130411Donnees publiques

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130411Donnees publiques
Note de veille, 13 avril 2011
La libération des données publiques
Les données publiques désignent généralement toutes les informations créées et / ou gérées
par des administrations publiques. Si la plupart de ces données sont généralement gardées
secrètes, le mouvement de l’open data incite au contraire à les mettre en accès libre, afin
d’accroître leur diffusion, mais aussi leur exploitation commerciale.
La « philosophie » de l’open data (données ouvertes) prône la libéralisation d’un certain
nombre de données, gratuitement et sans restrictions, afin de les rendre accessibles au plus
grand nombre. Elle concerne par exemple le génome, les formules scientifiques, les
compositions des médicaments...
Depuis quelques années, la volonté de « libérer l’information » s’est aussi étendue aux
données publiques, sous la pression d’associations et d’acteurs privés : c’est sur ce principe
que repose notamment le site Wikileaks, qui publie tous les documents jugés d’intérêt publics,
même s’ils ont été obtenus de manière illégale et sont jugés confidentiels par les autorités.
Désormais, la mise à disposition de données publiques se fait aussi à l’initiative des pouvoirs
publics.
Ainsi, en janvier 2009, deux jours après son investiture, le président Obama annonce que
« l’information détenue par le gouvernement fédéral est un bien national » 1. Quatre mois plus
tard, en mai 2009, le site data.gov est lancé. Il compte aujourd’hui plus de 3 000 dossiers de
données brutes et 300 000 données géospatiales téléchargeables. Ces informations vont de la
consommation énergétique des foyers américains au recensement des tremblements de terre
dans le monde... Les internautes sont invités à donner leur avis et transmettre leurs
suggestions sur les forums du site.
Cependant, peu de données dites « sensibles » sont disponibles sur data.gov, puisque ce sont
les agences gouvernementales qui choisissent les informations qu’elles rendent publiques. En
conséquence, si les données de l’EPA (Environment Protection Agency) et de la NASA sont
très nombreuses, celles du ministère de la Défense le sont beaucoup moins.
D’après le gouvernement américain, aux États-Unis, 26 États et 10 villes ont rendu leurs
données publiques ; 14 pays dans le monde auraient fait de même 2.
Le gouvernement australien a fait de l’open data l’un des piliers de sa politique de
communication, et l’accompagne d’un transfert important de ses services administratifs vers
Internet afin de devenir un open government 3. Toutes les données et tous les documents
produits ou utilisés par les services de l’État sont rendus publics sur Internet
(http://data.gov.au/). Les citoyens sont invités à commenter ces informations
1
Voir le discours sur le site Internet de la Maison blanche :
http://www.whitehouse.gov/blog/inaugural-address/
2
Voir http://www.data.gov/community
3
Report of the Government 2.0 Taskforce, 2011, site Internet :
http://www.finance.gov.au/publications/gov20taskforcereport/index.html.
© Futuribles, Système Vigie, 13 avril 2011
1
(www.oursay.org, www.openaustralia.org) ou à les réutiliser dans le cadre de concours
organisés par le gouvernement.
En France, le gouvernement a annoncé, en février 2011, le lancement de la mission Etalab,
chargée de créer le portail data.gouv.fr, sur lequel seront rassemblées toutes les informations
publiques mises à la disposition des usagers 4. L’objectif affiché est à la fois de rendre les
données publiques consultables par tous et de faciliter le développement de produits et de
services innovants tels que des applications pour téléphone portable. La réutilisation de ces
données sera donc a priori gratuite, sauf demande contraire de l’administration concernée 5.
Pour l’instant, ce sont des villes qui sont le plus souvent à l’origine de la mise à disposition de
données publiques. En France, la pionnière en la matière est Rennes, qui donne accès aux
informations concernant les transports publics, les équipements municipaux, la gestion des
déchets, etc. Et un concours organisé par la mairie a abouti à la création de 47 applications
pour téléphone portable reposant sur ces données 6.
Depuis, Paris, Montpellier, Lille, Bordeaux et Brest ont également créé leur site Internet de
données publiques.
