L`Image de l`Infirmière aujourd`hui

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L`Image de l`Infirmière aujourd`hui
Journal Association FSI - USJ 2007
L’Image de
l’Infirmière
aujourd’hui
Historique
Introduction
La profession infirmière connaît depuis quelques
années une crise identitaire reliée essentiellement à la
dégradation de son image dans la société (Midy, 2002).
Effectivement, d’une part la société ne répond pas à
son besoin de reconnaissance et d’autre part le rôle
que joue l’infirmière reste ambigu entre être auxiliaire
médicale, et être éducatrice de santé (Amouroux, 1998).
De plus, il règne un grand malaise chez les infirmières
en général qui se sentent dévalorisées (Midy, 2002)
et veulent être reconnues (Amouroux, 1998). D’où la
quête d’une reconnaissance sociale de tout un corps
professionnel, reconnaissance qui semble avoir débuté
déjà vers la fin de la première guerre mondiale (Midy,
2002).
L’image est définie comme étant une représentation
que se donne vis-à-vis du public, une firme, une
institution, une personnalité. Le dictionnaire Webster
(2003), d’après Greggs-McQuilkin (2003), définit
l’image en tant que conception populaire d’une
personne, d’une institution ou d’une nation, projetée
spécifiquement à travers les médias.
L’image de l’infirmière serait donc l’image
que l’infirmière a d’elle-même, l’image que les autres
professionnels ont de l’infirmière et finalement l’image
que la société a de l’infirmière. Sachant que les images
de l’infirmière reconnues aujourd’hui sont le résultat de
tout un mouvement social, économique, idéologique
et politique datant du 19ème siècle et que le futur de
cette profession existerait une fois son passé reconnu
(Mantzoukas, 2002); il serait donc intéressant de
parcourir l’évolution historique de cette profession et la
conception des soins infirmiers.
Le mot «enfermier» date du 13ème siècle,
mais ce n’est qu’au 19ème siècle que l’appellation
officielle d’infirmière a été adoptée (Midy, 2002).
Au cours de la première moitié de ce siècle, la
profession infirmière est née d’un besoin social,
politique et économique (Mantzoukas, 2002). Deux
groupes représentaient les infirmières; d’une part, les
religieuses qui se dévouaient au service des malades
et d’autre part les femmes servantes dociles et prêtes
à obéir (Mantzoukas, 2002; Midy, 2002). Jusque là,
l’infirmière est donc vue comme une «sainte laïque»
(Mantzoukas, 2002; Midy, 2002).
Ce n’est qu’à la deuxième moitié du 19ème
siècle, qu’il y a eu une promotion de l’image de
l’infirmière. En effet, plusieurs facteurs ont marqué
cette époque et ont contribué au changement dans la
conception de l’image de l’infirmière. On note en
premier, les années de guerre qui ont permis la
mobilisation des infirmières en avant des missions
dangereuses, elles deviennent courageuses, héroïnes en
tenue militaire, bénévoles mais dont le rôle est encore
restreint au rôle auxiliaire (Midy, 2002). En deuxième
lieu, certains personnages tel Florence Nightingale,
ont eu une grande influence dans le changement de
la conception de la profession d’infirmière d’une
vocation vers une science (Chaves, 2005; Mantzzoukas, 2002; Midy, 2002). A ceci s’ajoutent les
réformes sociales et les progrès scientifiques qui ont
permis à l’infirmière d’acquérir plus de compétences et
de permettre à mieux valoriser son image dans la société.
A partir des années soixante, les infirmières prennent
conscience de leur profession et se libèrent de l’image
de la sainte laïque. Le statut social de l’infirmière sur le
plan privé et professionnel évolue, et à partir de 1968
les infirmières s’intègrent au sein des autres professions
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avec les mêmes moyens de revendication et de grève
(Chaves, 2005; Midy, 2002).
Enfin, la période des années soixante-dix
marque la construction de l’identité professionnelle.
Un nouveau concept de plan de soins infirmiers est
abordé, centré sur la personne humaine et non sur la
maladie (Chaves, 2005; Midy, 2002). La recherche
en soins infirmiers s’est développée et les soins
infirmiers sont reconnus comme discipline à part
entière (Midy, 2002). Cependant, l’infirmière se
sent malgré tout mal reconnue (Amouroux, 1998).
Quelle image l’infirmière a-t-elle
d’elle-même aujourd’hui?
L’historique de la profession fait apparaître
plusieurs images de l’infirmière dont la «sainte
laïque» et «la piqueuse». Actuellement, il reste à
discuter de la position sociale des infirmières vue par
elles-mêmes, de leur représentation comme objet de
fantasme et de leur image professionnelle comme fait
social.
En premier lieu, la profession serait mal connue du grand
public. Un décalage est évoqué entre la perception que
le patient a du rôle de l’infirmière et le rôle de l’infirmière
qui prend en charge un patient de manière globale,
axant ainsi sa fonction sur le malade et non sur la maladie
(Midy, 2002). En second lieu, on note que les infirmières
ont toujours l’impression de ne pas être reconnues
socialement à leur juste valeur (Chaves, 2005; Midy,
2002), puisque, tout ce qui touche aux soins du corps
n’est en effet socialement pas valorisé (Chaves, 2005).
Finalement, les infirmières ont toujours l’impression que
leur profession n’est pas prise au sérieux (Midy, 2002).
Ce besoin de reconnaissance se manifeste par des
revendications portant sur les rémunérations. Elles
peuvent être interprétées comme un moyen de se
positionner par rapport aux autres professions dans la
société (Midy, 2002). En plus, il y a le problème de
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démission, expliqué par la forte féminisation de cette
profession et par l’incompatibilité de ce travail avec une
vie de famille (Fontaine, & Lagae, 2001; Midy, 2002).
