le grand trail des templiers 2014

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le grand trail des templiers 2014
By Antoine Collard
LE GRAND TRAIL
DES TEMPLIERS 2014
By Antoine Collard
LE GRAND TRAIL
DES TEMPLIERS 2014
VOYAGE AU BOUT DE MOI-MÊME
C’est donc un traileur HEUREUX mais sous-entraîné et mal reposé
qui arrive dans les Cévennes une semaine avant la course. Ma tête
est logiquement pleine de doutes lors des très belles vacances que
je passe en famille dans cette région sublime. Mon corps relâche la
pression des semaines de travail précédentes et fait paradoxalement
apparaître des douleurs assez vives dans mon dos. Cela s’ajoute à
la sensation de ne pas être prêt à encaisser un tel effort et me vaut
quelques nuits un peu angoissées. Je reste néanmoins convaincu
que je m’alignerai bien le dimanche sur la ligne de départ. Je me
sens capable d’écouter mon corps et d’adapter mon plan en
fonction de mon état. Grande première pour moi, j’accepte l’idée
que je ne me battrai contre aucun chrono et n’irai au bout que si
mon corps le permet.
Détail technique de la course
Nom : Grand Trail des Templiers
Date : 26 octobre 2014
Distance : 74km
Dénivelé : 3500m de D+
Arrivée/départ : Millau
(Aveyron, France)
Barrière horaire : 16h
Nombres de participants :
2500 partants/2000 finishers
Dès le samedi, je rejoins la ville de Millau pour suivre ma sœur et ses
amis venus participer à d’autres courses lors de ce grand rendezvous du trail1. Avec beaucoup de plaisir, je me plonge dans cette
ambiance si particulière de grand-messe du sport nature : grand trail
expo, arches de départ et d’arrivées entourées d’un public aussi
dense que motivé, paysages magnifiques...
Chaque passion a ses monuments, ses légendes, ses institutions
porteuses de rêves qui tirent ses afficionados vers le haut. Comme un
apprenti guitariste qui fantasmerait sur un concert des Stones, je
rêvais depuis longtemps de participer à un trail mythique.
Le samedi soir, je dors au gîte loué par ma sœur et mon beau-frère,
à 20 minutes en voiture de la ligne de départ. Mon beau-frère
Thomas et son amie Caroline acceptent très gentiment de jouer les
coaches et de m’assister pendant la course. Alors qu’ils ont euxmêmes participé à deux trails les deux jours qui précèdent, ils se
lèvent avec moi à 3h du matin et me conduisent au départ. Ce
dévouement me touche énormément et m’aide à dépasser cet état
de stress qui me paralyse presque au moment d’arriver au village
départ sous un ciel étoilé.
Les Templiers est clairement de ceux-là. Pionnière du trail en France,
cette course qui serpente dans les montagnes de l’Aveyron et la
Lozère est une légende connue de tous dans le petit milieu des
coureurs nature. Le Grand Trail des Templiers comporte tous les
ingrédients qui font rêver : départ nocturne à la frontale, plateau de
traileurs très relevé, paysages grandioses… Et même si on est
encore très loin des ultras alpins, sa longueur (74km) et son dénivelé
(3500m d’ascension) en font une redoutable épreuve pour le petit
traileur du plateland que je suis.
Il fait à peine quelques degrés lorsque je rejoins la masse de traileurs
sautillants dans la nuit noire. Les émotions s’emballent. Je suis
balancé entre un énorme stress face à une journée qui s’annonce
extrêmement rude et l’euphorie de voir ce rêve se concrétiser enfin.
Face à l’arche de départ, les 2500 traileurs massés oscillent eux
aussi entre grand calme et surexcitation. Gilles Bertrand,
l’organisateur de l’évènement (un ponte dans le monde du trail) prend
la parole quelques instants. Avec son ton si poétique, il nous explique
le plaisir qu’il a pris à tracer le parcours qui nous attend sur ses
causses chéries. Et c’est déjà l’heure d’allumer nos frontales et de
nous lancer sous une pluie de torches rouges et la musique AMENO
d’ERA à fond. Moment unique, magique !
