Histoire coloniale et décolonisation

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Histoire coloniale et décolonisation
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Histoire coloniale et décolonisation
Le cas impérial français 1
Catherine COQUERY
-VIDROVITCH
1. La préhistoire de la pensée française sur la colonisation
L'histoire coloniale est née avec l'Empire. Mais le coup d'envoi
fut vraiment donné avec les congrès scientifiques organisés à l' occasion de l'Exposition coloniale internationale de 1931, qui correspondirent à peu de choses près au Centenaire de l'Algérie française (Livre
d'or du Centenaire... , 1930). Depuis 1925, dans la discrétion des
bibliothèques et des bureaux s'élaborait, sous la direction de G. Hanotaux et A. Martineau, une Histoire des colonies françaises et de
l'expansion française dans le monde où devaient s'affirmer l'étendue
et la diversité de l'Empire, associant l'érudition et les témoignages
vécus, les origines lointaines et les faits contemporains. L'histoire de
l'Afrique occidentale (rédigée par Delafosse) est à cet égard exemplaire, cherchant à concilier le monde précolonial «immobile» et
« figé » dans une civilisation négro-africaine conçue comme unique par
ses origines ethnographiques, linguistiques et écologiques, avec la « paix
française » qui, au-delà des épisodes anarchiques de la décadence caractérisée par les rivalités internes entre princes et « rebelles », signifiait
1. Cet article a utilisé, entre autres points de départ, un texte-eanevas proposé par Claude
Liauzu au GEMDEV ; quelques paragraphes lui sont donc redevables, qu'il en soit remercié.
Le texte est également enrichi des suggestions et des commentaires de plusieurs spécialistes,
notamment de Daniel Hémery, Henri Moniot, Jean Piel et Françoise Raison-Jourde.
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ÉTAT DES SAVOIRS SUR LE DÉVELOPPEMENT
HISTOIRE COLONIALE ET DÉCOLONISAnON
le retour au paradis perdu, par le lien recouvré avec l'Afrique des
origines... 2. L'ensemble de la collection parut en 1931. La même
année sortit l'Histoire de l'Afrique du Nord de Charles-André Julien.
Parallèlement, le premier Congrès international d'Histoire coloniale,
tenu à Paris en septembre 1931, inaugurait un ton nouveau de collaboration scientifique internationale en matière impériale; l'année suivante, une commission d'histoire coloniale, à La Haye, constituait un
organisme permanent affilié au Comité des Sciences historiques. De
la même façon la Géographie universelle publiée sous la direction de
P. Vidal de la Blache et L. Gallois, dont les volumes consacrés aux
pays d'Outre-mer parurent à partir du milieu de la décennie, le grand
Atlas des colonies françaises (paru en 1934 sous la direction de
G. Grandidier) et le traité de Cartographie coloniale de de Martonne
(1935) signalaient l'aboutissement des travaux entrepris depuis un quart
de siècle par les services géographiques et cartographiques militaires
coloniaux, tandis qu'était conçu le premier inventaire des richesses géologiques outre-mer 3 •
Cette découverte d'ensemble du monde colonial - qui demeure
un outil précieux pour les historiens d'aujourd'hui - fut d'emblée et
sauf exception (Ch. A. Julien, 1979) de tentation hagiographique, les
meilleurs observateurs du monde colonial étant en même temps les
agents de la colonisation, militaires et administrateurs. D'où « le consensus et la bonne conscience de Marianne et de Clio» (CI. Liauzu).
Même si l'orientalisme (le mot remonte à 1834) reconnut la richesse
des siècles d'or des vieilles civilisationsd'Asie, l'idée reçue resta jusque
dans les années soixante que l'Afrique noire, parce que sans écriture,
n'avait pas d'histoire. E.-F. Gauthier a, de la même façon, consacré
un ouvrage à faire le constat des « siècles obscurs du Maghreb », titre
que R. Mauny adoptait encore en 1970 sur l'Ouest africain4•
Que l'histoire des pays du Tiers monde, et tout spécialement du
continent africain, ait été à la traîne, c'est pour plusieurs raisons;
la première est que la discipline historique, dans ses références classiques, s'est constituée par et pour l'Occident, reconnaissant tout au
plus l'existence de « Barbares », mais méconnaissant qu'ils aient eu
une histoire. La deuxième est que les sociétés africaines, qui avaient
bel et bien leur propre histoire (orales et mêmes écrites, ni plus ni
moins ethnocentristes que les nôtres), ne se sont pas, ou peu, projetées dans une vision laïque d'histoire universelle (sauf peut-être quelques
Arabes de la haute époque, dont le plus célèbre est Ibn-Khaldün).
L'histoire occidentale en expansion n'a donc, au départ, enregistré que les modalités (mercantiles, religieuses, militaires) du contact avec les sociétés du Tiers monde, selon son propre rythme
chronologique et non le leur (d'où les querelles toujours actuelles
sur les périodisations pertinentes de l'histoire universelle). En conséquence, l'épaisseur et la logique historiques propres aux sociétés du Tiers monde n'ont été identifiées que tardivement, a posteriori, et sur les marges méthodologiques de la discipline Qangues
orientales, linguistique, ethnologie, archéologie, ethno-histoire, histoire orale, etc.)5.
Les premiers progrès, au regard encore « eurocentrique Il, portèrent donc sur les canaux de transmission: routes commerciales,
ports, mers; à l'instar de Fernand Braudel (La Méditerranée et le
monde méditerranéen au temps de Philippe 11, 1949), de Pierre
Chaunu (Séville et l'Atlantique, 1955-60), et de la collection « Ports,
routes, trafics Il éditée par SEVPEN (cf. F. Mauro, Le Portugal et
l'Atlantique au XVIIe siècle, 1960, auquel il faut ajouter la traduction française de la thèse de Magalhaes Godinho soutenue en 1958,
L'économie de l'Empire portugais aux XV" et XVI" siècles, 1969).
Ces études, inscrites dans la longue durée, demeuraient une histoire des contacts entre l'Europe et les autres mondes, le plus souvent vue du centre, effleurant tout au plus l'intérieur des sociétés.
