Une nouvelle fonction pour la transferrine exprimée par le testicule
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Une nouvelle fonction pour la transferrine exprimée par le testicule
Androl. (2009) 19:81-89 DOI 10.1007/s12610-009-0013-3 REVUE Une nouvelle fonction pour la transferrine exprimée par le testicule A new function for transferrin expressed in testes B. Fumel* · A. Sow · S. Fouchécourt · F. Guillou Reçu le 26 janvier 2009 ; accepté le 21 mars 2009 © Springer-Verlag 2009 Résumé Chez l’homme, les oligospermies sévères sont associées à un faible taux de transferrine dans le liquide séminal. La transferrine apparaît comme un bon indicateur pour définir les dysfonctionnements testiculaires. Son niveau d’expression dans le testicule doit être parfaitement contrôlé. Elle y joue un rôle dans le transport du fer. Mais de récents résultats montrent l’existence d’une forme dimérique de la transferrine sertolienne comme puissant régulateur de la phagocytose des corps résiduels par les cellules de Sertoli. Mots clés Transferrine · Testicule · Cellules de Sertoli · Phagocytose · Corps résiduel Abstract In men, oligozoospermia corresponds with a low level of transferrin in semen. Transferrin appears to be a relevant indicator of gonadal function. Transferrin expression in normal testes is perfectly controlled. Transferrin contributes to iron transport. However, recent results show the existence of a dimeric form, which acts as a powerful regulator of phagocytosis of residual bodies by Sertoli cells. A disturbance of this new highlighted function may account for some forms of oligozoospermia. Keywords Transferrin · Testis · Sertoli cells · Phagocytosis · Residual bodies B. Fumel (*) INRA, UMR85 Physiologie de la reproduction et des comportements, F-37380 Nouzilly, France e-mail : [email protected] A. Sow CNRS, UMR6175, F-37380 Nouzilly, France S. Fouchécourt Université François Rabelais de Tours, F-37041 Tours, France F. Guillou Haras nationaux, F-37380 Nouzilly, France * Betty Fumel a obtenu le Prix Master SALF 2008. Abréviations: ACTH, adreno corticotropic hormone ; hormone corticotrope ; AMPc, cyclic adenosine monophosphate ; adénosine monophosphate cyclique ; AP1, activating protein 1 ; protéine d’activation 1 ; Axl, receptor tyrosinekinase, which regulates the phagocytic function; same tyrosine-kinase subfamily as Mer and Tyro-3-Sky ; récepteur tyrosine-kinase régulant la phagocytose, même famille que Tyro3 et Mer ; CD36, cluster of differentiation 36 ; cluster de différenciation 36 ; COUP-TF, chicken ovalbumin upstream promoter transcription factor ; facteurs de transcription du promoteur de l’ovalbumine de poulet ; CREB, cAMP response element-binding ; élément de réponse à l’AMPc ; DMT1, divalent metal transporter 1 ; transporteur membranaire du fer ; EGF, epidermal growth factor ; facteur de croissance des cellules de l’épiderme ; FGF, fibroblast growth factor ; facteur de croissance des fibroblastes ; FSH, follicle-stimulating hormone ; hormone folliculostimulante ; Gas6, growth arrest-specific gene 6 ; gène 6 spécifique de l’arrêt de croissance ; GH, growth hormone ; hormone de croissance ; IGF, insulin-like growth factor ; facteur de croissance à l’insuline ; IGF-BP, insulin-like growth factorbinding protein ; protéine de liaison des IGF ; IL, interleukines ; LH, luteinizing hormone ; hormone lutéinisante ; Mer, receptor tyrosine-kinase (Mertk, Nyk, c-Eyk), which regulate the phagocytic function; same tyrosine-kinase subfamily as Axl3 and Tyro-3-Sky ; récepteur tyrosine-kinase (Mertk, Nyk, c-Eyk) régulant la phagocytose, même famille que Tyro3 et Axl. Nramp2 : natural resistance associated macrophage protein 2 ; protéine associée aux macrophages de type 2 ; PModS, peritubular factor that modulates sertoli cell function ; facteurs péritubulaires modulant les fonctions sertoliennes ; PR, proximale region ; région proximale ; P450scc, P450 cholesterol side-chain cleavage ; protéine de clivage de la chaîne latérale du cholestérol ; SE1, specific element 1 ; élément spécifique 1 ; SHBG, sex hormonebinding globulin ; protéine de liaison aux stéroïdes ; SIE, cisinductible element ; élément cis-inductible ; SRB1, class B 1 scavenger receptor ; récepteur scavenger de classe B ; SRE, serum response element ; élément de réponse au sérum ; StAR, steroidogenic acute regulatory protein ; protéine de 82 