corine, l`interview

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corine, l`interview
corine, l’interview
où il fut question de réfrigérateurs en forme d’Elvis Presley, de techniques thérapeutiques, de boutique en bas de chez
elle, de reportage sur les lions, de folklore russe, de chambre d’un accordéoniste et de bordel chez un certain Louis.
nfin une rencontre avec Corine !
Rendez-vous pris chez elle, elle
choisit finalement de sortir pour aller
s’installer à deux pas, dans la salle
d’un restaurant après l’heure du
service. L’excuse trouvée : la sortie
prochaine de son premier album
solo, annoncé pour Février 2002.
Bonne occasion de reprendre depuis
le début et de parler surtout de sa
vie…
Les premiers textes que tu as
écrits ?
La première fois, c’était à l’époque
du Chat. J’avais une tendance très
nette à la philosophie. J’avais écrit
un texte qui s’appelait Le Fil du
Temps. Ca racontait je ne sais plus
quoi d’ailleurs, c’était de la
philosophie ! En répèts on l’avait fait
et Jean-Louis avait dit qu’il aimait
bien la musique mais que les
paroles n’allaient pas du tout ! Il
avait donc réécrit une version
complètement différente qui s’appelait
Le Chat. C’était inchantable, par
moi en tout cas, parce que c’était
une chanson profondément macho.
J’avais donc repris son texte, mais
j’avais changé deux ou trois mots
pour que cela devienne une chanson
que je puisse chanter. Ca aurait été
intéressant de retrouver ces mots
mais je ne m’en souviens plus. Il y
avait vraiment très peu de choses :
l’histoire restait, le décor restait,
mais le chat n’était plus le même. Ce
n’était plus à son avantage. C’était
plus mes réactions par rapport au
chat, alors qu’au départ c’était juste
à l’avantage du chat.
C’est devenu un peu plus critique…
C’est devenu un peu plus réaliste, on
va dire. Ensuite j’avais commencé à
écrire d’autres chansons. J’en avais
écrite une qui s’appelait The Men I
Love, en anglais. C’était assez cru.
La première phrase, je crois que
c’était : « the men I love they’ve got
VDs » (ndlr : les hommes que j’aime
ont des maladies vénériennes).
C’était très mal vu, toujours par
Aubert, parce que les autres ne
donnaient jamais leur opinion sur les
textes. Mais il disait que le refrain
était joli. Le refrain, c’est un truc que
j’avais tiré d’un proverbe indien.
C’était « la vie c’est l’eau et l’amour
c’est une rivière » et « comment on
peut faire pour que les deux rives se
rejoignent ? ». C’est une phrase que
j’ai reprise après dans…
Dans It’s only mystery…
Dans It’s only mystery, bravo ! Donc
j’avais complètement laissé tomber
cette chanson puisqu’en plus j’avais
piqué des paroles pour les mettre
ailleurs. Mais j’avais gardé un petit
cahier où il y avait mes textes qui
dataient à peu près de 1985. C’est
devenu la première chanson de mon
album, en français, Les Hommes
Que J’Aime.
Cela t’est déjà arrivé de choisir
une version anglaise, pour les
Visiteurs, quand tu avais choisi
Lady Ann plutôt que Les Mots
Doux. C’est étonnant de changer
du français à l’anglais comme
ça… tu arrives à ressentir la
même chose ?
Oui, à une époque j’étais presque
totalement bilingue parce que j’avais
vécu un an au pair aux Etats-Unis
entre 19 et 20 ans. Cela m’était
naturel de passer de l’un à l’autre, ce
qui n’est plus le cas aujourd’hui. J’ai
un peu perdu.
Dans les textes, il y a eu Les
Bêtes aussi… Pour la sortie d’Un
Autre Monde, il y avait un
message sur répondeur dans
lequel tu parlais de cette chanson.
Et puis elle était finalement sortie
sur l’album des Visiteurs…
Celle-là était tout simplement partie
d’un reportage que j’avais vu à la
télé. Un mec qui faisait plein de
reportages très beaux sur les
animaux, sur les lions. J’avais
regardé ; ça m’avait tout de suite…
inspiré ça. Le texte était venu assez
naturellement, après le reportage. Et
puis on l’a faite, effectivement. Je
l’avais oubliée celle-là ! Après il y eu
cette grosse cassure, ce changement
de vie total quand j’ai eu mon enfant.
J’étais
hors
de
moi-même,
uniquement à m’occuper des autres,
dans
une
énergie
qui
était
dangereuse pour moi et pour
l’enfant. J’ai complètement changé
de vie, j’ai déménagé, j’ai fait une
rupture totale. Comme j’avais la
sensation qu’il fallait que je
m’occupe de moi et de l’enfant, je
suis rentrée dans une période où j’ai
fait
beaucoup
d’écoles
de
thérapeutes ; j’ai appris plusieurs
techniques thérapeutiques. J’avais
l’intention de devenir thérapeute et
d’arrêter complètement la musique.
« J’ai été leurrée moimême par le fait qu’on
devienne célèbre »
Ce n’était pas juste dans un but
d’initiation ?
Au départ si, puis je me suis prise au
jeu et je me suis dit « c’est ça ma
nouvelle vie, je vais devenir
thérapeute ». Puis ça ne s’est pas
passé comme cela, parce que, sans
doute, les écoles où j’étais ne me
donnaient pas satisfaction, ou le
métier qu’elles proposaient ne me
correspondait pas. Je n’arrivais pas
à passer les examens, à me dire
« c’est ça que je vais faire »… J’ai
appris beaucoup de choses qui
m’ont servi d’ailleurs, et j’ai
commencé une psychothérapie avec
quelqu’un qui est aussi philosophe
que psy et qui est devenu une
espèce de maître de philosophie,
que je vois toujours, qui est resté un
ami, et à qui je fais cosigner certains
textes. Parce qu’il y a pas mal de
textes qui sont carrément sortis
après des séances avec lui.