Mon inscription était donc réglée - au moins dans ma tête- depuis
longtemps, très longtemps… Bien avant que j’apprenne avec un
bonheur énorme qu’une actualité familiale hors norme allait
bouleverser tous mes plans. Un premier petit chérubin a pointé le
bout de son nez trois mois avant la course et a fait de moi un papa
ultracomblé. Mon entrainement a donc dû se plier à mon nouveau
mode de vie ; il a dû composer avec mes cernes et mon envie de ne
déserter le nid sous aucun prétexte. Mes guibolles ont, quant à elles,
dû se contenter du travail du piston (à ne pas sous-estimer) souvent
utilisé de nuit pour calmer mon fils…
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1 courses réparties sur trois jours, de 9 à 100km, le point d’orgue étant le Grand
Trail des Templiers, « LA » grande course légendaire organisée le dimanche.
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fera le relais vers ma femme) un feedback très positif. Je me dirige
ensuite vers les tables de ravitaillement pour faire le plein d’eau et
piocher dans le gargantuesque buffet proposé. Des bénévoles en
pleine forme nous saluent de leur accent chantant et nous motivent.
Je les remercie avec mon plus beau sourire.
En rang serré
Je relance la machine quelque peu refroidie… Mauvaise surprise de
constater que j’ai perdu beaucoup de temps sur le ravito et que je
suis revenu dans la grosse masse de traileurs. L’ascension qui suit se
fera donc dans une file dense de coureurs un peu irrités d’être ainsi
contraints à jouer les accordéons. Ce rythme cassé en permanence
me fait connaître un premier coup de moins bien. Les kilomètres
paraissent soudain gigantesques dans cette succession de
monotraces forestiers assez humides. Sur certaines portions, nous
flirtons avec les 3-4km/h. Le prochain ravitaillement, si proche dans
ma tête (à peine 11 km) s’écarte douloureusement. Heureusement,
une fois cette deuxième bosse passée, nous parvenons à retrouver
un rythme. Avant de nous arrêter à nouveau, de reprendre, etc. Sur
une section roulante, je ressens une douleur vive au tendon du fascia
lata, au genou gauche… la tuile. J’essaye de ne pas y penser mais
elle ne s’estompe pas. Je devrai désormais vivre avec.
Quitter la nuit
Dès les premières foulées, le silence s’installe dans le peloton. La
musique d’Era s’éloigne. A sa place, entre quelques rires, c’est
surtout le martellement des chaussures sur le bitume que l’on
entend. Tout le monde se concentre, règle sa frontale. 2-3km
d’asphalte très vite avalés en montée légère et nous voilà déjà dans le
petit village de Garbassas (les noms des villages traversés … un
dépaysement en soi) ✪ La première difficulté du jour se profile : une
montée sèche dans des chemins caillouteux relativement larges. La
marche rapide est de rigueur. Les muscles sont frais et le rythme est
bon. Je temporise un maximum, bien conscient que le mot d’ordre
du jour c’est l’économie. Mes mouvements doivent être les plus
rentables possibles. Se retourner de temps à autre permet de voir la
longue et subjuguante rivière de frontales qui sillonne la vallée.
Lentement, nous arrivons enfin à Saint André de Vezine (km 33.0).
Mon chrono vient de dépasser les 4h d’effort. Un grand soleil
réchauffe les coureurs qui rejoignent leur staff. Tout en expliquant à
Thomas que je suis quelque peu dans le rouge, je fais rapidement le
plein de calories : tartines, soupe, coca, eau gazeuse. Je me sens
reboosté. Thomas me passe sa bombe froide sur mon genou, ce qui
me soulage temporairement.
Je me motive pour reprendre ma course sans trop traîner. Thomas
me crie « au prochain ravito, c’est ta femme et ton fils qui
t’attendent ! ». Rien que cette idée est un bonheur ! Je redémarre en
douceur et en profite pour appeler Aurélie. Je lui explique que la
course tape dur sur les organismes mais que je tiens bon. Elle
m’encourage copieusement.
