TWPL Sample Document - Toronto Working Papers in Linguistics
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Variation intonative en français minoritaire en Ontario: portrait général et alignement du H* Svetlana Kaminskaïa Université de Waterloo Cet article propose une exploration des caractéristiques générales de l’intonation du français parlé en situation minoritaire dans la région de Windsor en Ontario. L’analyse est basée sur un corpus lu dans le cadre du modèle métrique autosegmental et touche à la typologie et à la distribution des patterns tonaux, aussi bien qu’à l’alignement du pic final H* de continuité. Ce timing du sommet mélodique est considéré en fonction des frontières vocaliques et de deux facteurs: l’âge et le sexe des locuteurs. Selon les résultats, notre corpus démontre des similarités avec le français général mais aussi des particularités locales: continuités descendantes, ‘upstep’ et la régression de f0. L’analyse de l’alignement du H*, suggère des différences significatives entre les groupes sociaux, avec une forte variabilité à l’intérieur de chaque groupe. 1. Introduction Dans toutes les provinces du Canada, sauf le Québec, le français possède le statut de langue minoritaire coexistant avec l’anglais. Étant donné la situation de contact des langues, l’influence de l’anglais sur l’usage du français (et sur sa grammaire) paraît inévitable. Ainsi, en français de l’Ontario (FO), les interactions entre les grammaires des deux langues en question sont attestées dans des études morpho-syntaxiques et morphophonologiques (Mougeon et Béniak 1991, Tennant 1995, Mougeon 2004, Nadasdi 2005, Mougeon et al. 2005). Au niveau segmental, ce sont la fréquence de l’assibilation et de la réalisation du schwa, ainsi que la différence de la réalisation des glissantes et des voyelles nasales (Poiré 2009) qui figurent parmi les traits du FO affectés par la situation de contact. Cependant, le rythme et l’intonation de cette variété du français restent peu étudiés. Nous pouvons donc s’interroger sur la relation entre la prosodie du français de l’Ontario et celles de l’anglais et du français québécois, cette dernière constituant son origine. Il est également intéressant, sur une échelle plus large, de comparer le FO avec les prosodies des autres variétés du français. Pendant longtemps, les études prosodiques du français au Canada ne distinguaient guère les variétés laurentiennes du français entre elles. Les études des données franco-ontariennes contribuaient aux connaissances sur le français canadien « général » (Léon 1968). Les chercheurs qui ont traité les données ontariennes rapportent des différences entre ces dernières et le français standard et des similarités avec le français québécois: le rythme irrégulier (Robinson 1968), une Nos remerciements vont aux participants de l’atelier du projet Phonologie du français contemporain, tenu à l’Université Western Ontario en août 2011, pour leurs questions et commentaires. Un merci particulier à Alexander Russell et Janique Melançon pour leur aide avec le traitement des données. Ce travail a été subventionné en partie par UWaterloo SSHRC Seed Grant 2009. Depuis l’acceptation de cette publication, une étude plus avancée basée sur les mêmes données a été complétée (Kaminskaïa, sous presse). Cahiers de linguistique de Toronto, volume 35 © Svetlana Kaminskaïa, 2011 SVETLANA KAMINSKAIA étendue plus large de la fréquence fondamentale f0 et des modulations plus fréquentes de f0 (Holder 1968). Parallèlement, des similarités avec l’anglais ont aussi été notées: par exemple, Cichocki et Lepetit (1986) ont observé dans leur étude la régression de f0, ce qui ne caractérise normalement pas la parole française. 1.1 Questions et objectifs Dans ce contexte de déficit d’information sur la prosodie du FO, nous proposons une étude de l’intonation basée sur un corpus lu qui a été recueilli dans la région de Windsor (base de données du projet Phonologie du français contemporain (Durand et al. 2002)). Pour entamer la description de l’intonation du corpus, nous procèderons par dresser l’inventaire des patterns tonaux et de leurs réalisations sous forme de contours en tenant compte de l’apparition réelle des maxima et minima de f0 (cibles tonales) liés à la chaîne segmentale. De plus, dans ce premier examen des données, nous nous posons la question de savoir si la grammaire intonative du français général peut rendre compte des contours de surface observés dans les données franco-ontariennes et si cette variété démontre des caractéristiques particulières quant aux types de contours, leurs distribution et leur réalisation. Plus spécifiquement, nous cherchons à déterminer si le FO partage la grammaire avec d’autres variétés et si son inventaire mélodique présente certaines différences. Du point de vue de la réalisation des contours, nous nous concentrons sur le timing (l’alignement) du pic mélodique final dans un syntagme de continuité, et nous le considérons en fonction des facteurs du sexe et de l’âge1 de nos participants en nous demandant si les différences potentielles s’expliqueraient par l’appartenance des locuteurs aux différents groupes sociaux. Pour mener à bien notre analyse, nous adoptons le cadre métrique autosegmental, présenté dans la section suivante, qui sous-tend le traitement des données acoustiques, l’établissement de l’inventaire tonal et sa distribution. 