment se tient[Texte]
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t-elle encore debout? Dieu seul le sait. Elle ressemble à une maison de cartes qui est sur le point
de s’écrouler.
Son toit pointu et branlant retombe sur ses fenêtres embrumées, comme un vieux chapeau sur des
yeux éteints. Ses fondations sont de pierre brute ajustée au moyen d’un lourd ciment qui porte
encore les marques de l’ancienne truelle.
Une meule à manivelle, un puits à longue perche, une faucille noire et rouillée, toutes ces choses
gisent là dans un délabrement complet.
Les murs de bois moussu aux lézardes nombreuses, abritent des nids d’hirondelles qui y cachent
leur couvée. Un vieux four tombé en ruines rappelle ces jours anciens où chaque famille cuisait
son pain.
Et dans le jardin abandonné fourmillant d’herbes sauvages, une
unique fleur résiste encore à la destruction, un beau myosotis
dressé sa petite tête bleue et crie « Ne m’oubliez pas! » .
Cette maison m’impressionne, il me semble que son vieux cœur
va se réveiller, que ses paupières vont battre sous la force des
souvenirs, et qu’elle va me parler comme à une amie.
Elle va me parler du passé, de son passé vécu avec des êtres qui lui
étaient chers.
N’a-t-elle pas en elle des trésors, des beautés qui survient, des ombres qui demeurent ? Ou peuton trouver plus de vie que dans cette vieille maison ? Elle me parle des matins d’été, où dans la
brise fraîche, les hommes parlaient au petit jour, la faucille sur l’épaule, et ne revenaient qu’à la
brunante.
Elle parle des soirs ou l’on viellait à la chandelle, en contant de belles histoires. Elle parle des
mariages joyeux où l’on chantait, où l’on riait où l’on dansait. Des soirées en famille, des
repas où chacun, jeunes et vieux fredonnaient des chansons. Elle parle des jours ensoleillés où
dans la grande cuisine inondée de lumière l’aïeul filait tandis que la jeune mère endormait son
enfant.
Ô ravissante mélopée des femmes qui bercent leurs petits! La vieille demeure est replie de votre
ombre, ô vieillissant maison d’autrefois! (Au fond des bois p. 141 à 143 )
Pays natal
O rives enchanteresses du pays où l’on naît où l’on grandit, rives qui répétez les chants de notre
enfance et qui résonnez de la voix de nos pères, ô rives du pays natal, vous serez donc toujours,
pour tout être humain, le plus beau coin de l’univers! (Au fond des bois p. 79 )
La messe de minuit
Ce sera sans doute la dernière fois de ma vie, se dit-elle. Je
vieillis, me voilà vieille, bien vieille, mais j’ai de bonne jambes
encore, et je connais le chemin. Après tout il n’y a qu’un petit bois
à traverser, le reste c’est du chemin battu, et le temps s’annonce
très doux.
Ah! Revoir cette crèche toute ruisselante de feux, et l’Enfant-Jésus
couche sur la paille fraîche, et la Sainte Vierge en robe bleue, et
saint Joseph avec son rabot, tout en rouge, et puis les rois mages
avec leur couronnes magnifiques et aussi les bergers et les
moutons!
S’agenouiller encore une fois auprès du petit Enfant-blanc, maître
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du monde, qui sourit, qui attire, qui pardonne, qui guérit. Pleurer auprès de lui comme autrefois,
lui demander ses bénédictions pour sa vache et pour elle. Tel était le rêve qui mettait l’extase au
fond de ses yeux. (Au fond des bois p. 87)
Les enfants sentent le mauvais temps
Pourtant nous ne nous querellons pas. Nous jouons au «char». Pas une chaise n’est debout dans
la grande salle. En tête, Toto est assis sur une petite table, un sifflet à la bouche, une cloche à la
main. Petit Pierre, en arrière, crie les stations. Marie et moi, et nos poupées nous sommes les
passagers, à cheval sur les chaises renversées. Quand il ne siffle pas Toto fait : pouf, pouf, pouf,
pouf ! Pierre crie à tue-tête « All aboard! All aboard!», comme il l’a entendu dire quand il est allé
à la ville. (Autour de la maison, p. 12-13)
Un, deux, trois, pour moi…
Toto qui s’est dévoué est dedans maintenant. Lui, son plaisir c’est
d’être dedans aussi longtemps que possible et de ne jamais m’apercevoir
la première. Il crie: « une, deux, trois, pour Pierre en arrière du contrevent, quand il sait que Pierre est juché sur la clôture, en arrière du but!
Un, deux, trois, pour Germaine dans le «tambour», alors que Germaine
est dans le hamac. Michelle, il ne la voit jamais parce que Michel
n’aime qu’à se cacher, pas à chercher les autres! Pour me donner la
chance de toucher le but, de me «délivrer», comme on dit au jeu, il fait
semblant de s’accrocher et tombe. Alors, quand c’est trop évident qu’il
triche, la chicane prend!
« Maman, Toto n’est pas justes », Toto s’exclame: « Tante Estelle, je
t’assure que j’ai tombé, parole d’honneur» ! (Autour de la maison, p. 7, 8)
Le chien écrasé
Tout à coup le cri de l’antique petite locomotive retentit et nous partîmes en courant. Toto et moi
pour voir passer le train. Il passa. Zoulou bondit en jappant, essayant de le rattraper. Toto cria :
« Il va se faire écraser, Zoulou! Zoulou! ». Mais Zoulou n’entendit rien. Pour franchir un petit
pont avant le train, il sauta sur les rails. Et quand le train fut à son tour passé, nous vîmes une
forme jaune étendue sur la voie…
Ce fut un cri de terreur. Les jeunes filles accoururent et bientôt nous étions près de la pauvre
chère bête qui respirait encore, la tête sanglante, les yeux fermée…Des sanglots nous étouffaient .
Nous étions désespérées. Devant cette mort inattendue. Les jeunes filles essayaient de nous
consoler. Nous formions cercle autour de la bête. Une «grande» alla chercher de l’eau et mouilla
la tête du chien. Peu à peu, il ne respira plus. (Autour de la maison, p. 10 )
Préparatifs pour le voyage
Elle sortit de la commode en pin sa belle jupe à falbala en mérinos (mouton) noir, son châle à
arabesques éclatantes, ses bas de laine tricotés par elle et montant jusqu’au milieu des cuisses,
son pantalon et son jupon de coton jaune égayés d’une étroite dentelle de laine rouge, sa chemise
que, par pudeur, elle avait coupée sous le menton, son chapeau de paille vaste comme un auvent
et recouvert d’un verger, les menottes, les bottines en drap à tiges élastiques, sans oublier la
jeannette. (Autour de la maison, p. 111)
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Les invités commencèrent à arriver
D’abord M. le maire avec son nez en saxophone, ses cheveux jaunes collés aux tempes, son crâne
luisant, et sa redingote verte et lustrée qui lui serrait la panse. À son bras était accrochée madame
la mairesse, grassouillette, femme très dévote, égrenant tantôt des chapelets, tantôt des
commérages.
On vit entrer ensuite successivement : le notaire, asthmatique, raide dans son faux-col, dont les
pointes lui montaient par dessus les oreilles. Le médecin qui ne portait jamais de bretelle et ne
pouvait terminer une phrase sans remonter son pantalon. Les marguilliers tous bouffis de leur
dignité. Le forgeron à la carrure imposante. Le marchand, sec et jaune comme un parchemin et
qui disait toujours: « Tu sais… tu sais bien…». Le rentier qui crachait dans le visage de ses
interlocuteurs en parlant. Et que d’autres! Tous accompagnés de leurs épouses, rondes, plates,
rouges et fanées.
Ah! J’oubliais le fils du forgeron, Gustave. Depuis une demi-heure au moins, il était en tête à tête
avec Suzon, sur un sofa poussé le long du mur, derrière la porte du salon. (Marie-Calumet, p.148 )
On a, à part de ce que vous avez mangé :
Du ragoût de patte de cochons avec des boulettes, des « trourquières », du lard chaud, du lard
froid, un rosbif, un petit cochon de lait, de la gourgane, des « guertons », du boudin, des galettes
de sarrasin, de la dinde, avec de la farce, des pâtés de poulet, des pralines, des beiges, du blancmange, de la compote aux citrouilles, de la crème, des confitures au fraises, de la gelée de
pomme, du « nanane », du café d’orge, du vin de rhubarbe, et ben autre chose itou.
- Hein! fit le curé, fier de sa nièce, en a-t-elle une mémoire de singe, cette enfant-là!
(Marie Calumet p. 150-151)
Des maringouins
Délogés de la fraîcheur de la terre, les maringouins laissaient entendre un bruissement agaçant.
Parfois, une claque en faisait éclater dont le dard venait de piquer l’autre. Mais avec les foins,
leur temps achevait: ils iraient se réfugier dans les marais. (Marie-Didace, p. 217)
Les chevaux
Didace arrêta sans peine ses chevaux dont l’ardeur se modéra peu à peu depuis le matin. Il en
profita pour aller casser une hart de plane: elle lui servirait
d’aiguillon. (Marie-Didace, p. 221)
Dernier sacrement
Le curé Lebrun prit place dans la voiture légère, à coté de
Pierre-Côme Provencal. Aussitôt la petite jument rousse détala,
un nuage de poussière à la suite, sur le chemin de Chenal du
Moine. Au passage du cortège, des hommes aux récoltes ça et
là dans les champs, s’immobilisèrent, dressés comme des
cierges sur quelque immense autel. Pénétrés à la fois du regret de voir l’un des leurs sur le point
de mourir et pénétrés de la secrète satisfaction de ne pas être encore, eux le choix de la
mort…Dans la paroisse, on savait que Didace fils de Didace, recevait une dernière fois la visite
du prêtre. (Marie-Didace, p. 229)
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Sa fin ressemblait à sa vie
Je manquais rarement un coup. Et quand j’étais chaud, j’cherchais rien qu’à me battre. Je me
battais, un vrai yâble! Et j’étais un bon homme un peu rare. J’ai donné des rondes, c’est vrai mais
j’en ai mangé des rôdeuses. Je sacrais comme un démon. À tout bout de champ. Pour rien. J’allais
voir les femmes des autres. J’m’en cachais pas. Mais je me confessais tous les premiers vendredi
mois. Aujourd’hui, je prends rarement un coup. Je sacre presque p’us et je couraille jamais.
Seulement je vas pas souvent à la confesse. (Marie-Didace, p. 232)
Les « créatures »
Aujourd’hui regarde! La maison pièce sur pièce, les champs … Mon
père me l’a toujours dit: sans les créatures qui les encourageaient à
rester, les hommes seraient repartis, tous, les unes après les autres. Ma
mère, ma mère à moi, ça c’était vaillant! Levée avec le jour à travailler
jusqu’aux étoiles. Ça mangeait, mais ça travaillait. Dans l’eau glacée
jusqu’à la ceinture, au printemps, pour arracher un morceau de butin de
la rivière! (Marie-Didace, p. 241)
Un bon quêteux
Chaque famille du rang de Sainte-Anne possédait son quêteux, sans plus d’orgueil, telle une
nécessité dans l’ordre de la paroisse. Mais le quêteux adopté par les
Beauchemin n’était pas un quêteux comme les autres. Il n’appartenait pas la
race des quêteux benoîts qui mendient de tous leur corps moulé aux
humiliations, la main creusée et sénile, le regard battu et le genou fléchi. Ni
la trempe des mendiants des villes, redoutés et sournois, quémandeur dans
l’ombre, qui, pour la plupart «coquent d’un œil» sous la casquette complice.
Ce n’est pas lui qu’on aurait vu à Sainte-Anne, à la brunante, en rasant le
bois et les clôtures. Toujours il prenait le mitan de la route. Russe avait de la
fierté. Il n’allait au-devant de l’aumône. Il l’attendait tête nue, le front haut,
en digne quêteux qu’il était. (En pleine terre p. 24 )
La faucheuse
Ils fauchaient depuis le petit jour et déjà ils entendaient, dans l’espace ensoleillé et chaud, les
notes de l’angélus du midi. Ils fauchaient depuis l’heure ou les étoiles
plus basses et pâlies clignotent sur la courbe frangée des montagnes. Les
reins courbés comme des lutteurs, d’un balancement régulier, pas à pas,
ils attaquent les foins et le mil cendré. Ces herbes blessées à mort, se
courbent en large andains autour des faucheurs pendant que le soleil, à
mesure fane leurs fibres. (L’appel de la terre p. 3)
Les faucheurs vont bientôt rentrer. Ils s’en revenaient, en effet à travers
les champs assis tous deux, les pieds ballants, sur la charrette que tiraient
à petits pas mesurés les deux boeufs roux. Encore une rude journée finie!
(L’appel de la terre p. 11)
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Jacques Duval tire sa pierre à faux
Après avoir allumé tranquillement une seconde pipe, tire sa pierre à faux d’une petite gaine de
cuir qu’il porte à sa ceinture et, la passant et repassant sur la lame, en fait crisser la loin l’acier,
Et jusqu’à la brunante, les deux faux brisèrent l’herbe au vol régulier et chantant de leurs ailes
claires….(L’appel de la terre, p. 6)
Le jardin potager
Il y a tout autour de la bâtisse un jardin potager où il pousse des tourne-sol à coté des choux et
des betteraves. Ce jardin-capharnaum est l’objet de toutes les sollicitudes de la mère Duval
comme aussi ses plus noirs soucis. 20 fois le jour, en effet, il lui faut sortir et chasser, à coup de
tout ce qui lui tombe sous la main, un bataillon de poules et de poulets, qui, après avoir traversé
sans péril et partant sans gloire des clôtures obligeantes, viennent lâchement faire le sac des platebandes. Un énorme coq surtout est la bête noire de la mère Duval, bien que ce chante-clerc soit
du plus brillant plumage. Aussi, il ne se passe pas de jour que la brave femme ne se promette de
faire de cette bête de Turc à crête sanguignolente un ragout pour le dimanche suivant.
(L’appel de la terre p. 10)
Coucher de soleil
Les montagnes qui entourent l’horizon s’efforçaient de retenir le soleil en fuite, et sur leurs
flancs, traînait une brume bleuâtre. Tout le bord du ciel se teintait de couleurs charmantes qui, par
d’heureuse gradations, passaient du violet à l’or…Au loin, à la lisière du bois, une vache
meuglait vers la maison. « André, tu soigneras les bœufs », recommande le père Duval, quand la
charrette se fut arrêtée devant l’étable. (L’appel de la terre p. 12)
Cette pauvre vieille terre amie
Paul était fils de cultivateur. Ses rêverie persistantes, les yeux dans le vide, ces heures passées à
regarder un paysan travailler dans son champs ou une scène
quelconque de la vie agraire, ces promenades obstinées et si
aimées, le long des champs de blé ou d’avoine blondissantes,
n’était-il pas autant de manifestations de la nostalgie de la
terre ? Que ne pouvait-il donc alors aller joindre ses bras à
ceux d’André, à ceux déjà affaiblis du père ? Que ne
sacrifierait-il un stupide préjugé pour y retourner, à cette
pauvre vieille terre amie et si délaissée par ceux qui ont cru,
un jour, en perdre l’amour. (L’appel de la terre p. 15)
« Quelle est cette flamme en nos êtres qui changent un faible en conquérant.
Qui fait que le sang des ancêtres bouillonne en nous comme un torrent ? ».
(Blanche Lamontagne-Beauregard )
La « batteuse »
Voici longtemps déjà que le dernier entêté du village
a renoncé de battre son grain au « fléau » et, durant
les jours d’hiver, en passant devant la grange l’on
n’entend plus le bruit régulier du lourd battant de
bois sur le pavé durci de l’aire. L’outillage du labeur
agricole a été modernisé.
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Et ce n’est plus simplement la « batteuse » qui s’est fait accepter dans la plus humble ferme. Les
plus décidés des routiniers ont adopté la moissonneuse, la faucheuse, la faneuse, la lieuse et le
râteau «à cheval» tous nouveaux venus qui ont acquis vite leurs droits de paysannerie. Leur
activé habile et leur preste régularité ont remplacé le mouvement cadencé des faucheuses
« à petite faux » ou celui des garçons et des filles qui coupent à faucille. Tout cela a transformé
la physionomie de la ferme et l’aspect des travaux rustiques. (L’appel de la terre p. 27)
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Les maisons ont perdu leur chapeau de «bardeaux de cèdre» couvert de moussue verte, craquelé
et bruni par les pluies de l’été et par le soleil, et chantepleures des
aqueducs municipaux ont fait remiser dans les vieux hangars les
margelles et les « brinballes » des vieux puits dont quelques fois
encore on aperçoit les pierres disjointes des socles antiques. (L’appel
de la terre p. 28)
P
Puits à « brinballe»
La mère Thibault
La mère Thibault était en outre, l’opulente propriétaire d’un magasin où elle vendait de tout:
quincaillerie, épicerie, tabac, bonbons à une cent et surtout autre spécialité de la maison, petite
bière d’épinette à un sous le verre. (L’appel de la terre, p.35)
Monsieur l’inspecteur
Quinze jours plus tard, quand l’inspecteur arriva pour les examens de fin d’année, il fut satisfait.
Il consentit même à reconnaître qu’il y avait eu du progrès depuis la «dernière fois». Là encore
on félicita le fils de pierre Duval qui, grâce à son travail, avait si haut élevé le niveau de
l’instruction parmi la marmaille tadoussacienne. ( L’appel de la terre, p. 36 )
Un coq un peu top matinal
L’enthousiasme fut à son comble. La cruche de vin de bleuet y passa, de même qu’avaient passé
toutes les saucisses et tout le boudin de la mère Duval. Il était tard quand on parla de se séparer.
De l’étable déjà, on entendait chanter un coq, un futur «ragoût», un peu top matinal.
(L’appel de la terre, p. 186)
Des « quatre-temps »
Je meurs d’envie de trouver, devinez quoi? Des petits « quatre- temps ». Vous savez ces petits
fruits rouges pressés en boules et qui ressemblent au contenu
d’une grenade. Je me souviens qu’un de mes amis qui voyage
beaucoup dans les campagnes, m’a assuré qu’il s’en trouvait en
abondance dans vos forets…C’est, voyez-vous, que je rêve de
faire du «quatre-temps» le modèle de l’aigrette à chapeau de la
saison prochaine. (L’appel de la terre p. 56)
Les laboureurs (1857Ne méprisons jamais le sol qui nous vit
naître, ni l’homme dont les bras pour notre seul bien-être s’usent à force de labeur, ni ces robustes
fils déployés sur leur faucille, ni son modeste toit, ni le chant de ses filles qui viennent, le soir,
avec les travailleurs.
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Ils moissonnent pour nous, et les fruits de leurs peines, blonds épis, doux trésors des jaunissantes
plaines, blanches et soyeuses toisons. Larges troupeaux chassés
de leur oasis vertes. Toutes ces choses-là, par eux, nous sont
offertes, et c’est avec leur or que nous les payons.
Notre avenir est là! Nos champs gardant le germe d’hommes
propres à tout, au cœur changeant ou ferme, prenant un bon ou
un mauvais pli. Dirigeons vers le bien leur mâle intelligence.
Instruisons-les: savoir, c’est narguer l’indigence, et peut
sauver un peu de l’oubli. (La poésie canadienne p.58)
L’angélus récité
Ce fut une brusque explosion de cris, de rires: une échappée vers la porte des enfants allant dîner
chez eux. Comprimée, étouffée pendant trois heures, cette jeunesse reprenait ses droits. À la
contrainte et au silence auxquels elle était forcée depuis le matin, succédait une exubérance de vie
et de gaîté. Chacun mordait avec appétit à la tranche de pain de son dîner. (La Scouine, p. 9 )
Paulina pissait au lit
Chaque nuit, il lui arrivait un accident. Au matin, sa chemise et ses draps étaient tout mouillés
.Après le départ des bessonnes pour la classe, Mâço, l’été, faisait sécher la paillasse au soleil, sur
le four, l’hiver sur les deux chaises auprès du poêle. À l’école, à cause de l’odeur qu’elle
répandait, ses camarades avaient donné à Paulina le surnom de Scouine, mot sans signification
aucune, interjection vague qui nous ramène aux origines du langage. Le sobriquet lui resta.
( La Scouine p. 14 )
Chaque soir en sortant de l’école
Les garçons arrêtaient à la boutique de forge. C’est là qu’ils avaient leur meilleure récréation de
la journée. Quelque uns regardaient le père Dupras ferrer le
cheval, ou, le bras posé sur le manche de son soufflet, activer
le feu toute en fumant la pipe et en racontant les nouvelles du
rang aux fermiers du voisinage. D’autres grimpaient sur le toit
d’une petite remise attenante à l’édifice et se poursuivaient.
D’autres encore, jouaient à la clé ou couraient parmi les
tonneaux neufs sentant la peinture fraîche, les herses aux dents
aiguës et les charrues à réparer. Ces jeux finissaient toujours
par un concours à qui pisserait le plus haut, et le coté ouest de
la bâtisse subissait ainsi chaque jour un arrosage qui dessinait
sur le planches une série d’ombres chinoises. (La Scouine , p.15)
Bientôt les faucheuses mécaniques
Firent entendre les puissants ronflements. Du matin au soir,
planait sur cette mer de verdure le sonore bourdonnement de
l’essaim des machines de fer, semblable à celui d’une meule
géante. La paix et le calme était comme brisés, hachés. Une
fièvre du travail et d’activité animait tout le pays, le faisait vivre
d’une fièvre intense. Il fallait se hâter. (La Scouine, p. 58)
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Charlot couchait, sur le foin, dans la grange
Il dormait ce soir-là depuis un temps inappréciable, lorsqu’il fut soudain éveillé. C’était
l’Irlandaise qui montait péniblement, en geignant, l’échelle qui conduisait sur la tasserie. Charlot
crut qu’elle ne parviendrait jamais à arriver en haut. À un énergique juron, il comprit qu’elle avait
manqué un échelon. Il se demanda si elle n’allait pas échapper prise et tomber dans la batterie.
Après beaucoup d’effort, l’Irlandaise mit finalement le pied sur le carré, une voix rauque et
avinée, elle se mit à appeler:
- Charlot ! Charlot !
Se fut sa seul aventure d’amour
Se dirigent dans la direction de sa voix, les jambes embarrassées dans le foin et trébuchant à
chaque pas, l’irlandaise arrivé à Charlot. Elle s’affaissa près de lui, les jupes trempées et boueuse,
l’haleine puante l’alcool. Attisée par le genièvre, elle flambait intérieurement, et Charlot
éprouvait lui aussi des ardeurs étranges. Ses 36 ans de vie continente, ses nuits toujours solitaires
dans le vieux sofa jaune, allumaient à cette heure en ses entrailles de luxurieux et lancinants
désirs. Cet homme qui jamais n’avait connu de femme sentait sourdre en lui d’impérieux
hurlement appétits qu’il fallait assouvir. Toute la meute des rêves mauvais, des visions lubriques
l’assiégeait, l’envahissait. Alors Charlot se rua. Et le geste des races s’accomplit. Ce fut sa seule
aventure d’amour. (La Scouine, p. 59 )
Charlot et la Scouin inspectèrent d’abord les animaux.
Vaches laitières, taureaux, génisses et les veaux, attachés aux poteaux de la clôture. Ils allèrent
voir les moutons et les porcs enfermés dans des boîtes à casiers, au
centre du terrain. Des pigeons près de là roucoulaient dans des
cages, passant leur becs roses entre les barreaux. Des lapins et un
écureuil attirèrent également l’attention de Charlot et de sa soeur.
Les chevaux se trouaient de l’autre côté de l’enclos. Ils allèrent les
examiner. Plus loin, les instruments aratoires les tinrent longtemps
en contemplation. Enfin en regardant bien à leur aise tout ce qu’ils
rencontraient sur leur passage. Ils se trouvèrent au corps principal
des bâtiments où étaient exposés les produits de l’industrie
domestique: tapis catalogne, ouvrage en laine. La foule y était plus dense que partout ailleurs.
(La Scouine p. 62-63)
À petits pas mesurés
Durant 25 ans étés et 25 automnes, le bonhomme Thérrien parcourut le village des bottes de
légumes sous le bras et la pipe courte, le fourreau renversé
vissé à ses lèvres sans cesse. Ce fut toujours la même vieille
pipe courte. Il ne la changea pas plus, je crois, qu’il ne
changea sa chemine de grosse toile, où, le chapeau mou
coiffant son visage gris, hirsute, ou le pantalon large et la
vieille blouse rougie enveloppant de grands plis graisseux sa
maigreur de plus en plus affaissée.
(Sur la grand-route, p. 49)
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Le dresseur d’ours des Pyrénées
Un gros ours brun, pattu, l’air ennuyé et maussade, grognant perpétuellement, semblant toujours
sur le point de dévorer son. Maître. Celui-ci est un grand et solide gaillard, au
col maigre, très long, avec une armature de tendons entre lesquels une pomme
d’Adam qui monte et descende à chaque mot qu’il dit, au corps nerveux, sec,
aux membres de quadrumane. Sa tête crépue est couverte de
d’un large chapeau de «cow boy» et ses pieds chaussée de bottes rouges. Il
est habillé d’un veston et d’un pantalon d’un pantalon de bouracan marron. Il
porte en bandoulière un cor de chasse au cuivre défraîchi, et sur une épaule
oscille un long bâton rond et usé à force de se promener sur le poil rude la
bête. De l’homme et de la bête se dégageaient, du rayon où il se mouvait un
acre odeur de fauve et sueur. (Sur la grand-route, p. 57)
Les adieux de la Grise
Ce soir-là, au souper, ce fut tout à coup une grande émotion. Le père, tout en coupant une mie de
pain avait dit, la voix un peu serrée: « Vous savez les enfants, on va vendre la Grise. À l’âge
qu’elle a. Il n’est plus sur qu’elle hiverne. J’ai rencontré l’autre jour l’acheteux de guenilles, il
m’a offert une belle offre. C’est le bon temps de s’en défaire.
Les enfants se regardèrent, aucun d’eux ne dit mot. Comme toujours ce fut la mère qui prit la
défense du faible : « Il passe pour avoir la main dure, l’acheteux, risqua-t-elle, d’une voix qu’elle
s’efforça de rendre ferme. Et s’il fallait qu’elle fut « magané », la pauvre vieille.
(Les rapaillages p. 15)
J’ai acheté ma terre qui était en bois d’bout
Et su laquelle j’voulais établir mes garçons. Et c’est pour ça que j’avais vendu ma terre du
village, qu’était faite d’in bout à l’autre. J’ai élevé le Blond. C’était dans ce temps-la, un beau
poulain et c’est avec lui que j’ai ouvert la terre. J’étais déjà une jeunesse et je vous assure qu’on
en a arraché. C’était une terre dure, du bois partout, des savanes, des fardoches, des aulnes d’in
bout à l’autre. Il a fallu tout arracher, tout égoutter, ça. (Sur la grand-route, p. 96)
La vie d’un juif errant m’allait comme un gant
J’ai fait de tout pendant de temps: j’ai pêché la morue dans la baie de Gaspé. J’ai fait le flottage
du bois sur la Gatineau et sur la Saint-Maurice, la moisson dans les Cantons de l’Est. J’ai coupé
du bois dans les chantiers du Saguenay et du Lac Saint-Jean. J’ai travaillé dans les mines de
Thedford. J’ai été terrassier, manoeuvre, garçons de ferme, enfin que sais-je? Mais je t’avoue que
je ne moisissais pas au même au travail. Je préférais les bonnes promenades sur la grand route.
J’ai marché dans la rosée du matin à l’heure ou le soleil se montre la tête par dessus les
montagnes pour voir si les hommes des champs sont levés. (Sur la grand-route, p. 19-20)
De la soupe à la perdrix!
« Là vous avez commis un péché Phonsine, la petite mère, de gaspiller du bon manger de même!
La perdrix, on la mange aux choux avec des épices et des graines de Manille, mais jamais en
soupe. Ou encore, comme j’ai mangé en Abitibi. Le «couque» prenait une perdrix toute ronde,
moins les « plumats ». Il la couvrait de glaise et la mettait à cuire de même dans la cendre vive,
sous terre. Quand elle est à point, il se forme tout autour une croûte qu’on casse pour prendre
juste la belle chair ferme ». (Le Survenant, p. 43-44)
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La galette de sarrasin
« Mais à l’heure du souper, le Survenant, sans même lever la vue, vit Alphonsine ajouter à la
dérobée deux ou trois oeufs à la pâte à crêpe afin de la rendre plus légère. Et le lendemain matin,
encore endormie et un peu rageuse de ne plus pouvoir traîner au lit, comme avant l’arrivée du
Survenant et d’avoir à préparer le déjeuner de 3 hommes. Elle promena sur les ronds de poêle
fumants une couenne de lard avant d’y étendre à dos de cuiller la galette de sarrasin grise et
« pivelée », aux yeux vite ouvert par la chaleur ». (Le Survenant , p. 45 )
Fendre du bois
« Non loin de la remise trois hommes débitent du bois. De chaque côté du chevalet, Amable et
Didace scient au godendard, mais le père et la fils n’étaient
pas «d’adon» à l’ouvrage, incapable d’embrayer leurs
mouvements. Les Beauchemin ne suffisaient pas à fournir au
Survenant les bûches et faisaient voler rapidement par
quartier. Avant même que Didace parlât, à un simple regard
d’impatience. Venant comprit et alla prendre la relève ».
(Le Survenant, p. 34 )
Le respect du pain
« L’homme se coupa une large portion de rôti chaud, tira à
lui quatre patates brunes qu’il arrosa généreusement de sauce grasse et, des yeux chercha le pain.
Amable, hâtivement s’en taillait une tranche de deux bons doigts d’épaisseur, sans s’inquiéter de
ne pas déchirer la mie. Chacun de la tablée que la faim l’imita. Le vieux les observait à la
dérobée, l’un après l’autre. Personne, cependant ne semblait voir l’ombre de mépris qui, petit à
petit, comme un brume automnale, envahissait les traits de son visage austère.
Quand vint son tour, lui Didace, qui avait le respect du pain, de sa main gauche prit doucement
près de lui la miche rebondie, l’appuya contre sa poitrine demi-nue encore moite de sueurs d’une
longue journées de labour, et, de la main droite, ayant raclé son couteau sur le bord de l’assiette
jusqu’à ce que la lame brillât de propreté, tendrement il se découpa un guignon de la grosseur du
poing ». (Le Survenant, p. 10-11)
Et moi je suis fille de bûcheron
J’aime mieux la forêt. Écoute les grands vents mugir dans les feuillages et tu me diras si ce n’est
pas comme le bruit des flots! Quand je pénètre au fond de la foret, je suis impressionnée comme
en entrant dans une église, et j’écoute les arbres qui grondent comme de grandes orgues…Pour
moi la foret a quelque chose d’humain.
Regarde ce vieux pin qui penche, son front décharné sur les bords de la petite rivière, n’a-t-il pas
la dignité du vieillard que la vie à dévasté mais qui est resté noble et grand sous l’épreuve ? Voistu ses feuilles qui retombent comme une vieille guipure ? Et son tronc, couvert de mousse, n’est il pas marqué, ridé comme les front humains ? Que de tempêtes ont passé sur lui! Et parce qu’il a
souffert, il n’a jamais cessé de lever en haut ses bras suppliants. Cet arbre est une prière vivante
Il est comme la muette supplication de la terre au ciel. (Au fond des bois p. 65-66)
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La saison des sucres
Elle s’annonce favorable: de la gelée la nuit, du beau soleil le jour. Mais nul ne pouvait en
prévoir la durée, à la merci des giboulées, de l’hiver des corneilles
ou d’u printemps trop court. (Marie-Didace p. 146)
Et quelle joie d’apercevoir enfin au retour de la classe, un midi, les
chaudières de fer blanc accrochées aux arbres, brillante au soleil. On
s’arrêtait pour admirer l’eau qui tombait goutte à goutte du trou rond
fait dans l’écorce épaisse, sur la petite feuille de tôle blanche qui
servit de «coulée». Les petites filles qui «chez eux» n’avaient pas
d’eau d’érable se servaient vitement à même la chaudière.
(Autour de la maison p
Cabane à sucre Goupil
Chez le notaire
On entrait sans frapper chez le notaire. Le moindre entrebâillement de la porte déclenchait une
sonnette. Une odeur de volaille cuite dans son jus accueillit Didace qui se trouva, du fait, encore
moins dispos. « Il se prive pas, le notaire: de la volaille le jeudi, du pur gaspillage ».
(Marie Didace, p.160)
À force de privations
À laver au caustique les bateaux, à écurer les parquets de bois mou qu’elles s’enorgueillissait de
faire reluire « jaune comme de l’or », à nettoyer des coquerons, besognes que les autres femmes
de journée refusaient, elle avait amassé de quoi acquérir un petit lopin de terre, puis de quoi y
faire bâtir une cabane à simple rang de planches, lambrissée de papier goudronnée, près du
cimetière, comme pour être plus vite rendue dans la tombe. (Marie-Didace, p. 162)
Au milieu des bêtes étonnées
Au moins que les bêtes veillent avec lui! Du bout du fourchon, il harcela le cochon, le flanc
haletant et repus, D’un coup d’épaule méprisant, il tassa contre l’entre-deux la Gaillarde, comme
si, à dormir, la jument l’eut trahie. De se voir déjucher, maussade, les poules, la « fale » basse,
aussitôt commencèrent à caqueter, tandis que le coq, ébloui de cette aube précoce, exerçait son
clairon. (Marie-Didace, p. 175)
La véritable amitié
À vrai dire, lui et Didace n’avaient pas toujours marché la mains dans la mains. Mais que sont,
entre voisins, quelques gros mots, des chicanes même, un affût brûlé et l’amende, quand les
coups portent franc et que le poing va plus de l’avant que la rancune du cœur. Toutes choses de
nature à renforcer plutôt qu’affaiblir la véritable amitié. (Marie Didace, p.182)
Être Pensionnaire au couvent
Sa petite, elle la mettrait pensionnaire au couvent de Sorel, pour cicatrise la blessure d’orgueil
qu’elle gardait au cœur, d’avoir, enfant, servi d’autres enfants, le dimanche, elle se ferait belle
pour aller la demander au parloir. Sa fille aurait un uniforme large, à plis, les plis les uns sur les
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autres, le nombre de plis ayant figuré dans son esprit d’enfant le symbole de la richesse. Plus tard
, elle porterait de la soie. Elle ferait des ouvrages fins. Ça serait son mari, non pas un survenant ,
qui lui porterait des bottes de foin. Elle, Phonsine, l’assisterait au lieu d’une étrangère qui
l’empêcherait de crier. (Marie-Didace, p.185)
La lumière de la lampe baissait
Elle ne reflétait plus qu’un demi-rond jaune, étroit. Courbaturé, les deux mains faux reins, Didace
alla regarder au dehors. Autour de la maison. L’aube, calme et pure, étendait sa
paix à l’infini. La journée serait belle. Didace revint lever le globe de la lampe.
Entre son pouce et l’index à la peau racornie, il moucha la mèche. Une clarté
blanchâtre jaillit dans la pièce fit danser des ombres et offusqua le sommeil de
Z’Yeux-rond. (Marie Didace, p.187)
La malade ne remuait plus
Elle semblait dormir. La petite dormait aussi. Ce petit paquet de chair, une
fille, dire que c’était peut être tout ce qui subsistait d’Amable. Et pas
longtemps, un jour ou deux. Les mains sur les yeux, blessé dans sa chair et
blessé dans son orgueil, il eut la vison d’Amable étendu sur le quai, la tête fracassée, dans une
mare de sang. Et Ici, à la maison, son enfant, cette figure grotesque, perdue dans un bonnet, ce
corps maigrelet enroulé dans de la ouate. Le dernier rejeton: un coeur bleu. Si ce n’était pas
pénible! (Marie-Didace, p. 187)
Pe-père, un visage plein de piquants
Un gros parler fort: menton fourchu, bouche d’argent, nez cancan, joue bouillie, joue rôtie,
petit œil, gros’eil, sourcillon, sourcillette…
.. un pied magique qui soulève l’enfant dans l’espace: petit trot, gros trot, petit galop, gros
galop! (Marie-Didace, p.195)
Petits cochons
Guidé par la main du père Didace, la main de la petite
plonge dans le «quart». Une poignée de moulée aux petits
cochons qui pleurent comme des enfants, se bousculent, se
dressent, l’oeil éveillé, le museau rose et frémissant. Une
poignée de grain aux poules. Les doigts écartés et raidis de
moulé. Marie-Didace sourit de voir les poussins picorer à
ses pieds. (Marie-Didace, p.196)
Le chien
Le chien abandonne à regret sa place au soleil. Il clopine jusqu’auprès de son maître, puis prenant
sa part du jeu, il s’élance à la poursuite des canards. Phonsine paraît sur le seuil de la porte du
fournil le cœur ému: « Vous allez me la rendre insaisissable ». (Marie-Didace, p. 197 )
Marie-Didace
Six ans faits! Et ça obéit pas plus qu’un petit enfant d’un an, s’impatienta, l’Acayenne. MarieDidace, à plat ventre dans l’herbe haute, entendit sans broncher. À la voix de sa grand-mère, elle
discerna qu’il n’était pas encore urgent de répondre. Les yeux mi-clos, comme une petite chatte
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,toute à sa vie secrète. L’oreille collée au sol, elle écoutait, par ce midi de juin, sa première
musique de la terre. Alentours, une abeille butinait, des anémones, de la vergerette, et, au fond,
des violettes éclataient. Pour Marie-Didace, elles étaient des fleurs éveillées. D’autre, à coté,
dormaient encore. (Marie-Didace, p.197-198)
La guerre
Une curieuse d’invention. Des hommes se battent, souffrent, perdent leur biens. Ils meurent sur
le champ de batille. Pendant ce temps-là leurs frères, au loin, mangent plein leur vendre et
s’enrichissent. Oui, mais ceux du Chenal ont lutté aussi. Dans les premiers temps de la colonie,
par exemple, quand les Iroquois allaient tremper leurs armes au ruisseau Jean et que les anciens
ne pouvaient pas s’éloigner de la maison, au risques de se faire scalper, autrement qu’armés de
mousquets. Puis quand les Sauvagesses enlevaient les femmes et les forçaient à vivre sous la
tente comme des Sauvagesses. Depuis que les Beuchemin ont-ils lutté pour abattre la forêt, pour
acquérir, ensuite pour conserver le petit lopin de terre, la maison, lutté contre l’eau, lutter contre
les glaces, contre toues sortes d’ennemis, tandis que ceux des vieux pays jouissaient.
(Marie Didace, p. 201-202)
Le docteur
Le docteur car sa barbe pensivement. Se renversant dans son fauteuil à bascule, les mains jointes
sur son ventre qu’un pantalon serré rendit plus proéminent, l’œil vague, il se perdit en réflexion.
Seul remuait parfois le gland du bonnet grec dont il se coiffait dans la maison, même l’été, afin
de protéger son crâne chauve contre les courants d’air. Soudain, apercevant une charge de bois
qui pénétrait dans la cour, il se précipita au dehors pour diriger le charretier vers la remise. Puis il
revint à son attitude méditative, sur son siège, non sans voir relevé les pans de frac noir qu’il
portait, d’une année à l’autre, plutôt par respect pour sa profession que par vanité, car, fils
d’habitants, il était demeuré familier avec eux. Phonsine attendit qu’il parlât.
