Droit pénal_La justice restaurative_ Canada
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MINISTERE DE LA JUSTICE SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES ET INTERNATIONALES PARIS LA JUSTICE « RESTAURATIVE » LE CAS DU CANADA Etude à jour le 20 mai 2008 1 LA JUSTICE « RESTAURATIVE » LE CAS DU CANADA INVENTAIRE DES DISPOSITIFS ET DES PROCEDURES FAVORISANT LES RENCONTRES ENTRE LES VICTIMES ET LES AUTEURS DANS LE CADRE DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA JUSTICE « RESTAURATIVE » 2 BIBLIOGRAPHIE Aboriginal Justice Strategy Fact Sheet. Ottawa: Department of Justice Canada. http://www.justice.gc.ca/eng/pi/ajs-sja/. Achtenberg, Melanie. “Understanding Restorative Justice Practice within the Aboriginal Context.” FORUM on Corrections Research. Vol. 12, No. 1. Ottawa: Correctional Service of Canada. http://www.cscscc.gc.ca/text/pblct/forum/e121/e121j-eng.shtml. 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INTRODUCTION ________________________ Au Canada, la justice réparatrice est un domaine où s’entremêlent les juridictions fédérales, provinciales et locales, les incitatives gouvernementales et celles des diverses organisations communautaires et religieuses. Les premières initiatives de justice réparatrice ont émané des communautés autochtones, des communautés religieuses et des organisations non gouvernementales, à compter des années 1970. Le fondement de la justice réparatrice est à trouver dans l’approche indigène de la délinquance, entendue comme l’expression de l’éloignement de l’individu de sa communauté d’origine et de la conviction qu’il est de la responsabilité de tous d’aider à la reprise de cette relation1. C’est en 1974 que Mennonite Central Commitee a introduit la médiation victime-délinquant dans le système juridictionnel de Kitchener-Waterloo, dans l’Ontario2. Par la suite, les principes réparateurs se sont détachés de leurs origines indigènes et religieuses, pour devenir une partie du système de justice traditionnelles du Canada. Le gouvernement s’y est impliqué à partir des années 1990, en promouvant les changements législatifs nécessaires et en finançant certains programmes de justice réparatrice qui sont venus compléter le système de la justice pénale traditionnelle au Canada. Conformément au Service Correctionnel du Canada, la justice réparatrice est : « une approche non conflictuelle et non punitive de la justice qui met l’accent sur la guérison de la victime, la réinsertion significative du délinquant et la participation des citoyens à la création d’une communauté plus sine et plus sûre. Le délit constitue une violation des êtres et de leurs relations. La justice réparatrice œuvre pour le dédommagement et promeut l’assainissement des voies de pacification des relations sociales et la solution des conflits. La justice réparatrice s’efforce d’offrir le support et les opportunités pour que les personnes affectées par la délinquance (les victimes, les délinquants et la communauté) communiquent et s’engagent dans la voie du dédommagement, de la réparation, de la compréhension, jusqu’à rendre possible l’apparition des sentiments de satisfaction, d’apaisement et de clôture des conflits »3. 1 2 3 5 Le cœur du système de justice pénale reste l’imposition, par l’Etat, de mesures punitives à l’encontre des délinquants. La participation d’un délinquant aux programmes de justice réparatrice n’entraîne pas la diminution de la peine, mais enrichit l’expérience que les parties acquièrent de la justice pénale et entraîne, le plus souvent, leur conciliation. Le présent rapport examine 6 aspects essentiels qui caractérisent ces initiatives : le cadre législatif, les agences gouvernementales chargées de définir la politique législative et les organisations communautaires qui gèrent les programmes, les objectifs poursuivis, l’accès aux programmes, leur financement et leur évaluation. 6 I. LE CADRE LEGISLATIF DE LA JUSTICE REPARATRICE _______________________________________________________ La législation relative à la justice réparatrice comporte deux volets : l’un concerne le délinquant (A), l’autre la victime (B). A. La législation relative au délinquant Malgré le fait que le système pénal canadien soit essentiellement un système punitif, des dispositions relatives à la justice réparatrice ont été introduites dans trois lois pénales fondamentales : le Code pénal (1), la loi relative à la justice pénale pour les jeunes (2) et la loi du système correctionnel et de la liberté conditionnelle (3). 