C'est au moment où l'on commença à n'avoir plus besoin de
la colonisation que l'on s'avisa, enfin, qu'elle n'allait pas de soi.
C'est alors que naquit le mot colonialisme. En français, la colonisation est un fait, le colonialisme est une idée. Le mot est apparu
comme antinomique d'anticolonialisme. En ce sens, il est récent:
les expansionnistes coloniaux parlaient plutôt d'impérialisme
(lA. Hobson, 19026). Le Discours sur le colonialisme (A. Césaire,
1955) affirma le jugement du colonisé. De même qu'Albert Memmi
a, le premier, défini le colonialiste comme celui qui s'est accepté
comme colonisateur face à une morale sociale qui en réprouve les
présupposés (1985: 70); de même parler de colonialisme devint
analyser la situation coloniale en terme de système. Le concept fut à
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2. Le volume ID de l'Histoire des colonies françaises, consacré au Maroc et à la Tunisie,
fut rédigé en 1930 par Georges Hardy.
3. La géologie et les mines de la France d'Outre-Mer, Conférence du Bureau d'études géologiques et minières coloniales, 1932, 664 p.
4. Raymond Mauny, Les siècles obscurs de l'Afrique noire. Histoire et archéologie, Paris,
Fayard, 1970.
5. Ce paragraphe est extrait d'une note manuscrite de Jean Piel à l'usage des historiens
de l'Université Paris-7 : «Clio n'est-eUe qu'aryenne? Ou la profession de foi d'un historien
mondiste.,
déco 1990.
6. J.A. Hobson, Imperialism, a study, Londres, 1902 (3· édition révisée, Londres, 1938,
7· impres. 1968).
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ÉTAT DES SAVOIRS SUR LE DÉVELOPPEMENT
HISTOIRE COLONIALE ET DÉCOLONISAnON
la fois entériné et condamné par la Conférence afro-asiatique de Bandoung (1955) qui stipula « que le colonialisme (colonialism) dans toutes
ses manifestations est un mal auquel il doit rapidement être mis fin ».
C'est au même moment que l'on commença d'abandonner le vocabulaire jusqu'alors classique d'exploitation (Leroy-Beaulieu:
18747) ou
8
de mise en valeur coloniale (Sarraut: 1923 ) en faveur de l'aide au
développement des peuples du Tiers monde, ces damnés de la terre
(p. Fanon, 1961). Yves Lacoste a fait récemment (1980, tome 1) l'histoire de ce concept bien daté de Tiers monde, que Claude Liauzu a
rétro-projeté sur l'histoire coloniale française de l'entre-deux-guerres
(1986). Mais il ne faut pas le confondre avec le tiers-mondisme, avatar tardif des nostalgiques d'un espoir déçu de révolution mondiale des
pauvres9•
réhabiliter, dans une optique pluridisciplinaire qui devait dès lors faire
l'originalité du champ, les réalités historiques de ce que l'on qualifia
d'aires culturelles: le terme fut adopté par Fernand Braudel à la 6e
section de l'École pratique des hautes études, future EHESS - École
des hautes études en sciences sociales -. Mais ce n'est que récemment que l'histoire de la colonisation reconnut ouvertement la nécessité d'une révision: encore cet effort fut-il initié non par des historiens, mais par des anthropologues ou sociologues (Piault, 1987;
Copans, 1990). Les historiens ont été plus longs à réagir, sans doute
aussi parce que le discours sur l'impact colonial donne lieu à des interprétations chronologiques commodes (avant, pendant et après la colonisation) qui fonctionnent encore comme des idées « prêtes-à-porter ».
L'héritage colonial a aussi fait de l'histoire de la colonisation une
histoire nationale : les spécialistes des zones outre-mer non francophones se comptent sur les doigts d'une main ; sur l'Inde et Sri Lanka
par exemple n'existent que deux historiens, Éric Meyer et Jacques Pouchepadass (198912). C'est pourquoi le présent texte est centré sur
l'Afrique - le reste du monde étant peu abordé par les historiens français, à l'exception - et encore - de l'ancienne Indochine.
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2. Le renouveau des thèmes
Cet épisode met d'emblée l'accent sur la tonalité du renouveau:
l'histoire de la colonisation, née avec les indépendances, fut empreinte
de passion. Le premier temps fut, pour ceux qui osèrent s'y attaquer
(anciens colonisés et quelques personnalités françaises), une histoire
de la h(lnte et de la réhabilitation, aussi bien des hommes que des
méthodes. La discipline historique proprement dite fut au départ à la
traîne, sauf exception (comme J. Suret-Canale - d'ailleurs géographe - 1958, et le voltaïque Ki-Zerbo, 1972) pour l'Afrique noire.
Les pionniers furent: au Maghreb les sociologues (Berque 1960 et
1962 ; Rodinson 1966 ; Bourdieu 1961 et 1964) ; en Afrique noire
les anthropologues - on disait encore ethnologues - (Balandier,
1954) 10 ; et en Asie les linguistes - sinologues, arabisants, etc., auxquels il faut ajouter le précoce Mus, Vietnam, Sociologie d'une
guerre, 1952, important et significatif. Presque tous étaient d'anciens
administrateurs reconvertis aux sciences sociales Il. ils entreprirent de
7. Paul Leroy-Beaulieu, De la colonisation chez les peuples modernes, 2" édition révisée,
Paris, Alean, 1882.
8. Albert Sarraut, La mise en valeur des colonies françaises, Paris, Larose, 1923.
9. Cf. Pascal Bruckner, Le sanglot de l'homme blanc, tiers-monde, culpabilité et haine de
soi, Paris, Seuil, 1983.
10. Cf. également ses articles dans les Cahiers Internationaux de Sociologie du début des
années 1960 réédités in Sens et Puissance, PUF, 1971.
11. Cf. l'autobiographie de J. Berque récemment publiée: Mémoires des deux rives, Le
Seuil, 1989.
