XXX 2004 - Site officiel du Canton de Vaud
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XXX 2004 REPONSE DU CONSEIL D'ETAT à l’interpellation Michel Cornut et consorts: « La police cantonale vaudoise protège-t-elle des proxénètes? » Rappel de l'interpellation En date du 9 décembre 2003, le journal "24 Heures" faisait état d'un récent jugement rendu par le Tribunal administratif du canton de Vaud au sujet d'un proxénète italien actif dans notre pays depuis 1995. Selon ce jugement, l'intéressé séjourne illégalement en Suisse depuis 1997 et a exploité depuis cette date un très important salon de prostitution, sans être inquiété par la police cantonale, pourtant bien informée. Si l'on en croit "24 Heures", cette dernière lui aurait même accordé une protection active, puisqu'elle aurait "éliminé" certains de ses concurrents. Nous sommes pourtant en présence d'un cas particulièrement grave, si l'on s'en réfère aux extraits suivants du jugement précité. − "Il faut constater avec l'autorité intimée que depuis 1992, le recourant n'a pas cessé de commettre des infractions puisqu'il a été condamné à sept reprises sur une période de dix ans. En outre, la gravité des manquements du recourant n'a fait qu'augmenter avec le temps. Le 20 août 1997, le recourant a ainsi été condamné notamment pour avoir aidé environ cent étrangers qui se trouvaient déjà sur le territoire suisse à en sortir illégalement vers l'Italie. Il a également aidé environ huitante étrangers privés du visa d'entrée en Suisse à y entrer illégalement depuis l'Allemagne ou l'Autriche pour en ressortir illégalement vers l'Italie. Il a également aidé quarante étrangers entrés régulièrement en Suisse à rejoindre clandestinement ce même pays. Il a également été interpellé en raison du transport de quatre clandestins depuis l'Autriche en Suisse. Il s'est donc livré à cette occasion à une activité de passeur de grande envergure qui s'est réalisée sur une période prolongée. C'est à l'époque de cette condamnation, soit en 1997, qu'il a rejoint le milieu de la prostitution. Le recourant n'a pas hésité à poursuivre son activité délictueuse après la période de détention préventive. Dans ces conditions, il apparaît que le comportement personnel du recourant n'offre aucune garantie (…). Les infractions commises par celui-ci démontrent chez le recourant un manque total de considération pour l'individu en tant que tel –2– puisqu'il s'est livré à une activité de passeur dans le but d'en retirer de l'argent. Pour le même motif, il n'a pas hésité en collaboration avec une organisation à faire travailler des prostituées au mépris de la liberté d'action de celles-ci. L'attitude du recourant et ses antécédents démontrent qu'on ne peut lui accorder aucun crédit, le recourant ayant trompé à maintes reprises la confiance mise en lui." − " S'agissant des prostituées brésiliennes, elles venaient en Suisse après qu'une organisation sur place leur avait fourni un passeport, un billet d'avion aller- et -retour et une somme d'environ 1'000 dollars, destinée à tromper la police helvétique en faisant croire qu'elles venaient dans notre pays en qualité de touriste. Il faut dire que toutes ces prostituées ne disposaient d'aucun permis de séjour et se trouvaient par conséquent dans l'incapacité de prendre un emploi. L'organisation qui avait ainsi facilité l'entrée en Suisse de ces prostituées exigeait, par l'intermédiaire des accusés (note de l'auteur de l'interpellation: le proxénète en question et sa femme), le remboursement de ces frais, soit le plus souvent des sommes atteignant 4'000 à 5'000 dollars par personne". − "Les revenus des prostituées étaient toujours divisés par deux. Ainsi, la moitié des gains revenait aux accusés et l'autre était conservée par la prostituée. Toutefois, sur cette deuxième moitié, les accusés prélevaient ce qui était nécessaire au remboursement des frais avancés par l'organisation. Ainsi, les prostituées étaient amenées à travailler plusieurs jours et même plusieurs semaines sans toucher un seul centime". Interrogée au sujet de cette affaire par la presse, la police cantonale n'a pas nié les faits. Ceux-ci sont particulièrement troublants au moment où le Grand Conseil est saisi d'un projet de loi sur la prostitution selon lequel la police cantonale serait désormais habilitée à délivrer des autorisations d'exploiter officielles des salons de prostitution. Dès lors je pose les questions suivantes au Conseil d'Etat: 1. La police cantonale a-t-elle, comme l'écrit "24 Heures", toléré, voire protégé, durant plusieurs années, un proxénète séjournant illégalement dans notre canton, alors qu'il y commettait divers délits et y menait une activité tombant sous le coup du Code Pénal et de la Loi sur le séjour et l'établissement des étrangers? Si oui, pourquoi? 