régulation de la stéroïdogenèse ; TGF, transforming growth factor ; facteur de différenciation ; TNFα, tumor necrosis factor alpha ; facteur de nécrose tumoral alpha ; TSH, thyroïd stimulating hormone ; thyréostimuline ; Tyro3-Sky, receptor tyrosine-kinase, which regulates the phagocytic function, same tyrosine-kinase subfamily as Axl3 and Mer ; récepteur tyrosine-kinase régulant la phagocytose, même famille que Mer et Axl. Transferrine : marqueur du bon fonctionnement du testicule Le testicule, siège de la spermatogenèse, est constitué de deux compartiments : l’interstitium et les tubes séminifères. L’interstitium est constitué d’un tissu lâche riche en vaisseaux sanguins et lymphatiques où sont répartis des amas de cellules de Leydig et des cellules libres tels que les macrophages, les lymphocytes et les fibroblastes. Les cellules de Leydig sont le site majeur de la stéroïdogenèse avec production d’androgènes essentiellement sous la forme de testostérone. Les tubes séminifères se composent de cellules germinales à différents stades de différenciation, enchâssées entre les cellules de Sertoli qui s’appuient sur la membrane basale. Du fait de leur situation topologique, les cellules de Sertoli sont les seules cellules communiquant directement avec les cellules germinales. Elles assurent ainsi plusieurs fonctions à l’intérieur des tubes séminifères : elles fournissent un support architectural aux cellules germinales, créent la barrière hématotesticulaire, assurent la nutrition des cellules germinales, sécrètent des facteurs de croissance et des protéines de transport, contrôlent la spermatogenèse et assurent la phagocytose des cellules germinales apoptotiques et des corps résiduels. En l’absence du support architectural et métabolique des cellules de Sertoli, la différenciation des cellules germinales, leur méiose et leur maturation en spermatozoïdes ne peuvent pas avoir lieu. La transferrine peut être considérée comme un marqueur du bon fonctionnement des cellules de Sertoli. Ce sont ces dernières qui synthétisent la transferrine dans les tubes séminifères du testicule, cette synthèse correspondant à 5 % des protéines totales sécrétées par la cellule [1]. Chez l’homme, des oligospermies sévères sont associées à un faible taux de transferrine dans le liquide séminal [2,3]. Les auteurs émettent l’hypothèse que le faible taux de transferrine dans le liquide séminal révèle un dysfonctionnement des cellules de Sertoli, qui pourrait affecter la qualité et/ou le nombre de spermatozoïdes produits [2,3]. Cependant, le faible niveau de transferrine pourrait être expliqué par le nombre réduit de cellules de Sertoli présentes dans le testicule des hommes oligospermiques. En effet, il a été mis en évidence une corrélation entre le niveau de transferrine dans le plasma séminal et le nombre de spermatozoïdes Androl. (2009) 19:81-89 chez l’homme et chez le taureau, ce nombre étant directement corrélé au nombre de cellules de Sertoli [4-7]. Chez l’homme, plusieurs études ont montré que le taux de transferrine était affecté lors de pathologies touchant la fonction testiculaire. Barthelemy et al. ont montré, en 1988, que la nature du dysfonctionnement des tubes séminifères peut être précisément définie en mesurant le taux de transferrine et en l’associant à d’autres valeurs biologiques [4]. Yoshida et al., en 1988, ont montré que chez les patients atteints de varicocèles, la perturbation de la spermatogenèse peut être associée à la diminution de production de transferrine [8]. De plus, il existe une forte corrélation entre la cinétique d’arrêt de la spermatogenèse et la diminution des ARNm de la transferrine [9]. Cela signifie que le niveau d’expression de la transferrine est un indicateur du bon fonctionnement de la cellule de Sertoli. En 1996, Zalata et al. ont montré que le récepteur soluble de la transferrine du plasma séminal est un bon marqueur de la spermatogenèse, et qu’il peut donner de bonnes indications sur la présence ou l’absence de cellules germinales dans les cas d’azoospermie [10]. Chez les souris hypotransferrinémiques, qui, du fait d’une mutation dans le gène de la transferrine, ne présentent que 1 à 2 % du taux normal de transferrine, il y a une réduction du nombre de cellules germinales suggérant que la transferrine peut jouer un rôle important dans la spermatogenèse [11]. Toutes ces études montrent que la