Droit pénal_La justice restaurative_ Canada

Transcription

Droit pénal_La justice restaurative_ Canada
MINISTERE DE LA JUSTICE
SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES ET INTERNATIONALES
PARIS
LA JUSTICE « RESTAURATIVE »
LE CAS DU CANADA
Etude à jour le 20 mai 2008
1
LA JUSTICE « RESTAURATIVE »
LE CAS DU CANADA
INVENTAIRE DES DISPOSITIFS ET DES PROCEDURES
FAVORISANT LES RENCONTRES ENTRE LES VICTIMES ET LES
AUTEURS DANS LE CADRE DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA JUSTICE
« RESTAURATIVE »
2
BIBLIOGRAPHIE
Aboriginal Justice Strategy Fact Sheet. Ottawa: Department of Justice Canada.
http://www.justice.gc.ca/eng/pi/ajs-sja/.
Achtenberg, Melanie. “Understanding Restorative Justice Practice within the
Aboriginal Context.” FORUM on Corrections Research. Vol. 12, No. 1. Ottawa:
Correctional Service of Canada. http://www.cscscc.gc.ca/text/pblct/forum/e121/e121j-eng.shtml.
Canadian Resource Centre for Victims of Crime. “Restorative Justice in
Canada.”
http://www.crcvc.ca/docs/restjust.pdf.
“Canadian Statement of Basic Principles of Justice for Victims of Crime, 2003,”
Ottawa: Department of Justice Canada. www.justice.gc.ca/eng/pi/pcvicpcv/pub/03/princ.html.
“CCRA 5 Year Review Aboriginal Offenders,” Ottawa: Public Safety Canada.
February 1998.
http://ww2.pssp.gc.ca/publications/Corrections/ccra/aborginal_offender_e.asp.
“CCRA 5 Year Review Provisions Relating to Victims.” Ottawa: Public Safety
Canada. February 1998, http://ww2.pssp.gc.ca/publications/corrections/ccra/victims_e.asp.
“Corrections and Conditional Release Act.” 1992, c. 20. Ottawa: Department of
Justice Canada.
http://laws.justice.gc.ca/en/ShowFullDoc/cs/C-44.6///en.
Cormier, Robert B. “Restorative Justice: Directions and PrinciplesDevelopments in Canada.”
Ottawa: Public Works and Government Services Canada, 2002.
http://ww2.ps-sp.gc.ca/publications/corrections/200202_e.asp.
“Criminal Code of Canada,” R.S., 1985 c.1 C-46, s.1. Ottawa: Department of
Justice Canada
http://laws.justice.gc.ca/en/C-46/.
Federal Ombudsman for Victims of Crime. “Mandate Fact Sheet,” Ottawa:
Government of Canada. http://www.victimsfirst.gc.ca/abt-apd/mand.html.
3
Federal Ombudsman for Victims of Crime. “Backgrounder: New Funding
Package for Victims of Crime.” Ottawa: Government of Canada.
http://www.victimsfirst.gc.ca/news-nouv/bg-di/doc_3.html .
Fraser Region Community Justice Initiatives Association. “Fact Sheet”
http://www.cjibc.org.
Latimer, Jeff and Craig Dowden and Denise Muise. “The Effectivess of
Restorative Justice Practices: A Meta-Analysis.” Ottawa: Department of Justice
Canada, April 2001.
“Legislation Fact Sheet,” Ottawa: Department of Justice Canada.
http://www.justice.gc.ca/eng/pi/pcvi-cpcv/prov.html.
Policy Centre for Victim Issues. “Context of Programs and Services for Victims
of Crime in Canada.” Ottawa: Department of Justice Canada.
http://www.justice.gc.ca/eng/pi/pcvi-cpcv/pub/01/01.html#Heading587.
“Response to the Report of the Sub-Committee on Corrections and Conditional
Release Act of the Standing Committee on Justice and Human Rights: A Work
in Progress: The Corrections and Conditional Release Act.” Ottawa: Public
Safety Canada, November 2000 (revised ed.).
http://ww2.ps-sp.gc.ca/publications/corrections/ccra/CcraOct2000_e.asp.
“Restorative Justice.” Ottawa: Correctional Service Canada.
http://www.csc-scc.gc.ca/text/rj/bckgrndr-eng.shtml.
Rugge, Tanya and James Bonta and Suzanne Wallace-Capretta. “Evaluation of
the Collaborative Justice Project: A Restorative Justice Program for Serious
Crime.” Ottawa: Public Safety and Emergency Preparedness Canada, 2005,
http://ww2.ps-sp.gc.ca/publications/Corrections/cjp/cjp_toc_e.asp.
“Criminal Code of Canada,” R.S., 1985 c.1 C-46, s.1. Ottawa: Department of
Justice Canada
http://laws.justice.gc.ca/en/C-46/.