2. L'expulsion dudit proxénète a été "différée à titre d'essai". Le Conseil d'Etat peut-il renseigner le Grand Conseil sur le sens et la portée exacts d'une telle décision, le cas échéant après avoir interrogé la cour –3– compétente? Cela signifie-t-il que l'intéressé séjourne toujours en Suisse à la date du dépôt de la présente interpellation? 3. Si la réponse à la première question est positive : d'autres proxénètes sontils tolérés, voire protégés, de la même manière, dans le canton de Vaud, par la police cantonale? 4. Si la réponse à la première question est positive : le Conseil d'Etat maintient-il sa proposition tendant à donner à la police cantonale la compétence d'autoriser officiellement l'exploitation de salons de prostitution? D'avance, je remercie le Conseil d'Etat de ses réponses à ces trois questions, dans toute la mesure du possible avant le 2ème débat du Grand Conseil sur la Loi sur la prostitution. Lausanne, le 9 décembre 2003 Michel Cornut, Député Réponse du Conseil d’Etat Préambule Selon la Loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE / RS 142. 20), tout étranger a le droit de résider sur le territoire suisse s'il est au bénéfice d'une autorisation, notamment de séjour ou d'établissement. Sans cette autorisation, l'étranger se trouve en situation illégale et possède, de ce fait, un statut de clandestin. Dès lors, il est du ressort de la police des étrangers (dans le canton de Vaud, Service de la population, ci-après SPOP) de faire le nécessaire afin de régulariser la situation dudit clandestin. De même, cette dernière se doit d'avertir les autres autorités dès le moment où elle prend connaissance qu'une personne se trouve, en Suisse, dans une situation non conforme à la législation. Dans le cas qui préoccupe M. le Député, la police cantonale est intervenue aussitôt qu'elle a été avertie de la situation illégale de l'intéressé et elle a pu constater qu’il exerçait une activité délictueuse sur le territoire du canton, à savoir l'exploitation de salons de massages. La police cantonale a ainsi agi à l'encontre de l'intéressé, de la même façon que pour chaque cas présentant des conditions semblables. Le Conseil d’Etat rappelle également que la police cantonale surveille l'exploitation commerciale de salons de massages dans le seul but de faire respecter les prescriptions légales en matière de prostitution. Dès lors, s'il arrive qu'elle dénonce un salon de massages pour non-application des règles légales et que celui-ci cesse son exploitation, ce n'est pas pour –4– entraver les règles du droit de la concurrence, mais pour contrôler la stricte application des normes en matière de prostitution. Réponse à la question 1 La police cantonale a-t-elle, comme l'écrit "24 Heures", toléré, voire protégé, durant plusieurs années, un proxénète séjournant illégalement dans notre canton, alors qu'il y commettait divers délits et y menait une activité tombant sous le coup du Code Pénal et de la Loi sur le séjour et l'établissement des étrangers? Si oui, pourquoi? L'intéressé n'a bénéficié d'aucune protection de la part de la police cantonale, ni de celle d'autres autorités, qu'elles soient judiciaires ou administratives. Il a du reste fait l’objet de différentes interpellations, enquêtes, arrestations, condamnations et autres mesures administratives, résumées ci-dessous: 1. En juin 1998, l'intéressé a été interpellé par la police cantonale valaisanne à la frontière italo-suisse sur la base d'un mandat d'arrêt délivré par les autorités judiciaires tessinoises. Par la suite, l'intéressé a été transféré et incarcéré dans le canton du Tessin. A cette époque, l'intéressé n'était pas domicilié en Suisse, mais sur le territoire italien. 2. En juillet 2000, la police judiciaire municipale de la ville de Lausanne a procédé à l'interpellation, puis à l'arrestation de l'intéressé pour avoir illicitement exploité deux salons de massages. Il a été incarcéré à la prison de la Croisée, à Orbe, du 17 au 28 juillet 2000. Parallèlement, une enquête a été ouverte par l'Office d'instruction pénale de l'arrondissement de Lausanne pour "encouragement à la prostitution" et infraction à la LSEE. 3. Durant le mois de janvier 2002, la police judiciaire municipale de Lausanne a procédé à l'interpellation de l'intéressé, puis à son arrestation pour avoir constaté la commission de nouvelles activités délictueuses dans le domaine de la prostitution. Une enquête a également été ouverte par l'Office d'instruction pénale de l'arrondissement de Lausanne. –5– 4. Le Tribunal correctionnel de Lausanne a condamné l'intéressé, au mois d'avril 2002, à 10 mois d'emprisonnement, à frs. 5'000.- d'amende ainsi qu'à une expulsion du territoire suisse de 5 ans pour "encouragement à la prostitution et infraction à la LSEE". 5. Cette personne a séjourné dans plusieurs établissements pénitentiaires vaudois, ceci du 18 janvier 2002 au 21 novembre de la même année. 