L`évaluation de l`enseignement-apprentissage de l`allemand

Transcription

L`évaluation de l`enseignement-apprentissage de l`allemand
L’ENSEIGNEMENT DE L’ALLEMAND DANS L’ACADEMIE
évaluation (D. Huck)
2
L’évaluation de l’enseignement-apprentissage de l’allemand, langue
régionale, dans les sites bilingues à parité horaire de l’académie de
Strasbourg
Elements critiques pour un bilan qualitatif et quantitatif
Dominique HUCK
Université Marc Bloch, Strasbourg
Concevoir une évaluation dans le champ éducatif institutionnel, et
singulièrement dans le domaine de la langue régionale à parité horaire, ne relève
pas d’un geste technique. Elle ressortit à la volonté institutionnelle qui impulse
la demande d’évaluation, mais qui peut, elle-même, être conditionnée par les
débats qui entourent la mise en place, puis la construction progressive d’un
dispositif éducatif où la langue régionale est dotée d’un statut horaire identique à
celui de la langue française.
Aussi une telle évaluation doit-elle tenter d’inventorier les questions explicites et
implicites qu’elle pourrait étudier, puis sélectionner son propre objet et enfin
définir l’angle d’examen qui semble le plus apte à éclairer les champs retenus.
Cette contribution voudrait faire un bilan quantitatif et qualitatif critique de la
genèse des travaux d’évaluation qui ont été menés à l’initiative des Recteurs de
l’Académie de Strasbourg, des conditions de la conception des évaluations, de
leur exploitation et de leurs prolongements et conséquences, en restant
essentiellement dans le champ de l’empirie (1991/1992-1995/1996 ; 1997/1998 ;
2001/2002).
I. LES CONDITIONS EXTERNES
La question de l’enseignement de la langue régionale à l’école primaire dans
l’Académie de Strasbourg, quelles qu’en soient les modalités, reste une
constante historique depuis 1919. C’est dire qu’elle n’a jamais cessé d’être dans
l’actualité immédiate des débats sur l’école, sur la pertinence et l’utilité de cet
enseignement, sur sa justification et son rôle social. Au fur et à mesure que
s’opèrent des mutations parfois très profondes au sein de la texture de la société,
la place de cet enseignement est sans cesse réévaluée par le corps social et ses
représentants politiques. Dans ce sens, l’Académie de Strasbourg a pu
accumuler une longue expérience d’enseignement, mais aussi une longue
expérience des questions que soulève un tel enseignement.
La mise en place de l’enseignement de l’allemand à 2/3 heures au CM
(1972/1974) ; la mise en place de l’enseignement bilingue à parité horaire
(1992)
évaluation (D. Huck)
3
1.1. 1972 : La mise en place de l’enseignement de l’allemand à 2/3 heures au
CM
L’enseignement, tel qu’il est prodigué aujourd’hui dans la plupart des classes de
CM, se fonde essentiellement sur la réintroduction de l’enseignement de
l’allemand aux CM1 et CM2, à titre expérimental en 1972, à raison de 2 heures
hebdomadaires, avec vocation d’être généralisé à tous les CM à partir de 1974.
Le taux de couverture a atteint et dépassé assez rapidement 90 % des CM de
l’Académie de Strasbourg. Cette réintroduction s’est heurtée à toutes sortes
d’oppositions, dès l’intention connue.
En effet, jusqu’en 19761 au moins, le souci principal des responsables du
système éducatif reste clairement l’acquisition du français. Cet objectif
prioritaire laisse à penser que l’usage des dialectes est encore largement répandu
au point qu’il pourrait entraver une pratique courante du français. A cette
époque, l’enseignement de l’allemand inspire toujours la crainte qu’une partie
au moins des enfants ou des jeunes dialectophones pourrait préférer l’allemand
au français et qu’il puisse générer une discrimination parmi les enfants. Dès
mars 1972, une lettre signée par un certain nombre d’universitaires illustre cette
inquiétude : « (…) L’enseignement de l’allemand devra conserver un caractère
facultatif : il y a dans les écoles d’Alsace des élèves de l’« intérieur » et des
étrangers ; en tout état de cause la liberté de choix des parents doit être, ici
encore, respectée. »2 Ce ne sera que le début d’une période plus ou moins
conflictuelle jusqu’en 1982.
1.2. 1992 : La mise en place de l’enseignement bilingue à parité horaire
A partir de 1990, les demandes d'enseignement bilingue se font de plus en plus
pressantes. Les représentations qu'en ont et les demandeurs et l'administration
scolaire sont à la fois largement divergentes et très imprécises, quant aux
objectifs, aux contenus et à l'organisation.
Il s'agit très nettement d'un conflit à propos d'un principe qui reste fortement lié
à des lectures du monde radicalement divergentes. Une association de parents
d'élèves militant en faveur du bilinguisme, soutenue progressivement par les
élus locaux de différentes sensibilités politiques, puis relayée par les
collectivités territoriales, accentue la pression sur l'administration scolaire pour
obtenir satisfaction.
1
Cf. encore l’entretien accordé par Georges Holderith à la revue rectorale en janvier 1976 : « J’ai donc
voulu trouver une solution qui assure d’abord et avant tout la primauté de l’enseignement du français,
qui est la langue nationale. (…) Le problème a donc été pour moi de trouver, sur le plan pédagogique
et sur celui de l’enseignement de l’allemand à l’école élémentaire, une solution qui permette d’avoir
une connaissance large, sûre et riche de la langue allemande, sans que cet enseignement porte atteinte
à l’enseignement prioritaire du français. » (Georges Holderith et Gérard Hoffbeck : « La réforme
Holderith par G. Holderith » in Revue de l’Académie de Strasbourg n°2 (janvier 1976) [pp.6-13], p.6)
2
lettre de J.M. BISCHOFF, F. ISCH, R. MEHL et M. SIMON, doyens ou anciens doyens d’une
faculté, reproduite dans le Nouvel Alsacien du 10.03.72 ; c’est nous qui soulignons.
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Durant l'automne 1990, à plusieurs reprises, les représentants de l'Education
Nationale refusent, de façon définitive3, d'envisager un enseignement bilingue. Il
s’agit d’une position de principe : ni débat, ni dialogue ne sont de mise.
Ce sera donc un pur rapport de force de nature politique que le ministre de
l'Education Nationale sera amené à trancher au mois de décembre de la même
année (1990). Dans un communiqué de portée générale sur le développement de
l'enseignement de l'allemand en Alsace, apparaît pour la première fois le terme
de «bilingue» : «Des expériences bilingues comportant l'enseignement en
allemand d'une matière du programme de l'école élémentaire pourront être
engagées dans chacun des départements concernés. La localisation devra être
choisie, ses modalités de déroulement, de suivi, d'évaluation déterminés en
concertation instituée avec les enseignants, les parents d'élèves et les élus.»4
Puis la situation évoluera à une vitesse surprenante et présentera, 9 mois après,
des contours totalement nouveaux : des modules d’enseignement disciplinaires
en allemand (3 heures) sont offerts dans 61 classes, de la Moyenne Section
maternelle au CM2, en plus de l’enseignement de langue (3 heures). L'ampleur
quantitative (61 classes) et l'empan des niveaux (de la MS au CM 2)
surprennent, pour ce qui est annoncé comme une «expérimentation». Et dès la
rentrée de septembre 1992, suivra l'ouverture de 10 classes bilingues à parité
horaire, uniquement implantées à l'école maternelle.
A nouveau, l'ampleur et la rapidité de l'évolution auront pris de cours l'ensemble
des partenaires concernés, pour l’application des mesures prises. Ainsi, entre
l’automne 1990 et septembre 1992, en moins de deux ans, l’autorité scolaire a
passé d’un refus catégorique d’envisager un quelconque enseignement
disciplinaire en allemand à une mise en place d’un enseignement bilingue à
parité horaire, en affichant son intention de l’installer dans la durée. Si ce
changement spectaculaire reste sans doute également l’effet d’un changement de
personne à la tête du rectorat de l’Académie, il n’en reste pas moins qu’un tel
revirement amènera un état d’impréparation structurelle, didactique et
pédagogique.
La trace de ce virage impromptu reste perceptible dans les premières évaluations
qui seront entreprises dès 1991/1992. En effet, c’est durant cette année scolaire
qu’est mis en place un enseignement disciplinaire en allemand (3 h), en sus de
l’enseignement de la langue (3 h). Des recommandations que formulera la
Commission académique d’évaluation de l’enseignement des langues (1er degré)
émane une inquiétude masquée qui fait sans doute écho à ce changement radical
et non préparé.
3
Par exemple: prise de position du Recteur Deyon dans le quotidien «L'Alsace» du 5.10.1990, p. R2:
«Le recteur et l'allemand à l'école, évidence et limites»
4
« Communiqué du 18 décembre 1990 », in : DEYON Pierre (19901) Le programme Langue et
culture régionales en Alsace (1982-1990), Strasbourg, C.R.D.P, pp. 59-60
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5
2. Les conditions politiques et sociétales
2.1. Les changements dans les pratiques linguistiques et les représentations
A partir des années soixante-dix, les acteurs du corps social ont très
profondément transformé leurs pratiques linguistiques dans les interactions au
quotidien : les parlers alsaciens, dialectes de l’allemand, ont commencé à perdre
la place centrale qui leur était dévolue et sont remplacés, à la charnière des XXe
et du XXIe siècles, par le français dans de très nombreux domaines de la vie ; la
présence de l’allemand standard écrit endogène, très importante encore à la fin
des années soixante et au début des années soixante-dix, n’occupe plus qu’une
place marginale aujourd’hui : il est, lui aussi, remplacé par le français. Le
français est associé à la modernité, aux changements dans l’évolution des
comportements sociaux, à des formes d’émancipations ; l’allemand et les
dialectes alsaciens restent plutôt ancrés, dans les représentations des locuteurs,
dans la tradition, dans une société immobile, reproductrice de schémas sociaux
anciens, renvoyant à un passé ressenti parfois comme suspect. Aussi, la valeur
sociale et culturelle des dialectes et de l’allemand standard s’est-elle
considérablement affaiblie. Si la demande du corps social pour un enseignement
de l’allemand est restée probablement majoritaire jusque vers la fin du XXe
siècle, ce n’est pas tant par conformité sociale ou par nostalgie que par absence
d’alternative. En effet, l’allemand reste pratiquement la seule langue enseignée à
l’école élémentaire. Par ailleurs, le statut de l’allemand a également évolué, dans
les représentations des locuteurs alsaciens, de la langue traditionnelle de l’écrit
de l’espace alsacien vers une langue étrangère de proximité qu’il était
économiquement intéressant d’investir.
2.2. Le débat autour de l’allemand et de son enseignement
Cela n’a pas empêché les adversaires de l’enseignement de l’allemand à l’école
élémentaire de créer, autour de cette question, un débat politique, social et
éducatif permanent ; les positions de tel ou tel parti ou de telle ou telle fraction
du corps social ont pu changer au fil du temps, dans un sens comme dans l’autre.
Les enjeux portaient certes sur les pratiques linguistiques futures des enfants,
mais avant tout sur la valeur emblématique de l’allemand ou des dialectes face
au français, langue de la communauté nationale. Aussi le retournement de
position spectaculaire de l’autorité éducative au sujet de l’enseignement bilingue
va-t-il raviver les passions idéologiques politico-éducatives et ranimer un débat
qui menaçait de s’éteindre, faute d’intérêt, compte tenu de l’évolution des
pratiques linguistiques.
La mise en place de l’enseignement bilingue à parité horaire a contribué à ouvrir
un second type de débat sur la question de savoir quelle était « la » langue
régionale en Alsace : uniquement l’« alsacien », l’allemand (parce qu’il est
l’unique forme standardisée proche des dialectes alsaciens) ou, selon une
définition d’un ancien recteur de l’Académie, les dialectes à l’oral, l’allemand à
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6
l’écrit5 ? Le fait que concomitamment la discussion autour de l’« identité »
régionale ait pris partiellement le relais de la question de la place de l’allemand
dans le paysage linguistique alsacien a largement contribué à remettre au centre
du débat public les positions des uns et des autres face à la mise en place de
l’enseignement bilingue. Si la vie de la démocratie en sort certainement
gagnante, le système éducatif, quant à lui, ne peut que perdre en sérénité.
2.3. Les enseignants du primaire
Ceux qui enseignent l’allemand (les instituteurs, les professeurs des écoles)
n’échappent ni aux mutations structurelles de la société et aux changements des
pratiques linguistiques, ni au débat autour de l’allemand, dans leurs convictions
de citoyens, ni à leur propre biographie, ni à l’opinion prédominant dans leur
école ou dans leur hiérarchie. Au-delà de leurs propres convictions à l’égard de
l’enseignement bilingue à parité horaire, se posera à eux la question de leur
propre compétence linguistique en allemand : elle est, pour une majorité de
maîtres qui enseignent l’allemand, sans doute suffisante pour un enseignement
de langue, limité dans le temps, soutenu par un manuel et un appareillage
d’accompagnement pédagogique, mais souvent largement insuffisante pour que
l’allemand puisse devenir la langue de travail, fonctionnelle dans toutes les
situations de la vie en classe et pour toutes les activités scolaires. Les maîtres
redoutent également, non sans raison, un surcroît de travail dans la mesure où
une didactique de l’enseignement disciplinaire en allemand n’a pas encore vu le
jour, au début des années quatre-vingt-dix. Enfin, ils expriment des craintes
quant aux moyens mis en œuvre : si des moyens supplémentaires, notamment en
personnel d’enseignement, ne sont pas alloués, ils craignent que les classes nonbilingues pâtissent de l’établissement de ce nouveau cursus. La palette
d’inquiétudes diffuses ou explicites est large et reflète, dans le désordre, toutes
celles –contradictoires parfois- qui s’expriment dans le débat polémique qui
s’engage dans le corps social. En première ligne dans cette mise en place, les
maîtres manifesteront leur agacement, parfois leur colère ou leur dépit, face à
une question qui ne leur semble pas nécessairement prioritaire à l’école et à
laquelle ils ont été peu préparés.
Les premières évaluations se feront l’écho, en quelque sorte en creux, d’un
certain nombre de ces inquiétudes.
3. Les conditions de mise en place de l’enseignement bilingue à parité
horaire
La didactique et la pédagogie de l’enseignement de l’allemand n’ont jamais
réellement été pensées en termes autres que politiques. L’aspect quantitatif a
5
« Il n’existe en effet qu’une seule définition scientifiquement correcte de la langue régionale en
Alsace, ce sont les dialectes alsaciens dont l’expression écrite est l’allemand. » (DEYON Pierre Le
programme Langue et culture régionales en Alsace. Bilan et perspectives, s.l.n.d. [Strasbourg 1985], s.
éd., pp.9-10)
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toujours largement primé l’aspect qualitatif. Par ailleurs, la pression exercée sur
le système éducatif par le contexte sociétal, en positif comme en négatif, selon
les points de vue, devait nécessairement affecter qualitativement l’enseignement
de l’allemand.
Aussi, déjà pour l’enseignement de l’allemand à deux/trois heures
hebdomadaires, des voix s’élèvent, au sein même du système éducatif, -en
particulier celle des formateurs, confrontés aux réalités des classes,- pour
souhaiter une évaluation de l’enseignement et du dispositif d’enseignement.
Le constat premier qui fonde ce souhait, ce sont les inadéquations multiples
auxquelles ils sont confrontés : vieillissement des outils utilisés, formation
ancienne ou inexistante des maîtres, enseignement frontal ou formel de la langue
et désintérêt des enfants, enseignement de l’allemand à l’école élémentaire et
choix de l’anglais comme langue vivante en 6e de la part des parents, …
L’intention réside, en quelque sorte, dans le fait de confronter la réalité de
l’enseignement avec le discours politique volontariste local pour essayer de
mesurer l’écart entre les deux et, si l’écart devait être important, de formuler des
propositions pour essayer de le combler.
L’impréparation du système éducatif
Au vu de l’ensemble des conditions externes, il n’est guère étonnant que, face à
la mise en place de l’enseignement bilingue à parité horaire, l’impréparation du
système éducatif soit plutôt mal vécue par la plupart des acteurs qui doivent la
rendre opérationnelle. En effet, le laps de temps entre le moment où a été prise
la décision de principe de faire enseigner des disciplines en allemand, puis de
mettre en place un système d’enseignement bilingue à parité horaire et le
moment de réalisation a été tellement bref que l’ensemble des questions
didactiques et pédagogiques que soulevaient ces nouvelles formes
d’enseignement n’ont pas pu être réfléchies, encore moins expérimentées. Cela
a, peut-être, été une chance pour l’imagination inventive dans de nouvelles
formes d’enseignement, mais certainement aussi une source de difficultés dans
le système éducatif, d’interrogations et d’inquiétudes dans le corps social qui ont
alimenté non tant le débat que la polémique.