transferrine sécrétée par les cellules de Sertoli pourrait être impliquée dans les grandes fonctions sertoliennes qui contrôlent le bon déroulement de la spermatogenèse. L’objectif de cette revue est de faire le point des connaissances actuelles sur le rôle de la transferrine dans les fonctions testiculaires. Transferrine La transferrine, anciennement appelée sidérophiline, est une glycoprotéine présente dans le fluide biologique des vertébrés et des invertébrés. Elle appartient à une famille de protéines qui comprend la lactoferrine, la mélanotransferrine (antigène p97) et l’ovotransferrine de poulet encore appelée conalbumine. La transferrine est une glycoprotéine d’un poids moléculaire d’environ 79 kDa, composée d’une seule chaîne polypeptidique de 679 résidus d’acides aminés. Des études cristallographiques de la protéine ont permis de visualiser deux domaines fonctionnels homologues : l’un N-terminal (résidus 1-336) et l’autre C-terminal (337-679) [12]. Il existe environ 50 % d’homologie entre les résidus d’acides aminés qui composent ces deux domaines [13]. Chacun des domaines peut fixer un ion Fe3+ avec une très forte constante d’affinité comprise entre 1 à 6,10–22 M–1 [14]. Outre le fer, la transferrine peut fixer d’autres métaux comme le Cu2+, Mn2+, Androl. (2009) 19:81-89 Zn2+, Al3+ avec une constante d’affinité plus faible, par exemple 3,10–12 M–1 pour le cuivre et 7,10–6 M–1 pour le zinc. Le foie est le principal site de synthèse de la transferrine. Dès sa synthèse par les hépatocytes, la transferrine est aussitôt sécrétée dans le sang [15]. Chez l’embryon de souris, la présence de l’ARNm de la transferrine est détectée par hybridation in situ dans le tissu endodermique du sac vitellin et dans des clusters de l’aire primordiale du foie à 9,5 jours embryonnaires [16,17]. Chez le rat, la transferrine est synthétisée par le foie à partir du 15e jour de gestation [15,18] et le niveau des ARNm de la transferrine double entre le 17e jour de gestation et le 1er jour après la naissance [19]. La synthèse de transferrine est aussi détectée dans d’autres organes qui présentent des barrières hématiques, comme le système nerveux central (les plexus choroïdes, les oligodendrocytes), les cellules de la rétine [20,17,21], ainsi que dans la glande mammaire [22] et le testicule [23]. La transferrine sécrétée par les cellules de Sertoli du testicule présente une composition identique en acides aminés et le même poids apparent que la transferrine sérique. Cependant, elle a une composition en sucre quantitativement plus importante : en effet, elle contient le double de galactose et 20 % de plus de glucosamine que la transferrine sérique [1]. La transferrine est détectée dès la vie fœtale dans le testicule. En effet, l’analyse de testicules fœtaux de rats a montré la présence des ARNm de la transferrine dès 14,5 jours post-coïtum [24]. Elle est considérée comme un marqueur de différenciation des cellules de Sertoli, car son niveau d’expression augmente avec l’âge, parallèlement à la maturation des cellules de Sertoli. Les cellules de Sertoli isolées de rats prépubères de dix jours sécrètent environ 2 ng de transferrine par μg d’ADN, celles isolées de rats de 20 jours sécrètent environ 20 ng de transferrine par μg d’ADN, et celles isolées de rats âgés de 35 jours sécrètent 60 ng de transferrine par μg d’ADN [25,26]. L’augmentation de la biosynthèse de la transferrine durant le développement testiculaire n’est pas due à une variation du taux et de la demi-vie des ARNm de la transferrine mais dépend de l’augmentation du taux de traduction de ces ARNm [26]. Chez l’adulte, le niveau d’expression des ARNm de la transferrine varie selon les stades du cycle de l’épithélium séminifère. Chez le rat, le niveau d’ARNm de la transferrine est maximal autour des stades XIII-IX, où se déroulent les deux divisions méiotique et minimale autour du stade VIII, pendant le remodelage des jonctions serrées, la spermiation et la phagocytose des corps résiduels par les cellules de Sertoli [27]. La surexpression de la transferrine humaine par transgenèse chez la souris a pour conséquence une surexpression de la transferrine endogène et provoque une altération, à partir de cinq mois, de la fonction testiculaire qui conduit à une réduction de 36 % de la réserve spermatique [28]. Cette observation montre que le niveau 83 d’expression de la