(Marie-Didace, p. 213)
Premier coup de faux
Depuis le matin Didace fauchait. Il avait, selon sa coutume, une fois le rosée tombée, tel, entamé
le champ du premier coup de faux, tel qu’il appartient au maître du bien.
Puis il avait continué à faucher à la main, de façon à ne rien laisser perdre
des lisières, le long de la coulée, le long des haies ou courait le liseron.
Maintenant Didace manoeuvrait la fauche mécanique. Seule la rareté des
hommes, depuis la guerre l’y avait décidé. De loin Phonsine le vit
avancer, col ployé, du même mouvement que les chevaux qu’il
conduisait, comme s’il participait à leur peine.
Andain après andain, le foin doré à la tête, bleu près de la tige, se
couchait, et, parmi le mil sauvage, le trèfle d’odeur, le laiteron, la
faverolle. À mesure, l’air se chargeait des plus pures odeurs. (MarieDidace, p. 216-217)
On se jetait dans le tas de feuilles
On allait chercher une « gratte », un râteau, on faisait le tour de la cour, du jardin, du parterre, de
la rue vis-à vis de la maison. On ramassait les feuilles en 5 ou 6 journées. On appelait ça
« le voyage de foin », et l’on déchargeait la charrette dans un coin du parterre où la galerie
faisait angle avec la haute clôture brune.
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Quand il n’y avait pas de lit de 2 ou 3 pieds d’épaisseur, on montait sur le bras de la galerie,
puis sur la clôture et on se jetait à pieds joints dans les feuilles. Oh!
le frison qui nous secouait, nous faisait suffoquer une seconde, ouvrir
la bouche, respirer l’air fortement et en attendant de sentir le sol sous
les pieds!
Et le bruissement des feuilles sèches, et leur bonne odeur de verdure
en poussière, quand on se roulait dedans! À la course, chacun à son
tour, montait sur la clôture et se jetait en criant dans les feuilles, et
recommençaient, et recommençaient encore, les yeux brillants, les
joues roses, les cheveux ébouriffés, les vêtements garnis de feuilles d’érables rouges et jaunes,
qui s’attachaient aux étoffes laineuses des manteaux d’automne. (Autour de la maison p. 62-63)
Les étrennes
La veille on se couchait à l’heure des poules. À cinq heures, on soupait sans appétit, en répétant
sur tous les tons : « J’ai hâte, j’ai hâte! Puis vitement, aussitôt la digestion faite, on montait se
mette au lit. à la boule d’or des couchettes blanches, on pendit le bas, le plus grand bas! On faisait
sagement sa prière et l’on essayait de dormir.
Le sommeil ne venait pas tout de suite. Les petits enfants sont si excités quand ils attendent les
étrennes! On chuchotait, on riait. On se relevait et l’on se rendit à la tête de l’escalier. On
cherchait à surprendre quelque bruit révélateur, son de flûte ou de tambour! On se remettait au lit
avec l’arrière pensée qu’on ne dormirait peut être pas quand saint-Nicolas passerait. Alors on
verrait si ce serait maman ou tante Estelle! Finement les anges nous prenaient dans leurs bras et
les rêves venaient. (Autour de la maison, p. 94)
Les « berlots » et les grelots
Comme on trouvait l’air bon en se rendant à l’église, et comme ils étaient gais les grelots car
carrioles et des berlots qui menaient les familles vers le clocher
paroissial. Ce jour-là, on parlait hauts dans le saint lieu. C’était
fête pour les tout petits. Jésus avait dit: « Laisser venir à moi
les petits enfants », et nous étions venus. Les bébés crient
d’admiration ou de mal, parce qu’ils avaient gelés en chemin.
Mais tous les douleurs s’envolaient, quand à tour de rôle nous
allions baiser les pieds de l’enfant Jésus.
Comme il était touchant, avec ses grands yeux bleus où la
lumière des cierges avait fait passer une âme, tant de soirs, de
mois! une âme claire qui m’avait consolée des larmes versées
au couvent. (Autour de la maison, p. 102-103)
La poudrerie
Mais la poudrerie était si forte que les bonhommes et les noms paraissaient immédiatement, et
l’on courait s’enfonçant jusqu’aux genoux, vers le hangar et
vers les grands bancs qui était blotti contre lui. On longeait
cette montagne blanche. De la fenêtre, tante Estelle nous
suivait des yeux en riant. On s’efforçait de marcher droit, mais
si vous croyiez que c’était facile. On calait jusqu’à la ceinture,
et la neige était si dense et si forte qu’elle pressait nos jambe
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comme si elle voulu les garder et il fallait de l’aide pour sortir du trou.
Le vent épuisait notre haleine et l’on renversait sur le dos, la tuque rabattue sur le nez, pour se
reposer! Parfois aussi, on se laissait descendre en roulant jusqu’en bas de gros banc, et on
recommençait à l’escalader, essoufflés, enneigés! On aurait bien voulu grimper sur le hangar et
sauter dans la neige, mais les bancs étaient trop bas et nos jambes trop courtes!
(Autour de la maison, p. 105)
Du pimbina
Pendant que l’on récitait la grammaire, ou le catéchisme, ou le chapelet, je n’avais qu’une idée
fixe, jusqu’à l’arbre du pimbina, et en manger au moins une grappe.
Vous connaissez ces petits fruits rouges au goût aigre ? Il y en avait
un arbre au bout du jardin, dans le coin opposé au pommier. On s’y
était rendu, un soir, et il m’était venu tout à coup un désir fou de
manger encore de ces graines rouges, sûres à point. Mon Dieu, il n’en
restait peut être plus, mais je n’y pensais pas, et je me laisser tenter et
j’avais hâte. Je demanderai à Marie :
« En mangerais-tu toi du pimbina ? (Autour de la maison, p. 107)
Poisson d’avril
Toutes les semaines qui précédaient le poisson d’avril, nous y avions pensé, et le matin même,
avant la classe, en déjeunant de chaude crêpes, si Julie nous demandait: « Avezvous vu la morue que votre père a apportée pour dîner ? Je vous assure qu’elle
nage dans le quart aux dégouttières! Elle n’avait pas fini sa phrase que,
bêtement, nous bousculant, nous courions vers la cour. Sous la dalle de la
cuisine, il y avait un énorme baril noirci par le temps, les pluies et les neiges, qui
recevaient l’eau du ciel.
Comme il était plus haut que nous, pour voir à l’intérieur, il nous fallait monter
sur une vieille chaise sans dossier, qui restait là à cour d’année. Avec quelle
précipitation nous sautions sur ce banc, nous poussant des coudes pour avoir la plus grande
place! et nous nous penchions sur l’eau dormante du quart où nos figures seules s’y reflétaient
dans des morceaux ciel qui s’y miraient. Julie, de la fenêtre, nous regardait en riant aux éclats et
elle nous criait :
« Poisson d’avril » !
(Autour de la maison, p. 132)
Le jeu de marbre
To et Pierre jouait aux marbres et nous nous joignions à eux, parfois, nous les petites filles,
quand il y avait à conquérir une grosse boule de verre, au-dedans de laquelle sommeillait un lion
d’argent. Lorsqu’une chance exceptionnelle nous faisait frapper la merveille, quels trépignements
d’allégresse! Mais le plaisir passait raide comme un souffle. Les garçons ne voulaient pas céder
leur bien, déclaraient invariablement que, nous ayant prêté leurs marbres, ils gardaient la boule de
verre. Pourtant, ils nous avaient bien promis de nous la donner si nous gagnions: mais à tous nos
raisonnements ils objectaient : « C’est pour rire qu’on disait ça, on n’avait pas dit parole
d’honneur ». Nous les quittions fâchées, et nous nous mettions à danser la corde.
(Autour de la maison, p. 138)
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Danser à la corde
Marie et moi, c’était à qui sauterait le plus longtemps sans manquer, d’abord sur un pied et sur
l’autre, puis, les deux pieds joints, les « pattes croisées », la corde envoyée en arrière. C’était
aussi sérieux qu’un concours pour championnat et nous nous serions souvent rendues à cent
tours, si Toto et Pierre jaloux de notre adresse n’avaient « garocher » leurs moines sous nos
pieds, leurs moines qui dormaient et que nous regardions avec admiration, même s’ils nous
dérangeaient. (Autour de la maison, p. 138-139)
Leurs moines
Leurs moines que nous regardions avec admiration, même s’ils nous dérangeaient. C’est que,
vous voyez, nous avions vainement essayé de les faire marcher,
nous. Pour enrouler la ficelle, nous réussissons, et nous avions
aussi la manière de la tourner aux doigts, afin que le moine fut
bien en position. Mais le mouvement des bras pour le lancement,
nous ne l’avions pas, C’était inutile, nous ne l’aurions jamais. Si
par hasard le moine dansait une fois, et que l’on criait avec
fierté : « Je l’ai » au prochain essai, l’échec recommençait.
(Autour de la maison, p.139)
Savez-vous planter des choux ?
À la mode, à la mode…. On les plante avec les doigts,… à la mode des Chinois. On les plante
avec le nez, à la mode… à la mode de par chez nous! On touchait la terre consciencieusement.
On se relevait et la ronde reprenait. Savez-vous planter des choux ? Et c’était de tourner, tourner,
tourner plus vite, en remplissant la campagne de nos voix.
On les plantait avec les dents. On les plantait avec les pieds. On les plantait avec les genoux. On
les plantait avec les coudes. Quand a bout d’instruments, Toto et Pierre les plantaient en
s’assoyant brusquement, je vous assure que, toutes scandalisées que nous paraissions, nous
avions des rires fous à la mode de par chez nous. (Autour de la maison, p. 146-147)
La première communion
La première communion a lieu dans la chapelle du couvent, minuscule et dévotieuse, toute
décorée de fleurs et de cierges, on avance à petits pas, les
garçons d’un coté, Toto en était, les fillettes de l’autre, guidées
sous les voiles rides, inquiètes. Saurons-nous bien recevoir
l’Hostie ?…Les « grandes » chantent un beau cantique. Il y a
des dames qui pleurent de nous voir entrer ainsi. Lente
procession dans la grande allée, des petites âmes tendres qui vont
recevoir la Pain de Vie. L’émotion nous gagne, une émotion
ravie. (Autour de la maison p. 152-153)
Aux hommes une grosse bière
Pendant ce temps, Didace Beauchemin offrit aux hommes une grosse bière, soit une rasade de
son meilleur petit-blanc et Marie-Amanda servit aux femmes deux doigts d’un vin de pissenlit,
mis à « veillarder » depuis des années. Un vin qui n’était pas du « réginglard » et qui coulait dans
le verre comme de l’ambre liquide. Ce qui eut pour effet de rendre tout le monde en appétit et fort
disposé à la gaité. (En pleine terre, p.36)
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La table des desserts
Les femmes se mirent en frais de regarnir la table des desserts. Aux yeux des convies éblouis
défilent en procession les charlottes russes, les bagatelles, les blancs-mangers moulées en lion, les
œufs à la neige saupoudrés de sucre rouge, les crèmes brûlées vanillées, fouettées, les gâteaux
enguirlandés de boules d’argent, les tartes à Lafayette, les pains de Savoie. Rien n’y manquait.
Au bout trônait un immense plat de sucre du pays à la crème, agrémenté d’amandes de noix
longues qui épandaient une douce lumière. (En pleine terre, p. 37)
Avec ton cœur de cheval
On a passé une vraie nuitée c’te nuit-là, nous deux ! Avec ton cœur de cheval t’avais compris ça
toé qu’il fallait marcher? Au grand galop, tu t’en allais sur le
chemin à moitié boisé, quérir le docteur et le prêtre. Et la fois
qu’on a calé, non, mais! si on a rasé d’y rester! Puis quand le
vieux a trépassé qui c’est qui est allé le r’mener si c’est pas
encore moé pi toé la Gallarde! Quand j’y pense et j’y repense,
j’aime autant pas y repenser. Ouais! Ils veulent que j’te change
pour une automobile. (En pleine terre, p. 42-43 )
Le garde-chasse
« Ah! Mes vieux ! Il y avait là le garde-chasse en personne. Trempé jusqu’au os, la face rouge
comme une « forsure ». Son ciré dégouttait. On le reçoit poliment. Je le fais asseoir. Et j’attends.
Y parlait de rien. J’étais pas à mon aise, vu que les plumes séchaient sous le poêle et que le fricot
mijotait dans le chaudron. J’vous mens pas, il nous venait des odeurs, des bourrées, qui étaient
pas de la « poison ».
« À propos ....commença le garde-chasse ».
« À propos, que je dis, sans le laisser finir, vous prendriez ben un p’tit quèque chose pour vous
mettre en train ? »
« Et j’y sers un verre de petit-blanc, un vrai, pour le saluer. Et un autre, comme de raison, pour
pas le laisser partir rien sur un patte. J’me disais: « Avec celui-là, y verra pas le soleil se coucher
à soir ». Mais au lieu de s’en aller, il continuait à fumer et à berlander. Il parlait de toutes sortes
d’affaires, excepté la chasse. ( En pleine terre p. 57 )
- Apparence que Defroi se donne ce matin
De fait, il entrait comme manoeuvre chez quelque fermier du voisinage qui, pour prix de son
labeur, lui remettait des cartouches, des vêtements ou ce qu’il lui manquait. Chacun connaissait
son penchant contraire à l’argent, se gardait bien de le récompenser autrement qu’en nature.
Aux jours de grande joie, on entendait pousser des cris étranges et tirer du fusil dans le ciel libre.
Ce qui faisait dire aux uns qu’un sang sauvage lui courait dans les veines. Les anciens, eux,
prétendaient qu’il venait en droite ligne des pirates espagnols. Mais le mystère de son ascendance
n’inquiétait personne et aucun ne redoutait Defroy. (En pleine terre, p. 62-63)
Marie-Anne en amour
Marie-Anne grandit dans la pauvreté et la joie jusqu’à ce qu’elle eut 16 ans. Un midi, en allant
comme d’ordinaire puiser de l’eau à la rivière, elle vit, dans une embarcation à la dérive, un jeune
étranger qui lui souriait. Sous la caresse du chaud regard, elle rougit et, sur le chemin du retour, il
lui semblait que les oiseaux chantaient un chant nouveau et que le vert du feuillage s’était
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soudainement attendri. À partir de ce jour, toutes les choses changèrent. Au premier moment libre
Marie-Anne accourait sur la berge. Là, ses longs cheveux étalés en parure, à longue journée elle
regardait passer l’eau. Le beau jeune homme qui lui avait souri occupait sa pensée. Pourquoi ne
revient-il pas ? (En pleine terre p. 65 )
L’inondation
Dans l’ancien temps, les inondations arrivaient presque à chaque année. D’ordinaire dans le mois
d’avril. C’était pas souvent que le mai s’a plantait sur le pont de glace. On n’en faisait pas de cas,
vu l’eau d’inondation est pas à dédaigner pour engraisser les terres. Mais
ce printemps-là, l’eau était déjà haute sans bon sens quand toute la neige
se met à fondre comme par enchantement.
Et l’eau des lacs et des montagnes se met à descendre en même temps.
Loin de baisser, la rivière montait tranquillement, monte, monte, 4 ou 5
pouces par jour. En apprenant d’un voyageur que des bancs de glace se
formaient proche de Québec et que le fleuve coulait p’us, la peur nous
prit. Ho! donc! Les hommes montèrent les animaux à l’abri dans les
greniers à foin, tandis que les créatures, à l’eau jusqu’aux genoux
grimpaient dans le haut des maisons tout ce qui leur tombait sous la man.
Dans la semaine sainte, vers le mercredi saint, une tempête s’élèvait-ti
pas avec une bourrasque de vent, de la mer et de la pluie comme y s’en
fait p’us. Une vraie lavasse! L’eau poudrait plus fort que la grosse poudrerie. Le coup d’eau
approchait. (En pleine terre, p.72-73)
À ce prix là je les prends toutes les six
J’ai connu mieux que ça. Pas loin de Maskinongé vivait un homme ben riche qui avait 6 filles à
marier. Toutes belles, rougeaudes et grasses à fendre avec l’ongle. Y a-ti pas un gars de la ville
qui s’amène dans le rang. A part d’être ben planté et de parler un peu l’anglais, il avait rien, pas
même une taule. Quand il a su que le vieux donnait mille piastres à chacune de ses filles, il s’est
trouvé mal « J, va faire un marche avec vous » qu’il dit au père: « À ce prix-là, je les prends
toutes les six ». (En pleine terre, p. 78 )
Un « bûcheux »
Aux chantiers, j’ai connu un homme de votre taille le coffre de vot’
épaisseur, un bûcheux dépareillé qui se reposait de bûcher en sciant une
corde bois. Un « boulé », un vrai, toujours paré à se batailler. Il était assez
forcé de sang que quand la maladie de la bataille le prenait trop fort, il
avait peur de lui. Il nous demandait en grâce de le retenir. Alors on se
mettait six hommes d’une grosseur raisonnable pour l’empêcher de se battre.
Plus je vous regarde, plus je vous trouve pareil à lui! Ah! Vous avec dû faire
des massacres, vous itou. (En pleine terre, p. 81)
La morte
Le train fait à la hâte, il ont couché la morte, parée de ses vêtements du dimanche et enroulée
dans une couverture grise, sur un lit de paille à la tête de la chaloupe. À trois, ils glissent
l’embarcation, à l’aide d’un traîneau sur la glace vive des bordages jusqu’à l’eau noire du fleuve.
Sur la rive, des amis, par petits groupes, les accompagnent du regard. En route pour le voyage de
peine et de misère! (En pleine terre, p. 85)
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La grande chaise berçante
Après un repas frugal qu’il a dévoré de bel appétit, Ludger s’installe dans la grande-chaise
berçante, à la douce chaleur du poêle qui gronde. Aussitôt la petite Mathilde court se blottir dans
le creux de ses bras. Après le cantique de Noël :
« Mon petit Jésus bonjour! Mes délices, mes délices!
Mon petit Jésus bonjour, mes délices, mes amours!
J’ai rêvé cette nuit que j’étais au paradis,
Mais ce n’était qu’un songe ». (En pleine terre, p. 86-87 )
Beau sacreur
Noirs de monde, les assistants s’en tenaient les côtes. Jacques savait qu’un étranger, profitait de
sa maladie, faisait ouvertement la cour à Roséanne. Il le verrait de ses yeux ce Louis Desmarais à
qui la vantardise de posséder une collection de pires sacres, mais que nul n’avait jamais entendu,
avait valu le sobriquet de Beau Sacreur. Appuyé contre chambranle de la porte, il le regardait
avec sa Roseanne une gigue si endiablée que le métrier avait toutes les misères du monde à les
suivre.
- Câline! y va plus vite que le violon, disait une femme en grande admiration devant lui.
(En pleine terre, p.93 )
Le bleu
« Le bleu » c’est d’entendre les hommes appeler lâcheté le courage de rester au foyer, d’ignorer
le mot bonheur, en comprenant le sens du mot devoir. Et
vous me répondiez:
« Le bleu», c’est de voir nos belles illusions et nos
chaleureux enthousiasmes vieillir avant l’âge ou s’envoler
pour ne plus revenir.
C’est de penser parfois qu’il ne sert à rien d’élever la voix,
c’est se sentir convaincu qu’on prêche à un peuple de
sourds et d’aveugles…» Une autre fois: « le bleu », c’est le
rêve d’être tellement mêlé au paysage qu’on voudrait se
croire une petite chose de givre ».
Ou encore c’est de comprendre qu’au delà des bois il y a la ville, que c’est fête la-bas et qu’on
n’y est pas convié ». Vous me rassuriez aussitôt en me répondant : « c’est le repos, la campagne,
c’est vous que je connais et que je… » . ( En pleine terre, p. 107)
Elle ne voyait plus rien
Du coin de son tablier à carreaux la mère Dumoulin s’épongea le front. Un éblouissement la
gagnait. Elle s’appuya si pesamment sur la perche que la voilure des draps gonflés par le vent
faillit tanguer jusqu’à terre. Elle ne voyait plus rien des choses qui l’entouraient: ni la blancheur
bleutés des toiles, ni l’éclat des vêtements de couleur mis à sécher sur la clôture, en bordure de la
tréflière, encore moins les jeux de la lumière sur la montagne, en face. Son regard avide fouillait
l’ombre.
« Que je te plains, dit la lettre, vivre seule, enfermée toute l’année dans ton ancienne maison de
pierres, si éloignée du chemin! Quand tu auras vu notre cottage, tu ne voudras plus retourner au
Petit Brûlé. D’abord nous demeurons sur la route nationale. C’est un va-et-vient continuel du
matin au soir. Si je m’écoutais, je passerais mon temps à regarder le monde.
[Texte]
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Laisse-moi te dire que je ne manque de rien. Toutes les commodités, je les ai, jusqu’à un éviercuve dans ma cuisine. Tu connais Hercule. Tout ce que je veux, il le veut... Il parle même de me
donner un bain-tombeau. Dans mon boudoir, j’ai un beau divan-studio, tout du moderne! »
(En pleine terre, p. 102-103)
Pourquoi s’embarrasser d’argent ?
Plus pauvre d’argent ne s’était jamais vu, et plus content non plus. « Quoi, disait-il, la terre était
là peu « avarde » de ses dons, la rivière prodiguait le poisson, et les oiseaux, pourquoi
s’embarrasser d’argent »? Dans l’étable quelques poules, un jeu de canards et le goret d’usage
constituaient le meilleur de son avoir. Le tas de merisier cordé le long de la maison n’était pas
fort, mais les branchages abondaient dans les alentours et les garçons, au printemps halaient le
bois de la marée. (En pleine terre p. 61-62)
Paul avait appris à pêcher cette jeune fille
Elle prenait plaisir à ce sport. Elle y éprouvait un véritable bonheur. C’était pour elle une
troublante espérance que celle de chercher à tirer de son élément le poisson qu’elle ne voyait.
Pour lui montrer ses lignes les petites et le grandes, les lignes de fond et les autres, les mouches
aux couleurs variées, les différents hameçons. Il lui apprenait comment on met les amorces et les
plombs quand on laisse descendre les lignes dans les courants au fond. Enfin, tous les engins qui
signifient la mort pour le peuple des eaux…
Et puis, pour l’âme de la jeune fille éprise de poésie, quel symbole que cette eau qui glisse à ses
pieds emportant avec elle l’infini du temps: image de la vie et ce depuis toujours. Et qu’elle
poésie dans les décors du théâtre, dans cette surface diamantée au soleil, rouge au crépuscule,
noire, blanche ou bleue selon les nuages du ciel. Quelle curieuse fascination dans ce miroir des
eaux aux secrets enfouis, insoupçonnées à nos yeux !
Enfin l’ivresse quand le poisson « mord » d’avoir percé le secret et sorti de l’onde son trésor.
(L’appel de la terre p. 69-70)
Le coucher de soleil
Un soir, comme ils étaient dans le canot, au milieu de la rivière, ils assistèrent au coucher de
soleil. L’astre allait dans quelques minutes disparaître derrière un
pic dans quelques minutes, du coté nord de l’eau, et déjà on
pouvait voir le regarder presque fixement sans que les yeux se
mouillassent. À mesure qu’il tombait, les berges boisées de la
rivière, de vertes devenaient d’un violet tendre…C’est la minute
silencieuse ! Tout se plonge dans une muette rêverie. L’eau n’ose
plus même s’irriter. Les feuilles ne frissonnent plus dans les arbres
de la rive et l’oiseau étouffent ses trémolos. Tout le faible crossant,
qui était encore le soleil, s’abîme derrière la montagne.
(L’appel de la terre, p. 72-73 )
Des grappes d’étoiles tremblaient
Sur la pelouse brunie par les aiguillettes séchées des sapins, la
clarté lunaire se diffusait, traçant sur le sol, la silhouette des
arbres, C’était une heure d’apaisement et de délices. Le mystère
des âmes se dévoilait sous le mystère enveloppant des hautes
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feuillages d’où les lueurs stellaire gouttelaient ça et là! Des grappes d’étoiles tremblaient dans la
nuit, perdues au fond de l’azur qui ondoyait sous la lune. (L’appel de la terre p. 78)
C’était l’amour qu’elle avait pour Paul
Elle avait beau se traiter de folle, de romanesque. Elle avait beau se dire que son « futur mari »
gagnait 400 $ par année, qu’il était fils de paysan, qu’il portait des pantalons reprisés et des
chemises de grosse toile « écrue », elle ne l’aimait pas moins. Folle, folle que je suis, ne cessaitelle de dire au cours des longues rêveries ! (L’appel de la terre, p. 79 )
Le gros dos blanc d’un marsouin
Il émergea à quelques brasses de la pointe et le monstre marin
fit bruyamment sonner sa trompe. Il flotta, un instant à la
surface comme heureux de sentir sur son dos glacé les rayons
du soleil qui tombaient à pic sur le fleuve. Mais le coup de
sifflet d ’un bateau qui doublait la Pointe-aux-Roches effraya
l’anima qui plongea avec la rapidité de l’éclair.
(L’appel de la terre, p. 90 )
On parle de tout
Des travaux de la ferme, des foins qui achevaient et qui avaient bien réussi, grâce au beau temps
, des récoltes qui s’annonçaient bien, du jardinage qui avait un peu souffert de la sécheresse, des
choux qui avaient belle apparence. Les bestiaux ne furent pas oubliés. Le père avait acheté au
printemps des bonnes vaches laitières qui donnaient beaucoup. La mère Duval s’étendit
longuement sur les qualités supérieures d’un superbe coq qui avait remplacé le tyran des anciens
jours, le pillard du potager qui avait fini comme il le méritait. (L’appel de la terre, p. 98-99 )
L’engoulevent
Autour de la Villa, un engoulevent voltigeait en jetant de temps en temps son cri perçant dans le
silence du soir…Pendant quelques instants, les deux jeunes gens suivirent des yeux les
capricieuses et gracieuses évolutions du « mangeur de maringouins ». L’oiseau parfois rasait le
toit de la Villa puis, disparaissait dans les arbres. On croyait le voir sortir d’un endroit quand il
apparaissait soudainement du coté contraire. Il s’élevait dans l’air comme un trait à une grande
hauteur et on le perdait de vue, puis il plongeait tout à coup en flèche jusqu'au ras du sol où il
glissait, un instant, comme une ombre. Puis au-dessus du parterre, il se mettait à exécuter une
série de mouvements circulaires, des courbes bizarres, et disparaissaient ensuite dans la direction
du Parc. (L’appel de la terre, p. 101-102)
Le train filait
Le train filait tout le long du Saint-Laurent et l’on voyait, de l’autre coté des coteaux boisés
semés de maisons blanches et de villas rougeâtres. La verdure était tranquillisante et elle
masquait au campagnard qui avait toujours vécu entouré de choses familières et d’impressions
très anciennes l’ossature de pierre sans limite dont l’aspect effraie le nouveau venu.
(L’appel de la terre p. 115)
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Montréal
Dissimulait da la brume une partie de son immensité, ne laissait voir que ses dômes et ses tours
émergeaient ça et là...Le train filait près du Saint-Laurent, le même que celui de Tadoussac, et
l’on voyait, de l’autre côté des coteaux, semés de maisons blanches et de villas rougeâtres. La
verdure était tranquillisante et masquait au campagnard qui avait toujours vécu entouré de
choses familières et d’impressions très anciennes, l’ossature de pierre sans limite dont l’aspect
effrayait le nouveau venu. (L’appel de la terre, p. 122 )
André menait paître ses veaux
C’était un jour morne de mi-septembre. Le nord-est soufflait en bourrasques faisant battre la
pluie. Le paysage se décomposait à tout instant sous de grands coups de vent qui descendaient de
la montagne. André se sentait abattu et n’avait plus de cœur à rien. Ses pieds collaient à la boue
des prairies. Rendu au « trécarré » il entendit interpellé du champ voisin: « Hé! André, pas encore
à vendre la terre du père ? (L’appel de la terre, p. 122)
Il y aura là-bas les moulins
André l’automne prochain, dans ce coin de la prairie des tas de bran de scie recouvriront peutêtre ces engrais qui seront perdus. Ici, là, dans le pré d’en bas,
dans le prairie du ruisseau, dans le champ de l’Orme, au
chaume du Rocher, s’élèveront de laides piles de planches et de
madriers. Les écorces et le copeaux couvriront notre chemin
de traverse et jusqu'au « trécarré » on sentira la résine du
pauvre bois taillé…L’automne prochain, la terre sera vendue,
murmura sourdement André en se tournant vers la rivière qui
scintillait plus bas. Il y aura là-bas des moulins
(L’appel de la terre, p.129)
La terre « la grande amie »Il y pesa longtemps, le soir, pendant qu’il fumait dans la grande
cuisine, près de la fenêtre par où il voyait s’endormir les champs. Paul reviendrait alors…la terre,
la « grande amie » qui s’était faite si belle, depuis quelques jours, après le nord-est de ces temps
derniers, qui se faisait si câline pour qu’on la regrettât davantage. La terre…On lui jouerait un
bien bon tour…On ne la vendrait pas...
Ah! le plaisir de répondre prochainement, un des jours de l’hiver qui vient, quand on irait
chercher du bois au « trécarré », le plaisir de répondre à Samuel Mercier : « Non!.. la terre du
père, elle n’est pas à vendre ». (L’appel de la terre, p.132)
Nos pieuses églises de campagne
O le calme impressionnant de nos pieuses églises de campagne, ces après-midi d’automne, quand
le jour tombe, gris et morne, des hautes fenêtres ogives. On entend que le
chuchotis des prières ardentes de ceux qui sont agenouillés là, disant leurs
peines naïves et formulant leur demandes nombreuses au Dieu enfermé au
fond du petit tabernacle de bois blanc doré du maître-autel, la lampe du
sanctuaire, au bout de sa longue chaîne dorée, vacille encore des derniers
tremblements que lui a imprimé le bedeau quand il est venu renouveler sa
provision d’huile. Et tel est le calme qui règne dans le temple que le bruit
d’une toux sèche ou que le frottement d’un chapelet roulant sur le rebord du
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banc de bois, semble comme un sacrilège.(L’appel de la terre, p. 153)
Église Saint-Philémon de Stoke
Je tenais à te dire
« Que nous somme bien dans la peine depuis bientôt 3 mois que tu es parti sans même venir
nous voir. La joie nous a quittés avec toi et elle n’existe plus aux Bergeronnes. Nous venons tous
3 Jean Therien, Jean et moi, d’aller prier pour les morts à l’église et c’est bien triste. Pour moi,
j’ai prié rien que pour moi, mon pauvre enfant. Je ne sais pas si j’aurais plus de peine si tu étais
vraiment mort.. Un mot pour te dire que les récoltes ont été bonnes et que mon jardinage est venu
comme une merveille. Il n’y a que les patates qui ont presque manqué à cause des mouches
rouges. Mais le foin, le grain et les légumes sont de toute beauté. Tout cela nous réjouirait s’il
n’y avait pas ton absence. » (L’appel de la terre, p. 156-157)
À la campagne, on n’apprend guère à exprimer les sentiments du coeur
Les femmes et les jeunes filles élevées aux champs sentent, quelquefois plus que les autres
même chez qui souvent une sorte de sensiblerie et sentimentalisme puisée dans la lecture des
romans, ont remplacé les sentiments naturels du coeur. Mais chez les paysans, les mots manquent
pour rendre leurs émotions et leurs pensées. Le vocabulaire raffiné de la passion est fermée sur
elles et elles ne savent traduire ce qu’elles éprouvent qu’à l’aide de phrases simples et naïves,
dans un écriture mal exercée où les lignes chevauchent les une sur les autres sans artifice...
(L’appel de la terre, p. 159)
Noël commence la série des fêtes
Noël commence une série de fêtes et tout s’anime à son accent magique: la neige, le froid, le
vent, la poudrerie, les bois dépouillés et chargés de verglas, craquant sous les coups de vent, nous
disent: « C’est les fêtes ». La neige nous fascine par ses reflets. La forêt gémissantes a un
langage pour nous et il est plein de mystère quand ses échos engourdis répercutent les bruits
tintinnabulants de grelots sur la route, le soir, après la veillé, et ceux de la neige qui cire sous les
lisses des « berlos ». (L’appel de la terre, p. 173)
La forêt
Chêne au front pensif, grands pins mystérieux, vieux troncs penchés au bord des torrents furieux
Dans votre rêverie éternelle et hautaine, songez-vous quelquefois à l’époque lointaine où le
sauvage écho des déserts canadiens, ne connaissait encore que
la voix des Indiens, qui groupés sous l’abri de vos branches
compactes mêlaient leur chant de guerre au bruit des cataractes
?
Dans le ciel étoilé, quand les vents assidus balancent dans la
nuit vos longs bras éperdus, songez-vous à ce temps glorieux
où nos pères domptaient la barbarie au fond de ses repaires?
Quand, épris d’un seul but, le cœur plein d’un seul vœu, ils
passaient sous votre ombre en criant: « Dieu le veut »!
Défrichaient la forêt, créaient des métropoles. Et le soir, réunis sous vos vastes coupoles.
Toujours préoccupés de mille ardents travaux, soufflaient dans leurs clairons l’esprit des jours
nouveaux? Oui, sans doute, témoins vivaces d’un autre âge, vous avez survécu tout seul au grand
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naufrage où les hommes se sont l’un et l’autre engloutis. Et sans souci du temps qui brise les
petits, votre ramure, aux coups des siècles échappée, à tous les vents du ciel chante notre épopée !
(Poésie canadienne, p. 163)
Marcher au catéchisme
Les « besonnes » avaient maintenant 12 ans et marchaient au catéchisme. Paulina faillit être
renvoyée car elle était dissipée et fort ignorante en fait d’instruction religieuse. Le vicaire chargé
du cours l’interrogea un jour :
- Quelles sont les conditions pour recevoir la communion ?
- Embarrassé, Paulina garda le silence.
- Pourrais-tu communier maintenant ?
- Non
- Pourquoi ?
- Parce qu je suis en péché mortel, répondit Paulina, à l’ébahissement des autres préparants
et la stupéfaction du prêtre. (Scouine, p. 17)
Mâço résolut de teindre sa laine
À leur retour du catéchisme, elle chargea Paulina et Caroline d’écorcer les tiges d’aulne que son
mari avait été cherché au bout de son champ. Lorsqu’elles eurent terminé leur besogne, les deux
fillettes avaient les doigts couleur café. Elles eurent beau se laver énergiquement, rien n’y fit, et
c’est avec les mains noires que deux jours plus tard, elles prirent, en s’agenouillant, la nappe
blanche de la sainte table. (La Scouine. p.17)
Mgr Gagnon, enfant de la paroisse
Qui à peine 38 ans, il venait de recevoir la mitre et la crosse. Toute la population tenait à lui faire
honneur et le curé et les marguilliers organisèrent une grande démonstration.
Un cortège de voiture, aussi nombreux que possible, devait aller chercher le
nouveau prélat la veille, dans le rang de la Blouse, chez ses vieux parents,
où il faisait une courte visite et l’escorter jusqu’à l’église. Là en face du
temple, se dressait une arche de sapins, comme celle de la procession de la
Fête-Dieu. Au haut de la voûte de verdure était suspendue une mitre dorée,
avec sur une longue banderolle l’inscription : « Il l’a bien mérité »! (La
Scouine, p.20)
(Mgr Luis Sankale, évêque de Nice)
La nouvelle institutrice
Était blonde et mince et plutôt jolie dans sa robe de mérino bleu. Une boucle de velours noir
attachée à ses cheveux lui donnait un air coquet. Sa voix était douce et sympathique comme
figure. Toute de suite, elle plut aux enfants. 22 élèves s’inscrivirent le lundi, le jour de la rentrée
de classes. L’avant-midi, Mlle Léveillé se borna à dire que la maîtresse n’avait pas l’air sévère.
Elle se nomme Alice, déclara Marie Leduc.
– Il parait qu’elle donne de longs devoirs, remarqua la Scouine pour dire quelque chose.
(La Scouine, p. 22)
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Les Linche propriétaire du magasin général
C’est eux qui envoyaient les comptes annuels aux fermiers. Celui d’Urgel Deschamps se montait
à 75 $. L’état détaillé comportait entre autres article : 4 paires de
bottines, un moule à chandelles, un fanal, 5 gallons de mélasse et
un robot, toute choses que Deschamps était certain de ne pas avoir
achetées et surtout, de ne pas avoir obtenu de crédits. Les autres
cultivateurs qui avaient reçu la lettre avaient la même surprise. Ils
trouvaient sur leur facture l’énumération de quantité de
marchandises qu’ils n’avaient pas eues.
La demande de paiement se terminait par l’avis que si le comte
n’était pas acquitté dans une semaine, des procédures seraient
prises contre le débiteur. Deschamps déchira la feuille en jurant et
ne s’en occupa pas davantage. (La Scouine, p. 26)
Caroline le vit arriver dans un beau « boghei »
Les bessonnes avaient 20 ans. Deschamps ayant deux filles à marier planta devant sa porte, deux
poteaux auxquels les cavaliers puissent attacher leurs chevaux. Un dimanche Raclor déjà en
ménage depuis 3 ans, vint présenter à ses soeurs un jeune fermier de la paroisse voisine. Caroline
parut lui plaire, et il sollicita la permission de revenir. Elle lui fut accordée avec plaisir. Une
semaine plus tard Caroline le voyait arriver avec un beau boghei traîné par un fringant cheval
noir. L’attelage très propre, avait des boules dorées qui reluisaient au soleil. En débarquant,
l’homme jeta sur sa bête une jolie couverture blanche et violette. Ce devrait être un bon parti.
(La Sacouine, p. 31)
Le quêteux
Il a si longtemps erré par les campagnes, il a passé tant de nuits à la belle étoile, ou dans les
granges et les étables, il a jeûné si souvent, il a eu tant de misère, qu’il a oublié les noms de ceux
qui furent ses fils et qu’il ne peut se rappeler la figure de celle qui fut la compagne de sa jeunesse
. Peut-être qu’il est plus âgée que les antiques maisons en pierre qui bordent le chemin. Le vieux
pauvre semble un mage qui chercherait en vain l’étoile Mystérieuse qui ne luira jamais pour lui.
(La Scouine, p. 36)
La bénédiction paternelle
Tifa se jeta à genoux, demandant la bénédiction paternelle, ses frères et soeurs ne tardèrent pas à
paraître et en firent autant. Un cruchon de rhum et des verres
étaient sur la table, Maço remplit les coupes et l’on but aux
chances de chacun pendant la nouvelle année. (La Scouine, p. 40)
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On était en janvier
Et le froid faisait croître dans les fenêtres toute une étrange et capricieuse flore de glace. Au
dehors, la poudrerie courait par les champs, par les routes, glissait entre les vieux pommiers aux
branches noirs éperdues, passaient par-dessus les toits. Chacun devait être enfermé chez soi.
(La Scouine, p. 42)
Une carriole et une traîne
Enveloppés dans de lourds capots en chat sauvage et la figue à moitié cachées par leur crémone,
trois hommes étaient sur la galerie, et deux voitures, une carriole
et une traîne étaient arrêtés à coté de la clôture du parterre.
