Quelle est la vraie vie des femmes détectives

Transcription

Quelle est la vraie vie des femmes détectives
questions d’aujourd’hui
choisi un métier
“ J’ai
où la monotonie
n’existe pas ”
Quelle formation
suivre ?
Adolescente, j’adorais lire des
romans policiers. Plus tard, je
Elles nous fascinent
dans les séries policières
EXCL
U
SIF
témoElles
ig
pournent
Quelle est la vraie vie
des femmes détectives ?
m
Les détectives
privées sont aussi
fascinantes que
leurs intrépides
homologues,
héroïnes de séries
télévisées.
V
ous adorez le lieu­
tenant Jane Rizzoli
(dans la série Riz­
zoli and Isles) ?
L’agent ­Carrie Ma­
thison (l’héroïne de Homeland)
vous fascine ? Vous gardez un
­souvenir impérissable des trois
filles de Drôles de Dames ? Si les
femmes détecti­ves font les beaux
jours des séries ­télévisées, elles
existent aussi dans la vraie vie.
Longtemps la chasse gardée des
hommes, cette profession s’est
beaucoup féminisée ces der­
nières années. En effet, elles
s’inscrivent de plus en plus aux
formations menant au ­diplôme
universitaire professionnel, ob­
tenu après avoir suivi un cursus
ad hoc. Entrez dans l’univers des
détectives privées… 26 k maximag.fr
“ Je lutte contre les injustices ”
Sabrina Hamoudi, 34 ans (Saint-étienne)
Quand je dis que je suis « détective privée », les gens ont sou­
vent la même réaction : ils ouvrent
de grands yeux et me posent plein de
questions ; est-ce que je fais des fila­
tures pour surprendre des femmes
infidèles ? Est-ce qu’il m’est déjà
­arrivé d’avoir peur ? Je leur réponds
que je n’ai pas plus de raisons qu’un
homme d’avoir peur, que j’ai effecti­
vement effectué quelques filatures
de maris volages ou d’épouses infi­
dèles au début de ma carrière, mais
qu’aujourd’hui je suis spécialisée
dans la contre-enquête pénale, donc
la recherche de preuves pour aider
une personne, qui s’estime ­accusée
à tort, à prouver son innocence.
Mes clients sont souvent des gens
devant qui toutes les portes se sont
fermées : ils sont incarcérés, en
­attente de leur jugement, et tout les
accuse. Ou pire, ils ont déjà été
condamnés par un tribunal et ils
n’ont plus de recours en justice pour
faire appel de leur condamnation,
sauf si je peux apporter un élément
nouveau dans leur dossier. Ce sont
les accusés eux-mêmes, leurs
­parents, ou encore leur comité de
soutien (souvent un groupe de
­personnes proches), parfois aussi
leur avocat, qui font appel à moi.
Prendre leur dossier est une grosse
responsabilité car leurs espoirs
d’être innocentés reposent sur moi.
Mon travail est d’empêcher des
erreurs judiciaires. Une de mes plus
belles ­enquêtes a permis d’inno­
center six lycéens condamnés pour
le viol d’une employée de l’établisse­
ment où ils étaient scolarisés. Mes
investigations ont non seulement
permis d’établir qu’aucun d’eux ne
pouvait se trouver matériellement
sur les lieux du crime au moment
­fatidique, mais aussi que la victime,
une personne fragile souffrant de
troubles psychologiques, avait déjà
lancé de fausses accusations dans le
passé. Rejugés, tous les garçons ont
été acquittés par la cour d’assises des
mineurs.
Jusqu’à présent, je n’ai trouvé que
des éléments permettant de douter
de la culpabilité d’un accusé. Si un
jour ce n’était pas le cas, ou si, pire,
je devais trouver d’autres éléments à
charge, je le dirais au client qui m’em­
ploie, mais je ne les livrerais pas à la
justice car ce n’est pas mon rôle. Site Internet de l’Ardd (Agence de
recherche pour la défense des droits) :
contre-enquete-judiciaire.fr.
­ évorais des traités de criminologie
d
ou les livres sur les serial killers. Pour
autant, je n’envisageais pas de deve­
nir gendarme ou d’entrer dans la
­police car cela me semblait trop
contraignant. Mais quand j’ai enten­
du parler de la formation d’enquê­
teur de droit privé, j’ai été séduite par
la perspective d’un travail où la
­monotonie n’existe pas, où il n’y a ni
contrainte horaire ni hiérarchie. Je
me suis donc inscrite à l’Institut de
formation des détectives et enquê­
teurs de Montpellier. Dans ma
­promotion, j’étais loin d’être la seule
fille : sur une classe de dix-huit, il y
avait cinq garçons. J’ai découvert les
techniques de repérage, de filature,
de planque. Cela m’a beaucoup plu !