1.2 Cadre théorique La phonologie métrique autosegmentale (Pierrehumbert 1980, Beckman et Pierrehumbert 1986, Goldsmith 1990, Ladd 2008) décrit l’intonation en termes de cibles tonales (tons bas L et hauts H), qui peuvent être associées aux syllabes accentuées (marquées par un *), aux frontières (%), ou au syntagme (-), et qui peuvent être simples ou complexes (par exemple, L*+H ou L+H*, où le * est assigné en fonction du moment de la réalisation du pic mélodique et marque le ton associé2). La courbe intonative est déduite par l’interpolation phonétique entre les tons, alors que les différences relatives de hauteur que prennent phonétiquement les tons dépendent, outre les caractéristiques physiologiques propres à chaque locuteur, de la structure intentionnelle et informative de chaque énoncé en contexte (Pierrehumbert et Hirschberg 1990). Dans ce cadre, les mêmes spécifications tonales peuvent décrire des courbes différentes, (Figure 1), ou au contraire, des spécifications tonales distinctes peuvent correspondre aux courbes presque identiques (Figure 2): Puisque dans la région de Windsor le français se trouve en contact intense avec l’anglais, la question de l’influence de la langue majoritaire se pose. Cependant, nous ne pouvons poursuivre cette perspective en raison de l’impossibilité d’établir les quotients nécessaires faisant référence à la dominance et la restriction linguistique (Mougeon et Béniak 1991), étant donné que le protocole d’enquête n’a pas prévu le questionnaire correspondant. 2 Pour une discussion sur l’association des tons, voir, par exemple, Prieto et al. (2005). 1 2 VARIATION INTONATIVE EN FRANÇAIS MINORITAIRE Figure 1. Tiré de Prieto et al. (2005:371): représentations schématiques des contours L+H* et L*+H en anglais (à gauche) et en espagnol (à droite). Déclaration (L+H*) Question (L*+H) Figure 2. Tiré de D’Imperio (2000:2): courbes de f0 de la déclaration et de la question Mamma andava a ballare da Lalla/? en italien napolitain; la ligne verticale marque le début de la syllabe accentuée Lal-. Ce qui distingue les contours déclaratif et interrogatif dans la Figure 2, ce sont les quelques millisecondes de différence dans l’apparition du pic mélodique. Cette synchronisation (ou le timing) d’un ton avec les repères segmentaux ou prosodiques correspond au concept de l’alignement. L’alignement peut donc jouer un rôle important dans les langues: fonctionnel (comme on vient de le voir dans la Figure 2), mais aussi pragmatique (Pierrehumbert et Steele 1989), discursif (Schepman et al. 2006), et dialectal. Ainsi, depuis Bruce (1977), les chercheurs obtiennent des résultats qui suggèrent que « many details of f0 to segment alignment are specific to a given language or language variety » (Ladd et al. 2009:146). À titre d’exemple, Atterer et Ladd (2004) observent qu’en allemand du nord, le pic prénucléaire est aligné plus tôt qu’en allemand standard. Arvaniti et Gårding (2007) concluent qu’en anglais de la Californie du sud, f0max prénucléaire est aligné plus tard par rapport à l’anglais du Minnesota. Et Ladd et al. (2009) arrivent aux résultats selon lesquels les tons hauts H* nucléaire et prénucléaire se réalisent plus tard en écossais standard qu’en anglais standard. En français, l’alignement des tons dans des dialectes régionaux a été considéré par Miller (2008), Kaminskaïa (2012), et Kaminskaïa et Poiré (2010)3. Ces derniers traitent les données des variétés québécoise et vendéenne, et établissent que les pics associés aux accents initial et final du groupe accentuel apparaissent plus tard en français canadien. Dans notre étude de textes lus par des locutrices de Windsor (Kaminskaïa 2012), nous avons constaté que le pic final apparaît en francoontarien même plus tard que dans les données québécoises. Finalement, Miller (2008) conclut que, en comparaison avec le français standard, les pics et les creux mélodiques en français suisse de Vaud 3 Voir aussi Kaminskaïa (2014, 2015) parus depuis l’acceptation de cet article. 3 SVETLANA KAMINSKAIA sont réalisés plus loin des frontières du groupe accentuel, et l’alignement des deux montées dans la Figure 3 se révèle donc moins périphérique: Figure 3. Tiré de Miller (2008): schématisations des montées associées à l’accent initial et final du groupe accentuel en français standard (en haut) et en vaudois (en bas). Dans la Figure 3 ci-dessus, la courbe schématisée correspond aux montées et descentes associées aux accents initial et final d’un groupe accentuel4, tel que spécifié dans le modèle métrique autosegmental adapté pour le français par Jun et Fougeron (1995, 2000, 2002) 5. Selon ces auteures, l’unité prosodique minimale en français est un Syntagme Accentuel (SA) déterminé par un accent final obligatoire et un accent initial facultatif. Ainsi, les