Sans avoir eu le temps d’avoir mal aux mollets, nous arrivons sur le
plateau qui domine cette première belle bosse. Nous déboulons
ensuite sur des sentiers forestiers globalement plats. Ils permettent
une bonne relance. Pendant une bonne heure, je cours ainsi entre
prairies et forêts de conifères. Le jour se lève peu à peu sur ce
sympathique décor campagnard. Il faut néanmoins rester très attentif
à sa pose de pied entre cailloux et racines. Ce rythme plutôt rapide
rend en effet les chutes méchantes. Quelques coureurs en font les
frais autour de moi.
Je me reconcentre ensuite. La portion suivante est beaucoup plus
ensoleillée. Nous courons à flanc de falaise dans un décor sublime.
Face à nous, un panorama incroyable se découvre. Des vallées très
encaissées, au fond desquelles lézardent des rivières qui scintillent,
surplombées de grand reliefs sauvages. Minéral très clair et végétal
Progressivement, nous atteignons le premier monotrace du jour, qui
descend gentiment vers le petit village de Peyrelau, situé dans un val
encaissé 400m plus bas. J’apprécie la descente et suis content de
voir que le chrono est excellent pour l’instant (pale ignorant que je
suis, je pense tenir le bon bout).
Les ruelles du village de Peyreleau (21.5km -2h23) grouillent de
monde malgré l’heure matinale. A chaque village, la foule sera ainsi
au rendez-vous. Des encouragements qui feront chaud au cœur
toute la journée !
Thomas et Caroline m’attendent comme convenu juste avant le
ravitaillement. Je me déleste de ma frontale et grappille quelques gels
pour la suite. Je prends mon temps et donne à mon assistance (qui
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s’y associent pour offrir un spectacle unique, doux et brut à la fois.
Cette vue imprenable justifie largement tous nos efforts. Mon corps
souffre mais, repue de cette superbe nature, c’est désormais ma tête
qui prend le relais. Les kms défilent toujours plus lentement. L’allure
se fait gauche, les articulations couinent, mais j’avance. « Chaque
pas me rapproche de l’arrivée » me dis-je pour la première fois. Ce
mantra ne me quittera plus.
Avant de partir, je m’octroie quelques minutes de tendresse avec ma
petite famille. Le fiston pieute mais il est là, du haut de ces trois mois
avec mon amour de femme. Tous deux perdus dans ce mini village
de montagne accessible uniquement par une route minuscule, en
sens unique pour la journée. C’est énorme. Je remercie Auré et ses
parents qui ont géré toute la logistique pour être là. Je suis tellement
touché ! Quand je vois les traileurs qui ruminent tout seul autour de
moi, je réalise ma chance. Voilà qui me donne la pèche.
Je réalise à quel point tous mes repères de coureur routier obsédé
par l’allure kilométrique sont inutiles dans ce décor montagneux. Il
convient de relativiser et d’avancer sans se poser de question. Seule
la pose du pied requiert toute notre concentration sur ces sentiers
escarpés.
L’interminable descente vers le splendide village médiéval de la
Roque-Sainte-Marguerite (km 42.5 – 5h47’) s’achève enfin. Un
point d’eau nous permet de faire le plein. Plus que 4km et je vais
enfin retrouver Aurélie et Elliott ! Je ne me précipite pas car je sais
que l’ascension vers Pierrefiche est une des difficultés majeures de
la journée. En effet, la montée cogne dur et le cœur s’emballe lors
de ces 2km très techniques que je passe sans encombre majeure
(les montées restent ma force). Il faut ensuite relancer la machine
jusque Pierrefiche. J’arrive vaille que vaille à « courroter ». A partir de
là je me dis que c’est officiel, je suis au bout physiquement ! Si la
ligne était placée à cet endroit, je me serais empressé de balancer
« il ne me fallait pas un km de plus ». Manque de chance, il m’en
reste 28, et les traileurs autour de moi n’arrêtent pas de lancer des
effrayantes affirmations telles que « la course ne commence
qu’après Pierrefiche » ou « rien n’est joué avant le ravito du Cade
(km 65) »…. Avec humour, j’ai envie de les inviter à la fermer :
pourquoi être si cruel !?