En sortant de l’école, j’ai créé mon
agence avec un investissement mini­
mum : pour travailler, un détective
n’a besoin que d’un téléphone, un
ordinateur et un appareil photo. Aujourd’hui, ma vie profession­
nelle a beaucoup d’impact sur ma vie
privée : je peux être amenée à partir
tôt le matin, à travailler toute la nuit,
à partir plusieurs jours sans donner
de nouvelles. Je peux être obligée
d’annuler une soirée et même des
vacances à cause d’une urgence de
­boulot. Quand on est détective pri­
vée, il vaut mieux avoir un conjoint
patient et compréhensif ! D’autant
que pour l’instant, mon métier me
passionne tellement qu’il passe avant
l’envie de fonder une famille.
Comme tout détective, je dois être
un caméléon. Cela signifie s’habiller
le matin en fonction de la mission
que je vais accomplir et de l’envi­
ronnement dans lequel je dois évo­
luer : jean et ballerines passe-partout
pour une filature ; tailleur, veste et
es­carpins si je dois croiser des
­personnes dans une soirée politique ;
ou encore maillot de bain et coupevent pour passer inaperçue dans le
milieu du surf, important dans ma
région. La règle étant de n’être « ni
belle ni moche », de façon à ne pas
se faire remarquer.
Je traite beaucoup de dossiers
d’adultère. Mais mon activité se
­diversifie de plus en plus : espionnage
industriel, fraude, recherche de
­personnes disparues, infiltration
en ­entreprise (pour démasquer un
chapardeur ou réunir des preuves
de harcèlement au travail, par
exemple). Dernièrement, une mis­
sion m’a particulièrement émue : il
s’agissait d’un père divorcé qui avait
obtenu une garde alternée pour son
enfant, mais qui n’arrivait pas à voir
sa fille car la mère la cachait, chez
elle ou chez des proches, quand il
passait la chercher. Il était désespéré
et m’a demandé de suivre sa fille une
journée entière afin de savoir où elle
serait lorsqu’il viendrait la ­récupérer,
accompagné des gendar­mes. Je me
souviendrai longtemps du sourire de
cette fillette quand elle a retrouvé
enfin son papa.
Site Internet de Red France (Recherche
enquête détective France) : red-fr.com.
Par Cyril Guinet
L’avis de l’expert
“être une femme peut être un véritable avantage”
Les femmes sont
moins repérables en
filature : non seulement on
imagine mal être suivi par une
femme, mais les détectives
peuvent facilement changer
d’apparence ; s’attacher les
cheveux en chignon ou les laisser
longs, troquer un jean contre un
tailleur strict.
Les femmes ont aussi plus
de facilité à recueillir des
renseignements car les deux
sexes parlent sans difficulté à une
femme : une éventuelle cliente
poussera plus aisément la porte
de l’agence d’une détective pour
lui confier ses problèmes de
élodie Bance*
couple, ses problèmes avec
ses parents ou ses enfants…
Pour quel genre d’affaires
s’adresser à une détective
privée ?
Quand on soupçonne son
conjoint d’adultère, les détectives
privées peuvent recueillir des
preuves. De même, si l’on
souhaite retrouver une personne
disparue, l’enquêtrice peut la
rechercher. Mais attention, tout
adulte majeur a le droit de partir
sans donner de nouvelles à
son entourage : si la détective le
retrouve, elle doit lui dire qui
désire le retrouver et elle peut lui
remettre une lettre préalablement
rédigée par son client.
Cependant, si cette personne
ne veut pas être retrouvée, la
privée n’a pas le droit de passer
outre et de communiquer ses
coordonnées. L’enquêtrice
peut aussi rechercher des
témoins d’accident de la route
ou d’agressions, par exemple.
Enfin, si quelqu’un vous doit
de l’argent et que vous en avez
la preuve (lettres de créance,
courrier d’huissiers, injonction
du tribunal à rembourser), elle
peut le rechercher.
* Directrice d’enquête et porte-parole
du Snarp (Syndicat national des agents
de recherche privés).
Combien gagne
un détective
privé ?
Il est possible de faire
ce métier en s’installant
à son compte ou bien
en travaillant en agence.
Un enquêteur salarié
débutant dans une
agence gagne le Smic,
avec intéressement
sur le chiffre d’affaires.
S’il est à son compte,
le détective perçoit des
honoraires, en fonction
des missions positivement
menées. Il peut compter un
tarif journalier ou horaire
(entre 60 et 120 euros
de l’heure en moyenne).
Photos CRM/Shutterstock ; Audras, Pasquini/REA
Stéphanie Dumas, 30 ans (Bayonne)
L’enquêteur de droit ­privé
possède un bac général suivi
d’une formation d’agent de
droit privé : l’Institut de for­
mation d’agent de recherche
(Ifar) de Montpellier (établissement privé) est accessible
avec un niveau bac + 2. Et
un n
­ iveau bac + 3 ouvre les
portes des formations publi­
ques de Paris-II à Melun et de
l­’Université de Nîmes.
Comment se déroule le
cursus ?
La formation dure un an, avec
six mois de cours théoriques,
des travaux pratiques comme
des filatures sur voie publique,
et un stage. Cette formation
est validée par un diplôme
univer­sitaire pro­fessionnel.
Attention aux cours par
correspondance : la formation proposée, uniquement
théorique, est très in­suffisante
en termes de qualité et d’efficacité. De surcroît, elle n’est
pas adaptée à la législation française.
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