prononciations suivantes du même SA sont possibles: les oppoSANT et les OppoSANTS. Un SA est doté du pattern tonal sous-jacent LHiLH*, où le ton H* s’associe avec la syllabe portant l’accent primaire; le ton Hi avec l’accent initial; le premier ton bas L avec la frontière gauche du SA; le deuxième ton L avec la syllabe qui précède l’accent primaire (voir aussi Welby (2006), Welby et Loevenbruck (2006) pour une discussion au sujet de l’association des tons en français). Quant à la Figure 4, elle présente un exemple concret de la réalisation de la mélodie LHiLH* sur un SA prononcé par une locutrice française: L Hi L H* Figure 4. Illustration de la réalisation de tous les tons sous-jacents du pattern LHiLH*: le syntagme « à se MULtiplIER » est réalisé avec les montées mélodiques correspondant à un accent initial sur mul- et final sur –ier. Pour une discussion sur l’accentuation en français, voir notamment Di Cristo (1999, 2000). Pour une discussion sur les modèles phonologiques de l’intonation du français, voir, par exemple, Kaminskaïa (2005) et Welby (2006). 4 5 4 VARIATION INTONATIVE EN FRANÇAIS MINORITAIRE Dans cette dernière figure, le pattern sous-jacent LHiLH* est réalisé au complet. Cependant, en fonction du nombre de syllabes dans un SA, de la nature lexicale des mots et de leur structure morphologique, il peut exister des formes de surface différentes: LH* (contour montant /), LLH* (contour plat-montant_/), HiLH* (contour descendant-montant \/), LHiH* (contour montant-plateau /¯), HiL* (contour descendant \) et LHiL* (contour montant-descendant /\) (Jun et Fougeron 2000, Poiré et Kaminskaïa 2007). Les contours montants sont normalement propres au milieu de la phrase déclarative (contours de continuité), tandis que les contours descendants caractérisent sa fin (contours de finalité) (Di Cristo 1998, entre autres). Ni la présence ou l’absence de l’accent initial rythmique, ni la forme exacte (concave/convexe) de la montée ou de la chute de f0 n’affectent le message. L’attribution d’une séquence tonale à une chaîne segmentale suit principalement les critères suivants: la distribution des montées et des descentes de f0, la répartition des syllabes toniques et le rapport syntaxique entre les mots qui peuvent former des syntagmes complexes. Par exemple, la séquence « le Premier Ministre » (qui se répète plusieurs fois dans le texte que nos participants ont lu) peut se réaliser avec deux accents finals H* (1a,b) ou bien avec un seul accent (1c-e), sans accent initial (1c), ou bien avec un accent initial; ce dernier peut apparaître au tout début du SA (1e) ou bien au début du premier mot lexical (1b,d). Les exemples en (1a-e), affichant des réalisations différentes de la mélodie abstraite LHiLH*, montrent donc la même suite segmentale découpée en deux ou en un seul SA accompagnée des réalisations différentes de la mélodie abstraite LHiLH*. Dans le cas des contours descendants, la syllabe finale accentuée accompagnée d’une chute de f0 est dotée d’un ton L* (1 f,g). (1) Attribution des séquences mélodiques au contenu segmental en fonction de la forme de la courbe, de la distribution des accents et du regroupement des mots: a. [le preMIER] SA [miNISTR’] SA | | | | | L L H* L H* b. [le PREMIER] SA [miNISTR’] SA | | | | | L Hi H* L H* c. [le premier miNISTR’] SA | | | L L H* d. [le PREmier miNISTR’] SA | | | | L Hi L H* e. [LE premier miNISTR’] SA | | | Hi L H* f. [COnnaissent PAS] SA | | Hi L* 5 SVETLANA KAMINSKAIA g. [en CAmaRO] SA | | | L Hi L* À cet inventaire des patterns tonaux Poiré et Kaminskaïa (2007) ajoutent leurs variantes qui correspondent aux contours accompagnant des syntagmes tronqués et des syntagmes qui se terminent par un schwa réalisé ou par une pause d’hésitation: prosodiquement, ces éléments font partie intégrante du SA, car il n’y a pas de pause ni de rupture mélodique (Figure 5). Ces contours sont marqués par un -l ou -h final: A. B. L H* -l C. L L H* -h D. L H* -l Hi L* -l Figure 5. Exemples de syntagmes, accompagnés des contours en –l ou –h, se terminant par un schwa (A, B) et un texte tronqué (C, D). Ces outils théoriques sont à la base de notre analyse des données. L’inventaire des patterns mélodiques est défini par le résultat de l’assignation des suites tonales au texte, qui est suivi par l’analyse de la distribution des contours; les tons H* des syntagmes de continuité sont ensuite identifiés pour l’analyse de l’alignement de f0max. Afin d’éviter les effets possibles de ‘tonal crowding’ sur le timing du H* (Ladd 2008), seuls les tons H* précédés par un creux mélodique (un ton L) sont retenus. Nous sommes conscients que l’analyse au niveau de l’unité prosodique minimale n’est que le premier niveau de description, et qu’il devra être inscrit dans un contexte plus grand afin de comprendre la contribution des effets prosodiques globaux et des structures focale et discursive à la variation intonative. 