Note d`expertise Publicité pour l`alcool / Paquet neutre
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Note d`expertise Publicité pour l`alcool / Paquet neutre
Note d’expertise Publicité pour l’alcool / Paquet neutre L’Institut national du cancer, agence d'expertise sanitaire et scientifique en cancérologie, tient à rappeler les chiffres et études qui concernent les deux principaux facteurs de risques de cancers que sont l’alcool et le tabac, à l’occasion de la discussion du projet de loi de modernisation de notre système de santé. Lors de la discussion du projet de loi au Sénat, les sénateurs ont refusé d’adopter un amendement du gouvernement visant à instaurer le paquet neutre, et introduit un nouvel article autorisant de nouvelles formes de promotion des produits alcoolisés, ces mesures seront rediscutées à l’Assemblée nationale minovembre lors de l’adoption définitive du projet de loi. Le tabac et l’alcool sont les deux premiers facteurs de risque de cancers évitables en France : responsables respectivement de 78 000 et 49 000 décès par an, ils causent chaque année 47 000 et 15 000 décès par cancer. Si ces mesures devaient être adoptées, ils auraient des conséquences importantes en termes de santé publique, lorsque l’on sait que : La publicité sert à faire consommer et elle est efficace. Renforcer la visibilité d’un produit, c’est encourager ou faciliter sa consommation : une augmentation de 1% des investissements dans les publicités pour l’alcool, c’est 0,15% d’alcool consommé en plus. Le lien entre l’exposition à la publicité et l’augmentation de la consommation d’alcool, notamment chez les jeunes, a été démontré dans 13 études internationales1. Pour atteindre 13 millions de fumeurs, les industriels du tabac, par leur présence sur les réseaux sociaux, la désinformation entretenue par des lobbyistes ou encore des événements ciblant les jeunes notamment, attirent 250 000 nouveaux consommateurs chaque année. Pour rappel, le tabac tue un consommateur sur deux. Encourager la consommation de produits dangereux pour la santé n’est pas banal. Contrôler la publicité pour les produits de consommation courante les plus dangereux pour la santé est nécessaire pour protéger la santé et limiter la puissance et l’influence de conviction des marques. 1 Anderson P., De Bruijn A. et al. (2009), « Impact of alcohol advertising and media exposure on adolescent alcohol use: A systematic review of longitidunal studies », Alcohol and Alcoholism, 44, pp. 229-243, cite par INSERM, chap.4 « Influence du marketing et de la publicité des industriels du tabac et de l’alcool », in INSERM, Conduites addictives chez les adolescents : Usages, prévention et accompagnement, Paris : INSERM, 2014, pp. 37-147. 1 Publicité pour l’alcool L’alcool participe à une tradition de convivialité, mais il est aussi responsable de 49 000 décès par an, dont 15 000 dus à un cancer. Il diminue de 17 ans l’espérance de vie d’un malade qui consommerait excessivement de l’alcool. S’il peut contribuer à notre économie, l’alcool coûte près de 5 milliards d’euros par an à l’Etat2. Sa consommation est aujourd’hui responsable de 80% des cancers de l’œsophage, ainsi que 20% des cancers du côlon et du sein. Conjugué à la consommation de tabac, il peut augmenter de manière spectaculaire les risques de cancers des voies aérodigestives jusqu’à 45 fois pour le cancer de la cavité buccale (bouche). A noter que l’alcool est également responsable de violences, notamment domestiques, d’accidents de la route, d’isolement ou de handicap chez les enfants lorsqu’il est consommé durant la grossesse. Aujourd’hui, il est déjà possible de communiquer sur l’alcool en France, et la loi Evin n’a pas besoin de nouvelles dérogations élargissant cette possibilité. Il est possible, depuis 1994, de faire de la publicité par affichage pour des boissons alcooliques. Il est également possible, depuis 2005, de faire référence aux appellations d’origine et aux qualités olfactives et gustatives du produit ainsi que d’en faire, depuis 2009, la publicité sur Internet – publicité à laquelle sont particulièrement sensibles les jeunes. Par ailleurs, les dépenses publicitaires pour l’alcool croissent constamment : jusqu’à 460 millions d’euros en 2011. Aujourd’hui, les affiches dans les abris bus et les gares, les « événements » foires aux vins, les publications dans la presse ainsi que la présence sur les réseaux sociaux sont bien implantés dans nos quotidiens et hebdomadaires (suppléments « vins »). Lors de la lecture du projet de loi santé le 16 septembre, les sénateurs ont inséré des mesures assouplissant les conditions de la publicité sur l'alcool en créant un nouvel article qui prévoit que "ne sont pas considérés comme une publicité ou une propagande […], les contenus, images, représentations, descriptions, commentaires ou références relatifs à une région de production, à une toponymie, à une référence ou à une indication géographique, à un terroir, à un itinéraire, à une zone de production, au savoir-faire, à l'histoire ou au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique disposant d'une identification de la qualité ou de l'origine, ou protégée […]." La création de ce nouvel article autorise ainsi la publicité de produits alcooliques liés à un terroir, une appellation ou un savoir-faire. 2 Kopp, Pierre, « Le coût social des drogues en France », 2015, Saint-Denis : OFDT, p. 7. 