catalogue de l`exposition ( - 2 433ko)

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Pigment
Un pigment est une substance colorante insoluble dans
le milieu qu’elle colore. Utilisés en art et dans l’industrie,
les pigments se présentent sous la forme de poudres. Ils sont généralement
mis en suspension dans un liant liquide afin d’obtenir une peinture ou une
encre. Les pigments étant insolubles, ils se fixent à la surface du support
sur lequel on applique le mélange, contrairement aux teintures qui sont
absorbées par le support. Les pigments d’origine naturelle/Minéraux ce
sont les terres, ocres, lapis-lazuli, cinabre, oxydes de fer naturels, connus
pour certains depuis la Préhistoire. Les pigments biologiques extraits
de plantes tinctoriales sont des composés organiques. Le pigment est
extrait de diverses parties constitutives de la plante les feuilles (guède,
chlorophylle (E140), anthocyanes (E163)), les racines (garance) ou le
tronc. Les pigments d’origine animale ce sont la cochenille Kermes vermilio
pour des rouges carmins, écarlates ou cramoisis. Le murex pour la pourpre
colore depuis l’Antiquité la robe des sénateurs ou des cardinaux à Rome ou
encore le sépia ou encre de seiche. À partir du XIXe siècle, beaucoup de ces
pigments naturels ont été reproduits par synthèse chimique (l’alizarine remplace
la garance, la mauvéine, aniline, fuchsine). Les pigments synthétiques sont
issus de la chimie minérale et de la chimie organique pérylènes, quinacridones,
phtalocyanines, azoïques. Leur découverte date du XIXe siècle et constamment
améliorés, ils sont les plus utilisés aujourd’hui. Les pigments biologiques les plus
connus sont les mélanines, substances produites par les mélanocytes. On en
connaît deux types la mélanine-base ou eumélanine est un polymère brun-noir
et la phéomélanine de couleur jaune-rouge (c’est un monomère). L’absence
congénitale de mélanine produit l’albinisme. La mélanine est présente dans les
yeux et les phanères, peaux, ongles et cheveux. Dans les yeux, les pigments,
mélanines et lipofuscine (yeux
verts) colorent l’iris en vert, gris,
noir, noisette… Des pigments en
très faible quantité donneront les yeux bleus. Cet iris peut parfois être
rouge en l’absence totale de pigment (ex. en cas d’albinisme). Dans les
vaisseaux des mammifères, l’hémoglobine donne un rouge rutilant.
Fondation Clément
Guyanes > Pigments1
Exposition collective
Colette Foissey, commissaire
David Redon, commissaire-adjoint
L’exposition Guyanes > Pigments dont le titre, nom
propre, est une référence directe à la poésie de LéonGontran Damas et qui, nom commun, nom polysémique,
rend hommage au sol, à la terre latéritique rouge qui
couvre le Plateau des Guyanes, faisant des trois pays
présentés à l’exposition, des partenaires d’un même
socle géologique. Pigments c’est encore le colorant
de la peinture, base des arts visuels, des encres de
tatouages, des décors de céramiques, de ciels de
case et des tembé. Pigments c’est enfin la mélanine
qui donne leurs couleurs à tous les hommes. Nous
voudrions que cette exposition soit éloge de toutes les
pigmentations.
Guyanes >
Liste des artistes, associations et galeries :
Pigment, nom masculin. Un pigment est une substance colorante
insoluble dans le milieu qu’elle colore. Utilisés en art et dans l’industrie,
les pigments se présentent sous la forme de poudres. Ils sont
généralement mis en suspension dans un liant liquide afin d’obtenir une
peinture ou une encre. Les pigments étant insolubles, ils se fixent à la
surface du support sur lequel on applique le mélange, contrairement
aux teintures qui sont absorbées par le support. Les pigments d’origine
naturelle Minéraux : ce sont les terres, ocres, lapis-lazuli, cinabre,
oxydes de fer naturels, connus pour certains depuis la Préhistoire.
Les pigments biologiques extraits de plantes tinctoriales sont des
composés organiques. Le pigment est extrait de diverses parties
constitutives de la plante : les feuilles (guède, chlorophylle (E140),
anthocyanes (E163)), les racines (garance) ou le tronc. Les pigments
d’origine animale : ce sont la cochenille Kermes vermilio pour des
rouges carmin, écarlates ou cramoisis. Le murex pour la pourpre colore
depuis l’Antiquité la robe des sénateurs ou des cardinaux à Rome ou
encore le sépia ou encre de seiche. À partir du XIXe siècle, beaucoup
de ces pigments naturels ont été reproduits par synthèse chimique
Pigments
Guyane
Philippe Cerdan (Hydréco), Katia Clamaran, David Damoison,
Tanguy Deville, Claude Favier (Galerie L’Encadrier),
Pierre-Olivier Jay (Une saison en Guyane), Karl Joseph,
John Lie A Fo, Mary Fleury (Gadépam), Xavier Fricaudet,
Patrick Lacaisse (Chercheurs d’Art), Patrick Lafrontière,
Jean-Luc de Laguarigue, Fabrice Loval, Thierry Montford,
Marc Perroud (Mama Bobi), Gwenael Quenette, David Redon
(Fondation Pierre Verger3), Philippe Roger, Jean-Pierre
Triveillot.
Suriname
Sri Irodikromo, Kurt Nahar, Marcel Pinas, Dhiradj Ramsamoendj,
Monique Nouh Chaia (Readytex Art Galery), George
Struikelblock.
Brésil
Roberta Carvalho, Orlando Maneschy, Luciana Magno, Patrick
Pardini, Armando Queiroz.
(l’alizarine remplace la garance, la mauvéine, aniline, fuchsine). Les
pigments synthétiques sont issus de la chimie minérale et de la chimie
organique : pérylènes, quinacridones, phtalocyanines, azoïques. Leur
découverte date du XIXe siècle et, constamment améliorés, ils sont les
plus utilisés aujourd’hui. Les pigments biologiques : les plus connus sont
les mélanines, substances produites par les mélanocytes. On en connaît
deux types : la mélanine-base ou eumélanine est un polymère brunnoir et la phéomélanine de couleur jaune-rouge (c’est un monomère).
L’absence congénitale de mélanine produit l’albinisme. La mélanine est
présente dans les yeux et les phanères, peaux, ongles et cheveux. Dans
les yeux, les pigments, mélanines et lipofuscine (yeux verts) colorent
l’iris en vert, gris, noir, noisette… Des pigments en très faible quantité
donneront les yeux bleus. Cet iris peut parfois être rouge en l’absence
totale de pigment (ex. en cas d’albinisme). Dans les vaisseaux des
mammifères, l’hémoglobine donne un rouge rutilant2
Remerciements
Merci à la Fondation Clément et à son président et fondateur, Bernard
Hayot, qui a lancé et permis cette aventure contemporaine sur le
Plateau des Guyanes, à Colette Sorel et Florent Plasse, à toutes les
équipes qui œuvrent sur le site pour la promotion du patrimoine, à la
DAC Guyane et à son directeur Michel Colardelle, à tous les artistes,
galeristes, membres engagés dans les associations culturelles et
éducationnelles de ces territoires. Un merci tout particulier à Pierre et
Françoise Grenand pour leur générosité. Sans toutes ces énergies et
tous ces talents rien n’aurait été possible. Rien ne sera possible.
Une exposition regroupant quelques-uns des courants artistiques actuels de Guyane ne pouvait qu’être révélatrice, s’il
en était besoin, du foisonnement des talents qui irriguent ce
pays malgré son enclavement, l’absence de véritable école
d’art4, la faiblesse du marché – une seule galerie privée5-,
enfin l’absence jusqu’à présent de Fonds régional d’art
contemporain (FRAC) et de véritable salle équipée aux normes d’exposition internationales. Jeunesse de la population,
croissance démographique extrêmement rapide, existence
d’associations pionnières, en particulier tournées vers la défense des arts d’inspiration « raditionnelle »6, diversité de
ses sources dans un contexte multiculturel original et particulièrement varié, poids de mémoires trop longtemps déniées qui met en tension les rapports sociaux en libérant des
énergies vives : les conditions d’une émergence artistique
féconde sont réunies. La créolité, phénomène artistique et
culturel « total » autant que linguistique, n’est pas réservée
au monde dit « créole », c’est une modalité principielle de
la chimie sociale, qui fonde sur la connaissance et l’épreuve
de la valeur des « racines multiples » de chacun l’invention,
avec toute l’audace nécessaire, de la modernité et de la
créativité. En ce sens, « Pigments » n’est qu’un essai, un
commencement, puisque tous les artistes guyanais n’y sont
pas, et non des moindres7.
Cet essai devait également, quasi fatalement, conduire à
l’élargissement de son propos, tant les voisins brésilien et
surinamais, abreuvés aux mêmes sources autochtones mais
ouverts, du fait de leur contexte politique et de leur histoire, à d’autres enseignements, sont présents en Guyane
par des artistes qui s’y sont établis, tel John Lie A Fo, et
les influences qu’ils exercent, comme Marcel Pinas. Elargissement qui conduit, analysant les œuvres et écoutant les
propos tenus par les artistes eux-mêmes, à éprouver les
parentés profondes qui les unissent, volonté de vivifier les
cultures des origines sans folklorisation, souci de l’environnement en danger considéré comme matriciel, revendication
politique et sociale, différente en chaque lieu de manière
circonstancielle mais homogène dans ses fondements. Là
réside certainement l’essentiel des spécificités artistiques
des Guyanes, dans cet écartèlement apparent entre tradition
et modernité, entre nature et culture dont apparaît de plus
en plus le caractère européo-centré. La pratique artistique,
ici comme ailleurs et peut-être plus encore, est résistance
et, davantage qu’agression, combat.
Pour revenir à la Guyane, la place des arts plastiques y
change, sous l’impulsion des grandes Collectivités auxquelles s’associe le ministère de la Culture et de la Communi-
cation : engagement d’une collection d’art contemporain,
prémisse du futur FRAC, avec la Région Guyane et le musée
des Cultures Guyanaises8, dans la perspective de la mise
en œuvre de la Maison des Cultures et des Mémoires de
la Guyane dans l’ancien Hôpital Jean-Martial, au cœur de
Cayenne, projetée en partenariat à trois, Conseil régional,
Conseil général9 et Etat ; résidences d’artistes, qu’il faudrait
développer dans le cadre de la nouvelle priorité gouvernementale, éducation artistique et culturelle en temps scolaire
et hors temps scolaire ; affectation de salles, dans des monuments historiques restaurés, aux initiatives des artistes
de plus en plus présents, jeunes plasticiens, photographes
notamment, les engageant vers la professionnalisation10 (La
Poudrière et le Fort Diamant par le Conseil général, le Camp
de la Transportation par la Ville de Saint-Laurent du Maroni
dans le cadre de la Ville d’Art et d’Histoire) ; encouragement
à des événements d’ampleur nationale voire internationale,
telles les Rencontres de la Photographie initiées par Karl
Joseph, ouverture, avec des crédits notamment européens11,
d’un Centre d’art à Mana avec l’association Chercheurs d’art.
Le FRAC en particulier, institution de monstration d’œuvres
de niveau international, lieu de confrontation des artistes
guyanais avec ceux de l’arc caraïbe et de l’Amérique, sera
certainement essentiel dans un pays aussi enclavé que la
Guyane.
Il reste à espérer une école d’art qu’il faudra bien finir par
créer, à l’image du Conservatoire de musique et de danse
qui vient d’être labellisé, non pour canaliser la créativité de la
jeunesse guyanaise et la fondre dans la banalité de la culture
mondialisée mais, en lui donnant les outils techniques les plus
perfectionnés, libérer tous ses possibles, immense gisement
d’énergie et de talent.
Je souhaite exprimer ma reconnaissance à la Fondation
Clément d’avoir permis la mise en œuvre en Martinique de
« Pigments », première exposition à tenter une synthèse des
forces créatrices à l’œuvre sur le plateau des Guyanes. Les
apparentements sont forts entre les Antilles et la Guyane,
dans le domaine artistique comme dans les autres, même si
les échelles sont différentes et le développement, inégal. A
quand, lorsqu’une salle le permettra, une édition en Guyane
même ?
Michel Colardelle, Directeur des Affaires culturelles de Guyane
1
Guyane, Guyanes
Ultra périphérique, entre fleuves, rapides et sauts, entre
Atlantique et Monts Tumuc Humac, la Guyane est loin d’être
une île. Elle est terre de passages, d’errances et de migrations, lieu traversé par les hommes, les idées, les œuvres, les biens et les matériaux. Les relations avec les pays
voisins passent par tous les interstices, les layons dans la
forêt, immense et singulier espace de circulation ; les fleuves
Maroni à l’ouest et Oyapock à l’est, cours d’eau qui ont
toujours été voies de passages davantage que frontières.
Espace de transactions millénaires des femmes, de regroupements familiaux mais aussi de résistances et d’exactions
guerrières, le territoire, espace géologique cohérent – le
« bouclier guyanais » des géologues - [1], se manifeste
aujourd’hui comme une résultante vivace de cette géographie commune. Il affirme, en tous lieux, un engagement
pour la reconnaissance des origines. La mémoire des racines
partagées sur un même sol est une forme majeure de la
construction de l’art. Ce dénominateur commun aux différentes communautés du Plateau des Guyanes a modifié le
propos de l’exposition consacré initialement à la Guyane. Il
a semblé nécessaire d’élargir le propos afin de mettre en
lumière ce point focal. L’exposition est ainsi devenue « les
Guyanes » à travers une sélection de 32 artistes dont les
créations plastiques témoignent à la fois de l’emprise, de
l’empreinte et de l’emprunt de cette vaste zone. Une marque
indélébile, un style, une marque originelle. L’espace est prégnant. La forêt représente 90% de la surface du territoire.