1.3 Hypothèses En fonction des questions de recherche formulées dans la section 1.1, dans le contexte des études présentées dans la partie précédente, nous avançons que le FO affiche dans l’ensemble la même grammaire intonative que celle du français général et que les mêmes contours seraient 6 VARIATION INTONATIVE EN FRANÇAIS MINORITAIRE identifiés dans nos données, mais avec quelques spécificités locales. En ce qui concerne la réalisation du H*, en nous inspirant de notre étude antérieure (Kaminskaïa 2012), nous émettons l’hypothèse qu’en comparaison avec les variétés européenne et québécoise, notre corpus démontrerait un alignement plus tardif du H*. Étant donné la dépendance de l’alignement de l’origine géographique des locuteurs qui en ressort dans les analyses, il est naturel de supposer que d’autres facteurs sociaux seraient pertinents. Pour cette raison, en incluant dans notre étude des participants des deux sexes et d’âges différents, nous prenons ces facteurs en considération et, en suivant la logique variationniste (Labov 1994), nous faisons l’hypothèse selon laquelle les jeunes et les femmes réaliseraient les H* plus tard que les locuteurs plus âgés et les hommes. Pour tester ces hypothèses, nous avons entrepris une analyse d’un corpus lu dont les détails méthodologiques seront exposés dans la section suivante. 2. Méthodologie 2.1 Corpus et participants En nous basant sur les données de l’enquête menée dans la région de Windsor en 2002-2003 par F. Poiré et S. Kelly (l’Université Western Ontario), dans le cadre du projet international Phonologie du français contemporain (Durand et al. 2002), nous avons conduit la présente analyse. Ce projet comprend le matériel de plus de 500 points d’enquête à travers le monde francophone. Son protocole inclut les lectures d’une liste de mots et d’un texte, une entrevue dirigée et une conversation spontanée. Pour notre étude de l’intonation, nous avons opté pour les lectures du texte (Annexe) car elles fournissent le matériel similaire du point de vue du contenu segmental, de l’expressivité et de la durée. Au total, 13 personnes ont participé aux entrevues à Windsor, mais nous présentons ici les résultats de huit participants - quatre hommes et quatre femmes, âgés de 17 à 74 ans. Ils sont distribués en fonction de l’âge et du sexe et codés de #1 à #8 (Tableau 1): Tableau 1. Regroupement des participants selon les groupes d’âge et le sexe. Femmes Hommes Code Âge Code Âge #1 17 #5 21 Plus jeunes #2 43 #6 41 #3 65 #7 66 Plus âgés #4 74 #8 74 2.2 Analyses Les données sont traitées à l’aide de Praat (Boersma et Weenink 2011). Après l’identification des SA et l’attribution des patterns tonaux, sont établis leur inventaire et leur distribution selon la fonction de continuité ou de finalité. Parmi les contours de continuité, les patterns se terminant par un H* précédé d’un ton L sont sélectionnés. Ensuite, en suivant la méthodologie de Ladd et al. (2009), les valeurs maximales de f0 correspondant aux H* sont identifiées et étiquetées; dans le cas des plateaux, c’est la première valeur maximale de f0 qui est retenue; en ce qui concerne les perturbations de la courbe, les mesures n’ont pas été prises. Les frontières des voyelles des syllabes accentuées 7 SVETLANA KAMINSKAIA sont aussi étiquetées: V1 pour le début de la voyelle et V2 pour la fin de la voyelle 6. Ensuite, les valeurs de temps qui correspondent à ces étiquettes sont extraites et les intervalles suivants sont calculés: la distance (en secondes) entre la valeur maximale de f0 et le début de la voyelle (H*-V1), et la distance entre la valeur maximale de f0 et la fin de la voyelle (V2-H*) (Figure 6). Les deux repères – début et fin de voyelle – sont testés car nous n’avons pas d’hypothèse précise quant à la frontière qui démontrerait des tendances quelconques. V2-H* H*-V1 Figure 6. Illustration des intervalles considérés. Puisque le total maximal de H* identifiés chez un des locuteurs se chiffre à 50, nous avons retenu le même nombre de H* pour le reste des locuteurs7; cela fournit des échantillons de même taille pour les tests statistiques. Pour tester nos hypothèses au sujet de l’effet des facteurs sociaux sur l’alignement des tons H*, le test One-Way Anova est appliqué, selon lequel les différences entre les groupes sont significatives si p < 0,05. Ce test est suivi par des comparaisons Post Hoc, afin de voir si la variabilité à l’intérieur de chaque groupe confirme (si p > 0,05) ou compromet (si p < 0,05) les résultats du premier test. 3. Résultats 3.1 Caractéristiques générales: inventaire des patterns, leur distribution et quelques particularités D’après les résultats de l’analyse des modulations de la fréquence fondamentale et de leur rapport au contenu segmental, nous avons pu identifier dans nos données franco-ontariennes les mêmes contours dont il s’agit dans la section 1.2.8 Comme le suggère le Tableau 2, jusqu’à 93% des Dans les études présentées dans la section 1.2 et portant sur l’alignement des tons, les intervalles sont mesurés soit par rapport aux frontières syllabiques (D’Imperio 2000, Miller 2008), soit en fonction des frontières vocaliques (Pierrehumbert et Steele 1989, Schepman et al. 2006). Cette différence d’approche pose un problème méthodologique important (Atterer et Ladd 2004) qui peut même affecter les résultats de l’analyse (D’Imperio 2002). Les chercheurs continuent de tester les différents repères segmentaux et prosodiques à la recherche d’une approche optimale permettant de rendre compte des patterns des langues et des dialectes variés. Les frontières vocaliques permettent d’établir des tendances plus stables, et pour cette raison nous poursuivons cette méthodologie de la prise des mesures. 