LES ENTORSES DE CHEVILLES LES LESIONS

Transcription

LES ENTORSES DE CHEVILLES LES LESIONS
LES ENTORSES DE CHEVILLES
C. Lecoq, G.Curvale
Sommaire de l'article
LES LESIONS
DIAGNOSTIC CLINIQUE
DIAGNOSTIC RADIOGRAPHIQUE
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
Les entorses sous-astragaliennes
Les entorses médio-tarsiennes (ou du Chopart)
L'entorse du faisceau antérieur des ligaments péronéo-tibiaux inférieurs
Luxation des tendons péroniers
Rupture du tendon d'Achille
Les fractures de la malléole externe
Les fractures de la base du 5ème métatarsien
Fractures de l'astragale
Les fractures du calcanéum
DIAGNOSTIC DES COMPLICATIONS TARDIVES DES ENTORSES DU L.L.E.
Syndrome d'instabilité latérale externe de la cheville
L'arthropathie mécanique de la cheville
La cheville douloureuse et instable
PRINCIPES THERAPEUTIQUES
Entorses fraîches
a- Les moyens
b- Les indications
Instabilité de cheville
Hôpital La Conception - 147, Bd Baille - 13385 Marseille Cedex 05
[email protected], [email protected]
LES LESIONS
Les lésions isolées du ligament latéral interne (LLI) sont rares et seules les lésions du ligament latéral externe (LLE) seront traitées dans cet article.
Une entorse bénigne correspond à une distension du ligament, sans rupture vraie. Elle ne lui fait pas perdre son rôle de hauban articulaire. Elle
affecte habituellement le faisceau antérieur du ligament, ou péronéo-astragalien antérieur, tendu presque horizontalement du bord antérieur de la
malléole externe au col de l'astragale
(Fig. 1). Ce faisceau est mis sous tension
dans les mouvements forcés en flexion
plantaire de cheville associés à une
adduction de l'arrière pied.
Si le traumatisme est plus violent le
faisceau antérieur peut se rompre, ce qui
définit une entorse grave.
Figure 1 : Cheville et arrière pied de profil (calque d'après radiographie) - en grisé, les 3 faisceaux du ligament Si la violence
latéral externe (péronéo-astragalien antérieur, péronéo-calcanéen, péronéo-astragalien postérieur). suffisante,
la
du
traumatisme est
rupture
s'étend
successivement
aux
deux
autres
1 : malléole externe - 2 : pilon tibial - 3 : malléole interne - 4 : astragale - 5 : tubercule antéro-externe de
faisceaux du LLE, à savoir le faisceau
l'astragale - 6 : scaphoïde tarsien - 7 : cuboïde - 8 : bec de la grande apophyse du calcanéum - 9 : sinus du
(péronéo-calcanéen), puis le
tarse - 10 : grande apophyse du calcanéum - 11 : grosse tubérosité du calcanéum - 12 : tubercule postérieur de moyen
faisceau postérieur (péronéo-astragalien
l'astragale.
postérieur).
Les entorses graves entraînent une déstabilisation externe de l'articulation tibio-astragalienne faisant apparaître lors du mouvement forcé un
bâillement externe de l'articulation.
DIAGNOSTIC CLINIQUE
Le diagnostic d'entorse du LLE, est évoqué devant un sujet s'étant violemment «tordu» la cheville. L'interrogatoire retrouve un mécanisme en
varus équin, le pied s'étant couché sur son bord externe. La douleur initiale est très vive, parfois syncopale. L'impotence fonctionnelle est variable.
L'entorse est confirmée par l'examen qui retrouve une douleur pré-malléolaire externe, précise, sur le trajet du faisceau antérieur du LLE. Une
douleur sur le bord antérieur de la malléole est habituellement retrouvée. Il faut palper les repères osseux qui, s'ils sont douloureux, doivent faire
rechercher une fracture : bord postérieur, pointe et partie haute de la malléole externe, base du cinquième métatarsien, scaphoïde, talon.
Le diagnostic clinique d'une entorse grave repose sur un faisceau de signes :
- Le traumatisme a été violent, avec impression de déboîtement ou de grand déplacement. La sensation d'un craquement, surtout s'il a été audible,
est très évocatrice. Par contre l'intensité de la douleur et de l'impotence fonctionnelle n'est pas parallèle à la gravité de l'entorse. Au contraire après
la douleur initiale fulgurante commune à tous les types d'entorse, on observe dans les entorses graves une sédation presque totale pendant
quelques heures, suivie d'une douleur permanente peu intense (classique évolution en trois temps), n'entraînant qu'une impotence modérée. Au
maximum, une sensation d'instabilité indolore à l'appui est très évocatrice (mais elle est très rarement retrouvée).