L’une des fonctions centrales des premières évaluations va résider dans le fait
que, par ses recommandations, elles vont alimenter le corps de doctrine de
l’autorité scolaire, d’une part, et d’autre part, signaler les champs sur lesquels il
s’agit de travailler prioritairement. L’autre de leurs fonctions essentielles
consistera à fournir des réponses aux interrogations et aux inquiétudes. En effet,
l’enseignement à parité horaire a soulevé, au-delà des postures de principe, des
questions qui apparaissent sans doute dans toutes les régions où ce type
d’enseignement est dispensé : le « niveau » en français et en mathématiques
sera-t-il suffisant pour les enfants engagés dans un cursus bilingue ? Les enfants
ne risquent-ils pas de présenter des retards scolaires ? Tous les enfants peuventils suivre cette voie, n’exige-t-elle pas un « bon » profil scolaire ? Etc.
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8
La vocation des évaluations va donc être multiforme et va évoluer au fur et à
mesure des éléments qu’elle fournit, au fur et à mesure que les centres de gravité
se déplacent, au fur et à mesure que les cursus se développent. Les angles
d’attaque choisis, parfois demandés par l’autorité éducative, reflètent, à des
degrés très divers, la nécessité de disposer d’informations parfois nouvelles,
d’informations permettant d’infléchir les choix ou des informations permettant
d’apaiser les craintes qui se sont exprimées dans l’opinion.
Aussi ces évaluations ont-elles toujours une histoire, un contexte, une légitimité
de l’instant, avec des résultats dont l’intérêt opératoire ultérieur reste inégal.
Les évaluations élaborées en Alsace ont également été prises dans la tourmente
de la rapidité avec laquelle les décisions politiques ont été prises. Ce qui signifie
que l’élaboration, l’administration, le recueil des données, l’exploitation et la
synthèse ont dû, à chaque fois, être réalisés en l’espace de 8 à 9 mois. Une
procédure évaluatoire, au sens scientifique du terme, n’était pas possible dans
ces conditions, dans le sens que l’ensemble des variables et des paramètres ne
pouvaient être ni isolés, ni contrôlés, ni croisés selon les méthodologies
habituelles en sciences humaines. Cet inconvénient a pu être contourné par le
choix de démarches qui, sans être scientifiques au sens académique, sont restées
rigoureuses. Elles ont été décrites assez précisément et présentées ou publiées
afin qu’elles ne soient pas entachées de suspicion ou de méfiance. Cette
nécessité peut parfois être considérée comme un avantage dans la mesure où les
évaluations se sont inscrites d’emblée dans la culture du système éducatif
français et dans les procédures qui lui sont, au moins pour partie, familières.
Cependant, une évaluation conçue par une équipe de scientifiques étrangers au
système éducatif aurait très certainement apporté des éléments d’information
auxquels la vision émanant de l’intérieur du système n’a pas donné accès.6
Claudine BROHY, dans un article déjà ancien,7 rappelle qu’il y a plusieurs types
d’évaluation (évaluation de l’élève ; évaluation du projet ainsi que de la
didactique et de la pédagogie ; évaluation du système pour « légitimer »
l’immersion) et que les questions auxquelles elles tentent de répondre ne varient
guère. Elle rappelle aussi que le type d’évaluation de l’enseignement bilingue
évolue et se diversifie et que le souci de plus en plus présent reste celui d’une
évaluation « équitable ». De même, Jean-François DE PIETRO souligne, dans
des conditions similaires, le caractère polymorphe des évaluations, mais aussi
l’apport que peuvent constituer les évaluations des enseignements bilingues pour
6
Comme par exemple pour l’occitan : VERMES Geneviève et REGNAULT Elisabeth Evaluation des
compétences en occitan et en français d’enfants de CE1 et de CM1/CM2 dans l’Académie de
Toulouse, Université de Paris VIII mai 1995, Psychologie Anthropologique Interculturelle, Etude des
bilinguismes
7
BROHY Claudine « Enseignement bilingue et évaluation : la quadrature du cercle ? » in Actes des
deuxièmes rencontres intersites à propos de l’apprentissage bilingue, Aoste 27-28-29 mars 1996,
Région Autonome Vallée d’Aoste, Présidence du Gouvernement régional, pp.58-71
évaluation (D. Huck)
9
la connaissance du domaine éducatif dans son ensemble.8 Par ailleurs,
l’évaluation fait partie de toute démarche innovante et, singulièrement, dans le
domaine où elle constitue, traditionnellement, un morceau de choix : le domaine
éducatif.
Si une évaluation est explicitement prévue dès 1991 dans le dispositif rectoral
mis en place en Alsace,9 il serait illusoire, au vu des conditions externes
évoquées, de la considérer comme une forme uniquement technique.
En s’intéressant à la manière dont la Commission académique a conçu les
évaluations, année après année, en inventoriant les outils qu’elle a utilisés, en
voyant les recommandations qui concluent chacun de ses rapports ou les
objectifs d’évaluation affichés, on lit certes, au second degré, une partie de
l’histoire politico-éducative de l’Alsace, mais on obtient également un inventaire
intéressant d’outils, de supports et de constats, certes rarement inédits ou
originaux, ils ne pouvaient guère l’être - qui peuvent garder une forme d’utilité.
II. CE QUI A ETE EVALUE : quelques traits saillants
0. Observations préalables
1. Les résultats chiffrés et les tableaux publiés ne sont évoqués qu’à la
marge. Ils n’ont d’intérêt que dans le relatif : ils permettent de comparer les
classes et les performances des enfants entre elles.
2. Les méthodes utilisées importent peu, en soi : elles permettent de
construire des moyennes relatives qui donnent des repères pour l’ensemble des
éléments évalués et de mesurer l’empan des écarts.
La Commission a généralement utilisé, lorsqu’il n’y avait pas de tâche
figée, une indiciation simple (par exemple : l’affectation d’un nombre de points
[sur une échelle de 5, 10 ou 20] selon la performance constatée), d’une part,
chaque partie de l’évaluation étant elle-même affectée d’un coefficient pour
arriver à une pondération de l’ensemble, d’autre part.
8
DE PIETRO Jean-François « Pourquoi parler d’évaluation ? » in Actes des deuxièmes rencontres
intersites, op.cit., pp.45-51
9
Cf. DE GAUDEMAR Jean-Paul « Circulaire rectorale du 20 septembre 1991 : Programme à moyen
terme de développement de l’allemand à l’école », in : Le programme ‘Langue et culture régionales’
en Alsace. Textes de référence 1991-1996, Strasbourg 1996, Académie de Strasbourg, Ministère de
l’Education Nationale, de l’enseignement supérieur et de la Recherche, pp.45-58 (p.52) :
« L’évaluation constitue un élément essentiel de la réussite d’un programme placé délibérément sous
le signe d’une volonté de progrès, autant qualitatif que quantitatif. Il importe en effet, surtout pour les
parties les plus novatrices du programme (extension au cycle des apprentissages fondamentaux,
enseignement en allemand) de bien contrôler les premières phases d’expérimentation avant d’élargir la
mise en œuvre. »
évaluation (D. Huck)
10
Des méthodes statistiques éprouvées auraient certainement produit des
résultats plus précis, mais il n’est pas sûr que le besoin informatif aurait été
mieux couvert. Par ailleurs, le temps alloué à la Commission n’aurait pas permis
de faire appel à ce type d’exploitation.
3. Les évaluations portant sur les performances linguistiques en allemand
ont toujours été menées par des personnels extérieurs à l’école ou à la classe
concernées. Elles ont été réalisées, sous forme de regards croisés ou
complémentaires, par un formateur d’I.U.F.M. et un conseiller pédagogique ou
par deux conseillers pédagogiques, en dehors des circonscriptions qu’ils ont en
charge.
1. Vue d’ensemble
TABLEAU DE SYNTHESE DES EVALUATIONS MENEES DANS L’ACADEMIE DE STRASBOURG
ALLEMAND-LANGUE REGIONALE (1991-1998 ; 2001-2002)
Conventions de dénomination :
L’enseignement de 2/3 h d’allemand hebdomadaires est appelé ‘voie « extensive »’.
Les endroits où il existe un enseignement de 3 h d’allemand et 3 h d’une/de disciplines en allemand sont dénommés
« sites à 6 heures » (forme d’organisation de l’enseignement en voie d’extinction)
Les endroits où l’enseignement de et en allemand et celui du et en français sont dispensés en parité horaire (13 h
pou chacune des langues) sont identifiés comme « sites paritaires ».
Type de
Niveaux
système
concernés
d’enseignement
évalué
- voie extensive
cycle 3
Rapport
(choix
1991représentatif)
- sites à 6 h
cycles 2 et
199210
(choix
3
représentatif)
- sites à 6 h
10
cycles 1, 2
Modes
opératoires
Contenu des grilles d’observation
- observation
en classe,
avec grille
- entretien
avec
l’enseignant
- temps de parole des enfants
- nature de la production (mots
isolés, structures, phrases
complexes, …)
- « respect » de la norme
(phonétique, prosodique,
morpho-syntaxique, syntaxique,
lexicale) dans les productions
- observation
Contenu des
Evaluation Evaluation
entretiens individuels du français explicite
avec les enfants
des maîtres
oui
oui
oui
Commission d'évaluation de l'enseignement des langues, Rectorat de l'Académie de Strasbourg, M.A.E.R.I. « Ecole élémentaire et
préélémentaire », in Rapport 1991-92, juin 1992, pp.6-11
évaluation (D. Huck)
Rapport
(choix
1992représentatif)
199311 - sites paritaires
(tous)
12
et 3
cycle 1 +
GS
Type de
Niveaux
système
concernés
d’enseignement
évalué
- voie extensive
cycle 2
Rapport
(choix
1993représentatif)
- sites à 6 h
cycle 2
199412
(choix
représentatif)
- sites paritaires cycles 1 et
(tous)
2
11
en classe,
avec grille
- entretien
avec
l’enseignant
Modes
opératoires
Contenu des grilles d’observation
- observation
en classe,
avec grille
- entretien
individuel
avec trois
enfants
- déroulement de la séquence
Compréhension
- manifestations de la (non-)
compréhension
- nature de cette manifestation
- interactions M/E et E/E
Production
- conditions (induite/spontanée)
- situations dans lesquelles les
productions apparaissent
- nature (= inventaire) des
productions
Contenu des
Evaluation Evaluation
entretiens individuels du français explicite
avec les enfants
des maîtres
1. tâches de
oui
compréhension pour (GS et CP)
+ maths
exécution, en
(CP)
allemand,
(contextualisées) (ex. :
implicite
« donne-moi s’il te plaît le feutre
rouge ! »)
2. tâches de répétition
(dont des actes
sociaux
contextualisés
(récitation d’une
comptine connue ;
Commission d'évaluation de l'enseignement des langues, Rectorat de l'Académie de Strasbourg, M.A.E.R.I. « Evaluation des sites bilingues à
l'école maternelle et à l'école élémentaire », in Rapport 1992-93, septembre 1993, pp.7-17
12
Commission d'évaluation de l'enseignement des langues, Rectorat de l'Académie de Strasbourg, M.A.E.R.I. [14c] « Observation de
l'enseignement de l'allemand dans des classes de la voie intensive (13h et 6h) et dans des classes de la voie extensive du cycle 2 (3h) », in Rapport
1993-94, septembre 1994, pp.5-12
évaluation (D. Huck)
13
ex. :« bonjour »)
3. tâches
partiellement
décontextualisées (ex. :
« Qu’aimes-tu manger ? »)
- sites à 6
Rapport heures (choix
1994représentatif)
13
- sites paritaires
1995
(tous)
cycle 2
cycle 2
- observation
en classe,
avec grille
- entretien
individuel
avec trois
enfants
- déroulement de la séquence
Compréhension
- manifestations de la (non-)
compréhension
- nature de cette manifestation
- interactions M/E et E/E
Production
- conditions (induite/spontanée)
- situations dans lesquelles les
productions apparaissent
- nature (= inventaire) des
productions
4. tâches de
production
contextualisée
(histoire linéaire à
partir de trois images)
oui
tâches de
compréhension pour (GS + CP)
exécution
(contextualisées), en
allemand (ex. : « donnemoi s’il te plaît le feutre
rouge ! »)
tâches de répétition
(dont des actes
sociaux
contextualisés
(récitation d’une
comptine connue ; ex. :
« bonjour »)
tâches partiellement
décontextualisées (ex. :
« Qu’aimes-tu manger ? »
tâches de production
13
Commission d'évaluation de l'enseignement des langues, Rectorat de l'Académie de Strasbourg, M.A.E.R.I. « Evaluation des classes bilingues
paritaires et des classes à 6 heures au cycle 2 », in Rapport 1994-95, septembre 1995, pp.7-16
évaluation (D. Huck)
14
contextualisée
(histoire linéaire à
partir de trois images)
évaluation (D. Huck)
Type de
système
d’enseignement
évalué
sites paritaires
Rapport
(tous)
1995199614
14
15
Niveaux
concernés
cycle 2
Modes
opératoires
Contenu des grilles d’observation
Contenu des
Evaluation Evaluation
entretiens individuels du français explicite
avec les enfants
des maîtres
- observation - compréhension et production au
Compréhension
de trois
sein d’un atelier de
tâches fonctionnelles
enfants en
mathématiques
avec consignes en
situation de
- compréhension et production
allemand (« prends
classe (avec le
durant des activités motrices
une feuille et des
maître)
crayons de
- entretien
! stratégies observables des
couleur ! »)
individuel
enfants
tâches d’exécution
avec les trois
! production en tant
autres (comparer
enfants
qu’indicateur de la
deux images)
compréhension
restitution, en
français, d’une
histoire, d’un
dialogue d’un récit
d’un événement
Production
à partir d’une imageproblème, avec ajout
et classement d’autres
images
- situations
oui (CP)
oui
Commission d'évaluation de l'enseignement des langues, Rectorat de l'Académie de Strasbourg, M.A.E.R.I. « [Evaluation des sites bilingues.]
Les acquis en allemand (GS, CP, CE1) », in Rapport 1995-96, septembre 1996, pp.21-43
évaluation (D. Huck)
16
contextualisées
verbale-ment en
français (« Tu as
besoin/envie de … Comment
demandes-tu cela à … ? Que
dis-tu à … ? »)
auxquelles l’enfant
réagit en allemand
évaluation (D. Huck)
Type de
système
d’enseignement
évalué
voie extensive
Rapport
(choix
1996représentatif)
199715
15
17
Niveaux
concernés
- CE1
- CM2
Modes
opératoires
Contenu des grilles d’observation
Contenu des
Evaluation Evaluation
entretiens individuels du français explicite
avec les enfants
des maîtres
- observation
CE1
CE1
oui
d’une
- déroulement de la séquence
1. discrimination
(+
séquence de
- actions et paroles du maître
auditive :
comportem
bilan
- actions et paroles des enfants
identification ou
ent face à
- entretien
(fréquence et nombre de prises de reconnaissance d’un
l’écrit en
avec
parole)
lexème entendu
langue
l’enseignant
CM2
2. compréhension
allemande)
CM2 :
Globalement
orale :
- Evaluation
- déroulement de la séquence
appariement
individuelle
- actions et paroles du maître
image/énoncé
de tous les
- actions et paroles des enfants
consignes
individus de la (fréquence et nombre de prises de décontextualisées à
classe
parole)
exécuter ou à
- entretien
Evaluation individuelle de tous
comprendre
individuel
les individus de la classe
compréhension d’un
avec trois
- compréhension orale : texte
dialogue
enfants
enregistré avec QCM
production orale
oui
Commission d'évaluation de l'enseignement des langues, Rectorat de l'Académie de Strasbourg, M.A.E.R.I. « Evaluation de l’enseignement de
l’allemand au CE1 et au CM2 », in Rapport 1996-97, novembre 1997, pp.11-27
évaluation (D. Huck)
18
- compréhension de l’écrit :
appariement de deux parties
d’énoncés (proposés par liste de
10)
stéréotypée (réciter ;
chanter)
ouverte à partir d’une
affiche
CM2
Compréhension de
consignes
fonctionnelles
Production orale :
contextualisée à partir
de 10 objectifs
langagiers (du
domaine des notions
ou des fonctions)
ouverte à partir d’une
affiche
évaluation (D. Huck)
Type de
système
d’enseignement
évalué
sites paritaires
Rapport
(tous = 4
classes ou
1997/1
998
sections)
(non
publié)
19
Niveaux
concernés
Modes
opératoires
CM2
A. Evaluation
individuelle
de tous les
individus de la
classe
B. entretien
individuel
avec trois
enfants
CM2
A. Evaluation
individuelle
de tous les
16
- voie extensive
Evaluat
(choix
ion
représentatif)
16
Contenu des grilles d’observation
Contenu des
Evaluation Evaluation
entretiens individuels du français explicite
avec les enfants
des maîtres
Evaluation individuelle de tous
Production orale
les individus de la classe :
individuelle :
Compréhension de l’oral : texte contextualisée par 8
enregistré avec QCM
consignes ou
Compréhension de l’écrit :
situations auxquelles
restitution-résumé en français
les enfants réagissent
d’une histoire en allemand
verbalement
QCM à partir d’un texte en
ouverte : à partir d’un
allemand
début d’histoire,
questions métalinguistiques en
l’enfant imagine une
allemand
fin
3. Production écrite : induite par
le début d’une histoire que les
enfants doivent terminer
Pour tous :
Pour tous :
Evaluation individuelle de tous
B. Entretien
les individus de la classe
individuel avec trois à
non prévue
Commission d'évaluation de l'enseignement des langues, Rectorat de l'Académie de Strasbourg, M.A.E.R.I. Evaluation de la compétence en
allemand des élèves des CM2 « bilingues », [1998] non publié
évaluation (D. Huck)
2001/2
00217
17
- sites paritaires
(tous)
20
CM2
individus de la Compréhension de l’oral : à partir
6 enfants
classe
d’un texte en allemand, noter ce
compréhension de
B. Entretien
qui a été compris, en français
consignes
individuel
(avec un guidage)
fonctionnelles ou de
avec trois à 6
Compréhension de l’écrit :
questions [en
enfants
appariement de questions et de
allemand !] (« montremoi ton cahier
réponses
d’allemand ! »)
Voie extensive :
lecture/oralisation
à partir d’un texte écrit, raconter
d’un dialogue (avec
ce qui a été compris, en français
l’évaluateur)
Sites paritaires :
production orale
texte documentaire avec 4 erreurs
contextualisée (« Un
à retrouver
camarade allemand te
propose d’aller à la
piscine ou de jouer
avec lui. Mais tu ne
veux pas ou tu ne
peux pas et tu lui
expliques
pourquoi. »)
Sites paritaires
production orale à
partir d’une série de 6
images
Groupe de pilotage « Evaluation de l’allemand » (Université Marc Bloch [Strasbourg II]) / Rectorat de l’Académie de Strasbourg ) Evaluation
des performances en allemand des élèves des CM2 de l’Académie de Strasbourg, voies « extensive » et « bilingue paritaire » (Premier Degré),
octobre 2002, non publié
évaluation (D. Huck)
21
Production écrite :
- dictée de phrases
- à partir d’un début
d’histoire, l’enfant
imagine une fin
2. Les points d’attention spécifiques de chaque campagne d’évaluation et
quelques résultats
1991/1992
Cette toute première évaluation est d’abord quantitative (temps hebdomadaire
moyen d’enseignement, durée moyenne d’une séquence, fréquence dans la
semaine), et ne devient semi-qualitative que dans un deuxième temps, en
s’intéressant notamment aux enseignants :
Compétences en langue allemande des enseignants :
- 2/3 ont de très bonnes ou de bonnes compétences
- 1/3 a des compétences moyennes ou insuffisantes
Compétences pédagogiques et didactiques des enseignants :
moins de la moitié a des compétences jugées très bonnes, bonnes, correctes ou
moyennes
plus de la moitié a des compétences jugées très moyennes, insuffisantes ou très
insuffisantes
Cette forme d’« opération-vérité », par rapport à laquelle il faut certes prendre
quelque distance dans la mesure où il s’agit d’une photographie, c’est-à-dire d’une
image –qui est, par essence, subjective et, par nature, précaire- ébranle quelque peu
les certitudes et met à jour une différence entre ce que l’autorité éducative (et les
représentants politiques) croient et ce que les évaluateurs constatent dans les écoles.