Deschamps reconnut avec étonnement M. Dubuc, curé de la
paroisse et deux marguilliers. De la main il leur fit signe d’entrer,
et les trois arrivants pénétrèrent dans la maison convertie en
hangar. Après avoir jeté ses mitaines sur le crible, il enleva son
cache-nez et son casque de loutre, pendant que le fermier criant à sa femme et à sa fille
d’apporter des chaises. (La Souine, p. 43)
Concours agricole
Depuis années, Ernest Lecomte remportait toujours les premiers prix avec ses bestiaux aux
concours agricoles. À une exposition de comté, il avait reçu une très belle offre pour son
troupeau, une offre tentante. Il avait consulté son père qui était là.
- J’peux voir 800 $ pour mes 8 vaches. J’ai envie de les laisser aller!
(La Scouine, p. 46)
Le silence
Le silence cependant, n’était pas toujours le même, il semblait pour ainsi dire, changeant. En
d’infinitésimales, parcelles de secondes il devenait autre, différent.
Par moments, il était celui d‘une nef d’église, après vêpres, quand les
dévotes, s’en sont allées de leur pas lents et capitonnés. D’autre fois,
il était celui qui règne dans les confessionnaux où dorment les vieux
péchés. Parfois encore, c’était le silence aigu, suprême, qui précède
les catastrophes, les choses irrémédiables. Soudain aussi, le silence
était si intense, qu’il donnait l’impression d’un autre silence, d’un
abîme vertigineux, du néant. (La Scouine p. 47-48)
Une paix immense remplissait le petit grenier
Des odeurs diverses, odeur grasse de laine cordée, odeur piquante de cuir, odeur fade de bois
poussiéreux, odeur forte qui traîne dans les pièces où ont rôdé les souris, assaillaient, sans les
émouvoir les narines de Charlot. Les mouches bourdonnaient parmi les défroques, les habits
déformés accrochés de tous cotes à des clous, faisait plus grande solitude. Elles semblaient laisser
dans l’air un sillage ténu comme un fil d’araignée, invisible. Endormants comme les passes
d’hypnotiseur étaient ces volètements. (La Scouine, p. 49)
Le Mai
Lorsque les travaux de charpente furent terminés, ce fut Charlot qui alla poser le bouquet sur le
faîte de la bâtisse. Comme il gravissait avec son rameau de sapin tout enguirlandé de rubans
multicolores les degrés de l’échelle conduisant au sommet de la couverture, il se sentait tout gai,
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tout joyeux. Sa maison serait bientôt construite. Rendu en haut, il poussa un enthousiasme hourra
en agitant triomphalement la branche verte. Il la cloua ensuite après l’un des chevrons pendant
que Deschamps, Mâço et les charpentiers le regardaient d’en bas. (La Scouine, p. 51)
Les anglais tenaient à voter tôt
Il apprit que les anglais s’étaient emparés du «poll» (section de vote) et en défendaient l’approche
à leurs adversaires. Cette nouvelle n’était pas pour intimider Deschamps qui était un rude
batailleur. Il attacha son cheval à la porte d’un vaste hangar en pierre, où il se trouvait à l’ombre,
et partit vers la salle du marché public. En approchant, il constata que les anglais avaient bien pris
leur mesure. Ils avaient disposé leurs voitures en rectangle autour de l’édifice et n’avait laissé
qu’un étroit passage libre qu’ils surveillaient. Cette tactique en avait imposé, et peu de Rouge
s’étaient aventurés dans le voisinage de cette forteresse. Les audacieux qui avaient tenté de
s’approcher avaient reçu un mauvais accueil. (La Scouine, p. 55)
Les foins étaient commencés
Mais par suite des pluies continuelles il n’y avait presque rien de fait nulle part. À quelques
heures d’intervalle, les orages se succédaient après la courte apparition d’un soleil fantômal.
Subitement le ciel devenait noir, menaçant et de gros nuages en forme de corbillard, se
poursuivant à l’horizon, crevaient sur la campagne verte et plate, déversant sur elle des déluges
d’eau qui la noyait. Parfois la pluie tombait interminablement des journées entières, battant les
fenêtres, ou souvent un vieil habit bouchait un carreau brisé et chantant sur les toits des maisons
et des granges sa complainte monotone. (La Scouine, p. 57)
Un homme à barbe inculte
La figure mangée par la petite vérole, fauchait, pieds nus, la maigre récolte. Il portait une chemise
de coton et était coiffé d’un méchant chapeau de paille. Les longues journées de labeur et la
fatalité l’avait courbé, et il se déhanchait à chaque effort. Son andain fini, il s’arrêta pour aiguiser
sa faux et jeta un regard indifférent sur les promeneurs qui passaient. La pierre crissa sinistrement
sur l’acier. Dans la main du travailleur, elle voltigeait rapidement d’un coté et de l’autre de la
lame Le froid grincement ressemblait à une plainte douloureuse et jamais entendue.
(La Scouine, p. 67)
Les veaux
Ils l’entouraient, la pressaient. Les plus vigoureux plongeaient la tête dans la chaudière,
l’enfonçaient à moitié dans le liquide blanc et tiède, buvant avidement. Les autres meuglaient
très haut, donnaient des coups de tête, tournaient autour du baquet, attendant impatiemment leur
tour. Pauline une hart à la main, était obligée de les écarter pour les empêcher de renverser le
vaisseau. Après s’être abreuvés, les veaux, la tête toute humide de lait, se tétaient longuement les
oreilles, immobiles près de la clôture. D’autres se frottaient le museau contre les jambes de la
Scouine, s’essuyaient le mufle sur sa jupe. Partait-elle, tous l’accompagnaient, la suivaient, se
collant à elle et meuglant plus fort. (La Scouisne, p. 75)
Un long crêpe barra le seuil
Ses plis mystérieux, immobiles, et tantôt légèrement remués par le vent, semblaient contenir des
destinées obscures, offrir un sens comme les caractères d’une langue inconnue tracés par une
main invisible. Cette loque sinistre flottant dans la nuit prenait un aspect redoutable et terrifiant,
semblait lancer des appels silencieux, recevoir des messages muets. Dans les ténèbres, la mince
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étoffe paraissait s’animer, devenir une chose vivante, fantastique, véritable vision de rêves. Les
vieux qui passaient détournaient le visage pour ne pas la voir, et pour les enfants, elle était la
première image de la mort. (La Scouine, p. 100)
Il avait toujours craint d’être enterré vivant
Suivant son désir, l’on attendit les premiers signes de putréfaction pour l’enfermer dans son
cercueil. Un énorme corbillard à panaches,
surmonté d’un croix monumentales, et traîné de
deux chevaux caparaçonnés de noir, conduisit au
cimetière, suivi de 150 voitures la dépouille du
vieux Deshamps. On l’enfoui dans un grand trou.
(La Scouine p. 101)
Le ménage fut chargé dans une voiture double
Charlot et la Scouine passèrent
près d’une
journée à cette besogne. Les lits, la table, les
cadres de saints accrochés aux murs, le rouet, le dévidoir, le sofa jaune, le saloir, s’entassaient
dans le chariot. Ils abandonnaient les coins sombres auxquels ils étaient habitués où ils
paraissaient immuables, pour entreprendre, un voyage non sans danger à leur grand âge. Ils
quittaient le vieux logis où ils avaient jauni et pris une odeur surette, pour suivre leurs maîtres
dans la nouvelle maison. (La Scouin, p. 102)
La veille deux éclaireurs avaient tué un orignal
Un jeune orignal qui vagabondait joyeusement à la lisière d’un hallier de sapin, et l’avaient traîné
au camp et ils avaient été reçu par des cris de joie et tous les
hommes. Ce beaucoup de fusil avait été, en effet d’autant
plus apprécié que, cet hiver-là, l’orignal aux formes
élégantes et à la robe d’un beau brun tirant sur le gris vers
les flancs, tombaient dans le camp la veille de Noël. Quel
succulent réveillon alors!
(Damase Potvin )
L’hiver on mettait le Blond sur le « haspor» du moulin
Marche, Marche toute la sainte journée! Pour battre le grain de la récolte. Pendant ce temps-là les
jeunesses avaient grandi, les garçons s’étaient mis à aller voir les filles au village. Des soirs après
une grosse journée de battage ou de charriage de bois il fallait atteler le Blond encore et
descendre à l’église. I’en à deux qui sont mariés, asteur et c’est avec lui encore qu’on a la terre
c’qu’elle est. À l’a travaillé la pauvre bêtes pendant 25 ans, nuit et jour, on peut le dire. Tous ces
champs que vous voyez jusqu’à la maison c’est le Blond qui a fait ça: la maison, l’étable, la
grange, c’est le Blond qui a fait ça. (Sur la grand-route, p. 97)
Mon fusil est tombé de mes bras
J’avais les yeux mouillés. J’ai été prendre Blond par la crinière et j’ai descendu avec lui jusqu’à
la maison. La femme, les enfants, les voisins ont ri de moé mais j’en ai pas fait de cas. Eux
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autres savaient pas c’qui s’était passé en haut au « trécarré ». J’leur ai jamais conté ça. Moé
j’savais ce qui s’était passé et c’est pour ça que j’ai juré que l’Blond mourrait de sa belle mort.
Et le père Dufour s’approcha de nouveau de ce fantôme de cheval qu’était devenu le Blond. Il lui
caressa, pendant quelques minutes, sa longue tête exsangue et murmura :
« Entends-tu? On voudrait encore que je te tue, pauvre vieille bête ! »
(Sur la grand-route, p. 98)
Les plus humbles « chemins du roi »
Autrefois nos routes étaient de minuscules sentiers zigzaguant à travers la forêt. O la gloire de ces
petits sentiers étroits, pleine de trous et de cailloux se faufilant sous les sapins et à travers les
bouleux, grimpant hardiment les montages entre les buissons et les rochers, dévalant les pentes,
sans souci des fondrières et des précipices, parvenant enfin à leur but après tant de difficultés.
O la poésie de ces chemins capricieux et familiers, si remplis d’imprévus ou les araignées tissent
des fils de la Vierge, qu les brumes du matin argentent et couvrent de perles. Où l’on relève la
trace du lièvre qui ne doit pas être très loin, embusqué à l’abri d’un arbre ou d’un rocher. Ils ne
voulaient pas d’abord mourir. Quelque-uns ne sont pas mort encore et ils regardent moqueurs et
tristes les orgueilleuses routes modernes et les plus humbles chemins du roi blancs et poudreux,
dont les lacets se déroulent à présent partout. (Sur la grand’route, p. 137)
C’était des Indiens
Que nous ne connaissons plus aujourd’hui, que dans les
romans d’aventures et dont tout au plus. Nous voyons
mourir à nos portes les derniers survivants, enveloppés dans
le manteau de leur gloire ancestrale. Pauvres débris
humains! À ces enfants des bois qui possédaient le pays
entier, il ne reste plus que quelques coins de terre où la
civilisation, leur commune ennemie, vint à tout instant les
relancer. Ceux que nous avons de nos jours, dernier reste
des puissante tributs iroquoises, huronnes et montagnaises,
se sont, il est vrai, accommodés à leur nouvelle état de vie.
Insensiblement, ils ont perdu leurs habitude, leur langue, toutes les vieilles traditions si
suavement entachées de la poésie des choses anciennes. Mais ces pauvres délaissés conservent
toujours quand même leur goût de nomade. La grande vie errante et libre les fascine. Ils ne
veulent pas s’attacher à leur demeure d’un jour et, quand vint l’hiver, ils s’en vont là-bas, dans le
Nord immense, avec les bêtes sauvages où ils se trouvent bien…( Sur la grand’route, p.137-138)
Nelligan
« Ah! celui-là était déjà un grand poète! Pauvre, Nelligan! À 18 ans les portes de la gloire
s’ouvrent devant lui… Et il est mort? ... Non! Je l’ai appris, je ne sais trop en quelle circonstance
sur quelle route ... mort oui c’es bien cela. Mort à la jeunesse, à la nature, à l’amour, à ses rêves
dorés. Aux visons radieuses, mais pas encore à la vie malheureusement Ah! Il y avait de l’image
celui-là. Veux-tu que nous lisions ensemble quelques uns de ses vers ?
« Je sais en une église un vitrail merveilleux
Où quelque artiste illustre inspiré des archanges
A peint d’une façon mystique….
…En robe à frange, une sainte aux yeux bleus.
[Texte]
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C’est l’amour immaculé
Mon âme a la candeur d’une chose étoilée
D’une neige de février.
Ah! Retournons au seuil de l’enfance en-allée
Viens t’en prier.
Ah! Comme la neige a neigé.
Ma vitre est un jardin de givre:
Ah! Comme la neige a neigé…
Et qu’est-ce que ce spasme de vivre
À la douleur que j’ai, que j’ai.» (Sur la grand’ route, p. 28)
Des coudriers chargés de noisettes
Au dessus du ruisseau, agitent des cordés de feuilles blondes. Des fleurettes bleues et jaunes
s’émerveillent, au bord, et penchent de petites têtes curieuses sur le courant bavard et les remous
placides. Soudain une grenouille sauteuse voluptueusement étendue et qui semble boire à petite
gorgée les deniers rayons du soleil qui pénètrent au fond de la coulée. (Sur la grand’route p.182)
Les hommes restés au camp
Pendant que les autres bûchaient, ils étaient allés chercher des brassées de branches de sapin,
tant qu’ils pouvaient en apporter. Le soir quand les bûcheurs arrivèrent, ils avaient eu de la
misère à reconnaître le « camp ». Les 4 pans et le plafond étaient littéralement tapissés de
rameaux de sapin qui odoraient, remplissaient la gorge d’une saveur violente. L’on se serait cru
sous le couvert d’un fourré de résineux. Au fond de la pièce on avait dressé un autel surélevé et
surmonté d’un banc accoté au mur, le tout couvert comme une épaisse tapisserie de branches de
résineux pressés, tassés comme une toile de lin tendue sur le cylindre d’un métier à tisser.
(Sur la grand’ route, p. 101)
Pas de messe de minuit
Aussitôt, un nuage de tristesse avant plané sur le « campe » ... Ce soir-là , après le souper, ils
étaient là, une quarantaine qui, assis autour du poêle, fumant silencieusement leur pipe, les plus
« jasant » exprimaient en leur langage la désillusion que tous ressentaient. Oui en effet, la Noël
allait être bien triste. Pas de messe de minuit, partant pas de réveillon! Un soir comme les
autres soirs quoi! La rentrée de bonne heure au « bunck room », le sommeil tardif, coupé de
ronflements sonores et peuplé de rêves, nuit probablement plus joyeuse, parce que la réalité était
triste. (Sur la grand’route, p.100 )
C’était une nuit pleine lune
La nuit était si claire qu’on y voyait comme en plein jour. C’était une nuit pleine de lune et
glaciale: une de ces nuits d’hiver sans neige qu’on dirait plus vaste que les autres, où les étoiles
sont plus hautes. Le ciel profond, net et dur, était criblé d’étoiles qu’on eut dites pâlies par la
gelée. Elles scintillaient non pas comme des feux, mais comme des cristallisations brillantes.
(Sur la grand’ route, p.106)
[Texte]
Page 111
Le train
Puis il prit sa course dans la direction de la gare. A chaque pas, il buttait sur les traverse saillantes
que l’obscurité l’empêchait de voir. Il tomba de nouveau et
faillit derechef se frapper le front sur l’acier du rail. Il se releva
et reprit sa course folle, titubant comme un homme ivre. Il
n’était plus qu’à quelques centaines de pas de la gare. Tout à
coup, deux coups secs du sifflet de la locomotive strident l’air
et il entendit les grincements de ferrailles du train qui
s’ébranlait. Quelques secondes après, il eut à peine le temps de
se jeter d’un coté de la voie. La lourde masse de fer et de
flammes, geignant par toutes ses soupapes, passant en un bruit
de tonnerre, entraînant sa longue suite de wagons pointillés, de leurs portières lumineuses.
(Sur la grand-route, p.128)
La route s’enfonce dans la profondeur de la forêt
Celle-là silencieuse, sauvage, sans maison de gardes, sans cabane de bûcherons, sans «campes»
de colons, donnant en plénitude, cette impression de repos, de grandeur, d’indépendance, que
l’on ignore partout ailleurs. Il est vrai que le temps n’est plus loin où, elle aussi, s’animera de
bruits de la hache. Ses beaux arbres tomberont et se laisseront traîner vers la rivière, ces chemins
qui marchent, les conduiront, flottants, aux scieries meurtrières. (Sur la grand route, p.144)
Les chemins de colonisation
Les chemins sont battus par de lourdes charrettes des colons qui y transportent les effets
nécessaires à leurs défrichements et à leur premières
culture…Elles existent encore dans les centres de
colonisation. Vu leur continuel mauvais état elles sont un
sujet de grande doléances de la part de ceux qui sont obligés
de s’en servir. Et vraiment, si on ne savait pas qu’elles
deviendraient bientôt routes carrossables, on se demanderait
si les anciens petits sentiers carrossables, si bien battus, ne
valent pas mieux, pour le plaisir seulement. Les voyageurs
fulminent contre les cahots, leurs ornières, leurs fondrières et
qui engouffrent les voitures, ne valent pas mieux ou les font rebondir jusqu’à en perdre
l’équilibre. Ils tempêtent contre les plongeons de certaines descentes, des dos d’âne formidable
qui esquintent les chevaux, brisent les véhicules et fourbissent les conducteurs. (Sur la grandroute, p.140-141)
Des mouches noires, des « brûlots » et des maringouins
Avec la chaleur atroce, en été, véritables fournaises, et l’essaim sanglant et bourdonnant des
mouches noires, des maringouins, et des brûlots qui livrent aux malheureux voyageurs et à son
cheval une guerre d’atroce cruauté. Oh! ces voyages de 3 ou 4 lieux dans ces précipices, aux
temps des mouches... pendant lesquels on est obligé d’habiller les chevaux de feuillages pour les
préserver des taons et d’où l’on sort ensanglanté boursouflé, défiguré, aveuglé, altéré …seuls nos
braves colons peuvent en dire toute l’horreur. Mais ils s’en sont jamais plaints.
(Sur la grand route , p.141)
[Texte]
Page 112
Mon père continuait de construire en logs
C’est-à-dire en tronc d’arbre d’épinettes équarris, mais le nouvelle maison était spacieuse, bien
éclairée par de larges fenêtres. Elle s’élevait massive comme une
maison de pierre sur la butte qui descendait, maintenant, nue, et au
Nord, c’était encore la frontière sombre du bois et par delà on pouvait
imaginer les espaces inconnu s’étalant jusqu’aux confins du monde. À
l’Est et au Nord c’était la discipline imposée aux arbres qui gardaient,
ça et là abritées, fraîches, les prairies naturelles ou l’on coupait en juin
le long foin bleu. (Comme jadis, p. 46-47)
Le raccommodeur de faïence
À l’origine le raccommodeur de faïence permettait de prolonger l’usage d’un objet domestique
par l’application d’agrafes. Aujourd’hui restaurateur de céramique masque ses interventions sans
mettre en péril l’objet, lui redonner une seconde vie.
La 1ere étape consiste à l’analyse de la pièce: reconnaitre au mieux son origine, constater son état
de conservation et établir son devis.
La 2e étape est la remise en état : nettoyage de-restauration si besoin est, collage des tessons,
reconstitution des manques, enduit de lissage.
La dernière étape est l’illusionnisme: prise des décors, fonds perdu, pose du décor, les diverses
étapes de la coloration de la partie à restaurer son vernis final.
Un chemin de fer sur le fleuve Saint-Laurent (1880-1883), Hochelaga-Maisonneuve
Au X1Xe siècle la glace était suffisamment épaisse sur le fleuve Saint-Laurent pour que les
traineaux puissent traverser sur l’autre rive. On a même réussi à faire traverser un train sur l’eau
gelée entre Longueuil et Hochelaga.
Dès 1848, un tronçon reliait Longueuil à Saint-Hyacinthe. Il a été construit par la Atlantic & StLaurent Railway, acheté plus tard par The Grand Trunk Railway system. L’économie de la vie
était florissante, le train créait de l’emploi…Cela a duré jusqu’en 1860, alors que le Grand Tronc
construisit le pont Victoria et déménagea à Montréal. Les marchandises étaient expédiées par le
train jusqu’à Longueuil pour être transportées par bateau de l’autre coté du fleuve. Maintenant on
passait directement par le pont Victoria. Cela porta un coup énorme à la vitalité économique de
Longueuil.
Un train sur le fleuve .
Quelques années plus tard, Louis Adélard Sénécal, surintendant général la Québec, Ottawa &
occidental Railway (nouvel acquéreur du
chemin de fer de Longueuil) voulut relancer
les installations ferroviaires abandonnées. Sa
compagnie voulait relier Longueuil à
Hochelaga, or il y avait un désagrément: il
fallait passer par le pont Victoria. Le Grand
Tronc en était le propriétaire et demandait le
droits de passages élevés; on ne fait pas de
cadeaux à un concurrent.
Il fallait trouver une alternative, d’ou, l’idée
[Texte]
Page 113
de passer sur le fleuve. Cette dernière compagnie releva le défi. En janvier 1880, des rails furent
installés sur le fleuve entre Longueuil et Hochelaga. Le 31 janvier eut lieu la première traversée–
avec passagers- devant un foule curieuse. Le premier ministre Adolphe Chapleau était du voyage.
Poids de la locomotive : un modeste 69 000 livres selon le Minerve du 2 février. Le voyage allerretour coutait 25
« centins ».
Et crack!
L’année suivante, on remit en service ce chemin temporaire. Le 5 janvier 1881, on testa la glace.
Ensuite on amena la locomotive, mais elle
dérailla…Le poids de la locomotive fit céder
la glace affaiblie et il s’en fallut de peu
qu’Adélard Sénécal et les autres passagers de
la locomotive ne prennent un bain forcé
quand la locomotive disparue sous 10 mètres
d’eau glacée.
Pont de glace entre Québec et Lévis par le
Lieutenant Colonel Cockburn. Sous Henri
1V, 1899
Le fondeur de cuillères
Il leva la tête, ferma les yeux un moment. La catalogne mauve l’éblouissait. Puis il se mit à parler
à voix basse. Comme pour lui-même. La tête penchée sur ses mains qui se refermaient sur les
deux parties du moule de fonte dans son atelier de cuir.
– Fichu métier fondeur de cuillère. Dehors par tous les temps. Le
coeur me bat à chaque porte. Une fois sur deux, c’est la misère
qui me répond. Il m’est même arrivé d’entrer dans des cabanes
vides. Désertées. Les tables, les bancs, cul par dessus tête. Pas
besoin d’être sorcier pour deviner ce qui s’est passé. Le fondeur
avait levé les yeux sur Hyacinthe Bellerose. Celle-ci le regardait
depuis un moment.
– Vous voulez que je vous dise? continua le fondeur de cuillères.
Le père a couru après la mère et les enfants pour leur tordre le
cou comme des poulets en automne. Quand il eut achevé son
ouvrage, il a avalé une décharge mousquet. Tout ça parce qu’il ne voulait pas les voir
mourir à petit feu tout l’hiver sous ses yeux, le ventre creux et la bouche pleine de
sanglots.
Le fondeur de cuillères laissa tomber sur le banc la cuillère qu’il venait de fondre et qui lui
brulait des doigts. Les deux parties du moule roulèrent à ses pieds. Il s’était laissé gagner par
la sourde colère qu’il avait sentie monter en lui à l’instant même ou il avait prononcer sa
formule de compassion à l’endroit de la morte, il ne pouvait supporter le silence de cet
homme qui ravalait humblement sa douleur et baissa la tête.
_ Tout le mal vient de là. Vous savez ce que c’est ?
Le fondeur de cuillères tira de sa poche de ses hauts-de-chausses un vieux numéro d’un
journal couvert de caractère minuscule
– Vous savez ce que c’est ? Il tendit le journal à bout de bras en frémissant dans sa barbe.
[Texte]
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Les bourgeois les lisent, ajout-t-il, Le gueux s’en servent pour envelopper leur poisson ou
leur tabac. Et pourtant c’est vous qui devez les lire. C’est de vous qu’on parle dans la
gazette. (Louis Caron, Le canard de bois)
La fenaison
Désigne la coupe et la récolte des fourrages, ainsi que par l’extension le période correspondante.
Elle se compose en 3 étapes :
- le fauchage, moment où l’on coupe l’herbe
- le fanage qui consiste à retourner l’herbe pour accélérer le
séchage, suivi de l’andainage qui facilité la récolte du foin
par la botteleuse.
- le pressage qui compacte le foin en bottes afin d’être
facilement transporté et stocké
Après cette récolte, la repousse d’herbe s’appelle le regain.
Le rigodon
Sont de chants et des danses fokloriques originaires de la province de Dauphiné, sud-est de la
France. Elle est passée dans la province de Québec, du temps de la colonisation de la NouvelleFrance, qui se perpétue par la suite lors des fêtes religieuses dans les villages. La musique est
produite avec des instruments traditionnels comme des cuillères, l’harmonica ou le violon.
Rigodon : rigaudon, danse traditionnelle du Sud-Est de la France
Rigodon : roman de Louis Ferdinand Céline
Rigodon : personnage de la célèbre émission québécoise PASSE –PARTOUT
La gigue
Est une dans rapide très rapide, d’origine probablement anglaise. Elle est de rythme binaire ou
ternaire (dans ce cas en triolet ou en note pointées). La
gigue est également une des trois danses irlandaise et c’est
aussi une danse traditionnelle québécoise. Elle est très
présente dans tout le répertoire nord-américain (Gilles
Vigneault, par exemple l’a fréquemment employée). Son
rythme soutenu s’adapte bien au répertoire pop et aux
goûts musicaux actuels. La gigue a été fort populaire au
X1Xe siècle et au début XXe siècle.
Le vieux grenier
D’un vieux grenier au-dessus d’une vieille maison, dans une malle lourd poids des années
superposées en couches de poussière, dans un vieux papier torchon, papier journal, papier
informe, l’objet n’avait pas d’autre message que celui qu’il portait ….
J’ai confié au vieux papier torchon, papier journal, papier informe, tous les mots d’amour à
destination perdue. J’ai relié le tout, soigneusement, et j’ai posé à fond de la malle, sans le vieux
grenier au-dessus de la vieille maison. Vidée, j’ai levé les yeux vers la poutre encordée.
(Romane, «C’est faute au Big Nain »)
[Texte]
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Son père l’appelait
Elle a mis un baiser sur ma joue et s’est enfuie. Nous sommes revenus par des chemins mous que
les fers des chevaux détachaient par morceaux et nous envoyaient au visage. Heureusement le
froid reprendra. (Comme jadis, p. 129)
Des poulains de l’année agaçaient les chevaux attelés
Les chevaux, bronco, cayuses et gros team encapuchonnés de « couverte », rongeaient la perche
d’épinette avec un bruit
de mors et de dents qui
s’accrochent. Un bœuf blanc et noir et un grand cheval rouge,
attelé à la même « togne » de bouleau dont l’écorce
s’effritait, partageaient fraternellement l’abri d’une couverte
à carreau multicolore. Des touffes de foin sortaient des
traîneux. (Comme jadis, p. 126)
La campagne
Tu n’a pas le droit de te dépouiller de cette noblesse terrienne que 3 siècles ont établie. Il est
défendu de jeter cette sève vigoureuse dans le tourbillon des villes. N’oublions pas que sa plus
pure garantie de vigueur réside dans son contact quotidien avec les sols natals.
La campagne est la plus grande pourvoyeuse des villes. Elle les alimente de matériel humain.
Malheureusement, la ville est un gouffre. Les pousses les plus vigoureuses s’y étiolent après la 2e
génération. Et combien d’infortunées y sombrent peu après y avoir été transplanté. La campagne,
la grande, l’inépuisable productrice de la nation, remplit toujours les vides mais à son détriment.
(La terre ancestrale, p. 43)
Hubert continuait son apprentissage de citadin
Malheureusement, le groupe d’amis qu’il s’était donné, ne contribuait pas à sa formation morale.
La position promise par Delphis n’avait pas duré. Ne sachant aucun métier, il lui fallait servir
comme manoeuvre. Il ne s’occupait qu’à de rudes travaux: terrassement, construction, de béton,
pavage de rues et bien d’autres. Il peinait 10 heures par jour sous la conduite d’un contremaître.
Ce n’était plus le travail libre des champs, dans l’air pur, sous le beau ciel, sans aucun maître que
l’entente mutuelle avec son père. (La terre ancestrale p. 76)
Que dire des ouvriers en métallurgie ?
C’était une vraie vison d’enfer. Les hommes demi-nus, dans une chaleur insupportable à tout être
inaccoutumé, tiraient, des hauts-fourneaux, des coulée de métal fondu de résistance devait être
employé dont la seule approche brûlait la peau. Toute leur force de résistance devait être
employée pour tenir dans de pareilles conditions. Combien de ces gens voyaient, en imagination,
comme une vision de paradis, un coin de campagne ombré et verdoyant.
(La terre ancestrale p. 84)
C’était un vieux de par chez nous
Qui aiment se coucher de bonne heure. Comme il était le père de jolies
filles, la maison était fort achalandée par les amoureux. Or le père
Tancrède, homme prudent, tenait aux bonnes mœurs. La mère dormait
toute la soirée dans sa chaise berçante: ce n’était pas une sûreté. Alors le
[Texte]
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père imagina un stratagème. Sur le coup de 9 heures, il s’installait devant le poêle et fendait le
bois d’allumage pour le lendemain. Puis
«Puce, va dehors avant de te coucher».Il faisait sortir la chatte. Ensuite, il grimpait sur un chaise
et à grand bruit remontait l’horloge. Les visiteurs eurent vite compris ce que signifiait ce manège
et décampaient au premier coup de hache sans même muser à la porte.
(La terre ancestrale p. 104)
Des « veillottes »
Presque entière, enlevées par un bras musculeux, volent dans le chariot. Les enfants, joyeux
« fouleurs », en reçoivent une partie sur la tête, puis avec des cris de joie, de rires perlés, se
précipitaient l’escalade de la brassée suivante. Aussitôt, le chargeur avertit:
- tenez-vous bien! (La terre ancestrale p. 107)
La charrette pleine
Il faut descendre pour soulager la bête de trait. Malgré les hommes qui tendent leurs bras pour
amortir sa chute, ce n’est qu’après de grands cris de peur que les jeunes filles se laissent tomber
en bas. Les plus espiègles se taisent, restent sur la charge et s’y creusent une cachette. Le cheval
est alors forcé de se montrer bon prince comme ses maîtres. (La terre ancestrale p. 108)
On entend le coin-coin des canards sur l’étang
Les oies pataugent dans la mare pour appeler peut être leurs
congénères sauvages et invisibles, jettent leur cri « mohak»
« mohak ». À cet appel, les jeunes gens couchés dans l’herbe,
rêvent aux palmipèdes libres qu’ils chasseront à l’automne.
(La terre ancestrale p. 109)
Un cultivateur travaille 10 heures par jour, 365 jours par
année
Ici, nous donnons un coup de temps en temps, puis nous avons de loisirs. Comparer notre travail
à celui des ouvriers des villes, ce serait ridicule. Ces gens travaillent le double de nous, dans de
plus mauvaise conditions et sous l’oeil d’un maître. Si nous sommes fatigués nous avons droit à
un repos, eux, non. Si un jour nous ne sommes pas disposés à exécuter un certain travail, nous
sommes libres d’en choisir un autre. La bas, il leur fut marcher quand même. Si la maladie nous
force au chômage, la terre gagne notre vie. À la ville, le salaire n’entre qu’à la force des bras.
(La terre ancestrale p. 120)
Les Saintes Espèces
Bientôt la cloche de l’église annonça le départ du prêtre avec les Saintes Espèce. La chambre du
malade avait subi une grande toilette. Près du lit, un autel improvisé. Au milieu on vit posé un
crucifix de plomb. Deus cierges brûlaient dans des chandeliers de verre. L’eau bénite avait été
renouvelée dans le bénitier qui pendait à la tête du lit.
(La terre ancestrale p. 139)
[Texte]
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Sa terre, son grand amour
Il l’a préférait à nous tous, je crois bien qu’il ait toujours fait preuve d’une grand bonté pour
famille. Sa terre était sa passion, et sa passion l’a emporté. Il voulu tenir tête, il a voulu le garder
beau quand même son patrimoine, et son patrimoine l’a tué. Plus ses champs lui étaient cruels,
plus ils les chérissaient. Tout comme je te chérissais quand toute petite, tu souffrais et me causais
des veilles. Tu te souviens qu’il parlait toujours à ses bêtes comme à des êtres intelligents et amis.
Eh! Bien ces derniers temps, il causait de même à ses prés. On aurait cru qu’il perdait la tête.
Mais, moi, je savais que c’était l’amour qui augmentait toujours et débordait.
(La terre ancestrale p. 153)
La terre vivra
C’est moi faible femme qui la ferai revire. La terre vivra, et je la ferai si bien produire qu’elle
paiera ses ouvriers. La terre vivra quand il me faudra tenir
moi-même la charrue. La terre vivra et sera toujours la
terre de Rioux. La terre vivra, et le père, et ou tous les
vieux seront contents. Puisque tu trahis, puisque tu
refuses de l’être, c’est moi maintenant qui suis le maître
de la terre. C’est moi qui suis le chef de la famille. C’est
moi qui continue la lignée des ancêtres de la famille: la
lignée des aïeux ne s’éteindra pas qu’ avec ma mort.
(La terre ancestrale p. 164 )
Le poulain
Venez-voir le poulain, (Dans ce temps-là elle ne s’appelait pas encore la Grise). Et les tous-petits
, hissées dans les bras du grand-frère, pouvaient à loisir flatter le jeune animal, passer leur mains
sur la croupe et le museau au poil soyeux, sans autre risque que de se faire licher les doigt--c’est
si « licheux » un petit poulain--. Et l’aîné, lui, s’employait à coucher à droite la crinière naissante
ou démêlait le toupet que les lutins, comme l’on sait viennent natter durant la nuit.
(Les rapaillages p.16-17)
Vers l’école du village
En hiver, quand les hommes n’avaient pas le temps de venir nous mener, à l’école c’est la Grise
qui nous conduisait. Lorsque vers 8 heures, la vielle boîte-carrée bleue se trouvait pleine
d’enfants, que la mère avait fini d’emmitoufler les plus jeunes, en leur ceinturant des nuages et
des crémones jusque par-dessus le nez, que chacun tenait son sac de livres et son dîner, alors les
plus petits s’essayaient sur la paille au fond de la voiture, le père leur jetait la robe de vison pardessus la tête, et nous autres les plus grands, assis sur le bord de la boîte, nous menions :
«Marche la Grise! C’est la Grise qui nous emportait à l’école du village.
(Les rapaillages p. 23 )
« L’acheteux »
Mit la main dans sa poche, en tira, mêlé à des bouts de corde et
des clous rouillés, un petit rouleau de billets de banque tout sale
de poussière de tabac. Un à un, il jeta les billets dans la main du
père, lentement, de l’air d’un homme qui a conscience de jeter de
l’argent à l’eau. Le bigre! Quand on y songe! Il achetait la Grise
pour 30 $. Oui, mes amis, c’était pour rien! Puis l’ « acheteux »
[Texte]
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passa une corde au cou de la jument et l’attacha derrière la voiture. Adieu la grise !
(Les rapaillages p 25-26)
La langue de nos mères
« Ils ne l’auront jamais (bis) l’âme de la Nouvelle-France !
Redisons ce cri de vaillance: ils ne l’auront jamais.
Ils ont dit dans leur fol orgueil: nous te prendrons, ô race fière,
et ta langue et ton âme altière.
En paix, nous clouerons ton cercueil. (Les rapaillages p.36-37)
Ils ne l’auront jamais…
Tant que nos fleuves couleront. Tant que là-bas la citadelle au vieux roc restera fidèle que les
érables verdiront. Ils ne l’auront jamais ! Tant que forts seront les vouloirs. Que prêts à toutes les
batailles à la hauteur des grands devoirs. Tant que la croix de nos clochers se heurtera dans les
étoiles. Ils ne l’auront pas...(Les rapaillages p. 35)
Accordeur de piano
C’est ça! C’est bien ça! Et il regarda son voisin Conrad Néron d’un air un peu supérieur, et de
défi, qui semblait dire: « Tu ne voulais me croire, ou bien tu ne sais pas ce que c’est, mais tu
vois…
- Accordeur de piano, répéta à son tour Samuel Chapdelaine, pénétrant lentement le sens
des mots. Et c’est-ti un bon métier ça ? Gagnez-vous de bonne gage?
- Pas trop bonnes. Eh! Mais de même vous êtes bien instruit, vous et vos garçons. Vous
savez lire écrire, et le calcul, eh! ? Et moi qui ne sais seulement pas lire.
(Maria Chapdelaine p. 134-135)
J’ai été élevé sur une terre
On a travaillé toute l’après-midi. On rentre à la maison pour aller dîner et prendre un peu de
repos Et puis avant qu’on soit assis à table voilà un enfant qui crie: « Les vaches ont sauté la
clôture », ou bien; « Les moutons sont dans le grain ». Et tous le monde se lève et part à courir,
en pensant à l’avoine ou à l’orge qu’on a eu du mal à faire pousser et que ces pauvres fous
d’animaux gaspillent. C’est un cheval apeuré de rien qui s’écarte ou qui envoie les pieds. C’est
une vache pourtant douce, qui se met à marcher pendant qu’on la tire, vous écrase les orteils.
(Maria Chapdelaine p. 139)
Des histoires de chasse ou d’apparitions
Des histoires d’ours pris au piège qui se démenaient et grondaient si férocement à la vue du
trappeur, que celui-ci tremblait et perdait courage, et puis qui
s’abandonnaient tout à coup quand ils voyaient venir les chasseurs venir
en nombre et les fusils meurtriers braqués sur eux qui s’abandonnaient,
se cachaient la tête entre le leur pattes et se lamentaient avec des cris
presque humains déchirants et pitoyables.
Après les histoires de chasse vinrent des histoires de revenants et
d’apparitions de récits de visions terrifiantes et d’avertissements
prodigieux reçus par des hommes qui avaient blasphémé ou mal parlé
des prêtres. (Maria Chapdelaine p.142)
[Texte]
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«Batèche» je me sens tout découragé pour vous
Vous êtes trop loin vers le nord, l’été est trop court, le grain n’a pas le temps de pousser que déjà
les froids arrivent. Quand je remonte par icitte, à chaque voyage, venant des États, et que je vois
les petites maisons de planches perdues dans le pays, si loin les une des autres, et qui ont l’air
d’avoir peur. Et le bois qui commence et qui vous cerne de tous les cotés. Je suis à me demander
comment ça se fait que tous gens d’icitte ne sont pas partis voilà longtemps pour s’en aller dans
des places moins dures, où l’on trouve tout ce qu’il faut pour faire une belle vie, et où on peut
sortir l’hiver et aller se promener sans avoir peur de mourir.
(Maria Chapdelaine p. 141)
Attendre un an et devenir sa femme
Et continuer la vie d’à présent, dans une autre maison de bois, sur une autre terre mi-défrichée …
Faire le ménage et l’ordinaire, tirer les vaches, nettoyer l’étable quand l’homme serait absent,
travailler dans les champs peut-être parce qu’il ne serait que deux et qu’elle était forte. Passer
les veillée au rouet ou à radouber de vieux vêtements. Prendre une demi-heure de repos parfois
l’été, assise sur le seul, en face des quelques champs enserrés par l’énorme bois sombre, ou bien ,
l’hiver, faire fondre avec son haleine un peu de givre opaque sur la vitre et regarder la neige
tomber sur la campagne déjà blanche et sur le bois…Le bois… toujours le bois, impénétrable,
hostile, plein de secrets sinistres, fermé autour d’eux comme une poigne cruelle …
(Maria Chapdelaine p. 153 )
C’est des pillules
Quand mon frère a eu mal aux rognons, voilà 3 années, il a vu dans une gazette une annonce pour
ces pillules-là, qui disait qu’elles étaient bonnes. Alors il a envoyé
de l’argent pour une boîte. Il dit que c’est un bon remède, ça vient
des États. Son mal n’est pas parti de suite comme de raison.