L'avance de l'école maghrébine
Ne dramatisons pourtant pas: l'avancée précoce de l'histoire politique et sociale de l'époque coloniale au Maghreb tient sans doute au
choc de la rupture lors de la guerre d'Algérie, qui a atteint de front
une jeune génération d'intellectuels sensibilisés soit parce qu'ils en
étaient originaires, soit parce qu'ils y ont enseigné ou servi au titre
de la fonction publique française. Elle s'explique aussi par le fait qu'un
maître prestigieux occupant en Sorbonne la chaire d 'histoire de la colonisation, et d'autres grands universitaires militants: Jean Dresch, Pierre
Vilar, surent, en leur temps, adopter une position rare d'anticolonialisme susceptible de galvaniser les efforts de nombre de ces jeunes
chercheurs; rappelons que le premier article de Ch.-A. Julien sur le
thème date de 1914 ! D'où l'éclosion de thèses - ce « chef d'œuvre »
à la française - qui ont fait date dès la fin des années 1950 (Yacono,
1955-56; Ganiage, 1959; Poncet, 1961 ; Nouschi, 1962; Miège,
1961-63 ; Gallissot, 1964 ; Guillen, 1967 ; Ageron, 1968), dont plusieurs, parfois dirigées à leur tour par ces initiateurs, ont abouti dans
12. Paysans de la plaine du Gange. Le district de Champaran 1860-1950, École Française
d'Extrême-ûrient, Paris, 1989.
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ÉTAT DES SAVOIRS SUR LE DÉVELOPPEMENT
HISTOIRE COLONIALE ET DÉCOLONISAnON
les années soixante-dix (A. Rey-Goldzeiguer, 1974 ; L. Valensi, 1978 ;
CI. Liauzu, 1978) et dont les dernières ont été publiées il n'y pas
si longtemps (Oved, 1984 ; Ayache, 1986 ; Lacroix-Riz, 1988). Certaines se situent dans la lignée d'œuvres classiques d'histoire politique; d'autres, sans complaisance à l'égard de la colonisation, se sont
détournées, par un renversement significatif, de l'étude des colons pour
privilégier la société dominée. Elles furent, ce faisant, novatrices voire,
dès le temps de la guerre d'Algérie, provocatrices, par leur thème
(les Algériens, les hommes d'affaires, les travailleurs, les fellahs ... )
ou leur méthode (la longue durée sociale).
Plus généralement, les effets des troubles précoloniaux et de la
colonisation ont été examinés sous la forme de la crise de l'économie
et de la société rurales (Nouschi, Valensi), de la paupérisation et du
sous-développement (Suret-Canale), de la déstructuration des sociétés
traditionnelles, en particulier en Afrique noire et à Madagascar sous
la houlette des sociologues et des anthropologues (Balandier, Mercier,
Tardits 13) et des géographes (Pélissier, Sautter, Raison 14).
Ce fut un combat propre aux historiens de l'Afrique noire. Les
sources orales ont été, au tournant des années soixante, considérées
comme une des originalités de l'histoire africaine à ses débuts. Il fallait, en effet, écrire l'histoire de peuples qui furent jusqu'à une date
souvent tardive des peuples sans écriture, ou du moins sans écriture
originale, puisqu'ils empruntèrent celle-ci à d'autres, d'abord les Arabes, ensuite les Européens, soit seulement pour les caractères (pour
le swahili par exemple) soit, plus fréquemment, par l'usage écrit d'une
langue étrangère (dès le XVIe siècle: transcription des tari'khs du Soudan occidental en langue arabe). D'où la revendication, en qualité de
source historique, de ce qu'il est convenu d'appeler les « traditions
orales ». Le plus célèbre praticien et théoricien de la technique est
probablement Jan Vansina, qui publia un maître-livre à ce propos dès
1961, De la tradition orale, qu'il a depuis, à deux reprises, renou-
velé et précisé, chaque fois après plus de dix ans de réflexion et de
pratiques de terrain 15. Les initiateurs de la méthode en France furent
Yves Person pour un monumental Samori (1970-75) et tout le courant - au sens large - de l'anthropologie historique qui a démarré
dans les années soixante - soixante-dix par des recherches de terrain
à l'approche plutôt sociologisante (Meillassoux, Amselle), voire marquées par la linguistique structuraliste (Augé), ou bien davantage portées
à la critique concrète du matériel, au classement des genres et à l'origine sociale des informateurs (Terray, Bazin, puis Chauveau, Dozon,
etc. 16). La tradition en a été brillamment poursuivie par des œuvres
d'historiens plus récentes (CI.-H. Perrot, 1982). Néanmoins, on assiste
à une réinterprétation méthodologique non dépourvue de sévérité : à
la façon des Anglo-Saxons qui ont développé le thème de l'Invention
of tradition 17 , anthropologues
et historiens français s'accordent
aujourd'hui sur la nécessité d'utiliser ces sources et les concepts qui
les accompagnent (ethnie, tradition, etc.) sans excessive naïveté
(Amselle et Mbokolo, 1985 ; Amselle, 1989 ; Chrétien et Prunier éds.,
1989 ; Copans, 1990).
Les traditions orales diffèrent des sources orales. Les premières
font référence à des techniques de collecte et d'interprétation précises, mises au point en Afrique subsaharienne par l'anthropologie historique, mais négligées en Afrique du nord. Car elles sont au premier chef utilisées pour reconstituer et comprendre l'histoire ancienne
de sociétés sans écriture, ce qu'il est convenu souvent d'appeler l'histoire précoloniale (bien qu'il soit discutable de définir une histoire par
ce qui n'est pas encore arrivé: déformation caractéristique d'un point
de vue foncièrement eurocentrique ... ). Ces sources, extrêmement
variées, concernent d'abord les traditions proprement dites fixées au
cours des âges par des traditionnistes professionnels (appelés griots
dans l'Ouest africain francophone: curieusement, les anglophones n'ont
aucune appellation équivalente) attachés au service des grands de l'époque - chefs ou souverains, comme ceux du Ghana ou du Mali
anciens). Ce furent les premières à être relevées et étudiées par des
administrateurs-ethnologues dont le prototype est Delafosse (à l'œuvre
aujourd'hui bien datée) 18. Mais on a, depuis lors, infiniment diver-
13. Georges Balandier, Sociologie actuelle de l'Afrique noire, 1954; Claude Tardits, Le
royaume Bamoum, Paris, 1980. Paul Mercier, Tradition, changement, histoire, Paris, Anthropos, 1980.