1. Le Code pénal du Canada Le Code pénal du Canada4 comporte plusieurs séries de dispositions pouvant fonder des pratiques de justice réparatrice : les dispositions relatives aux mesures alternatives à la condamnation pénale (a), les dispositions affirmant le but et les principes de la condamnation (b), celles régissant la description, par la victime, de l’impacte de l’infraction sur sa vie (c), celles relatives à la « surtaxe pour la victime » (d) et au dédommagement (e). a. Les mesures alternatives à la condamnation pénale L’article 717 du Code pénal du Canada permet au tribunal de recourir aux « mesures alternatives à la condamnation », à l’égard d’un suspect (alleged to have committed an offence ) dès lors que : - il existe un programme de mesures alternatives autorisé par le Procureur général (Attorney General) ou par le Vice-Gouverneur de la province ; - la mesure envisagée répond aux besoins du suspect, à l’intérêt de la société et de la victime ; - le suspect, dûment informé, consent de s’y soumettre ; - le suspect reconnaît sa responsabilité quant aux faits ; - il existe suffisamment de preuves, selon l’avis du Procureur général, pour débuter la poursuite pénale. b. L’objectif et les principes de la condamnation Aux termes de l’article 718, e° et f° du Code pénal canadien, l’objectif de la condamnation est de contribuer, avec la prévention de la délinquance, au respect de la loi et 4 7 au maintien d’une société juste et sûre, par l’emploi de sanctions justes, à même d’assurer la réparation des dommages subis par la victime et la société et d’encourager, chez le délinquant, le sens des responsabilités et la perception du mal causé à la victime et à la communauté. Une décision récente de la Cour Suprême canadienne (affaire R. v. Gladue), rendue sur la base de l’article 718.2 a affirmé le principe de l’utilisation des peines alternatives « raisonnables au vue des circonstances de l’affaire », pour tous les délinquants et notamment pour ceux issus des communautés indigènes. c. La déclaration de la victime concernant l’impact de l’infraction dans sa vie La victime a le droit de lire, lors de l’audience, une déclaration qu’elle aura rédigée concernant l’impact de l’infraction sur sa vie, soit les dommages subis et toute conséquence de toute nature. d. La surtaxe pour la victime L’article 737 du Code pénal canadien demande au juge d’imposer, en plus de la peine prononcée, une « surtaxe pour la victime », à la charge du condamné et au bénéfice du budget de la province. Ces fonds sont destinés à financer les programmes de services pour la victime. Le montant de la taxe est de 15% de l’amende prononcée à l’encontre du condamné ou à défaut, 50 dollars pour une infraction mineure et 100 dollars pour une infraction sérieuse. Une décision récente de la Cour Suprême canadienne (affaire R. v. Gladue), rendue sur la base de l’article 718.2 a affirmé le principe de l’utilisation des peines alternatives « raisonnables au vue des circonstances de l’affaire », pour tous les délinquants et notamment pour ceux issus des communautés indigènes. e. Le dédommagement A la fois lorsqu’il condamne ou qu’il acquitte un délinquant, le tribunal peut ordonner le dédommagement de la victime pour tout dommage relatif aux biens ainsi que pour tout préjudice corporel ou psychologique. Lorsque la victime est un membre de la famille du délinquant qui a subi, en raison de l’infraction, un préjudice corporel ou la menace d’un tel préjudice, le délinquant sera également condamné à lui payer une somme couvrant les dépenses que celle-ci a été obligée d’engager pour quitter temporairement le domicile familiale et vivre à l’extérieur. 2. La loi de la justice pénale pour les jeunes La loi de la justice pénale pour les jeunes5 a été adoptée en 2002 et comporte trois aspects compatibles avec la justice réparatrice : les principes de l’intervention judiciaires en 5 Note 5 + Remplace l’ancienne Loi des jeunes délinquants. 