Examen et estimation de la durée de la détention chez les

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Examen et estimation de la durée de la détention chez les
Examen et estimation de la durée de la détention chez les délinquants condamnés pour meurtre
__________ résumé de recherche __________
Examen et estimation de la durée de la détention chez les délinquants condamnés pour meurtre
Mark Nafekh
Jillian Flight
Direction de la recherche
Service correctionnel du Canada
Novembre2002
Sommaire
Les dispositions législatives régissant la détermination de la peine dans les cas de condamnation pour
meurtre ont considérablement évolué au cours des dernières décennies. Pour examiner la période de
temps moyenne passée en prison par les délinquants condamnés pour meurtre au Canada, il importe de
prendre en compte les changements législatifs, récents et moins récents, survenus au chapitre de la
réhabilitation et de la libération conditionnelle.
La présente étude vise à déterminer la durée moyenne de la détention chez les délinquants reconnus
coupables de meurtre au cours de trois périodes importantes sur le plan législatif, soit: avant1961
(période précédant la création des catégories du meurtre qualifié et du meurtre nonqualifié); de 1961 à
1976 (période où les catégories du meurtre qualifié et du meurtre nonqualifié ont prévalu); de 1976 à
2002 (période des catégories du meurtre au premier degré et du meurtre au deuxième degré). À cette fin,
nous avons examiné la durée de détention moyenne à l’aide de méthodes statistiques couramment
employées pour analyser le type de données visées. De façon plus précise, mentionnons que nous avons
eu recours à la méthode de l’analyse de survie de Kaplan-Meier pour établir la durée moyenne de
détention au cours de chacune des périodes précitées. Pour les besoins de l’exercice, la durée de
détention a été définie comme le laps de temps écoulé entre le moment où le condamné pour meurtre
commence à purger sa peine d’emprisonnement et la survenue d’une des éventualités suivantes: décès du
détenu, mise en liberté du détenu en vertu d’une ordonnance judiciaire, usage de la prérogative royale de
clémence ou mise en liberté sous condition du détenu.
Toutes les données disponibles concernant les délinquants sous responsabilité fédérale ont été extraites
du Système de gestion des délinquants (SGD), la base de données informatisée du Service correctionnel
du Canada (SCC). En avril 2002, celui-ci contenait de l'information au sujet des condamnations pour
meurtre pour 4228délinquants. Ce chiffre exclut les détenus transférés de l’étranger et les délinquants
purgeant une peine d’emprisonnement pour meurtre en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants.
L’examen de la courbe de survie des personnes condamnées pour meurtre avant 1961 révèle que la durée
moyenne de leur détention était de 19,6ans. Pour la période de 1961 à 1976, nous avons établi une durée
de détention moyenne de 15,8ans pour les délinquants incarcérés pour meurtre qualifié, et de 14,6ans en
ce qui concerne ceux qui purgeaient une peine pour meurtre nonqualifié. Cette baisse peut fort
probablement être associée aux modifications législatives survenues et à l’adoption de la Loi sur la
libération conditionnelle (1959). D’un point de vue historique, les effets les plus importants sur la durée
de détention des délinquants condamnés pour meurtre se sont produits après1976. En effet, après cette
date, on enregistre chez les détenus purgeant une peine pour meurtre au premier degré une durée de
détention moyenne de 22,4ans, soit une augmentation de 6,6ans par rapport à celle des délinquants
incarcérés pour meurtre qualifié entre 1961 et 1976. Il s’agit d’une sous-estimation, car la durée de
détention maximale pour cette période ne peut être déterminée à l’heure actuelle.
La durée de la détention a varié au fil du temps en raison des différents mécanismes mis en place pour
régir la mise en liberté. Avant 1961, les personnes reconnues coupables de meurtre étaient le plus
souvent condamnées à mort ou voyaient leur peine commuée en peine d’emprisonnement à perpétuité, ce
qui faisait varier énormément la durée de la peine. Entre 1961 et1976, les délinquants dont la peine avait
été commuée et ceux dont le crime entrait dans la nouvelle catégorie du meurtre nonqualifié pouvaient
demander la libération conditionnelle. C’est pendant cette période qu’on enregistre les plus courtes
durées de détention moyennes, en particulier chez les délinquants condamnés pour meurtre qualifié. À
partir de 1976, des critères plus sévères ont été établis dans les cas de meurtre au premier degré, et la
période minimale d’inadmissibilité à la libération conditionnelle est passée à 25ans, avec possibilité de
libération conditionnelle anticipée après 15ans d’emprisonnement dans certains cas. La durée de
détention moyenne pour cette période s’avère plus longue que jamais auparavant chez les délinquants
ayant commis un meurtre au premier degré, alors que, en ce qui concerne les individus condamnés pour
meurtre au deuxième degré, elle n’a augmenté que légèrement.