- Il existe un volumineux hématome sous-cutané pré- et sous-malléolaire en oeuf de pigeon, apparu très précocement dans les minutes qui suivent
le traumatisme. Quelques heures après, la région péri-malléolaire est gonflée par un œdème plus étendu, la diffusion de l'hématome jusqu'à la
peau étant responsable de son aspect ecchymotique. Seuls le volume de l'œdème et l'étendue de l'ecchymose sont ici des signes de gravité.
- La mise en évidence d'une laxité tibio-astragalienne externe à l'examen clinique dynamique est certes un signe de gravité, mais elle est aléatoire
du fait du caractère douloureux de la manœuvre qui nécessite pour certains l'usage d'anes thésiques locaux. Elle ne saurait être recherchée avant
que les radiographies standards de la cheville n'aient confirmé l'absence de fracture associée. L'examen est réalisé sur un patient en décubitus
dorsal, l'examinateur au pied du malade. On empaume d'une main le talon par sa face externe, en sous-malléolaire, et de l'autre main le quart
inférieur de la jambe par sa face interne. Deux manœuvres sont réalisées, très douces pour ne pas être douloureuses. Dans le plan frontal, la main
externe porte le talon en varus tentant de faire bailler l'articulation de la cheville. Le mouvement anormal de ballottement astragalien est rarement
perçu. Le choc astragalien est plus évocateur, traduisant le choc en retour de l'astragale contre la malléole externe à l'arrêt de la contrainte (Fig.
2). Dans le plan sagittal, on attire l'arrière pied vers l'avant à la recherche d'une mobilité anormale de l'astragale glissant vers l'avant sous le tibia,
réalisant le tiroir antérieur (Fig. 3). La combinaison de ces manœuvres recherche une sub-luxation rotatoire de l'astragale dans le plan horizontal,
autour du point fixe qu'est la malléole interne sur laquelle s'insère le faisceau antérieur, intact, du LLI.
Figure 2 : Réalisation de la
manœuvre en varus forcé.
Noter
la
technique
d'empaumement du talon.
Figure 3 : Recherche du tiroir antérieur.
- L'étude du terrain est importante car elle conditionne les indications thérapeutiques. Deux groupes de sujets peuvent être distingués. Les sujets
jeunes, sportifs, actifs, éventuels candidats à une indication chirurgicale en cas d'entorse grave, et chez qui la poursuite des explorations
complémentaires est justifiée. Les sujets à risques, âgés, obèses, insuffisants veineux ou variqueux, qu'il ne faudra surtout pas exposer à des
complications iatrogènes.
DIAGNOSTIC RADIOGRAPHIQUE
Le bilan radiographique standard de la cheville, réalisé avant tout examen dynamique, recherchant des lésions associées, est indispensable au
diagnostic différentiel. Il comporte des incidences de face et de profil. Le cliché de face vérifie l'intégrité des malléoles. Un arrachement de la pointe
de la malléole externe signe une entorse grave. Un cliché de face en légère rotation interne de jambe (environ 20°) est indispensable à la
visualisation de l'interligne articulaire et surtout de l'angle supéro-externe de l'astragale qui peut être le siège d'une fracture ostéochondrale
(l'atteinte du coin supéro-interne est plus rare). Le cliché de profil peut montrer un discret arrachement osseux du col de l'astragale, signe
d'entorse grave, ou en regard de 1'interligne astragalo-scaphoïdien, traduisant une entorse grave de cette articulation quelquefois associée. Les
clichés du pied de face et de profil sont utiles pour vérifier l'absence de lésion ostéo-articulaire en aval.
Le bilan radiographique dynamique de la cheville, vise à prouver et à quantifier la gravité de l'entorse dans l'optique d'une indication chirurgicale. Il
ne sera donc envisagé que pour une entorse cliniquement grave et en fonction du terrain. Deux clichés sont réalisés, toujours comparatifs
(éventuellement sous anesthésie locale ou générale en pré-opératoire).
- Le cliché de face en varus forcé recherche un bâillement articulaire tibio-astragalien. L'angle tibio-astragalien, ouvert en dehors est
physiologiquement inférieur à 5 à 10°. Une bascule de l'ordre de 15° correspond à une rupture isolée du faisceau péronéo-astragalien antérieur.
Une rupture conjointe des faisceaux antérieurs et moyens se traduit par un angle aux environs de 20°. Lorsque les trois faisceaux sont atteints, le
bâillement avoisine ou dépasse les 30° (Fig. 4).