“Youth Criminal Justice Act.” 2002, c.1. Ottawa: Department of Justice Canada
http://laws.justice.gc.ca/en/ShowFullDoc/cs/Y-1.5///en.
4
“The Youth Criminal Justice Act: Summary and Background.” Ottawa:
Department of Justice Canada. http://www.justice.gc.ca/eng/pi/yj-jj/ycjalsjpa/back-hist.html.
“Youth Criminal Justice Act 2005 Annual Statement: Executive Summary.”
Ottawa: Department of Justice Canada.
http://www.justice.gc.ca/eng/pi/yj-jj/ycja-lsjpa/stat-declar/sum-som.html.
INTRODUCTION
________________________
Au Canada, la justice réparatrice est un domaine où s’entremêlent les juridictions
fédérales, provinciales et locales, les incitatives gouvernementales et celles des diverses
organisations communautaires et religieuses. Les premières initiatives de justice réparatrice
ont émané des communautés autochtones, des communautés religieuses et des organisations
non gouvernementales, à compter des années 1970. Le fondement de la justice réparatrice est
à trouver dans l’approche indigène de la délinquance, entendue comme l’expression de
l’éloignement de l’individu de sa communauté d’origine et de la conviction qu’il est de la
responsabilité de tous d’aider à la reprise de cette relation1. C’est en 1974 que Mennonite
Central Commitee a introduit la médiation victime-délinquant dans le système juridictionnel
de Kitchener-Waterloo, dans l’Ontario2.
Par la suite, les principes réparateurs se sont détachés de leurs origines indigènes et
religieuses, pour devenir une partie du système de justice traditionnelles du Canada. Le
gouvernement s’y est impliqué à partir des années 1990, en promouvant les changements
législatifs nécessaires et en finançant certains programmes de justice réparatrice qui sont
venus compléter le système de la justice pénale traditionnelle au Canada.
Conformément au Service Correctionnel du Canada, la justice réparatrice est :
« une approche non conflictuelle et non punitive de la justice qui met l’accent sur la
guérison de la victime, la réinsertion significative du délinquant et la participation des
citoyens à la création d’une communauté plus sine et plus sûre.
Le délit constitue une violation des êtres et de leurs relations. La justice réparatrice
œuvre pour le dédommagement et promeut l’assainissement des voies de pacification des
relations sociales et la solution des conflits.
La justice réparatrice s’efforce d’offrir le support et les opportunités pour que les
personnes affectées par la délinquance (les victimes, les délinquants et la communauté)
communiquent et s’engagent dans la voie du dédommagement, de la réparation, de la
compréhension, jusqu’à rendre possible l’apparition des sentiments de satisfaction,
d’apaisement et de clôture des conflits »3.
1
2
3
5
Le cœur du système de justice pénale reste l’imposition, par l’Etat, de mesures
punitives à l’encontre des délinquants. La participation d’un délinquant aux programmes de
justice réparatrice n’entraîne pas la diminution de la peine, mais enrichit l’expérience que les
parties acquièrent de la justice pénale et entraîne, le plus souvent, leur conciliation.
Le présent rapport examine 6 aspects essentiels qui caractérisent ces initiatives : le
cadre législatif, les agences gouvernementales chargées de définir la politique législative et les
organisations communautaires qui gèrent les programmes, les objectifs poursuivis, l’accès aux
programmes, leur financement et leur évaluation.
6
I. LE CADRE LEGISLATIF DE LA JUSTICE REPARATRICE
_______________________________________________________
La législation relative à la justice réparatrice comporte deux volets : l’un concerne le
délinquant (A), l’autre la victime (B).
A. La législation relative au délinquant
Malgré le fait que le système pénal canadien soit essentiellement un système punitif,
des dispositions relatives à la justice réparatrice ont été introduites dans trois lois pénales
fondamentales : le Code pénal (1), la loi relative à la justice pénale pour les jeunes (2) et la loi
du système correctionnel et de la liberté conditionnelle (3).
1. Le Code pénal du Canada
Le Code pénal du Canada4 comporte plusieurs séries de dispositions pouvant fonder
des pratiques de justice réparatrice : les dispositions relatives aux mesures alternatives à la
condamnation pénale (a), les dispositions affirmant le but et les principes de la condamnation
(b), celles régissant la description, par la victime, de l’impacte de l’infraction sur sa vie (c),
celles relatives à la « surtaxe pour la victime » (d) et au dédommagement (e).