2 Concrètement, la publicité à la télévision et avant les vidéos à la demande pourrait changer. Les industriels pourront parrainer des émissions à la télévision ou à la radio, aux heures de grande écoute où l’audience est familiale, ou bien produire des programmes courts présentant des recettes à base de vodka ou de whisky par exemple. Des émissions régulières sur la fabrication des Scotch whisky, des vodkas polonaises ou des eaux de vie de kirsch luxembourgeoises pourraient ainsi voir le jour. Les recettes issues de la taxation sur les alcools ne représentent que 37 % du coût des soins des maladies engendrées par l’alcool. Encadrer la publicité pour l’alcool est nécessaire pour protéger la santé et pour sauver des vies. En effet depuis 10 ans les consommations excessives d’alcool augmentent chez les 1825 ans, qui sont une cible prioritaire sur lesquels se portent les efforts du marketing alcoolier3, tel que le montre une étude menée par l’INSERM. L’Institut national du cancer souhaite rappeler que dans ce contexte, un nouvel élargissement de la publicité pour l’alcool aurait des conséquences sur la santé de tous. En outre, l’encadrement de la publicité pour l’alcool est cohérent avec la démarche de réduction de l’alcoolisme qui anime le gouvernement depuis des années. En effet, la consommation d’alcool en France a diminué de moitié au cours des cinquante dernières années. Cette réduction est un acquis sanitaire majeur et, si la France a effectivement fait des progrès sur ce terrain, elle n’en reste pas moins le 11e pays consommateur d’alcool en Europe. 3 INSERM, chap.4 « Influence du marketing … », op. cit. 3 Paquet neutre Aujourd’hui, le marketing du tabac est très puissant. Selon une étude commandée par la Ligue contre le cancer à Ipsos en 2012, « 80% des 180 films français visionnés présentent des situations avec une représentation du tabac », pour une exposition moyenne de 2,4 minutes par film – « l’équivalent de 5 publicités commerciales ». Des dérogations à la loi Evin existent et l’on trouve des publicités pour le tabac chez les buralistes. Cependant 80 % des débits de tabac violent la réglementation en vigueur. Sur l’ensemble des PLV recensées, 88 % des publicités étaient illicites sur la forme (format affichette non respecté) ou sur le contenu (présence d’un slogan publicitaire, mention du prix, visuel autre que le produit du tabac etc..). Le cadre informatif dans lequel la loi actuelle autorise la PLV n’est donc pas respecté par les fabricants de tabac. Ces supports sont ainsi conçus pour faire oublier la nature dangereuse du tabac en utilisant les codes publicitaires d’autres produits inoffensifs (bonbons, musique, jeux,…) souvent consommés par les jeunes. Plusieurs fois par jour, des milliers de fois par an, chaque paquet de cigarettes exposé par un fumeur à son entourage est une publicité relayée par 13 millions de fumeurs en France. Les marques cherchent donc à donner envie, notamment via le design du paquet – avec des paquets aux airs chic, bio ou glamour – elles attirent 250 000 nouveaux fumeurs par an. Parmi l’ensemble des leviers efficaces pour faire reculer le tabagisme, le paquet neutre a toute sa place. 60 études scientifiques internationales4 prouvent que le paquet neutre permet de réduire l’attrait du produit en le rendant moins attirant et en empêchant l’identification du fumeur au produit. Il a un impact particulièrement dissuasif sur les adolescents qui voudraient commencer à fumer, mais aussi sur les fumeurs entraînant une diminution de la qualité perçue du tabac et du plaisir ressenti à fumer et donc de la motivation à fumer. La mise en place du paquet neutre est préconisée par l’OMS dans le cadre de la convention-cadre pour la lutte anti-tabac. L’Australie est les premier pays à avoir instauré le paquet neutre en 2012. L’Irlande et la Grande Bretagne ont récemment voté sa mise en place et de plus en plus y réfléchissent : Nouvelle Zélande, Finlande, Turquie, Canada… 4 Moodie C., Angus K., Bauld L. et al. (2013), « Is Consumer Response to Plain/Standardised Tobacco Packaging Consistent with Framework Convention on Tobacco Control Guidelines? A Systematic Review of Quantitative Studies », PLoS ONE, 8(10); Moodie C., Angus K. et al. (2013), « Plain Tobacco Packaging Research: An Update », Stirling : Centre for Tobacco Control Research, Institute for Social Marketing. 4 Contrairement aux craintes ou idées reçues, le paquet neutre ne favorise pas la contrefaçon, ni le marché parallèle de tabac. En Australie, où la mesure a été mise en place en 2012, il n’y a pas eu d’augmentation du marché parallèle des produits du tabac, contrefaçons ou vente à la sauvette. Une enquête indépendante menée en 20145 a montré que l’instauration du paquet neutre n’a pas eu « d’impact significatif sur la croissance de la contrebande de tabac » et qu’« il n’y a pas de preuve d'une augmentation de la contrefaçon ». La France a besoin du paquet neutre pour contribuer à faire reculer le tabagisme. A terme, le tabac tue un consommateur sur deux. Alors que les autres pays de même niveau socioéconomique que la France évoluent vers des taux de tabagisme d’environ 15%, la France stagne aux environs de 30%. Aujourd’hui, 13 millions de Français fument quotidiennement, dont 32% des jeunes de 17 ans. Le tabac coûte près de 14 milliards d’euros par an pour les finances publiques. Inscrit au Programme National de Réduction du Tabagisme, le paquet neutre n’est pas une mesure indépendante se limitant à l’introduction d’un packaging spécifique. Cette mesure fait partie d’un système cohérent de dispositions visant à réduire en 10 ans la part de Français qui fument quotidiennement à 20%. Amputer la politique de lutte contre le tabagisme du paquet neutre risque donc de fragiliser un ensemble de mesures cohérentes préservant la santé publique. 5 Chantler, Cyril, « Standardised packaging of tobacco », à lire sur : http://www.kcl.ac.uk/health/10035-TSO2901853-Chantler-Review-ACCESSIBLE.PDF 5