- Le cliché de profil, en tiroir antérieur recherche une ouverture postérieure de l'articulation par glissement de l'astragale vers l'avant. L'espace
ainsi ouvert, mesuré à partir du bord postérieur du pilon tibial, traduit le tiroir antérieur. Une mesure supérieure à 8 mm est pathologique. Elle
signifie au minimum la rupture du faisceau antérieur du LLE (Fig. 5).
4 : Cliché dynamique
un
varus
de
15°
Figure
en
varus
forcé
montrant
.
Figure 5 : Cliché dynamique montrant un tiroir
astragalien antérieur supérieur à 8 mm.
Les règles d'Ottawa édictées en 1994 ont précisé qu'un examen clinique précis et bien conduit peut suffire au diagnostic d'entorse du LLE et permet
d'éviter la prescription de radiographies. Ce à la condition que : la palpation ne retrouve qu'une douleur sur le trajet et les insertions des faisceaux
du LLE ; il n'y ait pas de douleurs sur les autres repères osseux (bord postérieur et pointe de la malléole, styloïde du 5ème métatarsien, scaphoïde,
talon, ...) ; le patient soit capable de marcher en charge plus de 4 pas (Fig. 6a et 6b). Ces règles n'ont été validées qu'après une étude prospective
sur une population entre 18 et 60 ans. Le patient doit être clairement informé et obligatoirement revu dans les jours suivants en consultation par
un médecin expérimenté pour un nouvel examen.
Figure 6a : Critères d'Ottawa, vue latérale. Une douleur sur une zone grise ou hachurée impose
une radiographie.
Figure 6b : Critères d'Ottawa, vue médiale. Une douleur sur une zone grise ou hachurée impose
une radiographie.
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
La prise en charge initiale d'un traumatisme récent de la cheville impose de bien connaître les autres lésions traumatiques que l'on peut rencontrer
au niveau de l'arrière pied.
Les entorses sous-astragaliennes
Elles correspondent à un arrachement du ligament en haie dans le sinus du tarse. Leur mécanisme est voisin de celui de l'entorse du LLE. La
douleur est discrètement plus basse, juste en avant de la pointe de la malléole externe, au fond de la dépression correspondant à l'orifice externe
du sinus du tarse.
Les entorses médio-tarsiennes (ou du Chopart)
Elles intéressent les articulations astragalo-scaphoïdienne et calcanéo-cuboïdienne. Leur mécanisme est voisin de celui de l'entorse du LLE de la
cheville, mais le LLE et la cheville sont ici indolores. La douleur siège au dos du pied et à son flanc externe, réveillée par la mobilisation de
l'articulation (une main mobilisant l'avant-pied, l'autre bloquant le talon).
L'entorse du faisceau antérieur des ligaments péronéo-tibiaux inférieurs
Elle entraîne une douleur située plus haut que celle du LLE, dans la partie antéro-externe du cou de pied. La douleur peut y être déclenchée à la
palpation ou à la flexion dorsale passive de la cheville et à la rotation externe du pied autour de l'axe jambier, l'astragale tendant à repousser la
malléole externe et à mettre le ligament en tension (Fig. 7a et 7b).
Figure 7a : Entorse grave du
ligament latéral interne et des Figure 7b : Fracture du col du
ligaments
péronéo-tibiaux péroné.
inférieurs
associée
à
une
fracture du col du péroné.
Luxation des tendons péroniers
Les tendons des muscles court et long péroniers latéraux sont rétro-malléolaires externes et se réfléchissent sous la pointe malléolaire pour se
diriger en avant et en bas vers le bord externe du pied. Leur luxation vers l'avant à la face cutanée de la malléole est rare ; elle est souvent
confondue avec une entorse externe. Pourtant le mécanisme est tout à fait différent (contraction brutale active des péroniers, contrariée par un
agent extérieur, pied en éversion). Les symptômes (douleur et œdème) prédominent en rétro-malléolaire. Une sensation de déplacement fugace
est fréquente (Fig. 8). La radio de face de la cheville peut montrer (rarement) un arrachement en coup d'ongle à la face superficielle du péroné.
Figure 8 : Luxation des tendons des péroniers.
L'examen clinique doit être dynamique et rechercher
un déplacement antérieur des tendons lors des
mouvements d'éversion contrariée de la cheville.
