glisser la bague hors du doigl, il baise la main d`un ar d fare durer
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glisser la bague hors du doigl, il baise la main d`un ar d fare durer
JOSE MARIA lar PROSPIRMERIMEE Le moddle du brigand espagnol, le Robin Hood de notre temps, c'est le fameux Josd Maria, nommd e/ Tempranito, le Matinal. C'est l'homme dont on parle le plus de Madrid d S6l'rlle et de S6ville d Malaga. Beau, brave, corutois autant qfur voleur peut I'Ctre, tel est Jose Maria. S'il an6te une drligence, il dome la main arx dames pour descendre et pend soin qu'elles soient commoddment assises d l'ombre, car c'est de jour que se font la pluparl de ses exploits. Jamais un mot rude ou ddsagrdable; au contraire, une politesse naturelle presque respectueuse. Ote-t-il rme bague de la main d'une femme: < Ahl madame, > dit-il, < une si belle main n'a pas besoin d'omements. Et tout en faisant glisser la bague hors du doigl, il baise la main d'un ar d fare croire, suivant I'expression d'rure dame espagnole, que le baiser prenait avait pour lui plus de prix que la bague. La bague, comme par distraction; mais le baiser, au contraire, il le faisait durer longtemps. On m'a assur€ qu'il laisse toqjours aux voyageurs assez d'argent pour ariver d la ville la plus proche et que jamars il n'a refus6 d personne la permission de garder un bijou que des souver rs rendaient precieux. On m'a ddpeint Josd Maria comme un grand jeune homme de vingt-cinq d ffente-cinq ans, bien fait, la figure ouverte et riante, des yeux des dents blanches comme des perles remarquablement expressifs. I1 porte ordinairement un costume d'une trds grande richesse. Son hnge est toujours d'une blancheur de neige, et ses mains feraient honneur d un eldgant de Paris ou de Londres. ) il la et Il n'y a grdre que cinq ou six ans qu'il court les grands chemins. ll dtail destine parsesparenls d l'Eglise. et il etudiait 'l l=- lffil ,-- | INTIIA"IION A LA LITTERATURE FRANqAISE d Grenade; mais son envie de devenir pretre n'dtait pas fort grande. Une afiaire d'amour l'obligea de prendre la fuite et de s'exiler d Gibraltar. Lii, cornme I'argent lui manquait, il se mit d'accord avec ur marchand anglais pour introduire contrebande un grand nombre de marchandises ddfendues. Il fut hahi par m homme d qui il avait racontd son projet. Les douaniers surent la route cu'il devait suil,re et se mtent sur son chemin. Tous les mulets qu'il conduisait furent pris, mais il ne les abandoma qu'apres un cornbat trds dur dans lequel il tua ou blessa plusieurs douaniers. Dds ce moment, il n'eut plus d'autre possibilitd que de courir les grands chemins. Un bonheur extraordinaire I'a constamnent accompagnd jusqu'dL ce jour. Sa tete est mise d prix, son signalement se trouve aux porles de toutes les villes, avec promesse de huit mille rdailx d celui qui le li\rera mofi ou vif, serait-ce un de ses camarades. Pourtant Josd Maria continue sans 6tre puni son dangereux m6tier, et arrdte les voyageurs depuis les liontidres du Portugal jusq'au royaume de Murcie. Sa bande n'est pas nombreuse, mais elle est composde d'hornmes dont la fid6litd et la rdsolution sont depuis longtemps eprouvdes. Un jour, d la t6te d'ture douzaine d'hommes de son choix, il surprit soixante-dir soldats royalistes envoyes d sa poursuite, et leur prit toutes leurs annes. On le vit ensuite regagner les montagnes i pas lents, chassant devant lui derx mulets charg6s de soixante-dix fusils qu'il emportait cofirme pour en faire un souvenlr. On raconte des merveilles de son habiletd ii tirer. Sur un cheval lanc6 d toute allure, il touche ur tronc d'olivier d cent cinquante pas. L'histoire suivante fera connaitre d la fbis son habilet6 et sa g6ndrositd. Un capitaine Castro, officier relrpli de courage et d'activitd, qui poursuit, dit-on, les voleurs autant pour satisfahe une vengeance personnelle que pour faire son devoir de rnilitaire, apprit par un de ses hommes que Jos6 Maria se trouverait un tel jour dans un village isold. Castro, au jour indiqu6, monte d cheval et, pour ne pas dveiller les soupgons en mettant trop de monde en campagner il ne prend avec lui que quatre soldats. Malgrd toutes les prdcautions qu'il prit pour cacher sa marche, il ne put si bien faire que Josd Maria ne I'apprit. Au moment of Castro, aprds avoir passd une gorge profonde, entrait dans la vallde ori 6tart JOSE I,IARIA le village, douze cavaliers rnont6s sur de rnagnifiques chevaux paraissent tout d coup sur son flanc, et beaucoup plus prds que lui de la gorge par ou seulement il pouvait faire sa retraite. Les soldats se crurent perdus. Un honme mont6 sur un cheval brun se ddtache au galop du groupe des voleus et an€te situd son cheval tout net d cent pas de Castro. < On ne surprend pas Josd Maria, s'dcrie-t-il. Capitaine Castro, que vous ai-je fait pour que vous vouliez me lirrer d la justice? Je pourrais vous tuer; mais les homrnes de courage sont devenus rares, et d cette occasion je vous donne la lre. Voici un souvenir qui vous apprendra d m'6viter. A votre shako!> En oarlant ainsi il tire- et d'une balle il traverse le haut du shako du capitaine. Aussitdt il prit la fuite et disparut avec ses gens. Voici un autre eremple de sa courloisie. On cdldbrait une noce dans une fenne des environs d'Aldujar. Les marids avaient ddjd regu les complinents de leurs amis, et I'on allait se mettre d table sous un grand figuier devant la porte de la maison; chacun 6tait de bonne humeur, et le parfum des arbres en fleur se nrdlait agr6ablement atx parfums montant de plusieurs plats qui faisaient plier la table sous leur poids. Tout d'un coup parut un hornme d cheval, sortalt d'un pefit bois, d courle distance de la maison. L'inconnu sauta d terre, salua les convives de la main, et conduisit son cheval d l'dcurie. On n'attendait personne, mais en Espagne tout passant est bien venu d paftager u.n repas de ftte. D'ailleurs, I'dtranger, d son habillement, pa.raissait Ctre un homme d'importance. Le mari6 se d6tacha aussitdt pour l'inviter d diner. Pendant qu'on demandait tout bas quel 6tait cet dtranger, le notaire d'Andujar, qui assistait d la noce, dtait devenu pAle comme la mort. Il essayait de se lever de la charse qu'il occupait pres de la mari6e; mais ses genour pliaient sous lui, et sesjambes ne pouvaient plus le supporler. Un des convives, soupgonnd depuis longtenps de s'occuper de contrebande, s'approcha de la mari6e: < C'est Josd Maria, dit-il, je me trompe fort, qu' il vient ici pour faire quelque malheur. C'est au notaire qu'il en veut. Mais que faire? Le faire dchapper? Impossible ; Jos6 Maria l'aurait bient6t rejornt.- Arr€ter le brigand? - Mais sa bande est sars doute aux environs ; d'ailleurs il porte des pistolets d sa ceinture et son h7 ,,w,1, ir l=# l twl tffi tw q-? I | I ] t..J"l r, I f;;-] I i,*! I B] |