Donc, dans l’esprit, il est intégré à
la création de la chanson.
Oui. La première que j’ai vraiment
réécrite dans l’idée d’un jour
l’enregistrer, c’était en 1993. C’est
une chanson directement adressée
à ma fille, qui s’appelle Salut A Toi.
C’est « salut à toi beau bébé… » et
ça
raconte
son
arrivée,
sa
conception, son chemin.
Il n’y a rien par rapport à toi dans
ce texte-là ?
Non, ça raconte sa filiation à elle, ça
raconte d’où elle est venue, donc
forcément ça parle de moi puisque
j’étais dans le coup !
Un peu coupable !
Coupable ? Intéressant… et allonsy gaiement ! Mais c’est intéressant
parce qu’il y a de ça, effectivement…
Jusqu’à ce que tu deviennes
maman, tu n’existais pas vraiment
en tant que femme. Ca doit être
vraiment
difficile
à
gérer
intérieurement…
Oui, très ! Mais cela vient du fait que
l’on est souvent dans la répétition
par rapport à ce que l’on a vécu
avec nos parents, en tant qu’enfant.
Je viens d’une famille où il était très
dur d’exister psychologiquement. On
n’avait pas beaucoup de place. Donc
je me suis aperçue, mais longtemps
après, que dans Téléphone je
m’étais remise dans la même
situation, c’est-à-dire que je n’avais
pas de place pour exister. C’était
bien que je sois une femme pour
l’image. C’était bien que je sois
bassiste sans trop de technique.
Un petit peu en arrière…
Un petit peu en arrière, c’était
parfait. J’ai été leurrée moi-même
par le fait qu’on devienne célèbre et
le fait qu’apparemment j’avais une
super place. En fait, je n’avais pas
du tout ma place ! En particulier en
tant qu’artiste créateur. C’était un
peu « joue de la basse et tais-toi ».
Tout cela de façon très inconsciente,
ce n’était pas formulé. Mais c’était
quand même comme cela. Et ça
s’est perpétué dans les Visiteurs
parce que j’étais vraiment au service
de Louis et au service des
musiciens. En plus avec des gens
pas faciles à gérer, des relations
humaines difficiles, des situations
complexes…
Comme le chaman en Ardèche ?
Oui, des trucs de fous vraiment ! Je
me dépensais entièrement pour
gérer des choses qui n’étaient pas
ma vie. Quand j’ai eu un enfant, je
me suis aperçue de cela. Là je suis
dans un schéma de reconstruction,
qui n’est même pas accompli, même
le disque… Pour l’instant on n’a pas
encore fait le travail. Je pense que le
travail viendra en devenant active
avec le disque, en allant le vendre et
le défendre, en montant sur scène,
en trouvant des musiciens qui sont
au service des chansons… et puis
dire « c’est moi » ! Bonjour, c’est
moi ! Ca, c’est une difficulté, pour
moi, colossale, colossale, malgré
mon grand âge !
« J’arrive toujours pas
à me considérer comme
une créatrice. Ca vient
presque par hasard ou
par miracle »
On revient sur la chanson Salut à
toi. C’était un texte que tu devais
utiliser pour un projet avec
Ramuntcho Matta…
Voilà. Il avait fait un disque dédié
aux nouveaux-nés. Le disque est
sorti mais j’ai refusé que mon titre
soit dessus, parce que je trouvais
que mon titre n’était pas assez bien.
En fait on avait fait un petit
enregistrement chez Ramuntcho
qu’il trouvait super mais que je
n’aimais pas. Après on fait une autre
version chez Louis. J’avais demandé
à Louis de m’aider à le refaire. Mais
ça ne me plaisait toujours pas. Alors
j’avais abandonné l’idée.
Et il est sur ton disque ?
Voilà, encore une autre version qui a
été
retransformée
par
Marc
Berthoumieux, un accordéoniste qui
m’a été présenté par une amie.
Cette chanson a déclenché le fait de
dire « allez, je vais réécrire des
chansons et faire un disque ». Mais
cela a pris des années, des années,
des années, pendant lesquelles je
continuais un peu les écoles de
thérapeutes,
mais
en
étant
convaincue que ce ne serait pas ça.
Je ne savais pas vraiment. Après,
les autres chansons sont venues de
séances où, par exemple, je disais
« mais je ne comprends pas, je
n’arrive pas à créer ; il faut toujours
qu’on me donne quelque chose, et à
ce moment-là, si on me donne
quelque chose, je m’active et je
donne tout ce que j’ai ». Alvaro, qui
est donc ce maître de philosophie,
m’avait dit, comme il a un très bel
accent (Corine roule alors les ‘r’),
« c’est normal Corine, vous êtes une
femme et une femme elle reçoit et
elle conçoit après, mais elle reçoit
d’abord ». J’avais trouvé cela très
beau. Il y a donc une chanson qui dit
« c’est pourquoi je suis femme,
donnez-moi quelque chose que je
ferai pousser, que je ferai germer,
etc. ». C’est une autre chanson qui
est sur l’album. Et puis, petit à petit,
je me suis remise à écrire, comme
ça, au hasard de la vie, des
rencontres, de ce que je voyais, de
ce que je vivais. Il y a une chanson
sur un petit sdf ; c’était un reportage
que j’avais vu à la télé. Une chanson
qui s’appelle P’tit Homme.
Ces chansons étaient ancrées en
toi depuis longtemps ou est-ce
que tu as trouvé…
Non, j’ai trouvé la plupart comme
ça…
Et tu fonctionnes de cette
manière ? D’un seul coup, tu vas
réagir et tu vas partir sur une
idée ?
Oui,
mais
malheureusement
rarement ! Justement cette difficulté
reste : je n’arrive toujours pas à me
considérer comme une créatrice.