Rupture du tendon d'Achille
Les ruptures siègent électivement deux travers de doigt au dessus du calcanéum. Leur mécanisme est bien particulier : contraction brutale du
triceps sural, le plus souvent à la réception d'un saut, sur l'avant pied. Le malade ressent une vive douleur, en coup de fouet, à la face postérieure
de la cheville. L'examen retrouve une douleur postérieure, au dessus du talon. A la palpation du tendon on perçoit rarement une encoche, vite
comblée par l'hématome. La diminution de force de la flexion plantaire est peu significative. Deux signes d'examens cliniques suffisent à affirmer le
diagnostic. Ils sont recherchés sur un malade couché à plat ventre sur une table d'examen, genoux en extension, les pieds débordant de la table.
Du côté atteint le pied chute verticalement vers le sol, alors que du côté sain il existe une légère flexion plantaire (15 à 20°) du fait de la tension du
muscle triceps sural (signe de Brunet-Guedj) (Fig. 9). Dans le même position, la pression transversale des masses musculaires du mollet n'entraîne
pas de flexion plantaire du pied (signe de Thompson-Campbell), contrairement au côté sain. La radiographie standard de profil de l'arrière pied
vérifie l'absence d'arrachement osseux du calcanéum.
Figure 9 : Rupture du tendon d'Achille droit. Le pied est à 90°
(signe de Brunet-Guedj) et il existe une dépression visible au
niveau de la zone distale du tendon.
Les fractures de la malléole externe
Elles doivent être suspectées en cas de douleurs sur le bord postérieur de la malléole et en cas d'atteinte du plan ligamentaire interne (Fig. 10a et
10 b).
Figure 10a : Radiographie de
face. Fracture peu déplacée de Figure 10b : Radiographie de
profil. Fracture peu déplacée
la malléole externe.
de la malléole externe.
Les fractures de la base du 5ème métatarsien
Il s'agit de fracture arrachement de la styloïde du 5ème métatarsien par le tendon du court péronier latéral. Le mécanisme peut être une contraction
active brutale du muscle lors d'un faux pas ou d'une chute, plus habituellement il est voisin de celui qui engendre une entorse du LLE (varus équin
passif forcé). Les signes fonctionnels sont les mêmes que ceux d'une entorse du LLE. Les signes physiques sont retrouvés plus bas, au bord externe
du pied, trois à quatre travers de doigt en bas et en avant de la pointe malléolaire (douleur exquise, hématome, oedème puis ecchymose). La
mobilisation douce de la cheville est cependant indolore. La palpation et la mobilisation du 5ème métatarsien sont douloureuses, ainsi que l'éversion
active du pied contre résistance (contraction des muscles péroniers). La radiographie de profil de la cheville montre rarement la base du
5ème métatarsien. C'est la radiographie de 3/4 du pied (ou «pied déroulé») qui confirmera le diagnostic (Fig. 11).
Figure 11 : Fracture de la base du 5ème métatarsion. Noter la
mauvaise visualisation de celle-ci sur la radiographie simple de
profil.
Fractures de l'astragale
Les fractures parcellaires ou non déplacées passent souvent inaperçues lors de l'examen initial.
Les fractures ostéochondrales du dôme de l'astragale ne sont en général visibles que sur d'excellents clichés de face de la cheville (Fig. 12a et
12b).
Figure
12b
:
Tomodensitométrie,
Figure 12a : lésion ostéochondrale de
reconstruction frontale. La
type fracturaire de l'angle supéro-externe
lésion ostéochondrale est de
du dôme astragalien.
petite taille mais déplacée.
Les fractures des tubercules postérieurs de l'astragale entraînent une douleur rétromalléolaire interne, retrouvée à la palpation, et réveillée à la
contraction contrariée du gros orteil (le tendon de son fléchisseur propre passant entre les deux tubercules) (Fig. 13). Elles doivent être
différenciées, sur le cliché de profil de la cheville, d'un os trigone (os surnuméraire inconstant) qui peut aussi devenir douloureux après un
traumatisme et n'est pas toujours bilatéral (Fig. 14).
Figure 13 : Tomodensitométrie montrant une
fracture du tubercule postérieur de l'astragale.
Figure 14 : Os trigone chez un enfant.
La fracture du tubercule antéro-externe du corps de l'astragale, difficilement visible sur les radiographies standards de profil entraîne une douleur
palpable au bord antérieur de la pointe de la malléole externe, entre celle-ci et l'orifice superficiel du sinus du tarse (Fig. 15a, 15b et 15c).
Figure
15b
:
Tomodensitométrie
parfaitement le déplacement fracturaire.
Figure 15a : Fracture du tubercule
antéro-externe peu visible sur le
cliché radiographique de profil.
visualisant
Figure
15c
Ostéosynthèse à
d’une vis.
:
l’aide
Les fractures parcellaires de la tête astragalienne entraînent une douleur palpable de la tête de l'astragale, au dos du pied, immédiatement en
avant du cou de pied.