Remerciements
Les auteurs voudraient remercier ColetteCousineau de leur avoir fait profiter de sa connaissance du
Système de gestion des délinquants du Service correctionnel du Canada et lui exprimer leur
reconnaissance pour le travail qu’elle a accompli afin d’assurer la qualité et l’exactitude des données.
Table des matières
Sommaire *
Remerciements *
Table des matières *
Liste des tableaux *
Liste des grahiques *
Introduction *
L’étude *
Méthodologie *
Résultats *
Avant 1961 *
1961-1976 *
1976-2002 *
Survol historique *
Conclusion *
Bibliographie *
Liste des tableaux
Tableau 1. Répartition des cas étudiés, par année de la condamnation
Liste des graphiques
Graphique 1. Laps de temps moyen jusqu'à la fin de la détention (selon les période de temps pertinentes à
la législation)
Graphique 2. Meurtre, meurtre qualifié et meurtre au premier degré
Graphique 3. Meurtre, meurtre nonqualifié et meurtre au deuxième degré
Introduction
Au Canada, le code pénal relève du fédéral. Il n’existe donc dans tout le pays qu’une seule définition du
meurtre et un seul régime de détermination de la peine en cas de condamnation pour meurtre. Les
dispositions législatives régissant cette détermination ont cependant beaucoup évolué au cours des
dernières décennies. Il faut donc, lorsqu’on se penche sur la période de temps effectivement passée en
prison par les meurtriers au Canada, bien comprendre les anciennes dispositions en la matière et la façon
dont leurs modifications successives, particulièrement au chapitre de la réhabilitation et de la libération
conditionnelle, peuvent influer sur une telle analyse.
En examinant le système de détermination de la peine qui existait auparavant, on constate que les
décisions concernant la mise en liberté des délinquants sous responsabilité fédérale condamnés pour
meurtre étaient ordinairement laissées à la discrétion du pouvoir judiciaire. Historiquement, les individus
purgeant une peine d’emprisonnement pour meurtre pouvaient bénéficier d’une mise en liberté, obtenir
leur réhabilitation ou voir leur peine réduite en vertu du pouvoir discrétionnaire lié à la prérogative royale
de clémence (Evans, 1971). Puis, le concept de la libération conditionnelle a vu le jour, et les délinquants
condamnés pour meurtre sont devenus admissibles à ce type de mise en liberté à des stades donnés de
leur peine.
Avant le 1erseptembre1961, toute personne trouvée coupable de meurtre au Canada faisait
automatiquement l’objet d’une condamnation à mort, la peine finissant généralement par être exécutée. Il
était toutefois possible pour certains condamnés à mort d’être mis en liberté ou de voir leur peine
commuée en peine d’emprisonnement à vie grâce à la prérogative royale de clémence. Le Gouverneur
général détenait ce pouvoir. Certains faits historiques indiquent qu’on en usait fréquemment, et avec
passablement de souplesse. Entre l’avènement de la Confédération (1867) et 1962, année de la dernière
exécution au Canada, le Cabinet fédéral a commué à peine moins de la moitié des peines capitales en
peines d’emprisonnement à perpétuité (Strange, 2001). La décision d’exécuter la peine ou d’épargner la
personne condamnée se prenait au cas par cas et ne s’appuyait sur aucune règle officielle d’évaluation.
Mais les dispositions législatives visant la libération conditionnelle adoptées par la suite allaient avoir
une incidence à cet égard.
Entre-temps, au cours de la période de 1899 à 1959, la Loi des libérations conditionnelles allait instaurer
le concept selon lequel la mise en liberté jouait un rôle important dans le processus de réadaptation.
«(…) l’octroi de la mise en liberté doit être confié à un organisme spécialisé, et il convient d’assurer la
surveillance durant la période de liberté sous condition et prévoir des sanctions pour violation de ces
conditions.»