Pendant quelques instants ils contemplèrent sans mot dire les
quelques pillules grises qui roulaient ça et là sur le fond de la boite.
Un remède… préparé par quelques hommes repu de science en des
pays lointain. Le même respect troublé les courbait qu’inspire aux
Indiens la coction d’herbes cueilles par une nuit de pleine lune, audessus de laquelle le guérisseur de la tribut a récité les formules magiques.
(Maria Chapdelaine p. 162)
Le sac de cuir enfin révéla ses fioles mystérieuses
Quinze gouttes d’une drogue jaunâtre tombèrent dans deux doigts d’eau, que le malade, soutenue,
but avec force plaintes aiguës, Après cela il ne restait apparemment qu’à attendre encore. Les
hommes allumèrent leur pipes et le docteur, les pieds contre le poêle parla de sa science et de ses
cures.
- Des maladies de même, dit-il, qu’on ne sait pas bien ce que c’est, plus « badrant » pour un
médecin qu’un affaire grave. Ainsi la pneumonie, ou bien la fièvre typhoïde: ¾ des gens de par
icitte, hormis qu’ils meurent de vieillesse, ce sont ces deux maladie-là qui les tuent. Eh! bien, la
fièvre typhoïde et la pneumonie j’en guéri tous les mois. (Maria Chapdelaine p. 170 )
[Texte]
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Harrié!..Harrié donc! Ho !
Maria prêta l’oreille aux bruits du départ: la porte de l’écurie battant contre le mur, les sabots du
cheval sonnant mat sur les madriers de l’allée, des commandements étouffés: Ho là! Harrié donc
ho! Puis le tintement des grelots de l’attelage. Dans le silence qui suivit la malade gémit deux ou
trois fois, mais sans se réveiller. Maria regarda le jour pâle emplir la maison et songea au voyage
de son père, s’efforçant de calculer les distances. (Maria Chapdelaine p.166)
Tit Sèbe le remancheur
C’était un petit homme maigre à figure triste, avec des yeux très doux. Comme toutes les fois
qu’on l’appelait au chevet d’un malade, il avait mis ses vêtements
de cérémonie, de drap foncé, assez usé, qu’il portait avec la
gaucherie des paysans endimanchés. Mais les fortes mains brunes,
qui saillaient des manches, avaient des gestes qui imposaient la
confiance. Elles palpèrent les membres et le corps de la mère
Chapdelaine avec des précautions infinies, sans lui arracher un seul
cri de douleur, et après cela, il reste, comme s’il attendait qu’un
intuition miraculeuse survint. (Maria Chapdelaine p. 176-177)
Le norouâ
Le « norouâ » arrivait en mugissant par-dessus la cime du bois sombre, sur l’espace défriché et
nu qui entourait les petites constructions de bois: la maison, l’étable et la grange. Il s’abattait et
tourbillonnait quelques secondes, violent, mauvais, avec des bourrasques brusques qui tentaient
de soulever la toiture ou bien frappait les murs comme des coups de bélier, avant de repartir vers
la forêt dans une ruée de dépit. (Maria Chapdelaine p. 182)
J’va te faire de la terre Laura !
Quand nous avons pris notre première terre à Normandin, nous avions deux vaches et pas gros
de pacage, car presque tout ce lot-là était encore en bois debout et difficile à faire. « J’ vas te
faire de la terre Laura ». Et du matin au soir c’était bûche, bûche, sans revenir à la maison
hormis que pour le dîner. Et tout ce temps-là, elle faisait le ménage et l’ordinaire. Elle soignait
les animaux , elle mettait la clôture en ordre, elle nettoyait l’étable, peinait sans s’arrêter. Et 3 ou
4 fois la journée, elle sortait devant la porte et restait un moment à me regarder. La-bas à la lisière
du bois où je « fessais » de toutes mes forces sur les épinettes et les bouleaux pour lui faire de la
terre. (Maria Chapdelaine p. 188)
Les vaches n’avaient plus d’eau
« Et voila qu’en juillet le puits a tari: les vaches n’avaient plus d’eau à leur soif et elle sont
quasiment arrêté de donner du lait. La mère s’est mise à voyager à la rivière avec une chaudière
dans chaque main, remontant l’écarre 8 ou 10 fois de suite avec ses chaussures pleines, les pieds
dans le sable coulant jusqu’ à ce qu’elle ait eu fini de remplir un quart, et quand le quart était
plein elle le chargeait sur un brouette et elle s’en allait le vider dans la grande cuve dans le clos
de la vache, plus de 300 verges de la maison, au pied du cran. C’était pas un ouvrage de femme
ça, et je lui ai dit de me laisser faire. Mais toutes les fois elle se mettait à crier; « Occupe-toi pas
de ça… Occupe-toi de rien. « Fais-moi de la terre ». (Maria Chapdelaine p. 188-189)
[Texte]
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Prenez garde à vos moutons!
Les ours sont venus tuer une génisse tout près des maisons la semaine passée. Alors la mère et
moi nous sommes allés ce soir-là virer au foin bleu pour faire entrer les moutons, au clos la nuit.
Pour pas que les ours les mangent. Moi j’avais pris un bord et elle l’autre à cause des moutons
s’égaillaient dans les aulnes. C’était la brunante, et tout à coup j’entends Laura qui crie: « Ah! les
maudits! Il y avait des bêtes qui remuaient dans la brousse, et c’était facile à voir que c’étaient
des moutons, à cause que dans les bois vers le soir, les moutons font des taches blanches. Alors je
me suis mis à courir tant que j’ai pu, ma hache à la main. Ta mère m’a raconté plus tard, quand
nous étions de retour à la maison: elle avait vu un mouton couché par terre, déjà mort et deux
ours qui étaient après les manger. Ça prend un bonhomme pas peureux de rien, pour faire face à
des ours en septembre, même avec un fusil. Et quand c’est une femme avec rien dans les mains
le mieux qu’elle peut faire c’est de se sauver et personne n’a rien à dire.
(Maria Chapdelaine p. 190)
J’ai « clairé » bien des arpents de bois
Et bâti bien des maisons et des granges, en me disant toutes les fois qu’un jour viendrait où nous
aurons une belle terre, et où ta mère pourrait vivre comme
les femmes des vieilles paroisses avec de beaux champs
nus des deux bords de la maison aussi loin qu’on peut voir,
un jardin de légumes, de belles vaches grasses dans le clos.
(Maria Chapdelaine p. 192)
Nous sommes venus il y a 300 ans et nous y sommes
restés
Ceux qui nous ont menés ici pourraient revenir parmi
nous sans amertume et sans chagrin, car s’il est vrai que nous n’avons guère appris sûrement
nous n’avons rien oublié. Nous avions apporté d’outre-mer nos prières et nos chanson: elles
sont toujours les mêmes. Nous avions apporté dans nos poitrines le cœur des hommes de notre
pays, vaillant et vif, aussi prompt à la piété qu’au rire, le cœur le plus humain de tous les coeurs
humains; il n’a pas changé.(Maria Chapdelaine p. 202)
Vivre toute sa vie dans des lieux isolés
Lorsqu’on aurait aimé la compagnie des autres humains et la sécurité des villages. Peiner de
l’aube à la nuit, dépensant toutes les forces de son corps en mille dures besognes et garder de
l’aube à la nuit toute sa patience et sa sérénité joyeuse. Ne jamais voir autour de soi que la nature
primitive, sauvage, le bois inhumain, et garder au milieu de tout cela l’ordre raisonnable, et la
douceur, et la gaîté, qui sont les fruits de bien des siècles de vie sans rudesse, c’était une chose
difficile et méritoire, assurément. Et qu’elle était la récompense? Quelque mot d’éloges après la
mort. (Maria Chapdelaine p.194)
L’ancien temps nous est apparu
Un petit défriché grand comme ma main où les souches noires faisaient taches dans le blé vert, où
la forêt vaincue se tenait encore proche, rangée en lisière, dans
l’attente d’une revanche possible. Nous avons regardé encore, et
cette fois l’ancien temps nous est apparu là bas dans le lointain,
dans le coin, sous les espèce d’un maisonnette en boulins, peinte
à la chaux, surmontée d’un légendaire tuyau rouillé d’où la
[Texte]
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fumée s’échappait lentement, par petites bouffées, comme de la pipe d’un aïeul. Nous somme
allés vers la maisonnette, et là le tableau s’est achevé! Là l’ancien temps, le vrai, est venu vers
nous, sous les espèces d’un couple de vieux resté verts et droit comme les pins rouges de la
lisière, malgré leur 90 ans à tous deux. (Les rapaillages p. 42)
Il faut allumer et les faire parler
Donc, ils allumèrent, et confortablement assis dans le grand appartement, sur des chaises
d’honnête « empaillure », la jasette commença. Les vieux ne demandaient pas mieux c’était
visible .Ils parlèrent en aïeux. Et à mesure qu’ils parlaient, nous avion le certitude de retrouver un
type. Ah! oui c’était bien, comme chez vous tous, ô cher vieux de l’ancien temps, le même
amour du sol, le même parler vieillot et savoureux, la foi profonde, le grand sens moral.
(Les rapaillages p, 43)
La « courvée» (corvée)
Ils fauchent depuis le petit jour et déjà ils entendent dans l’espace ensoleillé parler le notes
lointaines de l’angélus du midi. Ils fauchent depuis l’heure où les étoiles, plus basses et pâlies,
clignotent sur le courbe frangée des collines. Les reins courbés comme des lutteurs, du
balancement régulier, pas à pas, ils attaquent les foins et le mil cendré. Les herbes blessées à
mort se couchent en large andains autour des deux hommes cependant que le soleil, à mesure,
fane leur fibres….
Un dernier éclair des faux et les faucheurs s’arrêtent. Le soleil darde ses flèches sur toute la
campagne, cuisant la terre, séchant l’herbe, accablant bêtes et champ. Il fait chaud à faire cuire un
œuf sur une pierre. (Sur la grand’route p. 77)
La pèche du matin
Au fond un bateau, le poisson capturé palpite vaguement encore avec un bruit doux d’écailles
gluantes et de nageoires soulevées, d’efforts impuissants et mous, et des baillements dans l’air
mortel…La palpitation d’agonie les derniers capturés s’accentue au moindre roulement du
bateau. Et de ce fait, d’argent, de bêtes et d’odeur forte. Une sainte puanteur de marée monde au
fond de l’embarcation. Les deux pêcheurs la hument comme on sent un bouquet de roses.
(Sur la grand’route 69)
La batterie
Nous trouvâmes la «batterie» de la grange les «tasseries » étaient vides, pour le moment, du
grain et du foin que devaient remplacer jusqu’au prochain
« engrangeage », des instruments aratoires et des voitures
d’hiver tournées sans dessus dessous, les timons en l’air
puis après avoir passé à travers la bergerie déserte d’où
s’échappait un odeur acre fumier moisi, nous nous
trouvâmes en arrière des bâtiments. (La grand’route p. 9293)
[Texte]
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La pagée de clôture
Nous allâmes nous asseoir sur une pagé de clôture de l’enclos du Blond. Le père Dufour prit sa
pipe, la rembourra de son odorante « verrine », l’alluma et, sans avoir, en quelques petits coups
rapides des lèvres, tire une abondante buées bleue...(Sur la grand route p. 94)
La fileuse
Une jeune paysanne, assise sur un talus, file la laine au fuseau en gardant ses chèvres. Elle est
vêtue d’une robe taillée dans une toile grossière et d’un fichu de laine.
Elle a aux pieds des sabots de bois et porte sur sa tête une coiffe en paille
au bord informe. Sa quenouille faite de d’un bâton de coudrier qui
retient l’écheveau de laine brute La chevrière file cette laine en la
dévidant au moyen du fuseau qu’elle tient de la main droite.
La jeune chevrière regarde droit vers le spectateur et le fait pénétrer dans
un univers psychologique.
Le labour et pays natal
Ah! Comme il aurait aimée la charrue maintenant qu’il ne pouvait plus en tenir les mancherons:
comme il l’aimait à présent son village de Bagotville avec ses coins d’Eden, la belle Baie des Ah!
Ah! aux flots si bleues, irisées. Devant ces images de la patrie lointaine, le pays qui l’avait tant
charmé dans ses rêves et qu’il habitait maintenant lui apparaissait tout à coup opprimant,
mortel…On aime jamais plus son pays que quand on s’en éloigne et qu’on ne plut plus y revenir.
(Restons chez-nous p. 153-154)
Un puissant transatlantique arrive
Remorqué par un pilote expert et semble une montagne au milieu d’une volée de menus bateaux
pareil à des mouettes. Aussitôt la grande halle des compagnies s’anime et fourmille de monde. Le
bateau n’est pas encore accosté que, malgré les défenses, hommes et femmes se faufilent à la
rencontre des nouveaux arrivants pour embrasser une minute plus tôt un parent…un ami…Le
grondement de la vapeur, désormais inutile, qui s’enfuit dans le ciel en volute argentées, le
grincement des pluies, les courses désordonnées des passagers qui ont oublié ou perdu quelque
chose, et qui retournent en grande hâte dans leur cabine, la révolte des gens pressés de partir
contre les employés de la douane, bref tout le brouhaha que peut produire l’arrivée de douze à
quinze cent personnes, appartenant à toutes les classes de la société, encombré de tous les paquets
inimaginables, cet ensemble à la fois touchant, comique et exaspérant, amusant l’exilé.
(Restons chez-nous p. 156)
Un canadien errant, banni de ses foyers
Parcourait en pleurant les pays étrangers
Un jour triste et pensif, assis au bord des flots
Au courant fugitif, il adressait ces mots:
Plongé dans les malheurs, loin de mes chers parents
Je passe dans les pleurs d’infortunés moments
Si tu vois mon pays, mon pays malheureux,
Va dire à mes amis que je me souviens d’eux
Un jour triste et pensif assis au bord des flots …
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Les petits chevaux canadiens et les bœufs
Attelés à la charrue, tournent la glèbe avec une sorte de lenteur active, à croire qu’ils ne
s’arrêteront jamais, pendant que l’on entend les chants des oiseaux, les cris des hommes des
champs et le mugissement des troupeaux de vaches et de génisses qui paissent éparpillées aux
environs, dans les prés de chaume non encore labourés ou sur les lisières de la forêt déjà
verdoyant. (Restons chez-nous p. 191)
La statue de Bertholdi
«La statue de la liberté» éclairant le monde dresse son fanal
flamboyant, haut dans le ciel, jetant une note de clarté aveuglante
sur les milliers de maisons de plaisance, d’hôtel, de villas, qui
enserrent la magnifique rade de New-York, et, par la projection, au
loin, de ses vives lueurs, traçant sur les flots une traînée
resplendissantes. (Restons chez-noius p.196
« Donnez-moi vos masses fatiguées, pauvres entassées brûlant de
respirant un air »
Les soeurs infirmières
En haut, à côté, le long des rideaux, des voix qui chuchotent tout bas, des bruits légers à peine
perceptibles, des pas discrets de sœurs infirmières marchent avec
précaution. Elles vont et viennent, les bonnes petites sœurs, d’un air
agité, pâle et jaunes sous les grandes cornettes, comme des ailes
d’ange…Les douces personnes que ces sainte épouses du Christ, les
petite sœurs qui servent dans tous les hôpitaux et qu’on appelle les
Hospitalières, comme les savent pratiquer, la charité, la douceur!
Comme elles savent bien mettre en pratique les paroles du Maître :
« Quiconque s’abaisse sera élevé » lorsqu’elles vont, s’occupant de
tous les devoirs, depuis les plus abjects, jusqu’au plus élevés,
jusqu’aux plus délicats. Et toujours le sourire sur les lèvres, toujours
consolante, entrant dans les chambres, et les salles des malades comme un rayon de soleil, le
regret d’un départ trop prompt. (Restons chez-nous p. 224-225)
Oh! En ce moment, une caresse de sa mère
Il y avait des voix triste qui partaient de la chapelle où l’on chantait le salut du S.S. et ces chants
voilés par la distance lui causaient comme une sorte d’agonie inexpliquée faite de nostalgie de
solitude et presque de désespérance… Oh! en ces moments une caresse de sa mère, là , penchée
sur lui et caressant son front brûlant dans ses vieilles mains tremblantes. Oh! se réfugier dans
cette tendresse maternelle et exhaler son dernier soupir entre ses bras qui le berceraient avec tant
d’amour et de douceur. p. (Restons chez-nous p. 226)
Les traditions
Il est doux de constater que dans nos campagnes canadiennes, toutes les traditions, Même dans ce
qu’elles ont d’originalement superstitieuses, se conservent toujours fortement imprégnées de
l’esprit catholique. Comme au temps de nos bons ancêtres la foi reste vivace ,dans le cour du
petit enfant qui pleure toute la nuit parce qu’on n’a pas voulu l’amener à la messe de minuit et
qui se console quand on lui dit que le petit Jésus viendra le trouver, par la cheminée, comme dans
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celui du vieillard qui, au coin du feu dévide, des journées entières, son chapelet à gros grain de
bois. Dieu merci ! on enseigne encore le catéchisme dans nos écoles où le crucifix de plâtre reste
toujours à la place d’honneur, fixé au mur, au-dessus de la tribune de l’institutrice. Chez-nous le
paysan lève son chapeau en passant devant un église ou devant une croix ou en croisant un
enterrement. Il dit son bénédicité avant et après les repas. (Restons chez-nous p. 232-232)
La croix
Et les croix, les grande croix noires, en bois, en plâtre ou en pierre, levées partout dans nos
campagnes, le long des routes, au bord des lacs et des rivières, sur les collines ou dans les
champs, les croix restent debout, au milieu de leur enclos de palissades, toujours vénérées
toujours vénérées, toujours saluées toujours pieusement entretenue…Oh!qu’elle est étrange, dans
nos campagnes, cette persistance à croire en un Dieu supplicié et sans cesse élevé des bras
suppliants vers les siens, miséricordieux! Tout ce qu’on dit contre cette croix, même dans notre
pays si catholique, tout ce qu’on crie contre la doctrine austère qui découle avec le sang de Celui
qu’on a cloué dessus! (Restons p. 232-3)
Les calvaires
Oui, les calvaires sont encore debout dans nos campagnes.
Toujours ils étendent leurs grands bras sous l’ombre savoureuse
des arbres et dans le frémissement des champs rayonnants des
chaleurs d’été, où en hiver, dans le calme des plaines immaculées
ou sous les poudreries aveuglantes de la tourmente qui passe.
(Restons chez-nous p. 233)
Fille de colon
D’ailleurs j’aime ça, je les aime moi, ces durs travaux du dehors.
Ça nous chasse les mauvaises idées, ça nous rend forte,
vigoureuse…on a toujours le temps de se reposer. Et puis tu sais, quand on est fille de vieux
colons, quand on est colonne, le travail est notre lot.
(Restons chez-nous p. 10)
Monsieur
Tu les aimes toi ces travaux, Jeanne? À chez-nous moi, ils me répugnent et je n’en veux plus. Je
veux les fuir en m’en allant loin, bien loin aux États-Unis où l’on gagne tant d’argent et je
reviendrai au pays ensuite riche, monsieur…(Restons chez-nous p. 12)
C’est encore « écourtichée »
Voyez-vous ça ? C’est gros comme le pouce, c’est encore «écourtichée» et ça veut en remontrer
aux vieilles barbes. Ah! not’temps… y a pu d’enfants, non y en a pus. (Restons chez-nous p. 14)
Enfants suivez la profession de vos pères
Ne rougissez pas de mettre la main à la charrue. Cette profession est noble parce qu’elle est aussi
ancienne que la créature. Rien n’est meilleur que l’agriculture, rien n’est plus beau, rien n’est
plus digne d’un homme libre. Elle suffit amplement aux besoins de noter vie. Toutes les autres
professions ne sont que secondaires. Honneur aux paysans! s’écrit-t-il avec enthousiasme,
honneur aux pionniers ! (Restons chez-nous p. 18)
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Une corvée
Les paysans canadiens sont charitables et s’oublient volontiers pour secourir un frère dans la
misère. Les voisins de Jacques Pelletier furent sublimes de dévouement et de charité . Dès le
lendemain de l’incendie, ils dirent à Jacques : « Nous voici, nous allons t’aider à reconstruire ta
maison et ta grange. Faisons une corvée et dans quelques jours tu seras logé comme auparavant.»
C’est une vielle coutume de s’entraider les uns les autres. (Restons chez-nous p. 20)
Le « log house » est construit
En arrivant, l’indispensable « log house » avait été construit à l’aide des voisins, puis armé d’une
bonne hache, Jacques et Paul s’étaient attaqués à la foret.
En peu à peu ils firent désert autour d’eux… Les bois
silencieux reculaient et donnaient la place aux champs
verdoyants. Pendant 5 ans les arbres tombèrent. Bientôt le
temps des humbles «logs house» est passé et son oeuvre
est faite... le moment est arrivé où il n’est pas nécessaire
et on l’abandonne, le pauvre témoin des premières luttes,
des effort héroïques. Il est remplacé par une maison
meilleure, régulièrement construite, avec des chambres,
une cuisine, de bonnes fenêtres et quelques ornements…(
Restons chez-nous p. 31)
Il avait toujours quelques surprises à faire à sa voisine
Un jour c’était un nid de rossignol, orné à l’intérieur de 3 jolies boules bleues. Il s’en était donné
de la peine pour attraper cette petite chose délicate qui se balançait à la cime d’un grand
peuplier... Un autre jour un « casseau » d’écorce rempli de grosses fraises rouges, ou un rayon de
miel de taon trouvé sous une meule de foin, faisait les frais de la surprise quotidienne.
(Restons chez-nous p. 43)
Le fils a hâte d’arriver à ses 18 ans
Quand ce n’es pas le père qui n’aime plus à se trouver au milieu de sa famille, c’est le fils qui a
hâte d’arriver à ses 18 ans ou 20 ans pour s’échapper de la maison paternelle. Il se croit heureux
et libre que lorsqu’il l’a quitté. Autrefois Paul accordait bien peu d’attention à tous ces détails de
la ferme, détail coutumiers et sans beaucoup d’importance pour lui. Mais à présent qu’il est
décidé de partir, bientôt dans une couple de mois, tout prend un intérêt capital pour lui. Ah!
Dans son cœur primesautier, inégal, oublieux parfois, ils auraient une place sûre et profonde à
présent. Ils les aiment avec une tendre effusion, ses parents. (Restons chez-nous p. 52)
Les curés c’était un père de tous les habitants
C’est lui d’abord qui l’a fondé cette belle institution de la paroisse canadienne-française qui
devait être la raison de notre survivance de notre multiplication, la condition de notre grandeur
future, la cellule-mère où se formera une race d’un immense avenir. Ah! Nous devons gros à
notre clergé canadien à tous ces prêtres et religieux, obscurs héros de la foi et de la civilisation.
Plus tard lorsque les colons du Saint-Laurent pleureront leur séparation d’avec la France, pour
eux une mère. Lorsque l’aristocratie même présidait à la défense de la colonie, aura repassée la
mer et les aura laissé seuls en disant à leurs prêtres :
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«Désormais vous serez les nobles du pays, vous serez notre roi et notre noblesse ». Et désormais
le prêtre devint en ce pays le roi et le noble…Désormais les pauvres abandonnés lui transportent
l’affection qu’ils témoignent au roi, la considération qu’ils avaient pour les nobles. Ah! Nos
modestes archives en disent long sur le rôle du clergé dans la colonisation et le développement
progressif de notre province. Le coeur de nos gens en dit encore plus long.
(Restons chez-nous p. 58-59)
Esclaves aux État-Unis
Tu te plains de ta soumission à des parents qui peuvent donner la vie pour toi. Mais, là-bas, aux
E.U., ne vas-tu pas te faire volontairement esclave soumis et dévoués de
maître tyrannique !…
Dans un voyage que je fis au E.U., j’en ai tant vu de ces pauvres victimes de
l’immigration, j’en ai tant murmuré de ces paroles et je me suis efforcé de
ranimer en de pauvres cœurs le feu de l’espérance dont il ne restait plus que
quelques étincelles. (Restons chez-nous p. 66-68)
Restons chez nous
Sur la terre, cette « grande amie » que Dieu nous adonnée, dont l’amour ne
nous a jamais trompé, qui nous vu naître, qui nous a vu vivre nos plus belles
heures et qui espère un jour, nous cacher dans son sein, à l’heure du grand
départ, et faire accroître sur notre tombeau les fleurs dont elle est si
prodigue... Restons chez nous ami ! Notre chez nous, le chez nous de nos près, plus tard, le cheznous de nos enfants et de nos arrières petits enfants!...
(Restons chez-nous p.121 )
Vivre aux E.U.
Que ce doit être bon!...
Que ce doit être bon de peiner des jours entiers dans une manufacture enfumée et empestée plutôt
que d’être maître dans un champ embaumé par la grande nature du bon Dieu.
Que ce doit être bon de sentir quelques pièces blanches dans son gousset et de n’avoir pas le
temps ou la liberté de dépenser avec profit et plaisir plutôt que de jouir de la vrai liberté des fils
de la terre et n’avoir dans sa bourse que juste ce qu’il faut pour ne pas nous donner la fièvre de
plaisirs insaisissables.
Que ce doit être bon d’être esclave soumis d’un maître sans cœur plutôt qu’honorable cultivateur
dans une de nos belles paroisses…
Que ce doit être bon pour le père de famille d’amasser des sommes pour l’instruction de son fils
afin d’en faire le serviteur d’un homme quelconque ou un rond de cuir ennuyé dans quelque
bureau plutôt qu’un habitant aisé et libre.
Que ce doit être bon, enfin pour une mère de famille, au lieu d’enseigner à sa fille les travaux du
ménage, de l’envoyer chaque matin, pâlir sur le métier, ou bien, à force de luxe et de gâteries, dus
au mauvais exemple ambiant, d’en faire une pimbêche ridicule, quand elle ne fera pas autre
chose... (Restons chez-nous p. 122)
Le cultivateur
Ah!, au lieu de se plaindre toujours de la situation qui lui est faite, le cultivateur comprenait que
lui seul peut jouir réellement de la vraie liberté, de l’air si bon et si pur qu’il ne trouvera jamais
dans les centres de manufactures, et sans jamais manquer de rien. S’il comprenait que, tous les
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métiers exigeant du travail et des peines, le sien seul, en récompenses de ce travail et de ses
peines, peut lui offrir plus de compensations, de bonheur que tous les autres. S’il apprenait ça à
ses enfants, si au lieu de leur faire prendre en horreur et en honte la vie de campagne, par ses
plaintes et ses jérémiades de tous les jours, pour les pousser vers les villes, il leur montrait les
avantages qu’il y a à posséder une bonne terre, à être maître et libre chez soi, à aimer
l’agriculture, à se perfectionner dans son art, nous verrions bien vite le fléau de l’émigration
arrêter pour toujours...(Restons chez-nous p. 125-126)
On commence à rougir de son titre d’habitant
À rougir d’être un homme qui habite « son pays », un homme que l’on connaît le père, la mère,
l’aïeul et le bisaïeul. Quand on préfèrera se faire aventurier des
grandes villes avec un passé ignoré. Quand on préfèrera enfin on
trouvera que son titre d’habitant est synonyme de miséreux et
que l’on s’attristera en comparant ses habits pauvres et simples à
ceux d’un transfuge quelconque... (Restons chez-nous p.127)
New-York
Est-ce une ville, est-ce un monde ? En tout cas, il renferme tout.
Lorsque l’on contemple cette reine de toutes les Amériques, on
a peine à s’imaginer que 3 siècles seulement séparent ces splendeurs d’aujourd’hui d’avec
l’aspect miséreux que présentait jadis le petit regroupement de huttes de marchands hollandais,
débarqués du HalfMoon sur l’île de Mahattan, ou, les avait conduit l’esprit aventureux de
Hendrick Hudson, et qui furent les fondateurs de la grande cité américaine. Quelle profonde
transformation! (Restons chez-nous p. 129)
Les foins et la récolte
Cet automne, Jacques est seul pour les labours. Il a été seul, l’été dernier pour les foins et la
récolte. Ah ! le travail a été dur, mais la récolte abondante. Et aujourd’hui encore, dans le sillon
qu’il a creusé, il sème l’espérance pour l’année prochaine … quand l’hiver aura disparu ...
(Restons chez-nous p. 149)
Les deux grands bœufs roux
Au bout du sillon, reviennent sur leurs pas. Vigoureux, ils marchent en tirant ferme dans le joug.
Leur tête résignée s’inclinent. L’écume de leur mufle exhale une fumée qui s’évapore aux feux
tièdes du jour. Leurs bons grands yeux contemplent le sol. À les voir de loin, on dirait que leur
corps ondule de façon charmante, en leurs mouvements réguliers et il semble que leur robe
brune, marquée de taches blanches, s’harmonisent aux tons du ciel et de la terre.
(Restons chez-nous p. 150)
Son ennui
Oh!cet ennui de certains soirs qui vient se coller aux fenêtres comme un brouillard, quand le ciel
est sombre et bas, quand les routes et les rues ne sonnent plus, quand la chambre et l’âme restent
sans lumière dans le lent crépuscule. Ennui du coeur qui n’aime plus. Ennui de la pensée lasse
d’avoir trop pensé et qui perçoit la vanité de ce jeu. Ennui de la volonté rompue de s’être trop
efforcée vers des fins illusoires…Vous tous qui l’avez connu cet ennui, et vous surtout pauvres
villageois qui avez déjà été enchaînés dan l’isolement d’une ville, à qui la vie moderne, si
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prodigue d’ambitions et de vains spectacles, semble n’avoir réservé que l’immobilisation et le
souci d’attristants et humiliants devoirs.
« Ah! Si vous saviez comme on pleure
De vivre seul et sans foyer.
Quelquefois devant ma fenêtre
Vous passeriez. (Sully Prud’homme).(Restons chez-nous p.136)
Le foyer familial
Le foyer il n’y que lui pourtant pour tenir réunis des éléments de la famille honnête et
chrétienne, s’il s’éteint tout est perdu ou envoie de se perdre. Dans le coeur de celui qui le quitte,
rien ne saurait remplacer le foyer familial, la lampe de famille, les entretiens, les lectures, les
soirs après la journée finie. Quelque modeste qu’il soit, rien ne vaut le foyer.
(Restons chez-nous p. 152)
Les patriotes
Puis il se mit à parler de la nécessité d’un soulèvement. C’est par là que les grandes révolutions
commencent. Il proclamait le droit des citoyens à la liberté politique, et gémissait sur la position
humiliante des C.F. , les fils des défricheurs, les maîtres du sol autrefois. Il disait la morgue
insolente des emplois, l’abaissement organisé de la race français. Il peignait d’une voix vibrante
mais comprimée, la gloire de ceux qui meurent en luttant contre la tyrannie et l’injustice. Il
exprimait l’héroïse de ceux qui sacrifient leurs biens, leur jeunesse, les ivresses de l’amour, les
espérance d’une longue fidélité, pour adoucir les souffrances
de leurs semblables et relever l’honneur de la patrie .
Le fusil sur l’épaule, la casquette sur l’oreille, ils marchaient
gaiement, jetant un regard de mépris sur les peureux qui
restaient avec les femmes. Et quand ils entendaient les
enfants crier à leur mère que la « guerre » passait, ils se
redressaient avec fierté malgré leur fatigue, et souriaient à la
mort entrevue dans la fumée des comtats.
(Restons chez-nous p.506-508-509)
( Les patriotes que la mitraille avait épargnés regagnèrent tristement leur foyer)
Il prit la pierre
Et leva sa faux devant lui. La main décrivait une courbe étincelante comme un nymbe vis-à-vis
son front de sueur. La pierre mordit l’acier. D’autres faucheurs aussi affilèrent leurs outils et ce
fut comme un clair retentissement de cymbale dans l’air sonre. Les jeunes filles levèrent la tête,
et les fourches restèrent piquées dans le foin parfumé. Jamais fête plus belle n’avait fait tressaillir
ces champs tant de fois moissonnés. (Restons chez-nous p. 240-241)
Le mois de Marie
Aux beaux soirs de mai, tous les gens du rang, après le souper, se donnaient rendez-vous au pied
de la croix. Et là les jeunes gens et les jeunes filles chantaient des cantiques à Marie:
L’ombre s’étend sur la terre
Vois tes enfants de retour
A tes pieds, auguste Mère
Pour t’offrir la fin du jour. (Restons chez-nous p. 234)
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Sa vie de colon et l’agriculteur
Son beau rêve de défricheur toujours, d’ouvrir des terres, d’ensemencer, de récolter sans cesse...
Pelletier fumant sa pipe, aime à savourer avec une étrange persistance, la volupté de se griser de
souvenirs de sa vie de colon, de ressusciter chacune des heureuses minutes passées, d’en repasser
et d’en caresser tous les détails, comme un avare son trésor. Le passé! Son dur passé de
défricheur, c’est en effet son trésor, à lui: un trésor de souvenirs qui l’enivrent et qui l’enfièvrent.
Ou bien il refait pour la millième fois le comte de ses espérances trompées…
(Restons chez-nous p. 240-241)
Les seigneuries
Obstinément attachées à l’héritage primitif du pays seigneurial par un patriotisme outré nos père
avaient longtemps morcelé leur ferme. Divisé et subdivisé leur biens entre leur enfants. A la fin,
ce morcellement avait dû arrêter devant de grands obstacles.
Les pères de famille furent conduits à ménager ce qu’on
appelle des « arrangements » avec leurs enfants donnant la
terre à l’un d’entre eux, à charge par lui de fournir certaines
redevance ou capital à ses frères et sœurs. Il résultait que
ces arrangements que, fréquemment le premier s’obérait
outre mesure, tandis que les autres dépensaient sans profit
leur part d’héritage. Après un petit nombre d’année les uns
et les autres se trouvaient également dénués de ressources et
réduits à louer leur bras pour se procurer des moyens d’existence. Ce fut ainsi que naquit au
Canada la classe des prolétaires. (Restons chez-nous p. 109)
Il a neigé
Il a neigé tout dernièrement, durant deux longs jours et deux longues nuits… La neige a tombé
lentement, à flocons pressés et épais, couvrant tout d’un blanc linceul. La belle chose que la neige
qui tombe silencieusement, adoucissant de sa nappe virginale tous les contours brusques. Mettant
sa ouate immaculée sur les bruits du monde! Le village, au loin, et toutes les habitations
dispersées dans la campagne, disparaissent sous de perpétuels rideaux mouvants…à chaque
coup de la brise, tout s’enfuit, sans bruit, sous un linceul, tout s’enveloppe d’un silence étrange et
mystérieux mélancolique. (Restons chez-nous p. 75)
Le temps des fêtes
Depuis 8 jours on se prépare à la grande fête. Depuis 8 jours, ce qu’elles frottent, astique,
époussettent et lavent, les vaillantes femmes d’habitants ! Aujourd’hui les manches retroussées
jusqu’au coudes, elles enfoncent leur bras dans la pâte jaunâtre et farineuse qui , tout à l’heure,
plongée par boulettes, dans la graisse pétillante, va se transformer en de succulents croquignoles,
en appétissant beignes ou en rutilant pains de savoie glacés et dorés ou bien poudrés de beaux
sucre blanc… Les miches, enfarinés eux-mêmes sont dans la jubilation et n’ont d’yeux que pour
la huche et le coffre de bois où s’engouffrent à chaque instant, toutes ces délicieuses choses, qui
se conserveront là jusqu’après le temps des fêtes… à moins que les souris viennent, avant
épuisement complet, faire une descente désastreuse dans ces appétissantes région.
(Restons chez-nous p. 79)
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Les américains voulaient acquérir le pays
Comme ça sans savoir si la chose nous était agréable. Ils nous avaient fait place dans l’Union et
nous aurions eu notre étoile. Une étoile dans la grande constellation américaine, c’était
alléchant…Mais il eut fallu renoncer à l’espoir de devenir un peuple à part. Il est vrai que les
Anglais faisaient aussi de sérieux efforts pour nous barrer le chemin et nous empêcher d’arriver à
l’Indépendance. Ils se disaient nos maîtres et se plaisaient trop souvent à nous faire sentir la
pesanteur de leur bras…Il fallait la générosité et de l’abnégation pour courir à la défense de leur
drapeau. Nous ne voulions pas être anglais non plus. Le sang français ne s’était pas refroidi dans
nos veines. Il est comme le bon vin, il gagne à vieillir. Quelque chose nous disait d’attendre,
d’espérer… (Restons chez-nous p. 264-5)
Le 3e ban venait d’être publié
Le « marié » était arrivé chez sa future, avec son garçon d’honneur, son père et plusieurs amis.
Chacun se disputait le plaisir de l’héberger. C’était la veille du mariage, et il fallait fêter « la
mariée`». Les invités se rendirent, le violoneux en tête, chez le père Miquelon. Ils venaient dire
un tendre adieu à la jeune fille qui s’apprêtait à soulever un coin du voile mystérieux derrière
lequel se dérobent les femmes graves et les matrones prudentes. Ils venaient de lui faire les
souhaits qui jetteraient un trouble dans son âme inexpérimentée. (Restons chez-nous p. 329)
Le mardi gras
Les petits enfants s’imaginaient apercevoir sa face blême dans les vitres
fleuries de givre. C’était le souper du mardi gras, un souper joyeux et
tapageur. Le bruit des couteaux et des fourchettes sur les assiettes de
faïences, le tintement des cuillères sur le sol, la sonnerie des vers, les
apostrophes, les refrains, les éclats de rire, tout cela se mêlaient pour
faire la plus étourdissantes des musiques et le plus original des
tintamarres. C’était un regain de vieille gaieté à la veille du jeûne et de la
pénitence. (Restons chez-nous p.125)
Le bataillon de Colborne
Les pauvres fous que le bon curé Paquin venait de faire rentrer dans l’ordre étaient des patriotes.
Ils s’étaient réunis dans le couvent du village comme dans une citadelle. Il
entrèrent dans leur foyer, triste et la tête penchée comme sous le poids
d’une action mauvaise. Ils sauvaient leur vie pour ne pas perdre leur âme.
Mais Marc-André était reste, lui; il était resté seul. Il comptait qu’il en
viendrait d’autres et qu’enfin les bataillons de Colborne ne pourraient se
vanter d’avoir vu les portes s’ouvrir comme pour les recevoir et les mains
se tendre comme pour les supplier. En effet ceux qui avaient obéi à
l’injonction du curé, revinrent avec leurs armes et le front haut. (Restons
chez-nous p. 341)
Les faucheurs continuaient à promener leurs faux sonores dans la prairie
Le soleil de la matinée avait été chaud, le foin coupé la veille avait séché. Les faneuses, en
chapeau de paille, piquant dans le gazon les fourches de saule devenus inutiles prenaient les
râteaux aux dents de bois dur pour amasser les andains le foin plein de soleil. La serrée allait être
bonne et l’on entendait déjà le roulement des charrettes qui venaient de partout. Le foin engrangé
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dans des conditions heureuses serait un vrai régal pour les chevaux qui henniraient de plaisir et
pour les boeufs qui le secoueraient drôlement du bout de leur corne.