a. Les mesures alternatives à la condamnation pénale
L’article 717 du Code pénal du Canada permet au tribunal de recourir aux « mesures
alternatives à la condamnation », à l’égard d’un suspect (alleged to have committed an
offence ) dès lors que :
- il existe un programme de mesures alternatives autorisé par le Procureur général
(Attorney General) ou par le Vice-Gouverneur de la province ;
- la mesure envisagée répond aux besoins du suspect, à l’intérêt de la société et de la
victime ;
- le suspect, dûment informé, consent de s’y soumettre ;
- le suspect reconnaît sa responsabilité quant aux faits ;
- il existe suffisamment de preuves, selon l’avis du Procureur général, pour débuter la
poursuite pénale.
b. L’objectif et les principes de la condamnation
Aux termes de l’article 718, e° et f° du Code pénal canadien, l’objectif de la
condamnation est de contribuer, avec la prévention de la délinquance, au respect de la loi et
4
7
au maintien d’une société juste et sûre, par l’emploi de sanctions justes, à même d’assurer la
réparation des dommages subis par la victime et la société et d’encourager, chez le délinquant,
le sens des responsabilités et la perception du mal causé à la victime et à la communauté.
Une décision récente de la Cour Suprême canadienne (affaire R. v. Gladue), rendue
sur la base de l’article 718.2 a affirmé le principe de l’utilisation des peines alternatives
« raisonnables au vue des circonstances de l’affaire », pour tous les délinquants et notamment
pour ceux issus des communautés indigènes.
c. La déclaration de la victime concernant l’impact de l’infraction dans
sa vie
La victime a le droit de lire, lors de l’audience, une déclaration qu’elle aura rédigée
concernant l’impact de l’infraction sur sa vie, soit les dommages subis et toute conséquence
de toute nature.
d. La surtaxe pour la victime
L’article 737 du Code pénal canadien demande au juge d’imposer, en plus de la peine
prononcée, une « surtaxe pour la victime », à la charge du condamné et au bénéfice du budget
de la province. Ces fonds sont destinés à financer les programmes de services pour la victime.
Le montant de la taxe est de 15% de l’amende prononcée à l’encontre du condamné ou
à défaut, 50 dollars pour une infraction mineure et 100 dollars pour une infraction sérieuse.
Une décision récente de la Cour Suprême canadienne (affaire R. v. Gladue), rendue sur la
base de l’article 718.2 a affirmé le principe de l’utilisation des peines alternatives
« raisonnables au vue des circonstances de l’affaire », pour tous les délinquants et notamment
pour ceux issus des communautés indigènes.
e. Le dédommagement
A la fois lorsqu’il condamne ou qu’il acquitte un délinquant, le tribunal peut ordonner
le dédommagement de la victime pour tout dommage relatif aux biens ainsi que pour tout
préjudice corporel ou psychologique. Lorsque la victime est un membre de la famille du
délinquant qui a subi, en raison de l’infraction, un préjudice corporel ou la menace d’un tel
préjudice, le délinquant sera également condamné à lui payer une somme couvrant les
dépenses que celle-ci a été obligée d’engager pour quitter temporairement le domicile
familiale et vivre à l’extérieur.
2. La loi de la justice pénale pour les jeunes
La loi de la justice pénale pour les jeunes5 a été adoptée en 2002 et comporte trois
aspects compatibles avec la justice réparatrice : les principes de l’intervention judiciaires en
5
Note 5 + Remplace l’ancienne Loi des jeunes délinquants.
8
matière de jeunes délinquants (a), le régime des mesures extra-judiciaires (b) et celui des
consultations (c).
a. Les principes de l’intervention judiciaire en matière de jeunes
délinquants
Le préambule de la loi rappelle que :
- la prévention de la délinquance juvénile implique de s’attaquer aux causes de cette
dernière, de répondre aux besoins des jeunes et de leur offrir le soutient nécessaire ;
- le Canada est un pays signataire de la Convention des Nations Unies relative aux
droits de l’enfant qui reconnaît aux jeunes personnes les droits garantis par cette Convention
et par le Statut canadien des droits et libertés et par la Pétition canadienne des droits ;
- le système canadien de justice pénale pour les jeunes prend en considération les
intérêts des victimes, cultive à la responsabilité, la réhabilitation et la réintégration effective
des délinquants et se propose de limiter autant que possible la détention des jeunes
délinquants non violents.
La déclaration de principes de la loi pose les principes de son interprétation. Elle
affirme la nécessité que les mesures prises contre les jeunes délinquants permettent à ces
derniers de retrouver le respect pour les valeurs sociales et les encourage à réparer les
préjudices causés aux victimes et à la communauté. Ces mesures doivent être fondées sur la
compréhension du niveau de développement de la jeune personne et impliquer, lorsque cela
est possible, la famille, la communauté ainsi que les organismes sociaux de réhabilitation et
réintégration. Elles doivent également respecter les différences de sexe, ethniques, culturelles
et linguistiques et prendre en compte les besoins des jeunes issus des communautés
autochtones et autres besoins spécifiques.
b. Les mesures extra-judiciaires
La loi accorde sa préférence aux mesures extra-judiciaires en tant que réponse aux
délits moins graves commis par des jeunes délinquants. Il s’agit de mesures prises sans
l’intervention d’un tribunal, telles que les avertissements, les avertissements de la police et
ceux de la Couronne (Crown caution), le renvoi vers des programmes impliquant certaines
communautés, etc. L’ensemble de ces mesures assure généralement une place de choix à la
famille, à la communauté et à la victime dans la prise de décision.
c. Les « conférences »
L’article 19 de la loi régit l’utilisation de la procédure des « confrences » par les
tribunaux pour jeunes, les officiers de police, les procureurs, les travailleurs sociaux.