Cela vient presque par hasard ou
par miracle. Mais je n’arrive pas à en
faire une discipline. Comme les gens
qui se disent « je suis écrivain : tous
les matins de 9 heures à 11 heures,
je me mets à mon bureau et j’écris ».
Il y a beaucoup de gens qui
fonctionnent comme cela et je crois
que c’est la seule manière de
fonctionner d’ailleurs. Moi je n’y
arrive pas encore.
Tu n’est pas dans ce schéma-là ?
Je suis pas dans ce schéma encore,
à me dire « c’est ça, c’est mon
métier, c’est ma vie ».
Ca arrive dans la douleur ou ça
arrive naturellement ?
Pour l’instant ça reste encore assez
douloureux, quand même.
Mais quand ça arrive, d’office tu
sais le concrétiser ?
La plupart du temps, il faut qu’il y ait
un petit déclenchement objectif,
concret. Parce sinon, cela reste
justement dans des espèces de
palabres philosophiques qui tiennent
plus de l’essai philosophique que de
la chanson. Parce que dans une
chanson, je crois, il faut qu’en
quelques mots tu dises plus que les
quelques mots. Et cela tient plus,
pour moi, du hasard que de la
technique. Je n’ai pas la technique
de l’écriture de chanson. C’est
presque miraculeux pour l’instant
que j’ai réussi à en mettre onze sur
un disque ! Et d’ailleurs, là, je
devrais être en train d’en écrire déjà
d’autres ! Et pour l’instant, niet ! Niet,
niet !
Avec le travail de promo et de
scène, peut-être que là il y aura
une envie…
J’espère !
C’est la scène qui t’a toujours
plus stimulée ?
Oui, c’est vrai. Une fois, il y a trois
quatre ans, j’étais allée sur scène
avec Christine Lidon, qui était la
bassiste-chanteuse des Bandits. Elle
faisait un concert dans un petit
troquet à Bastille, le Café Ailleurs.
Elle m’avait dit « viens, j’aimerais
bien que tu viennes chanter une
chanson avec moi ». J’étais morte
de trouille, mais j’avais répété… et
en fait, je peux le faire, je répète une
heure et c’est bon. Sur scène je
m’étais sentie parfaitement bien. J’ai
fait rire tout le monde. J’avais de
l’humour, j’étais à l’aise, j’étais très
très bien. C’est vrai que quand j’ai
été obligée d’être sur scène en tant
que moi, vraiment, c’est-à-dire pas
planquée dans un groupe, cela s’est
toujours bien passé. Les fois ont été
rares. Ou même avec Louis une fois
à la Mutualité, il m’avait invitée à
chanter Je Suis Venu Te Dire Que
Je M’En Vais. Ca s’était très très
bien passé, et j’avais ressenti une
très belle émotion. Je n’avais eu
aucune difficulté à le faire, mais je
n’arrive pas à me dire que c’est
possible. Il faut que ce soit vraiment
dans l’action, qu’on me pousse,
qu’on me traîne, qu’on me tire, et
une fois que j’y suis, il n’y a jamais
de problème.
C’est le public qui t’apporte ça ?
Sans doute parce qu’en réalité c’est
sûrement ma place. Mais je n’arrive
pas à me le dire, parce que c’est un
truc… Je pense que c’est quelque
chose qui a un rapport avec ce qu’on
appelle la blessure narcissique en
psychologie. C’est « non, je ne suis
qu’une merde », et puis en réalité
non tu n’es pas qu’une merde ! La
preuve, c’est que tu fais bien ce que
tu as à faire et que cela touche les
gens et qu’ils en sont contents. C’est
vrai que je n’ai jamais eu sur scène
« dehors !», « casse-toi !».
Une des émissions que tu as faite
durant ces dernières années c’est
Ca se discute sur le rock…
Ah la vache ! Quelle arnaque !
Vraiment ?
Ah oui, c’était terrible !
L’émission était assez lourde,
mais ce qu’on a pu remarquer,
c’est que les gens t’ont accueillie
d’une façon étonnante. Pas
comme membre de Téléphone,
mais comme toi, simplement toi.
C’est une émotion qui te donne
envie ?
Non, parce qu’il y a un manque de
confiance, et c’est dur à gérer. En
même temps, cela fait sûrement
partie de ce que j’ai à raconter.
Parce que quelqu’un qui est très sûr
de lui, il ne fait pas ce que je fais. Il
n’écrit pas ce que j’écris. Cela fait
partie de ma personnalité, ce
manque de confiance. Mais c’est un
handicap… C’est aussi un moteur,
sûrement, pour raconter ce que j’ai à
raconter, de la manière dont je le
raconte, qui touche en général. C’est
le langage du cœur, un peu. C’est
très dur à gérer, parce qu’avant d’y
aller, je me dis « mais ils n’en ont
rien à foutre, mais qu’est-ce que je
vais aller leur raconter ? ».
Alors Ca se discute, une
arnaque ?
J’avais été contactée par un copain
de copain qui travaillait dans l’équipe
de Delarue, et qui m’avait dit « on
veut faire une émission sur le rock ».
Moi j’étais enfermée chez moi avec
mes histoires de thérapeutes et
vraiment, aller faire une télé…! En
plus Ca se discute ! Ah la la, mais
vous êtes malades ! Mais invitez
donc Johnny Hallyday ou Jean-Louis
Aubert ! Mais moi, franchement,
vous rigolez, vous plaisantez ?
« Non, non, justement c’est vous
qu’on veut parce qu’on a toujours
aimé votre manière de penser, votre
manière de tati tata, c’est vraiment
vous qu’on veut ! ». J’avais dit
d’accord, mais si j’ai carte blanche.