Une bonne tête
Je suis donc un peu déprimé quand j’aperçois enfin mon clan qui
m’attend à l’entrée du village de Pierrefiche (km 46.6km – 6h24’). Je
bondis néanmoins de joie à leur simple vue. Je leur explique que
« c’est dur, putain qu’est-ce que c’est dur » mais ils ne veulent rien
entendre. Ils m’encouragent, me félicitent, me disent même au
passage que j’ai une bonne tête. J’aimerais savoir ce qu’ils pensent
vraiment . Soit, je finis par me convaincre que je ne suis pas si mal
après tout. Je picore sur les tables de ravito qui débordent, je fais
littéralement le plein en liquide et solide, au point d’en avoir mal aux
côtes. Je sais que j’en aurai besoin, car 17km me séparent du
prochain point d’eau !
D’un point de vue purement technique, cette pause me permet
également de prendre mes bâtons pour la fin de la course, de
retrouver un T-shirt propre et sec, ainsi que des chaussettes fraîches.
Des petits détails qui font du bien. A nouveau Thomas me passe sa
bombe froide sur mon genou qui me fait toujours mal (douleur qui
passe désormais plus inaperçue dans la multitude de bobos qui
apparaissent et disparaissent au gré des km). A ma grosse surprise,
tout ce petit monde m’annonce que contrairement au plan prévu
initialement, ils seront bien là au prochain point d’eau (Massebiau).
Encore un cadeau !
C’est un homme tout neuf qui quitte Pierrefiche, bien déterminé à
aller au bout ! Grande première pour moi, je suis désormais équipé de
bâtons ultra légers. En analysant le parcours et sa difficile dernière
partie, j’avais en effet jugé ce moment idéal pour me les procurer. Je
vais maintenant me discipliner pour en faire le meilleur usage
possible, et soulager un maximum mes gambettes qui crient au
massacre.
Après une première descente arpentée dans un tempo assez lent
(histoire de digérer), nous remontons sur les hauteurs qui dominent
les gorges de la Dourbie. A nouveau, les panoramas sont
imprenables. Millau apparait au loin, son viaduc trône, gigantesque et
magistrale œuvre humaine, dans cet océan de nature. Un soleil
massif revigore les organismes.
Météo idéale, panorama grandiose, assistance au top, voilà les
pensées positives auxquelles je tente de m’accrocher pour la suite.
Mais le terrain de jeu est laborieux. Très techniques, les sentiers
requièrent de plus en plus d’attention. Les appuis se font instables.
Descendre pour mieux remonter, et redescendre à nouveau, la tête
baissée…. Interminable état de transe, de dialogue avec soi-même
pour ne pas décrocher. Lutter contre l’idée même d’abandon. Si
mon corps ne lâche pas, j’irai au bout me dis-je de temps à autre.
Mais ce bout, cette arrivée, je me refuse d’y penser déjà car la
projection mentale de la fin de cet effort rend beaucoup trop difficile
le retour à la réalité. Ne plus penser aux kms ni au chrono mais
mettre un pied devant l’autre encore et encore, fier d’être un peu
plus loin que la seconde précédente. S’obliger constamment à
oublier toutes les douleurs que suscite chaque mouvement pour
rester concentré sur sa pose de pied. C’est peu dire que je suis
inconfortable dans cette partie qui me parait immensément longue…
Aussi belle soit-elle, elle ne figurera pas dans les meilleurs souvenirs
de cette course. Seul point positif : j’ai l’impression de bien me
débrouiller avec les bâtons. Ils rythment mon avancée aussi bien
qu’ils me sécurisent dans les descentes.
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dénivelé positif, avec des passages à 20°, face à la pente. Le genre
de sentier que j’adore en randonnée en temps normal.
Juste avant de quitter le village, lorsque je grimpe la rue qui me
ramène au sentier, j’entends qu’on m’interpelle : « Antooooine ? C’est
toi Antoine ? Du BTC ? ». Je n’en reviens pas, voilà Marc et Michou
Baert, des membres de mon club de triathlon qui vivent depuis
quelque temps dans la région. D’un coup je me rappelle avoir
prévenu sur le groupe facebook du club que je m’alignais sur les
Templiers… Quelle surprise géniale de voir qu’ils m’attendent là !
Leurs sourires font chaud au cœur. Marc prend des photos et tout en
marchant, m’explique calmement la montée qui m’attend. Il la
connait bien, elle est juste au- dessus de chez lui. GENIAL !
