Strategie-N45VESTIAIRES

Transcription

Strategie-N45VESTIAIRES
STRATÉGIE
Coup-franc : jouez
■
Par Eric CARRIERE,
Ancien international, aujourd'hui
consultant sur Canal+.
Arme offensive. "Jouer vite après une faute, je l’ai souvent fait dans
ma carrière. Ces quelques secondes où tout le monde s’endort, il faut
savoir en profiter…". Des mots pleins de bons sens extraits de
l'interview de l'ancien international dans VESTIAIRES (cf. n°43), qui nous
amènent ce mois-ci à lui redonner la parole, histoire de pousser un peu
plus loin la réflexion.
Un droit légitime pour l'équipe
"pénalisée" par la faute
Pour commencer, rappelons qu'un coup-franc
peut être joué rapidement, mais que l’arbitre
a toujours la main : il peut intervenir explicitement et demander au tireur d’attendre son
signal. À défaut, rien n'empêche le joueur de
jouer vite. D’où ces buts inscrits lorsque la
défense n’est pas replacée ou est en train de
faire son mur. Des buts tout à fait valables ! Je
ne suis pas d'accord avec ceux qui disent que
ce n'est pas fair-play. C'est d'abord l'équipe
victime de la faute qui est pénalisée ! Je m'explique : siffler un coup-franc revient à sanctionner une équipe dont un des joueurs n'a
pas respecté les règles, parfois délibérément.
Et pour cause, commettre une faute est aussi
un moyen de bloquer l’équipe qui a fait la
différence ou est susceptible de la faire : le
coup-franc arrête le jeu et, bien que la "victime" récupère le ballon, son action s’en
trouve ralentit… Aussi, je considère que
l’équipe dont le déroulement du jeu a été
entravée a le droit "légitimement" de jouer
vite. Du moins peut-elle en saisir l’opportunité
si elle le désire.
Profiter du temps de déséquilibre
Une fois la faute sifflée, l’équipe sanctionnée fait souvent preuve pendant quelques
secondes de déconcentration. C’est le
fameux "temps de latence" durant lequel
les joueurs incriminés analysent la faute ou
encore râlent après l’arbitre. Ce laps de temps
est toujours un moment de déséquilibre
potentiel, aussi court soit-il, permettant de
progresser rapidement vers le but. Mais
encore faut-il qu'un minimum de deux
joueurs de l'équipe bénéficiaire du coupfranc soit, eux, concentrés ! Car on ne peut
pas jouer vite tout seul... Lorsque le jeu s’arrête, il faut continuer à prendre de nombreuses informations afin de trouver des solutions. Je me souviens que Marcelo Gallardo et
Marco Simone le faisaient beaucoup à
Monaco. Ils affichaient une concentration et
une perception au-dessus de la moyenne.
Des qualités souvent développées par des
SE METTRE DEVANT LE BALLON ? OUI, MAIS…
La seule possibilité pour ne pas donner la possibilité de jouer un coup-franc rapidement est de mettre un joueur devant le ballon… mais avec le risque d’être averti car le
règlement le stipule clairement : "si un joueur décide de jouer un coup franc rapidement et si un adversaire se trouvant à proximité du ballon l’empêche délibérément
de l’exécuter, l’arbitre devra avertir le joueur pour avoir retardé la reprise du jeu".
A bon entendeur..
42
joueurs qui, comme eux, ne sont pas des
monstres athlétiques. Pour compenser, ils
ont mené avec le temps, parfois inconsciemment, une plus grande réflexion sur le jeu.
Xavi, Iniesta et Messi sont dans ce profil…
jouent beaucoup de coups-francs rapidement.
Donner du temps à un partenaire
et... surprendre l'adversaire
Le problème que j'ai souvent rencontré
durant ma carrière, c'est que certains de mes
coéquipiers ne voyaient pas l’intérêt de jouer
vite sur coup-franc. En match, je devais donc
les inciter à le faire. Or, dans ce cas de figure,
ce n’est plus l’appel qui déclenche la passe
mais l'inverse. Résultat : on perd du temps
et donc tout l’intérêt de jouer rapidement.
Autre problème rencontré : les tireurs de