Je leur avais raconté « je me
souviens d’une messe où j’étais
allée à Memphis dans une grande
église baptiste où il y avait 2000
noirs et moi, où j’avais été amenée
par la secrétaire du studio où on
travaillait. J’étais restée de 8 heures
à 11 heures du matin mais ça durait
jusqu’à 7 heures du soir avec un
prêcheur qui était en fait une espèce
de vedette du prêche et qui était à
tomber par terre ! A tomber par terre
de force, de vie, de foi, de justesse,
de point de vue, d’énergie, c’était
extraordinaire et je me disais c’est
ça le rock ! Ca part de ça ». Donc
j’avais filmé, je m’étais faite chier à
aller en montage ; il fallait 2 minutes,
moi j’avais 3 heures de film… à
sélectionner, à traduire parce qu’ils
n’avaient même pas de traducteur !
« Ton émission est
nulle : la bière, le cul,
les bécanes, exactement
tout ce qu’il ne fallait
pas faire ! »
J’avais bossé comme une malade.
Ils étaient super heureux : « c’est
génial, ça va être grand ». Et je
devais être un peu la vedette de
l’émission, avec le film comme base.
En fait, quand l’émission est arrivée,
c’était en direct, ils ont commencé
par un Hell’s Angels qui est arrivé en
moto sur le plateau, après il y avait
Little Bob Story qui pleurait sur son
destin, complètement aigri : « les
français n’ont rien compris »…
Et Minister Amer…
Oui, Minister Amer, le fameux truc,
où ils font un appel au meurtre en
direct à la télé devant des millions de
personnes. Ce charmant Delarue,
décomposé, ne sachant pas quoi
faire, me tend le micro et dit
« qu’est-ce que vous en pensez
Corine ? ». Et c’est moi qui ai géré la
crise, qui ai dit à Minister Amer
« écoutez, tout ce que vous avez dit,
je suis entièrement d’accord, sur
votre vie, sur ce que vous subissez,
etc., mais l’appel au meurtre, je ne
peux pas cautionner. Je cautionne
tout sauf cela. Vous ne pouvez pas
répondre à la bêtise, à la cruauté, à
la violence par la bêtise, la cruauté
et la violence. Ce n’est pas un
chemin… » Et paf ! Ils avaient foutu
la pub, et pendant la pub ils ont viré
Minister Amer du plateau. L’émission
a continué avec Marianne Faithfull
qui est venue faire son numéro de
star, puis un fan d’Elvis Presley qui
avait des réfrigérateurs en forme
d’Elvis Presley, son lit en forme
d’Elvis Presley, et voilà… Et moi,
mon reportage est passé à la fin sur
le générique de fin. Et j’ai eu dix
secondes pour en parler. Donc je
suis allée voir Delarue. Je lui ai dit
« merci, bravo, ton émission est
nulle : la bière, le cul, les bécanes,
exactement tout ce qu’il ne fallait pas
faire ». Je lui ai dit « t’es vraiment un
enfoiré ». Il me dit « mais parce que
je voulais finir en beauté ». J’ai dit
« tu n’as rien fini du tout parce que
tu n’as rien commencé du tout ». Et
je n’en ai plus jamais entendu parler.
Je n’ai pas été payée, je n’ai pas
reçu un bouquet de fleur, je n’ai pas
eu une lettre d’excuses ni de
remerciements, rien. Je me suis dit
« vraiment, plus jamais ! ». J’étais
vraiment furieuse !
« J’ai l’impression de
connaître un Louis que
personne ne connaît.
Musicalement. »
On revient sur l’album. Est-ce
qu’il y a une idée, un concept, estce que les chansons composent
un ensemble ?
Pour moi il n’y en a pas. Mais pour
les gens qui écoutent, apparemment
il y en a un. Peut-être parce que
c’est très personnel. Ce n’est pas
forcément ce que je raconte qui est
personnel mais ma manière de le
raconter… disons que c’est un point
de vue sur la vie qui est très
personnel et très ciblé. Les gens,
apparemment, disent que c’est
vraiment un univers. Alors je ne sais
pas si c’est un concept, mais en tout
cas c’est un univers. Très singulier.
Ils le définissent comment, cet
univers ?
C’est moi, quoi ! Comme… sans
faire de comparaison qualitative, des
gens comme Arno, Manu Chao ou
Barbara… une identité… c’est mon
disque et ça ne peut pas être celui
de quelqu’un d’autre ! Quand tu
écoutes, c’est vraiment mon univers.
Apparemment les textes ne sont
pas tous de toi, il y a un titre fait
par Cyril, le bassiste de Louis ?
Pas les textes, la musique. Tous les
textes sont de moi, sauf une reprise
de Steven Stills.
Les gens n’ont pas d’image
musicale de toi en tête. Dans quel
univers musical on va te placer ?
On va te mettre justement dans
ces artistes indépendants ?
Oui, et beaucoup plus balade que
rock ! C’est de la chanson, vraiment.
Ce n’est pas du rock. Mais, comme
cela a été réalisé en partie par Louis,
évidemment… c’est difficile de lui
demander de le faire et après
d’éviter ce qu’il est. De toute façon,
je suis allée chercher ce qu’il est.
Mais je voulais… J’ai l’impression de
connaître un Louis que personne ne
connaît. Musicalement. Et qui est
beaucoup plus large et plus riche
que ce qu’il montre. C’est cela que je
suis allée chercher avec beaucoup
de difficultés parce qu’il ne voulait
pas…
Le montrer ?
Oui, pour lui, cela le sortait trop de
son cadre habituel. Il ne voulait pas,
et en même temps, comme je savais
qu’il était vraiment capable de le
faire, cela s’est fait quand même.
Sur beaucoup de temps, et avec
beaucoup de difficultés, et avec
beaucoup de réticences. Je suis
arrivée très fragile, aussi bien dans
la voix, techniquement parlant, que
dans l’envie de le faire, c’était « je le
fais, mais je ne veux pas le faire ».
