Quelle stratégie pour rationaliser le nettoyage en place en
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Quelle stratégie pour rationaliser le nettoyage en place en
CAHIER SCIENTIFIQUE Quelle stratégie pour rationaliser le nettoyage en place en industrie laitière ? Geneviève Gésan-Guiziou*,** (1), Nicolas Alvarez***, Georges Daufin*,**, Christian Buson*** (2) * INRA, UMR1253 Science et Technologie du Lait et de l’OEuf, 65 rue de Saint Brieuc, F-35000 Rennes, France ** AGROCAMPUS OUEST, UMR1253 Science et Technologie du Lait et de l’OEuf, 65 rue de Saint Brieuc, F-35000 Rennes, France *** GES, Les basses forges, F-35530 Noyal sur Vilaine, France (1) [email protected] ; (2)[email protected] Ind. Alim. Agr. 128 (11-12) ??-?? (2010) - Manuscrit reçu le 12 février 2010, accepté le 13 septembre 2010 RÉSUMÉ ABSTRACT En industrie laitière, le nettoyage en place (NEP) conduit à des durées de non-productivité élevées (jusqu'à 5 h / jour) et génère une part importante des effluents rejetés en station (50 à 95% en volume). Ce travail présente une stratégie qui pourrait être développée, en remplacement des temporisations utilisées avec des durées excessives par mesure de précaution, pour diminuer les durées de phases du nettoyage et prévoir le tri des effluents, préalablement à leur réutilisation ou collecte. Cette stratégie repose sur une démarche rationnelle pour proposer des «outils d’aide à la décision» (capteurs, traceurs, traitement de données) afin de permettre une détermination en ligne de la fin de chaque phase de NEP et/ou du moment du tri des fluides et donc aider à la conception et à la gestion du NEP d’équipements industriels. La pertinence de cette stratégie, validée depuis plus de 5 ans à l'échelle industrielle, est illustrée au travers du nettoyage d'un stérilisateur de crème dessert. Mots clés : nettoyage en place ; gestion ; capteurs ; effluents ; industrie laitière Cleaning-In-Place systems are commonly used in the food industry for ensuring hygienic safety of foods and for recovering plant performance. The objective of this work was to propose a new strategy based on objective and rational facts and calculations, which can be developed by plant designers and operators of the dairy industry in order i) to avoid temporization with excessive empirical safety margins and ii) to reduce the operating time and the volume and load of effluents produced during the cleaning. The strategy lied on the use of tracers and on-line and off-line sensors, the accuracy, relevance and robustness of which were evaluated for each phase of the sequences used for the cleaning of an industrial sterilizer. The efficient duration of each phase of the cleaning sequence (management of the end of operation) and the sorting out of the fluids (management of mixtures and destination of fluids) were determined in real time. As a result, the overall duration of cleaning sequence and wastewaters volume were divided by two, and significant reductions of detergents volume were achievable. Key words : cleaning-in-place ; management ; effluents ; sensors ; dairy industry INTRODUCTION particulier), et pour lesquelles les marges de sécurité en termes de durée et de consommation en réactifs chimiques sont très souvent excessives. L’étude des protocoles industriels montre qu’une réduction des durées de rinçages, suggérée par des bilans matières, conduit dans la majorité des cas, à une diminution des rejets de matière et de consommation d’eau pouvant atteindre 40 % (Buson, 1993). Pourtant les connaissances acquises sur les mécanismes, les cinétiques et les capteurs des phases d’encrassement, rinçage et nettoyage, peu exploitées jusque là industriellement, laissent entrevoir des améliorations encore plus importantes. L'objectif de ce travail est de présenter la stratégie qui pourrait être développée pour diminuer les durées de phases du