Petite par les chiffres de sa population, la Guyane est, on le
sait peu, de loin la plus grande région de France (1/6ème de
la superficie de l’hexagone). Ses habitants sont en majorité
des jeunes : 50% ont moins de 25 ans. L’immensité des aires
protégées a fait de ces pays des espaces qui hésitent, dans
un double désir, entre maintien des traditions (demande, en
Guyane, d’inscription du maraké sur la liste de sauvegarde
du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO) et « modernité ». Ces facteurs « objectifs » dessinent les contours
et définissent l’espace possible pour la création. Le temps
est prégnant tout autant. En Guyane, l’histoire a apporté
une suite, sans solution de continuité, d’amertumes et de
souffrances dans la chair et dans les âmes, atteignant à la
fois la dignité et l’intégrité physique jusqu’à l’extermination ;
colonisation, traite et esclavage à quoi succèdent orpaillage
et colonie pénitentiaire. La départementalisation, fondée
2
sur le principe de l’assimilation, a coupé bien des racines
natives et originelles. Plus largement, sur le plateau des
Guyanes, s’est développée une forme d’art qui s’écrit et se
crie parfois « révolte », « résistance ». Ces œuvres militantes
nous parlent sans déclamation. Elles ne se situent pas dans
la violence démonstrative. Ni négatives ni réactives. Elles
sont énoncé clair et limpide, bien au-delà des fragmentations
culturelles de l’Occident en races et histoires. Elles sont
dénonciation à caractère universel et manifestent une juste
revendication de respect des droits de l’Homme. Efficientes
et jamais gratuites, elles imposent les nécessaires prises
en compte par la conscience collective et individuelle d’un
dépassement de l’ethnocentrisme. Les critères de la culture
« savante » des modèles élitaires, normes et hors normes
actuelles des capitales culturelles occidentales, sont mis à
mal ; la création aux prises avec des référents ancrés dans
le temps long et un espace relativement « vide », une histoire à digérer, est ici restée sciemment à l’écart des grands
courants artistiques actuels. Elle poursuit d’autres enjeux en
assumant l’héritage. Les traces d’un passé ancien ou très
récent, inscrites dans les œuvres, entremêlent en nos lieux
les particularismes locaux, le populaire, les codes esthétiques
relevant des modes de penser et d’être au monde spécifiques, holistiques (par exemple le chamanisme), les légitimant
et les assumant tant comme sujet que comme objet d’art.
Ainsi, les artistes restent-ils fondamentalement marqués par
ce désir de retour aux sources des cultures amérindiennes,
bushinengué et africaines. L’art de la résistance, incarné par
celui des Noirs Marrons12, devient paradigme et posture. Les
créations amérindiennes s’arc-boutant sur les éléments les
plus ancestraux sont élan et vitalité, sources d’influences ou
plutôt de confluences des flux contemporains. Il ne s’agit pas
d’un folklorisme exotique équatorial et nostalgique mais d’un
creuset. Comme dans bien des régions du monde, le melting
pot des Guyanes est un milieu fertile. Certains artistes ont
étudié en métropole, voyagé, exposé à l’étranger, d’autres
sont venus du Suriname en Guyane lors de la guerre civile,
d’autres encore se sont appuyés sur leur connaissance du
registre décoratif et symbolique « traditionnel » pour une
réappropriation et une réinterprétation de ses systèmes
picturaux ou sculptés. La variété des parcours personnels
renvoie à la diversité native. L’art photographique émerge en
Guyane avec des jeunes talents. Dans le nord-est du Brésil
(Para), on remarque une forte orientation vers la défense et
la sauvegarde du patrimoine tant matériel qu’immatériel de
l’Amazonie et de ses habitants. Les arts vidéo, utilisant les
média les plus sophistiqués, mettent en évidence la valeur et
l’extrême fragilité des racines. Les artistes du Suriname, fortement traumatisés tant par les violences de la guerre civile
(1986-1992) et particulièrement le massacre de Moïwana
que par la destruction programmée de l’environnement
-orpaillage et déforestation- participent de ce courant par
d’autres moyens plastiques : expression surréaliste dadaïste,
toiles psychédéliques ou installations monumentales identitaires qui s’inscrivent souvent dans le paysage naturel ou
urbain. L’art du tembé est aux quatre coins de Paramaribo
et de Moengo.
La Cuverie où prend place Pigments 1 s’articule autour de
deux grands axes, l’espace et le temps, de part et d’autre
d’une frontière symbolique, chemin allant de la figure de la
mort, Lan Mo, à celle du Caribbean Soldier, figure du ToutMonde ; ce soldat armé d’un boulet monte la garde. Pigments 1
présente des œuvres du Plateau des Guyanes inscrites aux
confluences d’une forêt dont le vert formate le regard, le
paysage, l’absence d’horizon et d’une histoire qui déroule
le fil rouge de la tragédie. Un espace et un ensemble cohérents. Un monde. A dessein, la scénographie renforce les
thématiques. L’espace vaste, dilaté des territoires amazoniens, est rendu tangible par un grand dépouillement et par
le choix du vide ; des œuvres de grand format à l’image de
ces écosystèmes font éprouver visuellement la vastitude
de l’espace amazonien. En opposition, la partie, relative à
l’histoire est surchargée, étouffante, dans le but d’induire
et provoquer un sentiment d’oppression. En contrepoint de
l’idée répandue d’un territoire de l’oralité et d’une absence
d’écriture, des œuvres emblématiques portant traces écrites et envahies de graphies en tout genre parcourent tout
le dispositif. Témoignage de la place fondamentale de la
conceptualisation dans la création des origines à nos jours.
La Case à Lucie où se prolonge l’exposition avec Pigments 2
traite de la relation « nature/culture ». L’exposition engage
une confrontation entre une symbiose passée et une dysbiose13 à l’œuvre. Le concept de « territoire » (Pigment 1)
marqué par le géopolitique, le temps et l’histoire devant
mener à celui de « lieu », espace ouvert au-delà des barrières conventionnelles. L’Amazonie étant un lieu commun, un
bien commun, tous les artistes, peu ou prou, l’ont l’intégrée
à leur répertoire. La mise en cause de la destruction de la
forêt et de ses habitants est leitmotiv et, au même titre
que la dénonciation de l’histoire coloniale et de l’esclavage,
elle est en elle-même matière à peindre, à filmer, à créer. Le
discours plastique est frontal. Froid, sec, factuel. La place
donnée à la représentation de l’humain est primordiale.
Elle suggère chez le spectateur ainsi pris à partie un possible
dialogue, un face à face, visage contre visage, les yeux dans
les yeux, au-delà des questions linguistiques, qui interroge
sur les responsabilités. Nous ne pourrons plus jamais dire que
nous ne savions pas. Le dernier espace, Pigments 3, installé
dans les Chais, prolonge la relation en rapprochant l’artiste
du visiteur. Certains artistes ont accepté de se mettre euxmêmes en exposition à travers de courts vidéo-autoportraits.
Les Guyanes, territoire tant et tant blessé, dont la marginalisation économique s’est finalement transmuée en atout,
a préservé, comme ses voisines, la vigueur et l’intelligence
des racines. Loin de la globalisation, de la mondialisation, les
œuvres témoignent d’une « mondialité » au sens de Glissant,
d’un « Tout-Monde » mosaïque vivace car alimentées de fleuves puissants et d’effluves de la terre, de la volonté opiniâtre
d’être dans le prolongement jusqu’à la canopée. Elles sont
la signature d’un cheminement accompli qui transcende la
question des identités premières, sans jamais les renier.
Colette Foissey, commissaire.
3
L’art contemporain du Suriname >
de l’unité dans la diversité
Un développement accéléré de la création artistique au
Suriname caractérise ces dernières années. Certains artistes
se sont formés à l’extérieur du pays dans des structures
dédiées de niveau international en Jamaïque (Edna Manley
College for Visual and Performing Arts) ou aux Pays Bas
(Rijksacademie). Des expositions d’envergure ont changé
définitivement le paysage artistique tel « Wakaman » en
2009 et « Paramaribo SPAN » en 2010. Les infrastructures
se sont adaptées à ce nouveau paysage (une galerie professionnelle, un nouvel espace d’exposition à Paramaribo,
la critique d’art dans les médias et la réalisation d’un musée à Moengo). De plus en plus d’artistes sont exposés à
l’étranger. Mais, certainement, le facteur le plus important
réside dans la conscience assumée, la fierté de sa culture
et l’attention portée aux cultures proches tant géographiquement que spirituellement. L’art se libère des canons et
des règles des modèles coloniaux. Les artistes participant
à cette exposition sont les représentants de cet autre
Suriname. Dans ses peintures, dessins et installations, Marcel
Pinas (1971) fait renaître la culture, en partie perdue, de
son lieu de naissance. Cette démarche est à l’œuvre autant
dans son travail personnel que sur tout le site de Moengo
où il a créé des conditions favorables à l’émergence des
talents des jeunes Noirs Marrons. Marcel Pinas leur permet
ainsi de développer leurs capacités créatives et leur offre
l’opportunité de gagner leur vie. Cet artiste a fondé le Tembé
Art Studio, installé des œuvres dans un parc de sculptures
et lancé la réalisation du Musée d’art Contemporain ainsi
qu’un programme de résidence d’artiste ; il organise des
manifestations culturelles qui attirent un grand public. Dans
ses installations, George Struikelblok (1973) dénonce les
injustices sociales qui l’obsèdent. Il marque, lui aussi, un vif
intérêt pour les cultures révélant d’autres sociétés. Dans
« Les Derniers Mots » (2009), il inscrit des mots en différentes langues sur un miroir suspendu au plafond ; ils sont
ceux du deuil et expriment la tristesse de la perte de l’être
aimé, douleur universelle dans toutes les cultures. Dans ce
travail, comme dans d’autres, le miroir symbolise la réflexion
(le reflet intérieur/la pensée). Cependant, ces peintures restent optimistes et sont une représentation de l’amour. Dans
des couleurs brillantes et éclatantes, des formes étranges
manifestent ce sentiment vital. Dhiradj Ramsamoedj (1984),
le plus jeune, est à la fois peintre, dessinateur, créateur
d’installations et interprète de ses propres performances.
Il arrive que tous ces éléments soient réunis dans certaines
créations. Son installation « Adjie Gilas » (2010), est un
hommage à sa grand-mère mais aussi un hommage à la
4
culture hindustani. Ailleurs, il exprime le mystérieux, l’élusif
de l’humanité révélé dans le multiculturel en transformation incessante. Kurt Nahar (1972) affirme son engagement
politique. Il utilise collages, copies, assemblages et installations pour dénoncer des injustices au Suriname tels les
meurtres de Décembre de 1982 ou les exportations massives des ressources naturelles. Il ne cherche pas à séduire le
« regardeur » par des procédés esthétisants. Il va droit au but
par des moyens efficaces. « Souvenez-vous » (2012), est
composé d’un vieux téléphone mural muni d’un rétroviseur14.
Cet objet est une œuvre réellement « parlante ». Le son du
tocsin qui résonne dans l’écouteur martèle la mémoire des
quinze hommes assassinés en 1982. Le son perpétuel des
cloches a aussi, tel un réveil téléphonique, la fonction de
ne pas laisser s’endormir les consciences sous les draps de
l’histoire. Sri Irodikromo (1972) privilégie, elle, l’esthétique
afin de signifier la richesse et la variété de la culture surinamienne. Elle travaille la peinture appliquée sur des textiles.
Sa technique combine l’héritage et le contemporain (par
exemple dans la technique du batik). Dans son utilisation de
la couleur, le rouge, l’orange et le jaune dominent, souvent
en opposition à leurs couleurs complémentaires. Les femmes
sont également un thème important de sa recherche plastique. Aussi grandes que puissent être les différences entre
eux, les artistes sont, chacun à leur manière, des révélateurs
et emblèmes d’une prise de conscience autonome de soi que
leur pays prend de plus en plus.
Rob Perrée, historien d’art
Brésil, les yeux chlorophyles
Aborder l’art contemporain du nord du Brésil nécessite une
double contextualisation à la fois dans les dynamiques artistiques propres à tout le pays et dans celles communes aux
artistes du plateau des Guyanes et de l’Amazonie. Ce n’est
pas un hasard si l’artiste Armando Queiroz, chef de file de
la création artistique contemporain paraense (de l’état du
Para dont la capitale est Belém) est régulièrement invité à
la Biennale de Sao Paulo. Au travers des œuvres sélectionnées se dessinent les préoccupations communes à tous les
artistes du plateau, elles tournent autour d’une figure centrale, incontournable : l’Amazonie. Des artistes explorent et
interprètent ses formes d’expression végétales et animales,
comme Roberta Carvalho ou Patrick Pardini, d’autres comme
Armando Queiroz ou Luciana Magno interrogent inlassablement les peuples qui l’habitent et leurs modes de vies écoanthropologiques confrontés à l’avènement brutal au Brésil
de la société de consommation mondialisée.
La Cuverie où prend place Pigments 1 s’articule
autour de deux grands axes de part et d’autre
d’une frontière symbolique entre la figure de la
mort et celle d’une figure du Tout monde qui
monte la garde : l’espace et le temps. La création
sur le Plateau des Guyanes est aux confluences
d’une forêt dont la prégnance formate le regard
et d’une histoire qui déroule le fil rouge de la
tragédie.
Pigment 1 > Espaces/Territoires/Histoires
A dessein, la scénographie renforce les
thématiques. L’espace vaste, dilaté des territoires
amazoniens est rendu tangible par un grand
dépouillement et par le choix du vide ; des œuvres
de très grands formats à l’image des éléments
naturels occupants ces systèmes font éprouver
visuellement la vastitude de l’espace amazonien.
En opposition, la partie relative à l’histoire est
surchargée, étouffante dans le but d’induire
et provoquer une impression et un sentiment
d’oppression.
David Redon, commissaire-adjoint de l’exposition
5
Cette section esquisse les relations profondes, parfois souterraines, entre l’art contemporain et ses sources. « Racines »
ouvre l’exposition. Cette entrée en matière végétale dans
l’exposition, métaphore grand format de la croissance et de
la vigueur des créations plastiques qui prennent naissance et
croissance par les réseaux et ramifications tentaculaires met
en scène les linéaments spatio-temporels qui vascularisent
nature et culture. Qui sont artères et fleuves.
Territoires > Racines15
La torche de résine
portée à bras d’homme
ouvrant la marche
dans la nuit du marronnage
n’a jamais cessé
à dire
vrai
d’être
ce flambeau
transmis d’âge en âge
et que chacun
se fit fort de rallumer
en souvenir de tant et tant de souvenirs.
