2007_l-« adaptation-1

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2007_l-« adaptation-1
Martine DUJARDIN, Hervé LE SOURD et Jean-François MARTINON,
CINEMA ET LITTERATURE,
L'ADAPTATION CINEMATOGRAPHIQUE D' OEUVRES LITTERAIRES
PLAN
Introduction
1 Un point de vue historique
– Le rapport entre cinéma et littérature de 1895 / 1929 à l'époque du muet
2 Le rapport au réel
3 La question des genres
4 La narration
– La temporalité
– Les acteurs et les personnages
– Le scénario
– Le dialogue
– Les figures de style
Conclusion
Un corpus d' extraits de textes a été distribué :
•
P 2 : Petit déjeuner chez Tiffany, Truman CAPOTE
•
P 3 : Celle qui n'était plus, Pierre BOILEAU et Thomas NARCEJAC
•
P 4 : Le facteur sonne toujours deux fois, James M.CAIN
•
P5 à 7 : A l'est d' Eden, John STEINBECK
•
P 8 : Jacques le fataliste et son maître, Denis DIDEROT
•
P 9 : La symphonie pastorale, André GIDE
•
P10 : Un trio sans espoir,Teri WHITE
•
P11 et 12 : Thérèse Raquin, Emile ZOLA
•
P 13 : Jules et Jim, Henri-Pierre ROCHÉ
•
P 14 à 18 : différentes versions de L'Amant, Marguerite DURAS
•
P 21 à 23 : Farenheit 451, Ray BRADBURY
•
P 24 : Bibliographie cinéma et littérature
Tous ces textes correspondent à des adaptations cinématographiques
1 Un point de vue historique
–
Le rapport entre cinéma et littérature de 1895 / 1929 à l'époque du muet
Contrairement aux idées reçues le cinéma des origines est tout sauf littéraire, il est plutôt issu de
l'image fixe c'est à dire, la photo , la peinture et les beaux arts. Nous avons en réalité affaire à la
possibilité d'un tableau vivant, animé. En 1895, lors de la première projection, l'histoire de
l'Arroseur arrosé des frères Lumière n'a absolument rien de littéraire (il existe une BD mais d'après
les recherches elle est postérieure au film, ce qui peut vouloir dire que nous aurions affaire au
premier produit dérivé ...
Le Voyage dans la lune de Georges Meliès pourrait laisser croire à une adaptation de Jules Verne
mais non il n'y a qu'une chose en commun : les savants sont envoyés dans la lune par un canon ! Le
film est une fantaisie, une fantasmagorie alors que le roman se voulait réaliste
Pendant toute la période du cinéma forain jusqu'en 1906 / 07 uns seul livre est porté à l'écran : La
Bible. Edison a été le premier à adapter la Bible. Les Lumière produisent un film en 18 97 en 13
bobines projetées bout à bout : La passion du Christ.
Extrait La cène (bobine 4 sur 13).
A partir de 1906 / 07 on abandonne petit à petit la cinéma forain pour installer le cinéma dans de
vraie salles spéciales, des « théâtres cinématographiques » avec un programme. On crée des films
d'art et on élève le cinéma au rang d'art majeur : là enfin on convoque les auteurs littéraires par
exemple en 1907 avec l'Assassinat du duc de Guise c'est un académicien Henri Lavedan, qui écrit le
scénario, et Camille St Saëns écirt une partition pour ce film. Ensuite il y aura des adaptations de
grandes oeuvres, en fait il s'agit plutôt d'illustrations. Par exemple Les Misérables en 1911 de
Francis Capellani, Quo Vadis en 1912 de Enrico Guazzoni, etc. A cette époque, on adapte des
feuilletons, par exemple Fantomas – A l'ombre de la guillotine 1913 de Louis Feuillade adapté du
roman de Pierre Souvertre et Marcel Alain ou Nick Carter – Le mystère du lit blanc 1911 de
Victorin-Hyppolyte Jasset.