L’objectif de la consultation peut être de déterminer les mesures extra-judiciaires les plus
appropriées, les conditions de la libération conditionnelle et plu généralement, la sanction à
infliger au délinquant assortie d’un plan de réinsertion. La consultation réunit généralement
9
plusieurs personnes dont l’auteur, sa famille, la victime, les agents sociaux, autres
professionnels. Il s’agit essentiellement d’un mécanisme réparateur qui tend à développer les
propositions de réparation des dommages causés à la victime6.
La Déclaration annuelle du département de la justice de 2005 comporte une évaluation
des effets de la loi. Suite à son introduction, le nombre de jeunes délinquants poursuivis avait
baissé de 16% par rapport à l’année précédente, alors que l’utilisation des mesures extrajudiciaires par la police a augmenté ; les mesures utilisées ont été plus diversifiées. En
revanche, les tribunaux n’ont pas fait un très large usage des consultations avant de prononcer
la condamnation.
2. La loi de la correction (à voir) et de la probation
La loi de la correction et de la probation7 de 1992 régit les conditions de détention et
de libération des détenus. Elle régit pour l’essentiel l’exécution des peines d’emprisonnement,
la réhabilitation et la réintégration des ex-détenus dans la société, mais contient également
quelques dispositions relatives à même de faciliter des approches « réparatrices ». Ainsi, le
commissaire (commissioner) peut communiquer à la victime les informations relatives à
l’identité du délinquant, le cas échéant sa détention provisoire, la nature de l’infraction
retenue à sa charge, la peine infligée avec la date du début de l’exécution, l’appréciation
portée sur le délinquant, l’adresse de l’établissement dans lequel il exécute sa peine, la date de
sa libération simple ou conditionnelle, les dates et les conditions de ses sorties.
B. La législation relative à la victime
Le 1er octobre 2003, les ministre fédéral de la justice, les ministres provinciaux et
territoriaux ont élaboré une nouvelle Déclaration canadienne des principes de base de la
justice pour les victimes d’infractions (annexe n° 1). Cette déclaration constitue le document
de référence pour les actions du Centre de mesures pour la problématique des victimes.
Les services à destination des victimes sont gérés par les gouvernements provinciaux
et territoriaux. Chacun d’entre eux a adopté une législation afférente8.
Provinces et territoires
Alberta
British Columbia
Manitoba
Legislation
Victims of Crime Act
R.S.A 2000 V-3
Victims of Crime Amendment Act, 2005
Victims of Crime Act
S.B.C. 1996, c. 48
Crime Victim Assistance Act
S.B.C. 2001, c. 38
The Victims’ Bill of Rights
S.M. 1998, c. 44
6
7
8
10
New Brunswick
Newfoundland
And Labrador
Northwest Territories
Nova Scotia
Nunavut
Victim’s Services Act 1987
S.N.B. 1987 c. V-21 as amended by
SNB 1996, c. 36
Victims of Crime Services Act
R.S.N.L. 1990 c. V-5
Victims of Crime Act
R.S.N.W.T 1988 c. 9
Victim’s Rights and Services Act
S.N.S. 1989 c. 14 amended 1992 c. 36,
2000 c. 4 s.. 86-92
Victims of Crime Act (Nunavut)
R.S.N.W.T. 1988 c. 9 as amended by
statutes enacted under S. 76.05 of
Nunavut Act R.S.N.W.T 1988 c. 34
Les services offerts aux victimes diffèrent d’une province à une autre, tout comme les
méthodes utilisées : certains gouvernement assurent ces services au niveau central, d’autres
délèguent plus aux divers intervenants tels que la police, les tribunaux, les organisations
communautaires9.
9
Pour plus de détails, voire « Le coxte de programmes et services pour les victimes d’infractions au Canada »
11
II. LES ACTEURS DE LA JUSTICE REPARATRICE
_______________________________________________________
La législation relative à la justice réparatrice comporte deux volets : l’un concerne le
délinquant (A), l’autre la victime (B).
A. Les services du gouvernement fédéral
1. Le département de la sécurité publique et de la
préparation aux urgences
Ce département agit à travers deux organes qui sont l’Office national des victimes et
l’Ombudsman fédéral pour les victimes.