coup-francs qui n’apprécient guère de ne pas
tous les tirer... À mon avis, ils se trompent
d’objectif, lequel doit rester le même : déstabiliser l’équipe adverse, la déséquilibrer, afin
rapidement !
de trouver l’ouverture. Un objectif qui
devient impossible dès lors que tout le
monde est statique et que les défenseurs
sont au marquage. Il n'y aura pas d'effet de
surprise, tout se jouera sur le duel. Enfin,
d’autres joueurs ont une mauvaise perception de ce type de situation. Ils estiment que
le temps qu’ils vont mettre à tirer un coupfranc est du temps de jeu "gagné". Mais
tout dépend de ce que l’on appelle "gagner
du temps" : s’il s’agit de laisser s’écouler
20 secondes, alors oui, ils auront gagné 20
secondes … mais perdu du temps pour surprendre le camp d'en face. Jouer vite pour
donner du temps à un partenaire provoque
un effet de surprise chez l’adversaire. On
gagne du temps en jouant vite !
Se mettre en adéquation avec son
coéquipier, par le regard...
À l’entraînement, cette arme offensive peut
se travailler. Tout est une question de
concentration, mais aussi de coordination.
Il suffit de dire que lorsqu'une faute est sifflée, le joueur le plus proche du ballon (ou le
plus prompt à jouer rapidement) doit se mettre en adéquation avec un coéquipier, par
le regard, pour jouer vite. À condition que
le partenaire le regarde… Raynald Denoueix
nous demandait d’être attentif à ces coups
FRANCE-BOSNIE
ELIMINATOIRES DE L’EURO 2012
(11 OCTOBRE 2011 AU STADE DE FRANCE)
On joue la 40ème minute,
faute de main de Yann M’Vila
à 35 mètres de son but, côté
droit. Le milieu de terrain
français oublie de se placer
devant le ballon. Ce court
temps d’inattention va être
fatal... Papac joue rapidement sur Dzeko (1). Adil
Rami, au marquage sur l’attaquant bosniaque, est surpris. Dzeko effectue un
contrôle orienté (2), se
retourne et enroule sa
frappe ( 3 ) dans le petit filet
opposé : but !
francs joués rapidement, comme si ça
jouait ! Hélas, certains entraîneurs attirent
l’attention de leurs joueurs sur le fait que
l’équipe adverse peut jouer vite. Ils admettent par conséquent que jouer rapidement
peut s'avérer dangereux pour l'équipe qui
défend et donc efficace pour l'équipe qui
attaque… Pour autant, je ne prétends pas
qu'il faille jouer tous les coups-francs rapide-
ment ! Il faut s'adapter à la situation, au
rapport de force, au score… Pourquoi jouer
vite alors qu’il reste 5 minutes au tableau
d'affichage et que le score est de 2 à 0 en
notre faveur ? De même, si on a la chance
de compter sur un "Juninho" dans son
équipe, comme ce fut le cas pour moi à Lyon,
il serait dommage de ne pas lui laisser
quelques coups-francs…■
SCENARIO 1
SCENARIO 2
Le tireur prend le temps de poser son ballon. Il n'a pas
su profiter du temps de latence durant lequel les joueurs
adverses ont contesté auprès de l'arbitre et ne se sont
pas replacés. Résultat : au moment où le tireur s'apprête
à jouer le coup franc, les solutions sont limitées. Le bloc
adverse est repositionné, les défenseurs sont au marquage, et le
numéro 6
s'est placé
devant le
ballon.
La faute vient d'être sifflée, l'arbitre est encore situé près du ballon.
L'équipe qui défend est statique tandis que les numéros 6 et 10
contestent. Ce dernier ne voit pas le joueur bleu effectuer un appel
dans son dos pour recevoir le ballon du tireur qui joue vite. Puis la
balle est transmise dans l'intervalle entre le 5 et le 2. Le bleu pénètre
dans la surface. Le bloc adverse est déséquilibré (les joueurs courent vers leur but). Le
5 revient à toute
vitesse pour empêcher
la frappe, le 4 est surpris et pris de vitesse
par l'attaquant axial
qui se présente au
point de penalty à la
réception du centre en
retrait de son partenaire excentré. But !
43

Documents pareils