C'est à partir des années 20 que l'on se détache de l'illustration et qu'il y a recréation très libre à
partir de l'idée de l'oeuvre.
Extrait L'argent (1927) de Marcel Lherbier d'après Emile Zola
Extrait La petite fille aux allumettes (1929) de Jean Renoir d'après Christian Andersen
2 Le rapport au réel
Le rapport au réel est très différent en littérature et au cinéma. Le réalisme ne va pas de soi en
littérature alors qu'il est plus ou moins ontologique au cinéma. Toute image cinématographique
montre, ce que ne font pas les mots qui eux suggèrent, car les mots sont des signes et non une
représentation analogique des choses.
Farhenheit 451 de Ray BRADBURY
Extrait Farhenheit 451 de François Truffaut (1966) scène de la sortie du train suspendu.
Truffaut a dû modifier sensiblement la scène de la rencontre Clarise-Montag : lieu, athmosphère,
dialogue. En effet, la science-fiction pose un difficile problème au décorateur : il faut donner à voir
un monde futur qui par définition n'existe pas. C'est entre autres ce qui a contraint Truffaut à un
raccord acrobatique, pour passer de la région d'Orléans où se trouvait le prototype de métro aérien à
Londres, lieu principal du tournage.
Concernant les personnages, la Clarisse de Bradbury ne paraît que dans cette unique scène. Truffaut
ne pouvait pas se contenter d'une seule scène avec Julie Christie, star récemment oscarisée et
embauchée par le major américaine qui produisait le film. Aussi fait-il dire à Montag que sa femme
ressemble à Clarisse : Julie Christie tient les deux rôles dans le film.
Petit déjeuner chez Tiffany ( Breakfast at Tiffany's) de Truman CAPOTE
Extrait Diamants sur canapé ( Breakfast at Tiffany's) de Blake Edwards (1961) scène finale, sous la
pluie à la recherche du chat.
Comment s'y prend le réalisateur pour ne pas trahir le roman : il concède aux studios un “happy
end” en bonne et due forme, mais retrouve le ton désinvolte de Capote par quelques scènes
burlesques (la « party »), un transfert du côté sulfureux sur d'autres personnages (le héros masculin
est une sorte de gigolo)et beaucoup d'ironie.
Celle qui n'était plus, Pierre BOILEAU et Thomas NARCEJAC
Extrait les diaboliques de Henri-Georges Clouzot FR 1955 scène de la photo de classe.
Le roman est onirique et fantomatique (il adopte le point de vue du mari qui, ayant voulu se
débarraser de sa femme - à l'inverse du film où la femme veut se débarraser de son mari –,
rencontre sans cesse la présence fantomatique de sa femme – qu'il croit - morte) ; il montre une
manipulation (dans les deux cas, c'est la maîtresse qui a tout organisé) ; le film est largement aussi
noir que le roman, il se passe dans un pensionnat, microcosme où chaque personnage peut se
révéler, où innocence et perversité se frôlent sans cesse, où la tension sera accentuée. Dans le film
tout est mensonge, illusion, confusion et brouillage de pistes. La scène de la photo de classe
accumule les procédés de brouillage, tout en donnant l'illusion d'une lisibilité parfaite des signes,
montrant ainsi la manipulation des personnages par la manipulation du spectateur.
3 La question des genres
Pour commencer littérature et cinéma fonctionnent avec des genres codifiés, mais ils ne se
recoupent que partiellement. Il existe des genres au cinéma qui n'existent pas en littérature. Les
définitions des codes sont différents et les genres sont différents.
En littérature, il est difficile de déterminer les genres : les frontières sont très vagues et les
regroupements se font souvent a posteriori. Certes il y a des écoles littéraires, mais l'acte d'écrire est
individuel contrairement au cinéma où c'est collectivement que se réalise un film. Par ailleurs écrire
un livre ne pose quasiment pas de problèmes de coût alors que le réalisateur doit faire face à des
problèmes de budget très élevés.