Cet état de fait ne réjouit personne.
1992/1993 :
C’est une forme de prolongement, de fait, de l’évaluation de l’année précédente.
Ce sont les « conditions favorisantes » pour l’enseignement de et en allemand ainsi
que les « difficultés » [« conditions entravantes »] qui ont été inventoriées. Elles
portent toutes sur les compétences professionnelles des enseignants, d’une part en
matière de pédagogie générale, d’autre part, dans la constellation spécifique du
bilingue, sur les compétences pédagogiques adaptées à cette forme d’enseignement.
c’est une forme d’efficacité par rapport à l’enseignement-apprentissage de la langue
qui est évaluée,
évaluation (D. Huck)
23
c’est la pédagogie mise en œuvre qui est évaluée, c’est-à-dire que la manière de
« faire apprendre » a été incluse dans le dispositif d’évaluation,
c’est une forme de double approche : vérification que les objectifs de contenus et
de méthodes, propres à l’école, sont bien respectés, vérification que didactique et
pédagogie des langues sont suffisamment bien maîtrisées.
Au total, cela tend vers une évaluation de l’efficacité du maître.
L’inquiétude centrale qui apparaît clairement demeure la question de la motivation
enfantine : elle ne constitue pas une donnée. C’est à l’enseignant que revient, très
largement, la tâche de la faire jaillir, de l’alimenter et de la maintenir.
1993/1994 :
L’évaluation se focalise sur la compréhension de l’oral et la production orale. Ce
choix amène un dispositif méthodologique complémentaire : l’introduction
d’entretiens individuels. Par ailleurs, l’évaluation porte sur les trois modèles
d’enseignement en place à ce moment de l’évolution.
Il s’agit, en fait, d’une évaluation approfondie, qui alimente la discussion sur
l’efficacité du bilingue paritaire ; pour le système éducatif, il s’agissait de savoir si
la voie retenue pouvait être justifiée face aux partenaires politiques et au corps
social dans son ensemble (enjeux financiers, idéologiques et politiques, éducatifs).
En même temps, l’évaluation pouvait peser sur la décision politique de maintenir
ou non deux systèmes bilingues (à 6h et à parité horaire [13h]) dans la mesure où
les évaluateurs constatent que le système à 6 heures peut produire des résultats tout
à fait concluants lorsque des conditions de travail sont bonnes. Cependant, le
système retenu pour les 6h semble peser parfois lourdement sur les résultats de
l’évaluation dans la mesure où son organisation est plus complexe et peut avoir un
effet négatif pratique et, par ricochet, psychologique, dans l’école.
1994-1995
" Les points particuliers affichés portent sur
" la compréhension des enfants en situation de classe
la Commission souligne une corrélation induite : la compréhension n’est pas
assurée dans tous les domaines parce que les maîtres n’utilisent pas tous les
domaines et qu’ils n’entraînent pas les enfants à utiliser des stratégies d’inférence,
sans que les enseignants arrivent à formuler explicitement cet état de fait. Il s’agit
évaluation (D. Huck)
24
la d’une source de difficultés pédagogiques, d’insécurité linguistique ou
pédagogique des maîtres ;
pour la première fois, la Commission examine la langue produite par les enfants
d’un point de vue qualitatif, c’est-à-dire plus linguistique (p.11)
" l’organisation pédagogique de la Petite Section
La Commission évoque, de manière assez détaillée, ce qui, au vu de ses
constatations, devrait être mis en œuvre dans la PS : choix de l’enseignant,
stratégies compensatoires de l’enseignant dans les domaines relationnel et affectif,
attitudes pédagogiques, offres langagière et linguistique, … (pp.12-13)
Il s’agissait là d’un réponse nuancée à la question de savoir s’il fallait ou non faire
commencer l’enseignement bilingue paritaire en PS ou s’il fallait le différer en MS.
Ce n’est pas le corps social ou les élus qui se sont inquiétés de cet aspect, mais bien
plus l’institution éducative elle-même, notamment des inspecteurs et d’autres
formateurs.
" la production :
L’évaluation aboutit au constat que c’est l’aptitude du maître à faire émerger des
productions (offre situationnelle, offre relationnelle, offre thématique, …) et sa
volonté de les encourager qui semblent être déterminantes.
1995-1996
Objectif affiché : évaluation de la compétence linguistique individuelle des enfants,
en situation de compréhension (GS) et de production (CP)
Méthodologie : tous les supports de travail en classe ont été fournis par la
Commission de manière à ce que l’ensemble des classes évaluées aient le même
point d’ancrage sur le plan du contenu disciplinaire (mathématiques, E.P.S.).
"
Compréhension (GS)
l’évaluation étant plus centrée, la dimension qualitative est largement mise en
relation avec la dimension quantitative, par une analyse plus détaillée des
différentes situations où la compréhension est requise (compréhension individuelle
dans le groupe-classe / individuelle hors du groupe ; fonctionnelle, notionnelle et
disciplinaire, communicationnelle large ; récit fictionnel / dialogue / récit
événementiel)
évaluation (D. Huck)
25
la trame d’évaluation est publiée pour qu’elle puisse servir comme outil
d’évaluation à l’enseignant
"
Production (CP)
L’examen linguistique du corpus produit est plus détaillé : la Commission indique
ce qu’elle voulait observer, les constats qu’elle fait et analyse quelques points
précis : la syntaxe positionnelle, l’hypotaxe et l’utilisation d’éléments linguistiques
explicites d’hypotaxe, deux attitudes discursives (interrogation globale et
injonction) analysées d’un point de vue morpho-syntaxique.
C’est le premier rapport où n’apparaissent plus, dans la partie s’intéressant à la
langue, de manière plus ou moins explicite, des interrogations ou des inquiétudes
dues au contexte extérieur. Pour l’essentiel, il se concentre sur des questions
linguistiques et pédagogiques.
Mais le fait de publier des extraits du corpus linguistique produit par les enfants est
une manière d’afficher explicitement les performances dont ils sont capables. Selon
les attentes (sur- ou sous-dimensionnées) des différentes composantes de la société,
les parents, les élus, les enseignants, les militants, la presse, … pouvaient se
montrer déçus, satisfaits, surpris, etc. par la production linguistique des enfants et
juger et jauger cet enseignement à l’aune du « savoir parler » qu’ils se
représentaient. Cette publication aurait pu / dû relancer la polémique. A notre
connaissance, elle ne l’a pas fait.
1996-1997
Les objectifs sont clairement affichés :
pour le CE1, il s’agit « de vérifier que l’enseignement dispensé permet aux enfants
d’acquérir les compétences définies » par les textes officiels ministériels et
rectoraux.18
18
Il s’agit des textes suivants : « Circulaire [ministérielle] n°95-103 du 3 mai 1995 Enseignement des
langues vivantes à l’école : orientations pédagogiques et modalités de mise en œuvre », reproduit in : Le
programme ‘Langue et culture régionales’ en Alsace. Textes de référence 1991-1996, Strasbourg 1996,
Académie de Strasbourg, Ministère de l’Education Nationale, de l’enseignement supérieur et de la
Recherche, pp.23-28 ; « Circulaire [ministérielle] n°95-104 du 3 mai 1995 Organisation de l’année
scolaire 1995-1996 », reproduite in : Le programme ‘Langue et culture régionales’ en Alsace Textes de
référence 1991-1996, op. cit., pp.29-33 ; « Circulaire rectorale du 20 juin 1995 Le développement de
l’enseignement de l’allemand en Alsace par la voie extensive, à 3 heures hebdomadaires », reproduite in :
évaluation (D. Huck)
26
pour le CM2, il s’agit d’une évaluation sommative sur les acquis à l’école
primaire dont les professeurs du secondaire devraient tenir compte.
Elle renoue avec la toute première évaluation (1991/92), mais avec des moyens
totalement différents : ils sont calibrés à partir des attentes institutionnelles et
traduits par des formes standardisées ; une grande partie du protocole ainsi que des
« tests » de passation sont publiés.
2001-2002
Comme le rapport d’évaluation n’est pas encore publié, il n’est guère aisé d’en
livrer les points essentiels. L’évaluation est conçue comme sommative. Pour les
CM2 de la voie « extensive », ce sont la compréhension de l’oral et de l’écrit ainsi
que la production de l’oral qui sont au centre de l’intérêt de l’évaluation. Pour les
CM 2 de la voie bilingue, ce sont les mêmes points qui ont été retenus, auxquels
s’ajoute encore l’expression écrite.
La majeure partie des productions orales des enfants ont été enregistrées et
retranscrites. Elles fournissent un corpus assez étendu qui permet de comparer les
productions entre elles et de les étudier de différents points de vue.
III. LES RETOMBEES ET PROLONGEMENTS INSTITUTIONNELS ET
PRATIQUES
1992-1993
La Commission signale à l’autorité scolaire, commanditaire de l’évaluation,
les urgences qui ont été identifiées. Il faut :
définir les buts assignés à cet enseignement bilingue
indiquer les compétences attendues à l’issue de l’école élémentaire
définir l’articulation entre langue et discipline
didactique de l’enseignement bilingue reste à inventer
Le programme ‘Langue et culture régionales’ en Alsace Textes de référence 1991-1996, op. cit., pp.85114
évaluation (D. Huck)
27
Elle formule le constat que le « profil » du maître reste déterminant et que sa
compétence pédagogique prime sur toutes les autres. Elle met l’accent sur la
formation la formation des maîtres et souligne l’importance qu’il y aurait à créer
des outils pour les maîtres.
Dans ses conclusions, la Commission suggère de publier un texte-cadre et propose
une mesure de politique linguistique pratique : la redéfinition de la politique
d’ouverture de sites bilingues. Les deux recommandations seront suivies d’effet. Le
rapport d’évaluation va contribuer à alimenter le contenu de la circulaire rectorale
qui paraît le 20 octobre 1993 : « Cadre pédagogique de référence pour la mise en
place de ‘sites bilingues’ dans l’enseignement du premier degré ».19
1993-1994 :
La Commission réitère ou précise un certain nombre d’urgences. Il faudrait :
formuler les objectifs linguistiques assignés aux sites bilingues (en prenant appui
sur les objectifs linguistiques du français) par la rédaction de référentiels de fin de
cycle ou de fin d’école primaire pour donner une perspective du moyen et long
terme à cette forme d’enseignement
donner la priorité à la langue, c’est-à-dire accroître les situations d’interactions
réelles ou construites (compréhension, production)
penser la structuration de la langue, par le biais de l’observation empirique
(« grammaire implicite »).
Le rapport d’évaluation va contribuer à fournir des éléments de la substantielle
circulaire rectorale du 20 décembre 1994 « Les objectifs pédagogiques de
l’enseignement bilingue »20.
1994-1995
A partir des observations qu’elle a effectuées, la Commission insiste sur différents
aspects concernant la compréhension :
conduite de classe : il est demandé aux maîtres d’adopter une stratégie qui vise à
aider les enfants à prendre des indices de sens dans le contexte extra-linguistique,
19
in : Le programme ‘Langue et culture régionales’ en Alsace. Textes de référence 1991-1996, op.cit.,
pp.59-64
20
in : Le programme ‘Langue et culture régionales’ en Alsace. Textes de référence 1991-1996, op.cit.,
pp.65-76
évaluation (D. Huck)
28
mais aussi dans le matériau linguistique de l’enseignant, d’une part, d’être
attentifs aux signes de (non-)compréhension, linguistiques ou non linguistiques
Elle recommande d’inclure cet aspect dans le cahier des charges des outils
pédagogiques.
le maître ne possède que peu ou pas d’instrument(s) pour évaluer la compréhension
communicationnelle et fonctionnelle. Il faudrait, par conséquent, en prévoir la
création.
Par ailleurs, la Commission recommande d’instrumenter le maître pour qu’il puisse
cerner le « paysage linguistique » de la classe (« dans quelles langues les enfants
vivent-ils ? » pour exploiter davantage la connaissance, active ou passive, d’un
parler dialectal alsacien, notamment, et le « paysage langagier » (« comment les
enfants parlent-ils ? ») (au moins en cycle 1)
1995-1996
La Commission propose au Recteur de commander la réalisation d’un ouvrage de
langue prenant en compte une grande diversité d’inductions, de situations et de
canaux pour développer ces compétences tant à l’oral qu’à l’écrit. Elle insiste sur la
prise en compte de l’allemand comme discipline dans le sens, notamment, du
développement de compétences textuelles ou discursives.
Un « cahier de charges pour un outil de langue allemande dans les classes
bilingues » sera publié dans le Rapport d’évaluation de l’année suivante.
Pour la première fois, la Commission propose d’approfondir l’analyse des relations
et interactions dans l’apprentissage concomitant du français et de l’allemand, en
s’intéressant à la manière dont s’effectue la construction des savoirs langagiers et
linguistiques dans les deux langues.
1996-1997
Dans l’exploitation des données, la Commission a introduit le paramètre « nombre
d’années d’apprentissage » et a pu ainsi faire apparaître un « effet de palier » entre
la 3e et 4e année d’apprentissage, puis un développement significatif. Cette
indication incite explicitement l’autorité éducative à faire poursuivre
l’enseignement-apprentissage de l’allemand dans la voie extensive dès le cycle 2
lorsque les conditions nécessaires sont réunies.
évaluation (D. Huck)
29
A partir des constats qu’elle a pu faire, elle insiste sur l’urgente nécessité à inciter
les enseignants à parfaire leur formation.
sur la nécessité de la prise en compte, par l’enseignement secondaire, des acquis
des enfants
sur la nécessité de créer un nouvel outil d’enseignement-apprentissage de
l’allemand pour le cycle 3
Les recommandations seront inégalement suivies d’effet.
IV. LA CONCEPTION DES EVALUATIONS
La conception des évaluations reste étroitement dépendante de la commande
institutionnelle, du contexte socio-politique et des besoins en informations.
La conception qui a présidé à l’ensemble des évaluations a toujours pris appui sur
la question empirique de savoir quel est le meilleur moyen d’accéder à une
information, en tenant compte des contraintes de temps et de celles liées à
l’institution scolaire, de compétences disponibles, des réalités des écoles.