7 Un des participants démontre l’effet de l’influence des consonnes nasales sur le placement du H*, et dans son cas nous avons exclu ces résultats. Dans les études ultérieures, il est indispensable d’explorer l’effet du contexte segmental sur l’alignement des tons en FO. 8 Les contours appelés dans le Tableau 2 « autres » regroupent des contours associés aux faux départs (L, LHi, par exemple), à des finalités (LL*), à des syntagmes monosyllabiques (H*, L*), ainsi que des contours particuliers dont nous ne discutons pas ici en raison de leur nombre réduit et de leur caractère non-systématique. Le locuteur #5, chez 6 8 VARIATION INTONATIVE EN FRANÇAIS MINORITAIRE contours de surface observés (locutrice #3) se décrivent à l’aide de sept patterns tonaux: cinq patterns montants et deux descendants. Les cinq mélodies qui se terminent par un H* assument toutes la fonction de continuité. En ce qui concerne les contours descendants, il faut noter tout d’abord que chez les femmes, leur proportion est plus importante que chez les hommes: les totaux individuels varient de 17,7% à 46% chez les premières, et de 6,4% à 22,8% chez ces derniers, avec des moyennes de 33% et de 14%, respectivement (Tableau 3). Cette différence paraît significative, mais nous ne sommes pas en mesure d’expliquer ses origines. Une étude de la parole spontanée permettrait de juger de la pertinence de cette tendance. Tableau 2. Inventaire et distribution (%) des patterns tonaux en FO. Locuteurs Femmes Hommes Total Contours #1 #2 #3 #4 #5 #6 #7 #8 LLH* 10,9 23,2 21,7 11,9 9,4 27,1 30,5 30,5 20,6 LH* 8,5 16,2 18,2 15,7 6,9 22,9 14,4 22,7 15,8 LHiLH* 4,7 7,6 9,4 2,2 11,9 10,8 10,9 11,8 8,7 HiLH* 7,1 7,6 6,9 4,9 9,4 6,3 4,6 3,4 6,3 LHiH* 1,4 4,3 11,8 4,3 1,0 1,7 5,7 2,0 3,9 HiL* 20,4 3,8 7,4 17,8 14,4 5,0 4,6 2,0 9,4 LHiL* Variantes 25,6 3,6 21,1 4,8 10,3 7,4 25,4 4,3 8,4 3,5 3,8 4,6 12,6 2,9 4,4 4,9 13,6 4,6 Total pour les sept contours et leurs variantes 82,2 88,6 93,1 86,5 64,9 82,1 86,2 81,8 83,0 Autres 17,8 11,4 6,9 13,5 35,1 17,9 13,8 18,2 17,0 Total 100 100 100 100 100 100 100 100 100 La grande proportion des contours descendants dans le Tableau 3 est spécifique au FO, parce qu’elle dépasse les chiffres observés dans la parole lue dans les français du Québec et de France dans l’étude de Poiré et Kaminskaïa (2004): à 23% du FO s’opposent 8,9% (Québec) et 16,05% (Vendée). Cette différence est non seulement quantitative mais aussi qualitative: la majorité des descentes apparaissent non pas à la fin de la phrase, assumant la fonction des finalités, mais au milieu, jouant ainsi le rôle de continuités descendantes 9 (Tableau 3). Dans ce tableau, à l’exception du locuteur #7, on observe que le taux des continuités descendantes est même plus grand que celui des finalités. De qui le taux des contours « autres » atteint 35,1%, fait figure d’exception. La régression de f0 observée chez ce locuteur (voir Figure 9) complique l’analyse et demande un réexamen de ses données. 9 Les contours des continuités descendantes se distinguent des contours de finalité où le ton bas final atteint le plancher de f0 et correspond à une chute sur la syllabe accentuée (Figure i): continuité continuité finalité Figure i. Exemple illustrant une différence entre les contours de continuité descendante et de finalité. 9 SVETLANA KAMINSKAIA cette façon, l’intonation de continuité en FO se décrit, en plus des patterns montants, par des patterns descendants, qui peuvent en plus apparaître en séquences (Figure 7). Tableau 3. Distribution (%) des contours descendants. Femmes Locuteurs Hommes #1 #2 #3 #4 #5 #6 #7 #8 % total des contours descendants 46 24,9 17,7 43,2 22,8 8,8 17,2 6,4 Taux de continuités descendantes 84,1 7,7 50 L 32,95 70,5 55,6 13,8 83,2 73,4 Hi 66,7 42,9 41,8 L* L Hi Total 23 69,7 L* Figure 7. Exemple d’une suite de continuités descendantes LHiL* (locutrice #1). Toutefois, il est nécessaire de noter qu’un contour descendant avec une fonction de continuité n’est pas quelque chose d’inouï pour le français (standard): il figure souvent en discours stylistiquement marquée (adresses politiques et lecture à voix haute), de même qu’en parole spontanée, bien qu’à un degré beaucoup plus réduit (Léon 1992). Par ailleurs, ce qui est différent pour la langue française en Ontario c’est une réduction de son usage du point de vue social et situationnel, ce qui entraîne une maîtrise non complète des particularités des styles différents par les locuteurs (Béniak et Mougeon 1989). Alors, il s’agirait dans ce cas d’une convergence avec l’anglais où prédominent les contours bas (Hirst 1998), plutôt que de l’effet du style. Une fois de plus, une