S’il était encore possible de me regonfler, alors je peux le dire : je suis
regonflé ! J’entame l’ascension à un rythme soutenu mais pas
inconscient. Plantant rageusement mes bâtons, je dépasse
beaucoup de traileurs qui s’écroulent littéralement. Après une
vingtaine de minutes, il y a en effet des coureurs qui se couchent sur
tous les endroits plus au moins plats, pour tenter de récupérer.
Certains vont jusqu’à fermer les yeux. Un spectacle auquel je n’avais
encore jamais assisté. Personnellement, je ne m’arrête qu’une ou
deux fois brièvement pour reprendre mon souffle et j’arrive en haut
sans gros pépin. Ce meilleur état est freiné net par un coup de
fringale dans le replat qui suit. Alors que pour la première fois depuis
longtemps j’ai devant moi un magnifique chemin presque plat, je suis
incapable de courir. Je grelotte et je vois des étoiles. Une
hypoglycémie pure et simple. Heureusement la Ferme du Cade n’est
plus qu’à un km, pour le dernier ravito solide. J’y arrive en marchant
(Ferme du Cade – km 67.2 – 10h51’).
Je mets 3h20 pour faire 17km…. Un chrono de marathon couru relax
il y à peine trois semaines ! Ne pas y penser, cela fait trop mal. Pour la
toute première fois, je réalise que je terminerai peut-être dans le noir.
Le final ardu qui nous attend rend encore plus difficile toute projection
horaire réaliste.
La bénévole qui remplit ma poche à eau me jette un regard qui en
dit long sur mon état. « Toi tu fais de la peine à voir » doit-elle
penser quand je lutte pour refermer mon sac et enfiler mon coupevent – je suis gelé -. Je dois m’y reprendre à trois reprises pour
remettre ma ceinture porte dossard. Je me traine jusqu’aux tables
de ravito et fait le plein comme je peux. Ma mâchoire fait grève.
Chaque bouchée provoque des douleurs très vives dans mon
palais, comme des aiguilles qui s’y plantent. Je m’assois pour
mastiquer à mon aise. J’essaye d’appeler Auré, pas de réseau. J’en
chiale presque, les larmes montent. Mais le coca, la soupe et les
tartines que j’avale malgré tout me font du bien instantanément ! Je
me sens mieux et je redémarre. Je parviens vaille que vaille à courir.
Je sais qu’en dernière difficulté du jour, les organisateurs nous
proposent une descente très technique dans la rocaille, à flanc de
falaise, face à Millau, pour ensuite remonter au Puncho d’Agast, qui
domine la ville avec son énorme antenne. Enfin, il restera 3km de
descente jusqu’à Millau.
Je déboule avec soulagement dans le village de Massebiau (63.7km
– 9h43’) où se situe le point d’eau. Je sais qu’après, il ne me restera
« plus » que 10km ! Je sens que la fin approche même si dans cet
état et avec ce qui nous attend, il y a encore du pain sur la planche.
Par-dessus tout, ce qui me rend heureux est qu’à ce stade, je peux
légitiment espérer être finisher !
Dernier round
Thomas en tête, mon staff est de bonne humeur et les
encouragements vont bon train. Comme la dernière fois, ils semblent
mettre au placard toutes mes considérations négatives. Leur
présence inscrit un gros « think positive » dans ma tête fatiguée.
Elliott dort à nouveau, merveilleusement calé dans son maxi-cosi! Il
respire tellement le confort et le bien-être qu’il me renvoie toute
l’absurdité de l’effort que je me suis auto-infligé. Je ne veux plus
trainer, conscient que chaque minute perdue m’obligera
potentiellement à finir à la frontale, ce que je me suis refusé
catégoriquement dans tous les scénarios envisagés. Après avoir
avalé un de mes gels (dur dur, l’estomac n’es plus très conciliant) et
fait le plein d’eau, je redémarre donc en embrassant Auré. « Je vous
revois sur la ligne les gars ! »
Sans doute parce que la fin approche, j’ai un regain d’énergie dans
cette magnifique portion. Je vis beaucoup mieux que prévu la
descente, pourtant très casse patte (des cordes sont même
nécessaire à certains endroits). Pour la première fois depuis le départ,
je me retrouve seul dans la rocaille pour remonter. Le chemin longe
l’à-pic sur les pierriers et je me paye une petite frayeur en coinçant
mon bâton dans mon coupe-vent que j’ai attaché autour de ma taille.