6. Enfin, diverses décisions administratives ont été prises à son encontre, parallèlement aux autres mesures évoquées ci-dessus: − interdiction d'entrée en Suisse (IES), prononcée en juillet 2000, consécutive à la première enquête pénale, et valable jusqu’au 28 juillet 2003; − entre août et décembre 2000, trois décisions de l'Office fédéral des étrangers ont fait état du refus de suspendre l'IES; − l'intéressé a effectivement été refoulé du territoire suisse en août 2000; − suite à la deuxième enquête pénale, une nouvelle Interdiction d'Entrée en Suisse (IES), valable jusqu’au 28 juillet 2008, a été prononcée; − second refoulement du territoire effectué en décembre 2002. En conclusion, le Conseil d’Etat précise à M. le Député que la police cantonale n'a ni protégé l'intéressé, ni entravé le travail des autres autorités, cette personne ayant fait l'objet de plusieurs mesures et sanctions. Les démarches effectuées par les différentes autorités montrent que tout a été entrepris afin que l'intéressé cesse l'exploitation illégale de ses salons de massages et qu'il soit éloigné du territoire suisse. Réponse à la question 2 L'expulsion dudit proxénète a été "différée à titre d'essai". Le Conseil d'Etat peut-il renseigner le Grand Conseil sur le sens et la portée exacte d'une telle décision, le cas échéant après avoir interrogé la cour compétente? Cela signifie-t-il que l'intéressé séjourne toujours en Suisse à la date du dépôt de la présente interpellation? Pour répondre à cette question et en particulier à l'expression "expulsion différée à titre d'essai", le Conseil d’Etat se réfère à l'article 55 alinéa 2 du Code pénal suisse (CP). Ce dernier stipule: "L'autorité compétente décidera si, et à quelles conditions, l'expulsion du condamné libéré conditionnellement doit être différée à titre d'essai". –6– Après avoir pris des renseignements auprès de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal et du Service pénitentiaire du canton de Vaud, le Conseil d'Etat peut répondre ainsi à M. le Député: Une Commission de libération, rattachée au Service pénitentiaire, se prononce sur une éventuelle libération conditionnelle du détenu, lorsque ce dernier a déjà effectué les deux tiers de sa peine privative de liberté (voir article 38 CP). Parallèlement à cet examen, la Commission décide si une mesure d'expulsion du territoire suisse est effectivement appropriée. Pour cela, elle se base sur différents critères, notamment : − la gravité de l'infraction commise par l'intéressé; − les liens que l'intéressé a tissés en Suisse, à savoir un lien professionnel ou personnel; − les chances de réinsertion qu'offre la Suisse pour la personne de nationalité étrangère; la Suisse est-elle le pays qui offre les meilleures solutions de réinsertion ? − le respect de l'ordre et de la sécurité publics du pays. Pour le surplus, la jurisprudence des tribunaux fixe les différents paramètres à prendre en compte pour cette étude. Compte tenu de ce qui précède, la Commission de libération a dû probablement se pencher sur le cas de l'intéressé, afin d'examiner si une mesure d'expulsion devait accompagner sa libération conditionnelle. Elle a estimé qu'une telle mesure était appropriée. Cependant, et comme le relève justement l'article publié dans le "24 Heures", la Cour de cassation pénale, qui, on le rappelle, siège uniquement comme instance de recours, a annulé la décision prise par la Commission de libération. Ainsi, elle a préféré différer la mesure d'expulsion "à titre d'essai". Au surplus, le Conseil d'Etat relève que ce n'est pas la police cantonale qui statue sur la possibilité d'une quelconque mesure d'expulsion du territoire suisse. Cette décision est bien du ressort du Service pénitentiaire, autorité d'exécution des peines et mesures prévues par le Code pénal. En réponse à la seconde partie de la question, le Conseil d’Etat précise que l'intéressé réside actuellement dans le canton de Vaud, probablement parce qu’il a su utiliser les voies de recours offertes par notre système juridique . De plus, un recours entraînant un effet suspensif, les décisions prises à l'encontre de l'intéressé n'ont pas encore pu s’appliquer. Son dernier recours a été déposé au Tribunal fédéral en décembre 2003. –7– Réponses aux questions 3 et 4 Si la réponse à la première question est positive : d'autres proxénètes sont-ils tolérés, voire protégés, de la même manière, dans le canton de Vaud, par la police cantonale? Si la réponse à la première question est positive : le Conseil d'Etat maintient-il sa proposition tendant à donner à la police cantonale la compétence d'autoriser officiellement l'exploitation de salons de prostitution? Le Conseil d’Etat a répondu par la négative à la première question de M. le Député, en lui indiquant les procédures que la police doit respecter dans ses interventions. Il a toute confiance dans la probité et le travail de la police cantonale et maintient sa volonté de lui donner la compétence et les moyens de vérifier l’application des dispositions prévues dans la nouvelle loi sur la prostitution récemment votée par le Grand Conseil.