nettoyage et prévoir le tri des effluents, préalablement à leur réorientation, réutilisation ou collecte en vue d'une valorisation ultérieure. Cette stratégie vise à proposer des «outils d’aide à la décision» (capteurs, traceurs, traitement de données) pour permettre une détermination en ligne de la fin de chaque phase du NEP et/ou du moment du tri des fluides et donc aider à la conception et à la gestion du NEP d’équipements industriels. Pour valider la stratégie proposée, les différentes étapes de la démarche sont illustrées au travers de l'analyse du fonctionnement d'un équipement industriel : un stérilisateur Ultra Haute Température (UHT) traitant un produit laitier particulièrement encrassant (crème dessert). L'analyse critique du fonctionnement industriel de cet équipement et les procédures révisées du nettoyage-en-place donnent satisfaction depuis plus de 5 ans et sont aujourd'hui validés sur d'autres équipements industriels (pasteurisateur en particulier, Chareunphol, 2004). Le nettoyage en place, NEP consomme une part importante du temps pendant lequel l’équipement est improductif et de la main d’oeuvre est mobilisée. En industrie laitière, le NEP conduit à des durées de non-productivité pouvant dépasser 5 h / jour, et génère des effluents représentant 50 à 95% des volumes rejetés en station et des pertes non accidentelles de matière première correspondant à une moyenne en France de 1 % (0,7 − 5 %) du lait transformé (Räsänen et al., 2002). Pour réduire le volume et la charge des effluents, ainsi que la consommation en eau et en produits chimiques de nettoyage, tout en assurant la qualité hygiénique des installations, deux approches doivent être développées simultanément : i) la première consiste à déterminer les conditions (chimiques, thermiques, hydrodynamiques) qui vont permettre d’assurer l’efficacité du nettoyage tout en maintenant l’intégrité des matériaux mis en oeuvre dans les équipements (échangeurs, installations à membranes, cuves, tuyauteries,…) et dans les éléments connexes (joints, colles, connexions et raccords,…). Cette approche fait l’objet de la majorité des études scientifiques dans le domaine du nettoyage. ii) la seconde approche consiste à optimiser la conduite des différentes phases du nettoyage (pousse, rinçages, séquence de produits chimiques). Le NEP pratiqué industriellement repose en effet généralement sur des bases empiriques, qui sont parfois imposées par l’équipementier (traitement et transformation du lait, centrale de NEP) et/ou le fournisseur de détergents pour assurer la garantie de certains équipements (équipements à membranes en -18 - Industries Alimentaires et Agricoles • Novembre/Décembre 2010 1. LES GRANDES ÉTAPES DE LA STRATÉGIE DE RATIONALISATION DU NETTOYAGE Sur la base d’expériences acquises sur des équipements industriels (stérilisateur, pasteurisateur, Alvarez, 2003 ; Chareunphol, 2004 ; Alvarez et al., 2010), il apparaît clairement que 4 étapes majeures sont nécessaires pour atteindre les améliorations recherchées. 1- Connaissance de l'équipement et du procédé La première étape, qui peut paraître « triviale », consiste à établir un plan global et précis de l'installation et déterminer l'ensemble des caractéristiques géométriques de toutes les conduites et équipements (cuves, vannes, …). Une telle connaissance est indispensable pour deux raisons majeures. Tout d'abord, elle permet la détection des zones mortes, sources de dispersions des temps de séjour des fluides dans l’installation, et donc de difficultés de rinçage et nettoyage. Enfin, elle permet le calcul des différents volumes de l’installation, des cuves de NEP jusqu'au retour en NEP ou aux vannes d'égout. Cette évaluation est indispensable pour permettre la synchronisation, sur une même échelle de temps, des données brutes issues de l’acquisition par les capteurs, installés pour des raisons techniques et de pertinence de mesure à différents endroits de l’installation, et des analyses effectuées sur des échantillons prélevés à un endroit donné de l’installation. Les informations saisies et enregistrées à différents endroits de l’installation sont donc rapportées à un même point de référence et peuvent être représentées sur une échelle de temps homogène, indispensable pour le traitement des données (synchronisation des échelles de temps). 