Le contexte externe
Le parti qui a été retenu tout au long de ces évaluations reste un parti évaluatif qui
se situe à l’intérieur du système éducatif, à plusieurs égards :
c’est l’institution elle-même qui initie l’évaluation, en déléguant à un enseignantchercheur le soin de la conduire, mais il s’agit d’un enseignant-chercheur lui-même
formateur ;
l’évaluation est relayée, de par son caractère institutionnel, par la hiérarchie
éducative (I.A., I.E.N.) ;
elle est réalisée par des personnels dont l’une des tâches, au moins périphérique,
réside dans l’évaluation : IMF, IEN, enseignants-formateurs d’I.U.F.M. ;
elle utilise des moyens traditionnels d’évaluation par les supports et les tests
proposés aux élèves ;
les enseignants sont, dans la plupart des cas, également directement ou
indirectement, l’objet de l’évaluation.
Mais en n’intervenant pas sur les choix des modalités d’évaluation, sur les
protocoles, sur l’exploitation des données recueillies, l’institution éducative accepte
qu’un regard critique soit porté sur son fonctionnement. Elle fait l’hypothèse
implicite, par le choix cadré qu’elle opère, que les concepteurs de l’évaluation,
évaluation (D. Huck)
30
étant parfaitement au fait de son fonctionnement, de ses possibilités et de ses
faiblesses, ne demanderont pas à l’institution de fournir des savoirs ou des savoirfaire qu’elle ne peut pas donner. De ce fait, il n’est pas impossible qu’elle soit
mieux à même d’accepter un regard critique venant de ses propres rangs, à sa
propre instigation, d’autant qu’il est étayé, expliqué et peu suspect d’a priori
défavorables ou malveillants.
Vis à vis de l’extérieur du monde éducatif, le parti retenu par le système éducatif
reste crédible parce qu’il n’est pas entaché d’une intervention intempestive du
système dans sa propre évaluation et parce qu’il rend publics des résultats ou des
observations qui ne lui sont pas nécessairement favorables.
Aussi, le choix opéré par l’Académie de Strasbourg en 1991, maintenu par la suite,
n’a-t-il jamais réellement été mis en cause et les résultats qui ont été publiés n’ontils pas été contestés. Bien plus : la Commission a été mandatée par le Recteur à
mener des évaluations dans un certain nombre de sites bilingues paritaires hors du
service public, à la demande des collectivités territoriales soutenant les initiatives
associatives ou privées.
Cependant, un autre regard, d’autres méthodes d’investigation ne doivent pas être
écartées. Et il serait sain que des chercheurs qui ne fassent pas partie statutairement
du système éducatif puissent, eux aussi, apporter une contribution à ces questions.
Ils ne seront pas neutres pour autant ; la science n’est jamais neutre et un chercheur
reste également un citoyen.
Les questions de contenus
Si des tests standardisés présentent un aspect rassurant, parce que encadrés et plus
facilement quantifiables, l’observation en classe reste une donnée centrale, pour
éclairer, parfois de manière déterminante, les résultats auxquels des évaluateurs
peuvent arriver.
Dans ce sens, les modalités retenues en 1995-1996 restent méthodologiquement
exemplaires dans la mesure où l’ensemble des supports (ceux du travail en classe
comme ceux de l’évaluation individuelle) est préparé et contrôlé par les
concepteurs de l’évaluation. Les évaluateurs peuvent projeter des hypothèses
linguistiques et pédagogiques, ils peuvent cadrer un rendu disciplinaire, par le fait
de tester et de rôder leur instrumentation, –toutes choses n’étant pas intangibles et
non exemptes des représentations qui leur sont propres ou empreintes de leur
propre subjectivité. Les contraintes matérielles et la préparation d’une telle
évaluation (D. Huck)
31
évaluation sont plus lourdes (temps !). Il n’est pas sûr cependant qu’au-delà de la
satisfaction intellectuelle d’une rigueur encore plus grande, cette procédure apporte
plus de connaissances sur l’objet à évaluer. Cependant elle contribue à neutraliser
la part ressentie comme arbitraire par les enseignants.
Fondamentalement, l’évaluation doit rester un instrument qui permet de vérifier
que la société respecte les engagements qu’elle a pris envers ses enfants et qui lui
permet de modifier et d’ajuster au mieux ses propres faiblesses et imperfections.
Or, c’est du côté de l’enfant que le processus évaluatif montre encore des
faiblesses. La parole d’enfants, leur discours sur les langues et sur le bilingue, mais
aussi leurs représentations, quelles qu’elles soient, pourraient également contribuer
à affiner l’évaluation. Le discours enfantin reste, par nature, précaire et évolutif.
L’accès aux représentations enfantines reste délicat, sur le plan méthodologique, et
son interprétation n’est guère aisée. Un premier essai a été entrepris durant la
campagne d’évaluation 2001/2002 : il montre l’attitude positive des enfants envers
les langues autres que le français, assez différente des stéréotypes contenus dans les
discours d’adultes.21 L’intérêt que présentent les représentations enfantines dans ce
type de situation a pu être souligné dans une recherche-action plus ancienne, menée
dans le cadre de l’enseignement-apprentissage de l’allemand par des enfants
dialectophones.22
C’est peut-être par ces biais que les processus d’évaluation pourront, à leur tour,
s’enrichir et s’affiner.
21
JAECKLE Jean Les représentations de la langue allemande chez les enfants des CM2 des classes
bilingues (écoles de Hoenheim et de Wolfisheim), mémoire de maîtrise, Université Marc Bloch –
Strasbourg II, Département de dialectologie, octobre 2002, vol.1 : le corpus (376 p.), vol.2 : L’analyse du
corpus (334 p.)
22
Cf. HUCK Dominique (1995) « Deutsch: Weder Mutter- noch Fremdsprache. Zum Erwerb des
deutschen Standards bei elsässischen mundartsprechenden Grundschulkindern: soziolinguistische,
linguistische und didaktische Fragen », in Germanistische Mitteilungen (Zeitschrift für deutsche Sprache,
Literatur und Kultur in Wissenschaft und Praxis) 42/1995, Brüssel, pp.83-102 ; HUCK Dominique (1997)
« Deutschunterricht für mundartsprechende Schüler im Elsaß : Wenn sprachpolitische, soziologische und
soziolinguistische Entwicklungen zu didaktischen Problemen werden », in Studia Germanica Universitatis
Vesprimiensis 1997/2, Universitätsverlag Veszprém/Edition Praesens Wien, pp.27-47 ; HUCK
Dominique, LAUGEL Arlette et LAUGNER Maurice (1999) L’élève dialectophone en Alsace et ses
langues. L’enseignement de l’allemand aux enfants dialectophones a l’école primaire. De la description
contrastive dialectes/allemand à une approche méthodologique. Manuel à l’usage des maîtres,
Strasbourg, Oberlin
évaluation (D. Huck)
32
L’évaluation ultime, dans toutes ses dimensions, restera l’utilisation de la langue,
en situation réelle, dans la « vraie vie ». Mais la méthodologie opératoire à mettre
en place dans ce type de cadre demande un autre regard et d’autres outils. Il sera
alors temps de passer le relais aux sociolinguistes.
Deutschunterricht ent-grenzen
Annette KLIEWER
Universität Koblenz-Landau
Bislang wurde viel über die linguistische Seite des Dialekts gesprochen. Dass
Dialektliteratur dabei nicht erwähnt wurde, scheint mir nicht nur daran zu liegen,
dass Dialekt vor allem zur mündlichen Kommunikation verwendet wird. Zu stark
scheint mir die Verteidigungshaltung zu sein, immer wieder wird betont, dass der
Dialekt als "Treppchen" zum Standarddeutsch gut wäre, nicht aber als Kultur an
sich. Ich bin deutsche Literaturdidaktikerin und sehe das Interessante im
elsässischen Dialekt gerade in seiner Rolle als grenzüberschreitendes Mittel der
Kulturproduktion.
Im November habe ich zusammen mit dem Germanisten Prof. Hartweg von der
Université Marc Bloch (Strasbourg) und mit dem Psychologen Prof. Daumenlang
von der Universität Koblenz-Landau eine Umfrage in zehn Klassen aus dem
Nordelsass und der Südpfalz zu Fragen der regionalen und nationalen Identität, zur
Selbst- und Fremdeinschätzung und zur Einschätzung des Dialekts durchgeführt.
Betroffen waren Klassen der Seconde/10. Klasse und ihre Eltern. Diese Umfrage
zeigt, dass für die Jugendlichen an der Grenze ihre Welt aufhört.
Kommunikationsprobleme zeichnen sich ab, da der Dialekt im Elsass nicht mehr
ausreichend gesprochen wird und in Deutschland wenig Interesse für die
französische Sprache gezeigt wird. Um auch Jugendlichen zu zeigen, dass die
Grenzöffnung eine Erweiterung ihrer Lebensqualität darstellen kann, muss der
schulische Unterricht verstärkt auf das Zusammenleben
in
der
grenzüberschreitenden Region hinarbeiten.
Bislang sind für grenzüberschreitende Kontakte zwischen Deutschland und
Frankreich nur die Fremdsprachenlehrerinnen zuständig. Dabei wäre die Grenze
zwischen zwei National- und zwei Regionalkulturen auch für andere Fächer eine
Herausforderung, die insbesondere die interkulturelle Kompetenz von SchülerInnen
fördern kann, die wenig Kontakt zu anderen Kulturen haben – wie dies im
ländlichen Gebiet in der Südpfalz und im Nordelsass oft der Fall ist. Meine
Habilitation "Interkulturalität und Interregionalität – Literaturunterricht an der
évaluation (D. Huck)
34
Grenze Elsass – Pfalz" zeigt, dass auch der Deutschunterricht von dieser
Grenzsituation profitieren kann, wenn er ausdrücklich Fragen nach dem Eigenen
und Fremden in das Zentrum stellt. Die Arbeit verknüpft Fragen des
interkulturellern Deutschunterrichts mit denen eines regional orientierten
Deutschunterrichts, um zu einem exemplarischen Curriculum für Schulen an der
Grenze zu kommen. Bei den Diskussion heute ist mir aufgefallen, dass der
elsässische Dialekt immer nur mit dem Deutschunterricht in Verbindung gebracht
wurde, wie wäre es, wenn sich auch der Französischunterricht im Elsass
interkulturell öffnen würde für Regionalsprachen?
Da innerhalb der Habilitation praktische Umsetzungen nur angedeutet werden
können, möchte ich zusätzlich ein Handbuch für LehrerInnen herausgeben, in dem
unterrichtsnah didaktisierte Materialien zur Verfügung gestellt werden. Dazu wird
das von mir erarbeitete Curriculum mit den ausgewählten Texten vorgestellt.
Dabei werden jeweils für die Sekundarstufe 1 und 2 vier Blöcke vorgestellt:
Infragestellung nationaler und regionaler Identitäten:
Was ist Heimat? Wie wird dieser Begriff in der Südpfalz, wie im Nordelsass
verstanden? Wie wurde und wird er ideologisch und literarisch verarbeitet?,...
Kontakt zur französischen Nationalkultur:
Wie werden bestimmte Themen in der französischen und in der deutschen
Nationalliteratur behandelt? Welche Austauschbeziehungen gab es? Welche
Schriftsteller, welche Texte waren für beide Kulturen interessant?
Hier geht es vor allem um eine komparatistische Öffnung des Deutschunterrichts
Kultur am Oberrhein – gestern:
Welche gemeinsame Literaturgeschichte der Oberrheinregion, welche elsässische
und pfälzische Literatur gab es? Welche literarischen Themen finden Eingang in
die Literatur der Region ("Romeo und Julia an der Grenze", "Der Bruderkrieg",
"Der Speyrer Dom und das Straßburger Münster",...)
Kultur am Oberrhein – heute:
Wie lässt sich Literatur auf Orte ein, wie reagieren Orte auf Literatur? Welches
Fremdbild und welches Selbstbild findet sich in der Literatur der Region? Welche
regionale Literatur findet sich im Elsass und in der Pfalz? Grenzt sich
Regionalliteratur in Provinzliteratur ab oder öffnet sie sich anderen Kulturen?
évaluation (D. Huck)
35
Eingeleitet wird mein Materialienband durch eine Einführung in Methoden, die
sich für einen interkulturellen Unterricht an der Grenze eignen. Die Materialien
umfassen historische und aktuelle Texte der Literatur, der Werbung, der Politik und
der Alltagskultur vom Mittelalter bis heute, wobei die verschiedensten Textsorten
und Gattungen erfasst sind und sowohl national bekannte wie auch regional
bekannte AutorInnen zu Wort kommen. Außerdem wird Bildmaterial (Karikaturen,
Illustrationen und Werbungen) zur Verfügung gestellt. Die Materialien werden zu
Reihen gefügt, die als Bausteine für die verschiedenen Klassenstufen verwendet
werden können. Fächerübergreifende Anregungen sowie weitere Literaturhinweise
ergänzen das Buch.
Meine Konzeption ist bewusst für den muttersprachlichen Deutschunterricht bei
uns an der Grenze gedacht und will sich nicht einmischen in die Deutschdidaktik
auf der französischen Seite – Einmischungen von Deutschen sind immer nur
schiefgegangen!
Gleichzeitig könnte ich mir eine gewisse Zusammenarbeit doch gut vorstellen.
La promotion et le développement des enseignements de et en allemand
Jean LAVAL23
Inspection académique, Strasbourg
Administrer c‘est favoriser le succès des options retenues par les décideurs. En
Alsace, l‘Education nationale, pour la mise en œuvre de la Convention signée en
octobre 2000 avec les Collectivités, souhaite la réussite des deux options suivantes:
( la promotion de l‘enseignement de l‘allemand dans toute l‘école primaire (voie
extensive)
( le développement harmonieux de l‘enseignement bilingue paritaire
Pour les élèves et les familles, il y a urgence immédiate à proposer des dispositifs.
Le rôle de l‘institution est de tenir compte de l’urgence de la demande et de la
concilier avec la durée nécessaire à la réussite.
La préoccupation de l’administrateur, qui à charge d’organiser le réseau
d’enseignement, est avant tout d’atteindre la qualité et de résoudre un certain
nombre de conditions:
1er objectif: un enseignement de l‘allemand de qualité à l‘école primaire
2e objectif: l‘administration aura réussi non seulement quand elle aura multiplié le
nombre d‘ouvertures de sites bilingues paritaires et par conséquent le nombre
d‘entrants, mais quand le nombre de sortants sera équivalent au nombre d‘entrants.
Or, sur une cohorte de 415 élèves en MS en 1996, on compte 254 élèves en fin de
cursus élémentaire, c‘est à dire en CM2, ce qui représente 39% de déperdition. Il
faut absolument réduire le nombre d’abandons.
La responsabilité d‘une administration de l‘intelligence, du progrès et de la culture,
c‘est de:
viser la qualité de la formation,
faire en sorte que cette formation ait réussi et qu‘il n‘y ait pas érosion de son
public.
23
Monsieur Laval est Inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’Education
nationale, Strasbourg
évaluation (D. Huck)
37
Un service public d‘éducation ne doit pas seulement offrir une formation à un
moment donné, mais situer cette formation dans une perspective à moyen, voire à
long terme.
Pour faire du cursus une réussite, l’administration a le devoir de recueillir et
d’entretenir un potentiel d‘enseignants formés. Pour y parvenir, il nous faut
mobiliser et renforcer les compétences actuelles. L’exigence de réussite est encore
plus grande pour le dispositif bilingue. Au moment de l‘ouverture d’un site, les
conditions de la durée doivent être réunies, c’est à dire la qualité de
l’organisation et la qualité des enseignements.
Le dispositif bilingue exige à la fois une cohérence géographique, par exemple
autour d‘un projet intercommunal et une cohérence intellectuelle: il s‘agit
d’installer le projet dans la durée, de faire comprendre aux familles l‘importance de
l‘engagement sur toute une scolarité.
Donner sa chance , ce n‘est pas seulement commencer, mais c‘est poursuivre et
aboutir. Les exigences doivent être mesurées, pesées, assumées dès le départ pour
anticiper sur les difficultés qui pourraient conduire à abandonner le site bilingue.
Ces remarques s’appliquent essentiellement au projet d’enseignement intensif –dit
bilingue- mais les mêmes impératifs de précocité, de qualité et de durée
s’appliquent sous une autre forme, à l’enseignement extensif de l’allemand qui doit
conduire chaque élève de collège à avoir en 3e la maîtrise de deux langues
étrangères dont l’allemand, langue régionale.
Les formations bilingues à l’Iufm d’Alsace
Daniel MORGEN
IUFM d’Alsace-Centre de formation aux enseignements bilingues
Denis Goeldel, directeur de l’Iufm d’Alsace de 1991 à 2001, a déjà présenté plus
haut24 l’élaboration progressive des formations bilingues et du projet du Centre de
formation aux enseignements bilingues (Cfeb), au sein de l’Iufm d’Alsace. Le
profil, les missions, l’architecture de ce centre se sont précisés entre 1994 et 1996,
avant de laisser la place au travail des architectes et des différents corps de métier.