8 matière de jeunes délinquants (a), le régime des mesures extra-judiciaires (b) et celui des consultations (c). a. Les principes de l’intervention judiciaire en matière de jeunes délinquants Le préambule de la loi rappelle que : - la prévention de la délinquance juvénile implique de s’attaquer aux causes de cette dernière, de répondre aux besoins des jeunes et de leur offrir le soutient nécessaire ; - le Canada est un pays signataire de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant qui reconnaît aux jeunes personnes les droits garantis par cette Convention et par le Statut canadien des droits et libertés et par la Pétition canadienne des droits ; - le système canadien de justice pénale pour les jeunes prend en considération les intérêts des victimes, cultive à la responsabilité, la réhabilitation et la réintégration effective des délinquants et se propose de limiter autant que possible la détention des jeunes délinquants non violents. La déclaration de principes de la loi pose les principes de son interprétation. Elle affirme la nécessité que les mesures prises contre les jeunes délinquants permettent à ces derniers de retrouver le respect pour les valeurs sociales et les encourage à réparer les préjudices causés aux victimes et à la communauté. Ces mesures doivent être fondées sur la compréhension du niveau de développement de la jeune personne et impliquer, lorsque cela est possible, la famille, la communauté ainsi que les organismes sociaux de réhabilitation et réintégration. Elles doivent également respecter les différences de sexe, ethniques, culturelles et linguistiques et prendre en compte les besoins des jeunes issus des communautés autochtones et autres besoins spécifiques. b. Les mesures extra-judiciaires La loi accorde sa préférence aux mesures extra-judiciaires en tant que réponse aux délits moins graves commis par des jeunes délinquants. Il s’agit de mesures prises sans l’intervention d’un tribunal, telles que les avertissements, les avertissements de la police et ceux de la Couronne (Crown caution), le renvoi vers des programmes impliquant certaines communautés, etc. L’ensemble de ces mesures assure généralement une place de choix à la famille, à la communauté et à la victime dans la prise de décision. c. Les « conférences » L’article 19 de la loi régit l’utilisation de la procédure des « confrences » par les tribunaux pour jeunes, les officiers de police, les procureurs, les travailleurs sociaux. L’objectif de la consultation peut être de déterminer les mesures extra-judiciaires les plus appropriées, les conditions de la libération conditionnelle et plu généralement, la sanction à infliger au délinquant assortie d’un plan de réinsertion. La consultation réunit généralement 9 plusieurs personnes dont l’auteur, sa famille, la victime, les agents sociaux, autres professionnels. Il s’agit essentiellement d’un mécanisme réparateur qui tend à développer les propositions de réparation des dommages causés à la victime6. La Déclaration annuelle du département de la justice de 2005 comporte une évaluation des effets de la loi. Suite à son introduction, le nombre de jeunes délinquants poursuivis avait baissé de 16% par rapport à l’année précédente, alors que l’utilisation des mesures extrajudiciaires par la police a augmenté ; les mesures utilisées ont été plus diversifiées. En revanche, les tribunaux n’ont pas fait un très large usage des consultations avant de prononcer la condamnation. 2. La loi de la correction (à voir) et de la probation La loi de la correction et de la probation7 de 1992 régit les conditions de détention et de libération des détenus. Elle régit pour l’essentiel l’exécution des peines d’emprisonnement, la réhabilitation et la réintégration des ex-détenus dans la société, mais contient également quelques dispositions relatives à même de faciliter des approches « réparatrices ». Ainsi, le commissaire (commissioner) peut communiquer à la victime les informations relatives à l’identité du délinquant, le cas échéant sa détention provisoire, la nature de l’infraction retenue à sa charge, la peine infligée avec la date du début de l’exécution, l’appréciation portée sur le délinquant, l’adresse de l’établissement dans lequel il exécute sa peine, la date de sa libération simple ou conditionnelle, les dates et les conditions de ses sorties. B. La législation relative à la victime Le 1er octobre 2003, les ministre fédéral de la justice, les ministres provinciaux et territoriaux ont élaboré une nouvelle Déclaration canadienne des principes de base de la justice pour les victimes d’infractions (annexe n° 1). Cette déclaration constitue le document de