2- Choix des capteurs pertinents, installation, étalonnage et incertitudes La seconde étape consiste à déterminer les capteurs (capteurs de pression ou de différence de pression, conductimètre, turbidimètre,…) et traceurs (teneurs en calcium, en extrait sec,…), les plus pertinents face aux différentes phases du nettoyage (pousse, rinçages à l'eau, nettoyages chimiques). La robustesse, la précision et l'étalonnage de chaque capteur doivent être évalués pour chaque phase considérée (pousse, rinçages, nettoyages chimiques) afin de permettre, le cas échéant, une détermination en ligne de la fin d’opération et/ou du moment du tri, moment à partir duquel il faut trier les deux fluides qui se succèdent. Le positionnement des capteurs sur site doit également être réfléchi. Des exemples d'outils exploitables sont donnés en Tableau 1, cidessous. Les capteurs de turbidité et de conductivité permettent de caractériser les mélanges produit laitier / eau. Dès lors, ils sont pertinents pour déterminer la fin de l’opération de pousse et de premier rinçage et la fin de l’opération de lancement, si leur plage haute de détection (180 et 150 g d’extrait sec / kg) n’est pas dépassée. Ces deux capteurs (turbidité, conductivité) permettent en outre de connaître en temps réel la nature ainsi que la concentration du fluide circulant dans l’installation, ouvrant la voie à un meilleur contrôle du procédé. Par exemple, le conductimètre est utile pour vérifier la concentration en détergent au cours du nettoyage chimique et donc déterminer la fin des opérations de rinçage du détergent. Des informations plus précises sur l’étalonnage et la précision des capteurs utilisés peuvent être trouvés dans Alvarez (2003). 3- Conception d'une base de données L'acquisition des différentes données issues des capteurs et traceurs pour les différentes phases (lancement, production, nettoyage) ne peut se faire qu’à l’aide d’une base de données, conçue par exemple sous un tableur classique (Excel, Microsoft). Le choix judicieux de la fréquence d'acquisition est essentiel et doit être adapté à chaque phase et à chaque moment de la phase (démarrage, arrêt, …). 4-Exploitation des données Cette dernière étape consiste à traiter les données en fonction des modes de calcul utilisés pour synchroniser les échelles de temps et à calculer les grandeurs nécessaires à l'établissement des cinétiques d'encrassement et de nettoyage (perte de charge, taux d'encrassement par exemple,…) et des fins d'opération et de tri des mélanges de fluides (volume cumulé, charge des effluents,…). Une telle exploitation des données permet une gestion en ligne des opérations. Elle permet de pallier tout dysfonctionnement du système (ex : chute de débit au cours d’un rinçage) et de proposer des pistes d'amélioration des modes de production et de nettoyage des équipements. Elle est donc plus performante qu’une simple temporisation, souvent de durée excessive par mesure de précaution. 2- ÉTUDE DE CAS : STÉRILISATEUR TRAITANT DE LA CRÈME DESSERT La démarche proposée est illustrée dans le cas du NEP d’un stérilisateur traitant une crème dessert chocolatée (230±4 g kg-1 d'extrait sec) issue de l’industrie laitière. La démarche et les résultats obtenus sont transposables à d'autres opérations unitaires, comme les opérations à membranes, puisque le NEP à usage unique de ces derniers équipements est semblable à celui utilisé pour les équipements fortement encrassés (stérilisateur, évaporateur) et plus généralement adaptable à tout type de NEP de tout équipement alimentaire (voire pharmaceutique ou cosmétique). 