La méditation taoïste Ch`an

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La méditation taoïste Ch`an
Jean-Pierre Krasensky
La méditation
taoïste Ch’an
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Introduction
Le Tao est comme un bol vide,
Qu’aucun usage ne saurait remplir,
Insondable, il semble l’origine des dix mille êtres.
Lao Tseu
P
armi les nombreuses techniques de santé et de vitalité et la
recherche de cette fameuse immortalité que nous offre le taoïsme,
les méthodes de méditation tiennent une place très importante
sur la Voie du Tao. Nous nous proposons donc dans cet ouvrage de faire
un tour d’horizon, non exhaustif, des principales techniques de méditation que nous offre le canon taoïste (Tao Tsang 道章). Les méthodes
taoïstes des origines ont avec le temps subi une forte imprégnation
bouddhiste avec la création de l’école du Ch’an 1 (禅) par Bodhidharma
aux environs du vie siècle. D’ailleurs, Ch’an en chinois signifie « méditation », cette appellation vient du sanskrit dhyãna qui se traduit également par méditation. L’école Ch’an donnera naissance à l’école zen
japonaise, école où la méditation tient une place importante.
1. Prononcer « Tch’an ».
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La méditation taoïste Ch’an
— Bodhidharma, premier patriarche du Ch’an en Chine —
Comprendre le Tao est chose facile en soi, expliquer ce qu’est le
Tao est beaucoup plus difficile car comment expliquer par des mots
quelque chose qui n’est pas tangible en soi-même ? D’ailleurs Lao Tseu
lui-même, le premier Maître du Tao, ne dit-il pas que « celui qui peut
expliquer le Tao ne connaît pas le Tao ». Il est donc impossible d’enseigner le Tao comme on enseigne les mathématiques, la géographie,
l’histoire ou encore la cuisine. Par contre, quand je dis que comprendre
le Tao est chose facile en soi, j’emploie les termes justes puisque le
Tao est en nous ; alors pourquoi aller chercher ailleurs, en dehors de
nous-mêmes, ce que nous possédons à l’intérieur ? Le seul moyen de
bien appréhender le Tao est de faire retraite en soi-même, et pour ce
faire de pratiquer la méditation. Les taoïstes l’avaient bien compris et
ils furent confortés dans leur jugement lorsque le bouddhisme fit son
apparition en Chine. En effet, la réalisation du Tao est aux taoïstes ce
que l’éveil fut à Bouddha, le dharma des bouddhistes est ce que la Voie
est aux taoïstes.
Il n’est donc pas étonnant que l’école du Ch’an réunisse les deux
doctrines en une.
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Introduction
禅
Ch’an
« méditation »
À gauche :
礻 équivalent de 示, Shi, la clé * 113 qui signifie « vénérer ».
À droite :
甲, Jia qui signifie « de premier ordre » et qui est aussi le premier
des Dix Troncs célestes. 甲 dérive de 田, Tian, la clé 102 qui
signifie « champ » ;
一 Yi, la 1re clé, « Un » (situé en dessous de Jia) ;
灬 équivalent de 火, la clé 86 qui signifie Huo, le feu (céleste),
au-dessus.
* Les idéogrammes chinois sont composés d’éléments de base appelés « clés »,
il existe ainsi 274 clés qui permettent d’interpréter ces idéogrammes.
On peut donc interpréter Ch’an, la méditation, comme étant la
vénération du feu céleste, le champ de l’Unité primordiale.
Nous possédons pour notre part une filiation de cette école Ch’an
qui est à la base d’une partie de ce que nous enseignons au sein de
l’Institut taoïste, principalement en matière de connaissance du Tao.
Il faut signaler que la filiation Ch’an que nous possédons a été aussi
influencée par les enseignements du tantrisme, comme d’ailleurs
beaucoup d’écoles Ch’an, notamment le courant du Sud, le courant
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de l’Est et le courant de l’Ouest 2. Il faut savoir que le tantrisme fut
lui-même influencé, à son origine, par le courant du Xing Dao chinois
ou tantrisme chinois. En effet, on retrouve dans les enseignements
tantristes anciens la mention : « Selon les enseignements qui nous
viennent de la Grande Chine. » Tout laisse donc à penser que le Xing Dao
chinois était antérieur au tantrisme indien.