L’idée d’un Centre spécialisé dans la formation bilingue est née avec le
développement progressif d’un réseau d’enseignement bilingue dans l’académie de
Strasbourg, décidé à partir de l’automne 1992 par le recteur Jean-Paul de
Gaudemar. Déterminé, dès son arrivée en 1991, à donner une réponse aux
demandes des parents relayées par l’association ABCM25, mais sans savoir sous
quelle forme, le recteur a pris le temps de la réflexion et de l’écoute, après avoir
diffusé une circulaire à caractère d’orientation générale en septembre de la même
année. Différentes pistes sont explorées entre septembre 91 et septembre 92, en
particulier celle des sites à 6 heures qui ont ensuite été progressivement abandonnés
pour des raisons présentées ailleurs (Morgen, 2000b : 402-403). Dès septembre
1992, l’académie de Strasbourg ouvre les onze premières classes bilingues dans des
écoles maternelles, appliquant en cela les principes que le recteur de Gaudemar va
codifier ensuite dans une circulaire-cadre d’octobre 1993 et surtout dans la
circulaire d’orientation politique et pédagogique du 20 décembre 199426. Analysé
ailleurs (Morgen, 2000 a), le développement du réseau est rapide, et conduit à poser
la question centrale de la formation des maîtres pour la réussite de l’entreprise.
C’est ainsi que, dès 1993, l’Iufm d’Alsace ouvre une formation bilingue optionnelle
et complémentaire, qui pourrait s’apparenter aux actuelles formations à dominantes
en langue, et consolide cette voie – qui restera une voie complémentaire jusqu’en
24
« La longue marche de l’Iufm d’Alsace vers un enseignement bilingue « reconnu ».
Lire dans le même volume la contribution de son actuel président, Bernard Schwengler
26
Gaudemar(de), Jean-Paul. Circulaire rectorale du 20.10.93 ("Cadre pédagogique de référence pour la
mise en place de sites bilingues") et du 20.12.94 ("Les objectifs pédagogiques de l'enseignement
bilingue") in Académie de Strasbourg (1997b): Le programme Langue et cultures en Alsace 1991-1997.
Circulaires ministérielles et académiques. Strasbourg: Rectorat de l’Académie (p. 59-76).
25
évaluation (D. Huck)
39
2001, à la rentrée 1994. Dominique Huck en est le coordinateur pédagogique. En
concertation avec Denis Goeldel, le recteur réunit les formateurs engagés dans
l’option pour leur apporter le soutien de son administration, mais ira aussi en 1994
rencontrer les étudiants de l’université Marc Bloch pour les sensibiliser aux
nouveaux débouchés ouverts pour tous ceux qui avaient suivi, en option majeure ou
mineure, des études d’allemand. Ces premiers efforts de communication et de
structuration seront repris et systématisés ultérieurement à l’Iufm.
1. Le projet d’un Centre de formation bilingue.
Le projet du Centre naît d’une triple volonté : celle de l’Iufm, qui propose au
recteur de consolider les formations bilingues en les installant dans le site de
Guebwiller, ancienne école normale, l’Iufm regroupant, à partir de 1996, les
formations de professeurs des écoles à Colmar ; celle du recteur, sensible à tout ce
qui peut consolider le réseau d’enseignement bilingue encore fragile dans un climat
d’opposition et de tensions ; celle de la Ville de Guebwiller, appuyée par le Conseil
général du Haut-Rhin. La conjonction de ces trois volontés va faciliter la naissance
et l’élaboration du projet. Chacun des acteurs principaux y travaillera dans les
domaines qui sont les siens et en étroite collaboration avec les autres. En octobre
1994, le directeur de l’Iufm d’Alsace convoque tous les formateurs à un séminaire;
c’est au cours de cette journée que le projet du Centre est formalisé, rédigé pour la
première fois. Sous sa forme la plus aboutie, il est présenté, la même année, au
Conseil scientifique et pédagogique et, le 15 novembre 1994, au Conseil
d’administration. Celui-ci prend connaissance du projet et en approuve l’orientation
ainsi que le contenu. Les universités d’Alsace, qui trouvent dans la formation
bilingue un nouveau débouché pour leurs étudiants, manifestent leur intérêt au
projet ainsi que les formateurs Iufm de langue et d’autres disciplines qui vont
constituer l’ébauche du futur Groupe interdisciplinaire « enseignements bilingues »
(GTS).
Le projet approuvé par le Conseil d’administration sera repris ensuite dans la
convention que le recteur prépare avec les Collectivités, pour être intégrée au
Contrat de plan Etat- Région 1994-98. Depuis plusieurs années déjà, les Contrats
de plan Etat-Région comportent tous un volet consacré au développement de la
langue régionale dans l’académie et à différentes mesures d’accompagnement, dont
les échanges transfrontaliers. La démarche n’est pas nouvelle et se situe ainsi dans
une perspective marquée tour à tour par la priorité donnée à l’enseignement de la
langue régionale durant la « période Deyon » (1982-1990) , puis à l’enseignement
bilingue durant la « période Gaudemar » au cours de laquelle l’enseignement
évaluation (D. Huck)
40
bilingue ne se substitue pas, mais s’ajoute aux autres objectifs en matière de
langue régionale (Morgen, 2002 : 82 –84) Un comité technique27, auquel participe
l’Iufm en la personne de son directeur ou de son secrétaire général, va préparer
entre 1995 et 1996 une « Convention additionnelle au contrat de plan EtatRégion » qui fixera le projet et les missions du Cfeb en lui donnant le nom qui est
resté le sien à travers les années. La signature de cette convention28, qui définit
aussi le financement du projet de rénovation des bâtiments de l’Iufm à Guebwiller
mais disjoint le projet de création d’une résidence d’hébergement, a lieu le 6 mai
1996 et va permettre de lancer ensuite, à l’automne 1997, l’élaboration du
programme d’architecture. Les premiers travaux commencent en mai 1998, puis, le
programme de travaux s’accélère entre septembre 1998 et septembre 2001. Il
faudra trois années pleines pour rénover de fond en comble le bâtiment, appelé
« château de la Neuenburg », où les architectes29 aménagent avec talent un superbe
amphithéâtre, une très belle médiathèque et 8 salles de cours en plus de la salle
informatique. A l’origine, le financement de la rénovation architecturale du château
de la Neuenburg s’élève à 15, 4 MF, auxquels il convient d’ajouter un crédit
d’1,2MF voté par le Conseil général du Haut-Rhin pour le premier équipement du
centre30. Ce crédit de premier équipement permettra de financer le mobilier,
entièrement rénové et l’équipement numérique et audiovisuel de l’amphithéâtre,
ainsi que la connexion au réseau, alors que l’équipement informatique y est assuré
par l’Iufm lui-même.
On ne dira jamais assez les efforts déployés par la Ville de Guebwiller, relayés
ensuite par le Conseil général, pour convaincre ses partenaires d’envisager une
transformation du château de la Neuenburg et d’en faire un Centre de formation
moderne et attrayant. Le château est un bâtiment historique, dont quelques éléments
27
Ce groupe de travail se composait de J.J. Mathis, Secrétaire général de l’IUFM d’Alsace, P.Higi,
directeur de l’Education et la formation au Conseil régional d’Alsace et son adjoint . Y. Le Fouler, P.
Kleinclaus, chargé de mission au Conseil général du Haut-Rhin, Mme M.H.Kursun, directrice des
Finances et M. J.D. Hanss du servive de l’enseignement au Conseil général du Bas-Rhin.
28
Les signataires de la convention étaient : J.P. Delpont, Préfet de la Région Alsace, J.P. de Gaudemar,
recteur de l’académie de Strasbourg, A.Zeller, Président du Conseil régional d’ Alsace, D. Hoeffel,
Président du Conseil général du Bas-Rhin, J.J. Weber, Président du Conseil général du Haut-Rhin, Ch.
Haby, Maire de la Ville de Guebwiller, M. Vigneron, directeur du CRDP d’Alsace et D. Goeldel, directeur
de l’IUFM d’Alsace
29
Philippe Chiodetti et Fabien Strack, de Colmar ont formé l’équipe d’architecture responsable du projet
et des travaux.
30
Contribution des 3 collectivités en francs: CG 68 9,08 MF- CG67 : 1, 5 MF – CRA : 6,02 MF.(
Montants TTC)
évaluation (D. Huck)
41
(cheminée, escalier d’apparat ..) sont classés aux Monuments historiques31. Le
maire, Monsieur Charles Haby, qui est aussi conseiller général, prendra plusieurs
fois son bâton de pèlerin pour plaider en faveur du projet, mettant son éloquence
naturelle et sa conviction d’Alsacien au service du projet. Car c’est une partie du
développement de sa ville qui se joue, confirmant ainsi l’intuition du recteur pour
qui l’aménagement du réseau d’enseignement et de formation fait partie de
l’aménagement du territoire.
Aux termes de tous ces efforts conjugués au service du patrimoine alsacien,
culturel, linguistique et immobilier, l’Iufm dispose d’un très bel outil, qui s’adapte
à son projet de formation, mais qui ne dispose pas encore des fonctionnalités
d’hébergement. En 1996, les partenaires n’avaient pas pu s’entendre sur le
financement d’un lieu d’hébergement. A la suite de longues négociations, le projet
d’hébergement et de restauration est repris par la Région Alsace, qui aura ainsi
apporté, sous l’impulsion de son président, A. Zeller, un soutien continu au CFEB.
La Région lie le projet d’hébergement à celui de la nouvelle restauration scolaire du
lycée Deck de Guebwiller et à la rénovation de l’internat de ce lycée. La nouvelle
restauration sera construite dans le parc de la Neuenburg, et l’internat du lycée sera
rénové à la même période. Vingt chambres individuelles, disposant d’un confort
moderne et d’une connexion au réseau, y seront aménagées à l’intention des
étudiants de l’IUFM32.
2. Les formations dispensées dans le Centre.
2.1. La formation des professeurs des écoles bilingues.
Jusqu’en 2001, les formations bilingues dispensées à l’Iufm d’Alsace sont des
formations optionnelles et complémentaires ( Morgen, 2002). Optionnelles, parce
qu’elles accueillent des professeurs des écoles stagiaires (PE2) volontaires qui font
acte de candidature lorsqu’ils ont déjà réussi le concours et suivent la formation
pédagogique à l’enseignement « classique ». Le choix d’une spécialisation bilingue
les amène donc à rallonger volontairement leur temps de formation. En effet, entre
1995 et 2001, la formation spécifique « bilingue » commence au début du troisième
trimestre de la deuxième année d’Iufm. Au lieu d’effectuer tout de suite, à partir du
31
Cf. Ministère des Affaires culturelles « Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de
la France » Haut-Rhin, canton de Guebwiller ( Un volume « texte » page 69 et un volume « Illustrations »,
pages 162 à 166), Imprimerie nationale, Paris 1972
32
La réalisation du projet est prévue pour fin 2005, début 2006.
évaluation (D. Huck)
42
mois d’avril, le stage terminal en responsabilité de 6 semaines33 dont la validation
est un élément essentiel dans leur processus de titularisation, les professeurs
stagiaires suivent une période de formation d’une durée équivalente, puis effectuent
un stage de 4 semaines dans une classe allemande. Le stage terminal est reporté
pour eux à la rentrée. Ils effectuent ensuite au cours de leur première année
d’exercice une formation complémentaire de 6 semaines, qui préfigure les
formations offertes actuellement aux nouveaux titulaires ( T1 et T2). L’organisation
ainsi structurée par les directeurs adjoints de l’Iufm en charge des formations PE34
va permettre, pour un temps de consolider la formation bilingue, au moins après le
concours. A partir de 1995, la décision du recteur de spécialiser quinze allocations
d’étude pour les étudiants PE1 préparant le concours permet de fidéliser des
étudiants motivés (cf. plus bas). Les promotions formées au cours de cette période
(1994 à 2001) sont des promotions en moyenne de 15 PE2 par an, parfois plus ( 21)
parfois moins ( 12). Par contre, la création du concours spécial permet de
spécialiser un nombre plus important de postes mis au concours.
Années
Allocations et bourses PE1
Allocations
1994/95
1995/96
15
1996/97
15
1997/98
15
1998/99
1999/2000
2000/01
2001/02
Création du concours spécial35
2002/03
2003/04
33
PE1
PE2
2
8
12
17
13
58
15
17
23
12
17
13
58
3
22
20
10
12
15
20
17
52
56
52
56
39
36
bourses
Actuellement (2003/04), la durée des stages en responsabilités a été modifiée et répartie de la manière
suivante : un stage de 2 semaines ( R2) , un R3 (3 semaines) en mars et un R4, en mai.
34
Robert Eiller et Francis Studer.
35
Le concours spécial de professeur des écoles de langue régionale est créé par le décret°2002-11 du 3-12002 (J.O. du 5 janvier 2002 –B.O.n°7 du 14 février 2002, page 373) - « Statut particulier des professeurs
des écoles et conditions dans lesquelles sont recrutés les professeurs des écoles chargés d'un enseignement
de et en langue régionale » cf. http://www.education.gouv.fr/bo/2002/7/default.htm
évaluation (D. Huck)
43
2.2. La formation des professeurs des lycées et des collèges.
Optionnelles et complémentaires, le sont tout autant les formations bilingues
spécifiques proposées aux professeurs stagiaires des lycées et des collèges ( PLC2)
titulaires du Capes, qui se préparent, toujours en plus de leur formation de base, à
enseigner dans les sections européennes et bilingues. La formation bilingue du
second degré s’appelle l’option européenne et bilingue ( OEB) ; elle est proposée
dans trois langues, en allemand, anglais ou espagnol, le groupe le plus important en
nombre étant toujours le groupe des germanophones avant celui des anglophones (
8 places offertes) ou hispanophones ( 4 places offertes).. Ces PLC2 suivent au
cours de leur deuxième année d’Iufm , 48 heures de formation didactique
spécifique correspondant à l’enseignement de leur discipline en langue ( DNL :
discipline non linguistique), effectuent une partie de leur stage de pratique
accompagnée – qui vient en plus de leur stage ordinaire de 4 à 6 heures
d’enseignement dans un établissement – dans une section européenne ou bilingue
(c’est le SPA3) ainsi qu’un stage obligatoire dans une classe allemande (ou
anglaise, ou espagnole, selon la langue de la formation) et rédigent un mémoire sur
leur expérience qu’ils vont soutenir dans les deux langues.
OEB
1994/95
1995/96
1996/97
1997/98
1998/99
1999/2000
allemand
19
18
16
11
12
12
anglais
5
7
7
8
8
8
espagnol
4
4
5
3
A la différence des autres langues régionales, qui disposent de CAPES bivalents
(langue + discipline), il n’existe pour les langues régionales d’Alsace et des pays
mosellans ( dialectes alémanique et francique/ allemand standard) qu’une mention
régionale monovalente au CAPES d’allemand, sans combinaison avec une autre
discipline ; les résultats de cette mention ne jouent ni pour l’admission ni pour les
premières nominations.
Le descriptif de ces deux formations montre, s’il en était besoin, l’engagement de
ces jeunes enseignants qui s’astreignent à suivre une durée complémentaire de
formation et qui se lancent dans la grande aventure de l’enseignement bilingue,
dont plusieurs éléments, en particulier les outils pédagogiques, sont loin d’être
évaluation (D. Huck)
44
stabilisés. De plus, le climat dans les écoles est marqué par des tensions, l’école
site bilingue étant le champ clos des rivalités entre partisans et opposants du
bilinguisme
Il aurait été paradoxal de n’utiliser les locaux tout neufs du Cfeb que pendant
quelques mois par an, durant les périodes où les PE2 ou PLC2 sont disponibles
pour la formation complémentaire choisie. Un élément nouveau a permis d’y
héberger des formations annualisées, comme toutes les formations initiales : c’est
la création du concours spécial des Professeurs des écoles de langues régionales.
Cette création - qui constitue une extension du concours des Professeurs des écoles
– a été publiée dans le décret et dans l’arrêté du 3 janvier 2002. Avec elle, le
nombre d’étudiants et de professeurs stagiaires augmente. Le CFEB accueille
chaque année entre 50 et 60 étudiants préparant ce concours, et forme en deuxième
année les lauréats du concours, au nombre d’une trentaine (cf. plus bas).