2.1- Description de l'équipement L'équipement industriel choisi comme modèle de démonstration est un stérilisateur UHT tubulaire (Invensys APV, Evreux, France) composé de tubes en acier inoxydable 316, de longueur unitaire de 6.0 m, constitué chacun de 7 canaux de diamètre 14.0 mm. Le stérilisateur est composé de 6 zones : préchauffage (en 2 parties), chauffage, chambrage, récupération 1 et 2 et refroidissement (Figure 1, page suivante). L'étude s'est focalisée sur la zone de chauffage (entrée 80°C − sortie 128°C), car c'est la zone limitante due à son rapide et fort encrassement. Tableau 1 : Outils pertinents utilisés pour déterminer la fin de chaque phase et le tri des fluides durant les séquences de nettoyage PHASE Lancement Production FIN D’OPÉRATION PRODUCTION ES, Turbidité, Conductivité ΔP, DO214 nm_perméat Pousse - premier rinçage NaOH NETTOYAGE Conductivité, Turbidité ΔP, DCO HNO3 Caperméat Rinçages détergents (intermédiaires, final) Conductivité TRI Turbidité, Conductivité Conductivité, Turbidité Conductivité Légende Ca : mesure expérimentale de la teneur en calcium ; DCO : mesure expérimentale de la Demande Chimique en Oxygène ; ES : mesure expérimentale de l’extrait sec ; ΔP : perte de charge entrée - sortie de l'équipement ; En petits caractères : les capteurs de moindre pertinence Industries Alimentaires et Agricoles • Novembre/Décembre 2010 -19- CAHIER SCIENTIFIQUE Figure 1 : Représentation schématique de stérilisateur UHT industriel (ΔP : capteur de différence de pression ; Q : débitmètre ; T : capteur de température) Plusieurs capteurs sont installés sur l'équipement (Figure 1). Le débit du fluide laitier entrant (Q = 2,0 m3h-1) est mesuré par un débitmètre (± 0,5%) (Magflo 6000, Danfoss, Trappes, France). Un capteur de différence de pression (2010 TD, 0-18 bar, ABB, Minden, Germany) a été installé aux bornes de la zone de chauffage (précision ± 0,2 % de la pleine échelle 10 x 105 Pa). Quatre sondes de température Pt 100 Ω (± 0,4°C) ont été installées à l'entrée et à la sortie de la zone de chauffage. Un conductimètre (LMIT 08, 0-200 mS cm-1, Henkel Ecolab, Nanterre, France) équipé d'une sonde de température Pt 100 Ω intégrée et un turbidimètre (OPTEC M, TTS Technologies, Saint Sébastien sur Loire, France) ont été installés à la sortie de la zone de refroidissement (Figure 1, ci-dessus). Les données sont enregistrées toutes les 20 s durant la phase de production et toutes les 5 s pendant la phase de lancement et de nettoyage et stockées (PL7 Pro software ; Schneider Automation) avant d'être transférées sous Access (Microsoft) et traitées sous Excel (Microsoft). 2.2- Mode opératoire de l'échangeur à chaleur La stérilisation est réalisée en 2 étapes : la phase de lancement, durant laquelle la crème dessert pousse l'eau hors de l'équipement, et la phase de production. A la fin de la production, la séquence de nettoyage démarre. Les phases alcalines et acides (NaOH (Brenntag, Nantes, France), HNO3 (Hydro chemicals, Nanterre, France)) commencent par une injection de détergents concentrés dans le bac d'alimentation qui provoque des oscillations de concentrations en détergent dans l'installation au cours du temps. Les détergents et l'eau utilisée pour les rinçages sont utilisés une seule fois et systématiquement rejetés en station (système de NEP à usage unique). La séquence étudiée est la suivante: - Pousse - premier rinçage à l'eau ; au démarrage de cette phase, la crème non diluée est récupérée en production et la crème diluée rejetée en station d'épuration. - Première phase alcaline de nettoyage, NaOH-1; - Rinçage intermédiaire ; - Première phase acide de nettoyage, HNO3-1; - Rinçage intermédiaire ; - Seconde phase alcaline de nettoyage, NaOH-2 ; - Rinçage intermédiaire ; - Seconde phase acide de nettoyage, HNO3-2 ; - Rinçage final. -18 - Industries Alimentaires et Agricoles • Novembre/Décembre 2010 Le temps de non production de ce stérilisateur représentait initialement 11,5 h jour-1 soit environ la moitié du temps de fonctionnement de l’équipement ; le nettoyage en place contribue pour 88% à ce temps de non production et la phase de lancement à environ 12% (Tableau 2, page suivante). 