.14. Gilles Sautter, De l'Atlantique au fleuve Congo. Une géographie du sous-peuplement,
Pans, ORSTOM, 1966. Paul Pélissier, Les paysans du Sénégal. Les civilisations agraires du
Cayor Il la Casamance, Fabrègues, Saint-Yrieix, 1966. Jean-Pierre Raison, Les Hautes Terres
de Madagascar et leurs confms occidentaux. Enracinement et mobilité des sociétés rurales,
ORSTOM-Karthala, 1984.
15. De la tradition orale, Tervuren, 1961. La légende du passé. Traditions orales du Burundi,
Tervuren, 1972. Oral Tradition as History, The University of Wisconsin Press, 1985. Voir aussi:
C.-H. Perrot (éd.), Sources orales de l'histoire de l'Afrique, Presses du CNRS, 1989, 240 p.
16. Par ex. : Jeap Bazin et Emmanuel Terray (éds.), Guerres de lignages et guerres d'État
en Afrique, Paris, Ed. Archives contemporaines, 1982.
17. Eric Hobsbawn et Terence Ranger eds., The invention of Tradition, Cambridge University Press, 1983.
18. Maurice Delafosse, Haut-Sénégal-Niger, Paris, Maisonneuve, 1912.
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L 'histoire orale
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ÉTAT DES SAVOIRS SUR LE DÉVELOPPEMENT
HISTOIRE COLONIALE ET DÉCOLONISATION
sifié la nature de ces traditions, corrigeant le parti pris étatique des
traditions officielles par leurs contreparties populaires, distinguant généalogies, récits (épiques ou mythiques), productions poétiques (fables,
devises, chansons... ) etc., sans compter des savoirs autres, plus diffus, de volume variable 19.
En réalité, le travail d'interprétation de ces sources ne diffère pas
fondamentalement de celui, classique, effectué à partir des documents
écrits. Car la première tâche de l'historien est bien, face aux traditions, de les transcrire et, par là, de les transformer en sources écrites, en définitive de les fixer: une fois relevé l'ensemble des variantes possibles, les recueils de traditions deviennent à leur tour des textes de référence, qu'il conviendra de confronter, de faire parler, d'interpréter pour en sortir l'histoire. Reconverties en sources écrites, les
traditions rassurent ce faisant l'historien classique, plus enclin à en
admettre la validité dès lors qu'il peut pratiquer sur elles ses techniques familières d'analyse critique. Si le terme n'avait une connotation péjorative, on serait tenté, par opposition au caractère vivant et
fluctuant des sources orales récentes, de parler ici de sources « mortes., au sens des langues mortes, dans la mesure où les traditions
relatives à l'histoire ancienne'(<< précoloniale ») appartiennent - comme
les sources d'archives ou les textes anciens de référence - à une époque révolue, dont les critères majeurs ne correspondent plus aux valeurs
actuelles. En effet, curieusement, les historiens n'utilisent guère ces
techniques pour l'histoire de la période coloniale ; ce sont des anthropologues qui se sont essayés, de façon d'ailleurs magistrale, à appliquer sur les changements sociaux dans les sociétés rurales autochtones des méthodes utilisées jusqu'alors presque exclusivement sur l'ère
précoloniale (Althabe, 19692°, au demeurant plus inspiré par la phénoménologie sartrienne que par l'histoire; Dupré, 1982 et 1985, qui
réalise en revanche à l'occasion des mutations coloniales la symbiose
anthropologie et histoire).
Les sources orales désignent, plus généralement, la masse des souvenirs qui n'ont pas donné lieu - parce qu'ils n'en ont pas encore
eu le temps - à une « tradition. préalable à leur recueil, et qui concernent l'histoire contemporaineprise au sens large : de moins en moins
(car le temps passe vite) immédiatement précoloniale, mais assurément
coloniale, au moins depuis les années 19302\ et « immédiate .22, c'est-à-dire, en gros, postcoloniale -. Le mode le plus prisé
aujourd'hui en est celui des « histoires de vie ., qui permettent, à travers les itinéraires de chacun, de reconstituer le climat de l'ensemble. Elles apportent une documentation plus ouverte et plus dense que
des formes d'interviews plus rigides à partir de questions précises préétablies: celles-ci demeurent utiles, et même nécessaires, dès lors que
l'enquêteur sait exactement ce qu'il cherche. Mais la formule se prête
davantage à des réponses figées, voire conventionnelles, l'informateur
cherchant inconsciemment à donner satisfaction, c'est-à-dire à répondre ce que l'on attend de lui. Incité, en revanche, à raconter sa vie,
il va bientôt se laisser aller à conter anecdotes et situations qu' autrement il n'aurait pas jugées « dignes de l'histoire» ; ce qu'il est important d'obtenir de lui, c'est précisément qu'il oublie de se sentir « en
situation », et qu'il laisse échapper tout ce vécu que l'on recherche,
parce qu'il nourrit le contexte du « fait historique. proprement dit.
Non seulement il s'agit d'une mine d'informations, mais celles-ci, en
dépit de l'abondance contemporaine des sources écrites, s'avèrent irremplaçables. On sait bien, en effet, que l'on n'écrit pas tout. En histoire coloniale, en histoire politique, en histoire économique, ce que
l'on dit, et même ce que l'on sous-entend peut être l'essentiel. C'est
ce qui donne aux actes leur sens profond, parfois illisible à partir des
seuls écrits, ou bien complètement édulcoré parce que les éléments
estimés à l'époque « inavouables. n'ont justement laissé aucune trace
écrite. Quelle responsabilité de l'historien, que de laisser échapper ce
qui, d'ici quelques années, aura irrémédiablement disparu avec son
témoin! L'histoire contemporaine, l'histoire immédiate apportent cette
chance inestimable de permettre de saisir ce que nous ne pouvons
qu'obscurément deviner, et encore pas toujours, pour les époques antérieures. En histoire africaine, où la plupart des sources écrites sont
d'origine étrangère, donc doublement déformantes, l'intérêt de cette
«histoire sur le vif. est particulièrement évident.