référence pour les actions du Centre de mesures pour la problématique des victimes. Les services à destination des victimes sont gérés par les gouvernements provinciaux et territoriaux. Chacun d’entre eux a adopté une législation afférente8. Provinces et territoires Alberta British Columbia Manitoba Legislation Victims of Crime Act R.S.A 2000 V-3 Victims of Crime Amendment Act, 2005 Victims of Crime Act S.B.C. 1996, c. 48 Crime Victim Assistance Act S.B.C. 2001, c. 38 The Victims’ Bill of Rights S.M. 1998, c. 44 6 7 8 10 New Brunswick Newfoundland And Labrador Northwest Territories Nova Scotia Nunavut Victim’s Services Act 1987 S.N.B. 1987 c. V-21 as amended by SNB 1996, c. 36 Victims of Crime Services Act R.S.N.L. 1990 c. V-5 Victims of Crime Act R.S.N.W.T 1988 c. 9 Victim’s Rights and Services Act S.N.S. 1989 c. 14 amended 1992 c. 36, 2000 c. 4 s.. 86-92 Victims of Crime Act (Nunavut) R.S.N.W.T. 1988 c. 9 as amended by statutes enacted under S. 76.05 of Nunavut Act R.S.N.W.T 1988 c. 34 Les services offerts aux victimes diffèrent d’une province à une autre, tout comme les méthodes utilisées : certains gouvernement assurent ces services au niveau central, d’autres délèguent plus aux divers intervenants tels que la police, les tribunaux, les organisations communautaires9. 9 Pour plus de détails, voire « Le coxte de programmes et services pour les victimes d’infractions au Canada » 11 II. LES ACTEURS DE LA JUSTICE REPARATRICE _______________________________________________________ La législation relative à la justice réparatrice comporte deux volets : l’un concerne le délinquant (A), l’autre la victime (B). A. Les services du gouvernement fédéral 1. Le département de la sécurité publique et de la préparation aux urgences Ce département agit à travers deux organes qui sont l’Office national des victimes et l’Ombudsman fédéral pour les victimes. L’Office national des victimes fournit l’information générale destinée aux victimes et au public, assure le renvoi vers le Service de correction du Canada (CSC) et le Conseil national de liberté conditionnelle (NPB) pour des recherches spécifiques. Il est également l’instance de recours pour les plaintes relatives aux services fournis par CSC et NPB. L’Ombudsman fédéral pour les victimes10 est chargé de : - faciliter l’accès des victimes aux programmes et services fédéraux en leur fournissant des informations et en les renvoyant vers les organismes compétents ; - traiter les plaintes des victimes conformément aux dispositions de la Loi de la correction et de la libération conditionnelle ; - œuvrer pour que le personnel de la justice pénale ainsi que le monde politique prennent conscience des besoins des victimes et connaissent le système législatif élaboré à leur bénéfice. 2. Le Service correctionnel Le Service correctionnel du Canada (CSC) gère un programme dit d’opportunités réparatrices qui offre des services de médiation victime-délinquant. Malgré la variété des procédures employées, plusieurs traits communs définissent ce type d’action : - participation volontaire à toutes les étapes de la procédure ; - travail de préparation très étendu. La mise en place complète d’un programme prend généralement plusieurs années ; - règles procédurales précises et détaillées de protection des droits de la victime et du délinquant ; 10 12 - le maintien d’une confidentialité stricte afin de ne pas influer sur les décisions à prendre quant à la libération conditionnelle ; - intervention de médiateurs qualifiés et neutres. La médiation peut prendre plusieurs formes : des conversations face à face, échange de lettres, échanges de cassettes vidéo. L’objectif recherché est d’ouvrir la communication et non d’aboutir à un accord négocié. Les programmes offerts par le SCS sont détaillés ci-dessous. 3. Le Département de Justice Le Département de la Justice du Gouvernement fédéral travaille pour l’intégration des méthodes de la justice réparatrice dans le système de justice pénale. En son sein, l’Equipe départementale de réforme des condamnations assure la coordination et le contrôle des actions du gouvernement, dans cette matière, dans l’ensemble du pays alors que le Centre de Politique de la problématique des victimes est chargé d’une part d’informer les victimes et leurs familles de la possibilité de bénéficier des procédures de justice réparatrice et d’autre part, d’agir pour le développement de la justice réparatrice en suscitant l’intérêt et l’initiative politique, en promouvant la sensibilisation et la formation des personnels, en diffusant l’information relative aux réussites obtenues dans le domaine autant au Canada qu’à l’étranger11. Le Département est également chargé de développer et d’assurer l’application d’une politique judiciaire et d’une législation répondant aux besoins de la population autochtone (cf. ci-dessous). 