Les fractures totales non déplacées du col ou du corps de l'astragale entraînent une douleur plus globale du cou de pied, mais le contexte clinique
est très différent (traumatisme violent, chute d'un lieu élevé).
Les fractures du calcanéum
Les fractures totales non déplacées et les fractures parcellaires sont difficiles à reconnaître. Les fractures de la grosse tubérosité postérieure,
parfois dites en soufflet, réalisent un arrachement du tendon d'Achille avec son insertion osseuse et répondent au même mécanisme que la rupture
de ce tendon. Les douleurs siègent à la partie pos-téro-supérieure du calcanéum.
La fracture du tubercule pos-téro-interne de la tubérosité plantaire postérieure, succède à un choc direct du talon au sol. La douleur élective est
retrouvée à la partie plantaire interne de celui-ci.
Les fractures du bec de la grande apophyse du calcanéum (partie la plus antérieure et externe du calcanéum) entraînent une douleur exquise à la
palpation du plancher de l'orifice superficiel du sinus du tarse, en avant de la pointe de la malléole externe.
La fracture du tubercule des péroniers, très rare, entraîne une douleur à la palpation de celui-ci, parfaitement palpable un travers de pouce au
dessous de la pointe de la malléole externe.
Les fractures totales thalamiques ou périthalamiques non déplacées sont responsables de douleurs plus globales du talon, retrouvées à la pression
transversale de celui-ci, au dessous des malléoles. Mais le contexte clinique est totalement différent de celui d'une entorse du LLE (chute d'un lieu
élevé, polytraumatisé).
DIAGNOSTIC DES COMPLICATIONS TARDIVES DES ENTORSES DU L.L.E.
Dans les suites éloignées d'une entorse de la cheville peuvent apparaître des troubles fonctionnels associant diversement instabilité, douleur, et
enraidissement. L'enquête s'orientera vers une laxité chronique de la cheville, une lésion ostéochondrale de l'astragale ou une arthrose tibiotarsienne.
L'interrogatoire s'attache à vérifier rétrospectivement la réalité et la gravité de l'entorse initiale (mécanisme, signes fonctionnels...) et s'enquiert
des traitements réalisés. Il précise ensuite le type du syndrome fonctionnel :
- Une instabilité pure oriente avant tout vers une entorse récidivante par laxité du LLE.
- Une arthropathie mécanique (douleur à la marche et au sport) doit évoquer de principe une lésion ostéochondrale ou une arthrose.
- Une cheville douloureuse et instable, associe les deux syndromes précédents.
Syndrome d'instabilité latérale externe de la cheville
Comme pour toutes les articulations, trois types d'éléments (osseux, ligamentaire et musculaire) participent à la stabilité de la cheville. Parmi les
éléments osseux il faut citer la forme propre des pièces osseuses et le valgus physiologique de l'arrière pied. Les ligaments sont représentés par les
trois faisceaux du LLE. Les muscles péroniers latéraux sont les stabilisateurs externes actifs. Les ligaments n'interviennent pas uniquement comme
des freins articulaires passifs, haubans externes de l'articulation. Ce sont aussi des organes sensoriels qui contiennent des récepteurs de la
proprioception et qui renseignent les centres moteurs médullaires sur la force, la direction et la vitesse du mouvement. Les centres moteurs
régulent les ordres moteurs véhiculés par le nerf sciatique poplité externe vers les muscles péroniers, ceux-ci par leur contraction adaptée,
contrôlent le mouvement et éventuellement l'arrêtent avant qu'il ne devienne vulnérant pour les ligaments. Une instabilité de la cheville peut être
non seulement le résultat de l'atteinte mécanique du ligament mais aussi de la faillite d'un des éléments de la boucle proprioceptive.
L'interrogatoire analyse le syndrome d'instabilité qui associe souvent une succession d'entorses vraies, de dérobements plus ou moins indolores et
de sensations d'insécurité.
Il faut apprécier les circonstances de l'instabilité (au sport, à la course, à la marche sur terrain irrégulier ou normal), et noter l'aggravation dans le
temps.
L'examen recherche une laxité externe de la cheville selon les mêmes modalités que celles décrites précédemment à propos des entorses fraîches
(Fig. 2 et 3). Le tiroir antérieur est beaucoup plus perceptible que le varus dynamique. Il faut également rechercher un varus constitutionnel de
l'arrière pied susceptible de décompenser la laxité
Figure 2 : Réalisation Figure 3 : Recherche du tiroir antérieur.
de la manœuvre en
varus forcé. Noter la
technique
d'empaumement
du
talon.