L’Office national des victimes fournit l’information générale destinée aux victimes et
au public, assure le renvoi vers le Service de correction du Canada (CSC) et le Conseil
national de liberté conditionnelle (NPB) pour des recherches spécifiques. Il est également
l’instance de recours pour les plaintes relatives aux services fournis par CSC et NPB.
L’Ombudsman fédéral pour les victimes10 est chargé de :
-
faciliter l’accès des victimes aux programmes et services fédéraux en leur
fournissant des informations et en les renvoyant vers les organismes
compétents ;
-
traiter les plaintes des victimes conformément aux dispositions de la Loi de la
correction et de la libération conditionnelle ;
-
œuvrer pour que le personnel de la justice pénale ainsi que le monde politique
prennent conscience des besoins des victimes et connaissent le système
législatif élaboré à leur bénéfice.
2. Le Service correctionnel
Le Service correctionnel du Canada (CSC) gère un programme dit d’opportunités
réparatrices qui offre des services de médiation victime-délinquant. Malgré la variété des
procédures employées, plusieurs traits communs définissent ce type d’action :
-
participation volontaire à toutes les étapes de la procédure ;
-
travail de préparation très étendu. La mise en place complète d’un programme
prend généralement plusieurs années ;
-
règles procédurales précises et détaillées de protection des droits de la victime
et du délinquant ;
10
12
-
le maintien d’une confidentialité stricte afin de ne pas influer sur les décisions à
prendre quant à la libération conditionnelle ;
-
intervention de médiateurs qualifiés et neutres.
La médiation peut prendre plusieurs formes : des conversations face à face, échange
de lettres, échanges de cassettes vidéo. L’objectif recherché est d’ouvrir la communication et
non d’aboutir à un accord négocié.
Les programmes offerts par le SCS sont détaillés ci-dessous.
3. Le Département de Justice
Le Département de la Justice du Gouvernement fédéral travaille pour l’intégration des
méthodes de la justice réparatrice dans le système de justice pénale.
En son sein, l’Equipe départementale de réforme des condamnations assure la
coordination et le contrôle des actions du gouvernement, dans cette matière, dans l’ensemble
du pays alors que le Centre de Politique de la problématique des victimes est chargé d’une
part d’informer les victimes et leurs familles de la possibilité de bénéficier des procédures de
justice réparatrice et d’autre part, d’agir pour le développement de la justice réparatrice en
suscitant l’intérêt et l’initiative politique, en promouvant la sensibilisation et la formation des
personnels, en diffusant l’information relative aux réussites obtenues dans le domaine autant
au Canada qu’à l’étranger11.
Le Département est également chargé de développer et d’assurer l’application d’une
politique judiciaire et d’une législation répondant aux besoins de la population autochtone (cf.
ci-dessous).
4. Le Comité national de probation
Le Comité national de probation (NPB) décide quant aux libérations conditionnelles,
les amnisties, et formule des recommandations en matière de grâce. Avec la loi relative aux
corrections et à la libération conditionnelle, le Comité assume des nouvelles fonctions tendant
à développer l’implication de la communauté et des victimes dans le processus décisionnel en
matière de libération conditionnelle. Il existe, dans chaque région, des Officiers de liaison de
la communauté et des Officiers de liaison de la victime12, dont la principale tâche est de
promouvoir l’implication de la communauté et de la victime dans le système de probation.
B. Les organisations communautaires
C’est à partir des années 1970 que des organisations religieuses ou non
gouvernementales ont commencé à offrir des programmes et des services aux victimes et aux
délinquants, avant toute reconnaissance gouvernementale de ces questions et avant que
11
12
Note 13 dans l’original anglais
Note 14 dans l’original anglais
13
l’opinion publique ne s’y intéresse. C’est ce mouvement qui a conduit aux changements qui se
sont matérialisés aujourd’hui dans le système canadien.
A ce jour, ce sont ces mêmes organisations qui gèrent une partie importante des
programmes de justice réparatrice disponibles et qui constituent le cœur du système canadien
de justice réparatrice. Les programmes disponibles sont trop diversifiés pour qu’ils puissent
faire l’objet d’une présentation exhaustive. Toutefois, peuvent être utilement consultés les
sites Internet de quelques organisations de ce type.
Organisation
Collaborative Justice
Project
Fraser Regional
Community Justice
Initiatives Association
Mennonite Central
Committee Ontario
Community Mediation
Services, Newfoundland
Turnings
Calgary John Howard
Society
Site Internet
www.collaborativejustice.ca
www.cjibc.org
www.mcc.org/Ontario/restorativejustice/
www.cmservices.org/restotative_justice.html
www.turnings.ca/index.swf
www.johnhoward.calgary.ab.ca
14
III. LES PRINCIPAUX PROGRAMMES
_______________________________________________________
Il existe trois grands types de programmes de justice réparatrice : les cercles, les
groupes de consultation avec la famille, la médiation victime-délinquant13.