(Guide de gestion des peines, 2001).
Aux termes de cette loi, le Gouverneur général du Canada pouvait accorder la mise en liberté sous
condition à toute personne purgeant une peine d’emprisonnement. Les délinquants ayant reçu une
sentence de mort n’y avaient pas droit, mais elle est plus tard devenue accessible à ceux dont la peine
avait été commuée en peine d’emprisonnement à perpétuité.
Le 15février1959, la Loi des libérations conditionnelles était abrogée par la Loi sur la libération
conditionnelle. Cette dernière prévoyait la constitution d’une commission dotée du pouvoir d’octroyer,
de refuser ou de révoquer la libération conditionnelle, et ce, sans avoir à rencontrer le requérant avant de
rendre sa décision (Guide de gestion des peines, 2001). La libération conditionnelle était définie comme
le régime en vertu duquel on accordait au délinquant la permission d’être en liberté pendant qu’il
purgeait sa peine. Selon la Loi sur la libération conditionnelle, la Commission devait, à un moment
déterminé par la réglementation connexe, réévaluer le cas de chaque délinquant purgeant une peine
d’emprisonnement de deux ans ou plus, peu importe si une demande de libération conditionnelle avait été
faite par l’intéressé ou en sa faveur. Les délinquants trouvés coupables de meurtre n’avaient toujours
accès à la mise en liberté que par le truchement de la réduction de peine, de la réhabilitation ou de la
prérogative royale de clémence. Toutefois, on allait bientôt les diviser en deux groupes, et certains
allaient devenir admissibles à la libération conditionnelle.
Les modifications apportées au Code criminel en 1961 ont officiellement établi une différence orientant
la décision entre la peine d’emprisonnement à perpétuité et la peine capitale. En effet, deux catégories de
meurtres ont été créées, soit le meurtre qualifié et le meurtre nonqualifié, le premier étant défini commele
meurtre prémédité et commis de propos délibéré, à l'occasion de certains crimes avec violence, par
l'intervention directe ou sur les conseils de l'accusé; et le meurtre d'un agent de police ou d'un garde de
prison dans l'exercice de ses fonctions, meurtre résultant d'une telle intervention directe ou de tels
conseils (Chandler, 1994). La peine obligatoire en cas de meurtre qualifié continuait d’être la pendaison,
à moins que l’accusé ait moins de 18 ans. Tous les autres meurtres, considérés comme des meurtres
nonqualifiés, restaient punissables d’emprisonnement à perpétuité. Toujours en1961, outre les
modifications susmentionnées, on a instauré l’examen automatique, par la cour d’appel provinciale, de
tous les cas de condamnation pour meurtre qualifié et accordé pleinement aux condamnés le droit
d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada. Il s’agissait en réalité d’un examen des faits ou des
points de droit liés à la condamnation, car la peine était obligatoire et ne pouvait être réduite que par le
Cabinet.
Au fur et à mesure que la loi faisait évoluer la définition du meurtre et le système de détermination de la
peine, la réglementation en matière de libération conditionnelle venait influer sur la durée de la peine.
L’alinéa 6b) du Règlement sur la libération conditionnelle prévoyait que les délinquants condamnés à la
prison à vie pour meurtre nonqualifié avant le 4janvier1968 devenaient admissibles à la libération
conditionnelle après sept ans d’incarcération. Les personnes reconnues coupables de meurtre et dont la
peine avait été commuée en peine d’emprisonnement à perpétuité pouvaient demander leur libération
conditionnelle lorsqu’ils avaient purgé 10ans de leur peine d’emprisonnement. Entre 1968 et 1974, la
période d’emprisonnement minimale avant l’admissibilité à la libération conditionnelle dans les cas de
condamnation pour meurtre nonqualifié a été portée à 10ans (Règlement sur la libération conditionnelle,
article7). Par conséquent, la période d’inadmissibilité était donc, durant cette période, la même dans les
cas de meurtre qualifié et dans les cas de meurtre nonqualifié (Commission nationale des libérations
conditionnelles, 1991).