étude de la parole spontanée prenant en considération la fréquence d’usage du français permettrait d’explorer ce problème plus en profondeur. En plus de l’abondance des continuités descendantes, la proportion des contours décrits comme LHiH* ressort aussi comme une spécificité du FO par rapport aux variétés majoritaires (Kaminskaïa et Poiré 2003): 3,9% contre 0% et 2,1% en français québécois et en français vendéen, respectivement. La proportion de ce contour atteint même 11,8% chez la locutrice #3. Ce pattern, au lieu d’un plateau mélodique illustré en (1 b), est souvent réalisé comme ‘upstep’ dans nos données (Figure 8). Le ’upstep’ est aussi propre à l’anglais et il est attesté dans une autre variété canadienne du français en contact avec cette langue - le français acadien (Cichocki 2002). 10 VARIATION INTONATIVE EN FRANÇAIS MINORITAIRE L Hi H* L Hi H* Figure 8. Illustration des contours ‘upstep’ (locutrice #3). Finalement, une autre particularité observée dans nos données est la ligne de régression de f0. Elle se dessine nettement dans les données des locuteurs #5 et #2 (Figure 9): A. Locuteur #5: B. Locutrice #2: Figure 9. Exemples de la régression de f0 dans les données des locuteurs #2 et #5. Cette caractéristique coïncide avec les observations de Cichocki et Lepetit (1986). Elle est d’autant plus importante que lors de notre travail sur le français québécois et les français de France (Poiré et Kaminskaïa 2004, Kaminskaïa 2007, 2009), la ligne de régression n’a pas été notée (Figure 10) ni, curieusement, chez les autres participants ontariens: Figure 10. Exemple de l’absence de la régression de f0 (extrait des données de la locutrice #1). Ces aspects de l’intonation de français de l’Ontario méritent une attention fine et doivent être explorés en profondeur en rapport avec l’intensité du contact avec l’anglais, étant donné que les particularités dont nous avons parlé dans cette section sont des traits de l’intonation anglaise. Pour conclure à ce portrait général de l’intonation de notre corpus: en suivant les principes spécifiés par le cadre théorique adopté et appliqués à d’autres variétés du français, nous avons 11 SVETLANA KAMINSKAIA reconnu les mêmes contours et nous les avons décrits avec les mêmes patterns que dans des études dialectales antérieures. Ce résultat suggère que le FO présente une grammaire intonative similaire à celle du français général. Néanmoins, la similarité n’est pas totale à cause de particularités telles que la distribution différente des patterns selon leurs fonctions, la présence de ‘upstep’ et de la régression de f0. Ces particularités indiquent un caractère distinct de l’intonation du FO qui pourrait être motivé par le contact avec l’anglais. Une étude comparée avec les variétés où le français est majoritaire permettrait de mieux comprendre la nature de ces différences. Dans la section suivante, nous nous concentrons sur un aspect concret de la réalisation phonétique des contours de continuités montantes (LH*, LLH*, HiLH* et LHiLH*), en examinant le moment de la réalisation du pic mélodique selon les frontières de la voyelle avec laquelle est associé le ton H*. Nous présentons d’abord les résultats pour l’alignement du H* par rapport au début, et ensuite par rapport à la fin de la voyelle, et en fonction de l’âge et du sexe des participants. 3.2 L’alignement du H* par rapport aux frontières de la voyelle accentuée Les moyennes figurant dans le Tableau 4 résultent de l’analyse de l’alignement du f0max par rapport au début de la voyelle accentuée (l’intervalle H*-V1). Ces moyennes suggèrent une différence importante entre les deux groupes d’âge: les locuteurs plus jeunes réalisent le H* plus tard que les plus âgés (0,142 s vs. 0,124 s). La planche A de la Figure 11 montre qu’il n’y a pas même de chevauchement entre les deux groupes, et le test ANOVA confirme que cette différence est significative: F(1, 398)=9,062; p=0,003. Tableau 4. Valeurs moyennes des intervalles H*-V1 (sec) selon les deux groupes d’âge et le sexe. Âge Sexe A. Moyenne 0,142 0,124 0,136 0,130 Plus jeunes Plus âgés Femmes Hommes é-t 0,050 0,063 0,057 0,058 B. Figure 11. Barres d’erreur pour les valeurs de l’intervalle H*-V1, selon les groupes d’âge et le sexe. Cependant, le test Games-Howell indique que la variabilité à l’intérieur de chaque groupe d’âge est importante (p˂0,001), ce qui s’observe dans la Figure 12 où apparaissent les moyennes individuelles. Ainsi, dans le groupe des jeunes, le locuteur #5 se distingue des autres par la moyenne 12 VARIATION INTONATIVE EN FRANÇAIS MINORITAIRE la plus basse, alors que dans le groupe des moins jeunes, les locuteurs #3 et #7 s’opposent aux locuteurs #4 et #8. A. B. Figure 12. Moyennes individuelles des valeurs de l’intervalle H*-V1. En ce qui concerne le facteur sexe, la différence entre les moyennes de 0,136 s (femmes) et 0,130 s (hommes) (Tableau 4), se révèle non significative: F(1,398)=1,018; p=0,314, ce qui s’explique par les grands chevauchements entre les valeurs des groupes (Figure 11, planche B). Notre hypothèse se confirme donc partiellement: les jeunes et les femmes atteignent le sommet tonal plus tard que les hommes et les locuteurs âgés, mais seule la différence entre les groupes d’âge est significative. Cependant, ce résultat est remis en question par une grande variabilité interindividuelle. Les résultats de l’analyse de l’alignement du f0max par rapport à la fin de la voyelle accentuée (l’intervalle V2-H*) apparaissent dans le Tableau 5 et suggèrent que le facteur d’âge joue également un rôle: on constate la différence de 0,030 s entre les plus et les moins jeunes (0,043 s et 0,013 s, respectivement), qui se révèle significative: F(1,398)=62,361; p˂0,001. (Voir aussi la Figure 13 pour les barres d’erreur.) Bref, par rapport à la fin de la voyelle, les locuteurs plus jeunes réalisent le pic mélodique plus tôt que les locuteurs plus âgés. Tableau 5. Valeurs moyennes des intervalles V2-H* (sec) selon les deux groupes d’âge et du sexe. Âge Sexe Moyenne 0,043 0,013 0,015 0,042 Plus jeunes Plus âgés Femmes Hommes é-t 0,043 0,032 0,034 0,043 Mais il faut encore souligner qu’une importante variabilité à l’intérieur de chaque groupe d’âge est ressortie du test Tukey: p=0,016. Dans la Figure 14, le locuteur #5 se distingue des autres dans le groupe des moins âgés, et dans le groupe des plus âgés, les locuteurs #3 et #8 diffèrent du #4 et du #7. 13 SVETLANA KAMINSKAIA A. B. Figure 13. Barres d’erreur pour les valeurs de l’intervalle V2-H*, selon les groupes d’âge et le sexe. A. B. Figure 14. Moyennes individuelles des valeurs de l’intervalle V2-H*. Selon le facteur sexe, la différence entre les moyennes de l’intervalle V2-H* chez les hommes (0,042 s) et chez les femmes (0,015 s) paraît importante (Figure 13, planche B) et se révèle significative: F(1,398)=46,148; p˂0,001. Mais la variabilité à l’intérieur des groupes ne permet pas de parler d’une tendance ferme (selon le test Games-Howell, p˂0,001). Ainsi, comme on le constate dans la Figure 15, la locutrice #3 se distingue parmi les femmes, alors que parmi les hommes, les locuteurs #5, #6 présentent des valeurs semblables, mais #6 et #7 diffèrent de ces derniers et entre eux-mêmes. 14 VARIATION INTONATIVE EN FRANÇAIS MINORITAIRE A. B. Figure 15. Moyennes individuelles des valeurs de l’intervalle V2-H*. De cette façon, notre analyse montre, au premier examen, que par rapport au début de la voyelle, le pic tonal associé à l’accent primaire d’un syntagme de continuité est réalisé plus tard par les locuteurs plus jeunes. Par rapport à la fin de la voyelle, le f0max apparaît plus loin chez les hommes et encore une fois chez les locuteurs jeunes. Les résultats significatifs suggèrent que les facteurs sociaux affectent la réalisation du pic final. En élargissant le corpus et en testant l’interaction entre les facteurs, nous espérons obtenir des résultats permettant de tirer des conclusions plus fermes. 4. Conclusions et discussion Dans cet article, nous avons présenté une étude préliminaire de l’intonation des données franco-ontariennes provenant de la région de Windsor où le français est une langue minoritaire. En supposant que les variétés d’une langue partagent la même grammaire tonale, nous avons appliqué un modèle phonologique proposé pour le français standard. Il en est résulté un portrait mélodique qui tient beaucoup de celui dressé dans les études antérieures sur d’autres variétés du français, tant du point de vue de l’inventaire des patterns mélodiques que de leur distribution globale, mais avec quelques traits particuliers : une plus grande proportion des contours descendants et du contour LHiH* et la régression de f0. En plus de leur forte présence, les contours descendants démontrent un élargissement de leur rôle fonctionnel, alors que les contours LHiH* se réalisent régulièrement comme ‘upstep’ au lieu de plateau. Ces caractéristiques sont aussi propres à l’anglais, ce qui nous ramène à la question de l’influence de l’anglais sur l’intonation du FO. En étendant l’analyse sur les points d’enquête en Ontario où le français est majoritaire, tout en tenant compte de la fréquence de l’usage du français, et en nous concentrant sur la parole spontanée, nous pourrions évaluer le rôle du contact des langues, donc la possibilité de l’interférence des grammaires intonatives: « Ce n’est qu’au prix d’une approche comparative qu’on pourra discerner clairement les tendances et l’évolution de la prononciation franco-ontarienne. Cette approche devra, entre autres choses, évaluer l’influence de l’anglais sur le parler français local, tâche jusqu’ici largement négligée en phonétique. » (Thomas 1989:27) Un autre aspect exploré dans cette étude est la réalisation des contours mélodiques, qui a été abordée du point de vue de l’alignement du ton H* associé à l’accent primaire du syntagme accentuel de continuité. Les résultats obtenus suggèrent d’abord que toutes nos hypothèses sont confirmées, et que le pic se réalise plus tard chez les femmes et les jeunes: les valeurs de l’intervalle H*-V1 sont de 0,136 s (femmes), 0,130 s (hommes), 0,142 s (plus jeunes), 0,124 s (plus âgés). Toutes ces valeurs 15 SVETLANA