4. Le Comité national de probation Le Comité national de probation (NPB) décide quant aux libérations conditionnelles, les amnisties, et formule des recommandations en matière de grâce. Avec la loi relative aux corrections et à la libération conditionnelle, le Comité assume des nouvelles fonctions tendant à développer l’implication de la communauté et des victimes dans le processus décisionnel en matière de libération conditionnelle. Il existe, dans chaque région, des Officiers de liaison de la communauté et des Officiers de liaison de la victime12, dont la principale tâche est de promouvoir l’implication de la communauté et de la victime dans le système de probation. B. Les organisations communautaires C’est à partir des années 1970 que des organisations religieuses ou non gouvernementales ont commencé à offrir des programmes et des services aux victimes et aux délinquants, avant toute reconnaissance gouvernementale de ces questions et avant que 11 12 Note 13 dans l’original anglais Note 14 dans l’original anglais 13 l’opinion publique ne s’y intéresse. C’est ce mouvement qui a conduit aux changements qui se sont matérialisés aujourd’hui dans le système canadien. A ce jour, ce sont ces mêmes organisations qui gèrent une partie importante des programmes de justice réparatrice disponibles et qui constituent le cœur du système canadien de justice réparatrice. Les programmes disponibles sont trop diversifiés pour qu’ils puissent faire l’objet d’une présentation exhaustive. Toutefois, peuvent être utilement consultés les sites Internet de quelques organisations de ce type. Organisation Collaborative Justice Project Fraser Regional Community Justice Initiatives Association Mennonite Central Committee Ontario Community Mediation Services, Newfoundland Turnings Calgary John Howard Society Site Internet www.collaborativejustice.ca www.cjibc.org www.mcc.org/Ontario/restorativejustice/ www.cmservices.org/restotative_justice.html www.turnings.ca/index.swf www.johnhoward.calgary.ab.ca 14 III. LES PRINCIPAUX PROGRAMMES _______________________________________________________ Il existe trois grands types de programmes de justice réparatrice : les cercles, les groupes de consultation avec la famille, la médiation victime-délinquant13. Nous présentons ci-dessous quelques-uns des programmes offerts par le Service correctionnel du Canada14. Ces programmes interviennent à tous les stades du processus pénal. A. Les « Cercles » 1. Les différents types de « cercles » Les cercles de soutien et de responsabilisation sont constitués par des groupes de volontaires, souvent des communautés religieuses, qui concluent un « accord » avec un délinquant sexuel présentant un taux élevé de risque et qui a exécuté intégralement sa peine qui prévoit d’une part, que le délinquant accepte l’aide et les conseils du Cercle concernant le suivi d’un traitement adéquat et un comportement responsable au sein de la société et d’autre part, que le Cercle aide le délinquant à trouver un milieu de vie sain et se pose en médiateur entre le délinquant et la société. La participation de la victime n’est pas nécessaire, mais le Cercle peut communiquer avec elle. La justice collaborative se propose d’offrir des solutions plus satisfaisantes que la justice traditionnelle aux victimes, aux délinquants et à la communauté dans l’hypothèse d’infractions graves. Un coordinateur travaille avec toutes les parties impliquées afin de déterminer la méthode d’action la plus appropriée pour chaque situation. Il s’agit d’une approche holistique qui met l’accent sur le soutien, l’information, la sécurité, la responsabilisation, la réparation et la réintégration. En 2002, le Projet de justice réparatrice de l’Ottawa a reçu des fonds pour soutenir l’extension de la médiation engagée dans la phase de poursuite pénale à l’étape postcondamnation, dans l’hypothèse des infractions graves et violentes. Les cercles de conciliation trouvent leurs racines dans la tradition indigène et sont fondés sur la croyance que la responsabilité première pour toute infraction revient à la communauté et non seulement au délinquant. Ces cercles cherchent à identifier les problèmes souterrains et à restaurer l’équilibre rompu par l’infraction à chaque fois que cela est possible. Sont souvent explorés des aspects plus larges de la délinquance, ainsi que la problématique de la prévention, bien au-delà de la situation délictuelle soumise à ces cercles. 