Poème inédit de Léon-Gontran Damas, épitaphe sur sa tombe18.
6
Patrick Pardini (Brésil), Sans titre, photographie, série Arborescence,1999
Patrick Pardini > Sans titre, série Arborescence
C’est une des œuvres emblématiques de la grande série « Arborescence » de Patrick
Pardini, artiste franco brésilien qui vit et travaille à Belém (Brésil) depuis 1981. Les
photographies ont été réalisées en Amazonie brésilienne entre 1999 et 2003. Ces
Racines, chevelu labyrinthique inversé, sont synecdoque de la rain forest. En image
surimposée, elles retracent les cheminements des hommes, leurs errances et leurs
itinérances. La quête vitale du lointain. L’objectif de Patrick Pardini est de rendre
sensibles les phénomènes d’anthropisation, de domestication et d’acculturation de
l’arbre tant dans la forêt amazonienne que dans les terres agricoles ou dans les villes.
A travers les figures-portraits de l’arbre toujours en noir et blanc, l’artiste instaure
une appréhension nouvelle du végétal. Comme vu pour la première fois. CF
7
Les arts traditionnels sources d’inspiration, fabriquent de contemporains métissages.
Art marron et art amérindien témoignent par le geste créatif à la fois du milieu naturel pour le support (bois) et pour les
couleurs (pigments naturels minéraux et végétaux : pemba, rocou, noir de fumée…) et du milieu culturel pour les sujets.
L’art du marronage, de la fuite, de la fugue19 et de la liberté est une expression vivace qui marque la zone d’influence des
communautés bushinengué. Les manifestations de l’art des Amérindiens « des grands bois20 » tels les ciels de case renvoient aux mythes fondateurs. Ces formes artistiques parfois considérées comme unique reflet de la tradition et de la
collectivité sont réduites à des produits de l’artisanat. Mais polysémiques et s’appuyant sur une large vision de l’histoire
elles méritent une relecture car elles débordent amplement le statut de témoignages ou documents « ethniques21 ».
L’art du tembé
Libi makandi.
22
> art de vivre ensemble
Le tembé, polychrome ou laissé au naturel, est à la fois le
répertoire décoratif et l’objet décoré. On distingue généralement le Ferfi tembé (le tembé peint) d’autres demeurant
plus traditionnellement fidèles aux techniques de la sculpture, le Koti tembé.
L’organisation du tracé n’est pas sans rappeler le « parallélisme asymétrique24» ou encore la « symétrie asymétrique » propre à créer une impression dynamique perturbante
entraînant le regard dans un jeu de piste improbable. Le
tembé man25, se joue des codes « classiques » qui privilégient les formes strictes de l’axialité. S’agit-il d’une pure
abstraction ?
8
Antoine Lamoraille - Collection Mama Bobi (De gauche à droite en partant du haut)
Saint-Laurent du Maroni, Guyane
1 - Go da yu kon yu sa membre sa yu si/Va reviens et souviens toi de ce que tu
as vu, Tembé peint (ferfi tembé), acrylique sur contreplaqué, 62 x 43 cm, 2001
2 - Gado a e tan bun ma na fu wakti dede/Dieu il va bien mais c’est en attendant
la mort, Tembé peint (ferfi tembé), acrylique sur contreplaqué, 62 x 43 cm, 2001
3 - Busi abi yesi/La forêt a des oreilles, Tembé peint (ferfi tembé), acrylique sur
contreplaqué, 62 x 43 cm, 2001
4 - Mi na fu soro mi na fu watra ma mi ati dipi/Je suis de la Terre je suis de l’Eau
mais mon cœur est profond, Tembé peint (ferfi tembé), acrylique sur contreplaqué, 62 x 43 cm, 2001
Un pur décor
Les compositions géométriques sont réalisées avec le compas, la hache, la pointe sèche, la scie, la règle, le couteau.
L’outil induisant en partie le dessin, doit-on parler de déterminisme technologique ? Peintes ou gravées sur bois,
elles revêtent la forme d’entrelacs, rubans réguliers qui vont
ondoyant et ondulant, allant s’entrecroisant dessus dessous.
Elles rappellent l’art de la vannerie ou celui du tissage.
L’emplacement du décor n’est pas aléatoire. Il est présent
sur de multiples objets de la vie quotidienne mais les manifestations les plus spectaculaires se trouvent sur les objets
emblématiques du groupe : sur les bancs dont la forme et
l’usage fixent les hiérarchies. Sur les zones « dangereuses »
de passage et de transition du dehors au dedans, sur la terre
ou sur les eaux ; le triangle faîtier et la porte de la maison ;
la tête de pirogue, la pagaie.
De longs chemins : layons, itinéraires d’évasions26
Art non seulement décoratif et de plus en plus prisé par
les touristes, le tembé est, dès l’origine, un art militant.
Pour Marc Perroud, matérialisation des «paroles des premiers
temps, les récits du « Lowe ten », le tembé est indissociable
de la révolte des esclaves de l’ancienne Guyane hollandaise.
Les rubans sont analysés comme la transposition plastique
des voies ouvertes dans la forêt amazonienne, des routes
empruntées ou des culs de sacs. Les entrelacs peuvent être
lus comme les racines et les branches qui zèbrent les sols de
la forêt, scandant le parcours du fuyard, de l’évadé. Cartographie chromatique d’un lieu, le tembé est illustration possible
d’un tracé marqueur du passage et de la transmission à
l’autre : « marques du secret, marques du combat. Premiers
savoir-faire de la clandestinité. La trace des mouvements
et des luttes de libération sur les murs des factories, dans
la poussière des plantations. La tradition orale nous dit que
tout a commencé par quelques traits furtivement tracés sur
le sol ; la marque du Marron en puissance qui prépare sa fuite
en complicité ou organise déjà celle des autres. Signes de
reconnaissance et déjà indications ; mises en garde ; invites ;
messages codés, discrets, secrets, ritualisés27».
Sur–écrits, assemblages de motifs divers, tels les patchworks
réalisés par les femmes et encodés puisqu’ils véhiculent des
messages de sagesse souvent inscrits au revers, ils sont
aussi parfois « présents d’amour » et, comme tels, sont des
objets où l’investissement temporel pour la réalisation est
signifiant de la qualité et de la force du sentiment éprouvé
(peignes, battoirs à linge, ustensiles de cuisine, plateau à
vanner).
D’autres auteurs, s’appuyant sur l’observation ethnologique,
considèrent l’art du tembé, « art total » en ce qu’il concerne
la quasi-totalité des supports possibles, compris le corps, la
chevelure etc., est essentiellement une marque d’un désir
permanent et profond de « faire beau », une préoccupation
esthétique systématique qui trouve son fondement principal
dans un système de rapports sociaux fondé sur l’équilibre
symbolique des échanges28.
L’évolution et le contact ont entraîné un changement de
sens ; le tableau peint sur bois ou sur toile est apparu ; le motif et l’objet sont devenus autonomes. Ce type de tembé est
essentiellement réalisé par les Saramaka sur le littoral guyanais, zone d’échanges commerciaux. L’art tembé passe du
symbolique fonctionnel au touristique « art d’aéroport ».
Plusieurs artistes guyanais sont devenus, à la suite de Lamoraille, des maîtres du tembé. Franky Amete (responsable de
l’atelier Boni de l’association Libi Na Wan à Kourou), Antoine
Dinguiou et Sawanie Pinas. CF
Les ciels de case > art amérindien
« La forêt vierge n’existe pas. Elle n’est autre qu’une forêt
dans laquelle l’homme occidental ne se sent pas bien. Cet
univers est univers d’abondance pour ceux-là seuls qui en
connaissent les moindres arcanes » Françoise Grenand, Amérindiens
des grands bois : Wayana, Wayampi, Teko in Plumes amérindiennes, Guyane,
don Dr. Marcel Heckenroth, sous la direction de Mariane Pourtal Sourrieu,
MAAO, Marseille, 2012, p. 70
Ils rendent sensible le respect et la relation symbiotique
unissant les premiers habitants de l’Amazonie avec leur
milieu originel.
Ces trois ciels de case, maluwana, ont été réalisés selon la
tradition et les savoir-faire amérindiens grâce à l’Association
Gadépam ; ils sont exceptionnellement signés.
Les connaissances liées aux maluwana et à la construction
du tukusipan, le carbet circulaire qui les abrite sont partagées par les Wayana et les Apalai. Ils sont « territoire et
savoir communs de deux sociétés30 ». Le tukusipan, lieu
de rassemblement et de partage, est dédié aux pratiques
rituelles et cérémonielles. Ces deux éléments sont indissociables l’un de l’autre. Tous les villages wayana possèdent
un tukusipan avec un ciel de case ; il sont un signe distinctif
et un marqueur identitaire.
Le ciel de case est métaphoriquement et visuellement clef
de voûte d’un dispositif social irradiant sur tous les membres,
tel un point d’orgue, placé au sommet intérieur de la voûte,
enchâssé en haut du pilier central du carbet communautaire.
Cet espace est en général construit lui aussi sur un plan
circulaire. La forme du carbet a pu être interprétée comme
celle de l’habitat de la guêpe. C’est dans le Tukusipan que
se déroule une partie des rites du maraké31.
Minesteli Ananuman [Association Gadepam]
Antecum Pata, Haut Maroni, Guyane
Ciel de case Wayana – Maluwana (détail)
pigments naturels sur bois, 2012
Anïmawale Opoya [Association Gadepam]
Antecum Pata, Haut Maroni, Guyane
Ciel de case Wayana – Maluwana (détail)
pigments naturels sur bois, 2012
9
Il est porteur de nombreux signes liés aux croyances et à
la mythologie, aux légendes fondatrices. La circonférence
marquée par des décors triangulaires, figure les épines du
fromager d’où provient le disque. Les animaux « irréels »
circulent en cercles concentriques et sont remplis de motifs géométriques à base de droites. Ces êtres vivants sont
particulièrement dangereux pour l’homme. Ils appartiennent
à un bestiaire fantastique de monstres terrestres et aquatiques : makwatili, chenilles réputées carnivores et agressives ;
mulokot vivant dans l’eau dont on ne peut même prononcer
le nom. Les regarder sur le disque installé dans le carbet
peut entrainer la chute du ciel de case et la dévoration du
regardeur. Ce sont les hommes âgés qui, traditionnellement,
avaient en charge la réalisation du maluwana ; les animaux
représentés pouvaient perturber la grossesse et même entraîner la mort. Les femmes n’avaient pas le droit de le
regarder même pendant sa fabrication.
Aujourd’hui ce sont les jeunes qui les fabriquent. La tradition du maluwana se trouve tant au Brésil, en Guyane qu’au
Suriname. Mais les finalités sont devenues commerciales et
le ciel de case n’est plus lié au carbet. Il n’a donc plus de
trou central pour y fixer un poteau. La fonction a changé.
Ses dimensions ont diminué et de nouvelles formes se sont
imposées (en général, zoomorphes). Des non Amérindiens
commencent à en produire pour la vente. Les motifs, eux,
sont restés relativement stables.
Une des plus belles synthèses de l’art du maluwana et de
l’art tembé est « Roots » œuvres de Sri Irodikromo, exposée
entre les tembé et les ciels. CF
10
Frontière > Lan Mo
« L’écrivain-militant se fait historien parce qu’il croit avoir la compétence
quasi exclusive et la mission de révéler la mémoire vraie. « Notre histoire
(ou nos histoires) n’est pas accessible aux historiens. Leur méthodologie
ne leur donne accès qu’à la chronique coloniale. Notre chronique est dessous les dates, dessous les faits répertoriés : Nous sommes paroles sous
l’écriture. Seule la connaissance romanesque, la connaissance littéraire,
bref la connaissance artistique, pourra nous déceler, nous percevoir, nous
ramener évanescents aux réanimations de la conscience »
Tony Riga - Natural Tribal, Cayenne, Guyane, Lanmo
Costume de carnaval, technique mixte, 2,40 x 2,20 x 1,50 m, 2011
Elément décoratif majeur dominant l’espace architectural
le plus représentatif de la communauté, il lui revient une
fonction symbolique très forte. Cette position extrême lui
fait jouer un rôle de relais entre le sol et le ciel. La présence
fréquente de nombreux petits points blancs sur le fond noir
du disque n’est pas sans évoquer la voûte céleste et son
cortège stellaire. Représentatif de la pensée et de l’identité du groupe sur lequel il préside, disque emblématique
et prophylactique, inscrit dans l’architecture un discours où
l’homme est sous la protection de la nature et des esprits
qui la peuplent. Le maluwana est l’élément phare d’un dispositif plus vaste incluant un système de pensée fondé sur
l’imposition de codes guidant la vie de l’individu appartenant
au groupe social. Il participe d’un système d’interdits et de
transgressions.
J. Bernabe, P. Chamoiseau, R. Confiant32, Eloge de la Créolité, Paris, Gallimard, 1989
Territoires > Signes
Akfaka and so on
Foisonnement du geste graphique : l’utilisation de
l’alphabet Afaka et des idéogrammes et traces
d’écriture qui sont écriture de la trace. Il est question
dans ces œuvres de faire mémoire, celle des dominés.
Et nous revient en mémoire le texte « écrire en pays
dominé33 ».
Tony Riga > Lan Mo
La figuration monumentale de la mort, « Lan Mo », est
une création de Tony Riga pour Natural Tribal39. Cette
apparition tricéphale, guide peut être nos regards dans
les trois directions du temps –passé, présent, futur- nous
indiquant l’omniprésence de la mort. Le fil de la mort
relie inexorable le territoire et son histoire. Lan Mo aux
ailes démesurées, image de la faucheuse, est représentation tutélaire, dominatrice et maîtresse du Temps. Elle
promène en laisse deux tatous. L’utilisation de palmes
et la structure même de ce costume de l’effroi sont des
réinterprétations libres des costumes cérémoniaux des
communautés « premières ». Les crânes ont été réalisés par moulage sur des simples masques en plastique
vendus lors du carnaval, dérision suprême de l’éphémère.
Figures incontestées de la vitalité créatrice, les « masques » de carnaval disent le profond ; la vertu cathartique
de la fête joyeuse fait passer le non-dit à l’expression et
à l’existence. CF
Trois fleuves16
trois fleuves coulent
trois fleuves coulent dans mes veines.
