Commission d`accueil des enfants étrangers

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Commission d`accueil des enfants étrangers
Le Children’s Overseas Reception Board (Commission d’accueil des enfants étrangers)
Patrick Stewart
Enfants britanniques débarquant à Montréal, le 7 juillet 1940 (Archives nationales du Canada, PA-142400)
On a beaucoup parlé et écrit au sujet des nombreuses collectivités et peuples qui sont
passés par le Quai 21 pendant ses 43 années d’activités. Plus d’un million et demi de
personnes sont entrées au Canada par ce bâtiment pendant ces années et plusieurs d’entre
elles nous ont finalement raconté leur témoignage. Cependant, certains groupes ont été
beaucoup moins entendus au fil des ans. Plusieurs de ces témoignages négligés d’immigrants
du 20e siècle proviennent d’enfants qui ont immigré ici par dizaines et centaines de milliers.
Une centaine de milliers de « Home Children » (enfants d’ici) ont été envoyés par des
philanthropes afin de leur éviter les conditions de l’Angleterre industrielle et quelque 3 500
ont été envoyés à l’étranger au début de la Deuxième Guerre mondiale afin de fuir les
bombes nazies tant redoutées. De même, 22 000 autres sont arrivés au Canada après la guerre
avec leur mère épouse de guerre et leur père soldat et d’innombrables autres sont arrivés avec
les familles d’immigrants au fil des ans. Voici l’histoire des enfants déplacés avant et pendant
la Deuxième Guerre mondiale.
L’idée qui soutenait le Children’s Overseas Reception Board, ou CORB, a pris
naissance pendant les années qui ont précédé la Deuxième Guerre mondiale. La Grande
Guerre avait appris aux Britanniques que les guerres à venir pourraient impliquer
d’importants raids aériens et une grande dévastation. Dès 1924, Londres commençait à
discuter des moyens d’évacuer les parties les plus densément peuplées de son territoire en cas
de guerre avec l’Allemagne1. À l’origine, le plan prévoyait l’évacuation de la population vers
l’extrémité nord de la Grande-Bretagne, mais l’apparition de bombardiers à longue portée a
fait en sorte que cette solution ne convenait plus.
1
Fethney, Michael, The Absurd and the Brave: CORB – the True Account of the British Government’s World War II
Evacuation of Children Overseas (Lewes: The Book Guild, 2000), p. 22.
Les citoyens britanniques ont alors étudié les possibilités d’évacuation outremer. En 1939,
Evelyn Mitchell, une résidente de South Rhodes, a conçu l’idée d’un programme de
déplacement officiel destiné aux enfants2. Environ à la même période, les Canadiens et les
Canadiennes appuyaient l’idée d’un déplacement des enfants. Cependant, le gouvernement
britannique se confondait en débats à savoir si un tel déplacement était réalisable,
politiquement ou techniquement, ce qui fit que peu bénéficièrent du programme
gouvernemental de déplacement avant le début de la guerre. Par contre, plusieurs
déplacements privés ont été organisés et jusqu’à 13 500 enfants avaient été envoyés à
l’étranger en 19403. Devant le désir évident de déplacement et la menace d’invasion constante
qui ont suivi l’invasion de la France par les Allemands, le gouvernement britannique a
formellement appuyé le programme de déplacement en juin 1940 à l’invitation du Canada, de
l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et de l’Afrique du Sud4.
À la fin juin, le gouvernement britannique a commencé à accepter les demandes des
parents qui désiraient faire déplacer leurs enfants. Les bureaux ont dû fermer après deux
semaines en raison du grand volume de demandes5. En tout, 211 448 demandes sont arrivées
pendant ces quelques jours6. De toute évidence, la marine marchande déjà surtaxée ne pouvait
traiter ce volume de réfugiés potentiels; en plus du fait que le matériel de guerre devait être
transporté jusqu’en Grande-Bretagne, quelque soixante navires marchands étaient coulés
chaque mois par les sous-marins allemands7. Un processus de sélection contraignant,
combiné au simple manque de places, a grandement limité le nombre d’enfants capables de
partir à l’étranger. Les parents recevaient un formulaire d’apparence officielle les avisant que
leurs enfants (« votre enfant (ou vos enfants) a (ou ont) été choisi(s) … »)8 avaient réussi le
processus de sélection et les mettant en garde de ne pas le mentionner, tout en dressant la liste
des choses à préparer et en indiquant le moment du départ. C’était finalement une
demi-mesure, mais les choses finissaient pas se faire. Le dimanche 21 juillet 1940, le navire
Anselm quitta Liverpool avec 82 enfants déplacés à son bord9. Le CORB était lancé.