En 1976, on a modifié les paragraphes 218(5) et 218(6) du Code criminel, la période d’inadmissibilité à
la libération conditionnelle variant dès lors de 10à 20ans. Les modifications touchaient les personnes
suivantes:les individus condamnés entre le 1erjanvier1974 et le 25juillet1976 à l’emprisonnement à
perpétuité pour meurtre qualifié par la suite d’une commutation réelle ou présumée de leur peine capitale
en peine d’emprisonnement à perpétuité; les personnes condamnées à l’emprisonnement à perpétuité
pour un meurtre nonpunissable de mort à l’issue de procédures ayant commencé durant cette période,
même si la déclaration de culpabilité avait eu lieu après le 25juillet1976. De plus, ces personnes avaient
désormais droit à la révision judiciaire une fois qu’elles avaient purgé 15ans de leur peine
d’emprisonnement (Commission nationale des libérations conditionnelles, 1991).
Entrée en vigueur le 16juillet1976, la Loi de 1976 modifiant le droit pénal (no2) a officiellement aboli la
peine de mort et modifié les sanctions imposées dans les cas de meurtre et d’autres crimes graves. La
nouvelle loi a entraîné une diminution des cas où l’on faisait preuve de clémence et de souplesse, et
instauré des peines minimales obligatoires aux meurtriers (Strange, 2001). En vertu du Code criminel, il
existe deux catégories de meurtres: le meurtre au premier degré et le meurtre au deuxième degré. Le
meurtre au premier degré est le plus grave et, partant, mérite les peines les plus lourdes. Il englobe les
meurtres commis avec préméditation et de propos délibéré, notamment les meurtres à forfait et les
meurtres d’agents de police ou d’employés de prison. Sont assimilés au meurtre au deuxième degré tous
les meurtres qui n’appartiennent pas à la catégorie des meurtres au premier degré. Depuis1976, la peine
obligatoire pour les individus reconnus coupables de meurtre au premier degré est l’emprisonnement à
perpétuité, et ces délinquants n’ont pas droit à la libération conditionnelle avant d’avoir purgé 25ans de
leur peine en prison. Le meurtre au deuxième degré appelle également l’emprisonnement à perpétuité
comme peine obligatoire, et la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle est d’au moins
10ans. Cependant, elle peut varier de 10à 25 ans, selon la décision du juge qui prononce la sentence.
Dans les cas de condamnation pour meurtre au premier ou au deuxième degré sans possibilité de
libération conditionnelle, le délinquant demeure incarcéré pour le restant de ses jours. Les délinquants
qui obtiennent leur libération conditionnelle pendant leur peine d’emprisonnement à perpétuité
demeurent le reste de leur vie en liberté conditionnelle, à moins que cette libération ne soit révoquée,
auquel cas ils sont réincarcérés. S’ils n’obtiennent pas de libération conditionnelle, ils restent incarcérés
jusqu’à la fin de leurs jours. Il arrive souvent que les délinquants condamnés pour meurtre s’éteignent en
prison. Bien que la peine d’emprisonnement à perpétuité s’assortisse d’une période d’inadmissibilité à la
libération conditionnelle, certains délinquants sont libérés avant la fin de cette période. Au moment de
son adoption, en 1976, la Loi modifiant le droit pénal comportait une disposition connue sous le nom de
«clause de la dernière chance». Cette disposition a trait à la révision judiciaire, dans le cadre de laquelle
le délinquant peut demander à la cour une réduction de sa période d’inadmissibilité à la libération
conditionnelle. La révision judiciaire ne signifie pas qu’on accordera au délinquant une libération
conditionnelle anticipée ni qu’on réduira la peine imposée. La disposition en question permet simplement
que certains délinquants ayant purgé au moins 15 ans de leur peine d’emprisonnement à perpétuité
fassent une demande au tribunal afin que leur cas soit réexaminé plus tôt que prévu par la Commission
nationale des libérations conditionnelles. Pour avoir droit à la révision judiciaire, le délinquant doit avoir
été condamné pour haute trahison ou meurtre au premier degré (et s’être automatiquement vu imposer
une peine d’emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans) ou avoir été
reconnu coupable de meurtre au deuxième degré et condamné à l’emprisonnement à perpétuité assorti
d’une période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle de plus de 15ans, tout en ayant purgé au
moins 15 ans de sa peine à partir du moment de son arrestation.