Enfin, la notion de genre est très liée au mode de production industrielle du cinéma, production dont
l'archétype est l'industrie américaine. Pour Jacqueline Nacache, le genre est « l'unité de base du
cinéma hollywoodien » Citons les principaux genres cinématographiques : comédie musicale,
western, film historique, comédie loufoque, mélodrame, policier, fantastique, horreur, etc.
The player de Mickael TOLKIN
Extrait The player de Robert Altman (1992).
La technique est convoquée pour illustrer une citation du long plan séquence d'ouverture dans La
soif du mal (Touch of evil) de Orson Welles 1958, par un autre long plan séquence. Les contraintes
de production y apparaissent bien différentes des contraintes romanesques. Altman nous montre
Hollywood comme un monde aussi compliqué que ses mouvements de caméra, aussi clos que son
décor, aussi vain que ses personnages.
Le facteur sonne toujours deux fois (The postman always rings twice) de James M.CAIN
Extrait 1 Le dernier tournant de Pierre Chenal (1939) scène d'ouverture, rencontre Frank /Cora.
On y retrouve plus le réalisme poétique que le policier. Un réalisme poétique à tonalité tragique où
la musique ponctue le thème du destin avec des contre plongées inquiétantes, où les caractères des
personnages sont bien marqués : le marginal, l'homme populaire, la garce.
Extrait 2 les Amants diaboliques (Ossessione) de Luchino Visconti (1942) même scène d'ouverture
entre Gino et Giovanna où l'on sent déjà poindre la passion destructrice issue de la tragédie antique
chère à L.Visconti (assistant de Renoir avant ce premier film) convertie au cinéma par la
malédiction sociale avec un fort rapport symbolique, sensuel et érotique.
Extrait 3 Le facteur sonne toujours deux fois (The postman always rings twice) de Tay Garnet
(1946) avec encore la même scène d'ouverture.
Nous avons une voix off qui correspond à l'écriture à la première personne comme dans la nouvelle
de J.M. Cain de 1934 ce n'est plus le destin mais la justice (le procureur) qui poursuit Frank. Le
rôle de la femme est tenu par une grande star hollywoodienne : Lana Turner, tout est mis en oeuvre
pour qu'elle soit en valeur : par le cadrage sur ses jambes, l'aspect suggestif de sa tenue, le coté sexy
de son short moulant ou encore la mise impeccable de son rouge à lèvres.
Citation 4 Le facteur sonne toujours deux fois (The postman always rings twice) de Bob Rafelson
(1981) qui est une fidèle reprise du scénario du roman et fait référence au film de Tay Garnet en
prenant le contrepied de Lana Turner (sophistiquée et impériale, impeccable et dominatrice) avec
Jessica Lange pour le personnage de Cora et en faisant même quelques clins d'oeil parodiques
(comme la coiffure de Lana Turner dans la scène finale, par exemple).
4 La narration
–
La temporalité
La temporalité au cinéma et en littérature ont de nombreux points communs mais elle ne
s'exprime pas de la même manière au cinéma et en littérature. Dans les textes, on utilise des
adverbes et la conjugaison des verbes qui permettent une grande subtilité. Au cinéma il y a
d'autres outils mais l'image reste toujours au présent. Il existe des flash-back, oui mais une fois
le retour en arrière effectué, on se retrouve au présent ! L'image est toujours au présent. Le récit
de cinéma peine à se débarasser du déroulement chronologique. Tous les cinéastes qui ont
apporté des innovations dans ce domaine ont rencontré l'incompréhension du public (Renoir,
Reisnais, Bergman, Fellini, Lynch, etc.)
En revanche, le cinéma excelle à montrer la simultanéité des actions alors que le récit
romanesque ne peut dérouler les événements qu'un par un. La présence d'un personnage
silencieux est vite oubliée dans un livre, pas dans une séquence. La description y est toujours
ressentie comme une pause dans le récit alors que tout plan tend à être desciptif. Toutefois, les
moments descriptifs ont un peu les mêmes fonctions dans les livres et dans les films :
l'attestation du réel, fonction esthétique, fonction dilatoire.