Léon-Gontran Damas, BlackLabel17
L’alphabet Afaka a été, dit-on, inventé en 1910 par
un noir marron comme moyen de communiquer entre
soi, excluant, geôlier, tortionnaires et étrangers à la
communauté. C’est un acte fondateur. La communauté
se donne une identité par l’emblème de la langue.
Ces codes graphiques, langage qui exclut le non initié,
portent revendication de l’ancrage dans une culture
originelle.
11
Les œuvres de quatre artistes (John Lie A Fo, Marcel Pinas, George Struikelblock, Sri Irodikromo) ont en commun
d’inscrire des graphies plus ou moins importantes - discrètes chez Struikelblock, incontournables chez Pinas et John
Lie A Fo -, sujet même de l’œuvre chez Sri Irodikromo. Ces signes sont paroles, chuchotements ou cris. Ils relèvent et
révèlent l’identité. Comme sur un corps le tatouage. Ils sont le texte de la peinture et sa signature.
Ces quatre artistes sont surinamais. Comme la plupart, ils vont étudier en Europe et plus particulièrement aux Pays
Bas. L’autre grande source d’influence est Jamaïcaine. Marcel Pinas, George Struikelblock en assument les apports.
Leur art est fortement marqué par ces voyages et années d’apprentissage. Une ouverture aux courants plastiques
contemporains, fenêtre sur le monde, se lit dans le traitement et dans le sujet. Il est d’autant plus remarquable d’insister
sur la place des signes « originels » qui fondent leurs œuvres et sur le désir partagé d’un retour au pays natal.
Le mot d’ordre est donné par Marcel « kibri a kulturu »,
préserver sa culture.
John Lie A Fo > Afaka’son
Dans les années 70, la visite des collections du Tropen
Museum d’Amsterdam est révélation pour John Lie A Fo.
C’est là qu’il découvre l’écriture Afaka. Il ne va plus cesser
d’en utiliser les signes, les réinitialiser, les réinventer plastiquement comme porte-forme et porte-parole. Il s’empare
de ces signes très graphiques et en fera la structure de bien
des œuvres. Le code secret inventé pour communiquer entre
initiés perdure comme tel. Seuls ceux qui savent pourront
les voir dans les tableaux de John.
Deux photographies de sa femme Maria explicitent en partie
sa démarche. Le corps est surligné d’encre. John lit-il dans la
morphologie de l’être tant aimé des lignes de forces ou bien
décrypte-t-il les formes pour les assujettir à la contrainte
des signes de l’alphabet Afaka ?
Ses parents sont originaires de Chine, mais aussi de Java ; il
est lui aussi issu de trois fleuves qui coulent dans sa peinture.
La culture amérindienne et noir marron s’y sur-imprime. La
réaffirmation de ces signes, tout au long de l’œuvre, est la
trame du tissu de chaque toile.
Permanence : John signe ses œuvres avec un tampon rouge
en afaka. Idéogrammes à l’allure asiatique. John a plaisir à se
nommer avec beaucoup de malice dans les yeux « le vieux
Chinois ».
Marcel Pinas > Afaka Kondé
La série Afaka Kondé (2008) de Pinas prend le signe Afaka
comme seul sujet. Les lettres Afaka jetées au centre, vont
se propageant. Dissémination. Traceur du passé, « marqueur
de paroles », Marcel le revendique : « Je me focalise sur les
N’dyuka parce que je suis un descendant des N’dyuka du
Suriname ». Marcel prend souvent comme motif -au double
sens du terme- l’affirmation de cette identité par des éléments de l’art tembé et par des signes Afaka. Son art est
un manifeste politique, social, et écologique : les cultures
des origines sont riches de sagesse34. « A travers mon art,
je lutte pour une renaissance de la culture marronne »35. En
réalité, il ne reste pas focalisé sur son unique culture. L’installation « kokulampus » (lampes à huile populaires au Suriname)
allume les lampes des autres cultures, aussi bien. CF
« Dans Afaka Kondé, Marcel Pinas, rend hommage à ces
ancêtres noirs marrons qui ont développé l’écriture Afaka
comme un langage secret il y a de nombreuses années.
Cette écriture aurait été inventée au début du 20ème
siècle par le noir marron Afaka Atoemoesie. On prétend que
l’auteur a été inspiré par un rêve. L’écriture est formée de
56 syllabes. Elle a servi de support de communication entre
les membres de la communauté N’dyukas installés le long
des rives du Tapanahony, fleuve situé à l’est du Suriname.
Encore, dans les années 20, les missionnaire essayaient de
l’utiliser pour christianiser des N’dyukas. De nos jours cette
écriture est rarement utilisée. Seulement un petit groupe de
communautés, descendants des N’dyukas, la connait encore
et la comprend. Marcel Pinas pense que l’Afaka est héritage
essentiel des Marrons, et qu’il mérite d’être préservé pour les
futures générations. Pour maintenir ce patrimoine, l’artiste
l’a inscrit sur ses toiles. » Readytex Art Galery
Sri Irodikromo (Suriname) Roots, batik, cire d’abeille, racines de ficus, 250x195 cm, 2006
Sri Irodikromo > Roots
broderies. L’œuvre monumentale de Sri Irodikromo « Roots »
est une résultante de l’accumulation en plans successifs,
de la superposition de strates, de l’inscription de signes
empilés. Roots ou l’archéologie de la mémoire, somme tous
les signes-racines du territoire : dessins et lettres, bois et
coton, broderies et coutures qui relient et renouent les fils,
déchirures et taches inscrites sur le fond rouge, carmin,
sang. Le rouge n’est pas une couleur neutre ni seulement
éclatante. L’artiste nous rappelle que c’est la couleur végétale des graines de roucou utilisées par les Amérindiens pour
habiller et protéger le corps par ses vertus thérapeutiques et
esthétiques. Il renvoie aux coutumes des rituels ingiwinti37,
dialogue spirituel dont les sources sont les religions africaines ancrées dans les mentalités amérindiennes. Cette
œuvre, définie par Sri comme un maluwana est hybride par
essence. Elle mêle tous les signes, les emmêle et les tisse
tous ensemble. CF
Le titre de son œuvre « Roots » n’est pas une métaphore.
La toile est parsemée de racines végétales et culturelles. De
techniques dites mixtes, elle fait une culture et rend un hommage à son père et à ses origines indonésiennes. Sri est une
chercheuse en arts. Elle expérimente. Elle trouve. Dans son
laboratoire pictural, elle élabore des compositions à partir
de la cire, base du travail du batik dont elle veut conserver
le savoir. La cire est aussi posée sur le batik comme élément
traçant des formes aléatoires en surface. Des couleurs acryliques en camaïeu de carmin et fuchsia sont recouvertes de
Sri explicite cette œuvre : « les signes, les symboles et l’écriture ancienne m’ont depuis toujours fascinés et je m’en sers
beaucoup dans mes œuvres. « Roots » a été le commencement
de tout. Œuvre fondatrice, elle a été une source d’inspiration
pour tous mes autres tableaux et toiles. Dans « Roots », tout
est réuni sur un Maluwana (ciel de case). […]. Sur ce ciel, on
trouve des créatures des temps anciens comme la chenille
à deux têtes et encore bien d’autres animaux, l’histoire de
la communauté, les liens entre les hommes, les esprits et la
Nature ; tous ces dessins sont peints dans des couleurs vives.
Du haut vers le bas :
John Lie A Fo (Guyane)
Afaka writing –toe, photo et dessin, 30 x 40 cm, 1977
12
Marcel Pinas (Suriname)
Afaka kondé, technique mixte sur papier, 100x70 cm, 2008
13
Dans mon Maluwana, j’ai combiné les symboles des différents
ethnies de façon décorative pour ne plus former qu’une entité …parce que tous ensemble, nous vivons dans ce beau
pays qui est Le Suriname. Les nombreuses couleurs et modèles sont appliquées sur la toile avec le procédé du batik.
Je couds un grand nombre de racines aériennes d’arbres de
la forêt ; elles représentent notre héritage. Elles sont aussi
les veines dans lesquelles coulent nos sangs mêlés ».
Sri nous « traduit » et légende les signes récurrents de Roots,
son maluwana dans un schéma explicatif38.
Vlechtwerk inheems : vannerie amérindienne
Houtsnede marron : gravure sur bois des Marrons
Afaka marron : écriture marron
Beschildering op aarde potten inheems : peinture sur les
poteries amérindiennes
Spintol : fuseau qui permet le filage du coton
« Kluwaja » tweekoppige draak inheems : chenille à deux
têtes des Amérindiens
Sri Irodikromo, schéma explicatif,
Roots, 2013
Sari motief hindustaans : motif des saris indiens
Schildpad inheems : tortue des Amérindiens
Djaran Kepang javaans : cheval plat indonésien
Rotstekening inheems : peintures rupestres
George Struikelblock > Flowers of love
« Flowers » est un grand format vertical dont des couleurs
en un certain désordre assemblé s’offrent en un bouquet
d’éclaboussures joyeux. Le cerne noir délimite la plage chromatique. Les signes ne sont pas immédiatement visibles,
traces graphiques perdues dans l’immensité de la toile.
14
Avec un peu d’attention, on peut
distinguer les premières lettres de
l’alphabet latin. On les retrouvera
sur la quasi-totalité de l’œuvre
peint de l’artiste tout comme les
premiers chiffres de la numération arabe, manière incantatoire,
éternel retour du même, de l’ordre
du balbutiement, des premières
lettres comme les premiers mots.
« Ô corps aimé
Les ténèbres repêchées
Ô nudité
Encore drapée de vérité
Ô femmes en pleurs
Les yeux couverts de malheurs
Ô femmes en larmes
Ô corps trempés
Ces lettres et chiffres, écrits en noir
inscrivent la recherche toujours
recommencée des origines de
la parole, du langage, de la filiation. La perte du père, douleur
envahissante est sublimée par
l’expression plastique. George
marque son territoire mental
qui est celui de l’absence,
peut être aussi celui de l’enfance, par un débordement
de l’énergie vitale dans
laquelle la relation amoureuse
est salvatrice. CF
L’histoire fait face au territoire avec
« Traces-mémoires ». Elles cheminent
serrées et condensées, concentrées et
compulsives pour donner à sentir les
convulsions de l’histoire, du temps.
Les expôts ont pour fonction de mettre
en évidence des témoignages matériels
à valeur d’universaux de l’histoire des
hommes au-delà de l’histoire d’ici :
l’enfermement, l’exil, la résistance,
la révolte, la mise en souvenirs de la
mémoire collective.
Histoires > Traces/Mémoires
George Struikelblock,
Togetherness
Chaise en bois peinte,
54 x 80 x 52 cm, 2011
Togetherness
Cette simple chaise
d’écolier, graffée
et taggée permet à
George Struikelblock
de s’approprier
picturalement les
objets les plus
banals du quotidien.
L’environnement
familier, le mobilier
domestique est réduit
à une seule chaise ;
elle est vide. Le titre
« Ensemble » en est
d’autant plus évocateur.
George Struikelblok
Flower of love
acrylique sur toile,
158 x 172 cm, 2009
Drapés de pluie comme linceul
Tous morts
Et moi sauf
Ils pavent les marches
Des siècles noirs
Tous morts
Et moi sauf
Tous morts
Pour toi
Pour moi »
Pour moins souffrir, oui, je veux me dire, l’entendre dire :
«Tous morts
Et moi sauf».
De grâce, prenez bien soin de vous!
En amitié, toujours.
Jerry René-Corail40
15
< Jean-Luc de Laguarigue, Graffitis laissés par des passants,
Bagne de l’île Royale, photographie. Îles du Salut, Guyane, 2011
« En plongeant dans les histoires du bagne, j’ai trouvé tous les héroïsmes, toutes les dignités, toutes les ferveurs, mais
aussi toutes les inhumanités, les dénis agresseurs, le comble des souffrances et des indignités, l’absolu des courages
et des faiblesses, un concentré hallucinant de ce qui fait l’homme : déflagrations d’ombres et de lumières, de lumières
dans l’ombre et d’ombres qui éclairent. Le tout aurait pu à jamais s’effacer. Mais la mémoire des hommes qui étaient
passés là, qui avaient souffert là, s’est mystérieusement maintenue. Des usures de cet affrontement est né le plus
étonnant des patrimoines de l’humanité. » Patrick Chamoiseau41
René Jerry Corail > 17 panneaux sur vélin et encres végétales
La nature intervient comme support et comme matière au
travers de l’ensemble de l’œuvre de l’artiste plasticien et
poète, fils de Khokho, Jerry René-Corail (1960-2006). Ses
œuvres sont des combinaisons de sculpture, d’installations,
de photographies, d’actions engageant le corps physiquement dans le paysage, sa démarche s’apparente à des interventions in situ.
Rocou, résine komaté, génipa..., les pigments naturels s’allient dans la création aux quatre éléments, terre, air, eau, feu.
Ainsi des « 17 format bambou » nés de la récolte quotidienne
des éléments de la nature nécessaires à leur fabrication. Une
série en hommage au règne végétal et animal ; varaitions
à l’infini, via les motifs du palmier et de l’oiseau, au travers
des nuances chromatiques d’un seul pigment, le génipa.
Corail aimait à raconter qu’il obtenait ce pigment à partir
d’un palmier grâce à des connaissances acquises des savoirs
amérindiens. Le chiffre 17 revient au hasard des supports
et correspond au nombre de jours que l’auteur passa dans
le coma suite à un accident.
Jean-Luc de Laguarigue, (Martinique), Bagne, photographies, Bagne, Saint-Laurent du Maroni
(Guyane), 2011
George Struikelblock > Last words
La mort a toujours été au centre de la création de George
Struikelblock. La mort du père avant la naissance de l’artiste,
la non-rencontre et le fait même de n’avoir pas pu vivre la
perte et le deuil sont au fondement de sa création.
Cette œuvre a vu le jour à une période où George Struikelblock travaillait activement sur les différentes coutumes et
usages marquant le deuil ; il s’est interrogé sur les pratiques
relevant du respect envers les morts. En chaque être, se
trouvent de multiples souvenirs de personnes proches. En
chacun de nous, la culture guide des manières spécifiques
de vivre la séparation, l’adieu et ses expressions verbales.