Des clichés de la cheville de face et de profil vérifient 1'intégrité de 1'interligne tibio-péronéo-astragalien et retrouvent parfois des calcifications
sous-malléolaires témoignant d'arrachements multiples.
Un cliché de face de l'arrière pied en charge avec cerclage métallique des malléoles (incidence de Méary) vérifie l'axe de l'arrière-pied à la
recherche d'un varus. En effet, la présence d'un varus compromet l'efficacité de la réparation ligamentaire par les contraintes qu'il entraîne sur le
bord latéral de la cheville.
Des clichés dynamiques de la cheville, identiques à ceux décrits pour les entorses fraîches recherchent un baillement tibio-astragalien de face et un
tiroir antérieur de profil (Fig. 4 et 5).
Figure 5 : Cliché dynamique montrant un
Figure
4
:
Cliché tiroir astragalien antérieur supérieur à 8
dynamique
en
varus mm.
forcé montrant un varus
de 15°.
Si les clichés dynamiques montrent une laxité externe, le diagnostic d'entorses récidivantes sur laxité chronique est confirmé.
Dans le cas contraire, il faudra envisager les diagnostics différentiels que sont l'instabilité sous-astragalienne (l'instabilité à la marche en terrain
irrégulier en est le signe le plus évocateur), des corps étrangers intra-articulaires, une luxation récidivante des tendons péroniers, un déficit des
muscles péroniers d'origine neurologique (il faut évoquer sur ce terrain une compression du nerf sciatique poplité externe sous plâtre), et en
dernier lieu un déficit fonctionnel proprioceptif des ligaments cicatriciels.
L'arthropathie mécanique de la cheville
Dans les suites tardives d'une entorse externe, elle évoque avant tout une lésion ostéochondrale du dôme astragalien.
L'interrogatoire recherche les éléments de ce syndrome mécanique pouvant associer, à une douleur au sport ou au décours d'une activité sportive,
des sensations de gonflements douloureux, de blocages fugaces de l'articulation, ou une impression de corps étrangers intra-articulaires.
La palpation de la cheville peut déceler un point douloureux au niveau d'un des angles des bords latéraux de la face supérieure du dôme
astragalien, palpables en flexion plantaire maximale de la cheville à la face antérieure du cou de pied.
Figure
12a
:
lésion
ostéochondrale
de
type
fracturaire de l’angle supéroexterne du dôme astragalien.
Figure
12b
:
Tomodensitométrie,
reconstruction frontale. La
lésion ostéochondrale est de
petite taille mais déplacée.
Les radiographies standard de la cheville peuvent mettre en évidence une image de fracture (Fig. 12a et 12b), d'ostéochondrite sous la forme d'une
petite dépression cupuliforme, amputant l'angle de l'astragale soulignée par une sclérose osseuse, contenant parfois un petit séquestre osseux non
encore libéré dans l'articulation (Fig. 16), ou de géode intra-osseuse. Les fractures siègent surtout dans la région antéro-externe de l'astragale
alors que les ostéochondrites et les géodes sont plus volontiers postéro-internes.
Figure 16 : Ostéochondrite interne du dôme astragalien.
Un arthro-scanner montrera au mieux la lésion. Il appréciera sa taille et sa profondeur, de même que l'état du cartilage articulaire, et recherchera
un corps étranger libéré dans l'articulation (Fig. 17).
Figure17
:
Arthro-scanner.
Il existe 2 images de séquestre, le cartilage
astragalien est respecté.
Le diagnostic différentiel peut évoquer une séquelle capsulo-ligamentaire de l'entorse, capsulite post-traumatique, responsable d'une douleur et
d'un empâtement sous-malléolaire externe. Le signe le plus fidèle en serait une limitation douloureuse de la flexion dorsale de la cheville en appui
monopodal. Parfois, un empâtement est palpé au niveau du carrefour péronéo-tibio-astragalien. Les examens complémentaires sont peu utiles sauf
peut-être l'IRM dans certains cas. C'est l'arthroscopie de cheville qui confirme le diagnostic en visualisant une masse de tissu cicatriciel fibreux qui
pourra être excisée à l'aide d'instrument motorisé.
L'arthrose post-traumatique débute par une ostéophytose antérieure de l'articulation précédant le pincement articulaire. Ce pincement se
caractérise par une bascule en varus de l'astragale avec pincement interne et baillement tibio-astragalien externe, et un conflit astragalomalléolaire interne (Fig. 18a et 18b).
Figure
18b
:
Radiographie de
Figure 18a : Radiographie profil.
de face. Arthrose tibioastragalienne évoluée sur
laxité chronique externe.