Jacques le fataliste et son maître, Denis DIDEROT
Extrait Les dames du bois de Boulogne de Robert Bresson (1945) Il correspond à l'épisode de
Madame de La Pommeraie mais là ou D. Diderot multiplie les points de vue pour se prononcer sur
la moralité ou l'immoralité de la Marquise (Jacques, le maître, l'hôtesse, le narrateur) et dilate le
temps (le lendemain des noces), R.Bresson, lui, compresse le temps (le mariage n'a donc pas été
consommé) et ne peut prendre qu'un point de vue à la fois, ici celui du personnage masculin pris au
piège de la voiture (c'est-à-dire de la vengeance d'Hélène qui ne lui laisse aucune échappatoire
possible), cet espace clos dans un style épuré où le son est travaillé jusqu'au bruit de moteur de
l'auto. Le regard humoristique de Diderot devient ici démesure tragique du seul fait du changement
de point de vue.
Triangle, ( Un trio sans espoir), Teri WHITE
Extraits Regarde les hommes tomber de Jacques Audiard FR 1994
À une construction romanesque en triptyque (1) le couple d'assassins, 2) le couple de policiers (le
policier tué, son collègue qui mène son enquête, 3) le rencontre entre celui-ci et ceux-là par
l'aboutissement de l'enquête), Jacques Audiard substitue le montage en parallèle, mêlant les deux
ensembles de personnages et les différentes temporalités, qu'il raccorde ensuite par des cartons (Les
deux Autres, ... bien avant tout ça), des faux raccord vêtements ou par une voix « over »
Scène de planque dans la voiture de police : épisode du meurtre, d'un point de vue limité d'abord (le
copain du policier tué n'a que le son de la scène, par le biais d'un récepteur radio, auquel se
superposent dans la suite du film deux autres points de vue de la même scène : le point de vue,
partiel également du complice (et manipulateur) du tueur, qui lui fait répéter son rôle puis l'attend
dans la voiture (on a l'avant et l'après, ainsi que le déroulement virtuel du meurtre) ; enfin le
déroulement du meurtre tel qu'il a été reconstitué par l'enquête officieuse du copain, et qui se donne
au spectateur pour réel, puisqu'il coïncide avec les autres éléments connus. on peut aussi noter la
différence de caractère des personnages par rapport à la nouvelle et surtout l'ellipse nettement
marquée par un noir et des cartons.
–
Les acteurs et les personnages
Par sa présence, par son corps, sa voix, l'acteur est toujours un des auteurs du film,
contrairement au personnage romanesque. Historiquement l'acteur à a voir avec le théâtre ce qui
est différent du personnage qui lui se réfère au texte du roman, en littérature le personnage n'est
qu'un signe et il est réinvesti par le lecteur, d'où la déception souvent ressentie devant
l'incarnation cinématographique d'un personnage.
Dans le cinéma hollywoodien l'acteur devient star, là ou la scène devient écran la fascination va
jouer avec encore plsu de force. La star, avec ses milliers d'admirateurs inconditionnels, est la
garnatie du succès du film.
Cf. : « la politique des acteurs » de Luc Moullet aux éditions Cahiers du cinéma 1997.
Thérèse Raquin, Emile ZOLA
Extrait Thérèse Raquin de Marcel Carné FR 1953 scène du retour de Camille à la maison. Le
problème pour M.Carné était de traiter l'attirance entre Thérèse et Laurent, de démontrer la virilité
et la sensualité de Laurent, il va y parvenir par opposition des personnages sur un plan physique.
Camille , le mari joué par Jacques Duby est porté sur son dos par Laurent le camionneur interprété
par Raf Valone. Au fur et à mesure des plans le mari disparaît puis une fois déposé sur un fauteuil
dans la chambre il est quasiment oublié ! La sensualité indolente d'un artiste paresseux devient est
remplacée ici par la puissance de l'ouvrier, qui correspond mieux à l'univers de Carné.