Readytex Art Galery
David Redon
16
17
Nos manières d’appréhender l’histoire sont fortement influencées par les images des livres d’histoire, devenues illustrations avec légendes. Afin d’interroger les images de notre mémoire, une place particulière est consacrée à la démarche
des voyageurs, ethnographes, explorateurs, géographes. Quelles traces durables laissent-ils de leurs périples ? Témoignages à la fois de leur passage mais surtout de leur « vision » des hommes et des lieux, leurs « clichés » deviennent
des lieux communs en induisant nos lectures, nos exotismes, nos peurs et nos hantises, le beau, le banal. La photographie « documentaire » formate nos regards et nous lisons les territoires avec les yeux d’autrui.
Xavier Fricaudet > Mémoires sensibles/Mémoires de l’Autre
(1870 – 1950)
Méconnus, isolés, oubliés, peu publiés ou rarement exposés,
les documents photographiques qui ont pour trait d’union
la Guyane émergent peu à peu des fonds d’archives, rayonnages, registres et autres cartons. Des ilots retracent ainsi
par l’image une histoire de ce territoire et des hommes qui
l’ont occupé. Les frontières de ce nouveau continent se
dessinent, des grands ensembles, des reliefs se profilent et
permettent de donner à la cartographie historique une mise
au point jusque-là imprécise.
Que l’on cherche à faire la lumière et s’orienter dans cet
abysse historique et c’est tout un pan du XIXème siècle qui
sort des flots. Jules Crevaux et d’autres savants explorateurs
ont tôt compris l’intérêt de la photographie pour documenter
les zones laissées vierges sur les cartes de leurs prédécesseurs. Et de donner à leurs contemporains réunis à Paris en
sociétés savantes une preuve par l’image des arguments
qu’ils échafaudaient. Les sciences de l’Homme, l’ethnologie
et l’anthropologie sont alors naissantes et trouvent en la
machinerie photographique une vérité que le dessin n’offrait
plus. Scientifique, le photographe scrute son sujet avec distance, le fixe en le faisant poser devant ses lourds objectifs.
Pourtant, avec le temps patiemment accumulé depuis, des
particules de poésie croissent au cœur de ces images.
1892. Paris, capitale trépidante en ce 19ème finissant archive, conserve, collecte, étudie, classe les documents en
provenance de son empire et « accueille » le monde dans ses
fameuses expositions universelles. La photographie, considérée alors comme fois image et réalité à la fois, alimente
albums, catalogues et collections muséales. Elle fournit aussi
aux théoriciens évolutionnistes et colonialistes les arguments et le fondement des thèses raciales. Dans la foule des
regards sur l’Autre, l’instrument photographique se réduit à
des visées de catégorisation de spécimens humains. L’opérateur peut n’être qu’un habile agitateur de produits et un
fin manipulateur d’appareils. Et ne disposer ses modèles que
18
dans des vues face/profil. De cette volonté de tri et avec
ce début de systématisation, perlent ici et là un regard plus
appuyé, une posture, un éclairage qui font glisser ces images
vers l’œuvre et estompent ainsi les intentions premières.
Avant tout outil de reproduction, instrument d’objectivation,
reflet inaltérable dans les mains d’hommes aux démarches
diverses, l’image photographique a longtemps été mise à
l’écart du soupçon quant à la neutralité de sa fonction illustratrice. Seul le caractère de l’opérateur, son renom donnaient à ses images leur intérêt historique malgré leurs indéniables qualités esthétiques. Que l’on songe à Jean Galmot,
à sa flamboyance et à son intrépide activité dans les placers
guyanais. Ses images brutes, prises à l’emporte-pièce, aux
noirs et gris fort contrastés évoquent si justement l’univers clos des chercheurs d’or. A tel point qu’elles se parent
aujourd’hui d’un éclat qu’elles ne possédaient pas.
Présences au monde d’une réalité absente ou lointaine, les
épreuves photographiques gardent les traces et la mémoire
des faits qu’elles illustrent. Œuvres involontaires, anonymes,
ces portraits de bagnards ont été capturées par des fonctionnaires, administrateurs du bagne qui, loin du zèle facile
de la propagande, s’éloignent de l’exotisme et du prosélytisme en vogue. Œuvres sans auteur, elles sont pour autant
des témoignages convaincants de l’atrocité de la politique
pénitentiaire. Avec proximité et mise à distance à la fois,
ces portraits fantomatiques transgressent le temps et font
figure d’apparitions. Documentaire, ethnographique, scientifique et historique, l’imagerie photographique s’est déplacé
des boîtes d’archives aux cimaises, modifiant son statut de
document à celui d’œuvre. C’est en admirant celles Jean
Marcel Hurault – géographe à l’IGN - que l’on perçoit le plus
clairement ce mouvement d’ampleur. La mise à distance
se réduit, la sensibilité du regard porté grandit, la personne
se superpose au spécimen. L’intelligence et la bienveillance
s’allient pour révéler et aussi mieux comprendre cet Autre,
partie de moi.
Xavier Fricaudet
Pierre Verger 1902-1996 (Brésil), Portrait de Malonti Wanhatti, Suriname, Photographie, 1948
Pierre Verger, Wanhatti Wanhatti, Suriname, Photographie, 1948
Pierre Verger, au plus près du sujet
l’histoire, l’anthropologie et les liens qu’entretiennent ces
deux disciplines avec la photographie. Les quelques jours qu’il
passe avec l’anthropologue Alfred Métraux dans le village de
Wanhati et ses alentours, entre le 29 mai et le 7 juin 1948,
vont permettre à Pierre Verger, dans une cinquantaine de
clichés, de mettre au jour un témoignage inégalé sur la vie
quotidienne des populations N’dyukas. Il capture sur sa pellicule des scènes de vie qui n’avaient jamais été documentées
auparavant par un artiste photographe : chaîne de fabrication
des galettes de farine de manioc, habitat, scènes de jeu
et de danses, culte de possession du Kromanti, jardinage,
pêche, sculpture du bois, tambour, chaleur et joie de la vie
familiale et collective… Les photographies de Verger sont
très loin des représentations cinématographiques stéréotypées et caricaturales de Saramakas, N’dyukas et Matawaï
alors proposées par Hollywood ou les magazines de voyage
sensationnalistes au monde entier44. Ce témoignage est
aujourd’hui d’autant plus important que la « guerre civile » du
Suriname (1986-1992) a amené l’armée nationale de Dersi
Bouterse à dévaster complètement la région, dont le village
de Wanhati, provoquant l’exil de quelques 10 000 Ndyuka
vers la Guyane Française. Comme le souligne l’anthropologue
américain Richard Price, « dans ce contexte de guerre et
Autour de Pierre Verger, la jeune photographie contemporaine instaurera de nouvelles relations au sujet et à l’objet
de la prise de vue.
L’œuvre photographique de Pierre Verger (1902-1996) est
aujourd’hui reconnue mondialement, tant pour ses qualités
esthétiques qu’ethnographiques. A l’image du travail de
Edward Sheriff Curtis sur les nations indiennes d’Amérique
du Nord, elle reste une tentative encore inégalée d’embrasser ce que l’anthropologue Roger Bastide avait nommé les
« Amériques noires ».
Le voyage au Suriname de Pierre Verger en 1948 constitue
sans aucun doute une étape cruciale dans le déclenchement de sa « vocation » afro-américaine. Il y rencontre les
populations N’dyukas, descendants des fugitifs et rebelles
victorieux contre l’ordre colonial esclavagiste hollandais,
alors considérées, selon les termes de l’époque, comme les
« peuples les plus africains et primitifs » de toutes les Amériques42. Inédites pour la majorité d’entre elles43, ses photographies renvoient à des enjeux multiples, au croisement entre
19
de destruction, les images des N’dyukas du Cottica prises
par Pierre Verger constituent un précieux témoignage d’un
monde passé aujourd’hui disparu – saisissant dans toute leur
dignité, des hommes, des femmes et des enfants en train
de mener leurs activités quotidiennes ou de célébrer leurs
obias et leurs dieux.45 ». Même si elles sont peu connues dans
l’œuvre de Verger, les photographies prises au Suriname
illustrent parfaitement le travail réalisé par le photographe sur les questions afro-américaines, le Suriname - et de
façon plus général les Guyanes - se trouvant au cœur des
Amériques noires, au centre d’un triangle constitué par
l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud et les Antilles. En
s’intéressant aux N’dyukas du Suriname, Verger a su immortaliser la richesse de leur culture tout en l’inscrivant
dans une réflexion globale sur ce qu’il nommera plus tard
« les flux et reflux » des relations entre l’Afrique et les Amériques Noires chères à Roger Bastide. Dans cet Atlantique
Noir46, l’expérience surinamaise de Verger lui permet d’explorer la notion de « survivance anachronique » et de comparer
les manifestations cultuelles observées au Suriname avec
celles qu’il va ensuite découvrir dans le Vaudou, la Santeria,
la Regla de Ocha en Haïti ou à Cuba. David Rebon
Katia Clamaran > Village Saramaca
Quatre clichés extraits d’un travail photo entrepris en 2007
sur le « village Saramaca » de Kourou. Ces scènes de genre
évoquent l’évolution des modes de vies bushinengués immortalisés par Pierre Verger ou Jean-Marcel Hurault. Elles
rappellent l’histoire des migrations de travail sur les villes
du littorale, ici, initialement pour construire le Centre Spatial
Guyanais, puis leur sédentarisation, loin de l’habitat traditionnel, dans une forme urbaine d’abord informelle, hésitante,
vacillante, faite des restes de la ville légale. Entre deux cases
insalubres bientôt rasées, un enfant surgit. DR
Philippe Roger, jusqu’à l’intimité, l’impudique, l’épiderme
Il décrit son parcours : « c’est de l’errance et par les voyages qu’est venue pour moi la passion de la photographie.
L’image m’a toujours paru supérieure aux mots pour partager
l’émotion solitaire mais je ne sais pas vraiment pourquoi ce
besoin s’est construit. Je sais que je ne photographie pas
pour témoigner, rapporter la « réalité », figer l’instant ou
retenir le temps qui passe, mais plutôt pour lui donner une
forme et donner à voir ce qui me touche dans un paysage,
un regard, une lumière, une simple texture parfois... ». Les
six portraits d’épidermes correspondent à un changement
dans la manière de se saisir du sujet : au plus près, sans retouche. Les sujets sont abordés sous le signe des extrêmes,
à l’image de la Guyane qui porte les cicatrices de l’histoire,
les traces sur la peau sont les stigmates et l’inscription de
l’identité. La photographie décrit et décrypte l’histoire, s’en
saisit, sans décors et sans décorum : nue. La violence urbaine
latente du quartier Nobel ou de la cité « Lumière » transpire
de ses portraits au scalpel, rappelant au spectateur l’envers
du décor de la mirifique « ville spatiale » de Kourou. CF
Les Guyanais (vidéo)
« … colonisation
civilisation
assimilation
et la suite… »
Ce projet représente une tentative. Celle de répondre à cette
question, aux perspectives incertaines: « Qui sommes-nous
aujourd’hui, Guyanais du début du XXIème siècle ? »
Pour ce faire, Karl Joseph nous entraîne au cœur d’une épopée photographique dont il nous livre ici l’étonnant constat
visuel. Tel un puzzle, ses clichés dessinent la singulière et
polymorphe identité guyanaise de ce début de siècle, fixant
dans chaque photo les contours de notre Mémoire.
Avec « Les Guyanais », le photographe entend participer
au-delà des communautés et du temps à la construction
d’un champ visuel dans lequel se trouverait cette identité
guyanaise aux formes multiples. Dans son errance, il nous
emporte à la rencontre d’une Guyane plurielle, issue de la
rencontre de tant de cultures. Ces photos correspondent
chez lui à une farouche envie de documenter le présent,
à la lumière de sa sensibilité, afin de conserver des traces
d’un aujourd’hui qui deviendra inéluctablement notre passé.
Les clichés tentent de capturer l’air du temps et de rendre
compte au mieux de la réalité. Pour Karl Joseph, le spectateur n’est pas uniquement son contemporain. Il tente à travers l’outil photographique d’apporter des informations sur
l’époque photographiée. Il enregistre des traces susceptibles
d’être vues plus tard. Les photographies nous sont tendues,
tel un miroir, proposant de refléter ce que nous sommes.
Le projet « Les Guyanais » répond aussi à son propre besoin
de réexaminer son identité. Qui fait écho à toutes celles qu’il
a croisées. Il fait, lui aussi, partie du puzzle.
Muriel Guaveïa47
Philippe Roger (Guyane) Sans faille, Photographie. Série épidermes, Kourou, 2010
Philippe Roger (Guyane) Fragile, Photographie. Série épidermes, Kourou, 2011
Un long couloir sans issue, cale de bateau négrier au plancher
fait de lames de bois usées et tachées, oblige le passager à
longer l’immense fresque « Déportations » de Fabrice Loval.
La toile telle une voile de bateau déroule ses histoires de
marches forcées et de traites, de progressions et régressions. Les signes épars, comme sur l’œuvre de Sri Irodikromo,
maculent le parcours de références s’abreuvant à toutes les
sources des différentes populations des Guyanes. L’archéologie, fouille et recherche des signes premiers. Elle est, pour
Fabrice Loval, une source d’inspiration et un répertoire de
motifs. Les tracés peints cernés de carmin des personnages
Katia Clamaran (Guyane)
20
Sans titre, Photographies. Série Village Saramaca, Kourou
Sans titre, Photographies. Série Village Saramaca, Kourou
Karl Joseph (Guyane), Sans titre, photographie, série Les Guyanais, diaporama.
