GAZ DE SCHISTE : Maud Fontenoy rame à contre courant

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GAZ DE SCHISTE : Maud Fontenoy rame à contre courant
GAZ DE SCHISTE : Maud Fontenoy
rame à contre courant
13 février 2014
La navigatrice Maud Fontenoy,
apôtre du gaz de schiste ?
De nouveau, la navigatrice Maud Fontenoy crée des remous en prenant la défense
du gaz de schiste. Après un entretien dans Le Parisien à la fin de janvier, la
candidate sur la liste UMP de Jean-François Copé aux régionales de 2004 appelle
de nouveau, dans la matinale de France Inter, à rouvrir le débat en faveur de la
recherche et de l’exploration de ces hydrocarbures non conventionnels.
« J’ai été surprise de voir combien je me suis retrouvée vers un dogmatisme, une
dictature intellectuelle sur la question. Il y a un écologiquement correct et
écologiquement incorrect », lâche celle qui se définit comme une « combattante
pour l’environnement depuis toujours » et qui vient de publier Ras-le-bol des
écolos (Plon).
L’effet sur le climat
Ce qu’elle a dit : « Certes, il y a dix ans, les Etats-Unis ont fait de la fracturation
hydraulique particulièrement polluante. Mais aujourd’hui, c’est le seul pays du
monde qui a diminué ses gaz à effet de serre. Il y a peut-être un exemple à tirer. »
Pourquoi c’est faux : Les Etats-Unis, seul pays au monde à produire du gaz de
schiste à une large échelle commerciale, ont effectivement diminué leurs
émissions de dioxyde de carbone (CO2) dues aux énergies fossiles depuis une
petite dizaine d’années. En 2012, elles s’élevaient ainsi à 5 118 millions de
tonnes, contre 5 646 millions en 2002, soit une baisse de 9 %, selon les chiffres du
Global Carbon Project.
Mais ces chiffres ne tiennent compte que des émissions de CO2 et non des autres
gaz à effet de serre. Or, si le gaz de schiste émet trois à quatre fois moins de CO2
que le charbon, la source d’énergie qu’il tend à remplacer aux Etats-Unis, il
rejette par contre beaucoup plus de méthane (CH4). Et ce gaz à effet de serre a un
potentiel de réchauffement trente-quatre fois supérieur à celui du CO2.
Le sujet des fuites de méthane au-dessus des puits de gaz de schiste aux EtatsUnis fait débat entre les scientifiques. Dernière étude en date, des mesures
publiées le 25 novembre dans la revue Proceedings of the National Academy of
Sciences montrent que les Etats-Unis produisent 50 % à 70 % plus de méthane
qu’estimé par l’Agence de protection de l’environnement américaine. Et la plus
grande part de cet écart provient des activités pétrolières et gazières. Reste à
voir, avec des calculs rectifiés, si les Etats-Unis enregistrent toujours une baisse
de leurs émissions.
Notons par ailleurs que l’Union européenne, qui ne produit pas encore de gaz de
schiste à une échelle commerciale, a également vu ses émissions de CO2 baisser,
contrairement à l’affirmation de Maud Fontenoy. Elles sont passées de 3 965
millions de tonnes en 2002 à 3 543 millions en 2012, soit une baisse de 11 %.
L’indépendance énergétique et la création d’emplois
Ce qu’elle a dit : « Aujourd’hui, le fait d’aller vers le gaz de schiste permettrait
de diminuer le coût de l’énergie, modestement, mais surtout de ne pas avoir à
acheter 98 % de notre gaz à l’étranger mais de pouvoir le produire en France, de
créer de la richesse et des emplois en France. »
Pourquoi c’est loin d’être sûr : Il est exact que la France importe 98 % de son
gaz (essentiellement de Norvège, des Pays-Bas, de Russie et d’Algérie), de même
que 99 % de son pétrole. Mais selon une étude publiée mercredi 12 février par
l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), le gaz
de schiste ne changera « pas la donne » énergétique en Europe, de même qu’en
France, et ne permettra pas de réduire la dépendance du continent aux
importations de gaz et de pétrole.
Tout d’abord, une grande incertitude existe sur les réserves potentielles en gaz de
schiste. En France, les gisements s’élèveraient à 3 900 milliards de m3, selon les
statistiques l’Agence d’information sur l’énergie américaine. « Mais ces données
sont entachées de beaucoup d’incertitudes », juge François Kalaydjian, directeur
adjoint du centre ressources de l’Institut français du pétrole énergies nouvelles
(Ifpen). Seuls des forages exploratoires permettraient de vraiment savoir ce que
renferme notre sous-sol [ce que dit également Maud Fontenoy], mais la
fracturation hydraulique, seule technique aujourd’hui disponible pour
l’exploration et l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste, est interdite en
France depuis la loi Jacob du 13 juillet 2011.
Ensuite, comme nous l’expliquions l’an dernier, en cas d’exploitation future du
gaz de schiste, les coûts de production seraient bien plus élevés en France qu’aux
Etats-Unis (en raison notamment de moindres équipements de forage). Le prix
final serait donc moins intéressant. Si les analystes ne voient pas d’impact positif
du gaz de schiste sur les prix du pétrole et des carburants, les grands
fournisseurs étrangers de la France en gaz naturel pourraient par contre se voir
obligés de renégocier — à la baisse — les prix inscrits dans les contrats à long
terme signés par GDF Suez.
Quant aux emplois, il y a, aux Etats-Unis, six cent mille créations pour cinq cent
mille forages, soit 1,2 emploi par puits, assure l’économiste Thomas Porcher. Sur
cette base, il faudrait forer en France trente puits par jour d’ici à 2020 pour
atteindre les cent mille emplois évoqués par certains. Un rythme très ambitieux.
Les alternatives à la fracturation
Ce qu’elle a dit : « On parle du propane et du fluoropropane, qui seraient une
alternative à la technique de la fracturation hydraulique, qui a causé énormément
de dégâts aux Etats-Unis notamment (…) Aujourd’hui, on n’a pas de technique
parfaitement concluante. »
Pourquoi c’est vrai : Les promoteurs du gaz de schiste n’ont plus que ces mots à
la bouche : propane et fluoropropane, présentés comme des « techniques
propres » pour exploiter les hydrocarbures non conventionnels, dans la mesure où
elles pourraient permettre de se passer d’eau et de la plupart des produits
chimiques.
En réalité, ces alternatives à la fracturation hydraulique sont encore loin d’être
concluantes. La première implique ainsi d’utiliser des quantités importantes
(plusieurs centaines de tonnes) de propane inflammable. Près de deux mille
opérations de la sorte ont été menées par la société canadienne Gasfrac, mais
elles ont majoritairement concerné des réservoirs de tight gas — des
hydrocarbures non conventionnels dans des réservoirs compacts et non la rochemère, comme pour le gaz de schiste. Le fluoropropane, qui présente l’avantage
d’être non inflammable, n’a, lui, jamais été testé à grande échelle sur de la rochemère. Et tous deux ont un inconvénient majeur : leur coût très élevé, comme le
reconnaît l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et
technologiques (Opecst) dans son rapport de novembre.
Audrey Garric
http://decodeurs.blog.lemonde.fr/2014/02/13/la-navigatrice-maud-fontenoy-apotre
-du-gaz-de-schiste/#xtor=RSS-32280322

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