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19. On trouvera résumé par Henri Moniot, in L'Afrique noire de 1800 à nos jours
(C. Coquery-Vidrovitchet H. Moniot éds.), PUF, 3" éd. révisée, 1992, pp. 30-37, ce qui fait
l'essentiel des traditions orales.
20. Opprr:8sion et libération dans l'imaginaire.
tale de Madagascar, Maspero. 1969.
Les communautés
viIIageoises de la c6te orien-
C'est un genre dont on ne soulignera jamais assez la richesse en
histoire contemporaine, mais dont il ne faut pas oublier qu'il n'est
pas seulement né en histoire outre-mer : l'oral History fut lancée aux
USA à Columbia University où fut créé, dès 1948, le premier centre
21. Par exemple: A. Magasa...• Papa commandant a jeté un grand met devant nous: les
exploités des rives du Niger, 1902-1962. Paris. Maspero, 1978. Jean-Pierre Olivier de Sardan,
Quand nos pères étaient captifs ... Récits paysans du Niger, Paris, Nubia, 1976.
22. Terme revendiqué, pour l'histoire de l'Afrique, par Benoît Verhaegen.
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ÉTAT DES SAVOIRS SUR LE DÉVELOPPEMENT
(le thème privilégié à l'époque étant l'histoire
de New York) 23.
Marxisme
municipale de la ville
et impérialisme
Du milieu des années soixante au milieu des années soixante-dix,
l'historiographie
coloniale a été fortement influencée par l'école
marxiste, soit par réaction contre elle, soit par adéquation à la .théorie. Le système d'interprétation tiers-mondiste, marxiste ou marXIsant,
a alors fourni les thématiques et les paradigmes principaux (sousdéveloppement, modes de production, Tiers monde ... ). Le débat portait surtout sur les rapports entre impérialisme et colonisation, à partir du petit opuscule de Lénine (L'impérialisme, stade suprême du capitalisme , 1916). Déformé par les années de stalinisme, le dogmatisme
..
marxiste n'admettait, en matière de colonisation, qu'un détermmlsme
simpliste : les Européens avaient bâti leurs empires parce que créer
des colonies était une affaire rentable. Les historiens non marxistes,
Robinson et Gallagher en Grande-Bretagne (Africa and the Victorians,
1961), Henri Brunschwig en France (Mythes et réalités de l'impér~alisme français, 1870-1914, 1960) ont eu beau jeu de démontrer, chiffres en mains, le caractère peu convaincant de ce postulat, en Afrique du moins. Un compromis semblait avoir momentanément réconcilié tout le monde24:
non, l'Empire, dans sa première phase surtout, n'était pas rentable; la Conférence de Berlin (1884-85) avait néanmoins provoqué l'accélération de 1'« impérialisme colonial » pour des
raisons internes au capitalisme occidental hautement concurrentiel en
cette fin de siècle. Le hasard fait que les études économiques précises de la colonisation, insistant sur les exactions, expropriations, travail forcé et autres méthodes coercitives au demeurant peu efficaces,
ont porté sauf exception (Nouschi, 1962 ; Gallissot, 1964 ; Be1al, 1968)
presque exclusivement sur l'Afrique noire (Merlier, 1962; SuretCanale, 1964; Vanhaeverbeke,
1970; Coquery-Vidrovitch,
1972;
Coquery-Vidrovitch
et d'Almeida éds., 1976; Schreyger, 1984;
d'Almeida-Topor, sous presse). D'où un certain biais donné à l'analyse,
23. Ph. Joutard, Ces voix qui nous viennent du passé, Paris, Hachette, 1983, pp. 74-75,
rappelé par Claude-Hélène Perrot, «Traditions ou témoignages? Approches méthodologiques
de l'oralité., Mémoires de la Colonisation. lHTP, Aix-en-Provence, Éilides et Docwnents, n° 23,
1989, p. 144.
. .
. .
24. Cf. C. Coquery-Vidrovitch, « Les débats actuels en histoire de la colomsation ., Revue
Tiers-Monde, t. xxvm, n° 112, 1987, pp.777-78O.
HISTOIRE COLONIALE ET DÉCOLONISAnON
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du fait du caractère particulièrement tardif du capitalisme en Afrique
tropicale française.
Jacques Marseille (1984) a balayé tout cela en démontrant avec
énergie que l'Empire avait bel et bien été, dès l'origine, rentable, au
moins pour un lobby d'intérêts coloniaux (surtout en Indochine, moins
étudiée sous cet aspect). Mais cet engouement avait, en définitive, puissamment freiné la modernisation capitaliste de la France en permettant à des industries archaïques (sidérurgie, textile) de se maintenir
en dehors de la concurrence internationale, grâce à un marché protégé par le « repli sur l'Empire ». Les résultats de ces débats ont donné
lieu à une série d'études de synthèse sur l'impérialisme français, sous
la direction de Bouvier, Girault et Thobie (1976, 1982 et 1986), ouvrages qui mettent un point final provisoire aux débats.
Une variante sociale de l'historiographie marxiste a porté l'accent
sur l'émergence prolétarienne aux colonies. Le mouvement ouvrier a
été surtout analysé - et continue de l'être - dans le monde arabe
(Liauzu, 1978; Couland, 1969; Ayache, 1986; et les publications
de B. Stora et de J. Bessis liées au Dictionnaire biographique du monde
ouvrier dirigé par R. Maîtron). Ailleurs, on peut en rapprocher les
travaux d'Hémery sur le Viêt-nam (1975) et de Bernard-Duquenet
(1985) et de Copans (1987) sur l'Afrique noire.