–
Le scénario
Le scénario est un texte qui n'est pas littéraire et ne doit pas être littéraire. Même si le cinéma à
besoin d'un texte, celui-ci ne doit pas être littéraire, il est fait pour disparaître et laisser la place
aux images. Il a aussi et surtout une fonction économique, c'est à partir de lui que se chiffre le
coût du film, que se déterminent les producteurs et les acteurs. C'est aussi un texte très codé
avec des normes précises (24 lignes par page, une page égale environ 1 min.de film, etc.) Les
dialogues, jamais assez nombreux dans le récit, y sont entièrement rédigés jusque dans les
détails) C'est pourquoi le scénario complet incluant dialogues est aussi nommé : continuité
dialoguée.
Différentes versions de L'amant, Marguerite DURAS
Les cahiers roses marbrés, biographie de 1943
Le roman, L'Amant prix Goncourt, de 1984
Le scénario, L'Amant de Jean-Jacques Annaud de 1992
Le roman , L'Amant de la Chine du nord, réécriture de 1993
Les différences sont énormes entre le texte de l'autobiographie et les autres textes et surtout avec
le film. Par exemple en 1943 l' amant chinois Léo est affreux, le baiser la répugne, avec J.J.Annaud
en 1992 le film donne une scène d'amour torride, mais M.Duras a alors 60 ans , elle est nostalgique
de sa beauté physique juvénile ... M. Duras a commencé à travailler sur le projet avec J.J. Annaud,
puis s'est retirée de l'écriture du scénario, avec de grosses divergences de vues, en particulier avec le
scénariste Gérard Brach. Mais elle a réinvesti son histoire, dont elle s'est sans doute sentie
dépossédée par le film, en écrivant L'Amant de la Chine du Nord, qui constitue une forme ambiguë,
entre le scénario cinématographique et l'écriture romanesque.
Extrait L'amant de Jean-Jacques Annaud FR de 1992 scène du passage en bac: la rencontre. Le
réalisateur choisit la langue anglaise et annihile la langue « Durassienne », ses choix s'opposent à
ceux de l'auteur : un acteur chinois très connu : Tony Leung Ka Faï, l'Asie et non les boucles de la
Seine. L' amant de M.Duras et celui de J.J.Annaud sont aux antipodes l'un de l'autre. Les cadrages
larges et les mouvements de caméra ne correspondent pas à l'écriture dépouillée de M.Duras et les
gros plans sur les chaussures et l'étui à cigarettes sont exagérément dramatisants, marquant une
rupture alors qu'ils s'intégraient parfaitement au flux de la phrase durassienne, et ils produisent peu
d'effet au point de vue de l'expressivité. Les dialogues se trouvent isolés dans l'image alors que dans
le texte de M.Duras tout est lié, notamment du fait de l'usage très particulier des formes de discours
rapporté.
Le film à reçu un bon accueil de la part du public mais eu aussi un grand échec critique, où il fut
dit que l'oeuvre de M.Duras avait été trahie.
–
Le dialogue
1) conception traditionnelle classique, ou les codes sont respectés
Le dialogue est fait pour être parfaitement perçu par le spectateur : la prise de son des dialogues
prime sur l'ambiance des bruitages. Les dialogues sont souvent post-synchronisés, le monteur son
évite les chevauchements, on va en général cadrer sur celui qui parle avec un usage systématique du
champ-contrechamp. Tout est fait pour permettre une parfaite audibilité. Idéalement, le dialogue
laissera un souvenir au spectateur grâce aux « mots d'auteur »
Extrait Les tontons flingueurs de Georges Lautner (1963) d'après une nouvelle de Albert Simonin,
scène de la cuisine.
2) conception non traditionnelle, où les codes sont cassés
Extrait Le mépris de Jean-Luc Godard (1963) d'après une nouvelle de Alberto Moravia, scène entre
Paul et Camille avant d'aller au cinéma où Paul demande à Camille de s'expliquer.