(Restons chez-nous p. 366-67)
Ils écoutaient la voix suave qui montait du fond de leurs coeurs
Il était fier de montrer son jeune cheval, son harnais blanc et sa carriole vernie de frais, proposa à
Catherine de la conduire chez elle. La jeune fille n’eut garde de refuser. Le « pont » était pris.
Une glace vive et miroitante couvrait toute la largeur du fleuve. Il fallait entendre le trot rapide
des chevaux, et le chant des « lisses « d’acier sur la route sonore. Les « balises » de sapin
fuyaient, deux par deux, comme si elles eussent été emportées par un torrent. Mais les jeunes
gens ne regardaient guère la plaine nouvelle, et n’écoutaient guère la sonnerie des grelots. Ils se
regardaient à travers le frimas léger qu’une buée froide attachait à leurs cils.
(Restons chez-nous p.326-327)
Le banc des marguilliers
Il crut donc avoir le droit de s’asseoir, à son tour, dans le banc d’oeuvre, et d’y recevoir l’eau
bénite et l’encens. Un beau banc, du reste, en bois dur faisant face à la chaire, garni, sur le devant,
d’un crucifix et de deux chandeliers d’argent comme un autel. Aujourd’hui on a enlevé, du banc
tant convoité, le signe du salut et les deux flambeaux, et les marguilliers sont descendus au rang
des autres mortels. Seulement est-ce la malice ou l’ironie? ils sont encore, en mainte église,
placés en travers des autres. (Restons chez-nous p. 360-361)
Le colon s’est taillé un domaine dans la forêt
Au milieu d’une éclaircies il a dressé sa maison; là où est son amour, sa joie, son cher espoir
.L’épouse paraît au seuil de l’humble cassine; du regard elle accompagne son homme qui
s’éloigne, la hache à l’épaule, en chantant. Le sentier serpente au grand soleil, entre les souches
noircies. (Chez nous p. 30 )
Pour que s’ouvre la grand-chambre
Il ne suffit pas qu’on ait de la visite. Avoir de la visite, c’est recevoir des parents, des amis : ce
sont des gens de la famille, presque de la maison. Ils connaissent les êtres: les voilà qui détellent
et mettent leur cheval dedans, ils s’installent. Ils sont quasiment chez-soi. On n’ouvre pas pour
eux-la grand-chambre.
Recevoir de la visite est autre chose. C’est une dame de la ville, qu’on a connue. C’est un prêtre,
ami de la famille. C’est un personnage… Il doit venir, tout est prêt pour lui faire l’accueil pour
lui, et la porte ne s’ouvrira pas pour les autres s’ouvrira pour lui. Mais la grande visite, la plus
belle de toute c’est celle de m. le curé. (Chez-nous p. 18-19)
La mère avait filé bien des aulnes pendant les longues soirées d’automne
Et toujours pour accompagner le grondement du fuseau où se tordait le brin soyeux, un refrain
d’ancienne chanson avait voltigé sur ses lèvres. Joséphine debout, avait tissé ses étoffes
nouvelles. Le bourdonnement du rouet le claquement des marches sous ses pieds vaillants, la
course étourdissante de la navette sur la chaine, le choc vif et dur des lisses sur la trame, tout
cela avait rempli la maison d’un bruit régulier et à ceux qui passaient devant la porte se
détournaient pour voir un peu les bonnes ouvrières, et mieux entendre les joyeux écho du travail.
Maintenant plusieurs pièces d’étoffe, rouée avec soin et recouvertes d’un drap à cause de la
poussière, attendaient, au grenier, l’heure du foulage. Elle arriva. (Restons chez-nous p. 418-419)
[Texte]
Page 133
Le père Gédéon tira sa pipe et son batte-feu
Il tira de sa poche de sa sou-verte, une pipe et un batte-feu, une pierre et un morceau de tondre .Il
fit sortir de la pierre des étincelles qui allumèrent la tondre odorante, et il se mit à déguster avec
une satisfaction profonde sa pipe culottée. (Restons chez-nous p. 499)
Papineau, la lumière qui éclairait le peuple
Nelson choisit ceux qui étaient les mieux armés, et les mit en embuscade
sur la route du colonel anglais, dans une maison de pierre. Marcel était
entré l’un des premiers. Papineau se trouvait là. O’Callaghan aussi. Ils
voulaient se battre se faire tuer pour la cause sainte. Mais Nelson ne le
permit pas. Leur mort eut été l’anéantissement de toute espérance. Ils
devaient vivre. Papineau surtout, car il était la lumière qui éclairait le
peuple, le souffle qui renversait la tyrannie. (Restons chez-nous p. 514)
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
A)
Abatteurs (27) Abitibi (36) activités estivales (34) activités forestières (53)actrice (26)
affuteur (28) agriculture (56) Ailleurs (22-35-37) alcool (7-26) allumette (35-45) ambulant (24)
Américain (42) Antonio (46) Appalache (43) arpenteurs (37) audition des livres (7)automne (39)
B)
Ball (11)Bas-St-Laurent (45) Batterie de cuisine (2) bâtiment (8) La Bean (61) Beauce (40)
Beaugrand H.(13) Beauvoir (40) bed à bœuf (5) berceau (20) besoin (25) bêtes (59)beuf bible
(26) billots (29-31) blag à tabac (9-23) bois (21-22-33-34-35-52) bouilleux (1) bloc-note (18)
ber (20) bois (22-37)
Boisclerc J. (6) Boisvert(31) Boite à bois (4) boite de bois (12)
Boisvert (31) branches (27) Bucherons (1-24-27-30-35-36-38-46) buch saw (39) bucheux (14)
C)
Cabane (25) cadeaux(18) cageux (31) Calfeutrage (5) Camp (1-8-25-30-42-45-49) Canada (48)
cantons (54) Caraquet (6) caribous (36) carrière (49) castor (48) cataplasme (27) causeuse (11)
centre d’interprétation ( 37)cercueil (23) champ (36)changements technologiques (25)
chantier (26-36-39-41)Chapleau (56) Charlevoix (40-41-42) charretier (29-37-39-49) chassegalerie (13)chasse et pêche (50) chasse à orignal (17) chemin de fer ( 44) chenille (13) chevaux
(15) chevreuil (36) chiens (9) chore boy ( 1) clenche de porte (13)colon (44-55) colonisation (53)
commerce du bois (51) commis (7-37) compagnie (18-50) Comptois M, (19) conditions (40)
conducteur (37-39) conflit (45)construction navale (1) contes (58 à 64) conteur (13)
contremaitre (6-33-37-38) cook (1) coopérateur (51)coopérative (50)cordage ( corde à linge (7)
corps (23) Côte Nord (46) courrier (12) couteau croche (11) crazy-weel (29) Crète J. (46) crise
(38) crochet (32) crocher (32) cuisiniers (1-2-3-37) culture (44) cultivateur (45) Cyr (22)
[Texte]
Page 134
D)
Damphousse (12) dance carrée (10) danceux (9) danger (32)débardage (29) déguédine (20)
dentiste (15) Deslauriers A. (6) Diderot (13) dimanche soir (11) divertissements (11)
doloire 28) Domtar (48) Donahue Brothers (42) dortoir(5) draveur (30-37-39) dynamite (33)
E)
École (55) Écurie
(14) enclume (15) écorcheuse (27) embâcle
(32) émoi (31)
enrichissement (51) entrepreneur (43) entreprise (50) épicier (15) équarisseur (23)
équipement (30) équipage (26) érable (21) essor laitier (40 erreur boréal (52) estacade (33)
Estrie (51) état ébriété (13)
F)
Faiseuses de veuves (27)farine (43) fauteuil (20) Félix Leclerc (6) fêtes (10-21) Français (48)
feu (35) feu de forêt (19)feu follet (64) feu de forge (15) fièvre du samedi (11) forêt (24-39-4243) forge (14) forgeron (14) fromagerie (41) on fume (9) fumée (19) franc-renard (32)
G)
Gaffe (31-33) Gaspésie 62) géant (62) gélinotte (36) guerre (51) Gigueux (10) godendard (39)
gomme d’épinette (13) goulot de triage (33) grand boss(6) Grande-Bretagne (24-44) Grande
Piles (35-46) grange (46) Grégoire 55) grève (38-39-49) grise (15) guerre mondiale (50) gueuse
(21)
H)
Habit (25) hache (23-24) haltérophilie (22) happy town (20) hiérarchie (3) hangar principal (8)
histoire (13) homme (43) homme religieux (26) Huron (48)
I)
Industrie (42-48-49) interprétation (21-36)
J)
Jacob (59) Jack de bois (59)Jobber (7-38) Jodoin (58) Joseph (40) Joson (30) jour (27)
K
Kérosène (4-26)
L)
Labelle (54) laine (23) lait (41) lame de rasoir (12) La Mennais (13) Laurence (23)
Laurentides (48) Laurier (14) lavage (8) Lefebvre (55) légende (63) lièvre (36) loisirs (9)
loup (36)
M)
Madawaska (43) Maine (41-43-44) makina (30) maison hantée (64) Malbaie (49) mangez et
sortez (3) marqueur (18) marteau (41)mat (51) Mauricie (46) méandre (31) mécanicien (37)
Méchin (62) Mégantic (51)
Mercier (56)mésange (53) métiers (36-38-45) meule (5) Minerve
(55) minuit (16) Monferrand (22-35)Montréal (48) mort (21), mort de Joson 30) moulin à scie
(34-55) moustique (17) mouton (23) Moyen âge industriel (1) musée (21-35-36-48) musique à
bouche (10)
N)
[Texte]
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Neige rose (5) Nouveau- Brunswich (24-43-45) Nuit (16-31)
O)
office (7) oiseau (61)on fume (9), ora pro nobis (13), orignaux (17-36) Ottawa (57) Outouais (45447) outil (17-32) outillage (26)
P)
Paie (45) paroisse (54) pâte à papier (35-46) père (60) période d’exploitation (1) Pichet (4)
performance (26) pin (53) presbytère (55) Price (45) prince (60) producteur (51) photos
d’actrices (26) pipe (23) pitoune (20) poêle à deux ponts (4) poissons (13) poste de traite (47)
potasse (24) poux(5) Price (46) prière du soir (12) province (23) psalmodiant (13)
Q)
Québec (22-35-50) quota (39)
R)
Radeau (34) rameau de Saint-père (54) renard (36) repos (5) des riens (9) revendications (40)
révolution tranquille (52) rivière(36) rochers (19) La Ronde (13) roi (23-56-60) Rousseau (13)
S)
Salaire (32-46) samedi (11) sauvages (21) Savard A, (41) serveurs (3) salle à manger (2-9)
scie (28)sciage (34) scie de long (24) scieur (27) sciage (34) scrimshaw (12) sceau d’eau (19)
Sherbrooke (51) signature (23) soir (21) souche (20) squatter (24) steak d’orignal (7) superviseur
(38) syndicat (25)
T)
Tables (4) tâche (32)tarière (34) taxe (42) tellers’ board (18) temps (16) Témiscamingue (39)
terre (36-57) testament (23) Thé (3)tombe (20) toiseur (18) tradition (23) train de bois (34)
traineau (29) traité 42-(44-45) transport (28-36) travail (38-39-49) travailleurs forestier (47)
triage (33)Trois-Rivières (35) tronçonneuse (28) troupeau (36) tourne-bille (32) truie (4)
tuque (20) Tuilerie (13)
U)
UCC (Union Catholique des Cultivateurs ) 47 Mégantic (51)
V)
Valade C. (14) vers sapeurs (20) veuve (61) viande neuve (7) violoneux (9) voiture (36) Voltaire
(13) vitesse (31) Versailles (14)
W
Wache (36)
[Texte]
Page 136
J’ai lu
-
Ah! mes aïeux, en 1867, Jacques Hébert, 1968
Un homme à la hache, Adolphe Nantel, Ed. Albert Lévesque, 1932
Un ancien racontait, Damase Potvin, Ed. du Terroir, 1942
L’appel de la terre, Damase Potvin, l’événement, 1919
Autour de la maison, Michelle LeNormand, Ed. du Devoir, 1916
Au fond des bois, Blanche Lamontagne Beauregard, Mtl,
Le Canada chanté, Albert Ferland, Mtl, 1909
En pleine terre, Germaine Guévrement , Fides, Montréal & Paris, 1942
Fleurs de la poésie canadienne, A. Nantel, ptre, Beauchemin,1912
Marie Didace, Germaine Guèvrement, Beauchemin , Mtl 1947
Marie-Calumet, Rodolphe Girard, Fides, 1973
La moisson nouvelle, Blanche Lamontagne-Beauregard
Menaud maître-draveur, Fides, 1945
La moisson nouvelle, Blanche Lamontagne-Beauregard, Mtl. Biblio. de l’action
nationale, 1926
Origine littéraire du Canada français, U, d’Ottawa, 1951
Les rapaillages, Abbé Lionel Groulx, imprimé au Devoir 1916
Restons chez-nous, Damase Potvin, Ed . J. Alf Guay, Librairie Française, Qc.
Sur la grand route, Damase Potvin, Ed Ernest Tremblay, 1927.
Le Survenant, Germain Guèvremont, Beauchemin, Montréal, 1945
La terre ancestrale, Louis-Philippe Coté, Ed. Marquette, 1933
La terre paternelle, Patrice Lacombe, HMH, 1972
La terre que l’on défend, Ed. Edouard Garant, 1928
La vielle maison, Blanche Lamontagne, L’Action française, Mtl, 1920
La Scouine, Albert Laberge, 1899-1917
Grand merci à Adolphe Nantel pour 233 pages inspirantes de son livre :
« Un homme à la hache », Réédité « Au Pays des bûcherons ».
[Texte]
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Le Nord Stoke : terres ancestrales des Goupil
3 Goupil et 3 sœurs Roy s’établissent à Stoke de 1899 à 1906
Joseph, Louis et Dominique quittent Saint-Lazare, comté de Bellechasse et arrivent à Stoke.
Quand on connaît les goûts personnels des Goupil on ne peut que constater que le choix du site
d’établissement a profondément imprégné la mentalité de ses descendants.
En effet les terres du Nord-Stoke sont montagneuses et fortement boisées. On
pourrait même ajouter que c’était un terrain difficile pour l’agriculture. C’est
pour cette raison que la surface défrichée, cultivée par les colons qui sont
arrivés sont demeurées très modestes.
Pour suppléer à ce manque à gagner de la terre, les habitants durent se tourner
vers le boisé qui constituait une véritable richesse. Bûcher était une nécessité
commerciale. Pour plusieurs Goupil qui ont suivi la forêt fut plus qu’un passe-temps. Elle devint
leur passion et leur occupation principale.
(Extrait du livre « Histoire des Goupil…» par Jean Dubé et Pierrette Gamache.
«Ils ont été dans la peine : qu’ils soient aujourd’hui à l’honneur »
Monument de Louis Hébert à l’Assemblée nationale de Québec.
François Goupil et Alice Gamache
Joseph Goupil et Olivine Roy devait commencer à être désespérés. Ils étaient mariés depuis
plus de 2 ans et ils n’avaient pas encore d’enfants. Puis le 13 mars 1895, à Saint-Lazare, ce fut
une occasion de réjouissance pour eux puisque Olivine donnait naissance à un beau garçon bien
en vie. Le nouveau-né reçut le nom de François, mais dans sa vie adulte, on le connaîtra sous le
nom de Frank.
Sa promise, une jeune femme de 21 ans, avait pour nom Alice Gamache. Elle était fille de
Jonhny Gamache et d’Anésie Duplin demeurant dans le 6erang de Stoke.
Leur mariage a été célébré à Saint-Philémon de Stoke. Les Gamache
étaient une famille pionnière de Stoke arrivé en 1874.
Après leur mariage, Frank et Alice prirent logement au centre du village de
Stoke. La maison était alors la propriété d’un Duplin. Les nouveaux mariés
y habitèrent de 1918 à 1922. C’est dans cette maison que sont nés les trois
premiers enfants du couple : Jules, Valère et Thérèse.
À cette période Frank travaillait comme bûcheron pour Évangéliste
Rouleau du 12e rang. En 1922, la famille déménagea dans la petite
maison à côté de celle de la mère de Frank au coin du 11e rang. Comme les
enfants continuaient d’arriver et que la maison devenait de plus en plus
exiguë, en 1925, Frank et Alice, en 1925, Frank et Alice jugèrent qu’il était
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temps de se trouver une place permanente pour habiter et élever la famille.
L’endroit choisi fut une terre sur le dessus de la côte du 8e rang ouest. Elle était la propriété de
Johnny Dubreuil et comprenait une grande maison de 3 étages. C’est donc dire qu’on pouvait
songer sans crainte à agrandir la famille. En s’établissant à cet endroit Frank abandonnait la vie
de journaliste et devenait cultivateur. Il se dota d’un troupeau d’une dizaine de vaches et vécut
principalement de l’industrie laitière.
L’hiver quand la production laitière s’arrêtait ou diminuait, Frank partait pour aller bûcher
aux Etat-Unis pour ne réintégrer son domicile qu’au printemps. Plusieurs années plus tard, soit
vers 1945, il agrandit son domaine terrien en achetant la terre voisine de la sienne, celle des
Provencher (Aimé) bordant la rivière de Stoke.
Quand à Alice qui avait enseigné avant de se marier, elle retourna dans l’enseignement au 11e
rang en 1955. Elle le fit pendant 2 ans jusqu’à ce qu’une phlébite l’oblige à arrêter. C’est à cette
époque que (vers 1957-1858 ) que Frank eut sa première automobile, une Pontiac 1955, couleur
verte, que son fils Valère conduisait pour lui les première fois. Certains ont qualifié sa conduite
de dangereuse et ont avoué qu’il n’aurait jamais dû avoir de permis de conduire.
Frank étit un homme qui n’avait pas de vices: il ne fumait pas et il ne buvait pas. Il aimait chanter
et il lui arrivait de le faire dans les veillées comme
celles qui se passaient chez l’oncle Dominique entre le
13e et 14e rang.
Quant à Alice elle était une femme ricaneuse qui pouvait
rire aux éclats dans certaines situations cocasse comme, par
exemple quand Frank se cognait sur un porte d’armoire, Par
contre, elle-même a trouvé moins drôle la fois où elle
portait une chaudière de lait et qu’elle est tombée sur le
derrière dans l’herbe mouillée. Ses filles en ont ri
longtemps, mais pas elle qui a eu très mal à son orgueil et à
son « fond ».
Le trait principal qu’on retiendra de Frank et Alice est qu’ils étaient des gens aimant beaucoup recevoir.
Le dimanche midi, il y avait toujours du monde à la maison pour dîner. C’est sur le perron de l’église que
l’invitation était lancé par Frank à toute la parenté qui ne se faisait pas prier pour accepter l’invitation.
Bien souvent, Alice devait faire deux tablées pour pouvoir satisfaire tout le monde qui avait été invité.
Il arrivait qu’ aussi que les petits amis ou petites amies des garçons et des filles soient invitées
aussi. Ça pouvait donner lieu à des scènes cocasses comme une fois où Alice avait passé des
sachets de thé après le repas. Comme ses sachets étaient une nouveauté à l’époque cela ne
manquait pas de susciter de la part de la petite ami de Léo cette remarque candide: « C’est fin
hein! ces petites poches-là, et ça garde les graines ensembles! » Inutile de vous dire que cette
remarque anodine, avait suscité bien des éclats de rire de plusieurs personnes dont Rémi Tailllon.
François le grand courseur. Un des traits dominant de François auquel on ne peut passer sous
silence est le fait qu’il n’était pas capable de marcher, il fallait qu’il coure. Un jour ses enfants
l’ont chronométré alors qu’il revenait du village avec une poche de sucre, du village jusqu’à la
maison du 8e rang O. Croyez- le ou non, le trajet fut complété en 2 minute et demi.
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On raconte qu’un jour alors que Frank devait avoir 40 ans, une course avait été organisée pour
savoir qui serait l’homme de Stoke le plus rapide pour se rendre de la maison de Winslow
Lemire jusqu’au village. Gérard Dubé qui aurait bien voulu courir la distance s’informa d’abord:
« Si Frank est de la course, moi j’embarque pas » Effectivement la course fut gagnée par Frank.
Frank, conseiller municipal. François portait un grand intérêt à la chose municipale, mais c’est
seulement à l’âge de 62 ans qu’il songea à se présenter lui-même aux élections de 1957. Il fut élu
et eut le plaisir de siéger en même temps que son fils Valère qui était déjà au conseil depuis un
an. François demeura conseillé pendant 2 ans, soit de 1957 à 1959.
En 1959, alors que Frank avait 64 ans, il vendit sa ferme à André Guillemette et Françoise
Bourque et acheta une maison au village de Stoke. Cette maison située à 408 rue Principale est
maintenant la maison de Olivier Goupil. Onze ans après avoir acheté la maison du village Frank
est décédé le 16 octobre d’un cancer de la prostate. Alice demeura encore deux ans dans sa
maison qu’elle vendit à Olivier pour s’en aller demeurer à Sherbrooke au foyer saint Joseph. Ce
fut une mort douce comme celle que chacun se souhaite pour lui-même. Alice est décédée (1979)
dans sa chaise en se berçant. (Histoire des Goupil... p. 131 à 133)
Jules Tremblay et Maria Goupil
Robert Tremblay
Comme à peu près tous les jeunes de ce temps-là, Jules a commencé sa vie d’homme en
travaillant dans le bois. C’est ainsi qu’il se retrouva au
Nouveau-Brunswick pendant une couple d’année pour la coupe
de sapin de Noël. Puis il revint à Stoke et y dénicha un emploi
de bûcheron pour la Compagnie Canada Paper qui avait de
vastes successions dans Stoke. Il eut alors pour compagnon
Joseph Goupil et Aldéric Gamache. Toujours à Stoke, il fut
engagé au moulin à scie Duplin près du 10e rang. Alors
que Jules était marié et demeurait à Stoke, il arrondissait ses
fins de semaine en jouant au barbier chez-lui au village de Stoke le samedi et le dimanche. Le
grand changement pour lui et sa famille
en 1942 quand il fut engagé au moulin de papier de la
La famille comportait alors une dizaine d’enfants vint s’établir dans cette ville où elle vécut
successivement dans les appartements de la 4e avenue, de la rue Brown et de rue Principale Nord.
Le moulin de Windsor permit aussi à plusieurs autres jeunes de Stoke de se trouver un emploi à
la même époque et de venir y faire leur vie. Citons entre autres: Aldéric Gamache, Marcel
Dubreuil, Aloys Perreult, et Romuald Rouleau. Pour Jules et Maria leur dernier enfant devait
naître à Windsor le 26 mars 1943, on lui donna le nom de Claire.
Étant jeune, Maria Goupil, l’épouse de Jules a travaillé dans les maisons. Chez James Gamache
qui habitait le 6e rang de Stoke. Maria était connue comme une femme de caractère, une petite
« grippette » dirait certains. C’était elle qui menait à la maison. Cela n’empêchait pas Jules de
s’emparer du fourneaux quand il en avait le temps car il aimait beaucoup cuisinier et c’était
toujours bon. Maria avait aussi l’habitude de faire tout ce qu’elle entreprenait avec fougue et
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rapidité. À titre d’exemple, mentionnons que lorsqu’elle avait décidé qu’elle avait faim et qu’il
était temps de déjeuner les toasts entraient vite dans le grille-pain.
Maria a nourri ses enfants au sein aussi longtemps qu’elle
nature le permettait. Cela avait l’avantage de procurer un certain
répit à la femme étant donné que la lactation était le seul moyen
anticonceptionnel chez les femmes de cette époque. À cela,
ajoutait la fait que le bébé couchait avec sa mère jusqu’à
l’arrivée de l’enfant suivant. Cela avait plusieurs avantages dont
celui de garder le bébé au chaud dans les maisons mal
chauffées d’autrefois et qui sait si cela n’ajoutait pas un
autre moyen anticonceptionnels vis-à-vis un époux trop entreprenant.
Moulin Duplin
Tous s’entendent pour dire que Jules était un joyeux bout-en-train qui avait le don
d’amuser les autres et les faire rire, ce dont il ne se privait pas. Ce qui lui permettait de se
mettre en valeur était son incontestable talent de chanteur qui exerça d’abord à la chorale
de l’église de Stoke puis ensuite à celle de Windsor. Mais c’était surtout dans les veillées
qu’il pouvait donner sa pleine mesure. Certains se souviennent encore des fois où il chantait
avec émotion et passion la célèbre chanson « Souvenir d’un vieillard ». Tout cela s’ajoute à
son talent d’imitateur et son esprit moqueur qui en faisait un humoriste né. Résumons
tout cela en disant qu’il aimait s’amuser et amuser les autres et que la fête atteignait son
maximum quand un petit coup de boisson accompagnait le tout.
(Histoire des Goupil, p. 159-160)
Léon Goupil & Marie-Anne Jetté
Jeannine Goupil Lacasse
Léon fils de Jos Goupil et d’Olivine Roy est né à la maison paternelle située sur la route 216 près
du 11e rang de Stoke.
Le 23 novembre Léon épouse Marie-Anne Jetté, née le 6 mars 1913, fille aînée de Stanislas
« Pit » Jetté et de Jeanne Venner du 10e Rg de Stoke.
En 1939, Léon achète avec son frère Louis la terre paternelle et la divise en deux parties égales :
200 acres à chacun. Louis garde la partie où sont les bâtisses, tandis que Léon construit sa
maison et sa grange avec l’aide de son beau-père.
Léon et Marie-Anne entrent dans leur maison à l’automne de la
même année. Léon défriche et cultive sa terre et grossit également
son troupeau d’animaux.
En 1949 il décide de reconstruire une grange plus grande. Le 26 nov.
1954, 5 ans plus tard, celle-ci passe au feu, il épargne heureusement ses
animaux.
En 1955 Léon et Anne-Marie achètent la ferme de Irené Perreault
située au 10e rang et s’y installe avec leur 11 enfants et un douzième
avait en 1957.
La famille est composée de 12 enfants dont 8 sont nés à la maison
familiale.
Léon et Marie-Anne ont gardé leur terre sur la 216. Comme elle est
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partie boisée en érable à sucre ils ont continué à faire les sucres pendant 41 ans. Après avoir
vendu, cette terre le 16 octobre 1974 à leurs garçons Paulin et Gaston, chacun 100 acres.
Dans le 10e Rg Léon cultive la terre et garde des vaches laitières. Marie Anne s’occupe de
l’éducation de ses enfants et confectionne toute la couture pour sa famille.
Cabane à sucre Goupil
Après le départ des enfants elle s’occupe à faire des courtes-pointes et des tapis etc. À chaque
Noël, elle gâte les siens en leur faisant : des bas, des mitaines, des pantoufles, etc.
Elle est décédée le 12 février 1987. Après son départ Léon continue de s’occuper de sa ferme.
Son fils Jacques demeure avec lui.
À l’automne 1988, Léon vend sa terre à sa fille Ginette et René Grenier. Il va donc demeurer au
HLM de Stoke.
Joseph Goupil et Hélène Bélanger
Madeleine Goupil
Il ne se passa pas beaucoup de temps avant que le jeune soldat revenu d’Angleterre se choisisse
une compagne et se marie. L’heureuse élue s’appelait Hélène Bélanger, originaire de Stoke où
elle était née le 27 juin 1902. Leur mariage fut célébré le 30 décembre 1919. La jeune épouse
avait 17 ans et son époux 23. Avant de se fixer quelque part Joseph et Hélène passèrent la période
des fêtes et du nouvel an dans leurs familles de Stoke.
20 ans de déménagements. Une semaine après leur mariage, Joseph et Hélène déménagèrent à
Valcourt. Grâce à un programme d’aide aux vétérans de la guerre de 19141918. Joseph avait pu bénéficier d’un programme d’aide pour l’achat d’une
ferme dans ce petit village des Cantons de l’Est. Sur cette terre, il y avait
quelques vaches laitières et c’est avec cela que la jeune famille réussit à
survire pendant 2 ans. Presque qu’un an après leur arrivée à Stoke subirent
la terrible malheur de voir leur 1e enfant mourir. Dans le ventre de sa
mère. En effet le registre paroissial de Saint-Joseph de Valcourt nous dit que
c’est le 3 novembre 1920 qu’un enfant de sexe masculin, ondoyé à la
naissance par le médecin qui l’accouchait a été inhumé dans le cimetière de
cette paroisse.
Après 2 ans à Valcourt Joseph avait trouvé que l’argent était trop dur à gagner sur cette terre
et il déménagea avec Hélène à Trois-Rivières où il s’était trouvé un emploi dans une
manufacture. Ils y demeurèrent 2 ans. De nouveau Hélène était enceinte et le couple avait décidé
que les enfants naîtraient à Stoke dans un endroit familier. Cette fois-là la grossesse suivit son
cours normal et aucun problème particulier ne survint. Le bébé naquit le 27 mars 1924. C’était
une belle grande fille pleine de santé et on lui donna le nom de Madeleine. Ce furent les grandsparents Bélanger (Joseph et Délicasse Poirier)qui en furent les parrains et marraine. Ce retour à
Stoke fut aussi l’occasion pour Joseph et Hélène de se trouver tous deux un nouvel emploi. Leur
patron c’était M.et Mme Biron qui avait une ferme en face du lac près du 6e rang.
Les Biron travaillaient tous deux à l’extérieur: lui était président d’une Banque et elle modiste
de chapeau. Ils avaient donc besoin de quelqu’un pour s’occuper à plein temps de leur ferme et
de leur maison. C’est ainsi que Joseph prit soin des poules et des travaux de la ferme et Hélène
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occupa son temps à l’entretien de la maison. La petite famille de Joseph Goupil demeurait à la
maison des Biron. Cette situation dura 2 ans.
Ensuite, la famille déménagea dans le logement de monsieur Malenfant à Stoke. Joseph trouva
du travail dans les bois de Stoke comme bûcheron pour la Compagnie Canada Paper connue
sous le nom de la Domtar. Ainsi commençait pour lui un emploi qui allait durer jusqu’à sa
retraite.
Vers la fin des années 20, Joseph profita de l’offre de sa mère de venir s’installer pour quelques
temps dans la petite maison située sur la route 216 près du rang 11. Le logement était petit et
rustique, mais au mois, il ne coûtait rien et permettait de survivre aux temps difficiles. Pendant
tout ce temps, Joseph tirait toujours son revenu principal de la forêt. Cette vie de misère, qui
avait au moins l’avantage de se passer à proximité du giron familial durant 7 ans. Certains étaient
heureux de vivre là et en particulier Madeleine qui aimait beaucoup sa grand-mère Olivine qui
habitait tout à coté et qui la dorlotait. Mais Hélène Bélanger ne partageait pas les mêmes
sentiments que sa fille à l’égard d’Olivine Roy et espérait ne pas devoir vivre près d’elle très
longtemps. Elle, son époux et sa fille demeurèrent quand même à cet endroit pendant 7 ans de
1930 à 1937.
Joseph et sa famille habitèrent pendant 2 ans dans la maison de Lionel Roy près du village puis
ensuite un autre deux ans dans le bloc-appartement d’Évangéliste Rouleau au village. Les Goupil
occupaient un logement du 2e étage juste au-dessus de la cordonnerie du village. À l’hiver de
l’année 1941, la maison fut détruite par le feu et la famille de Joseph dut trouver refuge chez l’un
de ses beaux-frères. Puis à l’été ils louèrent une maison du 8e rang où leur séjour dura un an.
Suivit une période de 5 ans où le couple Bélanger-Goupil revint résider au village dans la maison
du médecin Bédard. En 1944, la période des déménagements à répétition se termina
définitivement lorsque Joseph et Hélène achetèrent de Blanche Murphy au coin du 9e rang.
C’est dans cette maison que Joseph et Hélène vécurent le reste de leur vie et Madeleine, ses 4
dernières années de jeune femme célibataire.
La maison de Joseph et d’Hélène un centre d’accueil pour la famille
La petite maison blanche au coin du 9e rang de Stoke devient au cours des années un véritable lieu
d’accueil pour les membres de la famille Goupil et Bélanger qui arrivaient à la
fin de leur parcours terrestre. Tour à tour, le tapis rouge fut déroulé pour Joseph
Bélanger et Délicasse Poirier, les père et mère d’Hélène Bélanger. Amazalie
Roy épouse de feu Dominique Goupil, vont s’y réfugier dans les années 50.
Elle était encore en bonne santé et c’est le 4 février qu’elle est décédée à l’âge
vénérable de 87 ans. Enfin, Olivine Roy, clouée au lit à cause de sa fragilité
osseuse, vint y habiter de 1959 à jusqu’à sa mort survenue le 16 juillet 1963 à
l’âge de 90 ans. Cela témoigne du très grand esprit d’abnégation de Joseph et
d’Hélène. Il est bien certain que Hélène ne portait pas particulièrement sa bellemère dans son cœur mais elle lui offrit néanmoins son hospitalité et prit soin
d’elle du mieux qu’elle put en laissant de côté ses rancoeurs personnelles.
Hélène Bélanger
Madeleine nous a mentionné que sa mère avait été assez autoritaire. C’est elle
qui distribuait les punitions et les tapes. Quand Madeline avait désobéi à un interdit comme celui de ne pas
aller dans la maison de sa grand-mère Goupil. Il faut dire que les tapes et les bâtons étaient la
mesure disciplinaire courante du temps passé, mais pour une jeune fille sensible comme Madeleine,
cela fut sûrement un dur moment à passer. Hélène ne faisait pas cela par méchanceté et on ne sait pas sur
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qui reposait son antipathie envers sa belle-mère. Quand Madeleine devint adolescente sa mère se mit à la
gâter et lui faire des cadeaux comme pour se faire pardonner son intransigeance passée.
Joseph Goupil
Joseph Goupil a travaillé très dur toute sa vie pour faire vivre sa famille. Comme bien d’autres
hommes de cette époque. Joseph n’était pas un homme bavard. Dans le couple ce n’était pas lui
le plus autoritaire. Selon Madeleine son père lui a donné une seule tape de toute sa vie. À partir
de 3 ans elle a suivi ses parents parce qu’elle dû être plus disciplinée que de coutume à table. Il
l’a sans doute beaucoup regretté parce qu’il ne l’a jamais refait par la suite.
Comme la plupart de ses frères et soeurs, Joseph était un grand marcheur par nécessité. Par exemple, nous
dit Madeleine, le dimanche matin, il fallait faire 3 milles à pieds pour aller à la messe et en revenir. À
partir de 3 ans elle suivi ses parents en trottinant derrière et devant. C’est probablement cet exercice
hebdomadaire et le rude travail de bûcheron qui ont si bien conservé Joseph jusqu’à 90 ans et 7
mois.
(Histoire des Goupil, p.148 à 153)
Jean Goupil & Nicole Martel
Jean est né le 16 avril 1940. Après ses études primaires à Stoke il a suivi des cours par
correspondance afin de continuer à travailler sur la ferme de son père. Puis comme bien d’autres
Goupil avant lui il a senti pendant 4 ou 5 ans
l’appel des chantiers de bûcherons et il a connu
ceux de Chibougameau, de Port Cartier, et de
Berlin, New Hamshire.
Le 26 octobre 1963, il a épousé Nicole Martel, né
à Stoke le 30 septembre 1945 de Énoch Martel et
de Yvonne Delorme. Nicole selon la coutume de
l’époque avait travaillé dans plusieurs maisons
privées et dans une manufacture de Sherbrooke.
Peu après leurs mariage, Jean et Nicole ont
acheté la terre des beaux-parents soit celle de
Énoch et Yvonne Martel au coin du 10e rang et
ils y sont demeurés jusqu’en 1994.
Après quelques années comme cultivateur, Jean se tourna progressivement vers le transport du
bois au moulin de la Domtar avec son propre camion (1966-1969) puis ensuite (1970-1991), il
transporta le bois pour Desmarais, Archambaault, Perreault, l’UPA et autres.
Après tant d’années dans le camionnage, il en eut assez des camions et retourna à ses premiers
amours, le métier de bûcheron en travaillant pour son frère Réal, contracteur à la Domtar.
Après 12 ans il est toujours là et malgré ses 66 ans il est toujours son meilleur bûcheron.
Jean & Nicole ont eu 5 enfants: Sulvain, Marc, Marie-France et Mélanie.
« On ne le voit pas toujours le petit « campe » du colon caché la plupart du temps derrière un
pan d la foret. Quelques animaux paissant parqués dans les enclos formés de rondins
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Après 12 ans il est toujours là et malgré ses 66 ans il est toujours son meilleur bûcheron.
Jean & Nicole ont eu 5 enfants: Sulvain, Marc, Marie-France et Mélanie.
« On ne le voit pas toujours le petit « campe » du colon caché la plupart du temps derrière un
pan d’ la foret. Quelques animaux paissant parqués dans les enclos formés de rondins
superposé, ou folatrant au grand air de la liberté, en pleine forêt. (Damase Potvin)
Louis Goupil et Adrienne Coté (Jean)
Louis le plus jeune des trois Goupil émigre à Stoke. Ce dernier est le demi-frère de Dominique et de
Joseph puisqu’il est issu du 2e mariage de Félix Goupil. Il fut le 4e enfant de Mathilda Chabot le 22
octobre 1881 à Saint-Lazare et reçut le nom de Louis Onésime le 24 du même mois. il avait 15 ans de
moins que Dominique et 14 de moins que Joseph. Tout porte à croire que qu’il est arrivé à Stoke avec
son frère Joseph en 1899 et qu’il l’a aidé à s’établir près
du 12e rang de Stoke. Il est demeuré la plus grande partie du temps avec lui et cela au moins
jusqu’à son mariage.
Louis a vu le jour le 28 août 1906 et a été baptisé 3 jours plus tard, soit le 31 août. Ses parrains et
marraine furent Alfred Saint-Cyr et Malvina Bellerose. Il
fréquenta l’école primaire juste assez longtemps pour apprendre
le rudiment de l’écriture. Après la 2e année il était suffisamment
instruit pour travailler sur la ferme de son père (Jos).
En 1939, alors que Louis avait décidé qu’il était grand temps, à 33
ans, de laisser le célibat. Sa mère ne trouva meilleur cadeau à lui
faire que de lui donner une partie de la terre. Celle qu’il reçut en
héritage, était précisément la terre originale que son père avait
achetée. En 1899, pour 162.50 $. Cet acte de donation entre vif n’a cependant été fait que le 29
août 1942 devant le notaire Chénier Picard.
La même année que Louis et Léon s’apprêtait lui aussi à faire le grand saut de la vie
matrimoniale et il reçut l’autre moitié de la terre. C’est Louis qui prenait alors possession de la
vieille maison paternelle dans laquelle sa vieille mère habitait toujours. Il prenait aussi
possession des autres bâtisses, des animaux et instruments aratoires.
Celle qui allait devenir son épouse était une jeune femme timide du nom d’Adrienne Coté. Elle
était née à Saint-Lazare le 9 décembre 1917 avait 21 ans. On ne sait rien des circonstance de leur
premières rencontres et de la naissance de leur amour. Le mariage fut célébré à Saint-Claude le
14 septembre 1939. C’est à ce moment-là que Louis et Adrienne eurent leur première surprise.
En effet, ils découvrirent tous deux que le prénom qu’elle avait reçu au baptême était plutôt celui
d’Antoinette. Elle décida tout de même de continuer à se faire appeler Andrienne.