L’exploitation la plus visible des données rendues publiques par les gouvernements nationaux
ou locaux est la mise au point d’une application, par des entreprises ou même des particuliers.
Par exemple, à partir des informations disponibles sur le site data.gov, le site FlyOnTime.us
compare les heures d’arrivée prévues et effectives des vols des principales compagnies
aériennes américaines. Des cartes du pays permettent aussi de comparer les taux d’obésité ou
de chômage selon les villes. En Grande-Bretagne, Where does my money go ? (Où va mon
argent ?) détaille l’utilisation faite par les pouvoirs publics des sommes collectées au travers
des impôts 7.
La majorité des applications créées sont destinées aux smartphones, le plus souvent pour
faciliter l’utilisation des transports en commun d’une ville. Ainsi, grâce à Routesy, les
habitants de San Francisco peuvent connaître en temps réel les horaires de passage des bus et
des trains et les temps d’attente aux arrêts les plus proches de l’utilisateur 8. Le système utilise
à la fois le GPS du téléphone portable et les données de la ville sur ses transports en commun.
À Rennes, une quinzaine d’applications, toutes liées au système de vélos en libre-service, ont
déjà été développées À Bordeaux, plusieurs applications permettent de connaître en temps
réel la disponibilité des vélos en libre-service ou la présence d’embouteillages dans le centreville. Ces applications reposent sur la géolocalisation des services et des utilisateurs.
MyCityWay (http://www.mycityway.com/), disponible dans 50 villes du monde, localise les
toilettes publiques, les restaurants et les offices du tourisme les plus proches. Plus d’un
million de téléchargements ont été effectués depuis son lancement en 2009.
4
Voir la présentation d’Etalab sur le site du gouvernement : http://www.gouvernement.fr/premierministre/le-secretariat-general-du-gouvernement/etalab ;
5
Voir LAURENT Antoine. « Les données publiques gratuites par défaut ». Acteurs Publics, 18 mars
2011, http://www.acteurspublics.com/article/18-03-11/les-donnees-publiques-gratuites-par-defaut
6
Voir le site Internet dédié : http://www.data.rennes-metropole.fr/le-concours/le-vote-enligne/applications/
7
http://wheredoesmymoneygo.org/
8
http://www.routesy.com/
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2
Les exploitations possibles des données publiques semblent infinies, par exemple dans la
santé (comparaison des coûts des soins et des performances des hôpitaux), l’éducation
(comparaison des résultats des établissements scolaires dans différentes disciplines et à
différents niveaux...), l’environnement (indices de pollution locale...), etc.
La mise à disposition de données publiques peut se révéler peu coûteuse et très rentable pour
les pouvoirs publics. La ville de Rennes estime que la libération de ses données ne lui a coûté
que 20 000 euros, auxquels s’ajoutent 80 000 euros financés par la région et des organismes
privés 9. La mise au point d’applications utiles aux habitants mais financées par des acteurs
privées peut aussi représenter une source d’économies non négligeable.
L’effort de transparence fait par les pouvoirs publics se veut aussi une invitation pour les
citoyens à s’investir dans la vie publique. Aux États-Unis et en Australie, outre les espaces
permettant de commenter les données, des applications permettent aux habitants d’une ville
de signaler un problème sur la voie publique : ampoule de lampadaire grillée, matériel
dégradé ou manquant...10
Cependant, l’exploitation de certaines données peut être plus controversée. Aux États-Unis,
l’application pour smartphone Beenverified.com localise les adresses des délinquants sexuels
répertoriés dans les registres publics rendus accessibles. En Grande-Bretagne, whoslobbying
recense toutes les activités considérées comme du lobbying entre les industriels et les
pouvoirs publics.
Le pouvoir repose en partie sur la détention d’informations stratégiques, et le secret peut
parfois s’avérer nécessaire pour protéger des intérêts ou des personnes. Où fixer la frontière
entre la transparence et la prudence ?
Cécile Désaunay
9
« Pourquoi
l’avenir
sera
open
(data) ».
LiberTIC,
http://libertic.wordpress.com/2011/01/19/pourquoi-lavenir-sera-opendata/
10
http://www.fixmystreet.com/
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janvier
2011,
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