Cette création, l’Iufm d’Alsace a pu, fort heureusement, l’anticiper. Représenté
dans les groupes de travail nationaux et académiques des langues régionales, l’Iufm
a pu avoir connaissance des projets de textes dès octobre 2000. Sous l’impulsion de
Denis Goeldel, a été créé un groupe de travail spécifique, émanation du GTS
« enseignements bilingues », qui a associé les représentants de l’académie et des
deux inspections académiques à son travail. Pour la rédaction des plans de
formation, le groupe de travail s’est appuyé sur le profil de compétences des
enseignants bilingues ( Morgen, D. 1999). Entre novembre 2000 et mai 2001, a été
ainsi élaborée la maquette de formation spécifique pour l’année dite de PE1,
consacrée à la préparation de ce nouveau concours. De la même façon, l’Iufm
d’Alsace a transformé, entre septembre 2001 et mai 2002, sa maquette de formation
bilingue optionnelle et complémentaire (cf. plus haut) pour en faire une formation
« grandeur nature ». L’une et l’autre maquette de formation ont été présentées au
Conseil d’administration qui les a approuvées .Les plans de formation préparés
entre 2000 et 2002 par le Groupe interdisciplinaire spécialisé « «enseignements
bilingues » mettent l’accent sur la didactique des disciplines en langue seconde,
ainsi que sur les aspects linguistiques, familiaux, éducatifs et sociaux du bi- et du
plurilinguisme. Tous les professeurs stagiaires effectuent, en plus des trois stages
en responsabilité dans les classes bilingues, un stage filé dans une classe allemande.
Ces maquettes de formation n’ont pas été d’une rédaction facile. Le concours
spécial36 comporte des épreuves spécifiques de langue régionale qui nous ont
36
Sur les épreuves du concours, voir
évaluation (D. Huck)
45
donné, par leur définition elle-même, bien du fil à retordre. Deux mots à ce sujet :
autant la définition de la langue régionale donnée par le recteur au moment de
l’ouverture de la première session du concours que la nature de l’épreuve
demandaient des précisions. En effet, l’une des deux épreuves spécifiques est le
commentaire guidé, rédigé en langue régionale, d’un texte en langue régionale : la
notion de commentaire guidé a demandé à être éclaircie, d’autant plus que l’Iufm
n’est pas associé au choix des sujets et que les jurys d’examen, composés de
professeurs des écoles, de professeurs du second degré et d’inspecteurs, se
détournent de la pratique universitaire du commentaire. D’autre part, la définition
de la langue régionale donnée en 2002 par le recteur au moment de l’ouverture de
la première session nous a plongé dans la perplexité évoquée par Denis Goeldel.
Que fallait il entendre par « commentaire d’un texte en langue régionale ou en
allemand », par « explication d’un texte en langue régionale ou en
allemand » ? Bien entendu, commentaire d’un texte écrit dans la variété dialectale
ou en allemand standard, mais on retrouve là les imprécisions dans la dénomination
de la langue régionale utilisée par les textes officiels de l’éducation nationale37.
3. Vers un premier bilan
3.1. Formations PE « voie régionale »
Nous en sommes maintenant (janvier 2004) à la troisième année de fonctionnement
du Centre. A l’issue de cette année 2003/04, le Centre aura mis, à la disposition de
l’employeur, les huit promotions de la formation optionnelle(cf. tableau 1) et deux
promotions complètes ayant suivi tant l’année de préparation du concours (PE1)
que l’année de formation pédagogique ( PE238). Une troisième promotion est en
cours de formation, ce sont les PE1 admis à l’Iufm en septembre 2003 pour
préparer le concours et qui feront leur année de PE2 en 2004/05. Arrivé à ce stade,
il est permis de tracer un premier bilan qui devra bien entendu être amendé,
complété… au cours des années qui vont suivre.
http://www.alsace.iufm.fr/former/form_bil/1er_annee/tout_contenus.htm et
http://www.alsace.iufm.fr/former/tout_texte_officiel.htm
37
Le premier texte à sortir de cette ambiguïté et qui présente la langue régionale dans ses deux formes, les
variétés dialectales et l’allemand standard, est l’arrêté du 30 mai 2003 sur les programmes de langue
régionale à l’école primaire (BO hors série n°2 du 18 juin 2003)
38
PE1 : étudiants de première année d’Iufm,candidats au concours.
PE2 : professeurs des écoles stagiaires, lauréats du concours.
évaluation (D. Huck)
46
On pense tout d’abord au taux de réussite au concours, qui d’une certaine
manière, sanctionne le travail fait durant l’année de préparation du concours.
Session du Postes mis
concours
au
concours
2002
2003
39
31
Candidats Candidats Candidats
présents admissibles
admis
aux
épreuves
d’admissibi
lité
144
65
39
106
65
31
dont
IUFM39
Liste
Complé mentaire40
31
25
5
9
Le taux de réussite des candidats ayant suivi la préparation du concours au Cfeb est
en moyenne de 8 candidats sur 10. A noter que beaucoup de nos étudiants exercent
une activité rémunératrice en plus de leurs études (« petits boulots », maître
d’internat, maître contractuel à mi-temps dans l’enseignement bilingue ou vacataire
d’allemand…°).
On pense aussi au vivier d’admission en première année. Pour les admissions dans
la « voie régionale », au Cfeb, les candidats suivent le même parcours de préinscription que les candidats à la « voie générale ».Ils passent un QCM destiné à
évaluer leurs connaissances générales ( français et maths) et un entretien en
allemand et en dialecte qui nous permet de vérifier leur maîtrise de la langue
régionale.
année
39
Places
offertes
Préinscript Candidatu Candidats
ions
res
retenus
confimées
après
(dont
entretien
cursus
intégré =
C.I.)
Etudiants
Dont
inscrits redoublant
s
Les autres lauréats sont des candidats ayant présenté directement le concours, souvent après avoir déjà
enseigné en classe bilingue sur un emploi de contractuel ( 4 en 2002, 6 en 2003).
40
Le rectorat puise dans la liste complémentaire pour pallier le déficit en enseignants. Les étudiants
« reçus-collés » au concours ainsi recrutés sont alors admis à l’Iufm en formation PE2 l’année d’après. .
évaluation (D. Huck)
47
2001-2002
64
147
127 (dont
1 C.I.)
62 (+ 25
en LC)
57
2002-2003
64
127
79 (dont 7
C.I.)
64 (+1 en
LC)
51
7
2003-04
64
126
76 (dont 9 64 (+6 en
C.I.)
LC)
57
5
Cette statistique montre à la fois la relative étroitesse, mais aussi, pour l’instant, la
constance de ce vivier. Selon l’hypothèse du verre à moitié vide ou à moitié plein,
la situation peut être estimée satisfaisante ou non. Satisfaisante, parce que, malgré
tout, et sans doute aussi grâce au statut de notre langue régionale qui participe de la
diffusion d’une grande langue européenne, le vivier potentiel est assez élevé et se
situe de manière constante à 65-70 étudiants : encore le vivier est-il augmenté par
les candidatures provenant du cursus binational intégré41; insatisfaisante, parce que
le nombre de licenciés d’allemand stagne ou est en réduction dans les universités
alsaciennes et que le vivier de bons germanophones est insuffisant par rapport aux
objectifs de développement de l’enseignement bilingue. La demande continue des
Collectivités est que les universités proposent un perfectionnement en allemand.
Selon Adrien Zeller, président du Conseil régional, « Le déficit de compétences en
langues doit être comblé avant l’entrée à l’IUFM »( DNA, 9 janvier 2004, Région –
page 1).
La différence entre le nombre des candidats, en 2001, par rapport aux deux années
postérieures s’explique facilement : en fait, il s’est avéré que la définition du
concours était encore mal connue en 2001 et que beaucoup de candidats n’avaient
pas, cette année-là, les compétences linguistiques suffisantes pour se présenter au
concours spécial qui exige un haut niveau de connaissance de la langue régionale.
Nous avons eu l’impression qu’un tiers des candidats estimait pouvoir être admis
41
Le cursus binational intégré est un cursus universitaire géré en commun par deux partenaires allemands
– la Pädagogische Hochschule de Freiburg et les Staatliche Seminare – et par deux partenaires français,
l’Université de Haute-Alsace et l’IUFM d’Alsace. Ce cursus se déroule à parité dans les universités et les
centres de formations allemands et français et conduit à la double délivrance des diplômes allemands et
français d’enseignants ( 2. Staatsexamen et CAPE) .
évaluation (D. Huck)
48
avec une connaissance médiocre de la langue et ignorait encore les exigences du
concours, publié seulement en janvier 2002. Les écarts entre le nombre de
candidats pré-inscrits au cours de leur année de licence et retenus à l’issue des
entretiens en langue régionale et des candidats qui s’inscrivent réellement à l’Iufm,
dans la voie régionale proviennent du fait que tous les candidats ne réussissent par
leurs examens à l’université ou s’orientent vers d’autres voies, dont le CAPES.
D’autres éléments sont à notre disposition pour ce bilan.
Le suivi des cohortes ¨PE1 – PE2, d’abord , tel que le présente le tableau42 cidessous.
Rentrées
Allocations
d’études
bilingue
1994/9 1995/9 1996/9 1997/9 1998/9 1999/0 2000/0 2001/0 2002/0 2003/0
5
6
7
8
9
0
1
2
3
4
0
15
Bourses
régionales
bilingues
15
15
2
8
(Haut- (HautRhin) Rhin)
12
17
13
58
52
56
Effectif
total PE1
17
23
12
17
13
58
52
56
Réussite au
Concours
PE
Année de
PE2
7
11
6
8
12
35
25
Sessio
n 2004
PE2
bilingues
(4)
42
1996/9 1997/9 1998/9 1999/0 2000/0 2001/0 2002/0 2003/0
7
8
9
0
1
2
3
4
20
10
12
15
20
17
39
36
Lecture du tableau
Détail des effectifs PE2 – Lire « Rentrée 1999 : 15 PE2, dont 6 ex-boursiers et 9 nouveaux candidats »
Détail des effectifs PE2 « Rentrée 2003 : 31 lauréats du concours, dont 25 issus de la PE1 voie régionale
et 6 « candidats libres » + 5 issus de la liste complémentaire 2002. »
évaluation (D. Huck)
49
Les allocations d’études ont été affectées à la formation bilingue par le recteur, qui
les a prélevées sur le contingent académique d’allocations PE1, consenti par le
ministère (dernière attribution d’allocations en 1997/98). Entre 1996 et 1998, le
Conseil général du Haut-Rhin a attribué, pour les PE1 de la formation bilingue, des
bourses régionales « enseignement bilingue » en plus des allocations d’état. A
partir de 1998, les bourses régionales ont été attribuées par les deux Conseils
généraux ( Bas-Rhin et Haut-Rhin). Entre 1994 et 2001, le nombre de PE2 suivant
la formation optionnelle bilingue est plus important que les nombre de PE1
boursiers : durant cette période, il n’y a pas de formation PE1 spécifique ; la
formation bilingue commence en PE2, de nouveaux candidats se rajoutent aux
anciens boursiers. A partir de 2002, les effectifs de la PE2 de la voie régionale
bilingue sont issus à la fois des PE1 voie régionale (la formation spécifique a
commencé en 2001) et des candidats libres qui se sont présentés directement au
concours.
Les évaluations de la formation faite auprès des PE2 eux-mêmes
Les conditions de vie et d’études dans le Centre
En matière d’hébergement, le centre peut actuellement offrir l’accès à la
restauration scolaire du Lycée Deck, mais avec des contraintes horaires puisque le
Lycée Deck fait un geste de bonne volonté en accueillant nos étudiants et nos
formateurs aux heures de moindre charge, à partir de 13h. Dans le cadre de la
convention que nous avons avec lui, le lycée Deck met quatre chambres, avec
douche, à la disposition de nos étudiants. Mais, avec la construction d’une nouvelle
restauration fonctionnelle et moderne, l’accès de nos usagers sera facilité, puisque
l’Iufm y disposera d’environ cent places, dont la réalisation est prévue pour 2006,
et de vingt chambres individuelles, pourvues d’un confort moderne, dans le
bâtiment rénové de l’ancien internat. Nos étudiants bénéficient aussi de l’accès au
foyer du Centre où ils peuvent réchauffer leurs plats et prendre leur repas de midi.
Une grande partie des étudiants se loge à Guebwiller même ou dans les environs.
Leurs conditions de vie et de travail dans le centre, dont ils apprécient la
convivialité et le confort, leur plaisent. Ils soulignent la qualité de vie dans un
centre à taille humaine et à effectifs réduits.
évaluation (D. Huck)
50
La formation
Au sein de l’IUFM d’Alsace, l’Observatoire des dispositifs et des métiers de
l’éducation et de la formation (ODIMEF ), coordonné par Pascal Politanski, maître
de conférences en sociologie de l’éducation à l’Iufm d’Alsace, évalue chaque
année- à l’intention des acteurs de la formation et des responsables éducatifs- les
formations dispensées et les dispositifs d’enseignement. Ces évaluations constituent
aujourd'hui un moyen privilégié pour améliorer les formations dispensées et pour
appréhender les transformations de la profession enseignante. Les enquêtes43 faites
anonymement auprès de la promotion des PE2 2002/03 mettent en évidence une
grande satisfaction en ce qui concerne les outils mis à disposition dans le Centre,
les documents, ouvrages etc. disponibles à la médiathèque, l’accès aux outils
informatiques, la disponibilité des formateurs, des documentalistes et de l’équipe
administrative, les conditions de travail et de vie dans le Centre.
Par contre, ils ont demandé que la part de la langue régionale soit augmentée dans
la formation.
Par rapport à cette indication, nous avons réagi en augmentant la co-intervention
systématique du formateur de DNL et d’un formateur germanophone dans les
formations disciplinaires, en intensifiant la formation à l’emploi de la variété
dialectale, en développant le rôle de l’assistante d’allemand ainsi que l’intervention
de formateurs germanophones de langue maternelle et les séminaires conjoints avec
nos partenaires allemands du Rhin supérieur44. Nous tenons aussi à ce que les PE2
effectuent un stage filé de pratique accompagnée dans une classe allemande, un
stage en tutelle dans une classe bilingue et chez un maître-formateur, en plus des
trois stages en responsabilité dans des classes bilingues correspondant à aux trois
cycles de l’école élémentaire.
43
Elles ont été remises aux stagiaires en formation par dépôt dans leur boîte aux lettres. Pour y répondre,
les stagiaires avaient deux possibilités : retourner anonymement le formulaire papier rempli ou remplir le
formulaire en ligne sur le site internet.
Procédure et résultats consultables
http://www.alsace.iufm.fr/connaitr/statistiques/resultats_enquete_eval_form/tout.htm
http://www.alsace.iufm.fr/connaitr/statistiques/resultats_enquete_eval_form/tout.htm
Le taux de réponses en 2002 a été de 61,5 %
44
Par exemple le séminaire de juin 2003 à Landau.
évaluation (D. Huck)
51
Les Inspecteurs d’académie, qui participent directement à l’évaluation des stages
en responsabilité, tiennent cependant à ce que l’un des stages en responsabilité (cf.
note 10
) – et de préférence le deuxième, à savoir le R3 (stage en responsabilité de 3
semaines) s’effectue dans une classe mono-langue et à ce que la validation de ce
stage constitue le préalable à la pratique d’un stage en classe bilingue. Cette
volonté de donner priorité à la validation des compétences à l’enseignement en
classe mono-langue par rapport à l’enseignement bilingue est une interprétation du
statut des enseignants issus du concours spécial – ayant le même statut que leurs
collègues de la voie générale, ils doivent attester de leurs compétences à
l’enseignement en français comme préalable à l’enseignement en langue régionale,
selon les Inspecteurs d’académie – et montre les limites de ce concours, qui est un
aménagement du concours de professeurs des écoles et non une voie d’accès
spécifique et unique à l’enseignement bilingue.
Ouvrages cités
Geiger-Jaillet, A. / Morgen, D. (2003, sous presse), "Expériences pratiques : La formation des enseignants
à l’enseignement bilingue du premier degré à l’IUFM d’Alsace", Actes du colloque « Les langues en
Europe: diversité culturelle et garantie démocratique », Strasbourg, 20 - 21 novembre 2001, Centre des
Etudes européennes de Strasbourg (12 pages).
Morgen, D. (1999) « Les formations aux enseignements bilingues à l’IUFM d’Alsace, recherches et
prospectives dans un cadre national, transfrontalier et international » in « Des Racines et des ailes »,
Bibliothèque des nouveaux cahiers d’allemand – Mélanges en l’honneur de Jean Petit.
Morgen ;D. (2000a) « Alsace : un bilinguisme fondé sur les principes de précocité et de continuité
éducatives »
in« Actualité de l’enseignement bilingue » - Revue « le français dans le monde » numéro spécial, janvier
2000, pages 46 à 55.
2000(b) «L’enseignement précoce de l’allemand en Alsace » in französisch heute (4 –2000) pages 400 à
411
Morgen, D. 2002, juin "L'enseignement bilingue en Alsace, une problématique spécifique in Education et
sociétés plurilingues , n° 12 ( 77-90)
Morgen, D.( 2003) « La problématique de la langue régionale en Alsace, le développement de
l'enseignement bilingue et la formation des maîtres. » Communication faite au Symposium international
Mercator à Abersystwyth ( UK – Wales – 8 et 9 avril 2003) Consultable sur le site web
LIENHYPERTEXTE http://www.aber.ac.uk/mercator/english/events.htm
http://www.aber.ac.uk/mercator/english/events.htm
L’enseignement de la langue régionale : objectifs et mise en œuvre.