Comme nous l’avons mentionné, les dispositions législatives visant la détermination de la peine en cas de
meurtre ont beaucoup changé au cours des dernières décennies. Cette évolution constante a suscité un
intérêt à l’égard de la période de temps que les meurtriers passent en moyenne derrière les barreaux. Pour
déterminer la durée de détention moyenne des délinquants condamnés pour meurtre, il est essentiel de
prendre en considération les changements qui, d’un point de vue historique, ont influé sur les peines.
Cette notion est renforcée dans un calcul antérieur qui estimait que les délinquants reconnus coupables de
meurtre au premier degré passaient en moyenne 28,4 ans en prison (Beavon, 1995). Beavon a souligné
l'importance de considérer la Loi modifiant le droit pénal comme un facteur qui avait un effet sur le
temps moyen d'incarcération. Toutefois, au moment des analyses, il n'y avait pas suffisamment de
données pour fournir une estimation fiable pour la population après 1976. Par conséquent, les calculs de
Beavon ne reflètent pas entièrement les effets des modifications aux dispositions législatives.
L’étude
La présente étude vise à déterminer la durée de détention moyenne des délinquants reconnus coupables
de meurtre, et ce, pour trois périodes distinctes, à savoir:
1. avant 1961 – période précédant la création des catégories «meurtre qualifié» et «meurtre
nonqualifié»;
2. 1961 à 1976 – période des catégories «meurtre qualifié» et «meurtre nonqualifié»;
3. 1976 à 2002 – période des catégories «meurtre au premier degré» et «meurtre au deuxième
degré».
Nous avons établi ces périodes, car elles correspondent à des moments charnières sur le plan des
modifications législatives qui ont influé sur les peines imposées dans les cas de meurtre. En outre, nous
avons défini la durée de détention des délinquants condamnés pour meurtre comme le laps de temps
qu’ils passent en prison entre leur arrestation et leur première mise en liberté ou leur décès. Selon les
dispositions en vigueur durant la période visée, la mise en liberté peut être consécutive à la réhabilitation,
à la réduction de la peine ou à l’octroi de la libération conditionnelle.
Enfin, nous avons divisé ces périodes en intervalles plus petits afin d’examiner les effets combinés des
dispositions législatives en vigueur et de la réglementation en matière de libération conditionnelle sur la
durée de la détention des condamnés pour meurtre.
En raison des données disponibles, nous avons rencontré certains problèmes lorsqu’il s’est agi d’évaluer
la durée de détention moyenne dans les cas de condamnation pour meurtre. De façon plus particulière,
mentionnons qu’il y a un certain nombre d’«observations interrompues». Il s’agit de cas où le délinquant
a cessé de faire partie de la population carcérale avant sa mise en liberté telle que définie dans le présent
document, par exemple parce qu’il a été assassiné pendant son incarcération. De plus, on compte
également un groupe de délinquants pour lesquels on ne peut faire état d’aucun résultat observable pour
l’instant (par exemple des délinquants condamnés à l’emprisonnement à perpétuité et dont la période
d’inadmissibilité à la libération conditionnelle n’est pas encore terminée). On parlera alors de données
«censurées à droite». Nous avons examiné la durée de détention moyenne à l’aide des méthodes
statistiques généralement employées pour ce type de données, à savoir des analyses de survie. Celles-ci
ont servi à déterminer les durées moyennes pour les périodes visées.
Méthodologie
Aux fins de l’étude, toutes les données disponibles concernant les délinquants sous responsabilité
fédérale ont été extraites du SGD, la base de données informatisée du SCC. En avril 2002, celui-ci
contenait de l'information au sujet des condamnations pour meurtre pour 4228délinquants. Ce chiffre
exclut les détenus transférés de l’étranger et les délinquants purgeant une peine d’emprisonnement pour
meurtre en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Parmi les cas étudiés, 1,9% (N = 79) étaient des condamnations pour meurtre selon la définition unique
(avant 1961), 16,2% (N = 685), des condamnations pour meurtre qualifié ou nonqualifié (entre 1961 et
1976) et 81,9% (N=3464), des condamnations pour meurtre au premier ou au deuxième degré (entre
1976 et 2002). La majorité des détenus étaient des hommes (97%) et il y avait 146 femmes (3%). L’âge
moyen au moment de la condamnation était de 30ans chez les hommes et de 33ans chez les femmes.
Soulignons que 5 % de l'échantillon est décédé en prison.