Comme d’habitude. Donc il avait la
trouille ou un refus par rapport à
notre passé, mais il avait du mal à
me pousser. Il voulait m’aider mais il
n’y arrivait pas vraiment. C’est pour
cela qu’on a pris quelqu’un d’autre,
qu’on a pris cet accordéoniste. En
fait, l’histoire, c’est que j’ai demandé
à une copine qui faisait de
l’accordéon et qui travaillait dans
une boutique d’accordéon. Elle m’a
dit « ça y est, je t’ai trouvé
quelqu’un, il est vachement bien, tu
vas voir ». Parce qu’il y avait 2 ou 3
chansons que Louis n’arrivait
absolument pas à faire. En disant
(elle prend une voix grave pour
imiter Louis) « euh, tu ne vas pas me
faire faire du folklore russe, qu’est-ce
que c’est que ça ? Euh, le folklore
français-russe,
c’est
n’importe
quoi ! ». Moi j’étais sûr que ces
chansons-là étaient particulièrement
typiques de moi. Donc j’ai cherché
quelqu’un d’autre. Et quand je suis
arrivée chez Louis en disant « ça y
est, j’ai trouvé un accordéoniste », il
m’a dit « laisse tomber, j’en ai un ! ».
Il me dit « j’ai fait un bœuf chez
Bouchitey hier soir et il y avait un
accordéoniste qui n’avait pas son
accordéon mais il jouait du clavier. Il
ne jouait qu’une seule note, mais
c’était la bonne. Et j’ai discuté avec
lui ; en plus il est un peu ingénieur
du son donc il pourra m’aider pour le
mix. Ce sera super, laisse tomber,
on prend celui-là ». Et c’était le
même !
La qualité est rare ?
Je prends surtout ça comme un
signe du destin ! J’ai effectivement
engagé ce type qui s’appelle Marc
Berthoumieux. Il s’est avéré très
utile. Je crois que sans lui on n’aurait
pas fini le disque ! Louis et moi,
c’était trop critique ! Il m’idéalise
sûrement autant que je l’idéalise et
donc il ne supporte aucune
médiocrité chez moi comme je ne
supporte aucune médiocrité chez lui.
Que ce soit artistiquement ou
humainement. C’est un rapport
ingérable, absolument ingérable,
c’est-à-dire qu’on se fait plus de mal
que de bien parfois, finalement.
Donc heureusement qu’il est arrivé,
le Marc, parce que c’est un
savoyard, vraiment les pieds sur
terre, organisé, vraiment l’opposé de
Louis, l’opposé ! Il ne perd pas de
temps à penser à autre chose que
ce qui est là. Il disait «tu vas aller
chanter tes chansons, puisqu’elles
sont là. Tu veux chanter ou tu ne
veux pas chanter ? » Alors tu
chantes. Parce que Louis n’arrivait
pas à me faire chanter. Impossible.
Je n’ai donc pas chanté chez Louis.
Je ne pouvais pas et lui ne
supportait pas non plus. Il disait :
« je ne travaille pas avec les
débutants ». Des trucs vraiment
blessants qui ne faisaient pas
avancer. Qui étaient justes, mais qui
ne me faisaient pas avancer. Qui, au
contraire, m’enfermaient dans cette
espèce de non-confiance en moi.
Donc j’ai chanté avec Marc
Berthoumieux. Il a donc fait
beaucoup plus que jouer de
l’accordéon sur 3 morceaux, il m’a
faite chanter. C’est surtout lui qui a
fait le mix. Une fois que Louis avait
mis tout son bordel, on ne savait
plus où on en était. Lui, il est arrivé,
il a recadré en disant « la chanson,
c’est ça ! ». Alors il prenait ma voix, il
chopait l’instrument de base qui était
le plus soutenant et intéressant, il le
mettait et puis après il rajoutait. Il
piquait dans le bordel ! Et il a
vraiment fait un travail colossal que
Louis n’aurait jamais fait seul. Une
belle équipe !
Il a retrouvé ce que tu imaginais
des chansons ?
J’imagine rien du tout ! J’ai un grave
problème d’imagination ! Vraiment,
c’est déjà un miracle que cela se
passe, mais de là à imaginer… ! J’ai
beaucoup de mal à me projeter dans
l’avenir ! Beaucoup de mal.
Est-ce que le résultat a été
agréable…
Oui, franchement oui…
Tu t’es surprise toi-même ?
Oui et non parce que je savais que
c’était là quelque part. Je savais ce
qu’il y avait en moi et qui demandait
à sortir. Donc non, ça ne m’a pas
surprise. Mais je suis contente d’y
être arrivée.
De quel instrument tu as joué ?
On sait que tu composes sur…
Oui, je grattouille et je pianotouille.
Tu as joué sur l’album ?
J’ai joué… je crois qu’il y a un
morceau où j’ai fait la guitare,
justement sur le folklore russe.
Parce que c’est un swing qu’il
n’arrivait pas à choper. Donc on a
laissé ma guitare, bien qu’elle soit
avec pas mal de fausses notes, mais
avec l’effet… ça passe. Et ça donne
le swing.
« Je pensais qu’on
retrouverait une
complicité musicale
avec Louis »
Tu n’as pas joué de batterie ?
J’ai joué des percus. J’ai joué de la
basse, un peu. Un peu de guitare et
du piano aussi sur un morceau.
Toujours pour une histoire de swing.
Parce qu’on avait essayé un
pianiste, et ça ne swinguait pas. De
toute façon, les chansons sont très
simples. En revanche, ce qu’a fait
Louis et ce qui a été travaillé par
Marc après, c’est chiadé. Au niveau
des arrangements, c’est vraiment
chiadé ! Mais le tout reste très
simple.