transferrine dans le testicule doit être parfaitement contrôlé. Régulation de l’expression de la transferrine dans le testicule La régulation de la synthèse de transferrine par les cellules de Sertoli a fait l’objet de nombreuses études. Plusieurs facteurs hormonaux, paracrines ou autocrines, peuvent influencer la synthèse de transferrine par les cellules de Sertoli. Ces facteurs ont fait l’objet de quelques études chez l’homme et chez la souris. Néanmoins, les études in vitro sont généralement réalisées sur des rats de 19-20 jours. La majorité des travaux concerne l’effet de la FSH sur l’expression et la régulation de la transcription du gène de la transferrine par cette hormone. La FSH, ajoutée à des cultures de cellules de Sertoli isolées de rats âgés de 20 jours, provoque une augmentation de 1,25 fois du niveau des transcrits de la transferrine et de 2,8 fois de la transferrine sécrétée. Cet effet de la FSH semble maximal à 25 ng/ml, puisqu’une augmentation de la concentration jusqu’à 1 μg/ml n’augmente plus son effet [29]. Les travaux de Suire et al. montrent que l’effet de la FSH passe par une augmentation de l’AMPc intracellulaire [30]. L’administration d’un analogue non hydrolysable de l’AMPc, le dibutyryl-AMPc, à 10 μM, mime l’action de la FSH et entraîne une augmentation respective de 1,5 et de 3 fois des ARNm et de la transferrine. Cet effet stimulateur de la FSH sur la sécrétion de la transferrine a été retrouvé chez la souris, le mouton et l’homme [31-33]. La région promotrice comprise entre [–126 ; +1pb] est suffisante pour assurer un niveau basal de transcription du gène de la transferrine humaine et sa régulation par la FSH dans les cellules de Sertoli. Cette région contient deux sites d’interaction ADNprotéines dénommés PRI et PRII. Les facteurs de transcription qui interagissent avec ces sites ont été caractérisés par gel retard. Le facteur COUP-TF se fixe sur le site PRI, tandis que le facteur CREB se fixe sur le site PRII [34]. La mutation du site PRI fait chuter la transcription basale de 20 % mais amplifie l’action de la FSH en facilitant l’action de la protéine CREB. Le facteur COUP-TF qui interagit avec le site PRI joue un rôle négatif sur la fixation de la protéine CREB. La mutation du site PRII fait chuter la transcription basale de 50 % et abolie l’effet de la FSH [34]. La sécrétion de la transferrine dans les cellules de Sertoli en réponse à une stimulation par la FSH varie selon l’âge des animaux testés. À dix jours, le niveau basal de transferrine, qui est de 2 ng/μg d’ADN, est stimulable d’environ deux fois après 72 heures d’incubation avec l’hormone. À 20 jours, le niveau basal à 20 ng/μg d’ADN est stimulable d’environ 1,7 fois dans les mêmes conditions. En revanche, à 35 jours, le niveau basal très 84 élevé est de 60 ng/μg d’ADN, et la FSH n’a aucun effet stimulateur sur la sécrétion de la transferrine [25]. In vivo, l’hypophysectomie de rats de 20 jours ou de 40 jours engendre un effondrement de 97 % des ARNm de la transferrine d’origine testiculaire. L’injection de FSH permet un rétablissement partiel des ARNm de la transferrine chez les animaux âgés de 20 jours. En revanche, à 40 jours, l’administration de la FSH n’a aucun effet [35]. Chez des animaux âgés de 60 jours, des expériences complémentaires ont montré que l’injection d’un analogue de la GnRH, qui bloque aussi bien la sécrétion de la FSH que de la LH, entraîne un effondrement du niveau des ARNm de la transferrine [36]. Il est important de signaler que l’hypophysectomie abolit non seulement les sécrétions de FSH et de LH, mais également celles d’autres hormones hypophysaires telles que la GH, la TSH ou l’ACTH. Chez le rat, une carence en rétinol entraîne une diminution des ARNm de la transferrine d’origine testiculaire, alors que les ARNm de la transferrine d’origine hépatique restent inchangés [9]. Cette diminution des ARNm de la transferrine dans le testicule est d’environ 86 % et s’accompagne d’une diminution de la taille des testicules, ainsi que d’un arrêt de la spermatogenèse. Des injections d’acide rétinoïque ou une supplémentation en vitamine A entraînent une restauration de la spermatogenèse et une augmentation de l’expression des ARNm de la transferrine. Cette restauration du système va également favoriser la synchronisation du cycle de l’épithélium séminifère. In vitro, l’addition de la vitamine A sous forme