13 Note 18 Une presentation plus détaillée peut-être trouvée dans un guide élaboré par le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes à l’adresse : Note 11 du doc anglais. 14 15 Les cercles de guérison sont des cérémonies qui visent l’extinction du conflit en permettant aux participants d’exprimer leurs sentiments et en mettant en favorisant la guérison individuelle du délinquant et de la victime. Les cercles de condamnation réunissent la victime, le délinquant, leurs familles et les membres de la communauté ainsi qu’un juge, un avocat, un policier et autres personnes. Les participants chercherons à proposer au juge une sentence juste à prononcer par ce dernier. La victime et les membres de la communauté ont le droit de s’exprimer personnellement, y compris de s’adresser au délinquant ; ils participent à l’élaboration du plan d’exécution de la sentence. Les auditions assistées par la communauté sont proposées par le Comité national de probation, pour les délinquants issus des communautés autochtones, avec l’implication de membres de ces communautés. La procédure est similaire à celle d’une audition pour une libération conditionnelle, à la différence que sont réunis les membres du comité, le délinquant, l’officier de probation, la personne de support, les anciens de la communauté autochtone, l’assistant d’audition et les victimes. Toutes ces personnes se placent en cercle. Le rôle de la victime au sein du cercle peut varier considérablement d’une province à une autre. Dans la province British Columbia, tous les participants au cercle peuvent parler librement et les victimes ne sont pas contraintes à se limiter à la lecture d’une déclaration préparée à l’avance. Elles peuvent discuter de l’impact de l’infraction sur leur vie directement avec tous les membres du cercle, y compris avec le délinquant. 2. Les résultats obtenus Une évaluation a été menée en 2005 sur les résultats obtenus par le programme de justice collaborative15. a. Les motivations Il en ressort que les victimes et les délinquants avaient des motivations différentes pour rejoindre ce programme. Ainsi, parmi les victimes : - 27% ont souhaité rencontrer le délinquant pour le comprendre et connaître les raisons de son acte ; - 20% ont souhaité expliquer au délinquant l’impacte que le délit a eu sur elles ; - 16,17% ont souhaité que le délinquant leur présente des excuses ; - 16,17% ont souhaité participer à la prévention de la récidive et s’assurer que le délinquant suivait un traitement. Parmi les délinquants : - 36,4% ont souhaité présenter des excuses aux victimes ; 27,3% ont souhaité offrir une réparation et/ou ils sont arrivés à un accord avec la victime ; - 13,6% ont souhaité connaître la victime. 15 Note 22 16 b. Le degré de satisfaction Parmi les délinquants, 95% ont déclaré avoir le sentiment que la justice a été rendue. Les victimes sont 78,7% à être de ce même avis. 87,8% des délinquants et 86,3% des victimes ont déclaré que s’ils devaient être à nouveau impliqués dans une affaire judiciaire, ils choisiraient la justice réparatrice à la place de la justice traditionnelle. B. Les groupes de consultation avec la famille Les Consultations de la communauté ou les Groupes de consultation avec la famille impliquent la participation des familles et d’autres personnes qui soutiennent la victime, respectivement le délinquant et qui ne sont pas forcément des membres de leurs familles. Ces cercles favorisent le dialogue et la compréhension réciproque, sous la coordination d’un médiateur spécialement formée. C. La médiation victime-délinquant Dans les programmes de médiation victime-délinquant (VOMP) initiés il y a 25 ans au Canada, la médiation offre aux victimes et aux délinquants l’opportunité d’une rencontre sûre et structurée, avec l’assistance d’un médiateur spécialisé. Durant les 10 dernières années, ce type de programme