Je trébuche et je m’imagine déjà filer tout droit en bas. Petite remise
au point en interne: « Reste concentré B***** de M**** ».
La côte qui nous attend est – à ce stade de fatigue avancée –
monstrueuse à avaler. Je le sais car depuis 30 minutes, les traileurs
ne parlent plus que de ça autour de moi. 1,3km pour 500 m de
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Alors que la lumière de fin du jour enrobe joliment la vallée, comme
dans un rêve, un aigle me survole…. Comme sur l’affiche officielle de
la course, comme sur la médaille… petit moment magique à déguster
en solitaire. Putain quel pied! C’est pour ça que je fais du trail !
Même si mon piètre classement (995ème/2000) et mon chrono poussif
(12h44 !) n’entament pas mon sentiment de fierté, ils me donnent une
belle leçon d’humilité. Une préparation beaucoup trop légère et un
manque d’expérience criant m’auront couté très cher.
Cet état de grâce ne dure que quelques secondes. L’aigle disparu, je
peste, je maudis les organisateurs de nous avoir concocté cet enfer
de final, mais je tiens bon et je monte sans m’arrêter jusqu’à
l’antenne du Puncho d’Agast. Cette dernière difficulté passée, je me
force à avaler un dernier gel. J’appelle Auré pour la prévenir qu’il ne
me reste que 3km de descente. Sa voix est comme un rêve qui se
rapproche.
Je reçois ma médaille et la croque pour la photo souvenir. En voilà
une qui a meilleur goût que toutes les autres réunies. La saveur d’une
première fois pleine de contrastes, entre les moments de douce
euphorie face à cette nature magnifique d’un côté et de l’autre cet
effort hors norme, extrême à l’échelle de ma petite carrière de sportif.
Ce voyage intérieur, cette longue lutte pour avancer entouré de ceux
que j’aime me laissera des souvenirs d’une intensité rare.
La descente commence ensuite très fort, technique. On se tape
même quelques petites remontées qui m’arrachent du fin fond de la
gorge une pluie d’insultes destinées aux organisateurs (pardon !).
Mais une fois la jolie grotte du hibou passée, on peut enfin courir ! La
lumière du jour s’estompe, ce sont déjà les dernières minutes de
clarté. Un motif de plus pour donner tout ce qu’il me reste et
débouler dans le village d’arrivée.
L’envie de revenir plus fort, plus affuté nait déjà logiquement lorsque
je m’endors dans la voiture qui me ramène au gîte…. Mais d’abord
digérer cette course et profiter de ce doux flottement qui suit les gros
efforts. Et savourer enfin ce sentiment d’être venu à bout d’un
challenge qui me trottait dans la tête depuis plus de deux ans !
Enorme merci à tous ceux qui m’ont soutenu ! Vos encouragements
et votre soutien fabuleux, par tous les moyens de communications,
ont constitué un carburant de choix sur ces beaux et sinueux
chemins.
Je savoure les derniers mètres, aperçois mes supporters qui hurlent.
Je franchis la ligne. Décharge d’adrénaline, d’émotions, de fierté. Je
me sentirais presque frais. Je souris béatement en retrouvant ma
petite famille chérie. A l’intérieur, sous mes tempes, j’exulte.
Matériel utilisé
Chaussures : Sense Mantra 2 SALOMON
Chaussettes : RU4 Stabilizer FALKE
Mollets de compression : Booster Original de BV SPORT
Collants ¾ compressifs : Exo SALOMON
T-shirt technique : Nike TraKKs
Veste : Bonatti WP Salomon
Longues manches : Craft WARM
Sac d’hydratation : SALOMON Adv Skin S-Lab 5
Casquette : SALOMON
Tour de cou : team TraKKs
Montre : SUUNTO Ambit 2
Batons : Ultra distance BLACK DIAMOND
Lampe : PETZL NAO
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