Noter la bascule en varus
de
l'astragale,
le
pincement
articulaire
prédomine en interne.
La cheville douloureuse et instable
C'est en fait la situation clinique la plus fréquente où les deux syndromes précédents se superposent. L'enquête diagnostique doit alors rechercher
à la fois une laxité séquellaire et une dégradation intra-articulaire. Un arthroscanner peut être utile afin de confirmer la rupture ligamentaire et de
rechercher une lésion intra-articulaire (Fig. 19a, 19b et 20).
Figure 19a : Arthrographie de
19b
cheville. Passage du produit de Figure
contraste sous la pointe de la Arthroscanner.
Opacification
de
malléole externe.
gaine des péroniers.
:
la
Figure
20
:
Arthroscanner prescrit
pour bilan de cheville
douloureuse et instable.
Il existe un début
d'arthrose
avec
pincement interne et
bâillement
externe.
Noter le passage de
produit de contraste
sous la malléole externe
témoignant
d'une
solution de continuité
du plan ligamentaire
externe.
PRINCIPES THERAPEUTIQUES
Entorses fraîches
Il est actuellement résolument fonctionnel, réservant le traitement chirurgical à de rares cas particuliers.
a- Les moyens
Les moyens utilisés dans la phase initiale sont la cryothérapie (vessie de glace, bain glacé), le repos, la compression, l'élévation du membre, et la
prescription d'antalgiques et anti-inflammatoires (R.I.C.E. : rest, ice, compression, elevation des Anglo-Saxons). Le strapping (bandage élastique)
est adapté aux entorses bénignes mais impose une surveillance cutanée rigoureuse. Les immobilisations semi-rigides type Air-cast® assurent une
bonne stabilisation dans le plan frontal évitant ainsi la mise en tension ligamentaire, mais autorisant les mouvements de flexion-extension. Elles
remplacent actuellement la botte plâtrée dont elles évitent les inconvénients iatrogènes. Il est indispensable qu'elles soient portées nuit et jour
pendant toute la durée prescrite.
Les bottes en plâtre ou en résine assurent une immobilisation stricte de la cheville mais doivent éviter les compressions aux points d'appui (col du
péroné, talon).
La rééducation, indiquée après une immobilisation, vise à récupérer les amplitudes articulaires, lutte contre l'œdème, agit contre la douleur à l'aide
des moyens de physiothérapie. Progressivement est débuté le renforcement analytique des muscles péroniers, puis, après le délai de cicatrisation
ligamentaire, le travail de reprogrammation proprioceptif est entrepris.
b- Les indications
Les entorses bénignes relèvent d'un traitement fonctionnel autorisant une reprise initiale de l'appui sous couvert d'une contention (bandage,
strapping...) et de médicaments antalgiques ou anti-inflammatoires.
Les entorses de gravité modérée s'accompagnant d'emblée de douleurs importantes même à l'appui et d'œdème doivent conduire à une
immobilisation provisoire (plâtre ou contention semi-rigide type Air-cast®), à une suspension partielle de l'appui qui est protégé par une paire de
cannes, des médicaments antalgiques et anti-coagulants, et une ré-évaluation clinique une semaine après. Celle-ci permet de constater
habituellement une évolution favorable et d'instituer un traitement fonctionnel.
Les entorses graves comportant par définition une laxité par rupture ligamentaire imposent une contention satisfaisante de la cheville pour 6
semaines. Dans les cas où l'impotence initiale est très marquée, une immobilisation plâtrée est indiquée et sera relayée par une immobilisation
semi-rigide. Si le cortège douloureux est plus modéré, cette immobilisation peut être confiée à une attelle de type Air-cast®.
Les indications chirurgicales sont réservées au sujet jeune, sportif, présentant une grande laxité, et pratiquant une activité sportive
particulièrement à risques. La chirurgie consiste alors en une simple suture ligament collatéral suivie d'une contention par botte en résine ou de
plus en plus souvent par une immobilisation semi-rigide.
Il faut insister sur la place importante de la rééducation notamment proprioceptive en relais du traitement orthopédique ou chirurgical.
Instabilité de cheville
La prise en charge thérapeutique initiale de toute cheville instable doit toujours faire appel à la rééducation proprioceptive prolongée.
En complément et selon le niveau et le type de sport pratiqué, on peut associer des bandages élastiques type strapping qui vont compenser le
déficit ligamentaire lors de l'activité sportive ; ou le port de semelle à coin pronateur postérieur (sous-calcanéen latéral).
Le traitement chirurgical n'est indiqué qu'en cas d'échec des traitements conservateurs.