Pendant plusieurs années, le nouveau couple habita dans une petite maison située tout à coté de
celle d’Olivine Roy Goupil. C’est là que sont nés les premiers enfants. A une certaine période,
André et les jumeaux coucheront chez « mémére » Goupil et Murielle partagea le lit de sa grandmère. Ce n’est que quelques années plus tard, en 1955, que Louis se trouva assez en moyens
pour construire sa propre maison à quelques dizaines de pieds de la maison de sa mère. La
nouvelle construction avait un carré de 26 pieds sur 36 et comportait 2 étages. Une grande galerie
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couverte faisait toute la façade de la maison et donnait sur la route 216. Louis avait vu juste en
construisant grand et en prévoyant de l’espace pour de nombreux enfants. En effet il en vint plus
qu’il ne l’aurait jamais pu espérer.
Après avoir travaillé pour son frère Joseph pendant de
nombreuses années. Louis décida qu’il était temps de se
séparer de son frère et voler de ses propres ailes. En 1911,
son tour est venu de se marier avec une petite Roy. Celle
qu’il choisit fut Armélia, la plus jeune des filles née à Saint
Lazare le 3 octobre 1890. Le mariage eut lieu à Saint-Lazare
le 16 mai 1911. Dans le registre paroissial de Saint-Lazare,
on mentionne que Louis était cultivateur à Stoke. Cela
semble signifier que Louis serait demeuré à Stoke avec son
frère Joseph de 1899 à 1911. Cependant, comme son frère
Joseph n’était pas très riche il n’a pas dû lui payer un très gros alaire. Louis n’avait
vraisemblablement pas l’argent pour s’acheter une terre et se bâtir une maison. Pour gagner un
peu d’argent avant son mariage et peut être aussi après, il est allé travailler aux E.U. comme
draveur. Il revient à Stoke en 1912 pour s’y établir définitivement. Armélia était enceinte de
son premier enfant et il lui restait un peu moins de 2 mois avant d’accoucher. Louis acheta une
terre du côté de la route 216 actuelle, entre le rang 12 et 13.
Sur cete terre, Louis y bâtit sa petite maison à deux étages et y vécut pauvrement d’agriculture avec
quelques vaches sur une terre qui n’a été que très partiellement défrichée. Ce furent des années difficiles
d’autant plus que, les enfants au nombre de 14 sont venues après leur mariage de Louis et Armélia durant
la période comprise en 1920 et 1922
durant laquelle il n’y eut aucune naissance.
Pour Louis et Armélia de grands changements à partir de 1943.
Louis et Armélia ont décidé de quitter. Il était évident que la terre de Stoke ne rapportait pas
assez pour faire vivre la famille qui comptait 9 enfants à la maison. La maison était vraiment
rudimentaire. Le 2e étage qui ne comportait aucune division servit de dortoir pour les enfants. On
m’a raconté que l’hiver ce n’était pas très chaud. Déménager n’était donc pas un luxe, un
caprice.
À 61 ans Louis se sentait encore suffisamment en forme pour repartir à neuf. Le 17 mai 1943, il vendit sa
terre à Wilfrid Veilleux pour la somme de 3000 $ dollars. Deux mois de demi plus tard, soit le 31 juillet,
C’est Michel Goupil qui la rachetait pour la somme de 3800$.
Quand à Louis et Armélia, ils vinrent jeter leur dévolu sur une terre du rang Fairfax à Stanstead. Pour
toute la famille ce fut un changement pour le mieux. La maison était belle et spacieuse. La terre aussi
comblait les vœux de Louis. La famille y demeura jusqu’en 1952 en vivant de l’industrie laitière. Encore
aujourd’hui, les enfants de Louis et Armélia sont très fiers de cette maison. Ils ont avoué qu’Armélia
n’aurait jamais accepté que Louis achète une terre nue sans maison. Elle aurait eu trop peur de se
retrouver avec une maison semblable à Stoke.
À l’âge de 65 ans, Louis fut victime de cancer de l’estomac. Et il fut opéré avec succès par le fameux Dr
Bertrand. Comme il avait un estomac plus petit, il mangeait plus souvent et plusieurs personnes se
souviennent qu’il grignotait du fromage qu’il traînait constamment avec lui.
À 70 ans, il décida qu’il était temps pour lui de prendre sa retraite. Comme ses garçons avaient pris
d’autres voies que l’agriculture, il vendit sa ferme à Stanstead et s’en vint demeurer à Sherbrooke. À ce
moment-là, il n’y avait plus de jeunes enfants à la maison.
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Pour Louis le moment du grand départ arriva le 6 septembre 1969. Il avait 87 ans et 10 mois.
Armélia, étant plus jeune que lui de 10 ans lui survécut autant d’années. Elle mourut de vieillesse
le 24;juin 1978. Elle avait atteint le même âge que son époux à son décès : 87 ans et 9 mois.
Valère Goupil & Gabrielle Rousseau
Valère est né à Stoke en 1919, est le fils de Frank Goupil et d’Alice Gamache. En 1932, il va
travailler et demeure chez l’oncle de son père Dominique Goupil époux d’Amazalie Roy. Eux
qui ont aucun enfant, sont venus s’établir au Nord-Stoke sur une ferme en 1906. Ils sont
originaires de Saint-Lazare.
À l’âge de 13 ans il a eu la « picotte » et a dû quitter l’école pendant 3 moins. Quand il fut
guéri, il tenta d’y retourner mais il fut incapable de suivre le rythme et décida que l’école était
fini pour lui. Valère aimait bien la ferme du Nord-Stoke où il y avait l’eau et il s’était jurer
que plus tard c’est dans une maison comme celle-là qu’il voulait y vivre. Il ne le savait pas
encore, mais il allait passer toute sa vie active sur cette ferme que son oncle lui a cédée en
1940.
Valère achète une ferme en 1940. Dominique décède en 1942 à 76 ans. Amazalie Roy reste
quelques année chez son neveu Joseph Goupil épouse Hélène Bélanger, avant son décès le 1958
à 87 ans.
Un an plus tard lors des Fête de Noël 1941, il rencontra sa future
épouse. Le 27 juin 1942, Valère épouse Gabrielle Rousseau, née en
1925 et Charles Rousseau & Vitaline Dubreuil de Stoke.
La mère de Gabrielle Rousseau était morte et la jeune orpheline avait
été élevée par les Longval du 7e rang. Ils ont 4 enfants: Lorraine,
Réjean, Suzanne et Rolland.
Avant son père Valère avait commencé à s’intéresser aux
automobiles. Sa 1e fut la Dodge 31 qu’il avait payée 100$. Il l’a
gardé 2 ou 3 ans et il dut s’en défaire à cause de la guerre qui
causait la rareté des pneus et de l’essence. Une fois il avait fait 3
« flat » en revenant de Sherbrooke à Stoke.
Valère a gagné la vie de sa famille avec l’industrie laitière. Il possédait une quinzaine de vaches.
Il s’intéressait aussi à la chose municipale. Il a été en effet conseiller de 1956 à 1964 en partie en
même temps que son père qui l’était de 1957 à 1959. Valère a vendu sa ferme à Louis Auger en
1974 est il est parti demeurer à Sherbrooke avec son épouse Gabrielle sur la 10 e avenue jusqu’à
l’âge de la retraite. Il a travaillé comme gardien à la Brook et Gabreille préposée aux
bénéficiaires à l’infirmerie des Soeurs de la Charité. Depuis 1983, le couple demeure dans un
duplex qu’ils ont acheté sur la 5e Avenue à Sherbrooke.
Le père de Valère, François né le 14 mars et le fils de Joseph Goupil et d’Olivine Roy de Stoke.
Il épouse Alice Gamache fille de Jonny Gamache et d’Anésie Duplin de cette paroisse.
Alice est la soeur de Marie-Anne, Éveline, Hélène, Béatrice et Irène et Valère Gamache
[Texte]
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François et Alice achètent une ferme dans le 8e rang O. de Stoke. Ils y élèvent leurs 9 enfants.
Valère, Thérèse,( dcd en 1988), Jules, Rose-Aimée, Émilien Gérard (dcd).
En 1959, ils vendent leur ferme et achète une maison au village. Frank décède en 1970. Alice
vend la maison deux ans plus tard à Olivier son neveu, fils de Louis Goupil et va demeurer à
Sherbrooke. Elle décède en Goupil 1979.
Rolland Goupil (Michel) et Huguette Bilodeau (Gérard)
Rolland et Huguette
Rolland est venu au monde le 15 janvier 1939 et a été baptisé le même jour. Ses parrains et
marraine furent Joseph Goupil et Hélène Bélanger. Rolland a complété sa 7e année à la petite
école située entre le 13e et le 14e rang. Par la suite, il a travaillé sur la ferme familiale jusqu’à
l’âge de 17 ans.
Puis il a gagné les chantiers à Tupper Lake (NY)en
compagnie de son père, de son frère Marcel et de Gabriel
Daigle. Toujours au États-Unis il a « plumé » du bois et sablé
les chemins de bois. Sa vie a pris un tournant quand il a
travaillé pour Rolland Lecours en conduisant des Buldozers et
des rétrocaveuses (backo) pour 1. 25 $ l’heure.
Il a conduit aussi un loader sur roues, et sur chenilles et conduit un 977- L side dump
C’est vers cette période que Rolland fit la rencontre de
Huguette Bilodeau, né au Témiscouata le 25 octobre 1940.
Elle était la fille de l’épicier Gérard Bilodeau et de MarieJeanne Tardif. Rolland et Huguette se marièrent le 22
septembre 1962.
Après le mariage, Rolland s’est installé à Sherbrooke pour
une période de 7 ans. Puis il est revenu à Stoke en 1969 et a
acheté l’ancienne étole située au coin du 5e rang ouest qui
deviendra la demeure familiale.
Rolland a continué de pratiquer son métier d’opérateur d’équipement lourd pour Roland
Lecours pendant 9 ans, puis pour Jules Chapdelaine pendant 4
ans, ensuite pour excavation M. Toulouse pendant 26 ans et
finalement pour la municipalité de Stoke depuis 2000.
Maintenant semi-retraité, il est devenu bûcheron à mi-temps
sur sa terre du 5e rang O. ayant appartenu à son grand-père
Girard.
Quand à son épouse, Huguette Bilodeau, après ses études
primaires elle a fréquenté l’école Noé Ponton pendant 3 étés
[Texte]
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employée par son père au magasin-général. Après son mariage, elle est demeurée quelques
années à la maison pour prendre soin des enfants.
Plus tard, elle est retournée travailler à l’extérieur: boutique Aux Bambins, Lindor, et Jean-Marc
Brunet. Maintenant, elle suit des cours de conditionnement physique et fait de la peinture.
Rolland et Huguette ont eu 3 enfants : Daniel, Sylvain, et Élise.
Ferme Goupil Enrg
Gaston Goupil et Nicole Lacasse
Dès son jeune âge Gaston a un intérêt pour ce qui concerne la ferme et le bois. Étant fils de
cultivateur il aide à la traite des vaches et aux travaux sur la ferme de ses parents située dans le
10e rang de Stoke.
Vers l’âge de 16 ans il s’éloigne pour aller travailler dans le bois avec son frère Jean. Il se marie à
Nicole Lacasse le 15 août 1964 à l’âge de 21 ans. Le jeune couple habite la maison construite par
lui-même avec l’aide de son oncle Clément Jetté sur le terrain donné par le père de Nicole près
du 5e rang.
Leur premier enfant Benoit a seulement un an quand Gaston et Nicole achètent la ferme de
Michel Goupil le 1e juin 1966 qui est située au nord de Stoke.
En même temps que le déménagement se fait Gaston entreprend de faire les semences avec l’aide
de son oncle. Lui et son épouse prendront la maison Gaston et Nicole.
À ce moment la ferme compte 12vaches et quelques taures. Gaston ayant été toujours assez
matinal ne trouve pas trop difficile de se lever à 5 heures chaque matin pour aller faire la traite
des vaches et nourrir les animaux
Les bidons de lait «canisses » étaient transportées dans une brouette à deux roues posées puis
ensuite déposé dans un bac eau près du chemin et juste avant l’arrivée du camion à lait, il fallait
les mettre sur le « stand à lait ».
Pour nettoyer l’étable il fallait pelleter le fumier dans un charriot installé sur une « track » pour
ensuite le pousser jusqu’ à l’extérieur pour le vider.
En 1969 la petite famille s’est agrandie, en plus de Benoit elle compte maintenant 2 filles Chantal
et Anne. La ferme à prospérer puisqu’elle compte maintenant une trentaine de vaches et autres
animaux. Gaston construit une laiterie et fait l’achat d’un refroidisseur à lait. Il faut aussi acheter
du quota (droit de produire du lait).
Il fait également installer un nettoyeur d’étable plus
moderne, ce qui facilite beaucoup le travail. En 1971 il fait
installer un « pipe line » qui amène le lait directement dans le
réservoir à lait et plus tard des retraits automatique ce qui
facilite encore la traite des vaches.
Au début pour la récolte de foin Gaston fauchait avec le «
Farmall Super C » ensuite il le raclait avec un râteau de côté
pour le ramasser avec la chargeuse à foin. Rendu à la grange
on déchargeait avec une grande fourche dont le câble était
tiré par un cheval. Il fallait faire déclencher la fourche pour
laisser tomber de foin dans la
« tasserie ».
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Heureusement tout ce travail fut rendu plus facile grâce à l’acquisition d’une presse à foin et plus
tard d’un lance balle ce qui permettait à une seule personne de faire ce travail n’ayant plus à
placer les balles de foin dans la voiture.
Il y a aussi les séchoirs à foin pour faire mieux sécher le foin ce qui permettait de faire plus
humide. Nous avons fait des balles rondes enveloppées d’un
plastique blanc. Elles servaient à l’ensilage pour nourrir les
vaches.
En 1974 une autre fille vient agrandir à nouveau la famille et
le cadet de la famille Martin est né en 1977. La famille compte
5 enfants qui ont tous pris part aux travaux de la ferme ce qui a
apporté un aide précieux.
Aujourd’hui c’est Matin qui habite la ferme principale avec
son épouse Véronique et leurs deux enfants. Nicole et Gaston
se sont gardés des terrains où ils se sont bâtis une maison
qu’ils habitent présentement. Gaston travaille dans le bois durant l’hiver et participe aux travaux
des champs durant les autres saisons.
Nicole travaille à temps partiel à la Maison Aube Lumière. Elle y fait également du bénévolat.
Elle bien à l’occasion recevoir leurs enfants et petits-enfants.
Réal Goupil et fils Inc
Nicole Jetté et Réal Goupil
En 1967, à l’âge de 16 ans, Réal quitte l’école et travaille comme bûcheron avec son frère Paulin
pour Jean, l’aîné de la famille. La coupe s’effectue à la scie
mécanique et le bois est amené à «la garde» avec leurs
chevaux pour être transporté aux différents moulins à
papier et scieries.
De 1970 à 1977, Paulin et Réal travaillent pour la Co.
Domtar. En effet, en 1977, la Co. Domtar cesse d’engager
des bûcherons.
Réal occupe différents emplois mais continue de travailler à temps partiel pour effectuer des
coupes de bois. En 1979, la Co. Domtar lui offre un petit contrat de coupe et transport de bois.
Depuis les contrats se sont succédé¸ maintenant, Domtar Inc. l’emploie à temps complet.
En 1983, il fonde sa propre compagnie, RÉAL GOUPIL & FILS, INC. En 1988, il construit un garage
servant à l’entretien mécanique. En 1989, il achète une première excavatrice. Dans les années
90 et 2000, s’ajoute des camions-tracteurs pour le transport de bois et le déménagement de
machineries hors-route.
La coupe est maintenant mécanisée: abatteuse, ébrancheuse et débusqueuse (skidder) sont
fournies et opérées par des travailleurs autonomes et des sous-traitants. Le transport de bois
est effectué par les camions de Réal Goupil & Fils Inc.
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La coupe, la construction et l’entretien des chemins, ponceaux en forêt sont exécutés selon les
normes et les directives de la Domtar Inc. qui est certifiée par ISO et FSC.
Pour les travaux, l’entreprise possède: excavatrice, béliers mécaniques, niveleuse, etc. Réal
Goupil & Fils Inc. emploie 20 travailleurs et travailleuses: soit des travailleurs autonomes, des
camionneurs, des employés à l’entretien mécanique et au bureau.
Réal débute une nouvelle étape… préparer la relève lorsque l’heure de la retraite sera
venue,…d’ici quelques années.
Ses loisirs sont toujours dans la forêt; son épouse dit à la blague : « Si le bois se mangeait, Réal
en consommerait chaque jour! »
D'hier à aujourd'hui
Francine Guertin et Paulin Goupil
Paulin est né le 2 janvier 1949, fils de Léon Goupil et de Marie-Anne Jetté. Il a complété son
primaire au village de Stoke, puis il a travaillé sur la terre paternelle, âgé de 17 ans, il commença
à bûcher pour la compagnie Domtar, avec ses amis Joseph Labrie et Jacques Lacasse, ils
travaillaient dans les montagnes de Stoke, avec leurs chevaux. Celui de Paulin, savait skidder,
aussitôt l'arbre attaché, il partait vers la pile de bois, il était plus vieux que lui, et il savait ce qu'il
devait faire...le cheval. Il a aussi bucher, pour son frère Jean de 1967 à 1970. Paulin a aussi
travaillé avec son frère Réal, dans un camp de bûcherons pendant six mois et ensuite, toujours
pour la compagnie Domtar de 1970 à 1974. Ils coupaient le bois l'été et l'automne, et à l'hiver, ils
le sortaient avec une « sleigh» tirée par un team de chevaux. Paulin et Réal ont acheté une terre à
bois, dans le 10e rang de Stoke, ils y travaillaient quand ils avaient des temps libres. Paulin nous
dit souvent que d'avoir travaillé avec des chevaux, était une des plus belles expériences de travail
qu'il ait faite, parce que d'après lui, c'est ce qui endommage le moins la forêt.
Par la suite, ils ont fait l'achat de coupes de bois, … Paulin nous a raconté, qu'ils avaient bâtit un
p'tit camp 8 pi. x 16 pi. qu'ils pouvaient déménager, ainsi qu'une étable pour leurs chevaux, ils
s'achetèrent un poêle à bois en métal très mince, qui chauffait très fort au début, et il y faisait
tellement chaud que les couvertes r'volaient pendant la nuit, mais ça durait pas longtemps. Un
matin, il faisait si froid dans leur camp, qu'il y avait de la glace dans la bouilloire... Ils ont
remédié à leur problème en changeant pour un pot à l'huile...
Après quelques années à travailler dans le bois, en 1974, Paulin décida de s'associer avec son
frère Gaston, sur la ferme que ce dernier avait achetée de son oncle Michel Goupil. L'été ils
s'occupaient de la ferme, et à l'automne lorsque les travaux des champs étaient terminés, ils
bûchaient jusqu'au printemps. N'étant pas des hommes à s'en vanter, je peux vous dire qu'ils en
coupaient du bois, ils m'impressionnaient grandement. Mais avec le temps, Paulin se rend
compte, que l'agriculture ne le satisfait plus autant. Alors en 1981, ils modifient la société qu'ils
avaient formée. Paulin, préférant le bois, garde les terrains boisés et Gaston qui désire toujours
continuer dans l'agriculture, garde les terrains en culture et forme une nouvelle société avec son
épouse Nicole.
Et c'est depuis ce temps, qu'il est à l'emploi de Réal Goupil & Fils Inc. sous-contractant pour la
compagnie forestière Domtar. Il est opérateur forestier, il travaille avec une débusqueuse
[Texte]
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(skidder) sur les terrains de Domtar, il possède également un tracteur John Deere, il s'occupe luimême de l'entretien de ses machineries et quand le temps le lui permet, il aime bien patenter des
choses comme sa zézette...(un vieux moteur d’« andonneuse » qu'il a transformé en un « trailerdompeur » ou une chargeuse à bois).
En plus de son travail, Paulin s'occupe de l'entretien de ses
lots boisés, en faisant des coupes d'éclaircissement, afin de
faire du reboisement, il faut penser à l'avenir! Il fait
également un peu de bois de chauffage,
Comme passe-temps, Paulin fait un peu de bénévolat
auprès d'organismes tel que, les Chevaliers de Colomb,
club FADOQ 2e et 3e Âge, la chorale, mais sa priorité
Paulin et débusqueuse Paulin et débusqueuse demeurera
toujours sa famille, marié depuis 35 ans avec Francine
Guertin, parents de Marie-Claude, Véronique, et François, grands-parents de Flavie, Élizabeth et
bientôt un autre...
En terminant, j'aimerais rendre hommage à ces hommes qui ont travaillés en forêt, ces hommes
qui beau temps, mauvais temps, bûchaient ne comptant ni les heures et pas toujours dans les
meilleurs conditions, certains le faisaient par obligations et d'autres avec passion et fierté, fiers du
travail accompli. Je pense entre autre, aux familles Goupil et Jetté, presque tous, un jour ou l'autre
ont travaillés en forêt...
Paulin et débusqueuse
Paulin est un bûcheron passionné, même si c'est un travail très exigeant physiquement, il se
donne entièrement pour son travail. Et pour sa retraite, il a des projets...Je vous laisse d
Sa “pitoune”adorée
Francine Guertin
Ginette Goupil et Réal Grenier
Ginette est née le 5 septembre 1954. Durant sa jeunesse, elle a complété ses études primaires à
Stoke et sa 3e secondaire à Sherbrooke. Une fois adulte, elle
est retournée aux études et a terminé son secondaire 5. Elle a
occupé divers emplois dont celui qu’elle a tenu pour
l’entreprise de Fruits et Légumes de sa soeur Françoise
Goupil et de son beau-frère Jacques Duplessis.
Le 5 octobre 1985, elle se mariait avec Réal Grenier veuf
de Ginette Paulin qu’il avait épousée le 29 juillet 1967. De
ce premier mariage était né trois enfants:
- Sylvie le 1e novembre 1970.
- Carole le 12 mars 1974 et
- Alain le 23 septembre 1975.
Ginette Paulin est décédée de cancer le 27 novembre 1976.
[Texte]
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Quand à Réal et Ginette Goupil ils ont eu une fille le 12 octobre 1986 et ils lui ont donné le nom de
Geneviève. Cette dernière est présentement étudiante en technique de santé animale
La « RUN » (route) de lait……des années 50
Suzanne et Daniel Gamache
Durant 20 ans et plus Jean-Doris Perreault, fils de Lucien, ramassait les « canis » (bidons) de lait chez
plusieurs cultivateurs de Stoke. Les petites fermes pouvaient en avoir 3 ou 4 et les plus grosses jusqu’à
8.
« Ce moyen de transport ne servait pas uniquement aux bidons, il servit gratuitement de taxi pour se rendre à
Sherbrooke, (Sa fiancée) et les filles Gamache, l’ont utilisé pour d’agréables séances de magasinages. Plus tard, ses
enfants : Manon, Bruno, Eric et Suzie profitaient de temps en temps d’une tournée « run de lait » avec leur père.
(Suzanne Gamache)
Comme il n’y avait pas encore d’électricité à Stoke, le village l’a eu en
1945 et les rangs encore plus tard, après chacune des traites du soir et du
matin le lait était conservé dans un « back » (bassin) d’eau froide pour
ne pas qu’il se gâte.
Dans la matinée « le camion de lait de Jean-Doris » venait chercher ces bidons
que l’on hissait, nous les enfants et jeunes adolescentEs, de peine et de
misère, sur le « stand à lait » placé près du chemin. Ces bidons remplis
jusqu’au couvercle pouvaient peser jusqu’ à 100 livres.
Jean-Doris les prenait et les rangeait dans son camion qui pouvait en contenir jusqu’à 300. Il les
déchargeait à La CARNATION à Sherbrooke, sur la rue Wellington et Côte de l’Acadie. Il fallait que tous
ces bidons soient stérilisés et ramenés aux cultivateurs de Stoke pour la traite du lendemain. Après une
demi-heure d’attente, il pouvait laisser sa place au camionneur suivant.
Le dimanche,1er avril 1979, Léo Daigle du 6e rang trouve dans sa laiterie, Jean-Doris, terrassé par une
crise cardiaque.Daniel Gamache, son beau-frère qui avait déjà travaillé pour Lucien, son père, prend la
relève. Plusieurs cultivateurs vivaient encore de leur la ferme :
Au Nord-Stoke : Philippe Ouellette, Marcel Beaudin et Gaston Goupil.
8e rang : Luc Jetté
7e rang : Léandre Martel
Le Chemin du Lac: Édouard Pinard
6e rang : Normand Godbout et les Gaigle: Adonaï, Léo, Daniel Gamache,
Gilles Pellerin
5e rang : Alexandre Huzio, Wilfrid Coté-Després
4e rang O : Marcel Coté
3e rang : Gérard Lemelin
2e rang : Bernard Luc
Daniel Gamache (Joseph ) et son épouse Fleurette Côté (Alfred) habitent à
Stoke depuis leur naissance. Daniel a été maire de la municipalité de
1975 à 1979.
Ils ont eu 6 enfants : Mireille, Marc, Jacques, Benoit, François et Caroline.
Maintenant retraité, il remplace à l’occasion son fils Jacques pour recueillir le lait dans
un camion-cube.
[Texte]
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Le transport laitier a bien évolué depuis 50 ans…
Jacques Gamache
Des bidons au réservoir de lait (bulk tank), le transport a dû se conformer aux exigences de
chaque époque. On est donc passé du camion-cube (pour bidon) au camion-citerne (en vrac). Les
citernes sont d’une capacité de 15 000 à 37 000 litres de lait. Ces camions parcourent des
distances de 50 à 500 kilomètres par jour pour la cueillette du lait. Moi, je parcours entre 100 et
250 kilomètres par jour, tous les jours.
Les livraisons se font tous les jours à des usines de transformation. Le lait sera pasteurisé et
vendu tel quel ou deviendra, soit du beurre, du yogourt, du fromage ou du lait évaporé, en
fonction de l’usine où je vais livrer. Chaque transporteur signe des contrats pour le transport avec
la Fédération des producteurs de lait du Québec et Agropur. Chaque semaine, je reçois mon
calendrier de livraison. Le lait que je transporte peut être livré à 17 usines différentes, chacune
possédant son numéro d’identification. Pour ma part, je voyage de Stoke (A) jusqu’à :
(B) Saint-Georges-de-Windsor, Fromagerie Proulx;
(C) Warwick, Saputo;
(D) Princeville, Saputo;
(E) Plessisville, Agropur;
(F) Victoriaville, Parmalat;
(G) Notre-Dame-du-Bon-Conseil, Agropur;
(H) Saint-Cyrille de Wendover, Fromagerie Lemaire;
(I) Saint-Guillaume, Agrilait;
(J) Saint-Hyacinthe (3 usines : Agropur, Parmalat et
Liberté);
(K) Saint-Damase, Damafro;
(L) Marieville, Parmalat;
(M) Granby (2 usines Agropur, 1 de yogourt Yoplait et
1 de fromage);
(N) Coaticook, Fromagerie et Crème glacée Coaticook;
(O) Sherbrooke, Smuckers (lait évaporé).
Ma journée débute vers 7 heures, car je dois attendre la traite du matin du premier cultivateur. Je
visite chaque ferme tous les deux jours. Le nombre de producteurs de lait que je dessers est de 14
dont 2 à Stoke (Ferme Valère Lieutenant sur la Route 216 et Ferme Després-Côté dans le 5e Rang
Ouest), 8 à Windsor et 4 à Saint-Camille, incluant un producteur de lait biologique dont le
transport est assuré par un autre transporteur qui a un circuit de lait biologique. Les deux fermes
laitières de Stoke totalisent 20 000 litres aux deux jours.
Ne s’improvise pas ramasseur de lait qui veut, il faut suivre un cours à l’Institut de technologie
agroalimentaire (ITA) de Saint-Hyacinthe d’une durée de 5 jours, faire un stage d’au moins 10
circuits avec un expert-ramasseur et payer une licence annuellement. Le titre exact du ramasseur
de lait est expert-ramasseur.
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Énoch Martel &Yvonne Delorme
Au début de notre mariage, 1e août en 1934, on habitait chez Jos Martel au 7e Rg chez mes beauxparents. Après on est allé s’installé dans le 13e rang.
Pour se rendre sur notre lot, il a fallu quitter chemin principal traverser la rivière de Stoke .
Énoch bûchait du matin au soir pour qu’on puisse installer notre maison. Elle n’était pas en pièce
sur pièces. Les murs étaient en bois. Par la suite on a construit l’étable pour nos animaux .
Je me suis fait un jardin. J’ai pu semer mes légumes dans la bonne terre engraissée par la
cendre.
Au début on travaillait avec un boeuf mais c’est lent et têtu un bœuf !
C’était plus commode de travailler avec un cheval.
Dans ce temps-là, il fallait compter sur ses propres
ressources, loin des voisins et du magasin général. Il fallait
faire son «cannage», ses conserves de légumes, viande de
porc, de boeuf et de volailles.
Comme il n’y avait pas de glacière il fallait conserver notre
nourriture périssable dans l’eau fraiche d’un puits de surface.
Nous avions comme voisin mon frère Gilbert marié à Gilberte Lemire (Joachim). De l’autre côté
c’était des vieux. Ils faisant leur bois de chauffage.
Dans ce temps-là les habitants fumaient et chiquaient beaucoup. Ce que j’aimais pas c’est quand
ils crachaient à côté du crachoir. À ce moment-là, je leur montrais la porte.
On est passé une bonne secousse au 13e, là où sont nés : Gilbert, Jean-Marc, Denise, décédée en
bas âge. Par la suite on est déménagé au coin 10e rang, où est née Nicole.
Il a fallu déménager nos animaux à pieds. Comme il y avait un chantier dans la montage, on en a
profité pour transporter notre ménage. Au dernier voyage, j’ai emporté mon lit tenant dans les
bras avec mon petit dernier, Jean-Marc.
En ce temps-là les chemins n’étaient pas passables.
Par la suite nous sommes déménagés au village dans la maison de M. Durand. J’ai été une des
premières à aménager dans le HLM. J’habite maintenant à Sherbrooke proche de mes enfants.
Gamache Daniel et Fleurette Coté
Daniel est arrivé parmi nous le 28 février 1934. Après avoir complété sa 7e année à l’école primaire de
Stoke. Il aida son père sur la ferme et dès lors sa vie était toute
tracée: il serait cultivateur. À 18 ans, il a quitté le domicile
familial pour aller travailler chez Lucien Perreault près du petit
4 (Chemin Coté), C’est là qu’il a rencontré sa future épouse.
[Texte]
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Florette Coté née le 23 juin 1936 de’Alfred Coté et Alice Daigle. Ils se sont mariés le 18 août 1956.
Daniel a bâti sa maison sur un morceau de terre acheté de son père. Au cours des années, la ferme
de Daniel s’est considérablement agrandie et modernisée.
Les autres étapes importantes de sa vie sont l’accession à la mairie de Stoke de 1975 à 1979, l’achat de la
« run »de lait de Jean-Doris Perreault en 1979 et la retraite après un encan survenu le 27 mai 2004.
Daniel et Fleurette ont eu 6 enfants; Mireille, Marc, Jacques, Benoît, François et Caroline.
La Carnation
La compagnie Carnation américaine établit à Sherbrooke la première grande usine de lait concentré de la
Province de Québec. À ses débuts, celle-ci procurera de l’emploi à près d’une cinquantaine de personnes.
Dès ses premières années d’exploitation, la Carnation de Sherbrooke achète annuellement pour 1, 5
mille livres de lait. Cette demande fera grimper les prix de la ressource chez les cultivateurs.
Le lait concentré
Le lait concentré existe depuis la fin du X1Xe. Rappelons d’ailleurs l’épisode de la Baldwin Condensed
Mils Co établi à Danville en 1896. Malgré cet exemple, ce procédé ne prendra
réellement racine au Québec au moment de l’usine sherbrookoise de la Compagnie.
Carnation en 1938.
La compagnie américaine établit à Sherbrooke la première grand usine de lait
concentré de la province. Dès les première années cette usine achète annuellement
pour 1,5 million de livres de lait de haute qualité. Cette demande accrue fait
rapidement grimper les prix. À Sherbrooke au début de 1939 le prix du 100 livres
de lait se situe à 18.04 $
Le lait en poudre.
En 1940, le fait en poudre fait son apparition sur le marché. Ce produit connaît un
développement fulgurant grâce au contexte de la 2e guerre mondiale. Le
gouvernement fédéral s’engage à fournir à la Grand-Bretagne de grande quantité de ce produit.
Finalement si la région maintient son avance sur le reste de la province en matière agricole en tirant profit
du développement d lait transformé durant 1940 à 1950 cette spécialisation régionale sera en partie
responsable du destin de l’agriculture des Canton de l’Est.
Cette conservation est facilité par le fait que le lait en poudre est fabriqué à partir du
« petit-lait » soit le lait non utilisable en poudre pour la fabrication du beurre.
À Stoke en 1936 les fromageries et les beurreries transforment encore. Finalement vers 1940, on ferme
la Carnation qui avait commencé sa cueillette de lait chez les cultivateurs. Le prix offert par les usines
spécialisées sera généralement inférieur de 50% à celui accordé par les compagnies engagées dans la
vente de lait nature et dont le marché est en croissance.
Ginette Goupil (Léon)et Réal Grenier
Ginette est née le 5 septembre 1954. Durant sa jeunesse, elle a complété ses études primaires à
Stoke et sa 3e secondaire à Sherbrooke. Une fois adulte, elle
est retournée aux études et a terminé son secondaire 5. Elle a
occupé divers emplois dont celui qu’elle a tenu pour
l’entreprise de Fruits et Légumes de sa soeur Françoise
Goupil et de son beau-frère Jacques Duplessis.
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Le 5 octobre 1985, elle se mariait avec Réal Grenier veuf de Ginette Paulin qu’il avait épousée
le 29 juillet 1967. De ce premier mariage était né trois enfants:
- Sylvie le 1e novembre 1970.
- Carole le 12 mars 1974 et
- Alain le 23 septembre 1975.
Ginette Paulin est décédée de cancer le 27 novembre 1976.
Quand à Réal et Ginette Goupil ils ont eu une fille le 12 octobre 1986 et ils lui ont donné le nom
de Geneviève. Cette dernière est présentement étudiante en technique de santé animale.
Domtar Entreprise industrielle.
Production de papier et matériaux de construction. En 1929, fondation de la compagnie sous le
nom de Dominion Tar & Chemical Company, Ltd qui devint
propriétaire des usines de goudronnage et de créosotage de la
compagnie britannique mère.
En 1943, la compagnie Weston, spécialisée dans
l’alimentation achète la compagnie forestière E. B. de Hull.
En 1946, la compagnie Standard Chemicals
devient
actionnaire majoritaire lorsqu’elle acquiert 52% des action de
Dominion Tar Chemical, qui, outre le goudronnage et le
créosotage, alors s’intéresse aux produits chimiques, au sel , à
la brique et autre matériaux de construction.
En 1951, la compagnie Dominion Tar and Chemical Company Ltd achète tous les actifs de
Standard Chemicals (devenue propriétaire de Argus Corporation en 1945); à l’exception de la
Dominion Tar. Standard Chemicals est alors liquidée laissant à Argus un groupe minoritaire
mais important d’actions de la Dominion Tar & Chemical.
En 1965, la Compagnie adopte le nom de Domtar Ltd.
En 1977, la Compagnie adopte le nom de Domtar Inc.
En 1997, fondation de la Coentreprise Norampac avec le groupe Cascade (50 %) pour la
fabrication du carton-caisse. La nouvelle entreprise a une capacité de 1,1 million de tonnes
métrique.
En 1998, acquisition de la compagnie E. B. Eddy de la Compagnie Weston au prix de 803 M $.
La transaction est faite par l’entremise de Guy Savard. Les principaux actionnaires sont :
- Société générale de financement, SGF ( 28 % )
- et la Caisse de dé pot et de Placement , CDP ( 16. 5% )
En 2000 (31 juillet) Acquiert le marchand indépendant d’impression et de papiers d’affaires aux
E.U.A, la Ris Paper Company au prix de 90 M US
Principales filiales:
- Bisson et Bisson,
- Produits chimiques Clough, contenant les usines au Canada de Domtar Snoco et Domtar
industrie. Exploite les usines au Canada et aux États-Unis. (…. )
[Texte]
Page 157
La Domtar possède 28 798. 89 acres soit 11 654 hectares de forêt dans le Canton de
Stoke. (La mémoire du Québec de 1534 à nos jours, répertoires des noms propres, Stanké, 200 )
Ferme Des Côté
Frédéric Côté et Mélanie Théberge
La Ferme DesCôté prit nom en 2001 lorsque Frédéric Coté s’associe avec son père Marcel Coté.
C’est en 1898 que débuta l’histoire de cette ferme, avec l’arrivée
de Jacob Coté.
Au début, Jacob loue les lots 19-D, 19-E, et 19-B du rang 4 est
de Stoke.
C’est en 1901 qu’il en fait l’achat. Il a dû défricher la terre, afin
de la cultiver.
Après le décès de Rosanna Bibeau, Jacob se remarie à StGeorges de Windsor le 2 juin 1904 avec Célina Nadeau.
Ils eurent 11 enfants dont Gérard Coté qui prit la relève des 250
acres de terre en 1934 avec sa femme Alice Lacroix. Gérard tout
comme son père, est exploitant laitier et forestier. Il a su s’impliquer au niveau de la politique
municipale comme conseiller et comme maire. Gérard résida dans la maison ancestrale toute sa
vie de 1916-2000.
Sa relève a été prise sur sa ferme en 1974 par son 4e et dernier enfant, Marcel.
Marcel possédait déjà 100 acres achetées d’Aimé Audet en 1968
(rang 3e est), un an après son mariage avec Huguette Phaneuf. Depuis cette date, la ferme n’a
fait que s’accroître grâce à l’achat de la terre Paulin Coté (ancienne terre de Lucien Guertin) et
de la terre de Sherley Wheeler (ancienne terre de Benjamin Wheeler) pour atteindre un peu plus
de 930 acres.
Sa vie familiale fut ponctuée de 3 enfants : Sandra, Brigit et Frédéric.
Ce dernier acheta en 2006 la ferme familiale et continua l’accroissement de la ferme en triplant le
quota laitier, et acheta une nouvelle terre de 95 acres. Frédéric travaille sur la ferme avec sa
conjointe Mélanie Théberge. De leur union naquit 3 garçons : Jacob 8 ans, Raphaël 7 ans et
Caleb 2 ans. Peut-être verrons-nous un jour une 5e génération ?
Germain Coté, bucheron
Il y avait deux sortes de bûcherons: les cultivateurs qui bûchaient sur leur terre à bois et ceux
qui partaient bûcher, au loin, en Ontario, aux États-Unis, ou quelque part au Québec, loin de leur
terre natale pendant des mois. Ils s’exilaient pour aller gagner leur vie, travaillaient pour une
compagnie et devaient habiter dans des chantiers.
Germain est de cette 2e catégorie, tandis que son grand-père Ferdinand était de la 1e.
Germain a travaillé à son compte avec son frère Charles sur les terres du 5e rang à Stoke .
C’était le rang des Côté où ont habité: Donat, Jacob et Télesphore.