A part Louis et toi, d’autres
personnes sont intervenues ?
Alors il y a Loy qui est venu faire une
basse hajouj, une basse marocaine,
sur un morceau.
Encore une influence ?
Non, c’est curieux. Il faut le savoir.
Le son est intéressant, mais c’est
pas des sons qui disent franchement
que telle chanson est marocaine…
En fait, c’est des balades avec des
univers très simples, très discrets,
des sons assez beaux, je trouve,
mais je ne saurais pas dire le style.
Et là, sur ce morceau, qui s’appelle
Te Dire, c’est une basse hajouj mais
ce n’est pas évident. Cela fait partie
complètement du morceau mais tu
ne te dis pas « Tiens ! Elle a des
influences marocaines ». Pas du
tout… Sinon, il y a Bruno Delport
(ndlr : manager de Louis) qui m’a
beaucoup soutenue. Bien que mes
maquettes étaient assez terrifiantes
au niveau de la qualité, il a tout de
suite senti qu’il y avait un truc. Même
à un moment où je me disais que je
n’y arriverais jamais avec Louis, il a
dit « cela ne fait rien, on va le faire
avec quelqu’un d’autre ». Donc il
était vraiment très présent. Il m’a
aidée à faire une musique et puis je
crois qu’il joue une nappe de clavier
sur un morceau. Mais c’est fait
vraiment à la maison, au fur et à
mesure des événements…
Surtout que l’enregistrement a été
étalé dans les années !
Très étalé, oui ! L’enregistrement a
pris deux ans. Et puis, il y a le
pianiste de Louis, David, qui joue sur
un morceau, mais je n’étais même
pas là ! C’est Louis qui faisait ses
tambouilles tout seul dans son coin.
Comme il fait toujours. Cela m’a
manqué un peu. Je pensais qu’on
retrouverait une complicité musicale
avec Louis et, en fait, on a travaillé
complètement séparément. Moi je lui
apportais des trucs et après il
travaillait tout seul.
Mais parce que tu penses, ou il
pense, que ça n’aurait pas
fonctionné, ensemble ?
On a un problème relationnel, tout
simplement ! Comme j’expliquais, il
attend beaucoup de moi, moi
j’attends beaucoup de lui, et puis je
ne sais pas, il y a cette charge
affective et du passé qui fait barrage.
On a travaillé sur le même projet, et
je crois qu’il en a compris toute
l’intensité, la gravité. Mais même un
jour où on s’est engueulés, je lui ai
dit « laisse tomber parce que si tu le
fais par devoir, ce n’est pas la peine,
on ne fera rien de bien par devoir ».
Et il m’a dit « non, non, je ne fais rien
par devoir ». Je lui ai demandé
« mais alors pourquoi tu le fais ? ». Il
m’a dit « parce que tu dis des choses
que personne ne dit ! ». C’est
vraiment une bonne raison. Cela
prouvait qu’il avait quand même
compris ce qu’il y avait d’important
dans ce disque. J’ai travaillé des
années pour lui. Lui a travaillé pour
moi. Mais on n’a pas retrouvé de
complicité, de duo. Malgré qu’il
chante la reprise avec moi.
Justement, au niveau voix ?
Difficile de sortir la voix ! Difficile !
Tu disais que tu ne pouvais pas
chanter chez Louis. Tu chantais
où et comment ?
J’ai pu chanter… on s’est fait prêter
un studio une semaine, et puis
après, le reste des voix, je les ai
faites dans la cuisine de Marc, enfin
dans sa chambre plus exactement !
Et c’était ardu, parce qu’en fait,
comme ce sont des chansons très
simples qui ne nécessitent pas de
technique vocale, il fallait que la voix
soit simple. Et naturelle. Et c’est ce
qu’il y a de plus dur en fait ! Donc ça
m’a pris beaucoup de travail, de
changement d’attitude. C’est surtout
une attitude à avoir, de dédramatiser,
de déplomber l’histoire.
Chercher à être simple quand on a
soi-même à porter le poids des
années, ça ne doit pas être
évident ?
Non. Il y a un côté chez moi Janis
Joplin, qui a envie de hurler…
« C’est vraiment un
deuil à faire. Se dire
que c’est ter-mi-né ! »
Mais ça ne sort pas sur l’album ?
Cela ne sort pas du tout ! C’est une
voix, tu ne peux pas faire plus
paisible ! Parce qu’il y a une
transformation à faire. Ce cri,
justement, il n’est pas pour moi.
D’abord ce n’est plus l’époque, ni
générale, ni même pour moi, du fait
de ma vie, de mon âge, de mon
évolution. Je ne vais pas arriver et
me mettre à hurler. Il y aurait
quelque chose de pathologique, de
malsain. Mais il y a une
transformation. C’est comme La
Callas qui transformait ses larmes
en voix, en musique. Et c’est ça : il
faut transformer en voix, mais qui
sort du plus profond du cœur, et qui
n’est pas nécessairement un cri.
L’intensité du départ est celle du cri.
Je le dis dans une de mes chansons,
je dis « c’est le poids de mon cri qui
n’est pas sorti ». C’est vraiment ça.
Avec cet album, tu as déjà réussi
à entamer un bon travail sur toi ?
Moi j’ai l’impression d’être au tout
départ, mais je pense que quand on
écoute
l’album,
on
se
dit
« waouuuh ! Putain, elle en dit des
trucs ! » Enfin les gens sont vraiment
très touchés. Donc je pense qu’il y a
une partie du travail qui est faite.
Mais je ne l’ai pas encore assimilée,
je ne l’ai pas encore intégrée.
Tu as fonctionné comme Louis
pour ton album : tu as réalisé
avant et tu as pris des contacts
avec les maisons de disques
après. C’était d’abord un travail
pour toi ?