Différentes techniques sont proposées.
Elles peuvent être conservatrices telles la suture directe des ligaments rompus, ou la remise en tension ligamentaire (Fig. 21a et 21b).
Figure 21b : Vue opératoire
(cheville droite). La pointe de la
malléole
externe
est
Figure 21a : Suture directe
déshabitée.
Les
ligaments
des faisceaux antérieur et
restants
en
distal
seront
moyen du LLE avec fixation
réinsérés sur la malléole.
trans-osseuse
et
éventuellement
effet
de
retension ligamentaire.
Ces sutures peuvent être protégées par des renforts tels celui prélevé aux dépens du ligament frondiforme (Fig. 22a et 22b) ou le lambeau
périostique de Roy-Camille prélevé sur la face latérale de la malléole externe (Fig.23a, 23b, 23c et 23d). Ce dernier est alors divisé en 2
bandelettes longitudinales qui sont retournées et fixées en regard des insertions astragalienne antérieure et calcanéenne du LLE.
Figure 22a : Prélèvement d'une
languette de ligament frondiforme
Figure
22b
qui renforcera le faisceau antérieur
frondiforme.
du LLE.
Figure
23a
:
Prélèvement
d'un
lambeau périostique à la
face
externe
de
la
malléole.
:
Ligament
Figure 23b : Vue opératoire.
Un
lambeau
périostique
quadrangulaire à charnière
inférieure est prélevé.
Figure 23d : Vue opératoire.
Figure
23c
Dédoublement
retournement
lambeau.
:
et
du
D'autres techniques font appel à des plasties ligamentaires de substitution autologues, telles la ligamentoplastie de Castaing aux dépens du tendon
du court péronier latéral (Fig. 24). De nombreuses autres ligamentoplasties ont été décrites notamment celles qui utilisent l'hémi-tendon du court
péronier latéral ou le plantaire grêle. Actuellement l'utilisation de ligaments prothétiques n'est pas recommandée.
Figure 24 : Technique de Castaing. Le court péronier latéral
(peroneus brevis) est laissé pédiculé sur son insertion distale,
il passe d'arrière en avant à travers la malléole externe et est
suturé sur lui-même.
Nous préconisons la réalisation d'une suture voire d'une remise en tension ligamentaire associée à un renfort (frondiforme + périostique). La
cheville est alors immobilisée pour 6 semaines dans une botte en résine voire moins longtemps si un relais est fait avec une attelle type Air-cast®.
En cas de varus de l'arrière-pied confirmé par les incidences de Méary, il faut réaliser une ostéotomie de soustraction externe du calcanéum.
Bibliographie
COLVILLE MR. Reconstruction of the lateral ankle ligaments. J Bone Joint Surg, 1994,
76A : 1092-1102.
DELAGOUTTE JP. Entorses de la cheville. Diagnostic, évolution et pronostic, principes du
traitement. Rev Prat, 1990, 40 : 365-368.
EIFF MP et coll. Early mobilisation versus mobilisation in the treatment of lateral ankle
sprains. Am J Sport Med, 1994, 22 : 83-88.
FREY A, SIMON N, COUDERT X. Traitement médical de l'entorse de la cheville au sein
d'un département accueil-urgence. J Traumatol Sport, 1994, 11 : 104-112.
JARDE O et coll. Laxité externe chronique de cheville : traitement chirurgical par une
ligamentoplastie au périoste avec remise en tension capsulo-ligamentaire. Rev Chir
Orthop, 1999, 85 : 51-57.
KOUVALCHOUK JF. Entorse de la cheville. Rev Prat, 2000, 50 : 1715-1721.
KOUVALCHOUK JF, HASSAN E. Chirurgie des laxités chroniques latérales de la cheville.
Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Techniques chirurgicales - Orthopédie-traumatologie, 44901, 1998, 7p.
MARDER RA. Current methods for the evaluation of ankle ligaments injuries. J Bone Joint
Surg, 1994, 76A : 1103-1111.
SARTORIS DJ. Diagnosis of ankle injuries : the essentials. J Foot Ankl Surg, 1994, 33 :
102-107.
STIELL IG et coll. Implementation of the Ottawa ankle rules. JAMA, 1994, 271 : 827832.
Maîtrise Orthopédique n°113 - avril 2002

Documents pareils

Les fractures bimalléolaire

Les fractures bimalléolaire mortaise formée par les deux malléoles . Ces deux malléoles et les ligaments latéraux de la cheville stabilisent l’astragale dans le plan frontal et l’empêche de se déplacer en dehors et en dedans....

Plus en détail