[Texte]
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La chanson du bûcheron, qu’il a chantée, résume bien ce qui se passait dans les chantiers:
Quand je vois une monture, un pistolet et un lasso,
Je reconnais l’aventure du cow-boy au grand chapeau.
Quand je vois une épinette, une hache et une « chainsaw »
Je reconnais sous sa casquette le bûcheron du Canada.
Refrain.
Ohé! Il est un gars capable, le Canadien, le bûcheron.
Ohé! il est infatigable, bon travailleur et guai luron.
De grand matin il se lève, un bon déjeuner, il prend.
Des crêpes ou des fèves, le vrai spécial du cuisinier.
Dès 7 heures il est au bois, pour ça, ça prend du courage.
Et de ça, il en manque pas.
Refrain
Le soir durant la veillée, il jase avec ses copains.
Il parle de sa bien-aimée,
Qui peut-être l’épousera au printemps prochain.
L’hiver, ll fallait bien s’habiller avec des combinaisons de laine de marque Stanfield. On les
mettait au début de l’hiver et on les lavait à la fin de la saison. On gelait quand on s’habillait
avec des combinaisons de coton. Les pantalons d’étoffe du pays tenaient debout tant ils
étaient épais. Quand il n’y avait pas d’eau au camp, bien souvent, on allait se baigner au lac.
Dans les chantiers on fumait beaucoup. Germain ne fumait pas, mais Émilien son oncle, est
décédé des conséquences du tabac.
Les chevaux étaient attelés de chaque coté d’une pôle en bois à un « nikiook » (neck hook )
pour retenir la charge et un « bacul » pour la tirer. Malgré qu’on appelait nos chevaux des
« moteurs à crottes », on en prenait bien soin. Des clochettes et des grelots étaient fixés aux
attelages pour manifester leur passage et éviter les accidents.
Les bûcherons de la 1ere catégorie faisaient bouillir la cendre de leur bois franc pour en obtenir
de la potasse et de la « pearless » qui servaient à faire du savon et des produits
pharmaceutiques. Souvent ces bûcherons transportaient sur leur dos, des fois, jusqu’à 150 livres
de potasse.
Ces jeunes de 18 à 20 ans, qui voulaient se marier au printemps, quittaient leur famille pour aller
travailler au loin dans les chantiers. On disait alors qu’il allait faire sa « run de noce ». Bien
souvent ils avaient quitté l’école à 14 ou 15 ans. Ils n’avaient pas beaucoup d’instruction mais ce
qui comptait pour le « jobber » qui les engageait, c’est qu’ils avaient une bonne paire de bras et
de mains.
Le cuisinier était un élément important
Certains travailleurs refusaient d’aller dans un camp, plutôt que dans un autre, si le « cook », le
cuisinier n’était pas bon. Ce dernier était alors appelé « le bouilleux ». Le cuisinier avait un
[Texte]
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assistant, le « shore boy », qui s’occupait de charrier le bois et l’eau, de balayer la salle à
manger et d’aider le cook.
Germain possède encore une scie de long « une drag saw »
qu’on employait pour scier des billots dans le sens de la
longueur, avant que la scie ronde apparaisse pour faire ce
travail. Et de plus une hache à deux tranchants.
En plus d’avoir des milliers de revues de toute sortes:
Magasine des producteurs agricole, l’Actualité, Commerce,
L’école nationale d’administration, Le Bulletin des
agriculteurs, la Fédération des producteurs de lait, Times etc.
Jean Labrie & Cécile Gendron
Magella Labrie
Mes grand-parents Joseph Labrie et Rose Délima Lacasse de Saint-Lazare de Bellechasse le
21 mai 1888. Ils ont débuté leur vie commune sur une petite ferme où naquirent 19 enfants. La
famille est déménagé à Stoke en 1910.
Jean ( Joseph ) Labrie, mon père, le 13e d’une famille de
19 enfants arriva à Stoke avec ses parents à l’âge de 6
ans. Il épousa dans cette même paroisse de SaintPhilémon de Stoke, le 10 septembre 1929, Cécile
Gendron, l’aînée d’une famille de 9 enfants, fille
d’Étienne Gendron et de Virginie Rouleau.
Après leur mariage ils s’établirent au coin du 10 Rg
( résidence actuelle de la famille de Jean Goupil ). Ils ont
demeuré là 3 ans et 2 de leurs enfants y ont vu le jour.
Lucien Labrie, Réal Rodrigue, Guy Labrie
Jean s’est bâti une maison ( aujourd’hui déménagée au village ) dans le 12 Rg, sur une terre à
bois. Ils vécurent 13 ans à cet endroit où 6 enfants sont nés. Ensuite, ils achetèrent la ferme
d’Andrew Bather, sur la toue 216, au nord de Stoke. Il y ont vécu 16 ans, où les deux derniers
enfants naquirent. Après ce temps ils se construisirent une dernière maison sur le même lot, dans
le 12 Rg. Outre son travail de fermier, Jean fit l’entretien des chemins d’hiver et cuisiner dans les
chantiers.
Cécile était membre du Cercle des Fermières, de L’AFÉAS et de l’âge d’Or. Elle prenait en
charge les travaux de la ferme alors que Jean s’absentait pour les chantiers.
« Mon oncle Herménégild, travaillait dans les chantiers comme « cook». Avec son tablier blanc
qui le couvrit entièrement, il faisait manger les chevreuils dans sa main. Il n’y avait que lui seul
qui avait ce privilège. Si les autres bucherons voulaient en faire autant il fallait qu’ils s’habillent
d’un tablier blanc comme Hermégild sans quoi les chevreuils n’approchaient pas »
( Magella Labrie )
[Texte]
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Les Labrie ont défriché leur terre peu à peu. Ils ont bâti une grange et ils ont élevé quelques
animaux. La famille a vécu du produit de la ferme. L’été, tous et chacun faisaient la cueillette de
petits frits naturels. C’était Joseph qui allait les vendre à Sherbrooke. L’hiver la vente de bois
que bûchaient les garçons, assez âgés pour faire la drave sur la rivière ( Stoke ) qui coulait sur
leur terre, était appréciée. ( Album du 125e de Stoke p. 392 )
Magella s’est mariée avec Marcel Lefebvre en 1959. Ils eurent 6 enfants :
Réjean, Christiane, Jacques, Brigitte, Margo, Denis.
Tout notre respect et notre admiration à ces bâtisseurs d’hier et ceux d’aujourd’hui.
Jeannine Goupil et Jacques Lacasse
Jeannine (Léon) est née le 20 mars 1945. Elle a complété ses études primaires jusqu’à la 9eannée
à l’école Notre-Dame-des-Champs de Stoke. Ella a ensuite travaillé quelques temps dans une
manufacture de couture à Sherbrooke. Puis le 26 mai 1962, elle s’est mariée à Jacques Lacasse
(Lazare) jeune homme de Stoke né le 23 janvier 1941 à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul. Ils
fondent alors leur famille sur un lopin de la terre paternelle. C’est lui-même et avec l’aide de
son frère aînée Jean-Louis qu’il construisit sa maison.
Jacques a occupé plusieurs types d’emplois dont celui
de plombier, puis bûcheron pour différents propriétaires
forestiers de Stoke avant d’être engagé en février 1973
pour la Domtar comme journalier à l’entretien des
chemins et des infrastructures forestières en tout pendant
33 ans jusqu’à sa retraite en 2004.
Après avoir élevé ses enfants Jeannine est retournée aux études au CEGEP à temps partiel entre
1980 et 1982, et plus tard entre 1990 et 1993 pour obtenir finalement un certificat de secrétairecomptable. Cela lui a permis de retourner sur le marché du travail d’abord à temps partiel et
ensuite à plein temps depuis 6 ans comme caissière et parfois comme conseillère pour les Caisses
Populaires Desjardins.
Quant à Jacques, il ne se gêne pas depuis sa retraite tout occupé qu’il est sur sa terre à bois dans
les montagnes de Stoke à la hauteur du 8e rang. Tout comme son père, les chevaux ont occupé et
occupent encore aujourd’hui une grande partie de sa vie.
Jeannine et Jacques eurent 5 enfants: Johanne, Claude, Normand, Ghyslain, et Claudette.
[Texte]
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John Guilmette
Laurent
Le fondateur de Stoke a du bûcher souvent
Il est venu de Sherbrooke par un petit sentier. Il n’y avait pas encore de chemin. Il devait marquer
les arbres avec sa hache pour ne pas s’égarer et retrouver son chemin. Canton vaste, tout rempli
de résineux et de feuillus. Il a fallu abattre des arbres, débroussailler, essoucher pour installer
d’abord sa cabane, et plus tard sa maison, son hagard,
son étable et sa grange à deux ponts.
Il s’est installé près de la rivière de Stoke sur le lot 12
rang 8, là où il pouvait pêcher de la truite et chasser du
gibier pour survivre. Son lot s’étend du 8e O. au 9e O. La
rivière de Stoke sépare sa terre presque en deux parts et
un ruisseau se jette dans la rivière de Stoke. Ruisseau qui
plus tard portera son nom.
Aujourd’hui toute cette étendu est propre à la culture:
champs de maïs, de foin ou d’avoine. John et ses 3 gars :
Jacob, Henri et Dollard a du trimer dur pour « faire de la terre » et nourrir les 10 enfants nés de
Julie Bourque et ses 4 autres, que lui a donnés Elmire Lemay.
Comme le fera son fils Alexandre, son aînée, il a dû atteler quotidiennement son « teem » de
boeufs pour faire de la
« terre neuve » et reculer la forêt. Il était loin de savoir
qu’il préparait l’emplacement de dizaines de ses
concitoyenEs.
Il a commencé par donner à son fils Henri et à sa famille
(leur maison du 5e rang ayant passé au feu), un terrain
40’X 100’. Habitation qui deviendra plus tard une
crèmerie-beurrerie-fromagerie, achetée par son gendre
Joachim Lemire qu’il a transmise par la suite à son fils
Ovila Lemire.
Le lot 12 Rang 8e sera subdivisé en plusieurs lots : 12 K, KK, K2, M,.N, O, P. Là où habite
aujourd’hui: Claude Longchamp, Benoît Rousseau,
Richard Martel, Théodore Théroux, Eric Perreault, Luc
Cayer, Suzanne Roy, etc..
Et antérieurement propriété de William Coté, Rébecca
Ducharme, Rébecca Daigle, Doris Perreault., JeanBaptiste Biron, Bernard Leboeuf., Georgine Guillemette,
(fille de John), Suzanne Gamache, etc.
Par delà la rivière de Stoke, toujours dans de 8e rang
ouest, un de ses petits-fils André Guillemette et Françoise
Bourque ont été propriétaire de cette ferme durant
plusieurs années.
« Toi qui te rappelles encore, retourne au pays de tes ancêtres car c’est là que tu trouveras
quelque chose qui t’appartient vraiment. » (Benjamin Sulte)
[Texte]
Page 162
Joseph Labrie
Perdu le vendredi et retrouvé le dimanche
Nous étions en à l’été 1944, Joseph avait 3 ans et un mois. Son père Heménégild était parti en
ville et retardait en attendant une occasion pour revenir à Stoke chez-lui au 11e rang. L’heure des
vaches qui pacageaient chez Mme Eugénie Girard était arrivée. Sa mère, Thérèse Luc, partit en
leur direction, tout en étant certaine que son enfant la suivait.
Mais Jos suivi les jeunes taures au lieu d’aller chercher les vaches avec sa mère. Dans quelle
direction il alla personne ne le su.
Sa mère toute surprise de constater que Joseph n’était plus là, cria de toutes ses forces :
« Jos où es-tu? Jos où es-tu? » Les voisins : Honorius Pomerleau et Louis Goupil, l’entendirent
jusque chez eux.
Aussitôt tous les voisins accoururent et se mirent à le chercher, chacun étant persuadé qu’il le
trouverait, mais personne ne trouva l’enfant.
Un fait semblable arriva à Eastman. On se souvient du « Petit Michel » et de la chanson
composée à cette occasion: « Petit Michel, c’est ta mère qui t’appelle et qui te dit: viens mon petit
chéri ».
Il avait plu toute la fin de semaine. Peinés et trempés, ne l’ayant pas trouvé, ils se quittèrent,
bien déterminé de le trouver sain et sauf le lendemain matin.
Le curé Raoul Dubé fut averti et arriva sur les lieux après sa messe du samedi matin. Il dit aux
parents et aux voisins réunis de continuer de le chercher, mais qu’ils ne le trouveraient que
demain.
Dimanche, Jos Ducharme arrive tout essoufflé et demande :
- L’avez-vous trouvé ?
- Non, répondit Thérèse et Herménégild
- Moi, je va le trouver! »
Jos Ducharme se dirige vers le bout du rang, la terre à Marcel Rouleau. En
chemin, il entend « rechigner ». Il se dirige vers le fossé. Il approche et
soudain, il lance un de ces cris que tous les voisins entendent:
« Je l’ai trouvé ».
Émile Barrière qui faisait la traite du matin, l’entendit.
Mon père Herménégild s’empresse d’aller prendre son enfant. Mais
Ducharme ne voulait pas lui laisser et le gardait sous son bras comme un
trésor qu’il ne voulait pas quitté.
Hermégilde étonné, se demande pourquoi il se comportait de même?
- Tu dois 25 $ à Saint Antoine, lui dit Duchame :
J’ai promis à St-Antoine de lui donner 25 $ si je le trouvais.
Ni lui, ni Herménégild n’ont pu tenir leur promesse car 25 $ en ce temps-là c’était l’économie
d’une semaine de travail pour un cultivateur qui avait déjà une dizaine de bouches à nourrir.
L’événement tient presque du prodige: les habits de Joseph était secs comme s’il n’avait pas plu
de la fin de semaine et Joseph Labrie d’ajouter:
« Une dame blanche est venue me couvrir et me porter à manger ».
[Texte]
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Albert Jetté & Adélima Lemieux
Albert fils de Jean-Baptiste Jetté et d’Exilia Breton, naît à Stoke le 4 septembre 1902. À Saint
Raphaël de Bellechasse, fille de Willie Lemieux et de Lumina Lapierre, voit le jour le 22
novembre 1904.
Suivant la coutume du temps, Albert et Adélima émigrent aux E.U. Lors d’une réunion de
Canadiens français, il se rencontrent. Le 21 avril 1930 à Danbery, ils se marient. Puis c’est la
crise des années 1930 qui les décident de revenir au Canada avec leurs filles Laurette et Doris.
En mai 1936, ils s’établirent dans le 10e rang de Stoke sur une terre de 125 acres. Les débuts sont
difficiles, nos parents sont courageux. Après avoir connu les commodités de l’électricité, lors de
leurs séjour au E.U., ils devront attendre dix ans avant d’avoir à nouveau l’électricité.
Gérard-Raymond, Bibiane et Anita naissent à Stoke.
Maman est une femme douce, adroite de ses mains, bonne cuisinière.
Elle peut faire du neuf avec du vieux.
Papa est un conteur d’histoire. L’hiver, il travaille au chantier et en
été, en plus des travaux de la ferme, il travaille comme menuisier.
Il est aussi conseiller municipal pendant 12 ans et marguillier 3 ans.
Ensemble ils travaillent avec acharnement à la ferme.
En 1946, ils rebâtissent la grand étable et 1951, c’est au tour de la
maison à être reconstruite.
En 1966, nos parents vendent la terre à leur fils et s’achète une maison au village.
Le 2 avril 1974, papa décède. Le 30 avril maman toujours fidèle le rejoint.
Nous désirons rendre hommage à nos parents qui nous ont donné l’ensemble d’une vie
chrétienne, honnête ainsi que la fierté du travail accompli.
Le travail dans les chantiers (1936-1945)
Laurette Jetté Gagné
À tous les hivers, mon père, Albert Jetté, allait travailler dans les chantiers. Un hiver, il est
allé travailler à Capelton, près de Sherbrooke. À ce moment-là il partait pour une semaine.
Mais le plus souvent, il allait charroyer le bois dans la montagne du 10e rang de Stoke et il
voyageait matin et soir et il dînait au camp des bûcherons.
Le « cook »
Les hommes avaient beaucoup d’appétit. Un jour, le « cook » avait fait une tarte à la
cassonade. Mon père l’avait bien aimée. Il lui avait demandé la recette et le cook lui avait
donnée. Après bien des années, parfois je fais cette recette.
[Texte]
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Les chevaux
Très tôt la matin, il attelait son « team » de chevaux sur une « sleigh » double recouverte
d’un « rack». Selon la coupe de bois charroyée.
On charroyait de la « log » (billot de bois franc) de 2 pieds ou de la « pitoune » de 4 pieds.
Mon père aimait bien ses chevaux. Il en prenait bien soin et il en
était très fier. Les noms donnés aux chevaux étaient souvent
des noms anglais : Kate, Maggie, Tom, Jack, etc. Et tous les
commandements se faisaient aussi en anglais.
Ses chevaux étaient attelés avec des attelages en cuir noir. Il y
avait aussi beaucoup de dorures. Toutes ces dorures devaient
être polies avec du Brasso. C’était souvent les enfants qui
effectuaient ce travail. Plus ça brillait, plus c’était beau !
Des pommeaux d’or aux bouts des attelles, un fer à cheval au
milieu de la bride. Sur le dos, une lisière de cuir avec des grelots
qui émettaient des sons joyeux. Une cloche sur le devant de
l’attelage qui résonnait fort pour avertir les autres travailleurs
de leur présence pour la prochaine rencontre sur le chemin.
Les chemins d’hiver
À cette époque les chemins d’hiver étaient déblayés avec une charrue tirée par les chevaux.
Les chemins étaient étroits et on y faisait des rencontres qu’à certains endroits seulement.
Le dur travail des bûcherons et des chevaux
Le travail dans le forêt était très difficile pour les hommes et les chevaux, cela demandait de
la force et de l’endurance. Ils n’avaient pas beaucoup d’outils pour faire ce travail. C’était
aussi un travail dangereux : mon arrière-grand-père Lemieux du côté maternel s’est fait
tuer par un arbre à l’âge de 47 ans.
Le bûcheron, après avoir abattu, ébranché l’arbre à la hache avec un «sciot » ou un «
godendart ». Par la suite le cheval tirait l’arbre attaché à une chaîne pour le sortir du bois.
Ensuite le charroyeur avec son team de chevaux allait battre les chemins car il y avait
beaucoup de neige.
Puis les chevaux attelés sur la « sleigh » double allaient ramasser les arbres pour les
transporter sur le tas de bois en les empilant à l’endroit désigné par le « boss ».
Mon père nous racontait combien ses chevaux étaient forts, dans ces terrains montagneux
et accidentés. Le charroyeur devait déployer beaucoup d’adresse pour faire tirer la charge
de bois ou la retenir pour ne pas perdre le contrôle du voyage.
Le retour à la maison
La journée terminée, les chevaux connaissaient le chemin du retour à la maison. Ils avaient
hâte d’entrer à l’étable pour s’abreuver et manger et enfin se reposer.
Vers 5 heures de l’après-midi, ma mère allait faire le « train » (soin des animaux). Nous
l’aidions un peu car nous étions de jeunes enfants. Le soir, nous attendions mon père pour
souper. À la noirceur et dans le grand silence de la nature, nous sortions dehors de la
maison pour écouter le son des cloches et des grelots qui annonçaient son arrivée .
[Texte]
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Après le souper, c’était le temps de se reposer car, le lendemain, la journée recommencerait
tôt, « d’une étoile à l’autre », comme on disait dans le temps.
Albert Jetté (1902-1974) et Aldélia Lemieux (1904-1978)
Laurette Jetté
Albert Jetté et Adélia Lemieux après avoir vécu quelques années à Danbury Conn. Ils vinrent
s’établir à Stoke, dans le 10e rang, sur une ferme de 125 acres, le 4 mai 1936.
Ils se sont épousés le 21 avril 1930 à Danbury.
Ils eurent 5 enfants : Laurette, Doris, Gérard-Raymond, Bibiane et Anita
Après avoir vendu leur terre à leur fils Gérard-Raymond, par la suite ils vécurent au village
de Stoke.
Le plus beau métier du monde…
Claude Guillemette (Gaston )
Quand j’étais petit, j’allais souvent bûcher du bois avec mon père. Je n’en avais pas toujours
envie! Comme bien des enfants, j’aimais beaucoup aller dans le bois librement pour y jouer, mais
pour travailler un peu moins. Place-toi derrière moi, enlèves les branches et ramasse le bois,
disait-il. J’en ai mangé du brin de scie! Sans oublier les moustiques par centaines qui me
tournaient autour; ça aussi j’en ai mangés! Je l’ai entendu dire, à quelques reprises : « le métier de
bûcheron, c’est le plus beau métier du monde! ». Comme enfant, j’avais beaucoup de difficulté à
comprendre pourquoi il disait ça.
Quelques années plus tard, je suis moi-même allé travailler dans le bois comme bûcheron; cette
fois, c’est moi qui avais le contrôle de la situation. Ça fait toute une différence d’avoir la scie à
chaîne entre les mains! C’est à partir de ce moment-là que j’ai compris un peu plus ce qu’il
voulait dire. Bien sûr, le métier de bûcheron n’est pas rose tous les jours; c’est un métier dur,
dangereux et la température n’est pas toujours bonne.
Aujourd’hui j’ai 40 ans et mon expérience de vie, jusqu’à maintenant, m’aide à comprendre
beaucoup de choses; entre autres, je comprends bien ce qu’il voulait dire par : « le métier de
bûcheron, c’est le plus beau métier du monde ». Quand je vais dans le bois, j’ai encore le même
sentiment de liberté, comme quand j’étais petit! En fait, c’est peut-être ça qu’il essayait de me
dire!
Claude Guillemette, Dany Yong, René Bouffard, Thierry Saleh, Raymond Dallaire, Gaston Guillemette.
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L’hiver bucheron, l’été cultivateur
Laurent Guilmette
L’été, la ferme avec un petit troupeau de 12 à 20 vaches, quelques cochons, des poules et
parfois des moutons, rapportait juste assez pour nourrir la famille. On fabriquait son beurre et
on envoyait le lait à la Carnation, ce qui était une source de revenu importante.
L’automne on faisait boucherie, et on préparait des conserves pour l’hiver. Dans des jarres de
grès, on salait du lard et des concombres, etc... Dans la cave, on conservait le plus longtemps
possible, les choux, les carottes et les pommes de terre, dans du sable.
C’était une agriculture de survivance.
L’hiver, chaque fermier coupait son bois de chauffage. Il fallait bucher
pour chauffer la maison et aller vendre le surplus au gens de la ville
pour avoir un autre revenu. Et quand ces deux sources
(bois et industrie laitière) ne suffisaient pas pour joindre le deux bouts, il
fallait que le père avec son ou ses fils plus âgés prennent la décision
d’aller travailler dans les chantiers.
Souvent dans des conditions de vie et de travail rudimentaire : pour 15
heures de travail ardu, ils étaient payés seulement 0. 75 $ à 1 $ par jour.
Il a fallu que les Abitibiens fassent la grève en 1933, « La Strike Clérion »
pour que les conditions changent un peu pour avoir de 26$ à 35$ à la fin du mois, pension payée.
L’UCC (Union Catholique des cultivateurs) défendra leurs droits).
Pendant ce temps, la femme restée au foyer, travaillait comme son homme d’une étoile à l’autre,
pour élever les enfants, vaquait aux travaux de la maison et de la ferme, aidée des aînéEs garçons
et filles. Limitée dans son moyen de transport, elle devait compter sur ses proches voisins pour
les commodités quotidiennes qui venaient à manquer.
Luc Jetté (1915-2010)
Victor Jetté
Luc est originaire de Stoke, fils de Stanislas Jetté et de Jeanne Venner. Il est le 2e d’une famille
de 12 enfants. Après ses courtes études il aida son père à la ferme et dans le bois. Luc se maria
le 23 juin à Edwidge, fille d’Eugène Gagné et d’Éva Bélanger. De cette union naquirent 14
enfants.
Il acheta une ferme dans le 8e rang est à l’automne 1944 où il éleva sa famille en cultivant et
travaillant à l’extérieur dans les chantiers en hiver et la construction en été. Il participa à la
construction de l’école actuelle.
Du Centre Civique (Centre communautaire et Culturel de Stoke) et plusieurs granges dont la
sienne ainsi que bien d’autres réparations dans la construction.
[Texte]
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La famille en 1965
À l’avant : Benoit
1e rangée : Jocelyn, Mario et Jocelyne
2e rangée : Victor, Ginette, Edwidge, Luc, Jeanne et René
3e rangée : Léo, Gilles, Bertrand, Pierre, Jules et Denis
Il s’occupa beaucoup de la vie économique et sociale:
- commissaire d’école 12 ans,
- président de l’OTJ,
- directeur de la Caisse Saint-Philémon,
- membre du club de Chasse et pêche, Luc Jetté
- administrateur de l’assurance de la paroisse,
- marguillier directeur du téléphone Magnéto,
- et chef de file pour tous les jeunes
agriculteurs.
Dès l’âge de 15 ans Luc commença à jouer du violon.
Il divertissait les gens à l’occasion des noces et des soirées familiales. Il a même fabriqué un
violon avec son père et plusieurs têtes de cet instrument, pour vendre. Son autre passe-temps était
la chasse.
Victor Jetté (Luc) et Estelle Labrecque (Gérard )
Victor est né le 23mai 1940 à Stoke est fils de Luc Jetté et d’Edwidge Gagné. Il a vécu toute sa
jeunesse à Stoke. Il épouse Estelle Labrecque¸ fille de Gérard Labrecque et de Lucia
Desruisseaux d’East Angus. Ils se sont épousés le 27 octobre
1962 à Ascot Corner. Ils s’installent à Windsor¸ où ils vécurent
17 ans. Au long de ces année naquirent 3 enfants: Sylvain,
Manon et Chantal.
En 1977, Victor et sa famille reviennent s’installer à Stoke, dans
le 8e rang Est, voisin de la ferme familiale.
À force de travail et de volonté¸ d’un terrain en friche, la famille
Jetté, attirée par le coin paisible où quelques familles viennent
s’établir à leur tour, formant ainsi un développement
[Texte]
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domiciliaire de bon voisinage. Presque la moitié des résidents sont des Jetté. Ce Chemin baptisé
CHEMIN JETTÉ, il va de soti.
Avec l’aide de son épouse et de son fils, Victor exploite une sablière et entreprend la
transformation et la vente de terre noire. Après une quinzaine d’années dans ce commerce et à
la suite d’un incendie qui détruit une partie de l’entreprise, il vend à Compagnie Désourdy, mais
reste quand même dans le domaine comme opérateur de machineries lourdes pour cette
dernière compagnie.
Estelle, Marie-Pierre et Victor
Sylvain, Linda Guertin, Manon, Denis Guillemette
Avec l’aide de son épouse et de son fils, Victor exploite une sablière et entreprend la
transformation et la vente de terre noire.
Après une quinzaine d’années dans ce commerce et à la suite d’un incendie qui détruit une
partie de l’entreprise, il vend à Compagnie Désourdy, mais reste quand même dans le domaine
comme opérateur de machineries lourdes pour cette dernière compagnie.
Pendant ces années, l’aîné de la famille¸ Sylvian, fonde, à son tour, un foyer. Il épouse Linda
Guertin, le 7 juillet 1984. Ils sont les parents de Marie-Pier, née le 29 décembre 1986, et Jean
Philippe, né le 2 janvier 1989.
L’année 1984 est l’année des mariages chez Victor et Estelle car le 6 octobre, leur fille Manon¸
épouse Denis Guillemette et partent s’établir en Europe pour quelques années, car Denis est
dans les Forces Armées d’outre-mer. Ainsi la famille se disperse mais s’agrandit en même
temps.
Chantal, quant à elle, ses études terminées, entre à l’Université de Sherbrooke où elle
entreprend des études en psychologie. À 19 ans tous les espoirs lui sont permis et ayant hérité
de sa grand-mère Edwidge, le gout de s’impliquer, nul doute que sa vie sera bien rempli.
Malgré toutes ses occasions Victor a su s’impliquer dans divers organismes paroissiaux. Il est chevalier
de Colomb et membre du club Optimiste de Stoke à qui il a donné un terrain qui a été aménagé en
terrain de soccer et de tennis. Estelle a choisi de travailler comme bénévole à la bibliothèque municipale
depuis plusieurs années un travail qu’elle affectionne beaucoup, mais qu’elle a dû abandonner un peu, à
cause de son travail à l’extérieur.
Étant donné maintenant de «jeunes grands-parents»¸ Victor et Estelle souhaitent voir leurs enfants
évoluer autour d’eux pour pouvoir profiter de leurs petits-enfants et arrières petits- enfants. Pourquoi
pas!
(Album du125e de Stoke, Louis Bilodeau, p.369)
Et les années ont passé ….
Les vingt-cinq dernières années ont toutes été bien remplies : le travail, les voyages.
La famille qui s’est agrandie de sept petits-enfants.
Après avoir vécu dix ans à Fleurimont¸ nous sommes
revenus à Stoke en 2004.
Pour le travail, la ville c’est parfait mais pour la
retraite?
Pas assez d’espace et trop d’asphalte !
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Nous sommes toujours très actifs. Mais il est hors de question de refaire les boîtes de déménagement!
Le terminus c’est la rue Bergac!
Parole d’Estel !
Remariage de Manon, juillet 2011
1e rangée : Maxime (fils de Chantal), Chantal, Estelle, Manon, Daniel, Victor,
Louis, (fils de Sylvain), Annie (épouse de Sylvain )
2e rangée : Frédéric (fils de Chantal), Kévin (époux de Chantal), Jean- Philippe
(fils de Sylvain), Mairie-Pier, ( fille de Sylvain), et Malik (fils de Marie-Pier,
David ,(conjoint de Marie-Pier), Sylvain et ses deux fils: Xavier et Julien .
Lucia Goupil et Joseph Gamache
Après la naissance de Maria à Saint-Lazare, Olivine commençait à se sentir plus en confiance à
Stoke et elle avait décidé de terminer désormais ses grossesses cet endroit. La première fille à
naître à Stoke arriva le 16 mars 1904. Malheureusement, cette fille qui avait été prénommée
Alida est décédée le lendemain de sa naissance. Onze mois plus tard, une autre fille vit le jour.
C’était le 25 févier 1905. Celle-ci approchait beaucoup plus vigoureusement que la précédente et
semblait destinée à une longue vie. Le lendemain, elle fut baptisée par le curé Martel de Stoke.
On lui donna le nom de Lucia Aurélie et ses parrain et marraine furent Jonny St-Cyr et
Philomène Brunelle.
Après avoir fréquenté la petite école et avoir terminé sa 5e année en 1916, Lucia est demeurée à
la maison pour aider sa mère qui avait encore plusieurs enfants à la maison dont le plus jeune
Léon, avait à peine un an. Sa mère était enceinte de son dernier enfant qui naquit le 17 octobre
1916. Ce fut une fille qui fut prénommée Marie-Louise Olivine et qui ne vécut que 15 jours.
Pour Lucia, l’apprentissage des tâches domestiques se poursuit pendant 4 années au domicile
familial.
Au début des année 20, Lucia était prête pour travailler à l’extérieur et se faire un peu d’argent de poche.
C’est ainsi qu’elle se trouva comme domestique chez James Gamache et son épouse Anna Pinard du 6e
rang de Stoke. On présume que c’est ce travail qui a permis à Lucia de rencontrer son futur époux Joseph
Gamache qui était le neveu de James Gamache. Il faut aussi dire que la maison habitée par James était
celle de l’ancêtre Joseph Gamache, grand-père du jeune Joseph. De fil en aiguille, l’amour est né entre ces
deux personnes aux caractère si différents.
Le jeune Joseph né le 15 août 1899 à Stoke était le fils aîné de William Gamache et de Rosalie
Dubreuil et le petit-fils de l’ancêtre Joseph Gamache et de l’Irlandaise Martha Murray. Il partage
donc en grande partie le même héritage génitique que celui de sa cousine Alice Gamache dont
on a présenté sa généalogie au chapitre 8.
Ils se sont mariés à Stoke le 22 juin 1925. Joseph allait bientôt avoir 26 ans et Lucia en avait 20.
Après leur mariage le jeune couple vint s’installer da la maison de Joseph dans la maison natale
de Joseph, celle que son père William avait bâtie de ses mains sur le lot 12 a du 6e rang de Stoke.
William avait décidé de laisser toute la place à son fils et il alla demeurer tout à coté de la maison
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de sa seconde épouse, sa cousine Malvina Gamache. Quand à Joseph, sa voie était toute tracée, il
allait passer toute sa vie sur la ferme et faire vivre sa famille de l’industrie laitière.
Joseph Gamache était un homme calme et peu bavard. Ce qui impressionnait d’abord celui ou
celle qui le rencontrait était ses beaux yeux bleus et son sourire communicatif. Il avait une espèce
de force tranquille qui transparaissait dans son travail même s’il pouvait parfois paraître lent, il
abattait souvent plus de besogne que ceux qui déplaçaient beaucoup d’air mais n’avait pas sa
constance. Lucia au contraire était beaucoup moins calme et apparaissait très énergique dans tout
ce qu’elle entreprenait. Elle était très sociable et aimait la danse. Quand on dit que les
contraires s’attirent, c’était vrai. dans leur cas c’est peut-être la raison de l’attirance qu’ils ont
ressenti l’un envers l’autre.( Histoire de Goupil p. 177 à 179 )
Joseph Gamache, un homme de terre
Joseph Gamache était un petit homme qui n’avait pas une once de gras. Il avait un visage
osseux et une belle tête d’Irlandais. Il était moins flamboyant
que son épouse mais il n’en n’était pas pour autant moins
respecté. Il était issu d’une famille terrienne et son père lui
avait inculqué cette passion pour la terre qui ne se démentira
jamais au cours de sa vie. Même après sa retraite, il
continuera à aider son fils Daniel aussi longtemps que sa santé
le lui permettra.
Son frère Olivier, qui était devenu prêtre, avait lui aussi conservé cet attrait pour le travail aux
champs et il ne manquait pas une occasion de venir lui prêter main forte pour les foins et pour
l’achat des instruments de ferme.
Dans la vie de tous le jours, Joseph était un homme agréable à vivre et il ne semblait pas s’en
faire avec quoi que soit. Il supportait stoïquement les impatiences de son épouse. Même s’il ne
prenait jamais le haut du pavé dans les soirées ou dans les grandes réunions de famille, il y
prenait beaucoup de plaisir et il s’amusait des pitreries ou des histoires des beaux-frères Goupil,
Bergeron ou Chaîné.
C’est à l’âge de 67 ans que Joseph Gamache vendit sa ferme du 6e rang à son fils Daniel, Comme
il avait conservé une très bonne santé, il continua à travailler au même rythme que lorsqu’il en
était propriétaire. Le seul repos qu’il se permettait était un petit somme après le dîner d’où il
ressortait frais comme une rose.
À partir de 75 ans, il a commencé à prendre un « coup de vieux » et à
ralentir ses activités sans jamais les arrêter complètement. Lors d’une
partie de carte au Club de l’Äge d’Or de Stoke le 5 avril 1983, il a
été victime d’un accident vasculaire cérébral et il a été transporté a
CHUS ou il est décédé le 10 mai 1983 à l’âge de 83 ans.
Après la mort de son époux, Lucia est demeurée seule dans sa
maison pendant encore 4 ans. Puis l’ouverture de HLM de Stoke,
elle est venue s’installer et y a vécu 2 ans. Après quoi, elle est
déménagée au foyer Brooks à Sherbrooke ou elle est décédée le 10
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février 1983 à quelques jours de son 88e anniversaire de naissance.
Lucia fit valoir ses talents dans beaucoup de domaine. En particulier celui de sage-femme
qu’elle pratiqua de 1940 jusque dans les années 1950. Elle avait été initiée à cet art par MarieLouise Guillemette, la sage-femme du village. Elle accompagnait le docteur René Robillard et
René Veilleux. Généreuse et dévouée, elle prenait soin de la maison et des enfants pendant
quelques jours. Elle été la première femme marguillière et a fait partie de la chorale pendant de
nombreuses années. Ce sont ces activité qui lui ont valu d’être nommée mère de l’année à Stoke
en 1975. ( Histoire des Goupil p.177 à 179 )
Lucien Perreault (opérations forestières) 1937-1938
Liliane Perreault Evans
Numéro de contrat d’embauchage 37. Contrat d’embauchage à Stoke, le 11 octobre 1937.
Propriétaire de forêt : J. A. Campeau .
Nom de l’employé : Lucien Perreault, domicilié à Stoke, âgé de 35 ans, sexe masculin, marié.
Nom du plus proche parent Anna Léa Perreault.
Entrepreneur : H. Pomerlau, domicilié à Stoke.
Je soussigné, par la présente, consens à travailler et servir fidèlement comme charretier pour
aussi longtemps et aux endroits que mes services seront requis dans le district de Stoke, au cours
des opérations de l’exercice 1937-1938.
Gage par jour, avec pension, 1.75$ en acompte .
Ouvrage à forfait 2.50$ du mille pieds pour mille en
« roule » (roule) payable au « mesurement » final et au taux
fixé par le Service de la protection lorsque je serai appelé à
combattre les feux de forêt.
J’accepte de travailler au tarif précité pour les raisons
suivantes : pour ma famille.
Je m’engage à subir à subir un examen médical, aux frais du patron à la demande de ce dernier.
Mon temps commence le 11 octobre 1937. Soit que je travaille à la journée, à forfait, je devrai
recevoir un règlement final, sur demande au bureau de la Compagnie à Stoke.
Déduction .
Je m’engage aussi à accepter qu l’on déduise de mes gages :
1- Dans le cas où je travaillerais à forfait ou si mes gages n’incluent pas la pension, la
somme de .60 $ pour ma pension et mon logement chaque jour.
2- Dans le cas où mes gages comprennent la pension, la même somme pourra être
déduite pour chaque jour perdu de ma propre volonté
3- Les vacances en argent qui m’auront été faite.
4- Les frais de transport jusqu’au débarcadère public le plus rapproché des
opérations.
5- Le coût des marchandises acheté de mon employeur ou aux magasins de
la compagnie aux prix affiché au chantier en question
6- La valeur des outils retenus, perdus ou endommagés à raison de …. Chacune
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7- Lavage au taux de … par semaine
8- Le insignes d’identification perdues à raison de … chacune
9- Pour la location des chevaux de mon employeur, la somme de … par jour, et en plus les
frais de ferrage des chevaux, réparations aux harnais ou à l’équipement
Je m’engage aussi à me soumettre aux règlements forestiers du gouvernement et de la
compagnie, en tant que ces derniers seront conformes au premiers.
Signature de l’employeur ou de son commis :
Signature de l’employé :
Wilfrid Pomerleau
Lucien Perreault
Signature du représentant de l’employeur :
H. Pomerelau
Michel Goupil & Honorine Girard
Michel cultivateur.
Un mois avant son mariage avec Honorine Girard, Michel Goupil devenait propriétaire de la
terre où devait vivre la plus grande partie de sa vie adulte. Cette terre était celle de Édouard Piet
et était décrite au cadastre de Stoke comme étant les lots 12a et 12b rang
12. Ces lots étaient situés sur le coté sud du rang 13.
La transaction eut lieu devant le notaire Omer Biron, le 9 juillet 1934 et
le prix de vente avait été fixé à 1 500$ dont 200$ furent versés comptant.