Oui, pour moi, mais il faut aussi que
je gagne ma vie ! Franchement, c’est
tout simple ! J’ai cherché un autre
métier, j’ai fait cette tentative d’être
comédienne et rien ne marchait… et
il y a un moment, quand ça ne
marche pas, on se dit « j’ai dû me
tromper. Si je ne m’étais pas
trompée, ça marcherait ! Il y aurait
des ouvertures ». Quand tout est
fermé, on se dit « je me suis
trompée de chemin ! ». Ca a été, au
départ, une nécessité. Je dois faire
quelque chose pour gagner ma vie…
je vais faire ça ! Puisqu’il n’y a que
cela qui vient pour l’instant et que de
toute façon c’est aussi une nécessité
émotionnelle.
Sans rentrer dans les détails, le
reste de Téléphone t’assure le
minimum ?
Oui, le minimum.
Ca doit être difficile de dépendre
encore de Téléphone ?
Complètement. C’est vraiment un
deuil à faire. Se dire que c’est ter-miné ! Je dois créer ma vie, y compris
au niveau financier, et produire moimême, seule, ce qui va me nourrir.
« C’est un disque de
femme, qui touchera les
femmes. Et quelques
mecs s’ils veulent bien
écouter ! »
Aujourd’hui tu as donc trouvé une
maison de disques ?
Oui, Atmosphériques.
C’est signé ?
Oui !
Avec les maisons de disques, ça a
souvent été tendu. Avec les
Visiteurs…
C’était compliqué parce qu’ils
avaient Aubert aussi chez Virgin. Ils
géraient mal la séparation… je
raconte toujours la même histoire :
pour moi Téléphone, c’était un
univers avec la terre, l’eau, le feu,
l’air. Ils soufflaient sur le feu (ndlr :
Jean-Louis) tant qu’ils pouvaient et
puis l’eau, ils la laissaient couler…
Atmosphériques peut t’apporter
une réponse, à toi…
Ils sont en tous les cas extrêmement
fans de l’album. C’est pour ça qu’ils
ont signé ! Ils ont signé l’album, ils
n’ont pas signé Corine. Entre nous,
je ne sais pas s’il faut le répéter, le
patron d’Atmosphériques a pleuré
quand il a écouté l’album. Je lui ai dit
« si je fais pleurer les hommes, c’est
bon, on peut y aller ». Ce sont des
gens très sensibles, très loin des
grosses maisons de disques, dans
l’esprit, et très attachés à chaque
artiste qu’ils produisent.
Donc une bonne maison de
disques…
Vraiment, c’est des gens, à chaque
fois que j’y vais, c’est des amours, et
ils sont à mon écoute. Ils
comprennent, ils ont envie de
m’aider, ils sont très fiers…
Plus un esprit familial que grosse
usine ?
Complètement familial ! C’est eux
qui ont sorti Louise Attaque. Contre
toute attente, personne ne voulait. Ils
ont sorti le dernier Louis Chédid
aussi. Et Wallen.
Donc des artistes à univers…
Oui, ils ne signent que ça. Que des
univers !
D’un point de vue matériel,
l’album est fini ?
Oui. C’est le bordel pour récupérer
les bandes, enfin les disques durs,
chez Louis. Pour qu’il transfère sur
bandes, qu’il fasse des playbacks. Il
reste pas mal de boulot, mais ils
nous les bandes… et ils vont faire
leur boulot.
11 titres. Ils ont prévu une
promo ?
Oui, malheureusement… !!!
Cela ne correspond pas à l’image
qu’on peut se faire de l’album !
Mais on n’a pas le choix ! On en a
parlé la dernière fois quand j’y suis
allée. Si tu ne passes pas en radio,
tu ne vends pas de disques, c’est
tout ! Ils cherchent simplement à
cibler la promo, pour ne pas
dépenser d’argent inutilement. Par
exemple, je trouve que la pub de
Louis Chédid a été bien faite. Je ne
sais pas si on fera un peu dans le
même sens… on va taper sûrement
dans les univers féminins, pour
commencer, parce que c’est un
disque de femme, qui touchera les
femmes. Et quelques mecs s’ils
veulent bien écouter ! Quelques
mecs sensibles…
« Je ne renie rien, parce
que dans Téléphone j’ai
défendu une œuvre »
C’est déjà un objet, cet album ?
Tu imagines une pochette ?
Non, je n’arrive pas à me projeter.
Rien que l’idée d’aller faire des
photos, ça me terrorise !
Les autres vont t’aider à avoir une
image ?
Oui, oui.
Tu suis ce qu’on te dit dans ta
famille ou tes amis ?
Oui, je vais écouter les gens que
j’aime.
Plus que ce que tu ressens ?
Ce n’est pas ce que je ressens. Je
trouve cela très difficile d’avoir une
image de soi. C’est un problème
pour moi. Surtout quand on la
cherche. Donc je vais être obligée
de me fier à des avis de gens qui me
veulent du bien ! Oui, il y en a,
quand même ! Dont les gens de la
maison de disques, Bruno…
Bruno est donc ton manager…
Oui, il est mon manager. Il est
complètement associé à ce disque
et il est dans le contrat.
Tu as déjà mis un cadre, des
limites à ta promo ?
C’est sûr que je ne vais pas faire des
émissions de grosses variétés
ringardes. Je ne pourrais pas, je ne
serais pas à ma place, je me
sentirais mal. Je vais faire plutôt des
émissions où on peut parler, un peu.
Et puis beaucoup de presse écrite,
c’est plus intéressant.
Depuis ton départ de la scène,
dans les médias, on t’a souvent
faite parler des femmes dans le
rock, Corine dans Téléphone, la
femme dans Téléphone… c’est
quelque chose que tu voulais ?
Non, on m’orientait là-dessus.