KAMINSKAIA sont considérablement plus grandes en comparaison avec les résultats obtenus par Kaminskaïa et Poiré (2010) pour les données européennes (Vendée) et québécoises (Québec): 0,080 s et 0,100 s, respectivement. Pour ce qui est de l’alignement du H* en relation avec la fin de la voyelle accentuée, le groupe des hommes et le groupe des plus jeunes indiquent des valeurs supérieures: 0,042 s et 0,043 s, respectivement, contre 0,015 s et 0,013 s chez les femmes et les locuteurs plus âgés (en comparaison avec 0,030 s en français québécois et en français vendéen, selon notre étude antérieure). Nous pouvons donc affirmer que l’hypothèse sur l’alignement plus tardif en français de l’Ontario est confirmée. Les différences entre les groupes sociaux révélées par la présente analyse sont significatives, mais la variabilité à l’intérieur des groupes testés ne nous permet pas de tirer de conclusions affermies. Les valeurs des intervalles font réfléchir sur la nature de l’accent primaire en FO, sur le rythme prosodique et sur la question de l’association du H*. Ainsi, les valeurs plus grandes des deux intervalles chez les participants plus jeunes suggèrent une durée plus considérable de la voyelle accentuée. Est-ce qu’il s’agit d’une tendance authentique, et par conséquent des différences potentielles dans la nature de l’accentuation primaire et dans le rythme, ou bien est-ce une réalisation liée au débit de la parole? Pour compléter l’analyse, il faudrait examiner la qualité des voyelles (historiquement longues, nasales, etc.) et le contexte phonotactique, en plus de l’analyse rythmique et de la corrélation de nos résultats avec la durée de la voyelle accentuée et le débit. Le fait que les valeurs des intervalles V2-H* sont bien moindres que celles des H*-V1 va de pair avec les conclusions de Welby et Loevenbruck (2006) sur l’association du H* avec la frontière droite d’un repère10 , alors que la dispersion des valeurs des intervalles soutient la proposition de gravitation du ton accent vers ce repère (‘anchorage’), plutôt que la thèse de l’association stable (‘anchoring’ (Atterer et Ladd 2004)). Cependant, nous sommes persuadée que l’alignement des tons en français devrait être exploré en fonction de la proportion des intervalles par rapport aux repères; l’étude de l’alignement devrait aussi prendre en considération la longueur (en syllabes) d’un SA et la hiérarchie prosodique. Cette étude préliminaire nous permet donc de préciser des pistes de recherche pour des études ultérieures. Références Arvaniti, Amalia et Gina Gårding. 2007. Dialectal Variation in the Rising Accents of American English. Dans Papers in Laboratory Phonology 9, sous la dir. de Jennifer Cole et Jose Ignacio Hualde, 547–576. Berlin, New York: Mouton de Gruyter. Atterer, Michaela et Robert Ladd. 2004. On the phonetics and phonology of “segmental anchoring” of f0: evidence from German. Journal of Phonetics 32, 177–197. Beckman, Mary et Janet Pierrehumbert. 1986. Intonational structure in Japanese and English. Phonology Yearbook 3, 255–309. Béniak, Édouard et Raymond Mougeon. 1989. Recherches sociolingusitiques sur la variabilité en français ontarien, Dans Le français canadien parlé hors Québec, sous la dir. de Raymond Mougeon et Édouard Béniak, 69104. Québec: Presses Universitaires Laval. Boersma, Paul et David Weenink. 2011. PRAAT: Doing phonetics by computer. Computer program. 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La cote du Premier Ministre ne cesse de baisser depuis les élections. Comment, en plus, éviter les manifestations qui ont eu tendance à se multiplier lors des visites officielles ? La côte escarpée du Mont Saint-Pierre qui mène au village connaît des barrages chaque fois que les opposants de tous les bords manifestent leur colère. D'un autre côté, à chaque voyage du Premier Ministre, le gouvernement prend contact avec la préfecture la plus proche et s'assure que tout est fait pour le protéger. Or, un gros détachement de police, comme on en a vu à Jonquière, et des vérifications d’identité risquent de provoquer une explosion. Un jeune membre de l'opposition aurait déclaré: "Dans le coin, on est jaloux de notre liberté. S'il faut montrer patte blanche pour circuler, nous ne répondons pas de la réaction des gens du pays. Nous avons le soutien du village entier." De plus, quelques articles parus dans La Dépêche du Centre, L'Express, Ouest Liberté et Le Nouvel Observateur indiqueraient que des activistes des communes voisines préparent une journée chaude au Premier Ministre. Quelques fanatiques auraient même entamé un jeûne prolongé dans l'église de Saint Martinville. Le sympathique maire de Beaulieu ne sait plus à quel saint se vouer. Il a le sentiment de se trouver dans une impasse stupide. Il s'est, en désespoir de cause, décidé à écrire au Premier Ministre pour vérifier si son village était vraiment une étape nécessaire dans la tournée prévue. Beaulieu préfère être inconnue et tranquille plutôt que de se trouver au centre d'une bataille politique dont, par la télévision, seraient témoins des millions d’électeurs. 19