Nous présentons ci-dessous quelques-uns des programmes offerts par le Service
correctionnel du Canada14. Ces programmes interviennent à tous les stades du processus
pénal.
A. Les « Cercles »
1. Les différents types de « cercles »
Les cercles de soutien et de responsabilisation sont constitués par des groupes de
volontaires, souvent des communautés religieuses, qui concluent un « accord » avec un
délinquant sexuel présentant un taux élevé de risque et qui a exécuté intégralement sa peine
qui prévoit d’une part, que le délinquant accepte l’aide et les conseils du Cercle concernant le
suivi d’un traitement adéquat et un comportement responsable au sein de la société et d’autre
part, que le Cercle aide le délinquant à trouver un milieu de vie sain et se pose en médiateur
entre le délinquant et la société. La participation de la victime n’est pas nécessaire, mais le
Cercle peut communiquer avec elle.
La justice collaborative se propose d’offrir des solutions plus satisfaisantes que la
justice traditionnelle aux victimes, aux délinquants et à la communauté dans l’hypothèse
d’infractions graves. Un coordinateur travaille avec toutes les parties impliquées afin de
déterminer la méthode d’action la plus appropriée pour chaque situation. Il s’agit d’une
approche holistique qui met l’accent sur le soutien, l’information, la sécurité, la
responsabilisation, la réparation et la réintégration.
En 2002, le Projet de justice réparatrice de l’Ottawa a reçu des fonds pour soutenir
l’extension de la médiation engagée dans la phase de poursuite pénale à l’étape postcondamnation, dans l’hypothèse des infractions graves et violentes.
Les cercles de conciliation trouvent leurs racines dans la tradition indigène et sont
fondés sur la croyance que la responsabilité première pour toute infraction revient à la
communauté et non seulement au délinquant. Ces cercles cherchent à identifier les problèmes
souterrains et à restaurer l’équilibre rompu par l’infraction à chaque fois que cela est possible.
Sont souvent explorés des aspects plus larges de la délinquance, ainsi que la problématique de
la prévention, bien au-delà de la situation délictuelle soumise à ces cercles.
13
Note 18
Une presentation plus détaillée peut-être trouvée dans un guide élaboré par le Centre canadien de ressources
pour les victimes de crimes à l’adresse : Note 11 du doc anglais.
14
15
Les cercles de guérison sont des cérémonies qui visent l’extinction du conflit en
permettant aux participants d’exprimer leurs sentiments et en mettant en favorisant la
guérison individuelle du délinquant et de la victime.
Les cercles de condamnation réunissent la victime, le délinquant, leurs familles et les
membres de la communauté ainsi qu’un juge, un avocat, un policier et autres personnes. Les
participants chercherons à proposer au juge une sentence juste à prononcer par ce dernier. La
victime et les membres de la communauté ont le droit de s’exprimer personnellement, y
compris de s’adresser au délinquant ; ils participent à l’élaboration du plan d’exécution de la
sentence.
Les auditions assistées par la communauté sont proposées par le Comité national de
probation, pour les délinquants issus des communautés autochtones, avec l’implication de
membres de ces communautés. La procédure est similaire à celle d’une audition pour une
libération conditionnelle, à la différence que sont réunis les membres du comité, le délinquant,
l’officier de probation, la personne de support, les anciens de la communauté autochtone,
l’assistant d’audition et les victimes. Toutes ces personnes se placent en cercle. Le rôle de la
victime au sein du cercle peut varier considérablement d’une province à une autre. Dans la
province British Columbia, tous les participants au cercle peuvent parler librement et les
victimes ne sont pas contraintes à se limiter à la lecture d’une déclaration préparée à l’avance.
Elles peuvent discuter de l’impact de l’infraction sur leur vie directement avec tous les
membres du cercle, y compris avec le délinquant.
2. Les résultats obtenus
Une évaluation a été menée en 2005 sur les résultats obtenus par le programme de
justice collaborative15.
a. Les motivations
Il en ressort que les victimes et les délinquants avaient des motivations différentes
pour rejoindre ce programme. Ainsi, parmi les victimes :
- 27% ont souhaité rencontrer le délinquant pour le comprendre et connaître les raisons
de son acte ;
- 20% ont souhaité expliquer au délinquant l’impacte que le délit a eu sur elles ;
- 16,17% ont souhaité que le délinquant leur présente des excuses ;
- 16,17% ont souhaité participer à la prévention de la récidive et s’assurer que le
délinquant suivait un traitement.