Bien entendu, cet enseignement que nous donnons dans ces pages
reste de simples bases de méditation qui permettent l’accès sur la
Voie, mais celui dirigé par un Maître reste nécessaire à l’accomplissement de cette Voie. En effet, les mots ne peuvent pas transmettre la
totalité de cet enseignement, seule la transmission orale a toujours été
nécessaire de tout temps et le restera toujours. Seul un Maître pourra
par son expérience et ses conseils mener l’élève à ce que l’on nomme
l’illumination, l’immortalité, l’éveil, la réalisation suprême du Tao en
fonction que l’on soit taoïste, bouddhiste, tantriste ou autre.
Mais comme il y a un début en tout, cet ouvrage ouvrira, nous
l’espérons, les portes du chemin à tous ceux qui veulent emprunter
celui de la connaissance du Tao.
Nous souhaitons bon courage et bonne quête aux lecteurs qui mettront en pratique les enseignements de ce livre. Et nous restons à leur
entière disposition pour les y aider.
Jean-Pierre Krasensky
De la méditation naît la sagesse.
(Adage bouddhiste, vie siècle av. J.-C.)
2. Il existe en Chine cinq courants de cette école, correspondant aux Cinq Directions :
celui du Nord, celui du Sud, celui de l’Est, celui de l’Ouest et celui du Centre.
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Première partie
LES BASES
DE LA MÉDITATION TAOÏSTE
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Les bases pour bien méditer
A
vant de se lancer dans la méditation, il est important de bien
en assimiler les bases indispensables, tant sur le plan physique
que sur le plan psychique.
Les conditions de base de la méditation
Pour parvenir à un état de méditation adéquat, certaines des conditions préliminaires doivent être réunies.
Le lieu doit être favorable
Si l’on médite en intérieur, la pièce doit être calme, sans bruit qui
risque de déranger le méditant. Il est conseillé de débrancher le téléphone, de couper la radio et la télévision, d’éviter les heures où il y a
beaucoup de bruit dans l’immeuble, beaucoup de passage dans la rue,
etc. La pièce doit être bien aérée afin de pouvoir respirer un air le
plus pur possible et non confiné. La chaleur de la pièce doit être suffisante pour ne pas avoir froid compte tenu de l’immobilité prolongée
nécessaire à la méditation. Par contre, elle ne doit pas être surchauffée
pour ne pas transpirer et ne pas méditer dans une atmosphère suffocante. De même, le taux d’humidité de la pièce doit être modéré,
pas trop d’humidité ni trop de sécheresse. Pour éviter la sécheresse
de l’atmosphère due au chauffage, équipez vos radiateurs d’humidificateurs. L’été, quand la chaleur est importante, disposez dans la pièce
des récipients remplis d’eau, vases par exemple. L’énergie du local doit
être favorable, c’est-à-dire non perturbée par des énergies négatives
comme des champs magnétiques défavorables tels qu’écran de télévision, ordinateur, présence d’un four électrique ou à micro-ondes en
fonctionnement, etc. Il faut éviter de méditer trop près d’un radiateur
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électrique, d’un radioréveil, d’un magnétoscope branché, d’une ligne
électrique. Il est alors conseillé de s’installer au milieu de la pièce pour
éviter d’être trop près d’un de ces éléments perturbateurs.
Si vous méditez à l’extérieur, choisissez un endroit calme, loin des
perturbations urbaines, loin du bruit. Les grands Maîtres Ch’an savent
atteindre un tel degré de vide intérieur qu’ils sont capables de méditer
n’importe où, même là où le vacarme domine, sans être dérangé le
moins du monde, par n’importe quel temps, soleil, pluie, neige, glace,
etc. Mais la majorité des adeptes de la méditation ne sont pas capables,
à l’image des grands Maîtres, d’atteindre l’état de vacuité permettant
de méditer au milieu du brouhaha. Aussi reste-t-il préférable de s’installer dans le calme. L’atmosphère du lieu doit être favorable. C’est
pourquoi il faut trouver un endroit dans lequel l’équilibre des Cinq Éléments soit bon. Un lieu où il y a de la végétation (Bois), arbres, verdure,
fleurs, haies, où il y a du soleil et de l’ombre (équilibre du Feu et de la
lumière), où il y a de l’Eau, près d’un cours d’eau, d’un lac ou au bord
de la mer, où il y a de l’air (Métal), mais pas de vent fort ni de courant
d’air, où il y a un minimum de relief (Terre). Faites attention qu’il ne
fasse pas trop froid, ni trop chaud ou trop humide, car ces conditions
sont souvent perturbatrices pour méditer. Couvrez-vous suffisamment
pour ne pas avoir froid ; ou au contraire suffisamment découvert pour
ne pas avoir trop chaud en cas de grosse chaleur et laisser la peau
respirer à l’air libre. Certains adeptes méditent nus, lorsque le temps
et le lieu le permettent, pour mieux communiquer avec l’énergie de
l’Univers par tous les pores de la peau et afin de fortifier le Jing, l’énergie originelle. Certains grands Maîtres arrivent à un tel contrôle d’euxmêmes qu’ils sont capables de méditer nus dans la neige pendant des
heures. Il n’est bien sûr pas conseillé d’en faire autant.