Aux travaux des historiens s'était jointe, de la part de sociologues
(Meillassoux, Rey) et d'économistes (Samir Amin, L'accumulation à
l'échelle mondiale, 1971 ; Tibor Mende, De l'aide à la recolonisation, 1982), la conceptualisation du processus de transition au capitalisme. Le problème s'est d'abord posé de déterminer les facteurs d'ipertie des structures dites « communautaires », des aristocraties et des Etats
qui leur sont surimposés, et qui ont hypothéqué le processus d'accumulation et d'innovation:
une fois posées les dynamiques spécifiques
des formations non européennes, comment expliquer la non-émergence
d'un capitalisme et d'une classe de bourgeois conquérants analogues
à l'Occident? En a découlé la « théorie de la dépendance », comme
l'ont surnommée les Anglo-Saxons, fondée sur l'articulation «centre/périphérie» ; elle apparaît dorénavant en sommeil. On n'ose plus
guère parler de « mode de production », concept qui fut naguère privilégié comme moyen d'investigation des mécanismes sociaux d'interférence entre sociétés du Tiers monde et sociétés capitalistes occidentales. On paraît convaincu, aujourd'hui, du caractère coercitif du capitalisme colonial, sans éprouver le besoin d'y revenir une fois de plus.
Le numéro spécial de la Revue canadienne des études africaines (1986)
sur « les défis africains » ou le mode de production quinze ans après
fait provisoirement figure de point fmal à la réflexion... L'absence
30
ÉTAT DES SAVOIRS SUR LE DÉVELOPPEMENT
d'une problématique de substitution a provoqué une disette théorique
qui se traduit aujourd'hui par un certain vide conceptuel.
Nationalisme et communisme
Sous la houlette de Jean Chesneaux, une variante de l'historiographie marxiste s'exprima surtout sur les phénomènes indochinois, provoquée comme elle l'était par la précocité des mouvements en Asie.
L'affirmation des mouvements de libération, l'impact de Bandoung,
de Diên Biên Phu et la progression du communisme en Chine ont
fait passer ces questions au premier plan. Le courant donna lieu à
une série de recherches, inégalées jusqu'à présent, sur l'émergence
des nationalismes : régionalismes, sociétés secrètes... (Chesneaux et
al. éd., Mouvements populaires et sociétés secretes en Chine aux XIX"
et XX" siècles, 1970; Brocheux éd., Histoire de l'Asie du Sud-Est,
1981) et sur la formation de l'État dans les luttes de libération nationale (Hémery, 1975 ; Forest, 1980). Pour l'aire arabe, c'est J. Berque (1960 et 1962), l'ouvrage collectif de Lacoste, Nouschi et Prenant (1960) et M. Rodinson (1966) qui constituent les références majeures, prorogées par des travaux comme ceux d'Oved (1984).
Sauf articles nombreux mais épars 25, on ne retrouve un intérêt
équivalent sur l'Afrique noire que récemment (Cl.-H. Perrot, 1982 ;
Coquery-Vidrovitch, Forest et Weiss, 1987 ; Raison-Jourde éd., 1983).
TI ne s'agit plus d'une histoire marxisante, mais liée aux travaux des
anthropologues (Bazin et Terray, 1982) et des politistes (cf. la revue
Politique africaine créée en 1980 et Bayart, 1979 et 1989).
3. La redéfinition actuelle des études historiques
Depuis quatre ou cinq ans, la révision des concepts est globale:
on l'a déjà vu à propos de l'histoire orale, de la critique de la tradition et des ethnies, de la vision de l'État.
25. Cf. Bibliographie sur les mouvements de résistance paysans sous la colonisation in
Coquery-Vidrovitch (1985), pp.408-411.
HISTOIRE COLONIALE ET DÉCOLONISATION
31
Les aires culturelles
Pourtant, la recherche par aire géo-culturelle semble connaître un
palier. Faute de réels débouchés, il y a crise de recrutement au niveau
des jeunes chercheurs. L'état des sciences sociales en France (La
Découverte, 1985) ne mentionne que cinq historiens du Tiers monde
qui auraient fait «bouger les savoirs» en France sur 57 historiens
distingués. Signe de récession générale? Effet de ghetto, révélant que
le pays profond n'a pas encore effectué en la matière le travail de
deuil nécessaire ? On assiste dans le même temps à un regain d' intérêt, chez les éditeurs et dans les médias, pour une histoire coloniale
vulgarisée, de valeur plus qu'inégale, rédigée de préférence par des
journalistes (éditions Denoël) ou des romans historiques plutôt disposés à vanter l'épopée coloniale. La filmographie (La victoire en chantant, 1976, sur Noirs et Blancs dans la guerre de 14-18 au Cameroun ; Fort-Saganne, 1984, sur l'aventure saharienne au début du siècle ; série télévisée Africa Blues, 1990) serait plus critique, non sans
une certaine nostalgie pas nécessairement de bon aloi... Le passé n'est
pas encore vraiment assumé. Plus ou moins maladroitement, il est néanmoins en passe d'être exorcisé.
Une stagnation maghrébine certaine se fait sentir. Rares sont au
demeurant les historiens français qui maîtrisent vraiment la langue
arabe, et l'on commence à avoir fait le tour des archives à la française ... Les pistes culturelles, anthropologique (Valensi) ou sociologique (Liauzu, Meynier, Gallissot) semblent les plus attirantes, y compris sous une forme originale critique (Lucas et Vatin, 1975). Quant
aux retards nationaux, ils sont au contraire accentués par un isolement renforcé par l'arabisation qui, non seulement par la langue mais
par la problématique différente mise en œuvre, entrave l'étude pourtant essentielle des processus interculturels.
Le retard conceptuel africain, qui était grand, paraît en voie de
résorption, malgré quelques handicaps : le caractère désabusé de la
« génération de 68 » (Bruckner, 1983 ; Copans, 1990, déjà cités) qui
accentue la « crise de recrutement » provoquée par le manque de débouchés, d'où une lenteur certaine de la relève française. Celle-ci est renfor~ée par la conviction des éditeurs que « l'Afrique ne paie pas » [du
moms celle des universitaires] : beaucoup de bons travaux d'histoire
dorment dans les bibliothèques spécialisées sous forme ronéotée, et
le passage médiatique ne se fait pas .