Parmi les délinquants :
- 36,4% ont souhaité présenter des excuses aux victimes ; 27,3% ont souhaité offrir
une réparation et/ou ils sont arrivés à un accord avec la victime ;
- 13,6% ont souhaité connaître la victime.
15
Note 22
16
b. Le degré de satisfaction
Parmi les délinquants, 95% ont déclaré avoir le sentiment que la justice a été rendue.
Les victimes sont 78,7% à être de ce même avis. 87,8% des délinquants et 86,3% des victimes
ont déclaré que s’ils devaient être à nouveau impliqués dans une affaire judiciaire, ils
choisiraient la justice réparatrice à la place de la justice traditionnelle.
B. Les groupes de consultation avec la famille
Les Consultations de la communauté ou les Groupes de consultation avec la
famille impliquent la participation des familles et d’autres personnes qui soutiennent la
victime, respectivement le délinquant et qui ne sont pas forcément des membres de leurs
familles. Ces cercles favorisent le dialogue et la compréhension réciproque, sous la
coordination d’un médiateur spécialement formée.
C. La médiation victime-délinquant
Dans les programmes de médiation victime-délinquant (VOMP) initiés il y a 25 ans
au Canada, la médiation offre aux victimes et aux délinquants l’opportunité d’une rencontre
sûre et structurée, avec l’assistance d’un médiateur spécialisé. Durant les 10 dernières années,
ce type de programme a été également utilisé pour traiter d’infractions graves.
Durant ces rencontres, les victimes décrivent souvent l’impacte physique, émotionnel
et financier de l’infraction dans leur vie, reçoivent des réponses à des questions qu’elles
ressassaient depuis longtemps concernant l’infraction et le délinquant, et participent
directement à la recherche d’une solution. Le délinquant se voit offrir la possibilité de
formuler des excuses, d’offrir des informations, de participer à l’élaboration des solutions
réparatrices et de réaliser l’introspection nécessaire pour sa propre évolution personnelle. Ce
processus est parfois facilité par un échange d’écrits ou de vidéos.
La participation de la victime est volontaire. La participation du délinquant, bien qu’en
principe également volontaire, est parfois motivée par des avantages que cette participation lui
apporte. Aucun résultat spécifique n’est à atteindre : l’objectif du médiateur est de faciliter
l’échange entre la victime et le délinquant, de les aider à aboutir à un résultat perçu comme
juste par tous les deux. Ce résultat sera à son tour différent en fonction du stade du processus
pénal auquel le programme a été mis en place.
Un exemple de programme de ce type est celui en vigueur dans la province British
Columbia. Le CSC a confié la gestion du programme à l’association Fraser d’initiative de
justice de la communauté régionale de Langley16. Dans le reste du Canada, le CSC offre des
médiations victime-délinquant par l’intermédiaire de l’Union des résolutions pour les
contestations et la justice.
Les abris de guérison sont destinés aux délinquants issus des communautés
autochtones qui exécutent une condamnation fédérale. Ces « abris » cherchent à refléter
16
Fraser Region….
17
l’espace physique et le mode de vie des population autochtones et à répondre aux besoins des
délinquants par des enseignements autochtones, des cérémonies, du contact avec les anciens
et les enfants et par l’interaction avec la nature. Les programmes offerts sont individualisés,
basés sur une approche holistique, une relation interactive avec la communauté et une
orientation ferme vers la préparation de la libération. Le programme accorde une valeur haute
au guidage spirituel et à l’évolution des délinquants à l’aide de l’expérience de vie du
personnel. Les victimes et la communauté n’y participent pas.
Dans le dialogue de remplacement victime-délinquant (dialogue de justice
réparatrice), la victime ou le délinquant peut choisir de rencontrer une personne qui a
commis la même infraction ou a en a été victime d’une manière similaire. Ce dialogue « de
remplacement » s’est montré bénéfique pour les victimes qui souhaitaient faire l’expérience
d’une médiation réparatrice, mais qui, pour diverses raisons, n’ont pas pu participer
personnellement à la rencontre avec leur propre agresseur ou encore en tant qu’acte
préparatoire pour une rencontre avec ce dernier à l’avenir. Il s’est également montré
bénéfique pour les délinquants qui voulaient participer à un tel programme alors que leur
victime ne souhaitait pas les rencontrer.
2. Résultats obtenus
Une évaluation du programme de justice collaborativeGénéralement, les victimes et
les délinquants ont Dans le dialogue de remplacement victime-délinquant (dialogue de
justice réparatrice), la victime ou le délinquant peut choisir de rencontrer une personne qui a
commis la même infraction ou a en a été victime d’une manière similaire. Ce dialogue « de
remplacement » s’est montré bénéfique pour les victimes qui souhaitaient faire l’expérience
d’une médiation réparatrice, mais qui, pour diverses raisons, n’ont pas pu participer
personnellement à la rencontre avec leur propre agresseur ou encore en tant qu’acte
préparatoire pour une rencontre avec ce dernier à l’avenir. Il s’est également montré
bénéfique pour les délinquants qui voulaient participer à un tel programme alors que leur
victime ne souhaitait pas les rencontrer.