La tenue vestimentaire ne doit pas entraver le corps
Portez des vêtements larges et amples qui ne serrent pas le corps.
Évitez les vêtements avec des élastiques trop forts. Ne portez pas de
vêtements qui compriment tout ou partie du corps. Les femmes éviteront de porter une gaine, un soutien-gorge trop serré. Le mieux est de
se munir d’un kimono ou d’un pyjama de Qi Gong ou de Kung Fu sous
lequel on ne portera rien.
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I — Les bases de la méditation
L’esprit du méditant doit être dans des conditions favorables
L’esprit doit être calme et non perturbé. Il est inutile d’essayer de
méditer si votre esprit est perturbé par des soucis importants qui
sont ruminés sans arrêt par le mental « pollué ». Dans ce cas, les pensées galopantes envahissent l’esprit, empêchant d’atteindre le calme
mental que nécessite la méditation. Abandonnez toutes pensées
qui concernent vos activités quotidiennes, travail, affaires, projets,
finances, etc. Faites auparavant le vide de toutes pensées parasites.
Évitez d’être sous l’emprise de vos désirs, de toutes distractions surgissant de l’esprit, de toutes pensées discursives. Ne méditez pas lorsque
vous êtes sous l’emprise de peurs, de craintes récentes, laissez-les se
dissoudre auparavant.
La posture de méditation
Il est important pour le débutant de bien veiller à sa posture pendant
la séance, car toute la réussite d’une bonne méditation en dépend.
Lorsque l’on médite, l’énergie vitale circule dans le corps. Cette circulation doit se faire sans entraves ni contraintes, c’est la raison pour
laquelle la posture doit être stable et parfaite. La respiration doit aussi
se faire dans le calme et sans obstacles, alors l’air subtil se propage
dans le corps et stabilise l’esprit.
L’assise
Pour que la posture soit stable, il est nécessaire d’avoir une bonne
assise de base. Pour cela, il est recommandé d’adopter la position assise
en tailleur. Certains préconisent la position assise en lotus (chaque pied
étant posé sur la cuisse opposée) ou en demi-lotus (un seul pied repose
sur la cuisse opposée).
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La méditation taoïste Ch’an
Les taoïstes en ce domaine ne sont pas aussi rigoureux que les Hindous pour qui la position en lotus est nécessaire à une bonne méditation. Pour les taoïstes, l’assise en tailleur peut suffire. Par contre, la
position des jambes doit être respectée pour une bonne circulation
de l’énergie qui n’a pas le même sens pour les hommes et pour les
femmes. Les hommes mettront la jambe gauche devant la jambe
droite, le talon droit sera placé au niveau du Hui Yin (« Réunion des
Yin », 会引) c’est-à-dire au périnée. Les femmes mettront la jambe
droite devant la jambe gauche, le talon gauche sera également placé
au niveau du Hui Yin. Pourquoi cette position inversée chez l’homme
et chez la femme ? Tout simplement pour respecter la qualité de l’énergie essentielle de l’homme et de la femme. L’homme est d’essence
Yang, représentée par la partie gauche du corps. Mais il a en lui un peu
d’essence Yin représentée par la partie droite du corps. La jambe
gauche Yang doit de ce fait être à l’extérieur et la jambe droite Yin à
l’intérieur, afin de respecter l’essence même de la virilité spirituelle
masculine. La femme est d’essence Yin, représentée par la partie
droite du corps. Mais elle a en elle un peu d’essence Yang représentée
par la partie gauche du corps. La jambe droite Yin doit de ce fait être
à l’extérieur et la jambe gauche Yang à l’intérieur, ceci pour respecter
l’essence même de la spiritualité féminine matricielle. Ainsi sont respectés les deux composants Yang et Yin du Tai-Ji ([).
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I — Les bases de la méditation
L’emploi d’un coussin de méditation est fortement recommandé.