2.3- Traitement des données L'ensemble des étalonnages et des corrélations utilisées et le traitement de données, détaillés par Alvarez et al. (2010), permettent de réaliser une analyse critique de l'installation existante, de faire des propositions de révision et, dans le cas où certaines propositions ont été acceptées par les industriels, de valider expérimentalement les améliorations proposées sur la même installation industrielle. En particulier, plusieurs capteurs/traceurs ont été utilisés : - les capteurs de turbidité et de conductivité permettent de caractériser les mélanges crème / eau et sont donc pertinents pour déterminer la fin des phases de lancement, de pousse et de premier rinçage. Le conductimètre permet également de déterminer la fin des opérations de rinçage détergent. - le traitement du signal du capteur de différence de pression permet la quantification du niveau d’encrassement (taux d'encrassement) pendant la phase de lancement et de production et à la fin des différents rinçages à l’eau, et la détermination de la fin d'opération de nettoyage alcalin ; il quantifie l’état du stérilisateur et l’efficacité du nettoyage en fin de séquence ; - l’analyse en temps différé de la demande chimique en oxygène totale est utile pour évaluer la quantité de dépôt éliminée par le nettoyage alcalin ; - l’analyse en temps différé de la concentration en calcium, plus précise que le calcul du taux d'encrassement, quantifie l’efficacité et la durée du nettoyage acide. 2.4- Analyse critique du fonctionnement du stérilisateur Une analyse critique de l'ensemble des phases de production et de nettoyage a été réalisée et conduit à des propositions d'améliorations. A titre d’exemple, l’analyse de la phase de pousse − premier rinçage (Figure 2, page suivante) met en avant plusieurs améliorations possibles. Lors de cette phase, l’eau chasse la crème dessert (Extrait sec = 230 g kg-1) et les composants laitiers faiblement liés au support. Industriellement, la procédure retenue est réalisée en 2 cycles successifs en circuit ouvert (produit envoyé à l’égout) et fermé Tableau 2 : Paramètres opératoires et performances des séquences initiale et révisée du nettoyage du stérilisateur Les phases de lancement (17,2 ± 0,3 min) et de production (162 ± 3 min) sont similaires dans les deux cas. SÉQUENCE INITIALE DE NETTOYAGE Taux d'encrassement à la fin de la phase Volume d'effluents L SÉQUENCE RÉVISÉE DE NETTOYAGE Taux d'encrasseVolume Durée min Q L h-1 ment à la d'effluents fin de la L phase 1990 ± 10 15,9 ± 0,2 à 17,7 ± 0,4 542 ± 20 5845 ± 500 Durée min Q1 L h-1 Te − Ts2 °C PoussePremier rinçage 15,9 ± 0,2 2000 ± 124 à 6053 ± 246 124 - 102 17,6 ± 0,2 450 ± 15 NaOH-1 18,2 ± 0,3 6615 ± 150 100 - 89 5,1 ± 0,3 415 ± 15 16,1 ± 0,2 6344 ± 555 3,6 ± 0,5 423 ± 10 12,5 ± 0,3 6902 ± 86 86 - 79 6,5 ± 0,1 1433 ± 28 7,0 ± 0,3 6984 ± 33 2,3 ± 0,4 815 ± 140 HNO3-1 18,2 ± 0,2 6966 ± 47 81 - 74 2,8 ± 0,5 469 ± 24 7,2 ± 0,2 7002 ± 38 0,1 ± 0,5 469 ± 24 RI 16,8 ± 0,7 6996 ± 10 79 - 66 4,6 ± 0,2 1457 ± 20 7,0 ± 0,3 7002 ± 42 0,3 ± 0,3 816 ± 30 NaOH-2 18,2 ± 0,3 6892 ± 62 86 - 81 7,4 ± 0,5 456 ± 22 RI 12,5 ± 0,3 6816 ± 60 86 - 79 6,9 ± 0,2 1415 ± 34 - - - - HNO3-2 18,2 ± 0,2 6873 ± 156 81 - 74 0,5 ± 0,3 449 ± 21 7,2 ± 0,2 6995 ± 40 0,0 ± 0,3 466 ± 21 14,0 ± 0,2 6977 ± 33 73 - 63 1,5 ± 0,3 1734 ± 20 7,8 ± 0,4 6984 ± 60 0,0 ± 0,2 907 ± 38 8300 ± 200 66 ± 2 RI 3 RF 4 Total 1 142 ± 3 2 4400 + 300 3 4 Légende : Q : débit