18
IV. LE CHAMP D’APPLICATION DES PROGRAMMES
____________________________________________________
A. Gravité des infractions
La plupart des programmes de justice réparatrice offrent des services à destination des
délinquants et des victimes des infractions mineures et sans violence. Cependant, le nombre
de programmes applicables aux infractions sérieuses est en constante augmentation. Tel est le
cas du Projet de justice collaborative (cf. ci-dessus).
B. Statut du délinquant
Les initiatives de justice réparatrice ont notamment été développées en direction des
jeunes et des autochtones.
L’utilisation de la justice réparatrice pour les jeunes délinquants fait partie de la
politique du gouvernement tendant à apporter un renouveau de la justice pénale pour les
jeunes, mettant l’accent sur la prévention, les mesures alternatives, la réhabilitation et la
réintégration des jeunes délinquants17. La loi de la justice pénale pour les jeunes impose aux
officiers de police de faire appel aux mesures extrajudiciaires telles l’avertissement et/ou le
renvoi vers un programme de justice réparatrice ou une agence communautaire à même
d’offrir au jeune délinquant le soutien nécessaire pour qu’il ne récidive pas.
En ce qui concerne les délinquants issus des communautés autochtones, le
gouvernement a développé « la stratégie de la justice pour les autochtones » (AJS)18 qui part
du constat de la surreprésentation de la population autochtone en milieu carcéral (les
autochtones représentent 3% de la population adulte du Canada, mais 15% de la population
des établissements pénitenciers provinciaux et 17% de la population des établissements
fédéraux). Cette « stratégie » comporte deux composantes : d’une part, des programmes de
justice communautaire dont les coûts sont pris en charge par les gouvernements provinciaux
et territoriaux et d’autre part, des initiatives tendant à la formation des autochtones et à leur
implication dans l’administration locale de la justice, avec les objectifs suivants :
-
contribuer à diminuer la taux de délinquance et de victimisation dans les
communautés autochtones où opère cette stratégie ;
-
assister les communautés autochtones à assumer des responsabilités
grandes dans l’administration locale de la justice ;
-
assister les communautés autochtones afin qu’elles offrent une meilleure
information, dispensée en temps utile au sujet des programmes
communautaires financés par l’AJS ;
plus
17
18
19
-
prendre en considération et intégrer les valeurs pertinentes de la culture
autochtone dans l’administration de la justice au Canada.
AJS soutient quatre types d’actions de justice réparatrice, par des financements des
gouvernements provinciaux et territoriaux :
-
les mesures alternatives ;
-
les cercles communautaires de condamnation et de conciliation ;
-
la médiation et l’arbitrage dans les affaires familiales et civiles ;
-
les programmes de justice tribunaux / communauté.
Ces programmes sont conduits par les communautés autochtones, telles que : les
Conseils des premières nations et les Conseils tribaux, les coalitions aborigènes urbaines, les
Hameaux inouïtes, les Organisations métisses et autres organisations.
C. Etape du processus pénal
L’accès aux programmes de justice réparatrice peut avoir lieu à tout moment du
processus pénal : durant l’enquête menée par les organes de police (avant l’accusation « precharge »), après l’intervention du ministère public (après l’accusation « post-charge »), après
la saisine du tribunal (pre-sentence), après la condamnation (post-sentence) et durant le temps
de probation (parole).
Initiative du renvoi. VOMP : renvoi par la victime, le personnel de la prison, les
agents de probation, les agences communautaires, les officiers de police et les agences de
services à la victime.
20
IV. LE FINANCEMENT DE LA JUSTICE REPARATRICE
____________________________________________________
Le financement des programmes de justice réparatrice revient aux gouvernements
fédéral, provinciaux et locaux qui choisissent décident quels sont les programmes qu’ils
financent chaque année. S’ajoute à cela la « surtaxe pour la victime » qui finance elle aussi les
programmes de services aux victimes19.
A titre d’exemple, le Gouvernement fédéral a alloué, en 2005, 25 millions de dollars
qui seront débloqués sur une période de 5 ans, au Centre de politique pour la problématique
des victimes pour qu’il continue son mandat. Il a également décidé d’allouer 13 millions de
dollars par an, pendant quatre ans, à compter du 1er avril 2007, destinés à être employés au
niveaux central et local, y compris pour le Département de justice, l’Ombudsman fédéral pour
les victimes des délits, le département de sûreté publique, le Service correctionnel du Canada
et le Comité de libération conditionnelle.20
19
20
Note 19
Note 20
21