d’acide rétinoïque ou de rétinol provoque une augmentation des ARNm et la sécrétion de la transferrine par les cellules de Sertoli chez le rat âgé de 20 jours [29,37]. Il a également été rapporté un effet stimulateur du rétinol sur la sécrétion de la transferrine sertolienne chez les ovins et chez l’homme [33,38]. Le rétinol ne modifie pas la stabilité des ARNm de la transferrine [9]. Il pourrait agir en augmentant l’activité transcriptionnelle ou la traduction des ARNm de la transferrine, mais jusqu’à présent, aucune étude précise montrant le mécanisme d’action du rétinol sur l’expression de la transferrine n’a été publiée. La testostérone seule ne semble pas stimuler la sécrétion de la transferrine ni chez le rat, ni chez l’homme, ni chez les ovins [29,31,33]. Des études ont montré que l’ajout de la testostérone (200 ng/ml) sur des cultures de cellules de Sertoli postpubères humaines n’a pas d’effet sur la sécrétion de la transferrine par ces cellules [38]. Cependant, le niveau de transferrine pourrait réguler la stéroïdogenèse via les IGF-BP. En effet, il a été montré que la transferrine peut former un complexe avec les IGF-BP [39]. La formation de ce complexe a pour conséquence une augmentation accrue de l’affinité de l’IGF1 pour l’IGF-BP. Ce phénomène pourrait être à l’origine, dans le testicule, de la diminution de la réponse de la testostérone à la LH observée chez les Androl. (2009) 19:81-89 souris transgéniques surexprimant la transferrine dans le testicule [28]. En effet, il est connu chez le rat que l’IGF1 sécrété par les cellules de Sertoli contrôle l’expression des récepteurs à la LH, ainsi que l’activité d’enzymes de la stéroïdogenèse telles que P450scc, StAR [40]. Chez les rats hypophysectomisés de 20 jours, il y a un effondrement des ARNm de la transferrine. L’injection quotidienne de testostérone ne restaure pas les taux d’ARNm de la transferrine. En revanche, l’injection quotidienne de testostérone à des rats de 40 jours, après une hypophysectomie, rétablit de moitié le taux des ARNm de la transferrine [35]. Roberts et al. ont montré que l’augmentation des ARNm de la transferrine après injection de testostérone dans le cas de rats adultes hypophysectomisés était corrélée au nombre de cellules germinales plutôt qu’à la réponse à la testostérone [41]. En effet, il a été montré que des cocultures de cellules germinales (spermatocytes pachytènes et spermatides) ainsi que leurs milieux conditionnés stimulent l’expression des ARNm de la transferrine par les cellules de Sertoli de rat [42,43]. De plus, les cellules germinales peuvent agir sur la sécrétion de la transferrine via la sécrétion du facteur de croissance FGF2. Les cellules péritubulaires, placées en coculture avec les cellules de Sertoli humaines, provoquent, elles aussi, une augmentation de la transferrine sécrétée dans le milieu [38]. Le facteur responsable de cet effet a été isolé et dénommé PModS. Le PModS stimule la sécrétion de la transferrine de quatre fois par les cellules de Sertoli isolées de rats âgés de 10, 20 ou 35 jours [25]. Cette augmentation de la sécrétion de la transferrine en présence de PModS est due à une augmentation de l’activité transcriptionnelle du gène de la transferrine. Le PModS n’influence pas la demi-vie des ARNm de la transferrine [44]. L’inhibition de l’action de PModS par le cycloheximide, inhibiteur de synthèse protéique, suggère que le facteur requière des protéines nouvellement synthétisées pour son action stimulatrice sur la transferrine. L’action du PModS sur la transcription du gène de la transferrine pourrait impliquer le proto-oncogène c-fos. En effet, il a été identifié deux sites de réponses (SRE et SIE) à PModS au niveau du promoteur du gène c-fos. L’addition de PModS provoque une augmentation rapide (environ une heure) de l’expression de c-fos [44]. C-fos activerait donc, via son site consensus AP1, un gène intermédiaire, qui reste à caractériser et dont le produit agirait sur deux sites, nommés SE1 et 2, au niveau du promoteur de la transferrine [45]. L’ensemble de ces données est à confirmer in vivo. Cependant, PModS est reconnu comme médiateur indirect de l’action des androgènes sur les cellules de Sertoli, car la réponse aux androgènes est amplifiée en sa présence. L’action des androgènes sur l’expression de la transferrine in vivo pourrait être médiée par les cellules péritubulaires