Ainsi, le bassin se trouve plus élevé que les jambes, ce qui facilite leur
positionnement sans contraintes musculaires et articulaires. Il existe
différentes sortes de coussins de méditation, plus ou moins épais, de
forme ronde, carrée ou même en demi-lune. C’est à chacun de voir ce
qui lui convient le mieux. À la limite, on peut utiliser un simple coussin
de salon ou même un oreiller, pourvu que l’on y soit bien installé. Le
coussin, en surélevant le bassin, permet de bien positionner le rachis,
ce qui est important pour une bonne méditation.
Certaines personnes peuvent avoir des difficultés à se mettre en position assise en tailleur. Il est possible dans ce cas de méditer assis sur
une chaise ou un tabouret. Pour ce faire, il faut s’asseoir sur le bord de la
chaise, les deux pieds bien à plat sur le sol, les jambes formant un angle
droit avec les cuisses. Le dos ne doit pas être appuyé sur le dossier.
La colonne vertébrale
La colonne vertébrale doit être droite. En effet, cette structure vertébrale est le support du Canal Central (Chrong Mo, 中脉) où circule
l’énergie vitale, c’est-à-dire le support de l’Orbite microcosmique composée du Canal Gouverneur en arrière, par lequel monte l’énergie, et
du Canal Conception en avant, par où redescend l’énergie. La bonne
circulation de l’énergie dans le Canal Central est nécessaire à la stabilisation du corps et de l’esprit.
Le menton est
rentré dans le cou
et le dos
parfaitement droit.
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La méditation taoïste Ch’an
Si la colonne vertébrale est penchée à droite ou à gauche, trop en
avant ou trop en arrière, la circulation du Qi vital est entravée et perturbe la méditation. La colonne vertébrale est l’axe qui relie l’énergie
de la terre et l’énergie céleste, c’est pourquoi on la nomme « arbre de
vie ». Or, au cours de la méditation, il doit y avoir accord parfait entre
la terre (le corps) et le ciel (l’esprit).
Attention toutefois, droit ne veut pas dire rigide. Inutile donc de
contracter tous les muscles rachidiens pour maintenir la verticalité,
sinon il y a risque de fatigue musculaire et de douleur au bout de
quelques minutes de méditation. La colonne vertébrale doit être droite
mais souple. Seule une tension musculaire minimale au maintien de la
posture est nécessaire.
Le périnée (Hui Yin) et le sommet du crâne (Bai Hui) doivent se trouver sur une même verticale. Le menton doit être légèrement rentré
dans le cou.
La position assise en tailleur, étudiée précédemment, représente la
base terrestre, féminine, la matrice, le yoni de Shakti des tantristes, la
mère, la coupe dans laquelle se dresse l’axe vital. La colonne vertébrale
représente le membre viril, le linga de Shiva des tantristes qui s’élève
vers le ciel, le père, l’esprit vers lequel on dirige notre méditation. La
stabilité de l’assise et la verticalité de la colonne vertébrale doivent
donc être bien contrôlées pour une bonne union du corps et de l’esprit.
Les mains et les bras
Différentes positions des mains peuvent être adoptées pour la
méditation, mais elles doivent toujours être en position dite d’égalité,
c’est-à-dire au même niveau. Si l’une des mains est posée sur le genou,
l’autre main doit avoir la même position sur l’autre genou.
Dans la position la plus simple, les mains sont posées sur les genoux,
paumes contre ceux-ci.
Dans la position purement taoïste, les mains sont posées sur les
genoux paumes tournées vers le ciel pour capter l’énergie céleste par
le Lao Gong (centre de la paume). Le pouce et l’index sont mis en opposition pulpe contre pulpe afin de faire une boucle énergétique entre le
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I — Les bases de la méditation
Méridien des Poumons responsable de la respiration et celui du Maître
du Cœur qui régule le cœur responsable du calme de l’esprit.
Dans la position bouddhiste, les deux mains sont posées l’une sur
l’autre devant le pubis, paumes tournées vers le ciel, main droite sur
la gauche, les deux pouces formant un arc de cercle fermé au-dessus.
Les bras forment quant à eux un arc de cercle de chaque côté du
corps, sans tensions, sans raideur, les épaules souples et tombantes.
La tête et le visage
La tête doit rester droite, dans le prolongement de la colonne vertébrale ; le Bai Hui, le sommet du crâne, dressé vers le ciel. Il ne faut
pas baisser la tête vers l’avant, pas plus que la redresser exagérément
en la penchant vers l’arrière. Les muscles faciaux doivent être bien
détendus, les mâchoires décontractées. La mâchoire inférieure tombe
légèrement vers là-bas, entrouvrant légèrement la bouche.