21
Dhiradj Ramsamoedj (Suriname), Adjie Gilas, installation de 344 mugs, 2010 (détail)
et des signes de « Déportations » tirent un trait d’union
avec l’art préhistorique. Les fonds très travaillés de multiples
couches et coutures du temps donnent l’impression de rentrer dans une grotte ornée, une caverne aux parois murales
intactes. Sept figures « Les Errants » en linceul, échappées
du tableau, marquées au feutre noir de signes amérindiens,
gesticulent et dansent dans des renfoncements de la grottebateau. Fabrice Loval est sculpteur de formation. Il travaillait
la pierre avant son arrivée en Guyane. La chatoyance des
paysages (le vert est sa couleur préférée) et le manque de
matériaux à sculpter, l’ont tourné vers la peinture. Homme
des voyages lui-même, il a retiré d’un passage en Thaïlande
le goût pour les figures découpées après avoir fait l’acquisition de marionnettes en cuir. Il en apprécie la capacité à
porter des ombres dans l’espace mais aussi dans le temps
en leur donnant place dans son vocabulaire intérieur. Les
sept figures d’Errants, âmes à la recherche d’un reposoir
ultime, sont des figures découpées aux ciseaux dans le blanc
de la toile laissée vierge. Seuls y sont inscrits les signes
amérindiens, tracés en noir telles les peintures corporelles, les tatouages ou les scarifications. Marionnettes elles
aussi, elles sont manipulées par des destins ou des hasards.
Ces œuvres concomitantes et en dialogue les unes avec les
autres disent les exils toujours forcés et les retours à la terre
natale improbables. CF
Lestés lourdement d’un passé lointain et d’un présent tout
proche, les artistes sont partie prenante, ont des partis
pris et s’engagent. Leurs œuvres s’affichent, subjectifs témoignages, témoignent de l’ici maintenant (guerre civile
du Suriname, séisme en Haïti…) mais aussi du partout et
toujours.
John Lie A Fo > Espace politique
Sur la guerre civile du Suriname, John Lie A Fo produit toute
une série de gravures et de toiles, telle « The fall of lady justice » présentée ici. Les autres productions traitent du coup
d’état militaire et des évènements
qui se sont déroulés à Fort Zeelandia, où l’artiste est d’ailleurs le premier à exposer de l’Afaka. Après
un court exil aux Pays Bas, John
revient vivre en Guyane Française
avec toute sa famille. Lors de la
guerre civile (1986-1992), John,
définitivement installé en Guyane,
John Lie A Fo, (Guyane), Le cri du Maroni (détail),
acrylique sur toile, 122 x 184 cm, 1986
22
est le spectateur impuissant de la guérilla qui ravage son
pays. En 1986, des familles sont massacrées dans le village
de Moïwana, en pays Ndjuka, près de la rivière Cottica. Ce
crime de guerre, dont le jugement se fait toujours attendre,
inspire à John l’une de ses œuvres les plus bouleversantes, le
« Cri du Maroni », qui est considéré par l’artiste comme son
« Guernica personnel ». Entre 1986 et 1989, ce sont plus de
10 000 réfugiés surinamais, principalement des Ndjukas de
Cottica et quelques familles d’amérindiens Kali’na qui viennent s’installer dans l’ouest guyanais. La France leur concède
le statut de « PPDS », personnes provisoirement déplacées
du Suriname, à celui de réfugiés politiques. DR
« les meurtres de décembre » des 7 et 8 décembre au
Suriname. Obsessionnel, le timbre du téléphone martèle
le chiffre 8 comme un balancier d’une horloge déréglée.
Le 8 est aussi le signe de l’infini. CF
Jean-Pierre Triveillot est un contestataire pacifique et actif.
Artiste polyvalent, peintre, sculpteur, il danse. Il fait aussi
de la méditation et pratique le yoga. Vigilant, il maintient
sur son lit de fakir une posture militante d’anti- colonialisme
de veille. Et, plus largement, d’anti-racisme. La dénonciation des dominations, des abus des uns et des autres, des
complicités, des alliances et des indignités qu’il traque à la
pointe de ses pinceaux ou de sa gouge fait partie intégrante
de son système pictural. Il est un écrivain de salut public,
un « Ben de Cayenne ». Ces deux œuvres sont non pas des
textes incitant à une quelconque révolution ou un grand
soir fantasmé, mais un appel à se tenir droit. Ses tableaux
« ardoises » - il faudra bien payer un jour - se résument à
l’inscription. Ils sont tracts. Ecrits à la va-vite, inspirés par
la fougue du tribun, sur des supports improbables, ici un
vieil emballage en carton, là une planche. Qu’importent les
matériaux car seule compte pour lui la transmission de son
appel à dignité, le passage de témoin. CF
Dhiradj Rasmamoendj, Adjie Gilas, 344 mugs
L’incorporation individuelle de l’histoire, de la grande
Histoire en histoire familiale, sa transmutation en souvenirs personnels, est l’œuvre de Dirhadj Rasmamoendj. 344
mugs à l’effigie de sa grand-mère Adjie Gildas racontent la
vie d’une femme engagée forcée dans les plantations. Des
portraits d’elle au pochoir, peints en noir, couleur du deuil,
individualisent et rendent unique chacun des mugs en aluminium50 ; ils répètent à qui veut, l’écho 344 fois prononcé
de l’absence. CF
La série de « Quatre Révoltés », deux hommes et deux femmes, manifeste l’engagement universel vers l’égalité.
Ces quatre bas-reliefs aux silhouettes expressionnistes,
figures d’orants aux cheveux dressés de colère, figures de
soldats aux poings levés, ont leur torse tourné vers le spectateur. Ils font face. Ils sont nus et sans armes. Ils sont
debout. On pourrait presque croire que les femmes dansent
tant elles sont dynamiques et élancées. Elles vont sur la
pointe des pieds. Les hommes plus trapus, la cambrure des
reins très marquée, les muscles sur développés, sont en file
indienne. Ils avancent. Mur de courage auquel les femmes
prennent éminemment part et à part égale avec les hommes. Leçon. CF
En un espace « secret », l’œuvre de Kurt Nahar se présente
comme un travail de résistance, d’engagement, de dénonciation. Très influencé par le dadaïsme, Kurt Nahar crée des univers à partir d’objets de la vie quotidienne avec un minimum
d’intervention de sa part. Ceux-ci rentrent plus facilement
en résonnance avec le spectateur. C’est la finalité de la démarche artistique de Kurt, grand agitateur des consciences
oublieuses. Interpeller, poser problème, interroger, déstabiliser. Les œuvres sont dérangeantes : psychologiquement
et auditivement. Elles sont à subir, entendre au son du glas,
du tocsin ; elles remémorent les événements tragiques,
Ci-dessus - du haut vers le bas, de gauche à droite
Kurt Nahar,
Final countdown installation, 15 x 85 cm, 2010 (détail)
Remember, installation, téléphone et installation sonore, 2012
Fort Bomika, installation, bois brûlé et flotté et téléphone, 85 x 80 cm, 2009
« L’installation Adjie Gildas a été réalisée en hommage à la
grand-mère de l’artiste. Elle consiste en une accumulation
de 344 mugs d’aluminium. Ils étaient, à l’origine, posés régulièrement sur des étagères de bois fixées aux murs d’une
chambre particulière dans la maison de Adjie. Ces mugs
étaient une source de petits revenus car Adjie les louaient
parfois. En 2010, l’installation des 340 mugs a été présentée
pour la première fois lors de l’exposition « Paramaribo SPAN »
grâce au mécénat de la Surinaamse Bank (DSB) ; la grandmère de Dhiradj Rasmamoendj était alors en vie. L’artiste a
souhaité rajouter un nouveau mug à chaque nouvelle année
de la vie d’Adjie. A présent, le nombre des mugs s’élève à
344. Il est définitif. L’œuvre a également été présentée à
l’exposition « Paramaribo Perspectives » (TENT Rotterdam)
aux Pays-Bas en 2011. Cette installation peut être montée
et adaptée dans tout espace selon les contraintes du lieu. »
Readytex Art Galery
23
« La créolisation est la mise en contact de plusieurs cultures ou au moins de plusieurs éléments de cultures
distinctes, dans un endroit du monde, avec pour résultante une donnée nouvelle, totalement imprévisible
par rapport à la somme ou à la simple synthèse de ces éléments.
On prévoirait ce que donnera un métissage, mais non pas une créolisation. Celle-ci et celui-là, dans l’univers
de l’atavique, étaient réputés produire une dilution de l’être, un abâtardissement. Un autre imprévu est que
ce préjugé s’efface lentement, même s’il s’obstine dans des lieux immobiles et barricadés ». Glissant51
Le métissage brésilien est fait de multiples racines : Amérindiens autochtones, Africains, Portugais. Puis, des migrants
du monde entier sont venus se joindre à eux : autres Européens, Asiatiques, Juifs, Arabes… L’habitude de la diversité et la tradition de l’accueil ont créé les conditions d’une
grande ouverture des esprits sur l’altérité et pour les Brésiliens le partage est la première et l’ultime solution. Armando
Queiroz nous offre cette nourriture traditionnelle sur toute
l’aire des Guyane : le couac52. Cinq cuillères sont distribuées
sur le pourtour du bol pour un possible repas commun. CF
TOYS TOL+54 STORY
Armando Queiroz (Brésil), Coletivo (Farinha) – Objeto relacional 1997
Conclusion > Sans-titre
La conclusion « sans titre » laisse le visiteur libre de terminer
à sa guise le parcours. Deux petites chambres se succèdent.
La première est presque vide. Seulement un bol de couac et
cinq cuillères. Du plafond descend un balbutiement, comptine, berceuse fragile, œuvre d’Orlando Maneschy. L’autre
chambre est remplie de figurines, jouets d’enfants retravaillés –réenchantés- par Victorine.
24
La chambre, est tapissée de 157 objets collectés par Patrick
Lacaisse pour Chercheurs d’Art. Elle est peuplée de tous
les souvenirs possibles d’enfants, de tous les visages aimés
ou à aimer, de toutes les couleurs. Ces figurines, peluches
et miniatures d’engins en plastiques, nounours et poupées,
entretiennent des relations de connivences, des similitudes
ou des dissemblances.
Cette grand-mère, à l’âge de 80 ans, a orné pendant plusieurs années des jouets usagés provenant de la grande distribution et témoignages vulgaires de la société de consommation mondialisée. Victorine a utilisé chacun des jouets
patiemment collecté comme support de sa ré inscription
dans la société amérindienne. Elle les a marqués d’une nouvelle identité, une seconde vie, avec des attributs textiles,
les transformant en œuvres kali’na par de nombreux ajouts
envahissants et multicolores « les ornements de franges et
de pompons de laine sont un des éléments importants de la
décoration du costume masculin ou féminin portés lors des
cérémonies ». Cette grand-mère habite avec sa famille dans
la cité ghetto « Zananas » à Mana. Victorine ou comment de
la marge, rentrer dans son milieu. CF
Patrick Lacaisse, cheville ouvrière de l’Association Chercheurs d’art nous raconte sa rencontre avec Victorine et
les jouets :
« D’habitude, les deux compères de la cité Ananas m’apportaient des mangues, des coulans, des œufs, et d’autres jours,
des noix de coco, des papayes. Ce jour-là, au fond du sac, il y
avait quatre peluches habillées, festonnées, pomponnées. Un
zèbre, avec un vêtement crocheté, des colliers de perles torsadés et des pompons ; un bel assortiment jaune, rose, vert.
Une maman zèbre je crois. Il y avait encore, dans le sac, la
poule en plastique qui pond des œufs en sucre, habillée d’un
saya frangé en laine. Rouge, jaune, rose, blanc et vert.
Ils m’ont dit que c’était la grand-mère qui faisait ça, pour
s’amuser. Alors j’ai demandé si elle pouvait m’en faire
d’autres. Ils ont bien ri ! Nous sommes en 2003 et ont suivi
jusqu’à ce jour saki Satan et caïmans, tigres, bèf, chiens,
crabes, chevaux, dragons, canards, crapauds, une termite
(le plus gros de tous), l’opossum, la rainette. Une faune
invraisemblable, recomposée, articulée, interprétée, agencée. Un autre monde, une vision. Victorine François s’est
toujours beaucoup amusée à cet ouvrage. Les petits-enfants, les arrière-petits-enfants sont son premier public, les
pourvoyeurs de jouets, les dénicheurs d’objets. Ils l’accompagnent régulièrement jusqu’à la maison, pour livrer la production. L’émerveillement, les rires à chaque déballage !
Victorine, un père Noël. Il y a eu encore les Père Noël et
les humains : le blanc au nez crochu, la Chinoise, le garçon
chinois, la sorcière, le nain, la femme noire. Des Amérindiens : l’Indien Tchoto du grand sud guyanais, tout rouge,
avec ses petits accrochés dans le dos, la belle Kali’na, le
chaman, l’Indien blanc et son pumali. La poupée Cheyenne
des plaines, Pocahontas n’échappent pas à la transformation, sont ré habillées, maquillées et deviennent des Kali’na.
Les amis Jean-Michel et Katia, ethnologue et conservatrice du musée sont tombés sous le charme et ont réalisé
25
le film « ... Les trucs que grand-mère ». La caméra tournait
entre les mains des enfants. Et puis quand Che55 a monté
« Histoires de Naturels » au Château de Saint Auvent, dans le
Limousin, pour commémorer le tricentenaire de la naissance
de Linné et Buffon, on a bien sûr réservé la meilleure place
à Toys Tol+, la grande salle de réception. On s’est dit qu’il
fallait là aussi kali’naliser les lieux. Les grands rhinocéros
bleus de l’artiste Châtelain, dans le parc, ont été emplumés,
maquillés, festonnés, emperlés... Dans cette expo, qui indiquait comment les peuples d’Amazonie organisent le monde
animal et humain, Victorine se déployait à côté des éminents
naturalistes du XVIIIe siècle.
Les jouets ont retrouvé leur boîte, leurs étiquettes.
Ils viennent de prendre le bateau pour la Martinique.
Bonne traversée, bon arrivée et bon accueil !
Je dois encore raconter ce départ aux îles à Victorine.
Il faudra penser à rapporter des photos.
Merci Victorine ! Patrick Lacaisse pour Chercheurs d’art, Mana, mars 2013
Dhiradj Ramsamoedj, Caribbean Soldier
La dernière œuvre de Pigments I est aussi la première. The
Caribbean Soldier de Dirhadj Rasmamoendj veille et garde
les sorties et les entrées du territoire, d’un possible « Toutmonde » à construire, fragile par essence, entre les appétits
voraces et les appétits « impériaux » et impérieux. La vigilance est nécessaire. Plus que jamais.