Monique MATTER,
Comité Fédéral des Associations pour la langue d’Alsace et de Moselle
La langue régionale d’Alsace a deux formes : une forme standardisée écrite,
Hochdeutsch, qui historiquement a été la langue d’enseignement, la langue de
l’administration et de la démocratie, par exemple pour la rédaction des professions
de foi en français et en allemand, la langue du droit notarial, la langue de la presse,
la langue de la littérature ; une forme dialectale orale, elsasserditsch, : qui fait
l’originalité de la langue régionale allemande en Alsace.
Objectif des enseignements de la langue régionale
L’objectif est de former des personnes parlant aussi bien le Hochdeutsch en tant
que langue régionale en Alsace que le français et donc capables d’utiliser
alternativement l’une et l’autre dans des situations les plus diverses. La maîtrise
totale de l’allemand en tant que langue régionale aux côtés de la langue française
constitue l’un des objectifs fondamentaux de l’enseignement en Alsace. Nous
souhaitons que les dialectes puissent constituer également l’un des codes
linguistiques dans lequel les habitants sont aptes à communiquer ici en Alsace et
avec leurs voisins rhénans. Je rappelle que ces objectifs ont été approuvés à
l’unanimité en 1990 par l’assemblée régionale et les deux assemblées
départementales par des motions proposées par le Haut Comité du président
Goetschy.
Conditions nécessaires :
Atteindre une telle maîtrise de la langue régionale sous ses deux formes suppose
que plusieurs conditions soient remplies, notamment dans le cadre scolaire.
La première d’entre elles est que la pratique dialectale et l’enseignement de la
langue standard soient présents dans les cursus scolaires à des doses non
homéopathiques de l’entrée en maternelle à 2/3 ans jusqu’à l’université. Toutes les
voies de l’enseignement de la langue régionale sont concernées : l’enseignement à
3 heures par semaine, l’enseignement bilingue paritaire et les enseignements dits
immersifs. Partout, notamment là où la dialectophonie reste suffisamment présente
dans le cadre social, voire chez les enfants, elle doit être encouragée, pratiquée et
valorisée par l’école pour maintenir cette pratique pour l’avenir. Dans les sites où la
évaluation (D. Huck)
53
pratique familiale est suffisante, elle doit être utilisée comme accès à une pratique
parfaite de la forme standard. Si demain, par suite de départs à la retraite, nous
n’avons plus en Alsace assez de maîtres dialectophones, nous savons que nous
pouvons trouver des maîtres qui parlent presque les mêmes dialectes dans les
régions germanophones qui nous entourent. Nous pouvons faire appel à ces
locuteurs.
Mise en œuvre
Au-delà de ce discours, il faut définir clairement comment le dialecte est introduit
dans ces enseignements tout au long de la scolarité, qui l’enseigne, quelles
formations seront proposées aux maîtres du 1er et du 2nd degré et comment
s’opéreront le suivi des résultats et les évaluations.
L’introduction du dialecte dans les écoles où la pratique sociale est insuffisante doit
se faire sous la forme d’une familiarisation avec l’expression orale permettant la
compréhension et un minimum de capacité d’expression dans le cadre familial et
scolaire.
Pour les élèves qui suivent l’enseignement de l’allemand à raison de 3h/ semaine et
pour les élèves de la voie bilingue paritaire le dialecte est introduit non pas comme
discipline d’apprentissage mais comme vecteur pour certaines activités non écrites :
musique, sport, arts graphiques…
Faire entrer la langue régionale dans ses deux formes à l’école, c’est lui donner une
chance de redevenir une langue maternelle quotidienne de la région.
A propos des manuels d'apprentissage de la langue allemande en Alsace
Guy HECKLY
IUFM d’Alsace
On peut se poser la question pourquoi certains enseignants du primaire et en
particulier un grand nombre d'intervenants extérieurs (surtout des locuteurs natifs)
n'utilisent pas de manuel pour assurer l'enseignement de la langue allemande.
Certes une pratique envahissante, se généralisant à toutes les disciplines, tend à
multiplier l'usage des photocopies en classe, jusqu'à transformer les cahiers d'élèves
en mille feuilles boursouflés, mais il y a peut être une raison plus profonde, en
particulier dans l'enseignement des langues vivantes. Elle se résume à la question :
les manuels de langue allemande disponibles sur le marché sont-ils adaptés à
l'enseignement ?
Pour répondre à cette question, nous aborderons d'abord la problématique de
l'enseignement des langues vivantes à l'école élémentaire et de la langue allemande
en particulier en présentant les notions de langue et de culture. Puis le public auquel
s'adressent ces ouvrages retiendra notre attention dans la mesure où nous
essayerons de formuler un certain nombre de propositions qui pourraient le motiver
dans ses apprentissages. Ensuite nous passerons en revue les ouvrages actuellement
disponibles et utilisés en suggérant quelques pistes de réflexion pour ouvrir la voie
à des pratiques plus adaptées à des situations culturelles plus pertinentes. Et enfin
nous ouvrirons un débat sur l'indispensable appel à la cognition dans
l'apprentissage et la maîtrise de toute langue. Cette réflexion porte sur
l'enseignement extensif de la langue allemande et ne concerne pas les classes à
parité horaire appelées "classes bilingues".
I. La problématique de l’enseignement des langues vivantes
Il serait bon de se reposer la question : qu'est-ce qu'apprendre une langue ? et son
corollaire : qu'est-ce qu'enseigner une langue ? Du point de vue didactique, il s'agit
d'abord d'atteindre des objectifs fixés par les instructions officielles. Ces objectifs
sont d'ordre langagier, linguistique et culturel. Ils sont exprimés en terme de savoir
dire45, et de réalisations lexico-grammaticales plus ou moins complexes46 . Les
45
Savoir se présenter, demander son chemin etc.
Un exemple : savoir se présenter peut se décliner de différente façon selon les circonstances. "Ich bin
…; ich heisse …; Mein Name ist … ; Darf ich mich vorstellen …"
46
évaluation (D. Huck)
55
instructions ministérielles du 29 août 2002 47 les énumèrent et la circulaire
rectorale du 10 juillet 2000 les présente sous forme de référentiel de compétences à
atteindre à la fin de chaque niveau et en particulier en fin de cours moyen II. Il reste
la partie la plus difficile à apprendre. Ce sont les objectifs comportementaux, qui
visent à mettre l'apprenant en confiance pour qu'il utilise la formule adéquate selon
les circonstances. C'est la raison pour laquelle le savoir-faire et le savoir-être sont
des compétences rarement abordées avec les élèves. L'écueil viendrait du fait que
l'essentiel du temps d'apprentissage est consacré à la mémorisation de formules
plus ou moins bien comprises. On peut s'en rendre compte lorsque des évaluateurs,
personnes étrangères au monde de l'apprenant, lui demandent de mettre en œuvre
des savoirs complexes.
En l'espace d'une génération d'enseignants, la méthodologie de l'enseignement a
considérablement évolué. Si la méthodologie audio-visuelle, appelée aussi
structuro-globale avait l'avantage de sécuriser les enseignants par son cheminement
que des formateurs ont présenté de manière simple voire simpliste, il n'en est plus
de même avec les générations suivantes et en particulier la méthodologie
"communicative-cognitive" qui fait appel à de très bonnes compétences
linguistiques de la part d'enseignants généralistes. En effet, pour l'élève, il s'agit
moins d'apprendre par cœur des sketches pour pouvoir les réutiliser dans des
situations hypothétiquement analogues mais plutôt de construire une interlangue
par un jeu d'essai-erreurs et de réfléchir à son fonctionnement. Cela suppose une
pédagogie radicalement différente.
Enseigner une langue fait donc appel à une pédagogie permettant la prise de parole,
l'apprentissage structuré et le raisonnement sur les différents apprentissages.
Contrairement à des idées reçues, une partie peut se faire en langue maternelle. Une
réflexion sur les convergences et divergences entre la langue maternelle et la
langue cible est profitable à l'élève et facilement réalisable si l'enseignant assure les
deux disciplines. Ceci bien sûr sans tomber dans les pièges de l'alternance
continuelle des deux codes (code switching).
Enseigner une langue c'est également présenter ceux qui la parlent avec leur cadre
de vie et les situations contextuelles y afférents. Actuellement on ne peut pas dire
que cet élément prédomine. L'enseignement / apprentissage est essentiellement
linguistique. Beaucoup d'enseignants et d'auteurs de manuels éprouvent de réelles
47
B.O. n° 4 Hors série Programme transitoire d'enseignement des langues étrangères ou régionales au
cycle des approfondissements de l'école primaire. 29/8/2002.
évaluation (D. Huck)
56
difficultés à présenter la culture / civilisation du pays de la langue cible, de peur
de tomber dans des clichés ou des stéréotypes.
Enseigner une langue / culture reviendrait donc à présenter la culture et respectant
trois critères : la variété, l'actualité et la représentativité (typicité). C'est une
appréhension du réel particulièrement difficile, car il est en perpétuel changement.
Il s'agirait plutôt da la présentation d'un système ouvert avec des relations
complexes entre les différentes parties qui le composent. Et pourtant l'approche
culturelle de la langue pourrait servir de levier à la motivation dans l'apprentissage
d'un code réputé difficile. Le problème de la motivation dans l'enseignement des
langues et en particulier de la langue allemande en Alsace ne semble trouver de
solution que s'il y a adéquation entre les contenus (langagiers, linguistiques et
culturels) et les attentes des apprenants. Quelles sont-elles?
II. Le public concerné et ses motivations
La généralisation de l'enseignement précoce des langues dans l'hexagone s'appuie
sur des expériences qui se sont succédé en Alsace depuis 1953 et en particulier
depuis l'initiative de l'Inspecteur général Georges Holderith en 1972 – 1973.
Posons pour hypothèse qu'un jeune de 6 à 11 ans est naturellement curieux et qu'il
attend de ceux qui l'entourent et du système éducatif en particulier des réponses à
ses nombreuses questions. Parler de "besoins" est réservé à la formation des adultes
et ne fait pas partie du domaine de l'apprenant de cet âge. Sauf cas très particulier,
un enfant n'a pas "besoin" d'apprendre l'allemand. Ce qui l'intéresse et le motive dès
le plus jeune âge, ce sont des jeux avec des sonorités nouvelles, des rythmes
différents et un code magique … Mais nous faisons une distinction très nette entre
une sensibilisation à la langue cible et son apprentissage structuré. Les écueils sont
nombreux et le rabâchage de fonctions langagières dont l'élève ne perçoit ni
l'utilisation ni l'intérêt peut démotiver plus d'un, avec pour conséquence de lui faire
changer la première langue au collège dans la croyance d'être débarrassé d'un
fardeau.
Faire comprendre aux élèves d'école élémentaire le pourquoi de l'apprentissage de
l'allemand en Alsace est un réel enjeu souvent mal maîtrisé. Ce qui intéresse
l'enfant, c'est d'abord de connaître ceux dont il va apprendre la langue. En
particulier les enfants de son âge, leur mode de vie, leurs habitudes, leurs loisirs,
leur système scolaire puisqu'il passe la majorité de son temps à l'école. Et comme
une langue sert surtout à communiquer, ils sont attentifs à des formes pour enter en
contact avec l'autre et peut-être pour les rencontrer.
évaluation (D. Huck)
57
Toutefois la réalité est un peu plus complexe puisque l'apprenant n'est pas
complètement ignorant du contexte historico-géographique dans la mesure où la
famille (parents mais aussi fratrie déjà scolarisée) et les camarades posent les
premiers jalons de son information avant même l'intervention de l'institution
scolaire. De toute façon il n'a pratiquement pas la possibilité de choisir la langue
cible.
Malgré toutes ces zones d'ombre, une pédagogie appropriée et un outillage
didactique adapté permettent de présenter une Allemagne moderne, vivante
quelquefois surprenante, ne demandant qu'à être questionnée à travers les supports
d'apprentissage.
III. Les ouvrages disponibles
Ces supports quels sont-ils?
Définissons d'abord deux termes. Par méthode nous entendons l'ensemble de
l'outillage didactique présenté par un éditeur et mis à la disposition des enseignants.
Il s'agit de supports écrits, auditifs, visuels mais également de la progression sur
plusieurs années d'apprentissage. Le manuel est un des éléments de la méthode. Il
est généralement acheté par l'école sur crédits municipaux et mis à la disposition
des élèves pendant plusieurs années.
En Alsace les manuels suivant sont utilisés dans de nombreuses classes. L'ordre est
chronologique d'après la date de parution.
Wer? Wie? Was? 1985 – Die kleine Eule 1988 – Ich und du 1989 – Katze Fax 1990
–Regenbogen 1989/90 – Fahr mit 1991 – Tamburin 1997 – Lilli Marzipan 2003.
Force est de constater que ces manuels ont plus de dix ans, sauf les deux derniers.
Nous constatons également que les ouvrages Wer? Wie? Was? et Tamburin ont été
édités en Allemagne pour un public international dans le cadre "DAF - Deutsch als
Fremdsprache". Nous ne ferons pas d'analyse exhaustive de ces manuels48.
Dans tout manuel de langue, il y a des théories linguistiques sous-jacentes, même si
l'auteur n'en fait pas expressément mention dans son introduction. S'il privilégie la
théorie structuraliste, son choix s'orientera surtout vers le lexique, la progression
grammaticale et la présence d'un certain nombre de structures permettant
l'exploitation thématique. La théorie de l'énonciation mettra en avant une approche
pragmatique de la langue, c'est à dire qu'elle confrontera l'apprenant à une langue
réellement parlée et dans une moindre mesure construite selon les prescriptions
48
Pour plus de détails consulter : HECKLY, Guy. De la problématique culturelle dans l'enseignement /
apprentissage d'une langue vivante à l'école élémentaire. Les éléments culturels dans les manuels
d'allemand utilisés au cycle III. Presses Universitaires du Septentrion, ANRT Lille III, 1997.
évaluation (D. Huck)
58
d'une grammaire. Cette théorie privilégie d'abord l'interlocuteur, le contexte et les
usages avant l'apprentissage systématique de la langue. Cela a pour conséquence
une autre présentation du manuel et un outillage didactique différent. Le rôle de
l'enseignant change : à la pédagogie de la restitution ou de "l'empreinte"49 s'oppose
la pédagogie de la créativité. Le fond l'emporte sur la forme.
Dans la pratique les options ne sont pas nettement tranchées, il y aurait plutôt des
dominantes. On peut dire que la plupart des manuels scolaires privilégie
l'apprentissage du code. Leur point de départ sont des thématiques qui permettent
de balayer des champs lexicaux plus ou moins complexes. La langue est souvent
ancrée dans le monde imaginaire. On est loin de la réalité quotidienne. C'est un peu
la "priorité du système sur sa réalisation"50 En examinant les manuels, on constate
que les supports concernant la compréhension orale sont sous-représentés sauf dans
Katze Fax et dans une certaine mesure Tamburin. Les textes enregistrés
représentent un nombre limité de supports et ce sont la plupart du temps des
sketches destinés à être mémorisés en classe. Sans compréhension au moins
globale, toute communication est illusoire.
Les textes officiels ont fait de la "communication" en cours de langue un leitmotiv.
Sans être iconoclaste, on peut se demander si la communication en classe existe
réellement. Examinons les rapports de force. D'une part l'enseignant avec un certain
nombre de contraintes que sont les instructions et les programmes, d'autre part un
groupe plus ou moins nombreux d'élèves, qui ont certes un avis à exprimer mais
dont l'énergie créatrice doit être canalisée à la fois en raison de la loi du nombre et
également des impératifs des apprentissages. Si l'on accepte la nuance entre
expression et communication, l'aspect interactionnel suppose un nouveau rapport
relationnel entre les différents acteurs. Si communiquer veut dire faire passer un
message pertinent, inédit et personnel, le point de départ doit être porteur de sens et
provoquer un questionnement. Le support inducteur de la réflexion devrait
permettre une prise de conscience "d'inter-relations, de rapports et d'échanges entre
les cultures différentes".51.
Après ces prolégomènes, quelques propositions peuvent être formulées. Apprendre
la langue allemande n'a de sens que si l'on apprend à connaître celui qui la parle.
L'accès à la culture se fait par une activité de découverte et de "conscientisation" au
moyen de documents auditifs, visuels ou textuels répondant au critère de
49
FAVARD, Jean (Dir.). Didactique de l'allemand, Paris : Nathan pédagogie, 1994. p. 6
ATHIAS Jacques, Linguistique et didactique de l'allemand, Paris : Masson / A. Colin 1995. p.43
51
LADMIRAL, J.-R. / LIPIANSKY, E.-M. La communication interculturelle. Paris : Armand Colin,
1989, P.10
50
évaluation (D. Huck)
59
pertinence. Ce qui implique un certain nombre de conséquences. L'approche de la
langue devrait être pragmatique pour que la langue parlée par les futurs
interlocuteurs soit compréhensible. La progression linguistique et grammaticale,
établie d'après une thématique proche des intérêts de l'enfant, devrait être
opérationnelle pour répondre aux besoins de l'apprenant52. La prise en compte de la
motivation et de la curiosité des apprenants peut s'effectuer lors d'échanges
scolaires. Des moyens modernes qui se trouvent pratiquement dans chaque classe
peuvent y contribuer efficacement. En conclusion, l'apprentissage de l'allemand
devrait impliquer l'élève en lui proposant des expériences centrées sur l'affectivité,
une rencontre autre qu'imaginaire et l'aspect cognitif et donc de lui permettre l'accès
à une connaissance qu'il n'aurait pas pu acquérir par un autre moyen.