Les lèvres sont détendues. La langue est placée pointe contre le
palais. Les yeux doivent rester absolument immobiles, car tout mouvement des yeux entraîne un mouvement de l’esprit. Le regard doit
être placé dans le prolongement du bout du nez, ou tourné vers le
troisième œil pour les pratiquants les plus avancés en méditation. Au
début, on peut garder les yeux clos pour faciliter le vide en soi. Mais les
adeptes taoïstes habitués à méditer gardent les paupières très légèrement ouvertes pour laisser passer un léger rayon de lumière. Car pour
ces adeptes, il y a toujours un peu de Yang dans le Yin, donc un peu
de lumière dans l’obscurité. Sachant que cette obscurité créée sera la
mère de la lumière intérieure incréée au fur et à mesure de l’obtention
de la profondeur méditative. De plus, certains Maîtres taoïstes disent
que si l’on garde les yeux complètement clos, on enferme en soi nos
Nei Gui 3, nos fantômes intérieurs, qui risquent de perturber le calme
mental.
Comment s’installer avant de commencer à méditer
Il faut s’asseoir sur le coussin de façon à bien installer confortablement et de manière stable ses fessiers. Au besoin remuer en tous sens
3. Prononcer « Nei Koué ».
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les fesses de façon à trouver la bonne assise sur le coussin. Redresser
la colonne vertébrale pour la positionner bien droite, rentrer le menton
dans le cou. Se pencher un peu en avant, en arrière, un peu à droite, un
peu à gauche pour trouver le bon axe vertical médian. Puis positionner les mains et les bras dans la tenue adéquate pour la méditation.
Quand on a trouvé la bonne position, il y a un minimum de muscles en
tension, juste ce qu’il faut pour maintenir la posture sans fatigue, ceci
évitera les crampes et les douleurs musculaires et articulaires.
Les huit consciences
Les taoïstes considèrent que l’esprit est doté de huit consciences,
cinq consciences sensorielles et trois consciences mentales.
Les cinq consciences sensorielles sont :
°  la conscience sensorielle ;
°  la conscience visuelle ;
°  la conscience auditive ;
°  la conscience olfactive ;
°  la conscience gustative.
Ces cinq sens sont utiles à travailler pour prendre pleinement
conscience de notre corps. Si ces consciences nous amènent à la
pleine faculté de connaissance de notre corps et à la pleine faculté
de contrôle de nos activités, elles ne sont nullement utiles dans les
processus de méditation et d’alchimies internes. Par contre, elles
peuvent être travaillées en préparation à la méditation pour s’installer
dans la bonne position et dans les bonnes dispositions corporelles.
Mais une fois le processus de méditation ou l’œuvre alchimique
commencés, elles doivent être abandonnées en tant qu’attachement.
Les cinq consciences sensorielles sont dites non conceptuelles car
elles ne comportent pas en elles-mêmes de pensées. Leurs apparences
ne sont pas nuisibles, c’est leur attachement qui cause problème. Le
fait d’entendre un son ou de voir quelque chose pendant le travail
méditatif ne nuit pas à celui-ci. Mais engendrer de l’attachement à une
vision ou à un son est un obstacle à la méditation.
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I — Les bases de la méditation
Les trois consciences mentales sont :
°  la conscience mentale instable ;
°  la conscience mentale stable ;
°  la conscience mentale galopante ou « polluée ».
La conscience mentale instable est celle dans laquelle toutes sortes de
pensées apparaissent et sont analysées. On ressent alors de l’attirance
ou du bonheur, ou du rejet et de la tristesse, ou tout autre sentiment.
C’est notre conscience habituelle.
La conscience mentale stable est complètement exempte d’affects,
elle est non affectée par les pensées bonnes ou mauvaises, agréables
ou désagréables. Elle est aussi nommée conscience fondamentale.
La conscience mentale galopante ou « polluée » se situe dans l’état
d’illusion. Elle est liée en permanence à la pensée du moi, l’ego y
est toujours présent. Cette conscience mentale est celle qui fait suite
à la conscience mentale instable si l’on n’y prend pas garde. Il suffit
d’entendre un son pour qu’immédiatement ce son se transforme en
un enchaînement de pensées, de souvenirs qui vont distraire l’esprit
et l’éloigner de la conscience mentale stable, donc de la concentration
nécessaire au travail méditatif. Cette conscience mentale polluée doit
être totalement éliminée pour la méditation ou le travail sur l’œuvre
alchimique.