a été également utilisé pour traiter d’infractions graves. Durant ces rencontres, les victimes décrivent souvent l’impacte physique, émotionnel et financier de l’infraction dans leur vie, reçoivent des réponses à des questions qu’elles ressassaient depuis longtemps concernant l’infraction et le délinquant, et participent directement à la recherche d’une solution. Le délinquant se voit offrir la possibilité de formuler des excuses, d’offrir des informations, de participer à l’élaboration des solutions réparatrices et de réaliser l’introspection nécessaire pour sa propre évolution personnelle. Ce processus est parfois facilité par un échange d’écrits ou de vidéos. La participation de la victime est volontaire. La participation du délinquant, bien qu’en principe également volontaire, est parfois motivée par des avantages que cette participation lui apporte. Aucun résultat spécifique n’est à atteindre : l’objectif du médiateur est de faciliter l’échange entre la victime et le délinquant, de les aider à aboutir à un résultat perçu comme juste par tous les deux. Ce résultat sera à son tour différent en fonction du stade du processus pénal auquel le programme a été mis en place. Un exemple de programme de ce type est celui en vigueur dans la province British Columbia. Le CSC a confié la gestion du programme à l’association Fraser d’initiative de justice de la communauté régionale de Langley16. Dans le reste du Canada, le CSC offre des médiations victime-délinquant par l’intermédiaire de l’Union des résolutions pour les contestations et la justice. Les abris de guérison sont destinés aux délinquants issus des communautés autochtones qui exécutent une condamnation fédérale. Ces « abris » cherchent à refléter 16 Fraser Region…. 17 l’espace physique et le mode de vie des population autochtones et à répondre aux besoins des délinquants par des enseignements autochtones, des cérémonies, du contact avec les anciens et les enfants et par l’interaction avec la nature. Les programmes offerts sont individualisés, basés sur une approche holistique, une relation interactive avec la communauté et une orientation ferme vers la préparation de la libération. Le programme accorde une valeur haute au guidage spirituel et à l’évolution des délinquants à l’aide de l’expérience de vie du personnel. Les victimes et la communauté n’y participent pas. Dans le dialogue de remplacement victime-délinquant (dialogue de justice réparatrice), la victime ou le délinquant peut choisir de rencontrer une personne qui a commis la même infraction ou a en a été victime d’une manière similaire. Ce dialogue « de remplacement » s’est montré bénéfique pour les victimes qui souhaitaient faire l’expérience d’une médiation réparatrice, mais qui, pour diverses raisons, n’ont pas pu participer personnellement à la rencontre avec leur propre agresseur ou encore en tant qu’acte préparatoire pour une rencontre avec ce dernier à l’avenir. Il s’est également montré bénéfique pour les délinquants qui voulaient participer à un tel programme alors que leur victime ne souhaitait pas les rencontrer. 2. Résultats obtenus Une évaluation du programme de justice collaborativeGénéralement, les victimes et les délinquants ont Dans le dialogue de remplacement victime-délinquant (dialogue de justice réparatrice), la victime ou le délinquant peut choisir de rencontrer une personne qui a commis la même infraction ou a en a été victime d’une manière similaire. Ce dialogue « de remplacement » s’est montré bénéfique pour les victimes qui souhaitaient faire l’expérience d’une médiation réparatrice, mais qui, pour diverses raisons, n’ont pas pu participer personnellement à la rencontre avec leur propre agresseur ou encore en tant qu’acte préparatoire pour une rencontre avec ce dernier à l’avenir. Il s’est également montré bénéfique pour les délinquants qui voulaient participer à un tel programme alors que leur victime ne souhaitait pas les rencontrer. 