La première explication des fantasmes associés à la
profession infirmière est qu’elle est très féminisée même
si la proportion d’hommes tend à s’élever parmi les
cadres ou les spécialités (Chaves, 2005; Midy, 2002).
Une autre explication serait le résultat de la transformation
de la relation entre les médecins et les infirmières. Deux
images sont évoquées spécifiquement à propos de
l’infirmière hospitalière. La première est chargée d’une
connotation sexuelle - l’image sexy de l’infirmière étant
renforcée par l’évolution de leur uniforme: la blouse
blanche, portée à même la peau. La seconde est celle
de jeunes filles qui embrassent la profession dans le but
d’épouser un médecin (Midy, 2002).
Les relations de l’infirmière avec le patient sont
également mises en avant, car dans le système de soins,
c’est indéniablement l’infirmière qui est la plus proche
des patients (Midy, 2002).
Le déni d’image ressenti par les infirmières est généralement expliqué par certains déterminants sociaux. Le
premier déterminant est la place de la femme dans
la société en général, mais plus précisément dans le
couple ou dans les relations professionnelles (Midy,
2002). Le second déterminant est relatif à la place des
sciences et des techniques dans notre société. La proffession infirmière a pris conscience du passage de la
notion de soins à celle de santé, privilégiant de plus en
plus les aspects de confort et de qualité de vie. Ceci a
permis d’affirmer son rôle spécifique (Midy, 2002).
Le troisième déterminant fait référence à la façon dont
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notre société gère aujourd’hui la vieillesse, la souffrance
et la mort. En effet, si notre société serait dans une phase
de déni de ces aspects, elle aurait également tendance
à rejeter les professionnels chargés de ces questions
(Midy, 2002).
Enfin, les infirmières ne sont plus des partenaires
passifs, ni invisibles. Aujourd’hui, elles sont vues comme
contributrices de valeur pour le bien être et la santé
des patients. Les patients commencent à respecter les
infirmières et à en avoir confiance (Greggs-McQuilkin,
2003).
Facteurs influençant l’image de
l’infirmière
Les facteurs qui
influencent l’image de
l’infirmière émanent des éléments qui permettent
d’identifier la profession. Parmi ces éléments, on note
la fonction exercée, l’environnement, l’attitude et
l’uniforme.
Pour ce qui est fonction exercée, on peut noter
deux volets. D’une part, la mise en lumière de la
spécificité du rôle de l’infirmière par rapport aux autres
professionnels de la santé. D’autre part, la position du
public vis-à-vis d’une possible extension de leur domaine
de compétence (Midy, 2002).
L’environnement a également son importance
et révèle une méconnaissance des conditions de
travail de l’infirmière. Il s’agit surtout de la pénibilité
associée à la profession (Chaves, 2005; Midy,
2002); incluant la nature de la tâche, les horaires
(Chaves, 2005) et les conditions de travail y compris la
rémunération (Chaves, 2005; Midy, 2002).
L’attitude du public vis-à-vis de l’image de
l’infirmière est aussi un déterminant pour définir la
profession, et peut donc l’influencer. On cite la hiérarchie
qui peut être très forte entre les paramédicaux et les
médecins. L’uniforme, aussi est représentatif. Il est en
premier lieu vestimentaire, et çà reflète la blouse blanche
et l’image de religieuse, mais peut influencer négativement
la profession, lorsque l’on considère l’image sexy des
infirmières (Midy, 2002). Enfin, un dernier élément
est bien sûr le genre du professionnel: l’image de la
profession est définitivement féminine (Chaves, 2005;
Midy, 2002).
Conclusion
Le problème de mal reconnaissance accompagne
la profession depuis sa naissance et n’est pas spécifique
à la période contemporaine (Midy, 2002). L’infirmière
existe aujourd’hui en tant que profession et bénéficie
d’une opinion positive dans le public; le problème
réside dans son positionnement au sein de l’équipe
multidisciplinaire dont elle fait partie (Midy, 2002).
Reste à se demander quel serait l’avenir de cette
profession avec l’émergence d’auxiliaires prêts à
remplacer les infirmières dans certains actes relevant
de leur compétence, surtout avec la pénurie d’infirmières
remarquée dans les sociétés. Ce corps professionnel
serait-il donc appelé à disparaître ou à se transformer
profondément? (Calbéra, 2003).
Références
• Amouroux, Th. (1998). L’identité infirmière entre recherche de
reconnaissance et quête de sens. Mémoire pour l’obtention du diplôme
d’université de philosophie, option éthique, Université de Marne la
Vallée. Paris.
• Calbéra, J.B. (2003). La profession infirmière: l’historique et le
mythe.
• Chaves, G. (2005). Etude sur l’image que la profession “infirmière”
a d’elle-même. Service de la santé publique de l’Etat de Vaud.
• Fontaine, C. & Lagae, R. (2001). La profession infirmière demain: un
défi pour les managers hospitaliers. Revue Hospitals. BE, 247.
• Greggs-McQuilkin, D. (2003). Our Image Is Key: “Sawu Bona”.
MEDSURG Nursing,12:2, 73-74
• Mantzoukas, ST. (2002). Nursing images of the 19th century in the
U.K.: The analysis and the lessons learned for the present and the future
of nursing. ICUs and Nursing Web Journal,10.
• Midy, F. (2002). Les infirmières: image d’une profession.
Document de travail réalisé dans le cadre d’une formation d’initiation à la
sociologie. CREDES.
Hiba Habib, Josette Nassar
Travail effectué dans le cadre d’une formation de Master
Professionnel Faculté des sciences infirmières, Université Saint Joseph.
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