« Cette œuvre fait partie de la série « Flexible man » ; grandeur nature, elle est composée essentiellement de morceaux
de textiles56 de toutes les couleurs. Un homme porte une
chaîne avec un boulet. Symbole clair de la diversité culturelle
composant la population du Suriname et des Caraïbes. Le
boulet est une arme renvoyant à notre propre force issue
de la pluralité. La chaîne est le lien qui nous relie à notre
passé. » Readytex Art Galery
Jean-Michel Beaudet53,
Les trucs que grand-mère a faits. Film, 30 min. avec Victorine François, Patrick Lacaisse, Fatima
Singh et Katia Kukawka. Mana, Chercheurs d’art, 2007
< Patrick Lacaisse (Guyane)
La chambre de Victorine, Installation de 157 jouets d’enfants
transformés avec ajouts de pompons et rubans, socles divers et vidéo, 2012
26
Dhiradj Ramsamoedj (Suriname), Caribbean soldier, sculpture,
textiles,180 x 90 x 90 cm, 2010
27
Patrick Pardini (Brésil), Sans titre
Photographies. Série Arborescence, 1999
Symbiose >
Patrick Pardini > Arborescence
Cinq portraits d’arbres et d’hommes entremêlés ont été
sélectionnés dans une très grande série réalisée par Patrick
Pardini. Image de la relation fusionnelle du végétal et de
l’humain, formes homothétiques -on ne sait ce qui est membrures de l’arbre et ce qui est membres des hommes- en une
intégration parfaite et involontaire des spectateurs huchés
dans les branches. Dans le cadre du projet photographique
Arborescence - physionomie du végétal dans le paysage
amazonien-, Patrick Pardini a saisi ces scènes biomorphiques
dans une rue de Belém, alors que les gens attendaient le
passage de la procession Círio59 de Nazaré60,
le deuxième dimanche d’octobre 1999. CF
John ou le messager de la jungle
La Case à Lucie domine la Cuverie ; placée en
haut d’une petite butte. Deux volées d’escaliers y
mènent. Une grande galerie couverte la ceint où
on s’imagine qu’il doit faire bon le soir.
Pigment 2 >
Qualifié de « messager de la jungle » par les
galeristes hollandais, Lie A Fo est,
comme « Lam Métis » ou JeanMichel Basquiat, l’un de ces
artistes dont l’œuvre ne
peut ni se résumer ou se
réduire à sa provenance
géographique, l’Amazonie, ni aux apports évidents du mouvement
« Cobra » puisés dans la
fréquentation des artisJohn Lie A Fo (Guyane)
tes belges et flamands
Fauteuil oiseau, Fauteuil et
deux coussins peints,
lors de sa formation à
80 x 70 x 60 cm
Anvers et La Haye. Sa peinture est puissante, parfois violente, en ce qu’elle est véritablement « habitée » par les
mythologies amérindiennes et noirs marrons. Par les esprits
de la forêt. DR
Fabrice Loval, la grande forêt
Il est en général interdit de toucher aux œuvres dans les
musées, dans les expositions, dans les galeries. On ne s’y
assied pas. On n’a pas le droit d’y poser les pieds. On ne
pose sur les œuvres que le regard et rarement de question.
Fabrice Loval induit, par cette installation tridimensionnelle, une
attitude particulière chez le visiteur. Il le met en situation,
en posture d’éveil et d’éventuelle transgression. Il a posé au
sol deux toiles peintes où marcher, prolongation de la forêt
verticale qui semble s’accrocher à la canopée. Un tabouret,
peint lui aussi, complète l’installation ; proposition à s’assoir
et à prendre le temps, comme on le fait peu, de réfléchir. Il
invite le corps et l’esprit à entrer dans son œuvre de manière
physique. A revisiter les aprioris. A repenser la vision de l’art
et de la nature. A se repenser soi-même. CF
Trois regards devant l’infini des couleurs
Trois photographes naturalistes, Thierry Montford, Tanguy
Deville et Gwenaël Quenette, présentent ici leurs recherches
en « symbiose » avec la biodiversité guyanaise. Le champ de
l’ornithologie (l’étude des oiseaux), de l’entomologie (l’étude
des insectes), de l’herpétologie (l’étude des amphibiens, et
des reptiles) est immense dans la forêt pluviale, les inventaires des espèces sont loin d’y être terminés. L’oeil averti
de photographes professionnels permet d’entrevoir l’univers
multiples et colorés que cache le biotope du plateau des
Guyanes.
Du territoire au lieu
Deux parties (symbiose57 et dysbiose58) orientent
le propos vers un possible dépassement du
territoire vers un lieu commun ; un lieu comme un
bien commun.
29
28
Une Saison en Guyane – Collectif de photographes naturalistes Thierry Montford, Tanguy Deville et Gwenaël Quenette Cayenne, Guyane Symbiose : 3 regards devant l’infini des couleurs Photographie/Diaporama
Robes en Spathe Royenta, fibres de cocotier, palmiers
Patrick Lafrontière > Robes en Spathe Royenta
Ces robes donnent corps à un
travail de plusieurs décennies.
Faites intégralement à partir des
fibres de palmiers royaux61, palmiers les plus hauts du monde,
elles sont une expression végétale à mi-chemin entre stylisme
et art plastique. La féminisation
« sur mesure » du végétal, son
mouvement toujours possible
par le porter du vêtement, apportent une dimension nouvelle
brouillant les pistes. Est-ce
vêtement ou est-ce tableau
animé en trois dimensions. Les
usages traditionnels de la fibre
(cordages, liens) mais aussi des usages en tant que textiles
ont été identifiés en Afrique, en Asie et au Proche Orient.
Compositions d’éléments naturels, les créations sont évolutives. Les couleurs varient avec le temps et le degré d’hygrométrie. Patrick travaille les fibres selon différents procédés.
Aujourd’hui, il les tisse pour en faire de véritables matières
à coudre ensemble les savoirs anciens et ses recherches
contemporaines. Il expérimente tout en prenant en compte
les traditions des tisserands indiens. Il métisse encore ses
créations en composants des mariages avec d’autres fibres
naturelles (lin et soie)62. CF
Évoquer, convoquer, provoquer > le bestiaire, source d’inspiration constante chez les artistes visuels de Guyane.
Chercheurs d’Art (collectifs d’artistes-artisans de bord de route) Mana, Guyane, Bestiaire amazonien,
série de 17 bancs zoomorphes en bois sculpté (sélection),1999-2002
À travers les techniques utilisées pour créer, orner, représenter, les artistes évoquent l’animal le convoquent voir le
provoquent, en faisant un élément artistique central particulièrement important dans toutes les cultures amérindiennes. Il serait vain ici d’énoncer rituels et célébrations
30
élaborés en Amazonie autour de l’entité animale et des
mythes qui s’y rapportent (Descola, Schoepf, Beaudet, van
Velthem). Les pratiques artistiques concernant les seuls arts
visuels permettent une expression variée avec la vannerie et
la plumasserie, le perlage, le dessin et la peinture corporelle,
la céramique, la sculpture sur bois. Sans s’attarder ici sur
les assemblages de pierre des Mitaraka (lézard, tortue) et
les pétroglyphes présents un peu partout en Guyane (nombreuses représentations animales).
L’animal est évoqué quand on donne son nom à des motifs
de vannerie (écailles de tortue, dards de guêpe, huppes de
perdrix, dos de lézard...) ou à des manières de croiser les
fibres (jabot d’oiseau) ; le carbet tatou, est ainsi nommé
pour sa forme. De nombreux motifs de vannerie représentent directement l’animal (chenille, grenouille oiseaux, escargot...), motifs qu’on retrouve avec les rangs de perles sur les
ceintures et bracelets, les colliers, les jupes de cérémonie.
Les ciels de case wayana et teko avec Ti’iwan Kusili Maurel,
développe un registre animalier remarquable. Les potières
amérindiennes, particulièrement les Kali’na, ornent les pots
de motifs animaliers surmodelés, mais surtout produisent,
à la motte ou au colombin, un bestiaire varié, dans l’idée
du pot, pour le simple plaisir de représenter. Les corps des
danseurs, des célébrants vont parfois occuper une animalité
par les peintures et dessins sur la peau, et par les danses
exécutées (danse et chant des grands poissons, danse des
oiseaux,...).
En restant dans une dynamique du mythe, on peut dire que
l’homme va provoquer l’animal et l’oiseau quand il porte les parures de plumes parfois si importantes et si majestueuses !
Ici, le déploiement de bancs zoomorphes monoxyles indique
un animal convoqué par le chaman kali’na, à travers le banc
mule et l’image de l’animal. Cet esprit auxiliaire, sous la forme
du vautour ou du jaguar va aider le praticien à entrer en
contact avec le monde des esprits. C’est assis sur de longs
caïmans que les postulants aux cérémonies de lever de deuil,
vont recevoir les peintures corporelles au premier jour, puis
se faire maquiller et parer au deuxième jour. Dans le bas
Oyapock, les Palikwene taillent d’immenses poissons-scie de
près de 10 m de long pour recevoir les invités aux grandes
cérémonies du turé. Ces dernières décennies, les tailleurs
de bois amérindiens se sont faits rattraper par les artisans
marrons de bords de route qui, dans un premier temps,
ont confectionné de petits bibelots souvenirs dans des bois
tendres pour les touristes, à l’image du tatou, de la tortue,
du caïman. Il y a une vingtaine d’années, avec la vogue des
David Damoison (Paris, Martinique) Sans titre (1 à 13 - sélection) Photographies. Série de portraits d’artistes-artisans et scènes d’atelier de la « Route de l’art », 2012
bois durs et précieux, un bestiaire très inspiré a émergé, taillé
dans le moutouchi, l’amourette, le bois serpent, le wacapou,
l’amarante. Toute la faune amazonienne est apparue, dans
un style dynamique, avec de vraies réussites plastiques.
Alors que la figure animale est généralement absente de
l’art des Marrons qui s’affirme avant tout dans la sculpture
en bas-relief, ces artisans de bords de route, en créant un
marché de l’art dynamique, ont repris à leur compte la taille
en relief d’un bestiaire de belle dimension jusqu’à réaliser
d’imposants bancs zoomorphes, à l’image d’André van Bree
qui fait apparaître en majesté tigres et caïmans dans de
lourds blocs de Saint Martin rouge. Ces talentueux sculpteurs
Nengee réinvestissent les formes d’un bestiaire amérindien
en retrouvant aussi, peut-être sans surprise, une stylistique
africaine. Patrick Lacaisse pour Chercheurs d’art, Mana, mars 2013.
En écho à la profusion des ressources naturelles auquel renvoie le bestiaire amazonien, les photographies de David magnifient les gestes et rendent comptent de l’extraordinaire
diversité des techniques employées (bijoux, céramiques,
corps tresses, ornements, accessoires, céramiques, textiles,
vanneries, forge, peintures, bois, sculpture, calebasses, …).
Il compose au plus près des corps, des visages et des figures
des sujets emportés par le mouvement de la création. On y
voit les « artistes-artisans de bord de route » au cœur d’ateliers eux-mêmes enchâssés dans un environnement forestier
qui apparaît comme une réserve inépuisable de matériaux
et d’inspiration. Leurs échoppes apparaissent comme les
comptoirs, les avant-postes de la luxuriance de la Nature.
David Damoison, photographe parisien d’origine martiniquaise, raconte au gré de ses clichés l’éternel aller-retour
triangulaire des identités créoles entre l’Afrique réinventée,
les nouveaux mondes américains et l’Europe. Dans le cadre
de la 7ème biennale du marronnage de Matoury en 2010, son
« voyage des sens » l’amène pour la première fois à marronner sur les chemins de traverse guyanais. Avec « Chercheurs
d’Art », association engagée depuis 25 ans à Mana, loin dans
l’ouest guyanais, dans la promotion de l’art contemporain par
l’évacuation des classements réducteurs qui enferment les
artistes et leurs œuvres (arts premiers, arts décoratifs, arts
populaires, savants, artisanat, etc...), il travaille à dévoiler
« l’art que cache la forêt ».
Ses treize portraits d’artistes en ateliers témoignent de la
vitalité des pratiques créatives de la « Route de l’art » qui,
dans l’ouest guyanais, le long des routes de Mana, Charvein, Javouhey, Saint-Laurent, Awala-Yalimapo, au cœur des
bourgs, des campoes ou en lisière de forêt concerne plus
d’un millier d’œuvres, 150 à 200 artistes et 60 sites
31
Dysbiose >
Dysbiose, espace entièrement noir, est dédié à la mise en scène de la mise à mort des écosystèmes et des hommes habitants
ces terres.
Biodiversité > en 30 bocaux
Une série de serpents et poissons prélevés lors des travaux d’aménagement du barrage de Petit-Saut (Kourou) par le laboratoire Hydréco, flottent dans le formol.
Jean-Pierre Triveillot >Trophée Tête de cheval
Une tête de cheval faite à partir d’une souche de manguier, dont un oeil est peint et l’autre non. Le côté borgne
est celui où la racine s’est transformée en crâne. Décharnée, creuse, morte. Des racines s’échappent du sommet
de la tête faisant de l’animal un mutant entre cervidé et
équidé. Montée sur un support en forme de blason, la
racine est devenue trophée de chasse.
Trois œuvres brésiliennes viennent clore, provisoirement,
le propos. Deux vidéos et un portrait ; tous les trois nous
regardent fixement.
Luciana Magno, Sans titre, Performance, vidéo, 2012
Armando Queiroz, Ymá Nhandehetama, Antigamente fomos muitos, vidéo, 2009
Orlando Maneschy, In other words, Secret, Performance sonore, 2008
Points d’interrogations.