Tableau 1. Répartition des cas étudiés, par année de la condamnation
Année de la
condamnation
Condamnations pour meurtre
Total
Meurtres
79 (1,9%)
Avant 1961
79 (1,9%)
Entre 1961 et
1976
Entre 1976 et
2002
Meurtres
qualifiés
Meurtres
nonqualifiés
65 (1,5%)
620 (14,7%)
Meurtres
au premier degré
Meurtres
au deuxième
degré
685 (16,2%)
3 464 (81,9%)
796 (18,8%)
2 668 (63,1%)
Nous avons fait utilisé l’analyse de survie de Kaplan-Meier pour calculer la durée de détention moyenne
des délinquants condamnés pour meurtre pour les périodes ou strates susmentionnées. Nous avons défini
la durée de détention comme le laps de temps écoulé entre le moment où le délinquant commence à
purger sa peine et l'un des événements suivants: décès du détenu, mise en liberté en vertu d’une
ordonnance judiciaire, usage de la prérogative royale de clémence ou mise en liberté sous condition. Résultats
Un examen de la législation pertinente et une étude de ses effets sur les peines imposées en cas de
meurtre nous a amenés à diviser le volet chronologique en trois périodes (ou strates) distinctes. Comme
prévu, les analyses de survie ont révélé des variations entre ces périodes sur le plan de la durée de
détention moyenne des personnes reconnues coupables de meurtre.
Avant 1961
En étudiant la courbe de survie des délinquants condamnés pour meurtre avant1961, on arrive à une
durée de détention moyenne de 19,6ans. Toutefois, on observe des écarts marqués dans les durées
d’incarcération au cours de cette période. À un extrême, 10% des individus visés ont passé plus de 40ans
en prison. Ce résultat reflète la tendance à commuer les peines capitales en peines d’emprisonnement à
vie et le fait que l’admissibilité à la libération conditionnelle n’est venue que bien plus tard pour les
meurtriers condamnés. Il convient de souligner que presque la moitié des peines capitales imposées
pendant cette période ont été commuées en peines d’emprisonnement à perpétuité (Strange, 2001). À
l’autre extrême, 10% des personnes trouvées coupables de meurtre ont passé moins de 9ans en prison.
Cette courte durée peut être attribuable à la promulgation de la Loi sur la libération conditionnelle
(1959), une réduction de peine, à une réhabilitation ou à l’exécution du délinquant.
1961-1976
Au cours de la période de 1961 à 1976, des modifications législatives conjuguées à l’adoption de la Loi
sur la libération conditionnelle ont eu une influence importante sur la durée de détention moyenne des
délinquants condamnés pour meurtre. On note une diminution significative de cette durée. Elle était à
l’époque de 15,8ans dans les cas de meurtre qualifié, et de 14,6ans pour les cas de meurtre nonqualifié.
La moyenne combinée se situe à peu près à 14,7ans, soit à peine 4 ans et demi de moins que celle de la
période antérieure à1961. La réduction observée peut être associée à plusieurs facteurs. Tout d’abord, la
nouvelle Commission nationale des libérations conditionnelles (créée en 1959) révisait désormais
automatiquement tous les dossiers pour déterminer l’admissibilité à la libération conditionnelle, y
compris les cas de peine capitale commuée en peine d’emprisonnement à perpétuité. Cette situation a
entraîné une hausse du nombre de mises en liberté. On peut peut-être assimiler ces cas au meurtre
nonqualifié et au meurtre au deuxième degré, dont les catégories ont été établies par la suite.
Ensuite, la répartition des meurtres en deux catégories ainsi que l’avènement du concept d’admissibilité à
la libération conditionnelle ont fait en sorte que certains condamnés pour meurtre puissent avoir droit à la
mise en liberté. Les meurtres entrant dans la nouvelle catégorie des meurtres qualifiés étaient toujours
punissables de mort, et ceux qu’on avait classés parmi les meurtres nonqualifiés entraînaient une peine
d’emprisonnement à perpétuité. Quelque temps après, cependant, l’alinéa 6b) du Règlement sur la
libération conditionnelle (1968) est venu prescrire l’admissibilité à la libération conditionnelle après 7ans
d’emprisonnement pour les délinquants reconnus coupables de meurtre nonqualifié. Il prévoyait
également que les personnes condamnées pour meurtre qualifié et dont la peine capitale avait été
commuée en peine d’emprisonnement à perpétuité pouvaient demander la libération conditionnelle après
avoir purgé 10ans de leur peine en prison. Enfin, l’article7 du Règlement sur la libération conditionnelle
(1974) portait à 10ans la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle dans les cas de meurtre
nonqualifié, la rendant égale à celle prévue dans les cas de peine d’emprisonnement à vie consécutive à
une commutation. Le Graphique1 présente une répartition détaillée des durées de détention moyennes au
fil du temps.