La vie à bord des navires de déplacement était définitivement une aventure pour les
enfants qui pour la plupart avaient passé leur vie entière dans de grandes villes. En plus de
l’aventure que représentait le périple lui-même, les conditions à bord des navires étaient elles
aussi tout un choc. Au début de la guerre, les convois alliés étaient assez mal défendus et
celui dont faisait partie l’Anselm ne l’était pas du tout ! Au moment où les attaques sont
éventuellement survenues, l’anxiété et l’ennui des exercices fut remplacé par la terreur de
voir le navire voisin exploser par une torpille. Le mal de mer était probablement ce dont les
enfants se sont le plus plaint; un jeune déplacé a dit : « Tout donnait le mal de mer. J’ai
mangé une demi-pomme en huit jours. » Un autre mentionne avoir passé le plus clair des
quatre semaines à bord du Ruahine penché au-dessus du bastingage10.
2
Ibid, p.24
3
Ibid, p.27-28.
4
Ibid, p.31.
5
Calder, Angus, The People’s War: Britain 1939-1945 (London: Trinity Press, 1986), p. 128-129.
6
Fethney, p.301.
7
Ambrose, Stephen E. and C. L. Sulzberger, American Heritage New History of World War II (New York: Penguin
Viking, 1997), p. 167.
8
Fethney, p.62.
9
Ibid, p.60.
10
Ibid, p.98-101.
La plupart des enfants sont arrivés dans leur famille d’accueil non sans incident, mais
au moins en sécurité. Certains n’ont pas eu cette chance, par contre. Un soir du mois d’août
1940, un convoi de trente-quatre navires marchands escorté par un seul destroyer comptait le
Volendam et le Rangitata, ayant à leur bord en tout plus de 400 enfants. À 23h, le Volendam
fut torpillé par le sous-marin U-60. Miraculeusement, il n’y eut aucun mort et seulement
quelques blessés au cours de cette attaque et tous les enfants furent évacués vers d’autres
navires du convoi. Les enfants retournèrent à Glasgow sans autre incident11. Ceux-là eurent de
la chance. À peine quelques semaines plus tard, le 17 septembre 1940, le City of Benares,
avec 90 enfants déplacés et quelques centaines d’autres passagers et membres d’équipage à
son bord, fut torpillé à six cent milles des côtes12. Seuls 13 des 90 enfants survécurent.
L’impact de la torpille sur le City of Benares sonna le glas du programme CORB.
La tragédie du Benares fut un fiasco à plusieurs chapitres et le tout finit par avoir un
impact sur l’opinion publique britannique. Le convoi n’était pas protégé; le Benares se
trouvait à l’endroit le plus vulnérable de la formation; le convoi croisait en ligne droite et ne
tentait pas de zigzaguer afin de dérouter les sous-marins; la liste des griefs était
interminable13. L’outrage semblait viser autant les Allemands que les Britanniques et une
série d’enquêtes et de commissions blâmèrent autant l’Amirauté que le gouvernement
britannique pour leur gestion de la situation. Les enfants commencèrent à être extraits des
convois se préparant à lever l’ancre, bien que deux autres navires aient quitté l’Angleterre
avec des enfants du CORB à bord au cours des quatre jours suivants. L’un deux est parti
avant que la nouvelle de l’attaque ne devienne publique et le deuxième, le Nova Scotia, avec
29 enfants à son bord, partit du quai le 21 septembre. Bien que son convoi fut aussi attaqué
par les sous-marins ennemis qui coulèrent cinq navires, le Nova Scotia et ses enfants
passagers arrivèrent au Quai 21 sains et saufs. Ce fut le dernier passage d’enfants du CORB à
quitter la Grande-Bretagne pendant la guerre14.
En raison de la « nouvelle horrifiante mais prévisible » de la disparition du City of
Benares, le programme CORB fut brusquement interrompu15. Le programme lui-même vit sa
taille réduite; 19 navires emportèrent 3 127 enfants qui se sont, pour la plus grande part,
rendus dans leur famille d’accueil du Canada, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, de
l’Afrique du Sud et des États-Unis16. La plus grande part de ces enfants sont arrivés au
Canada, notamment par le Quai 21. Bien que les enfants du CORB furent moins nombreux
que les Home Children de la fin du 19e siècle ou encore que les enfants des épouses de guerre
à la fin de la guerre, leur histoire est néanmoins bonne à connaître avec ses accents de
tragédie et d’espoir.
11
Ibid, p.126-130.
12
Ibid, p.135.
13
Ibid, p.148.
14
Ibid, p.156.
15
Calder, p.29.
16
Fethney, p.304.

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