Les obstacles à la méditation
Les principaux obstacles à la méditation sont bien sûr les pensées.
Il est donc nécessaire de prendre conscience de leur nature afin de
pouvoir s’en débarrasser. Leurs principales natures sont les pensées
négatives, les pensées qui entraînent la jalousie, celles qui amènent
de l’aversion vis-à-vis de quelqu’un ou de quelque chose, les pensées
agressives, etc. Il convient donc de se séparer de toute pensée de ce
genre avant de débuter la méditation, sinon elles reviendront sans
arrêt la perturber.
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La méditation taoïste Ch’an
On distingue deux sortes de pensées.
1. Les pensées grossières et distractives
Ce sont des pensées qui viennent perturber la méditation et
entraînent un discours intérieur qui éloignent le pratiquant de son état
méditatif. Le mental prend alors le relais de la conscience et la méditation est oubliée. Quand le pratiquant s’aperçoit qu’il ne médite plus, il
retourne à sa méditation, mais le fil de celle-ci étant coupé, tout est à
reprendre à zéro. Pour éviter ce genre de pensées, il faut s’entraîner à
maintenir la vigilance dans la méditation et à reconnaître l’arrivée de
celles-ci, de façon à les laisser passer sans s’y accrocher. Il faut prendre
conscience que ces pensées viennent de nulle part et qu’elles ne vont
nulle part, c’est là la meilleure attitude à adopter pour s’en débarrasser. Petit à petit, avec l’habitude, elles disparaîtront complètement et
ne viendront plus perturber la méditation.
2. Les pensées subtiles
Elles sont fréquemment issues de l’inconscient ou du subconscient.
Elles ont été souvent réveillées par l’état méditatif lui-même. Ce sont
des pensées légères ou des souvenirs anciens qui remontent à la surface, au niveau de la conscience. D’un certain côté, elles sont bénéfiques pour les débutants, car cela prouve que l’état méditatif juste
a été atteint. Ces pensées sont le reflet de notre passé, de nos expériences issues de notre vie actuelle ou de nos vies antérieures. En réalité, nous atteignons là un des bienfaits de la méditation qui consiste
en l’épuration de notre ego. C’est pourquoi il faut veiller à ne pas enfermer à nouveau ces pensées dans les profondeurs de l’esprit, mais au
contraire à les identifier en tant que pensée positive ou négative et
à laisser s’échapper les côtés négatifs qui encombrent l’esprit. Par
contre, il faut faire attention, là encore, à ne pas s’accrocher sur elles,
car de pensées subtiles, le mental a vite fait d’en faire des pensées
grossières, remettant ainsi en route le processus mental du discours
intérieur où chaque pensée en entraîne une autre qui elle-même en
entraîne une autre, qui elle-même… pour aboutir finalement à l’abandon de la méditation. Ces pensées subtiles, si elles sont rapidement
identifiées en tant que telles, ne sont pas vraiment nuisibles à la méditation. Mais là encore, la vigilance reste de règle.
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Table des matières
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
Première partie
Les bases de la méditation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
Les bases pour bien méditer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Les étapes de la méditation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
Trois types de méditations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
La respiration dans la méditation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
Notre nature profonde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
Les bienfaits de la méditation
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
Deuxième partie
Différentes méditations taoïstes . . . . . . . . . . . . . 53
Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
Détente préliminaire à la méditation . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
Le Wu Wei . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
Le Ch’ing Shen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
La méditation des cinq sens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .76
La méditation du lotus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
La méditation de l’arbre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
La méditation des Cinq Animaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
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Table des matières
175
La méditation des cinq animaux protecteurs . . . . . . . . . . . 93
Le Qi Gong de la sérénité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
Le Qi Gong bleu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
Le Qi Gong de la Lune . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
Le Qi Gong du Soleil
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121
L’Union du Soleil et de la Lune au Tianmu . . . . . . . . . . . . . 124
La méditation sur la Grande Ourse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
Le Qi Gong du Feu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
La méditation de la Feuille de Jade . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
Le Sommeil de Bouddha . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
La méditation de la « Liqueur d’Or » . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142
La méditation de l’Enfant Pourpre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146
La méditation sur les Gong’an, les paraboles
et autres aphorismes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149
La méditation sur la mort
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158
Le Nei Dan (alchimie interne)
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
Glossaire des termes chinois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171
Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173
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