IV. L’appel à la cognition
Les manuels d'allemand utilisés dans nos classes sont-ils adaptés à la situation
linguistique particulière de l'Académie de Strasbourg ? A notre connaissance, il y a
très peu, voire pas du tout de sections à recrutement ciblé, composées d'élèves
dialectophones qui sont en mesure d'entrer de plain-pied dans la langue allemande
standard. Un seul manuel spécifiquement élaboré pour ce public est "Reporter im
Elsass und an der Mosel"53. Nous n'aborderons pas la question de la dialectophonie
dans les classes de l'école élémentaire. Il est un fait que la situation géographique
de l'Alsace et sa particularité linguistique mériteraient d'être reconnues dans un
outillage approprié et un manuel spécifique.
La proximité du Land Baden-Württemberg n'est pas prise en compte dans la
motivation de l'apprenant et dans l'approche du fait culturel. La grande majorité des
manuels suit à la lettre les instructions officielles, répartit avec soin les fonctions
langagières à étudier sans trop se préoccuper de ces faits de langue. L'expérience
des classes nous fait dire qu'un grand nombre de fonctions langagières sont
ignorées dans la langue maternelle par des élèves qui ont une faible maîtrise des
langages. Alors que dire de leur apprentissage dans la langue cible? En fait, la
question de sens est primordiale dans tous les apprentissages. Le pourquoi des
apprentissages doit être lisible par chacun sinon il y a un grand risque de
découragement et de lassitude après des essais quelquefois infructueux. Or
52
Le mot "besoin" est utilisé à dessein pour bien marquer l'utilisation d'abord instrumentale de la langue.
L'objectif terminal étant de pouvoir comprendre et entrer en contact avec un interlocuteur lors d'échanges
et de rencontres physiques.
53
L'allemand dans les régions dialectales CE 2 – CM 1, JENNY, A. et alii, Strasbourg : CRDP 1988.
évaluation (D. Huck)
60
l'apprentissage est un long cheminement où l'erreur fait partie intégrante de
l'accès au savoir.
Donner du sens aux apprentissages, ce n'est pas se présenter en classe et en langue
étrangère alors que tout le monde se connaît depuis de longues années, ce n'est pas
indiquer son domicile à un voisin de palier… Pour illustrer une autre manière
d'aborder les fonctions langagières de base qui se trouvent invariablement dans les
premiers chapitres de tout manuel, nous avons entrepris avec la collaboration d'un
conseiller pédagogique et le concours de la Rektorin de la Pestalozzi Schule de
Freiburg-Haslach une expérimentation avec des moyens audio-visuels. Il s'agit
d'une production "légère" pouvant être effectuée par un enseignant équipé d'une
caméra et dont la classe est pourvue d'un magnétoscope. L'apport des techniques
numériques et la gravure sur DVD en facilite encore l'utilisation.
Cette expérience repose sur le partenariat de deux écoles et de classes apprenant la
langue du voisin.
Nous avons demandé à une dizaine d'élèves allemands de la troisième,
quatrième classe, dont la diction était assez intelligible pour que des élèves
débutants français du cours moyen puissent les comprendre, de se présenter en
utilisant la même fonction langagière mais sous trois formes différentes. Dans la
scène suivante, chacun a dit où il habitait, puis deux élèves ont présenté leur
matériel scolaire : contenu de la trousse et contenu du cartable. Nous nous sommes
également rendus dans une classe à l'heure du "Pausenbrot" et chaque élève a
présenté ce qu'il apportait pour la collation prise en salle de classe avant la grande
pause de la matinée. D'autres élèves nous ont parlé des fêtes calendaires et la
manière dont elles sont fêtées chez eux. Notre seul souci était une bonne maîtrise
de la diction pour que l'enregistement soit utilisable tel quel dans une salle de
classe.
Ceci n'était pas un travail supplémentaire ni une perte de temps pour les
élèves allemands. Ils se sont entraînés à produire un document de qualité ayant un
usage précis dans une classe partenaire. Leur production orale leur a permis
d'apprendre à connaître les règles d'un récit oral. Toutes ces activités n'étaient pas
effectuées dans un esprit péjorativement scolaire mais le sens était donné par les
finalités.
Les élèves destinataires du document pouvaient constater :
- que les Allemands ne s'appellent pas "Müller – Meyer – Schmitt" dans leur
majorité. Une jeune fille asiatique présente dans la classe leur a permis de mesurer
la multiplicité des origines. Le microcosme de la classe permet de prendre en
compte la grande variété sociétale.
évaluation (D. Huck)
61
- que la compréhension de l'adresse passe par la lecture d'un plan où se trouve le
nom des rues. La variété des désignations indiquant la domiciliation représente bien
la complexité du réel.
- le fait de prendre une copieuse collation à la pause, contrairement aux habitudes
nationales soulève un certain nombre de questions : tant sur les habitudes
alimentaires que sur l'organisation de la journée.
- que certaines fêtes calendaires avaient une grande importance dans le cadre de la
famille. Des modes de vie différents à l'occasion de fêtes qui sont communes,
permet de relativiser des pratiques autochtones.
Il n'est pas question de dénigrer l'utilisation de manuels scolaires. Mais de
par leur forme, ils ne peuvent pas répondre à une demande associant le linguistique
à un culturel s'échappant des rigidités stéréotypées. Si le support papier est
indispensable pour l'apprentissage et la fixation de nouvelles structures morphosyntaxiques, le point de départ pourrait être un support déclencheur de curiosité, de
réactions et de réelle communication.54 L'entrée en matière devrait susciter
l'interrogation et le débat qui s'en suit, peut fort bien se faire en langue maternelle.
C'est un exercice de compréhension orale. Dans les manuels les plus récents, des
exercices demandant
un travail en "tandem", ouvrent la voie à un
approfondissement et à un partenariat dans les apprentissages.
Pour entrer en contact avec une langue moderne et pour faire connaissance
avec ceux qui la parlent, nous ne connaissons pas de meilleur moyen que les
échanges et les rencontres surtout pour les écoles de la zone rhénane. En participant
à des échanges de documents, les enseignants français peuvent également
contribuer à donner plus de sens aux activités de la classe. La correspondance
scolaire est un exercice pédagogique dont les bienfaits ne sont plus à démontrer.
Cette correspondance peut être étendue au domaine de l'apprentissage de
l'allemand.
On pourrait terminer par une boutade en disant que tout manuel est bon, cela
dépend de ce qu'en fait l'enseignant. En langue vivante, c'est un peu plus compliqué
si l'on veut sortir de l'approche lexico-grammaticale et s'ouvrir à la pragmalinguistique pour préparer les apprenants à l'usage d'une langue qu'ils doivent
54
Il existe une méthode qui tente de concilier l'apprentissage livresque avec un regard sur la réalité vécue.
Il s'agit de "Anna, Schmidt und Oskar" publié chez Langenscheidt 1993. Avec une pointe d'humour, cette
série audio-visuelle sur cassettes vidéos s'adresse à un public légèrement plus âgé que celui de nos élèves
de cours moyen.
évaluation (D. Huck)
62
employer dans des situations réelles de la vie courante. Néanmoins une mise en
garde s'impose. Si l'élève n'est pas habitué très tôt à une "observation réfléchie de la
langue", s'il ne maîtrise pas ou plus dans sa langue maternelle les mots pour
désigner les éléments du discours et s'il ne perçoit pas la fonction des groupes
composant la phrase, son apprentissage relèvera plus du psittacisme que d'un réel
apprentissage motivé. Seule une approche raisonnée d'un certain nombre de
différences grammaticales avec la langue maternelle permet de comprendre le
fonctionnement de la langue. C'est un défi lancé aux auteurs de manuels.
Bibliographie sommaire :
Outre les ouvrages indiqués en bas de page, on peut consulter avec intérêt les revues suivantes
PRIMAR : Zeitschrift für Deutsch als Fremdsprache im Primarbereich. Goethe Institut, Dürr + Kessler
ELA : Etudes de Linguistique Appliquée, Didier Erudition.
NCA : Nouveaux Cahiers d'Allemand, Revue de linguistique et de didactique. Nancy
La politique haut-rhinoise en faveur de la langue régionale.
Patrick KLEINCLAUS
Conseil général du Haut-Rhin55
Les demandes de la collectivité territoriale.
Le Conseil Général du Haut-Rhin, dans les années 1950, a suivi ses homologues du
Bas-Rhin qui dès 1948 à l’unanimité avaient voté pour un retour à l’enseignement
obligatoire de l’allemand à l'école primaire, tel qu’il existait jusqu’en 1939. Cette
volonté de garantir la maîtrise de la langue régionale, s’est manifestée en 1973 par
un soutien à l’enseignement de l’allemand aux élèves de CM1/CM2 sur la base de
2 h 30 par semaine.
En 1990, cette volonté s’est exprimée par le souhait d'un enseignement généralisé
de l'allemand, de la maternelle au baccalauréat, sur la base de 3 h par semaine, et la
demande pour un enseignement bilingue optionnel dès la maternelle.
En 1991, le soutien actif à l’enseignement associatif, à l’enseignement privé
confessionnel puis au service public en 1992 pour ces deux types d’enseignement a
été renforcé. La convention de 1994/1999 a maintenu ces deux voies : elle
prévoyait de développer la voie extensive (3 h/semaine) jusqu’en grande section de
maternelle et de mettre en œuvre l’enseignement bilingue à l’école primaire et au
collège dans au moins 20 sites complets. L’objectif dans l’enseignement extensif
n’a pas été respecté, seul le cycle 3 étant couvert avec une forte régression à partir
de 1998/1999 en cycle 1 et 2.
La convention 2000/2006 a depuis actualisé et complété ces objectifs.
L’enseignement extensif, concernant le dialecte et le hochdeutsch, doit être
généralisé dès l’entrée en maternelle en section des petits d’ici à 2006.
L’enseignement bilingue doit être présent dans tous les secteurs de collège à
l’issue de la convention, ce qui suppose la mise en place de 2 à 3 sites bilingues en
maternelle dans chaque secteur de collège.
Tous les élèves pourront, dès la 6ème de collège opter pour une langue
supplémentaire, anglais ou autre, et même dans certains cas dès le CM1/CM2. Les
55
Chargé de mission Langue et culture régionales au Conseil général du Haut-Rhin
évaluation (D. Huck)
64
deux langues, l’allemand et anglais, ne seront ainsi pas mis en concurrence mais
en synergie.
Cinquante (50) maîtres par an en moyenne doivent être formés dans le 1er degré
pour l’enseignement bilingue.
Des difficultés subsistent.
Concernant l'enseignement bilingue, les modalités actuelles d’information des
parents et de recensement de la demande ne sont pas encore satisfaisantes dans tous
les cas. L'information n’est pas encore toujours positive et le recensement, en
général, ne s'adresse pas à toutes les tranches d’âges concernées. Parfois certains
bulletins d’inscription sont quelque peu inquisiteurs et démotivants, les bulletins de
pré-inscription sont remis trop souvent uniquement aux seuls parents présents aux
réunions d’information. Il en résulte un développement anormalement faible de
l’enseignement bilingue, et parfois même un renouvellement très insuffisant des
inscriptions dans les sites bilingues.
L’insuffisance numérique des sites à l’école maternelle persiste et contrevient aux
dispositions du code de l’éducation : celui-ci fait de la proximité géographique à
l'école maternelle un élément fondamental dont souvent les élèves bilingues ou les
candidats à l’enseignement bilingue ne bénéficient pas. Ceci freine évidemment le
développement de l'enseignement bilingue. Ainsi l’égalité d’accès au service public
éducatif n’est-elle pas assurée par rapport à l’enseignement monolingue, pour les
familles dont l’enfant fréquente un site bilingue et pour de nombreuses autres qui
ont souhaité cette forme d’enseignement pour leur enfant sans l’obtenir.
Dans les grandes communes, la limitation des sites bilingues à un petit nombre ou
même à un site unique empêche tout véritable développement de l’enseignement
bilingue, les dérogations étant fréquemment refusées en raison de numerus clausus
implicites ou explicites, mais bien réels.
D’autres difficultés, freinant son développement, apparaissent.
La poursuite de la voie bilingue est, dans plusieurs cas, organisée dans un collège
différent de celui du secteur de recrutement, ce qui pose le problème de l’absence
de transport scolaire.
L’insuffisance de manuels et de livres du maître en allemand pour le 1er degré
perdure.
évaluation (D. Huck)
65
La tendance des inspections à vouloir imposer la règle « un maître deux
langues », refusée par les parents et collectivités, freine très sensiblement le
développement de la voie bilingue en raréfiant les moyens disponibles et amoindrit
fortement la qualité de l'allemand pratiqué par les maîtres.
La réduction du recrutement de maîtres bilingues par le concours spécial d’une
quarantaine à encore une trentaine de maîtres en 2003 - alors que la convention en
prévoit un minimum de cinquante par an – accroît les retards accumulés au lieu de
les résorber.
En 2003, l’académie a engagé une réflexion pour déterminer la place qui revient au
dialecte alors que la convention signée en 2000 lui fait déjà une référence explicite.
Il faut accélérer l’application des objectifs de la convention et de tous ses objectifs
et mettre rapidement des dispositifs efficaces en œuvre, pour la langue régionale
sous ses deux formes, dans le cadre d’une planification 2003/2006.
Les outils pour l’enseignement de l’allemand.
Jean-Daniel ZETER
Rectorat, Mission académique aux enseignements régionaux
L‘insuffisance des outils a été évoquée autour de cette table ronde pour expliquer
des difficultés de l‘enseignement de la langue régionale.
L’enseignement de la langue régionale est souvent ressentie comme une contrainte
ou comme un aimable dilettantisme, contrairement à l’enseignement des maths par
ex. Quand la contrainte s’institutionnalise et devient donc plus « morale », on
cherche des échappatoires, des stratégies d’évitement, parmi lesquels le manque de
matériel pédagogique. Or, celui-ci existe, peut-être non encore formalisé de façon
définitive car les inspecteurs souhaitent une expérimentation sur deux ou trois ans,
ou existe sur des supports informatiques que tous les enseignants ne peuvent ou ne
veulent pas toujours utiliser.
Mais notre objectif est de couvrir la demande, avec l’aide du CRDP notamment,que
je verrais bien comme un organe spécialisé dans ces productions. Mais il lui est
difficile pour l’heure de rendre le plan régional prioritaire en respectant les délais,
compte tenu de son obligation de résultats économiques et du personnel réduit dont
il dispose.
Or, les autres éditeurs sont peu empressés du fait de la non-rentabilité commerciale.
Parallèlement, si le Fonds de concours LCR est prêt à payer le « master » des
outils pédagogiques, il convient également que les responsables financiers pour
l’achat de livres s’investissent au niveau qui est le leur (communes pour le
primaire, crédits de manuels Etat pour les collèges).
Je tiens ici à remercier tous les enseignants pionniers qui ont accepté de mutualiser
leurs pratiques pour la création de dossiers pédagogiques. Je propose par
conséquent de réunir tous les documents de bonnes pratiques des enseignants sur le
terrain pour en faire des vade-mecum efficaces, des modélisations transférables.
évaluation (D. Huck)
67
Par ailleurs, nous sommes en train de moderniser le manuel transfrontalier, lui
donner une nouvelle vie, plus interactive, en le publiant sur la toile. Ceci, afin de
peser sur le mental de nos concitoyens et de leur faciliter la perception de ce qui est
à la fois commun et différent dans les régions du Rhin Supérieur.
Il ne manquera alors plus que la mise en place d’un vieux rêve, l’instauration d’une
heure d’enseignement, par semaine ou par quinzaine, dans toutes les classes du
Rhin supérieur, pendant laquelle cet espace serait étudié. Ce serait un formidable
complément à l’ouvrage et la garantie de son utilisation.
En tout cas, ces tâtonnements à propos de l’enseignement de notre langue régionale
constituent un gisement extraordinaire pour créer et adapter des outils, des
méthodes, des contenus d’enseignement, et pour apporter sa contribution à un
enseignement amélioré, plus vivant, de l’ensemble des langues.
En réponse à Yves Rudio, je dirais que les dérogations au principe « un maître –
une langue » sont étudiées au cas par cas en tenant compte que ce principe est plus
important pour la maternelle que pour le primaire où les enfants entrent dans le jeu
de rôle sans problème. Mais elles nous permettent de récupérer ou de conserver
pour le bilingue des enseignants souhaitant ne faire qu’un demi-service en allemand
et surtout désireux de garder leur service dans une classe complète afin de
conserver la maîtrise de la progression sur l’année.
En ce qui concerne les personnels contractuels, le dialogue est ouvert ; le concours
spécifique permet aujourd’hui à ces personnels d’intégrer le corps de
fonctionnaires. Je pense qu’on assistera bientôt à la résorption positive des
contractuels
par
voie
de
concours.
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