.Lt: manque de moyens des historiens confirmés comme des espoirs
africams francophones n'est pas moindre. Les grandes œuvres furent
à la première génération exceptionnelles et parfois très controversées
33
ÉTAT DES SAVOIRS SUR LE DÉVELOPPEMENT
HISTOIRE COLONIALE ET DÉCOLONISAnON
(Ki-Zerbo, 1972, Cheikh Anta Diop, Nations nègres et culture, 1955),
car les jeunes intellectuels d'alors (au demeurant très peu nombreux)
furent surtout soucieux de construction nationale, avec une bonne
volonté parfois un tantinet démagogique26: il était tentant, .et compréhensible, de la faire en réaction « contre l'autre» (le colomsateur) ;
d'où une histoire de la réhabilitation, surtout révélée au niveau des
manuels scolaires, où les anciens « bandits» devenaient « héros libérateurs» (Samori, Rabah, etc.), et où il apparaissait comme un devoir
national de démontrer l'antériorité des cultures noires. Une deuxième
génération encore peu nombreuse s'est essentiellement consacrée à la
reconstitutionutile (parce que jusqu'alors ignorée ou occultée) de monographies régionales surtout axées sur l'histoire précoloni~e (Lou~ou,
1984 ; Cissoko, 1986; Bathily, 1987) ou celle des résIstances a,la
colonisation (Metegue N'nah, 1981 ; Nzabakomada, 1986... ). Certains
ont ouvert la voie à des thèmes nouveaux, comme celui de la ville
(y compris ses marginaux) défriché par Kipré (1985), domaine également abordé par Thierno Bah (1985) et Semi-Bi Zan (1973-74), ou
celui de l'État (Mworoha, 1977). Aujourd'hui, 1'« école sénégalaise»
(Boubacar Barry, Abdoulaye Bathily, Mamadou Diouf, Mamadou Fall,
Mohamed Mbodj, Ibrahima Thioub... , cf. les thèses publiées à L'Harmattan ou à Karthala2) est en plein essor ; les apports créatifs de
Cheikh Anta Diop ont été assimilés, tandis que les excès en ont été
décapés; d'autres suivent, en particulier à Madagascar (Faranina Esoavelomandroso, Lucile Rabearimana) mais leurs « thèses à la française»
ne sont pas encore achevées.
A travers les travaux de nos collègues africains de langue française, il devient en tous les cas loisible d'analyser les développements,
mais aussi les contradictions des sociétés préexistantes, des mouvements nationalistes, de comprendre les désillusions qui ont suivi les
indépendances, de cerner les stratégies de résistance, de collaboration
et le « ventre mou » de la neutralisation des masses opérée par les
élites au pouvoir. Malheureusement, la plupart de leurs travaux sont
de faible diffusion ou, pour les plus jeunes, non encore publiés (cf.
J.A. Mbembé et Mamadou Diouf in Revue de la Bibliothèque nationale, nO34, 1989, sur la relecture du passé colonial à travers le prisme
de l'État-nation). TI n'empêche que ce « regard croisé» des historiens
des deux continents est devenu indispensable : les travaux collectifs
comportent désormais une part notable et parfois majeure de contributions issues de chercheurs africains (par exemple : L'Afrique occidentale au temps des Français, et plus encore l'histoire de l'AEF préparée par Luc Garcia, historien béninois ; ou bien encore les divers
travaux publiés sur 1'histoire du Burundi en collaboration francoburundaise, ou l'ouvrage en deux volumes sur Les Jeunes en Afrique, actes d'une conférence qui a réuni à Paris un nombre élevé de
collègues francophones).
32
26. Un reflet de qualité de ces efforts se trouve depuis 1947 dans la revue Présence Africaine. Voir Valentin Mudimbe éd., Présence Africaine: the Surreptitious Speech, Chicago University Press, 1992.
.
27. Je ne parle ici, bien entendu, que des historiens concernés par le contemporam.
Les thèmes en défrichement
Des œuvres d'histoire classique, par exemple sur les guerres mondiales ou la biographie de personnages d'envergure (Marc Michel, 1982
et 1990 ; Ch. A. Julien et al., 1977-78), continuent de dominer l'histoire politique. Celle-ci a connu un regain d'activité à l'occasion du
centenaire de la Conférence internationale de Berlin, qui a donné lieu
à une bonne dizaine de conférences, soit européennes, soit africaines,
dont il serait fécond de confronter les points de vue parfois contradictoires (du despotisme colonial à la formation des États modernes).
La jonction de ces regards croisés s'est apparemment mieux faite à
l'occasion de la commémoration d'un nouvel anniversaire qui s'y prêtait, il faut le reconnaître, davantage : celui du bicentenaire de la Révolution française, qui a donné l'occasion à des chercheurs des trois continents de s'interroger ensemble sur les rapports complexes et souvent ambigus entre les pratiques de l'esclavage, l'idéologie des droits
de l'homme et celle de la « mission» et des incohérences colonisatrices de la métropole, au Sénégal, en Haïti, à la Réunion ou à Paris
(plusieurs ouvrages sous presse, dont l'un paru: Esclavage, colonisation, libérations nationales, L'Harmattan, 1990).
On peut mettre l'accent sur deux ou trois thèmes actuellement en
renouveau, et d'autres en découverte. On a déjà évoqué la nouvelle
appréhension de 1'histoire orale, et la remise en question de concepts
considérés aujourd'hui comme partiellement dépassés: aux concepts
d'ethnie ou de vie associative « traditionnelle », d'adaptation à la vie
urbaine, et à celui classique de prolétariat et de classe ouvrière commence à succéder l'analyse du processus d'intégration et de contribution à la vie sociale et productive de groupes jusqu'alors négligés :
classes moyennes, pauvres, migrants (Lakroum, 1985), marginaux (les
origines historiques de l'infonnel, Coquery-Vidroviteh et Nédelec 008.,
1991), femmes - thème plus timidement abordé par les historiens que
ÉTAT DES SAVOIRS SUR LE DÉVELOPPEMENT
HISTOIRE COLONIALE ET DÉCOLONISATION
par les géographes ou les anthropologues -, jeunes 28, créoles et
métis.