« Oui, par fidélité, il
y a des gens qui vont
suivre »
Et si on te donnait un micro libre,
on a l’impression que tu parlerais
plus des autres que de toi…
Oui, c’est mon histoire dans
Téléphone ! C’était les autres, et pas
moi. Mais je ne renie rien, parce que
dans Téléphone j’ai défendu une
œuvre. Qui était plus importante que
les individualités. C’est l’œuvre qui
m’a motivée. Parce que j’aimais bien
les paroles, j’aimais ce que l’on
véhiculait, j’aimais ce qu’on racontait,
j’aimais l’effet qu’on produisait sur les
gens. Et j’aimais le retour qu’on en
avait. C’était une œuvre qui
correspondait à ma jeunesse, à une
époque, et que je continue. C’est la
même chose que je fais maintenant.
Par exemple la chanson qui
s’appelle P’tit Homme sur le petit
sdf, je raconte la même chose
qu’Argent Trop Cher. Sauf que
maintenant c’est une femme de
bientôt 50 ans qui parle. J’ai
l’impression de continuer exactement
la même chose. Sauf que dans
Téléphone j’étais au service de
l’œuvre d’un groupe. Mon individualité
n’avait aucune importance. Maintenant,
j’ai tellement pris l’habitude de cela, le
fait d’avoir tout d’un coup à me poser
en tant qu’individu qui défend un
discours, une parole, me crée des
difficultés. Il faudrait que j’aie ce
recul, cette distance. Dire « moi je
raconte cela parce que je pense qu’il
faut le raconter, et que cela va dans
un certain sens, de parole du cœur
dans une société qui est difficile ».
A propos de Téléphone, tu vas
être confrontée aux différents
publics de Téléphone. Tu es
inquiète, ou tu ne cherches pas à
cibler…
Non, je ne cherche pas à cibler.
Encore une fois, c’est le boulot de la
maison de disques. Qui va être
touché en premier, qu’est-ce qui va
faire le bouche-à-oreille ?
On imagine mal une rupture
complète avec le public de
Téléphone… Par fidélité…
Oui, par fidélité, il y a des gens qui
vont suivre.
A propos de public, la tournée…
Alors je ne vais pas beaucoup tourner,
parce que cela ne correspond pas à
l’univers, ni à l’envie, ni à mes
possibilités familiales. Mais il faudra
que j’aille sur scène parce que ça fait
aussi partie du jeu. Et c’est
indispensable aussi pour moi… me
reconstituer en tant qu’artiste. Alors ce
sera probablement plutôt vers févriermars, une fois que l’album sera
installé (ndlr : au moment de
l’interview, l’album devait sortir en
octobre 2001).
Comment tu vois ça ? Ca ne va
pas être facile de se mettre en
avant ?
Non, cela va être très dur ! J’ai
commencé à rencontrer quelques
musiciens.
Pour
l’instant
j’ai
rencontré une fille violoniste que je
trouve superbe et qui est tout à fait
ce que je recherche. Il faut que j’en
rencontre d’autres, là. C’est le boulot
que j’ai à faire…
Au hasard des rencontres ?
Il faut que je fasse un casting,
carrément !
Tu as envie d’avoir un groupe
formé pour la promo ?
Je ne sais pas encore, ça. Ce serait
bien que j’aie déjà mes musiciens
pour la promo, c’est sûr. Ce serait
bien.
Pas de tournée mais…
Non, il n’y aura pas de tournée, mais
il y aura peut-être 10 concerts, un à
Lille, un à Marseille… Ca ne sera
pas la grosse tournée. Ca nécessite
un minimum d’intimité quand même.
C’est pas du gros show !
Tu parlais de violon. Dans tes
influences, tu citais les Chieftains.
Tu essayes de retrouver des
ambiances comme ça ?
Moi, j’adore. J’ai commencé, avant
de faire du rock, à faire du folk.
J’adore toutes les mélodies simples.
Les mélodies qui te rentrent tout de
suite dans l’oreille, plutôt apaisantes
et simples. Le Blues aussi…
Tu vas être une Joan Baez à la
française ?
J’aimerais bien ! Je ne sais pas si
j’en ai le talent ! Oui, c’est ça, des
femmes qui ont une musicalité en
elles et qui en profitent pour dire des
choses… c’est vraiment bien !
C’est ton premier album, mais pas
100% solo. Tu aurais envie de
faire un album 100% solo ?
Je ne sais pas pour l’instant ; ce
n’est pas d’actualité. Enfin ça devrait
l’être parce que j’ai signé pour 2
albums, mais pas maintenant. Il va
falloir qu’il se déclenche autre
chose !
Est-ce que tu te vois avancer dans
la vie et aboutir à un état
satisfaisant pour toi ?
Non justement ! De moins en moins.
Plus ça va, moins je sais.
Cela vient avec une certaine
sagesse ; c’est normal qu’on
doute ! Mais tu te sens plus à
l’aise, progressivement ?
Non, pas franchement ! C’est
difficile. Je trouve que la vie sur terre
est difficile, franchement. Mais ce
que je cherche à acquérir, c’est les
petites joies simples, c’est de
pouvoir y goûter simplement. Goûter
simplement la vie. Parce qu’elle est
belle, qu’elle est gratuite. Il n’y a pas
beaucoup de choses gratuites dans
la vie, mais la vie est gratuite ! Donc
c’est pouvoir dire merci pour cela.
S’il y avait un but, voilà, ce serait ça,
ce serait de dire merci à la vie.
Le maître mot des premières
années de ta vie, on a l’impression
que c’est le mouvement. Est-ce que
maintenant c’est la simplicité ou
est-ce que tu as encore cette notion
de mouvement ?
Non, j’ai encore cette notion de
mouvement. Qu’il faut que je
retrouve ! Que j’ai perdue. Et une
immobilité qu’il faut que je quitte.
Non, le mouvement, c’est la vie.