de produit à traiter ; T : température ; e : entrée du stérilisateur ; s : sortie du stérilisateur ; RI : rinçage intermédiaire ; RF : Rinçage final (produit recirculé dans le bac d’alimentation) (Figure 2a). Lors des premières minutes, l’extrait sec, déterminé en ligne grâce aux étalonnages préalables avec le conductimètre (le turbidimètre restant encrassé après le passage de la crème) diminue progressivement puis se stabilise pour 7,5 < t (min) < 12,3. L’augmentation du débit et de la contrainte de cisaillement favorise l’élimination de la souillure et l’augmentation de l’extrait sec de l’effluent, comme montré précédemment par Thor et Loncin (1978) et Tissier et al. (1999). Cette analyse fait apparaître 3 améliorations possibles : i) le traitement du signal issu du conductimètre permet de valoriser la crème diluée, avec des volumes et des niveaux d’extrait sec en accord avec la valorisation ultérieure, et éventuellement de récupérer en production une fraction du mélange crème / eau acceptable pour respecter l'extrait sec minimal et les caractéristiques du produit fini (Figure 2b) ; ii) le suivi du signal de l’ES instantané, qui caractérise l’élimination de la souillure (Figure 2a) montre que le débit de rinçage 2a mériterait d’être augmenté dès le début de l’opération de pousse ; le bilan d’énergie consommée − temps économisé serait alors à effectuer sur la base de nouveaux résultats expérimentaux ; iii) le critère de fin de la phase pousse − premier rinçage à l'eau, fixé initialement à ES < 1 g kg-1 par les industriels, n’a pas été atteint à la fin de la séquence, suggérant une augmentation de la durée de cette phase. Ce critère doit donc être réfléchi face aux conséquences de l’envoi de la fraction de matière non éliminée par cette phase dans la solution de NaOH qui suit. Pour cela, il faudrait déterminer expérimentalement l’incidence du niveau d’enrichissement de la soude en composants issus de la crème sur l’efficacité et la cinétique de nettoyage afin d'en déduire un seuil maximal critique d'extrait sec acceptable dans l'eau à la fin de la phase de premier rinçage. L’analyse de la phase de nettoyage alcalin (Figure 3, page suivante) montre que les 4 premières minutes, effectuées en circuit ouvert, entraînent un rejet à l’égout de ≈ 450 L d’effluent, pouvant être économisés en travaillant en circuit fermé. 2b Figure 2 : Phase de pousse et de premier rinçage. Evolution au cours du temps de 2a : Débit et extrait sec instantané de l'effluent (ES) 2b : Extrait sec de l'effluent cumulé (ES Effluent) et volume de l’effluent rejeté Industries Alimentaires et Agricoles • Novembre/Décembre 2010 -19- CAHIER SCIENTIFIQUE Après t = 5 min, on observe l’arrivée du détergent, caractérisée par l’augmentation brutale de la concentration en soude (conductivité), suivie par des oscillations, conséquences de l’injection séquentielle du détergent dans le bac d’alimentation. Ces oscillations, dont la période est égale au temps de séjour moyen dans le circuit fermé, s’amortissent par mélange progressif dans le circuit fermé. Simultanément à l’arrivée des ions OH- aux bornes du capteur de pression, la perte de charge, ΔP et le taux d'encrassement (calculé à partir de la perte de charge et des caractéristiques de viscosité et de masse volumique du produit traité (Alvarez, 2003)) augmentent pendant les 2 premières minutes du nettoyage alcalin (augmentation traduisant un gonflement de la matière déposée au contact de NaOH), puis diminuent progressivement, indiquant que le nettoyage se poursuit jusqu’à un niveau stable. Au cours des 8 dernières minutes, le nettoyage ne parait plus enlever significativement de dépôt. La durée du nettoyage peut donc être raccourcie. Ainsi, tandis que le signal de la turbidité est très oscillant et difficilement exploitable, le traitement du signal du capteur de différence de pression quantifie l’état