via PModS. Androl. (2009) 19:81-89 La sécrétion de la transferrine par les cellules de Sertoli peut également être modulée par un grand nombre de facteurs de croissance. Parmi eux, on retrouve des facteurs de croissance qui peuvent se lier à des récepteurs à activité sérine-thréonine-kinase : le TGFβ et le FGF. L’ajout de TGFβ ou de TGF (10 ng/ml) dans le milieu de culture provoque une augmentation de la sécrétion de la transferrine par les cellules de Sertoli de rat. Il a également été montré que l’activine stimule la sécrétion de la transferrine par les cellules de Sertoli [46]. Dans des cultures de cellules de Sertoli polarisées en chambre bicamérale, l’addition de l’EGF stimule la sécrétion de la transferrine [47]. Cependant, les travaux de Hoeben et al. montrent qu’il est difficile de discerner l’effet spécifique de l’EGF, du FGF et du TGFβ sur la transferrine et de leur effet sur l’ensemble des sécrétions protéiques. En effet, en prenant en compte la quantité de protéines produites, l’effet de ces facteurs sur la sécrétion de la transferrine ne semble pas significatif [48]. Les interleukines (IL), IL-1 et 6 stimulent également la production de la transferrine par les cellules de rat et de souris en culture [32,49,50]. De même, le facteur de croissance TNFα stimule la production de la transferrine par les cellules de Sertoli [49,50]. Cependant, leurs modes d’action restent pour l’instant inconnus. L’ensemble de ces travaux montre que de nombreux facteurs connus pour contrôler les fonctions sertoliennes sont capables d’activer l’expression de la transferrine par les cellules de Sertoli. Toutefois, à ce jour, il n’a pas été identifié de facteur capable de réprimer directement l’expression de la transferrine par les cellules de Sertoli. Rôle de la transferrine dans le testicule La transferrine présente dans le sang est connue depuis de nombreuses années comme une protéine transporteur de fer, il est donc facile d’imaginer que cette protéine sécrétée par le testicule y joue le même rôle du fait de la présence de la barrière hématotesticulaire. Le fer provenant de la circulation sanguine ne peut arriver directement aux cellules germinales méiotiques ou postméiotiques. De ce fait, la cellule de Sertoli a mis en place un système judicieux permettant de véhiculer le fer de la circulation sanguine vers les cellules germinales situées au-delà de cette barrière hématotesticulaire. Le mécanisme proposé est le suivant : la transferrine sérique chargée de deux atomes de fer se fixe sur son récepteur situé du côté basal des cellules de Sertoli, le complexe est internalisé par la membrane basolatérale puis amené jusqu’aux endosomes. L’acidification à l’intérieur des endosomes (pH : 5,5), du fait de la présence de pompes à protons, entraîne une dissociation du fer du complexe transferrine-récepteur. L’apotransferrine sérique, liée à son récepteur, est recyclée 85 vers la surface. Le fer, libéré dans la cellule de Sertoli, est soit stocké par la ferritine qui peut recueillir plus de 4 500 atomes de fer, soit, dans la plupart des cas, pris en charge par la transferrine synthétisée par la cellule de Sertoli et transporté dans l’espace intercellulaire apicolatéral. La transferrine sertolienne, liée au fer, se fixe sur son récepteur situé au niveau des spermatocytes et des spermatides [51,52]. Le fer est alors pris en charge par la ferritine se trouvant dans la plupart des cellules germinales, en particulier les spermatocytes pachytènes, ou incorporé dans des protéines [53,54]. Il a également été identifié au niveau des endosomes des cellules de Sertoli et au niveau des phagosomes la présence d’un transporteur de fer Nramp2/DMT1, ferroportine. Ce dernier pourrait jouer un rôle dans le recyclage du fer provenant des cellules germinales phagocytées [55]. Il est tout de même important de noter qu’un excès de fer est néfaste pour le testicule, car une augmentation de fer dans cet organe, par des injections intrapéritonéales de FeSO4 à des rats, conduit à une nécrose des cellules germinales et à une réduction du nombre de spermatides après trois jours de traitement [56]. Chez le rat, Idzerda et al. ont montré qu’un déficit en fer, in vivo, entraîne une augmentation de la quantité des ARNm de la transferrine d’origine hépatique, alors que celle d’origine testiculaire reste inchangée, suggérant que l’expression de la transferrine