Graphique 1. Laps de temps moyen jusqu'à la fin de la détention (selon les période de temps
pertinentes à la législation)
1. Le meurtre était punissable de mort, entraînant la peine capitale. À cette époque, la mise en liberté
des délinquants condamnés pour meurtre durant cette période faisait suite à une réhabilitation ou à
une réduction de peine accordée grâce au pouvoir discrétionnaire lié à la prérogative royale de
clémence.
2. La Loi sur la libération conditionnelle instaure une révision automatique de l’admissibilité à la
libération conditionnelle dans tous les cas de peine capitale commuée en peine d’emprisonnement
à perpétuité.
3. On établit une distinction officielle entre meurtre qualifié et meurtre nonqualifié. Les personnes
reconnues coupables de meurtre non qualifié sont désormais admissibles à la libération
conditionnelle après 7ans d’emprisonnement, et les délinquants condamnés à mort dont la peine
est commuée en peine d’emprisonnement à vie, après 10ans.
4. Les délinquants condamnés pour meurtre nonqualifié peuvent maintenant demander la libération
conditionnelle après 10ans d’emprisonnement.
5. La période d’inadmissibilité des délinquants trouvés coupables de meurtre nonqualifié est
maintenant de 10 à 20ans (soit la même que celle des délinquants condamnés pour meurtre
qualifié dont la peine est commuée en peine d’emprisonnement à vie).
6. La peine de mort est abolie, et les catégories du meurtre au premier degré et du meurtre au
deuxième degré voient le jour. Dans le premier cas, les condamnés sont admissibles à la libération
conditionnelle après 25ans d’emprisonnement et, dans certains cas, après 15ans. Dans le second
cas, la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle varie de 10 à 25ans.
1976-2002
La troisième et dernière période étudiée sur le plan de la durée de détention va de 1976 à 2002. En 1976,
la Loi modifiant le droit pénal abolit officiellement la peine de mort et instaure la peine la plus lourde à
ce jour dans les cas de condamnation pour meurtre. Elle prévoit l’emprisonnement à perpétuité pour les
personnes reconnues coupables de ce qui est dorénavant défini comme le meurtre au premier degré et le
meurtre au deuxième degré. Les peines imposées pour le meurtre au deuxième degré s’assortissent
désormais d’une période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle qui va d’un minimum de 10ans à
un maximum de 25 ans, selon la décision du juge. Les délinquants condamnés pour meurtre au premier
degré n’ont pas droit à la libération conditionnelle avant d’avoir purgé 25ans de leur peine
d’emprisonnement. Toutefois, la Loi permet à certains meurtriers de demander une révision de leur cas
en vue de leur libération conditionnelle anticipée, mais seulement après 15ans d’emprisonnement.
Le Graphique1 montre que, sur le plan historique, les effets les plus marqués de ces changements sur la
durée de détention des délinquants condamnés pour meurtre se manifestent après 1976. La durée de
détention moyenne chez les délinquants trouvés coupables de meurtre au premier degré se situe à 22,4
ans, soit une augmentation de 6,6ans par rapport à celle des personnes antérieurement condamnées pour
meurtre qualifié. Pour ce qui est des condamnations pour meurtre au deuxième degré, on observe aucune
différence significative quant à la durée de détention. Celle-ci pourrait être attribuable aux cas dans
lesquels le juge a fixé à plus de 10ans la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle. Il
importe de souligner que les durées de détention établies pour cette période sont des sous-estimations, car
les valeurs maximales en ce qui les concerne ont été censurées à droite.
Survol historique
Un examen des courbes de survie pour chacune des trois périodes étudiées met au jour des différences
dans les durées de détention au fil des ans. Comme le montre la figure 2, à l’époque où il n’existait
qu’une seule définition du meurtre, la durée de détention variait énormément, allant de moins 8 à 40 ans.