Le versement suivant : une somme de 300$ était prévue pour le 7 juillet
1935. Le contrat spécifiait qu’il s’agissait d’une terre de 100 acres
incluant le roulant et les animaux dont 2 chevaux, 5 vaches, 2 taureaux,
un râteau double, 1 voiture, 2 pairs de traîneaux et des harnais.
Quelques années plus tard, Michel devenait aussi propriétaire de la terre
située de l’autre côté du chemin qui avait appartenu à son oncle Louis et tante Armélia. C’était
une terre de 132 acres. Le contrat d’achat devant le notaire a été passé le 7 mai 1943 et enregistré
le 31 juillet 1943, le prix d’achat a été de 3800 $. C’est sur l’ancienne terre de Édouard Piet
qu’était située la maison et les bâtiments de ferme. Cette maisons sera agrandie au fil des années.
Quand aux vieux bâtiments de l’ancienne terre de Louis Goupil, il n’existe aujourd’hui plus rien.
Quand Gaston en est devenu propriétaire, il a démoli ce qui en restait.
À part des fois où il discutait de politique, Michel était reconnu comme un homme raisonnable. Il
n’était pas Lacordaire comme son frère Louis mais il ne buvait qu’à l’occasion. Il fumait aussi,
mai sans excès. Dans la maison il était celui qui était le plus autoritaire. Les enfants en étaient
très conscients. On en a une preuve par cet anecdote ou Marcel âgé de 5 ans avait donné un coup
de hache sur la main de Rolland qui avait alors 3 ans. Il y avait sans doute un peu de sang, mais
ce que l’on retient surtout c’est que Marcel ne voulait pas que son père soit au courant. Il avait
même essayer d’empêcher son père d’entrer dans la maison en poussant la porte pour ne pas
qu’il voit ce qu’il avait fait.
Malgré cela Michel était un homme doux et patient avec ses enfants. Ses enfants parlent de lui
comme un homme serviable qui n’hésitait pas à donner un coup de main quand il le pouvait.
Comme il était habile des ses mains, il en profita pour apporter son aide dans les projet de
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rénovation de ses enfants. Une fois à la retraite, il a fait un jardin en commun avec l’épouse avec
de son fils Rolland. Très tôt le matin, il était prêt à travailler. Il fallait que ce soit un très grand
jardin pour pouvoir en donner à tous et chacun.
Michel avait la réputation que d’être un homme économe pour ne pas dire près de ses sous.
On prendra par exemple que lorsqu’il résidait seul au HLM de Stoke, il n’avait aucun talent et
aucune volonté de se faire à manger. C’est pourquoi que ses enfants lui avaient offert de faire
venir son repas du midi au restaurent. Il mangeait une portion le midi et gardait l’autre pour le
souper. « Au prix que ça coûte, il faut en avoir pour 2 repas!»
Même si Honorine était un peu moins autoritaire que Michel, elle n’était pas une femme timide
et il lui arrivait parfois de montrer son petit caractère en donnant, par exemple un coup sur le bord
de sa chaise pour signifier qu’elle était en désaccord avec ce qui venait d’être dit ou fait. Mais
on retiendra surtout qu’elle était une femme ricaneuse et très chaleureuse qui s’hésitait pas à
serrer fortement ceux qui lui rendaient visite. Elle était aussi connu pour être une personne
blagueuse qui s’amusait comme une enfant. Elle avait aussi une certaine coquetterie et se
plaignait souvent en se regardant dans le miroir. Il lui arrivait aussi de fumer avec sa bru
Huguette Bilodeau juste pour se détendre et faire solennel.
Michel a toujours été intéressé par la politique aussi bien municipal que provincial. Mentionnons
qu’il était conseiller municipal de 1945 à 1949 et commissaire d’école. Au niveau provincial,
ceux qui l’ont connu n’ont pas besoin de faire d’effort pour se souvenir qu’il était un farouche
partisan du parti de l’Union Nationale et qu’il pouvait facilement s’emporter dans le feu de la
discussion principalement quand il était particulièrement en présence de sa sœur Lucia qui
prenait avec la même opiniâtreté que lui, mais pour le parti opposé, le parti Libéral.
Les discussions qu’ils avaient ensemble pouvaient tourner au vinaigre parce qu,’ils étaient têtus
aussi l’un que l’autre. Michel n’avait pas de problème avec son frère Frank qui était du même
bord que lui. Tout imprégné des idées de Maurice Duplessis , Michel a fini par tout
naturellement par adopter des idées nationaliste de Maurice Duplessis, Michel a fini tout
naturellement par adopter le parti Québécois de René Lévesque sans renier son ancien chef et
sans admettre ses erreurs.
Michel Goupil et la tornade de 1938
L’album souvenirs du 125e de Stoke a fait état des souvenirs de Michel Goupil sur 2 événements
climatiques qui se sont abattus sur le nord de Stoke en 1938. Tôt au printemps, cette année-là il y
eut une fonte subite de la neige due à une hausse très sensible de la température qui avait
occasionné une crue abondante et subite des cours d’eau.
Le petit cours d’eau intermittent qui se trouve à la limite
de la ferme et qui traverse la route 216 avait acquis une
violence inouïe et emportait tout. Lui-même, étant dans le
secteur critique au moment de cette débâcle, eut juste le
temps se de s’enfuir au moment où il allait être happé par
le courant.
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Le 2e événement survint l’été alors qu’une violente tornade de vent avait tout balayé sur son
passage et vint déraciner de nombreux arbres qui semblaient pourtant bien implantés. Les
travailleurs forestiers avaient dû interrompre leur travail en forêt et attendre que la végétation se
stabilise et que le terrain s’assèche. Michel en fut témoin et en fut affecté sur ses propres boisés.
Michel quitte l’agriculture en 1966, il avait 58 ans et commençait à voir quelques problèsmes de
santé . Il vendit sa terre à son neveu Gaston Goupil qui lui céda en retour sa maison près du 5e
rang.(…) (Histoire des Goupil, de Saint-Michel-de-Bellechasse à Stoke, 1698-2006, p. 211 à 214)
Michel Lemieux (1847-1894)
Un ami
Mardi, le 13 février, avait lieu à Saint-Raphaël, Bellechasse, les funérailles de Michel Lemieux,
cultivateur décédé à 11 février 1894 à l’âge de 48 ans.
Les desseins de Dieu ne nous sont pas connus, mais les coups qu’il frappe sont
parfois cruels et brisent bien des coeurs.
M. Lemieux paraissait devoir vivre de longues années. Il était jeune, d’une santé
florissante, et tant de choses l’attachaient à la
terre. Mais hélas! Sur quoi peut-on compter icibas! Tout nous échappe au moment où l’on s’y
attend le moins, et où l’on devrait, ce semble, le
moins s’attendre. On a la santé, la joie de la
famille, en un mot le bonheur aussi parfait qu’on
le peut désirer sur la terre
Mais un accident vient renverser tout ce
bonheur: une branche d’arbre frappe et voilà
cette famille si gaie et si heureuse plongée dans une grande douleur.
Plus de père! … Pauvre femme!… Pauvres enfant!... Nous partageons l’étendue du
malheur qui vous frappe, nous qui étions ses amis, nous partageons vos regrets,
mais aussi nous partageons les consolations que sa vie vertueuse donne à ceux qui
pleurent sa mort.
M. Lemieux était un chrétien sincère et convaincu. Enfant d’une famille vertueuse par tradition il
avait compris le but de la vie et était vraiment sage en conformant sa conduite aux convictions de
son esprit. L’aménité de son caractère le faisait l’ami de tous ceux qui le connaissaient, sa bonté
et son obligeance lui méritaient de nombreuses gratitudes: sa mort a été un deuil pour toute le
paroisse.
Il n’est plus avec nous, ici-bas, ainsi la mort d’un chrétien aussi fervent est belle, et laisse de
grandes consolations là-haut. Il n’oubliera pas ceux qu’il aimait sur la terre et sa protection plus
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puissante continuera de guider dans le chemin de la vie sa femme et ses jeunes orphelins. Ses
amis étaient nombreux, les prières qu’ils adresseront au ciel pour lui seront nombreuses.
Napoléon Venner (Napoléon )
Napoléon Venner est né dans le comté de Dorchester de 1849. En bas âge, toute la famille émigra
aux État-Unis, à Déroit, Michigan. De sérieux problèmes de santé l’obligèrent à regagner sa terre
natale à la suggestion de son médecin qui lui conseilla de s’établir dans les Cantons de l’Est.
Au début avril nous le trouvons donc à Stoke où il acheta à son arrivée, le lot 17 rang 8 d’une
superficie de 158 acres de M. Michael McCaffrey pour la somme de 500 $. Pour atteindre son
lot il utilisa un chemin du milieu des terres longeant le ruisseau Guillemette entre le 8e et 9e
rang. Il était alors âgée de 29 ans.
Il y construisit une cabane de bois rond et commença à
couper le bois et à arracher les souches tout autour pour y
garder un cheval et une vache. Peu à peu il défricha sa terre,
fit brûler les souches et agrandit le déboisement en coupant
de la pruche dont il vendait l’écorce pour la tannerie et les
manufactures de teinture.
Vers les années 1884, une étable fut construite pour y abriter
deux vaches et un cheval. Il épousa Élise Larrivée. Ils
eurent 5 enfants : Georges, Célina, Jeanne, William,
Obéline .
Son troupeau s’élevait à 4 vaches et deux chevaux. Il fit en outre un chemin carrossable vers les
années 1893 pour rejoindre le rang 8, chemin que nous utilisons encore aujourd’hui. Au début des
année 1900, il était possible de passer en voiture pour se rendre au village. Il semait et récoltait
suffisamment pour subvenir à ses besoins.
En 1920 William est agé de 24 ans, le 24 de la même année, il épousa Georgianna Jetté et
continua à vivre avec avec Napoléon sur la ferme familiale. Pour l’occasion son père lui donna
une partie du lot 17 Rg 8 soit 58 acres de terre. Le 12 octobre de la même année Napoléon
s’éteignit à l’âge de 79 ans.
William Venner (Napoléon )
Le 25 aout, William se porta acquéreur de la terre de M. Joseph Murphy pour agrandir la sienne.
Le 12 septembre 1929, il acheta de Mme Hélène Leboeuf 42 acres de terre. Au décès de
Napoléon, il légua par testament à William les 100 acres restent du lot 17 Rg 8. Les 200 acres du
lot 17 Rg 8 étaient maintenant complétés. A ce moment, sa famille compte 3 enfants: Omer,
Rita, et Willie. En 1930 William décida de déménager dans le 8e rang en réparant la maison de
Jos Murphy, maison qu’il habita durant 13 ans. Ce déménagement lui économisa l’entretien de
¾ de miles de chemin et le rapprochait à un mille du village sur un chemin beaucoup plus
praticable. La même année il construisit une grange pour abriter 45 bêtes à cornes et 4 chevaux.
De 1930 à 1943, la famille s’agrandit de 4 autres enfants : Éva, Robert, Yvonne et Vilmont.
En 1943, il débuta la construction d’une nouvelle maison, mais malheureusement la g range brula
ce qui obligea William à vendre une partie des animaux et à construire une étable temporaire
pour hiverner ceux qui restaient. Les chevaux furent logées dans la vieille maison réaménagé à
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cette fin et la famille s’installa dans la maison neuve qui n’avait pu être terminée. En 1944, en
prévision de la reconstruction de la grange, pendant tout l’hiver , il coupa le bois nécessaire et au
printemps, un moulin à scie portatif fut installé pour préparer le bois nécessaire à la construction
proposée. Durant les années qui suivirent il fallut travailler pour remplace les animaux qui
avaient été vendus, réaménager les bâtiments secondaires: remise, poulailler, garage, etc )
Nicolas Guilmette s’en va au bois
Laurent G.
En s’inspirant du Deutéronome nous pourrions affirmer, nous aussi Québécois ou Canadiens que
« Nous sommes tous des fils d’immigrants ».
En effet l’ancêtre de tous les Guillemet en Amérique vient de
Nicolas et de Marie Celle.
Jeune, Nicolas natif du nord de la France comme tant d’autres
pionniers Québécois ou Canadiens étaient originaires de Picardie,
Normandie et Anjou . Il partit du Havre en France pour venir dans
un pays sauvage. La traversée était longue et pleine d’ennuis. Ils
étaient ni préparés ni habitués à affronter les froids excessifs de nos
rigoureux hivers.
« Car dans les premiers temps nos pères n’avaient même pas de
poêles, cet ustensile si nécessaire au ménage. Il fallait se contenter
d’un feu cheminée ». (Abbé Charles Trudel)
Le 12 octobre 1667, Nicolas se marie avec Marie Celle qui avait 20 ans, était native
l’arrondissement de Rouen . Elle était une fille protégée du Roi. Elle apportait une somme de 200
livres pour sa dote. Nicolas avait loué une petite ferme de Mgr Laval à St-Joachim. Plus tard en
1670, le couple obtint la permission de Mgr Laval de s’établir à l’Ile d’Orléans sur une
concession de 5 arpents de front, incorporant la petite Rivière Lafleur.
Au recensement de 1682, Nicolas et Marie Celle demeurent à Saint Jean Île d’Orléans .
Philippe Paquet et Guillaume Dupas se présentent comme leurs voisins pacifiques.
Ils eurent 10 enfants: 9 filles et 1 garçon. Le seul qui portera le patronyme Guillemet à travers
l’histoire. C’est ainsi que le sang des Guillemet commença à couler dans les veines des
Canadiens.
Dans l’inventaire après décès de Nicolas le 16 décembre 1700, on voit que les Guillemet
affectionnaient les fourrures. Ils ont une vieille peau d’ours, 3 couvertes de poil de chiens, un
capo de péchina (pékan ou martre) et un bonnet garni de peaux d’ours, un jeune taureau, « 3
mères-vaches », des poules et un coq. Aucun chien vivant .
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Les 30 arpents de terre « propre pour labourer » ont été laissés à ses enfants. Il a su manier la
hache pour faire de la « terre neuve » dans son pays d’adoption . Il est honnête d’affirmer d’après
le Père Lebel rédemptoriste, que la famille avait travaillé ferme pour en venir à une aisance
raisonnable pour l’époque.
« Ce géant, trop grand pour occuper la seule mémoire, c’est la mémoire d’un peuple tout entier
qu’il lui faut ». (Pierre Pétrel, 1977)
Noël Goupil (Joseph)et Juliette Marcotte (Wilbrod )
Le 25 décembre 1909 un garçon est arrivé dans la famille de Joseph et d’Olivine. Il a été baptisé
le jour même, et on n’a pas pu faire autrement que de lui donner le
nom de Noël Alexandre. Ses parraine et marraine ont été Alexandre
Laforêt et Rébecca Boucher. Comme les autres enfants de la famille,
il a fréquenté l’école primaire de Stoke assez longtemps pour pouvoir
se débrouiller dans la vie.
Après avoir besogner sur la ferme familiale, Noël a travaillé quelques
années comme bûcheron aux Etats-Unis. Ayant accumulé un petit
montant d’argent, il jugea qu’il était mûr pour le mariage, d’autant
plus qu’il avait déjà 35 ans.
Le grand jour du mariage arriva le 15 novembre 1941. La promise
était une fille de Stoke. Elle vit 20 ans et se nommait Juliette Marcotte. Elle était fille de
Wilbrod et de Lodia Brouillard. Avant son arrivée à Stoke Wilbrod avait vécu à différents
endroits dont Saint-Herménégilde été charroyeur de billots de bois.
Après leur mariage, le jeune ménage prit logement à Sherbrooke puisque Noël avait trouvé un
emploi dans un moulin à Papier à Lennoxville. Après un court laps de temps en logement sur la
rue Galespie, ils s’installèrent sur 108 de la rue Conseil. Quand la 2e guerre mondiale arriva et
que les emplois se firent plus rares au Canada, Noël se tourna vers le seul métier qu’il savait
faire, celui de bûcheron. Il repartit vers les chantiers des États-Unis et y travailla quelques
année. C’est là à St-Johnbury dans l’État du Vermont qu’il s’est retrouvé avec son neveu Jules
Goupil dans les années 1945-46.
La fin de la guerre ramena les soldats américains chez eux et les Canadiens français durent leur
céder la place dans les chantiers, C’est ainsi que Noël Goupil se réorienta dans le taxi vers la fin
des année 40. Bientôt il devint propriétaire de son propre taxi et c’est cet emploi qu’il garda
jusqu’à la fin de sa vie.
C’était un homme sérieux, discret, introverti et inquiet tout en étant un papa gâteau pour ses
filles : Raymonde, Diane , Armande et Sylviane. Comme ses frères Noël avait beaucoup de
difficulté à exprimer ses émotions et il ne parlait pas beaucoup. Il était tout le contraire de son
épouse qui avait la parole facile et qui ne manquait pas d’exprimer avec vigueur ses opinions.
Quand il était le sujet de critiques acerbes de la part de son épouse, Noël se réfugiait dans le
silence ce qui avait le don d’exaspérer encore davantage Juliette qui qualifiait ce comportement
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de boudeur. Mais le fait qu’il n’est jamais répondu à la provocation est peut-être la raison qui
explique que le mariage a survécu malgré tout pendant 32 ans.
Pour faire vivre sa famille, Noël travaillait continuellement et cela 7 jours par semaine. À cause
de son horaires irréguliers et aussi parce qu’il était difficile sur la nourriture (celle de Juliette
n’était jamais à son goût et pas assez sucrée ). Il préparait lui-même ses repas. Comme il se levait
tôt pour préparer son déjeuner, il en profitait pour faire aussi celui de toute la famille.
« Saluons nos ancêtres qui ont planté leur hache dans les érables de notre Canton »
(Albert Gravel )
Olivier Gamache et Rose-Aimé Gatien
Olivier est le 1e enfant du couple. Il est né le 17 mars 1926. Il a quitté l’école à l’âge de 14 ans
pour aider son père. Mais comme ce n’était pas le genre de vie qui lui plaisait, il est finalement
parti de la maison vers l’âge de 24 ans.
Il a alors travaillé 8 ans dans le secteur de la construction à
Montréal. Ensuite, il est revenu à Sherbrooke à la fin des
années 60 et à l’âge de 43 ans, il s’est marié à Rose-Aimé
Gatien le 11 octobre 1969. Il alors travaillé comme plâtrier
et ensuite à la laiterie Leclerc jusqu’à sa retraite en 1991.
Depuis le moins de mars 1995, Olivier habite les Résidences
Bellevue du 1044 King est à Sherbrooke. Il garde encore
toute sa verdeur de sa jeunesse même si ses vieux os
(Bureau-Magasin) Laitrie
Leclec à Sherbrooke-Robert Benoît
commencent à le trahir. Il demeure passionné de la discussion et ses sujets de prédilection pour
s’indigner ne manquent pas allant des maudits américains aux gouvernements et à une multitude
d’autre sujets chauds.
Olivier et Rose-Aimé, maintenant divorcé ont eu 2 fils: Réjean et Ivan
Philémon Fréchette et Emma Guay
Agathe Fréchette
Philémon et Emma de la paroisse Saint-Philémon de Stoke. Mon père est né à SainteAgathe de Lotbinière. Il Emma Guay en 1897. Mes parents donnent naissance à 13 enfants dont
un couple de jumeaux.
Mes parents possèdent une grande terre à bois. Dans les premiers
temps mon père engage quelques employés pour l’aider à bucher
son bois et scier au godendard. Il doit parcourir une distance de
13 milles pour aller vendre ce bois à Sherbrooke aidé d’un
employé et de son fils Donat.
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Ensuite mon père exploite un moulin à scie qui fonctionne à l’eau. Il est parmi les premiers
habitants de Stoke à avoir un tracteur chenille de marque
Cleveland, provenant de l’Ohio. L’un des fils l’utilise pour le
battage du grain chez les cultivateurs.
Il est également le premier à posséder une auto de marque « Baby
Grant ». Que c’est agréable d’aller à la messe de minuit en auto !
Mais c’est mois plaisant de revenir dans la tempête ! Il faut pousse
le « gros char » pour monter la côte sans être trop bien vêtue pour
la circonstance.
Mon père trouve aussi le moyen d’éclairer tous les appartements
de la maison avec le gaz, Cette forme d’éclairage ressemble
étrangement à celle de l’électricité.
Il ne faudrait pas oublier ma mère qui épaule admirablement
mon père. Dans tous ces projets. Elle est particulièrement
douée comme cuisinière ce qui ne l’empêche pas de faire la
couture, le filage de la laine, le tricot, le tissage, les travaux à
l’aiguille et de pouvoir également à l’éducation des enfants.
(Alice Fréchette, Saint-Lin)
Hommages à nos bucherons et cultivateurs du 9e rang est :
1872, Édouard Fréchette et Flore Roy achètent 200 acres du Rév. Pierre Hubert
1897, Philémon ( Édouard ) et Emma Guay prennent possession de la terre paternelle
1938, Louis(Philémon) et Anida Rousseau (Léon) se marient donnent naissance à 12 enfants
1939, Lucien (Philémon ) et Éva Jetté ( Stanislas ) se marie et ont 7 enfants
1941, Louis et Lucien achète la terre paternelle de leur mère Emma Guay
1907, Mathias Desrochers et Marie-Louise Martel
1945, Gérard Desrochers et Gilberte Rousseau prennent possession de la terre paternelle
1935, Léon Rousseau achète la terre d’Henri Hénault
1937, Baltazar Leboeuf (Hercule) achète une ferme qui avait déjà appartenue à Noël
Lemelin et Lazare Roy
1966, Agathe Fréchette ( Louis) et Bertrand Dubreuil ( Joachim ).
Noël au camp
Tex Lecor
Onze heures, pis aujourd’hui, ben c’est Noël
e
Pis, pour moé, ben c’est mon 18
J’ai passé la journée à regarder dehors
Pis ça fait 3 jours qui neige ben raide
Pis que les chemins sont gelés ben dur
Avant-hier, on a reçu des cartes
Pis on a passé la soirée
À regarder les images qui avaient dessus
Moé, j’ suis pas pire
J’en ai 5 d’accrocher sur mon mur au-dessus de mon buck
J’en ai même une qui est faite à main
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Qui te blasphème à grande journée
Tu sais que c’est pas pour mal faire
On a appris à sacrer avant de marcher
C’est pas pour être méchant Ti-Jésus
Toé, tu nous connais icitte
Les gars de bois tu sais
Hé! Les gars, vous êtes ben tranquille ?
7, 8, 9, 10, 11, 12
Joyeux Noël tout le monde!!!!!!!
Il est né le divin enfant
Jouez hautbois, résonnez musettes
Il est né le divin enfant
C’est de mon père
Y a jamais été à l’école pour apprendre ça
C’est comme un don
Y’é capable de dessiner tout c’qu’y voit
Excepté ma mère
Y dit qu’est trop belle, pis qu’y a jamais essayer
Chantons tous on avènement …
Hé Rosaire, quelle heure qui est?
Minuit dans vingt
On a beau pus être un enfant
Pis, être capable de faire face à la vie
Pis, en ce moment, ben
J’ai comme des boules da la gorge
Pis, si c’était pas de ce maudit orgueil
Ben, j’cré ben que je braillerais
Ah! C’est une grande chose pareil
Un petit enfant vient au monde
Pis toute la terre le sait
Ti-Jésus, même nous autres icitte dans le bois
Merci ben
Ça doit être noir de monde sur le perron de l’église
Mon oncle papou doit être nerveux là
C’est lui qui chante le « Minuit Chrétien » dans notre paroisse
Cré Papou, y doit tanker dur là lui
Ma tête me tourne un petit brin
C’est que j’ai quasiment bu le 26 onces de Rosaire
En écoutant les cantiques à la radio
Ça pas dérougi de la journée
Ben, j’cré ben que je braillerais
Non, mais c’est-y beau de la musique de Noël
C’est ben pour dire
On a beau pus être un enfant
Jean-Marie Guillemette, bucheron
Jean-Marie G.
Nous sommes au lendemain d’une mini-tempête ça me rappelle des souvenirs de bucherons. Je suis
bien mal placé pour parler de la vie des bucherons des ancêtres car je suis le plus jeune de la famille
de David Guillemette. La seule chose dont je me souviens de mon père c’est de ne pas l’avoir vu
bucher, mais soit le samedi ou dans les vacances des fêtes on allait décharger du bois de 4 pi. au 9 e
rang dans le petit chemin en face de chez Louis Fréchette.
Je me souviens aussi j’avais 7 ou 8 ans, il faisait déjà noir peut être que c’est «man» qui me
demandait, je ne me souviens pas, je montais sur le chemin
de la ferme (pour ceux qui ne connaissent pas la place entre
la barrière eu haut et le gros érable, pas loin, environ 1000
pi.) «Pa» s’en venait avec son «team» de chevaux chargés de
bois, assis sur le devant de la « sleigh», le casque de poil, le
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collet de son «capot» relevé pour se cacher du vent, car, dans les prairies c’était pas chaud. Pour
ceux critiquait le «Gros Gin» je peux vous dire par expérience, après avoir passé la journée dans la
neige et au froid c’était bien mérité.
Mon frère Gaston a commencé très jeune. Lui a commencé avec le «sciot» et la hache avec son
cheval Prince. Dans le temps c’était la Canada Paper. Pour ce qui de Gaston, à la fin des années 1950,
il allait faire du « plumage » (enlever l’écorce d’après les «pitounes» .
Pour les mêmes années, il y eu une terre à bois à Saint Pati, aujourd’hui chemin Carrier N. Je me
souviens d’avoir été là. Il fendit du bois à la masse dans les grosses chaleurs l’été. Je le trouvais bien
fort et courageux.
Dans les mêmes, mon frère André est allé bûcher de la petite épinette noire à Clova avec Maurice
Bélanger et Victor Jetté.
Moi j’ai essayé de couper du bois avec une scie mécanique. J’avais 11 ans, en 1959. On avait abattu
les gros ormes qui longeaient la route en montant chez les Venner, car en 1960, la municipalité a
refait la route. J’ai essayé de couper ces gros arbres à qui avait été placé en bas de la maison. Avec
une grosse « Homelite» qui était presque aussi pesante que moi. Ha! Ha! Je ne sais pas à qui
appartenait, mais, je sais une chose c’était pas celle de Gaston
car elle ne coupait pas.
À l’hiver 1963, Normand et Gaston sortaient du 4 pi. de bois
franc pour la Compagnie. Ils avaient 2 « team». Normand m’a
écrit à Chambly, il me dit sur sa lettre : « Qu’il y a 42 po. de
neige par-dessus les cordées ». Ça prenait du courage pour
sortir ce bois!
En 1967, j’ai travaillé avec Gaston sur l’ancien lit de William
Coté, au bout de la terre à Vilmont Venner, du côté de
l’érablière à Lin Guillemette, appartenait à Irénée Perreault, le
gendre de W. Coté. Dans les grosses chaleurs, je vais dire
comme Gaston: « Nos guenilles étaient mouillées du soir au matin».
Plus tard, à l’hiver 1968-9, je suis parti à Cornwall, Ont. Normand était là depuis quelques mois. J’ai
coupé du bois en 4 pi. Normand abattait les arbres, Bernard Martel conduisait le Thumberjack ( la
débusqueuse) et moi je débitais. Quand on a commencé le terrain n’était pas gelé. Trainer les arbres
dans la terre, la scie ne coupait jamais. C’était l’enfer! L’année suivante, on avait pris de l’expérience
et ça allait mieux.
Je pensais jamais retourner dans le bois, mais la vie m’a joué un bon tour.
En 1979, j’ai commencé à bucher chez Léo Jetté au 9e rang. J’avais un «Jeep Bronco»
et un petit «trailer» 4 X 8 pi. Après 1980, j’ai buché avec Denis Jetté, l’ancienne terre à Luc.
En 1981, j’ai acheté mon premier petit camion 6 roues et j’ai livré du bois de chauffage pendant
plusieurs années.
En 1982, j’ai buché chez ma sœur Cécile. Je lui ai fait son bois de chauffage. Mon neveu Christian
Daigle travaillait avec moi.
En 1983, j’étais dans la région de Magog. Je me suis acheté un tracteur avec une pelle pour faire du
terrassement mais tout de suite la premier hiver j’ai commencé dans le bois avec.
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En 1990-91, je buchais à environ 5 milles de Magog en direction de Georgeville. C’est dans ce temps que
la Domtar a commencé à prendre du bois de pulpe en 8 pi. J’ai buché là des arbres jusqu’à 36 po. de
diamètre. Oublier le crochet à « pitoune » Ça prend de la «machinerie».
En 1993, à Richmond, j’ai fait du ménage dans une érablière dans la montagne. De la neige presque
jusqu’en dessous des bras. Et j’ai abattu un hêtre qui avait 52 po.de diamètre, branchu comme un
pommier. Ça m’a pris une journée complète pour sortir tout ce bois avec mon petit tracteur.
En 1994, chez Mme Gouin dans le 2erang de Saint Camille, j’ai fait plusieurs voyages de bois de sciage et
de bois de chauffage.
En 1995, chez mon frère Normand ça faisait 49 ans que ça n’avait pas été buché. C’est là que j’ai acheté
mon « Thumberjack » car il y avait beaucoup à sortir.
En 1997, à Cookshire, j’ai coupé un lot complet d’épinettes branchues jusqu’à terre.
En 1998, chez Anctil à St-Denis de Brompton. C’est là que j’ai pris ma retraite.
À l’hiver 2011, mon frère Normand vient d’avoir 65 ans. Bien courageux, il buche une Vanne de 8 pi. de
bois mou et « pitounes » de 4 pi. avec son cheval à grandes pattes, tracteur Ford 5 000. Je suis allé lui
donner coup de main pour me dégourdir un peu.
C’est un beau métier mais c’est plus facile à écrire qu’à faire.
L’hiver bucheron, l’été cultivateur
Laurent Guilmette
L’été, la ferme avec un petit troupeau de 12 à 20 vaches, quelques cochons, des poules et
parfois des moutons rapportait juste assez pour nourrir la famille. On fabriquait son beurre et
on envoyait le lait à la Carnation, ce qui était une source de revenu importante. L’automne on
faisait boucherie, et on préparait des conserves pour l’hiver. Dans des jarres de grès, on salait
du lard et des concombres, etc.. Dans la cave, on conservait le plus longtemps possible, les
choux, les carottes et les pomme de terre, dans du sable. C’était une
agriculture de survivance.
L’hiver, chaque fermiers coupait son bois de chauffage. Il fallait bucher
pour chauffer la maison et aller vendre le surplus au gens de la ville
pour avoir un autre revenu. Et quand ces deux sources
(bois et industrie laitière) ne suffisaient pas pour joindre le deux bouts, il
fallait que le père avec son ou ses fils plus âgés prennent la décision
d’aller travailler dans les chantiers.
Souvent dans des conditions de vie et de travail rudimentaire : pour 15
heures de travail ardu, ils étaient payés seulement 0. 75 $ à 1 $ par jour.
Il a fallu que les Abitibiens fassent la grève en 1933, « La Strike Clérion »
pour que les conditions changent un peu pour avoir de 26$ à 35$ à la fin du mois, pension payée.
L’UCC (Union Catholique des cultivateurs) défendra leurs droits ).
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Savoie Turcotte, bûcheron duran 8 mois et demi
Marthe Lemire
Ma mère Rita Savoie voulait me donner un nom que pas un autre être humain ne porterait et elle
me donne son nom de famille : Savoie. Elle ne m’encourageait jamais dans ce que je faisais. Elle
me comparait toujours à mon frère qui était meilleur que moi, d’où le besoin d’un grand défi de
lui prouver qui j’étais.
Ma mère me fit un seul compliment, en 1977 et je suis né en 1946. Lors d’un voyage chez ma
sœur, par un froid Sibérien. Elle me dit : « Savoie, tu es un maudit bon chauffeur! ». Je
conduisais une Toyota Corolla . J’étais très content et très fier de moi. Surtout ça venait de ma
mère. J’avais 19 ans.
J’ai décroché de l’école et de la maison . Il fallait que je prouve à mes parents que je pouvais me
débrouiller par mes propres moyens. Mon père m’avait écrasé la main quand je lui ai que
j’allais travailler comme bûcheron. Il m’avait dit : « Tu t’offras pas longtemps ». « It’s gone a be
a hell of drive ». ( Ça va être tout un périple ), comme disait Chrétien à son équipe.
Je m’en vais bûcher à P’ti Lac, dans le Parc des Laurentides pour la Domtar New Sprint
Company, pour faire du bois d e pulpe. J’arrive en taxi avec 4 autres gars. Moi je n’avais pas
d’expérience. J’ai été engagé parce que, motivé. Je n’avais aucun critère qui correspondait à
l’emploi, mais vu ma motivation, ils m’ont accepté.
À l’entrevue, ils m’ont demandé quelle sorte de « chain saw» que j’avais ? J’ai répondu: une
Sunbeam.( cette marque n’existait pas ). « Tiens-toi prêt demain, on part à 7 heures ».
Le lendemain, samedi, je vais m’acheter une scie mécanique, une Partener, une vrai. On
travaillait dans le bois avec une chenille
( Caterpillar ). Il fallait corder de la pitoun de chaque coté
du chemin d’une hauteur de
4 X 8 X 8 pi.
Comme le chante Gilles Vigneault :
« Amenez-en de la pitoun de sapin et d’épinette.
Amenez-en de la pitoun de 4 pi.
Des billots de 12 pieds .
Mon Ti-Paul est arrivé
On n’a pas fini de draver » .
En fin de compte j’ai travaillé 3 mois. Ensuite je suis allé travailler dans le Parc des
Lavérendry, en Abitibi, à bûcher du bois de 8 pi.. J’avais des petites mains et j’avais mal au dos,
par la suite je suis devenu très fort et avec des gros bras . Je n’avais plus de limite à ma force.
Entre Noël et jour de l’an, je suis resté seul au camp et chaque jour, j’allais au bois. En
Abitibi Oh! qu’on mangeait bien, de la viande, de la salade et du dessert! j’ai gagné 25
livres, tout en muscle. J’y suis resté jusqu'au 13 janvier jusqu’à la fermeture du cap.
En arrivant chez-moi j’ai donné une solide main de fer à mon père qui a été obligé de se mettre à
genoux et me dire: «Arrête, je le sais que tu es fort » .
Ce fut une courte et intense expérience de bûcheron dans ma vie. ( Savoie Turcotte )
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.
Beurrerie et fromagerie du 8e Rg O
Au village de Stoke¸ à l’entrée du 8e rang O. Cette beurrerie était une opération vers les années
1937-1943. Un groupe de cultivateurs décident de former une coopérative, en achetant d’Ovila
Lemire qui l’avait achetée de son père Joachim.
Cette transaction permet pertinemment qu’en devenant
copropriétaire de l’entreprise, ils se garantissaient un
endroit où ils pourraient expédier un endroit où ils
pourraient expédier leur crème étant donné que la
Carnation n’opérait pas encore dans sa fonction de
recueillir le lait chez les cultivateurs vers, 1937.
Richard Daigle était responsable de la fabrication du
beurre et du fromage. Lorsque la beurrerie appartenait à
M. Ovila Lemire et lorsque la coopérative fut instaurée
M. Richard Daigle et Élie-Ange Grenier lui succédèrent.
M. Henri Savage faisait la tenue des livres.
Cette coopérative comptait plusieurs membres : Henri Savage, Élie-Ange Grenier, Alfred Daigle,
Henri-Jules Gosselin, Léopold Brochu, Gérard Côté, Émile Godbout, Exilia (Pit) Dubé, Stanislas
(Pit) Jetté, Félix Guillemette, Armand Dubreuil, Freddy Provencher, Émile Biron, David
Guillemette, Jos Martel, Léopold Lieutenant, Joseph Gamache, Émile Barrière, William Venner,
_____________________________________________________________________________
Les Bergers de Stoke
Gaston Lieutenant
Gaston Lieutenant, je suis fils de Sébastien Lieutenant et d’Imelda Gamache. Avec ma
compagne Hélène Manseau nous avons eu deux enfants: Antoine (35 ans) et Aurélie (32) qui
exercent ce métier encore aujourd’hui.
L’élevage de moutons a commencé sur la terre de 100 acres de
Léandre Martel avec 200 brebis. C’est réellement en 1980 que
débute l’expansion de l’élevage sur le nom de BERGERIE
VERLAINE.
En 1986, j’achète la terre voisine, celle de de Winslow Lemire,
Aujourd’hui on en compte près de 1500 ovins répartis en trois
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races :
- Les moutons blancs DORSET (500) têtes
- Les moutons noirs ROMANOV (500)
- Le croisement des deux donne les F1 (500)
Ces moutons sont protégés jours et nuits par les chiens
(DES MONTAGNES DES PYRÉNÉES) et en plus ceux dans
l’enclos ont une 2e protection avec l’ANE qui peut les chasser avec ses sabots et son cri perçant
qu’on entend très loin.
Pour plus de sécurité tout le troupeau reste dans l’enclos hiver et été.
Comme la race bovine les ovins peuvent souffrir de mammite
(inflammation de la glande mammaire).
Autrefois quand le troupeau était peu nombreux on pouvait
donner un nom à nos agneaux mais aujourd’hui vu leur nombre
considérable on les identifie au moyen de numéro sur un tag.
La race Romanov peut mettre bas jusqu’à 5 petits, la femelle n’ayant que 2 trayons, il faut
nourrir ceux qui sont de trop, au biberon avec des douves ou une mère adoptive.
Pour les maladies courantes on essaie de trouver un remède sans recourir au vétérinaire. On
demande son aide quand il y a des complications ou pour prévenir
certaines maladies dont sont morts beaucoup agneaux, d’une
maladie semblable.
Autrefois en mars avril, les brebis mettaient bas mais aujourd’hui
nous pouvons dé-saisonner les femelles pour qu’elles mettent bas
12 mois par année, pour répondre à la demande du marché (vente de
viande)
L’été c’est la saison de la tonte. Jean-Pierre Goyette de Val Joli ou autre, éleveur lui aussi, vient
les tondre. (Ex. Les Romanov ont plus de poil que de laine). La
toison d’un ovin peut selon la race, peser jusqu’à 10 kilos. Un
berger tond jusqu’à 250 bêtes par jour.
Le berger s’occupe également d’inspecter et de préparer le bélier en
vue de la reproduction. Il faut compter un mâle pour 50 femelles.
Les béliers sont un investissement pour l’avenir du troupeau. Trois
mois après l’accouplement, une échographie. C’est le travail du
vétérinaire qui permettra de déterminer quelles brebis sont gestantes et combien d’agneaux
chacune mettra bas deux mois plus tard.
L’âge moyen pour la reproduction des brebis est de 4 ans.
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Les femelles stériles sont vendues. Celles qui n’attendent qu’un petit sont regroupées. Celles qui
en portent 2 ou trois reçoivent une attention particulière et des rations supplémentaires de
nourriture : soja, colza, blé, orge, avoine, maïs.
Le lisier sert à fertiliser le sol pour le fourrage de graminée.
La remorque sert à transporter les moutons d’une bergerie à l’autre
ou les mener à l’abattoir.
L’ensilage du maïs est entreposé dans des silos horizontaux.
Il n’est pas facile de léguer cette PME à ses enfants pas plus que
celle des cultivateurs, l’industrie laitière.
On peut se procurer de l’agneau à la Boucherie Clément Jacques aux deux Végétarien à
Sherbrooke.
Recette d’agneau : « Qu’est-ce qu’on mange » vol. 2, pages 162 à 170
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