Les nouveaux points forts ont été, d'abord, une histoire rurale revisitée (Amin et coll, L'agriculture africaine et le capitalisme, 1975;
Chrétien éd., 1983; Jewsiewicki, 1984; Coquery-Vidrovitch éd.,
1984 ; Raison-Jourde, 1990), qui insiste non plus sur le passéisme du
monde rural, mais sur sa capacité à inventer ses réponses face aux
calamités qu'il a subies (traite, exactions coloniales) ; néanmoins, à
la différence des anthropologues et des géographes, l'engouement des
historiens pour l'histoire rurale paraît décliner, passé l'enthousiasme
pour Fanon (1961) et le mythe des révolutions paysannes. Devant
l'emballement des villes du Tiers monde, l'histoire des processus
d'urbanisation prend le relais, à la fois spatiaux, fonciers et financiers, mais aussi sociaux et politiques (cf. Coquery-Vidrovitch éd.,
1988 ; M. Cahen éd., 1989; Goerg et Dulucq éds., 1990) ; enfin,
au-delà de la question lancée naguère de façon provocante par Henri
Brunschwig sur Noirs et Blancs dans l'Afrique française ou Comment
le colonisé devient colonisateur (1983) émerge l'histoire des métissages idéologiques et culturels, d'abord sous la forme classique des « élites» (N. Sraieb, Fanny Colonna, 1975), et de plus en plus sous la
forme religieuse (Mbembé, 1988 ; Raison-Jourde, 1990) ; Françoise
Raison, par exemple, démontre comment l'ouverture à l'Occident a
engendré les impasses de la modernisation autoritaire : alourdissement
du poids de l'État et dissociation entre « gens d'en bas» et « élite»
christianisés mais désorientés.
Tout ceci aboutit à la remise en question de la conceptualisation
des développements. C'est probablement en ce dom~e, lié aux recherches sur la genèse des élites, du pouvoir et de l'Etat et, plus localement, sur les mouvements anticolonialistes en France (Liauzu, 1986 ;
Dewitte, 1985) que les études historiques sur le poids de la phase coloniale prennent leur forme la plus « mondiste ». C'est, entre autres,
un point dominant des études menées dans la formation associée au
CNRS « tiers-mondes, Afrique» de l'Université Paris-7, avec le souci
de comprendre 1'histoire comparée du concept et des avatars du développement (Coquery-Vidrovitch et Forest éds., 1986; CoqueryVidrovitch, Hémery et Piel éds., 1988 ; Piel, 1989).
Ce qui apparaît aussi en gestation aujourd'hui, c'est une histoire
des modes populaires d'action politique, sous la forme privilégiée de
la culture populaire (Jewsiewicki-Koss et Moniot, 1988). L'objet est
d'autant plus important qu'il remédie à une carence réelle: celle de
l'analyse des rencontres et des dysfonctionnements entre idéologies
« modernes » et composantes mythiques et religieuses de la conscience
populaire. Ce complexe implique des recompositions hybrides qui exigent d'être réinterprétées. On est encore loin du compte.
Sur la décolonisation proprement dite, les acquis historiques sont
plus classiques, dus en grande partie à l'ouverture récente des archives ~n ce domaine, bien que celle-ci demeure partielle (pas question,
par exemple, de tout connaître sur la révolte de 1947 à Madagascar,
ou sur les archives de la Communauté !). Mais enfin un tabou se lève,
même si beaucoup reste encore à faire pour secouer le poids du nationalisme français toujours prêt à réagir sur ce point sensible. A part
le classique de Girardet sur L'idée coloniale en France (1972) et un
ouvrage novateur sur l'Afrique noire (Mbokolo, Le continent convoité,
1980), on en reste surtout à l'histoire politique (IHTP, 1986 et sous
presse). Sur la guerre d'Algérie, la tenue récente au CNRS d'un vaste
colloque rapidement suivi d'une publication considérable a fait figure
d'événement (J.-P. Rioux éd., 1990). Le thème du premier festival
Histoire et Cinéma organisé par la revue Histoire (Pessac, 1990) a
été celui du cinéma colonial, et la table ronde majeure y fut intitulée: « Faut-il avoir honte de la colonisation? »...
Mais le changement est rapide : vient de sortir une vaste fresque
de synthèse sur la France coloniale qui déborde largement du seul
domaine politique (Ageron et al., 1991), puis une Histoire coloniale
en deux volumes (D. Bouche et Bluche, Paris, Fayard, 1992) ; mais
quel mal pour trouver un éditeur à une série de volumes consacrés
à l'histoire interne des territoires à l'époque coloniale (La Découverte,
1992). Si l'on excepte l'entreprise internationale, partiellement traduite
en français, de l'Unesco sur le continent africain (en cours), c'est,
dans l'univers francophone, un changement de méthode et de point
de vue majeur: l'histoire coloniale apparaît enfin quasi décolonisée...
C'est chose faite avec le récent Afrique noire. Histoire et civilisations,
dirigé par E. Mbokolo (Hatier-AUPELF, 1993).
28. Une conférence sur le thème des Jeunes sur le continent africain, XIX' et xx' siècles,
a rassemblé en décembre 1990 une soixantaine de communications autour du « Laboratoire tiersmonde, Afrique., de l'Université Paris-7, parue sous le titre Les Jeunes en Afrique. Paris,
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- Sur l'histoire de l'expansion européenne: le dernier bilan de langue française remonte à J.-L. Miège, Expansion européenne et décolonisation de 1870 à nos jours, Paris, PUF, 1973, rév. 1983.
34
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ÉTAT DE LA QUESTION
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