sertolienne n’est pas contrôlée par le niveau en fer [57]. Afin d’évaluer l’importance de la transferrine pour les fonctions des cellules de Sertoli, une approche par inhibition de l’expression de cette protéine via ARN interférence a été réalisée in vitro. Les ARN interférences (iARN ou siARN) sont de petits ARN doubles brins (21nt) capables d’induire la dégradation des transcrits endogènes homologues, mimant ainsi l’effet d’une perte de fonction de l’activité génique. Grâce à cette technologie, une diminution de 80 % de la transferrine sécrétée par des cultures primaires de cellules de Sertoli isolées de testicules de rats âgés de 19 jours a été obtenue. Cette diminution de 80 % de la transferrine ne modifie ni la viabilité des cellules de Sertoli, ni la production de lactate, principal substrat énergétique des cellules germinales. En revanche, l’inhibition de la transferrine entraîne une augmentation de la phagocytose des corps résiduels par les cellules de Sertoli. La phagocytose est un processus physiologique permettant l’élimination de cellules apoptotiques et des débris cellulaires. Elle peut être divisée en quatre grandes phases : une phase de reconnaissance, une phase d’adhésion, une phase d’ingestion, puis une phase de digestion. Dans le testicule, au cours de la différenciation spermatogénique, plus de la moitié des cellules meurent par apoptose avant d’atteindre le stade de spermatozoïde. De plus, lors de la spermiation, les spermatides allongées libèrent leur excès de cytoplasme résiduel (corps résiduels) avant de passer au stade spermatozoïde. Ces cellules germinales apoptotiques et ces corps résiduels sont phagocytés par les 86 cellules de Sertoli pour assurer le bon déroulement de la spermatogenèse. L’inhibition de l’expression de la transferrine provoque une augmentation accrue de la phase d’ingestion des corps résiduels. L’addition de transferrine inhibe la phase d’ingestion des corps résiduels par les cellules de Sertoli. Mais, de façon surprenante, la transferrine, pour être active, doit être sous une forme dimérique complexée à plusieurs atomes de fer. La forme monomérique de la transferrine n’a aucun effet sur ce processus de phagocytose [58]. De façon inattendue, la transferrine se révèle être un modulateur physiologique de la phagocytose des corps résiduels par les cellules de Sertoli. Les cellules germinales apoptotiques sont reconnues par les cellules de Sertoli via une exposition de résidus phosphatidylsérine à leur surface [59]. Les cellules de Sertoli expriment des récepteurs qui reconnaissent ces résidus phosphatidylsérine. Il s’agit de récepteurs multiligands scavenger de classe B type I (SRBI) [60,61]. Toutefois, des études ont montré que l’utilisation d’un anticorps spécifique dirigé contre SRBI bloque en partie seulement la phagocytose des cellules germinales apoptotiques et des corps résiduels par les cellules de Sertoli [60]. En effet, il a été démontré qu’un autre membre de la famille des récepteurs scavenger de classe B, CD36, est également impliqué dans la reconnaissance des cellules phagocytiques par les cellules de Sertoli [62]. Outre les récepteurs CD36 et SRBI impliqués directement dans la reconnaissance des résidus phosphatidylsérine à la surface des cellules apoptiques, les cellules de Sertoli expriment d’autres types de récepteurs pouvant reconnaître indirectement les signaux apoptiques via des protéines de pontage. En effet, le récepteur Mer, un récepteur à activité tyrosine-kinase, ainsi que son ligand Gas6 ont été mis en évidence au niveau des cellules de Sertoli [63]. Aucune étude n’a montré, à ce jour, l’implication de Gas6 et de son récepteur Mer dans le processus de phagocytose médiée par les cellules de Sertoli. Toutefois, au niveau des macrophages, Gas6 forme un pont entre les cellules apoptotiques et les cellules phagocytiques [64]. Gas6 est une protéine γ-carboxylée composée d’un domaine Gla N-terminal, d’une répétition de quatre domaines EGF-like et d’un domaine SHBG en Cterminal. Gas6 interagit, d’une part, avec les résidus phosphatidylsérine via son domaine Gla (domaine constitué d’une répétition d’acides γ-carboxyglutamique) et, d’autre part, avec son récepteur Mer via son domaine SHBG [64,65]. Une invalidation du récepteur Mer entraîne une diminution de la phagocytose des thymocytes apoptotiques par les macrophages par inhibition de la phase