18 IV. LE CHAMP D’APPLICATION DES PROGRAMMES ____________________________________________________ A. Gravité des infractions La plupart des programmes de justice réparatrice offrent des services à destination des délinquants et des victimes des infractions mineures et sans violence. Cependant, le nombre de programmes applicables aux infractions sérieuses est en constante augmentation. Tel est le cas du Projet de justice collaborative (cf. ci-dessus). B. Statut du délinquant Les initiatives de justice réparatrice ont notamment été développées en direction des jeunes et des autochtones. L’utilisation de la justice réparatrice pour les jeunes délinquants fait partie de la politique du gouvernement tendant à apporter un renouveau de la justice pénale pour les jeunes, mettant l’accent sur la prévention, les mesures alternatives, la réhabilitation et la réintégration des jeunes délinquants17. La loi de la justice pénale pour les jeunes impose aux officiers de police de faire appel aux mesures extrajudiciaires telles l’avertissement et/ou le renvoi vers un programme de justice réparatrice ou une agence communautaire à même d’offrir au jeune délinquant le soutien nécessaire pour qu’il ne récidive pas. En ce qui concerne les délinquants issus des communautés autochtones, le gouvernement a développé « la stratégie de la justice pour les autochtones » (AJS)18 qui part du constat de la surreprésentation de la population autochtone en milieu carcéral (les autochtones représentent 3% de la population adulte du Canada, mais 15% de la population des établissements pénitenciers provinciaux et 17% de la population des établissements fédéraux). Cette « stratégie » comporte deux composantes : d’une part, des programmes de justice communautaire dont les coûts sont pris en charge par les gouvernements provinciaux et territoriaux et d’autre part, des initiatives tendant à la formation des autochtones et à leur implication dans l’administration locale de la justice, avec les objectifs suivants : - contribuer à diminuer la taux de délinquance et de victimisation dans les communautés autochtones où opère cette stratégie ; - assister les communautés autochtones à assumer des responsabilités grandes dans l’administration locale de la justice ; - assister les communautés autochtones afin qu’elles offrent une meilleure information, dispensée en temps utile au sujet des programmes communautaires financés par l’AJS ; plus 17 18 19 - prendre en considération et intégrer les valeurs pertinentes de la culture autochtone dans l’administration de la justice au Canada. AJS soutient quatre types d’actions de justice réparatrice, par des financements des gouvernements provinciaux et territoriaux : - les mesures alternatives ; - les cercles communautaires de condamnation et de conciliation ; - la médiation et l’arbitrage dans les affaires familiales et civiles ; - les programmes de justice tribunaux / communauté. Ces programmes sont conduits par les communautés autochtones, telles que : les Conseils des premières nations et les Conseils tribaux, les coalitions aborigènes urbaines, les Hameaux inouïtes, les Organisations métisses et autres organisations. C. Etape du processus pénal L’accès aux programmes de justice réparatrice peut avoir lieu à tout moment du processus pénal : durant l’enquête menée par les organes de police (avant l’accusation « precharge »), après l’intervention du ministère public (après l’accusation « post-charge »), après la saisine du tribunal (pre-sentence), après la condamnation (post-sentence) et durant le temps de probation (parole). Initiative du renvoi. VOMP : renvoi par la victime, le personnel de la prison, les agents de probation, les agences communautaires, les officiers de police et les agences de services à la victime. 20 IV. LE FINANCEMENT DE LA JUSTICE REPARATRICE ____________________________________________________ Le financement des programmes de justice réparatrice revient aux gouvernements fédéral, provinciaux et locaux qui choisissent décident quels sont les programmes qu’ils financent chaque année. S’ajoute à cela la « surtaxe pour la victime » qui finance elle aussi les programmes de services aux victimes19. A titre d’exemple, le Gouvernement fédéral a alloué, en 2005, 25 millions de dollars qui seront débloqués sur une période de 5 ans, au Centre de politique pour la problématique des victimes pour qu’il continue son mandat. Il a également décidé d’allouer 13 millions de dollars par an, pendant quatre ans, à compter du 1er avril 2007, destinés à être employés au niveaux central et local, y compris pour le Département de justice, l’Ombudsman fédéral pour les victimes des délits, le département de sûreté publique, le Service correctionnel du Canada et le Comité de libération conditionnelle.20 19 20 Note 19 Note 20 21