Le réalisateur donne à entendre au spectateur un dialogue sans champ / contre-champ mais au
travers d'un lent travelling latéral de gauche à droite et de droite à gauche, travelling qui va d'un
personnage à l'autre (sans que la caméra soit nécessairement sur celui qui parle) les personnages
étant séparés par une lampe blanche qui s'allume et s'éteint, le tout donné à voir en un long plan
serré.
–
Les figures de style (métaphore, ellipse, métonymie, comparaison, antithèse, synecdoque..)
La plupart des figures de style littéraires se retrouvent dans le langage cinématographique
Exemple: un lieu métaphorique
A l'est d' Eden, John STEINBECK
Extrait A l'est d'Eden de Elia Kazan (1955) scène de Cal qui pleure sous un saule, après que son
père a refusé l'argent qu'il avait gagné pour le sauver de la faillite.
Dans le roman le saule est le lieu des rencontres, des jeux entre Abra et Aron et le lieu de la liaison
amoureuse : c'est aussi le lieu maternel par excellence, Aron demandant à Abra de jouer à être sa
maman. Dans le film c'est Cal qui s'approprie le saule ; c'est son lieu de refuge, dans lequel Abra le
rejoint, sanctionnant bien le transfert de l'amour d'Abra d'Aron à son frère ; E.Kazan prend parti
pour le frère cadet, qui redoute l'hérédité de la malignité maternelle et se sent rejeté par l'austère
figure paternelle (très différente chez Steinbeck et chez Kazan, ce dernier noircissant nettement le
personnage, comme il le fait avec d'autres figures paternelles, dans L'Arrangement par exemple); le
tronc sépare à l'image le bien à droite avec Aaron et le mal à gauche avec Cal. On peut dire qu'il y a
déplacement de la métaphore entre le livre et le film. Il existe d'autres lieux métaphoriques dans le
film : la grande roue en panne, Abra et Cal s'y retrouvent seuls sous les étoiles et c'est encore le lieu
manichéen du bien et du mal.On peut dire aussi que la chambre du père dans la scène finale est un
lieu de jugement suprême.
Exemples : métonymie, métaphore et synecdoque
Extrait L'Aurore de Friedrich. Wilhelm Murnau US 1928 d'après une nouvelle de Hermann
Sudermann, scène en ville où l'homme s'efforce de se faire pardonner par sa femme, ils se réfugient
dans une église où à lieu un mariage.
Le couple qui sort de l'église n'est pas celui qui vient d'être marié (métonymie)
Passage de la ville à la campagne par un fondu (métaphore)
le clocher est montré pour l'église (synecdoque)
Exemple : série d'antithèses
Extrait Barry Lyndon de Stanley Kubrick (1975) d'après un roman de William Makepeace
Thackeray, scène de bataille.
Nous avons une série d'antithèses : le contraste entre la légèreté des bateaux et les champs de
bataille, contraste de couleur (bleu et blanc vs rouge et vert) les groupes (bien organisés) et les
individus (en détresse) etc. Cette bataille peut être comparée avec récits de batailles dans des textes
romanesques ayant la même tonalité humaniste : Candide de Voltaire, La Chartreuse de Parme de
Stendhal, Guerre et Paix de Tolstoi
Conclusion :
Le texte littéraire est très souvent à l'origine d'un film (les scénarios originaux ne sont
pas légion) et les adpatations sont rendues nécessaires par le passage d'un média à l'autre, du monde
des signes au monde des images et des sons. Mais les transformations les plus significatives
tiennent au fait qu'il s'agit d'une création nouvelle, d'une variation sur un thème, d'une appropriation
par le réalisateur de la trame d'un récit. Parfois écrivain et cinéaste ont des points communs, mais le
plus souvent, leurs conceptions du monde divergent. Lorsque Ophüls ou Renoir abordent les
nouvelles de Maupassant, ils apportent une tendresse envers leurs personnages (leurs acteurs) qui
fait défaut à l'aristocrate hautain qu'était Maupassant. L'oeuvre n'a pas été trahie, il a été interprétée
par un esprit et une sensibilité nouveaux.

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