du stérilisateur et l’efficacité du nettoyage. L’analyse en temps différé de la demande chimique en oxygène totale est quant à elle utile pour évaluer la quantité de dépôt éliminé par le nettoyage alcalin. L'analyse du premier nettoyage acide (HNO3-1) montre que la perte de charge (et donc le taux d'encrassement) ne diminue qu'après 3 min de nettoyage, comme observé par Corrieu et al. (1986) avec un stérilisateur colmaté par du lait. Le nettoyage très rapide est confirmé par l'élimination très rapide du calcium (Figure 4, page ci-dessous), dont la concentration atteint en 5-6 min la concentration en calcium de l'eau. L’augmentation de la teneur en calcium après 9 min de nettoyage n’est pas expliqué (Alvarez, 2003). De ces résultats, il apparaît clairement que la durée du nettoyage acide pourrait être très nettement diminuée de 18,1 à 6-7 min. Dans cet exemple, l’acquisition du signal des capteurs et du débit volumique, associé à un algorithme simple de calcul a permis, à partir de la concentration en matière première circulant dans Figure 3 : Phase de premier nettoyage alcalin. Evolution de la turbidité (NTU, unité de turbidité néphélométrique), de la concentration en soude (CNaOH), et de la perte de charge dans la zone de chauffage du stérilisateur (ΔP) en fonction du temps. -18 - Industries Alimentaires et Agricoles • Novembre/Décembre 2010 l’installation (crème dessert, NaOH, HNO3) de proposer des méthodes de tri s’appuyant sur le calcul de la concentration de la fraction d’effluent qui sera récupérée en vue d’une réutilisation, d’une valorisation ou d’un rejet en station d’épuration. 2.5- Validation industrielle de la séquence révisée Les améliorations proposées suite à l'analyse critique des différentes phases de production et nettoyage (Alvarez et al., 2010) ont été majoritairement acceptées par les deux industriels avec lesquels nous avons collaboré. Leur pertinence a été quantifiée et vérifiée à l'échelle industrielle. Les conditions opératoires de chaque phase et les volumes d'effluents rejetés à la station durant chaque séquence sont reportées dans le Tableau 2. Les modifications majeures sont les suivantes (Tableau 2, Figure 5, page suivante) : - pour la phase de pousse − premier rinçage, la durée de l'opération a été maintenue, mais la dernière étape, initialement réalisée en circuit fermé, a été réalisée en circuit ouvert. - la durée de NaOH-1 a été réduite de 18,2 min à 16,1 min - la durée des séquences acides (HNO3-1 et HNO3-2) a été considérablement réduite de 18,2 à 7,2 min, et les 4 premières minutes ont été réalisées en circuit fermé. - le second nettoyage (NaOH-2) alcalin a été éliminé, mais les industriels ont souhaité malgré tout maintenir HNO3-2. - la durée des rinçages intermédiaires et finaux, contrôlés grâce au capteur de conductivité, a été considérablement réduite (Tableau 2). La nouvelle séquence de nettoyage conduit à un gain important en termes de réduction de durée de nettoyage (Tableau 2, Figure 5) : la durée et les volumes d'effluents produits ont été presque divisés par 2. Les pertes en NaOH et HNO3 ont été diminuées avec la séquence révisée de 11±3 comparé à 43±4 kg d'extrait sec et 16±3 comparé à 28±1 kg d'extrait sec pour NaOH et HNO3 respectivement. Pour la séquence révisée, qui a été validée 2 fois à l'échelle industrielle, le taux d'encrassement après le rinçage final était équivalent voire plus faible que celui de la séquence initiale, ce qui montre l'efficacité de la nouvelle séquence proposée (Figure 5). Figure 4 : Premier nettoyage acide: concentration en calcium, acide nitrique (CHNO3), et perte de charge dans la zone de chauffage du stérilisateur (ΔP) en fonction du temps 5b 5a Figure 5 : Séquence de rinçages et de nettoyage durant 5a : la procédure industrielle initiale ; 5b : la séquence révisée Ligne : conductivité ; Carré noir : taux d'encrassement (%) ; RI : rinçage intermédiaire ; RF : rinçage final 3- PERSPECTIVE : VERS UNE NOUVELLE VALORISATION DES FLUIDES DE NETTOYAGE Outre l’analyse des systèmes existants et des différentes phases des séquences de nettoyage, de nouvelles approches sur la gestion des effluents peuvent être développées en considérant la valorisation des fluides jusque là rejetés. En particulier, des perspectives intéressantes sont offertes par la réutilisation des solutions de soude usagées (Alvarez et al., 2007 ; Gésan-Guiziou et al., 2007). En effet, il a été récemment démontré que, quels que soient le système de NEP et le type d’atelier considérés, lors des utilisations successives des solutions de soude industrielles, l’augmentation de la concentration en pollution (Demande Chimique en Oxygène, DCO ; matières en suspension, MES) des solutions s’accompagne d’une diminution rapide de la tension superficielle, γ, résultant de la saponification de la matière grasse et de l’hydrolyse alcaline des protéines. L'abaissement de la tension superficielle de ces solutions, conjuguée à l’absence de MES exerce une action positive sur la cinétique de nettoyage des membranes (membrane céramique d'ultrafiltration 15 kg mol-1 colmatée par du lait écrémé) (Alvarez et al., 2007) : la solution de soude "polluée" sans MES (obtenue par microfiltration tangentielle 0,1 µm) présente une constante de vitesse similaire à celle d'un détergent alcalin complexe reconnu industriellement pour son efficacité et supérieure à celle de la soude "propre". Ces résultats originaux devraient avoir des retombées industrielles importantes d’une part sur le nettoyage des installations en acier inoxydable, et d’autre part sur la formulation de solutions détergentes et le nettoyage des équipements à membrane, qui font partie des rares installations industrielles utilisant des solutions de nettoyage complexes à usage unique. Ces perspectives devraient être aussi envisagées pour les systèmes de NEP à réutilisation des solutions alcalines ou acides afin d’allonger significativement la durée de vie des fluides avant rejet périodique (actuellement 2 à 7 jours) en station d’épuration. En outre, des problématiques strictement similaires se posent lors de la gestion du NEP dans les industries pharmaceutiques et cosmétologiques. 4- CONCLUSION L’exploitation des connaissances scientifiques et techniques s’appuyant sur l’utilisation rationnelle de capteurs et traceurs et du traitement adapté des données recueillies lors du nettoyage en place (NEP) d'équipement alimentaire, conduit à des réductions significatives des durées d’opérations et des volumes d'effluents rejetés. La pertinence de la stratégie proposée pour rationaliser le nettoyage des équipements industriels a été validée depuis 5 ans sur un stérilisateur de crème dessert et depuis plus de 4 ans sur un équipement de pasteurisation de lait écrémé. Les retombées devraient également être importantes sur les équipements à membranes. La prise en compte des caractéristiques de tension superficielle des solutions usagées, associée à une régénération par microfiltration tangentielle indispensable pour éliminer les matières en suspension de ces solutions, devrait permet d’accélérer les cinétiques de nettoyage des équipements à membranes. ■ RÉFÉRENCES • Alvarez N., Rationalisation du nettoyage en place en industrie laitière : durée, pertes de matière, effluents. Thèse, Ecole nationale Supérieure d’Agronomie de Rennes, Rennes, France, 2003, pp.168. • Alvarez N., Gésan-Guiziou G., Daufin G. (2007). The role of surface tension of re-used caustic soda on the cleaning efficiency in dairy plants. Int. Dairy J. 17, 403-411. • Alvarez N., Daufin G., Gésan-Guiziou G. (2010). Recommendations for rationalizing cleaning-in place in the dairy industry: case study of an ultra high temperature heat exchanger. 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