Cependant, avec l’avènement des notions de meurtre qualifié et de meurtre nonqualifié, et l’adoption de
la Loi sur la libération conditionnelle, les variations se sont atténuées. La Loi modifiant le droit pénal a
allongé la période d’inadmissibilité à la libération conditionnelle; à partir de son adoption, la courbe
accuse un mouvement qui reflète la diminution des mises en liberté avant 15ans d’emprisonnement. À
l’heure actuelle, on ne connaît pas la durée de détention des délinquants qui resteront incarcérés plus de
25ans.
Le Graphique3 montre que, après la création de deux catégories de meurtres, peu de changements sont
survenus dans la durée de détention moyenne des délinquants condamnés pour meurtre nonqualifié et
pour meurtre au deuxième degré. Bien que les données disponibles pour la période de 1976 à 2002 ne
concernent que la plus longue période d’événements et que celle-ci soit censurée à droite, on peut
s’attendre à une légère augmentation de la durée de détention moyenne dans l’avenir. Le cas échéant,
cette dernière sera liée à des périodes d’inadmissibilité se rapprochant davantage de 20 ans chez les
délinquants reconnus coupables de meurtre au deuxième degré.
CONCLUSION
Les résultats de l’étude confirment que, lorsqu’on veut déterminer la durée de détention moyenne des
délinquants condamnés pour meurtre, il faut tenir compte des effets produits par l’évolution historique
des dispositions législatives, sous peine d’aboutir à des erreurs dues à une classification des observations
selon des périodes nonpertinentes. Le présent rapport fait appel à une stratification de la population
étudiée en trois groupes précis correspondant à trois périodes de temps établies en fonction des
modifications législatives majeures survenues en matière de détermination de la peine. Cette façon de
procéder a permis une analyse qui nous évite d’évaluer les données actuelles censurées en fonction de
critères qui ont régi la détermination de la peine au cours de l’histoire, mais ne sont plus en vigueur.
Au fil des ans, la durée de détention a varié en raison de changements dans les régime régissant la mise
en liberté. Avant 1961, les condamnations à mort aboutissaient le plus souvent à l’exécution ou à une
commutation de la peine en peine d’emprisonnement à perpétuité, ce qui entraînait une grande variété de
durées de détention. Entre 1961 et 1976, les délinquants dont la peine avait été commuée et ceux dont le
crime entrait dans la nouvelle catégorie des meurtres nonqualifié étaient admissibles à la libération
conditionnelle. C’est durant cette période qu’on enregistre les plus courtes durées de détention, en
particulier dans les cas de meurtre qualifié. À partir de 1976, des critères plus strictes ont été instaurés
pour les meurtres au premier degré, faisant passer la période d’inadmissibilité à la libération
conditionnelle à 25ans, avec possibilité de libération conditionnelle anticipée après 15 ans
d’emprisonnement dans certains cas. La durée de détention moyenne s’avère longue que jamais durant
cette période pour ce qui est des meurtres au premier degré, alors que, dans les cas de meurtre au
deuxième degré, elle n’accuse qu’une légère augmentation.
Les auteurs ont déployé de nombreux efforts pour assurer la validité et la fiabilité des données, mais
l’information relative aux détenus décédés en prison pourrait être améliorée. Nos analyses ont pu
démontrer une faible différence entre le laps de temps incluant et excluant les causes de décès. De façon
plus particulière, soulignons que nous avons présumé qu’il s’agissait de morts naturelles, et ces données
ont été censurées. Cependant, une partie de ces décès pourraient ne pas être des morts naturelles (il
pourrait s’agir de meurtres, de suicides ou de surdoses de drogue, par exemple). Il conviendrait de
considérer ces cas comme des données qui pourraient accroître les durées de détention moyennes pour
les diverses périodes étudiées. En outre, les durées de détention moyennes sont des sous-estimations,
particulièrement en ce qui concerne les délinquants condamnés entre 1976 et maintenant. Le phénomène
est attribuable à l’impossibilité de faire état de résultats observables au chapitre de la plus longue durée
de détention au sein de ce groupe. Les moyennes figurant dans le présent document sont donc sous­
estimées. Il faudrait procéder à une étude prospective afin de refaire ces analyses avec de nouvelles
données noncensurées.
Bibliographie
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COMMISSION NATIONALE DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES. Guide d’information
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STRANGE, C. «Mercy for murderers? A historical perspective on the royal prerogative of mercy»,
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