d’ingestion [66,67]. Un rôle similaire dans la phagocytose par les cellules de Sertoli ne peut être exclu. En effet, l’action de la transferrine dimérique sur la phagocytose n’est pas exclusive aux cellules de Sertoli. Les travaux de Sakamoto et al. montrent que les formes dimérique et/ou tétramérique de la transferrine sont des activateurs de la phagocytose médiée par les Androl. (2009) 19:81-89 polynucléaires neutrophiles [68]. Il est donc probable que les mécanismes moléculaires, mis en jeu au cours de l’ingestion des particules à phagocyter par les phagocytes « professionnels », et les phagocytes « non professionnels » fassent intervenir les mêmes acteurs moléculaires. L’invalidation du récepteur Mer, ainsi que deux autres récepteurs de Gas6, Axl et tyro3, entraînent une diminution d’un tiers de la taille des testicules et un défaut de la spermatogenèse qui se traduit par une absence de spermatozoïdes matures [69]. L’ingestion des cellules germinales apoptotiques présentant des résidus phosphatidylsérine à leur surface peut être inhibée de 50 % par ajout de l’annexine A5 au début du processus d’apoptose des cellules germinales [70]. Cela implique l’existence d’autres signaux en plus de l’exposition des résidus de phosphatidylsérine pour transmettre le signal aux cellules phagocytiques. Il est tentant d’émettre l’hypothèse que la variation du niveau d’expression de la transferrine pourrait être ce signal. Plusieurs observations confortent cette hypothèse. L’addition de FSH inhibe l’ingestion des corps résiduels par les cellules de Sertoli, même si elle favorise leur liaison à la surface de ces cellules [71]. Or, la FSH est un puissant régulateur de l’expression de la transferrine par les cellules de Sertoli. Yefimova et al. ont montré que l’expression du dimère de la transferrine est détectée dans le milieu des cellules de Sertoli uniquement quand ces cellules sont stimulées par la FSH et le rétinol [58]. Au cours du cycle de l’épithélium séminifère, le niveau d’expression de la transferrine par les cellules de Sertoli varie. L’expression des ARNm de la transferrine s’effondre pendant les stades VIII et IX. Or, ces stades du cycle de l’épithélium séminifère correspondent à la spermiation, chez le rat, qui se caractérise par une élimination accrue des corps résiduels et par une forte activité de phagocytose des cellules de Sertoli [72-75]. Toutes ces observations sont compatibles avec l’idée que la diminution de l’expression de la transferrine pourrait être un signal inducteur de l’ingestion des corps résiduels et/ou que la transferrine est un régulateur du niveau d’ingestion des corps résiduels. Conclusion et perspectives La découverte récente de l’existence de plusieurs formes de transferrine exprimées par les cellules de Sertoli ouvre un large champ d’investigation. En effet, de nombreuses questions se posent désormais : quelle est la structure moléculaire qui permet la constitution du dimère ? Comment et où se forme-t-il dans la cellule de Sertoli ? Comment la présence de fer modifie la conformation du dimère afin qu’il devienne actif ? La démonstration in vitro de l’implication de la forme dimérique de la transferrine dans la régulation de la phagocytose des corps résiduels par les cellules de Sertoli nous conduit, d’une part, à vérifier, in vivo, cette observation Androl. (2009) 19:81-89 en développant des modèles de souris invalidés conditionnellement pour la transferrine ou surexprimant spécifiquement la transferrine dimérique dans les cellules de Sertoli et, d’autre part, à identifier les mécanismes moléculaires qui permettent à la transferrine d’inhiber l’ingestion des corps résiduels par les cellules de Sertoli. Une attention particulière sera portée sur l’effet de la transferrine sur l’expression du récepteur Mer et de son ligand Gas6. Enfin, au regard de cette nouvelle fonction de la transferrine et de l’importance de l’élimination des cellules germinales apoptotiques et des corps résiduels par les cellules de Sertoli dont le dysfonctionnement peut entraîner des oligozoospermies et des azoospermies [76], il serait, peut-être, important de revisiter ces pathologies au travers de la recherche de la présence de mutations dans le gène de la transferrine. Déclaration de conflit d’intérêt : Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt. 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