< Roberta Carvalho (Brésil), Arte e Natureza N°5, Photographie. Série Symbiosis, 2011 installation art vidéo
Pigment 3 >
Dialogues
« Cet espace de rencontre est, pour reprendre une expression de Michel de Certeau, un « lieu pratiqué », c’est-à-dire un lieu
où se déploient des stratégies identitaires. Un espace n’est jamais une donnée ontologique : il existe parce qu’il est dit et
investi. De la même manière, un espace de contact n’est pas un simple lieu de croisements et de rencontres heureuses, mais
un champ de tension où des stratégies et des forces s’affrontent autour d’une frontière physique ou symbolique. C’est donc
un espace relationnel qui met en œuvre des négociations, des stratégies d’appropriation et des postures de résistance. […]
Lieux de conflits, les espaces de contact sont aussi, comme le rappelle Homi Bhabha, des espaces de création, des « entrelieux » de la culture, où se réalisent de nouveaux consensus, de nouvelles pratiques culturelles et de nouvelles identités ».
Laurier Turgeon, Patrimoines métissés63.
Huit bâches de KC + vidéo artistes auto portraits
Portraits d’Amérindiens
32
1 En référence et en hommage à Léon-Gontran Damas, Pigments/préface de Robert Desnos/bois
gravé de Frans Masereel, Paris, G.L.M. Éditeurs, 1937 pour la 1ère édition. Ouvrage saisi et interdit
en 1939 pour atteinte à la sûreté de l’État ; édition définitive, préface de Robert Goffin, dessin
hors-texte de Max Pinchinat, Paris, Présence Africaine, 1962
2 D’après Wikipédia
3 La Fondation Pierre Verger conserve la quasi-intégralité de l’œuvre photographique de Pierre
Verger composée de 62 000 négatifs et de plus de 8 000 tirages. Pierre Verger classait l’ensemble
de ses négatifs selon un ordre géographique (continent - pays - ville - quartier) et parfois thématique
lorsqu’il avait une très grande quantité de photos pour un même lieu (le quartier du Pelourinho par
exemple). http://www.pierreverger.org/fr/photos/apresentacao.htm
4 Seuls les professeurs d’art plastique font aujourd’hui, dans le cadre scolaire, une initiation des
jeunes, et c’est à leur dévouement et à leur compétence que l’on doit l’éveil de nouvelles vocations
5 L’Encadrier à Cayenne, dont il faut saluer le courage.
6 On citera notamment Mama Bobi à Saint-Laurent du Maroni et Apatou et Libi Na Wan à Kourou
7 Tel le pionnier, José Legrand
8 Précurseur, il avait sous l’impulsion de sa directrice Marie-Paule Jean-Louis, acquis une première
collection
9 Appelés à fusionner dans un délai de deux ans en une Collectivité unique
10 Aujourd’hui la plupart, pour vivre, doivent ou bien travailler en Europe, ou bien faire un autre
métier
11 FEADER
12 Action, pour un esclave, de s’évader ; état d’esclave marron (http://www.cnrtl.fr/definition/
marronnage)
13 « Un déséquilibre de la flore colique quantitatif et qualitatif perturbant sa propre physiologie et
celle de l’organisme qui l’héberge. Le terme de dysbiose fait ressortir le conflit entre les métabolismes de ces deux organismes initialement en symbiose » www.labbio.net/docs/fr/dysbiose
14 Il a pour fonction de permettre de regarder derrière soi son passé
15 « Glissant oppose, on le sait, l’archipel au continent, les sociétés du rhizome à celles de la
racine… » Brigitte Dodu, 2011, « Mondialité ou mondialisation ? Le Tout‑monde et le Tout‑empire »,
Les Cahiers du GEPE, N°3, Hors champ. Pour le lire : http://www.cahiersdugepe.fr/index1826.php
16 Léon-Gontran Damas est né à Cayenne, dernier des cinq enfants de Ernest Damas (1866-?),
mulâtre européen-africain, et de Marie Aline (1878-1913), métisse amérindienne-africaine originaire
de Martinique
17 Léon-Gontran Damas, 1956, « Black Label », Gallimard, Paris 18. Publié dans Ethiopiques n°15
19 Dénètem Touam Bona, http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=8499
20 Françoise Grenand, 2012, « Amérindiens … », op.cit. p.70
21 Pour Richard et Sally Price leur renommée est « mondiale » : « les marrons du Surinam et de la
Guyane sont renommés dans le monde entier pour leur sculpture sur bois». Richard et Sally Price,
2003, « Les Marrons, Cultures en Guyane », Vents d’ailleurs, Paris, p. 103
22 « Tembé vient de ten, le temps et de membe, la conscience » selon Mama Bobi
23 « C’est dans la mouvance des idées indépendantistes et anticolonialistes des années 1970
qu’Antoine Aouegui dit Lamoraille, artisan ébéniste et militant syndical fonde le MLB (Mouvement de
Libération Boni […] En 1979, Lamoraille est arrêté pour atteinte à la sûreté de l’État. Il est incarcéré
à la Santé avec quelques camarades activistes soupçonnés de complot terroriste. Amnistié en 1981,
Lamoraille fonde alors plusieurs écoles de Tembé sur le Maroni, et au début des années 1990 le
Centre de Formation Mama Bobi » 24 Abdou Sylla, 1987, « Le parallélisme asymétrique dans l’art africain », Ethiopiques n°46-47, Revue
trimestrielle de culture négro-africaine, Nlle série, vol. 4 »
25 Seuls les hommes ont le droit de fabriquer les tembé
26 Ce discours sur la signification « politico historique » est remis en question. Au Suriname, depuis
les années 1960, les Noirs-marrons revendiquent la reconnaissance de leurs particularismes et identités afin de se libérer, une seconde fois, du regard colonialiste. En effet, le carcan de l’esclave en fuite,
référence passéiste ne correspond plus aux ambitions et aspirations des plus jeunes.
27 Catalogue « Le Ferfi Tembé, une collection d’art contemporain pour l’émancipation : Mawina
Tembé » transmis gracieusement par l’association Mama Bobi en vue de l’exposition Pigments
28 En particulier Sally et Richard Price, « Les Arts des Marrons », Vents d’ailleurs, 2005 (1ère éd.
anglaise, 1999), La Roque d’Antheron
29 Elle a été la première à signer ses œuvres.
30 Mataliwa Kulijaman et Eliane Camargo, 2007, « Kaptëlo, l’origine du ciel de case et du roseau à
flèches chez les Wayanas (Guyanes) », Gadepam, CTHS, p. 20
31 Rituel initiatique au moment de la puberté ; il marque le passage du jeune homme à l’étape adulte
avec entre autres, l’application sur le corps en différents endroits de guêpes et de fourmis, rite
dénommé eputop. Ce rituel renforce l’appartenance de l’individu au groupe
32 Bernabe J., Chamoiseau P., R. Confiant , 1989, « Eloge de la Créolité », Gallimard, Paris
33 Patrick Chamoiseau, 2002, « Ecrire en pays dominé », Gallimard, Paris
34 Rob Peree, Alex Van Spripriaan et Christopher Cozier, 2011, « Marcel Pinas, artist, more than an
artist », Jap Sam Books, Heijningen
35 Entretien de DénitemTouam Bona avec Marcel Pinas, Africultures, www.africultures.com,
31/03/2009
36 Léon-Gontran Damas, 1952 « Grafitti », republié en 1966, « Névralgies », Paris, Présence
Africaine, 1966, p. 77
37 « Ingiwinti » se réfère à une série de rituels dans lesquels le winti - la religion syncrétique
traditionnelle du Suriname, attirant les croyances et les pratiques de plusieurs peuples de l’Afrique
occidentale - adopte et adapte des éléments des peuples amérindiens indigènes. La couleur rouge
est traditionnellement portée par les célébrants de rituels ingiwinti. (http://turcanin.wordpress.
com/2012/05/14/suriname-back-to-the-roots-the-ingiwinti-project/)
38 Réalisé à notre demande
39 « Cette association culturelle a pour objet la promotion et l’encouragement à la créativité,
essentiellement basée sur l’utilisation de matériaux naturels et de récupération, qui permettront
de développer et de présenter les activités du groupe lors de manifestations publiques ou privées.
Natural tribal a pour objectif de refaire découvrir la beauté de l‘art primitif et la richesse de la nature
amazonienne à travers la confection de costumes, maquillages et accessoires divers inspirés des
peuples primitifs océaniens, africains et amériendiens. » http://naturaltribal.objectis.net/
40 Jerry Rene-Corail, 2000, « La clef du temps », Ibis Rouge, Cayenne
41 Patrick Chamoiseau, 2011 «Traces-mémoires du bagne », Jean-Luc de Laguarigue, «Bagnes»
42 Voir à ce sujet le cinéma hollywoodien des années 30 ou la presse brésilienne qui reprend les photographies de Verger en titrant : « la plus primitive de toutes les tribus noires du monde » in Salvador
De Bahia, Diario da Noite, 1er décembre 1948
43 Edition partielle dans l’édition du Diario da Noite, 1er décembre 1948 et dans 50 anos de
fotografia, Salvador, 1982, Corrupio.
44 Un envoyé très spécial ou Too hot to handle, USA, MGM, 1938, 105 minutes, superproduction
réalisé par Jack Conway, avec Clark Gable et Myrna Loy.
45 Richard Price, « Pierre Verger, Un pont au-dessus de l’Atlantique », préface, catalogue d’exposition, 22 avril-10 mai 2009
46 Paul Gilroy,2003, « L’Atlantique Noir. Modernité et double conscience », Kargo, 333 p. [1993,
The Black Atlantic. Modernity and double consciousness, Cambridge Harvard University Press]
48 Toutes les notices qui suivent ont été rédigées par Readytex Art Galery
49 Maurice Rupert Bishop, (29 mai 1944 – 19 octobre 1983), leader révolutionnaire grenadin, a été
premier ministre de l’île entre 1979 et 1983.
50 « Une bourgeoisie d’affaires, née après la Seconde Guerre mondiale grâce à l’afflux de capitaux
étrangers, domine l’économie du Suriname. Celle-ci repose essentiellement sur l’exploitation de la
bauxite, qui représente en effet 80 % des exportations et 20 % du produit intérieur brut (PIB). »
(http://www.larousse.fr/encyclopedie/pays/Suriname/145552)
51 Edouard Glissant, 1997, « Traité du Tout-Monde », Gallimard, Paris
52 Semoule ou farine fabriquée à partir de la racine de manioc. En Guyane, le manioc a longtemps
constitué la base de l’alimentation, et cela est encore vrai dans les zones rurales (communautés
amérindiennes, marronnes, créoles et haïtienes) reposant sur les productions de l’abattis. On le
trouve sur les marchés sous forme de tubercules pour les variétés douces appelées ici en créole puis
français kramangnok (cramanioc), et sous forme transformée (kwak ; couac, kasav cassave, sispa,
tapioca, crabio, « pains de pulpe de manioc ») pour les variétés amères (Wikipédia)
53 Membre du CREM (Centre de Recherche en Ethnomusicologie) du CNRS, il enseigne depuis 1988
l’ethnomusicologie générale et de l’ethnologie de la danse à l’université de Nanterre ; il a enseigné à
l’Université fédérale du Minas Gerais (Brésil) en 2002 et 2003
54 Toys Tol+ signifie littéralement récits de jouets. Les « toli neti » renvoient aux veillées contées
chez les Surinamais
55 Che pour Association Chercheurs d’Art
56 Divers morceaux de tissu, africains, asiatiques, américains et européens.
57 La symbiose est une association intime et durable entre deux organismes hétérospécifiques
(appartenant à des espèces différentes), et parfois plus de deux. Les organismes sont qualifiés de
symbiotes, ou, plus rarement symbiontes (par utilisation de la traduction de symbiote en Anglais) ;
on peut parler plus simplement d’hôtes. Aujourd’hui, la notion de symbiose est restreinte aux associations à bénéfice mutuel (d’après la définition de Pierre-Joseph van Beneden sur le mutualisme en
1875) et, dans son sens strict, de type obligatoire, les symbiotes ne pouvant survivre séparément ;
la notion de « parasitisme » est donc exclue du terme symbiose. (Wikipédia)
58 Antonyme de symbiose, utilisé en médecine et plus particulièrement en gastrologie
59 L’histoire raconte qu’au début du 18ème siècle, Placido José de Souza, un habitant de la
périphérie de Belém, la grande cité amazonienne, trouve une statue de Notre Dame de Nazareth
(Nazaré en Portugais) près de la rivière Murucutu. Il l’emporte chez lui, mais le lendemain matin, la
statue a disparu. Elle est retournée au bord de la rivière. La scène se reproduit inlassablement jusqu’à
ce que Josè entreprenne de bâtir une chapelle sur le lieu où se trouvait la statue. En 1793 a lieu la
première procession, de la basilique au palais du gouvernement, pour la célébration d’une messe. Les
croyants portent des cierges en cire (cirio). La basilique se trouvait jadis dans la forêt, maintenant
elle est au cœur de la ville (Belém) qui s’est développée autour. http://www.mariedenazareth.
com/10888.0.html?&L=0
60 Notre-Dame de Nazareth est la patronne de l’État du Pará, elle est aussi la patronne des navigateurs.
61 Sur la place des Palmistes, au cœur de Cayenne, il y a des palmiers royaux. Patrick y trouve ses
matières premières comme sur le site de Régina
62 Pour un commentaire complet voir http://www.une-saison-en-guyane.comfocus-sur-patrick-lafrontiere-spat-ou-l%E2%80%99expression-vegetale/
Catalogue publié par la Fondation Clément
à l’occasion de l’exposition Guyanes > Pigments
du 29 mars au 12 mai 2013
www.fondation-clement.org
www.facebook.com/fondationclement
Habitation Clément
Le François - Martinique
Tél. : 05 96 54 75 51
isbn : 978-2-919649-07-5
Conception graphique : studio Hexode - Texte couverture d’après Wikipédia.org
Fondation d’entreprise de GBH, la Fondation Clément mène des actions de mécénat
en faveur des arts et du patrimoine culturel dans la Caraïbe.
Elle soutient la création contemporaine avec l’organisation d’expositions à
l’Habitation Clément, la constitution d’une collection d’œuvres représentatives de
la création caribéenne des dernières décennies et la co-édition de monographies sur
les artistes martiniquais. Elle gère aussi d’importantes collections documentaires
réunissant des archives privées, une bibliothèque sur l’histoire de la Caraïbe et
des fonds iconographiques. Enfin, elle contribue à la protection du patrimoine
créole avec la mise en valeur de l’architecture traditionnelle.

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