Record Guinness 2006

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Record Guinness 2006
BROUE
Record Guinness
DISCOURS À LA REMISE OFFICIELLE, MONTRÉAL 26 SEPTEMBRE 2006
Madame, Monsieur, bon après-midi,
Eh bien, la chose est acquise, il n’y a plus l’ombre d’un doute : les tavernes ne mourront pas. Bien sûr, les réalistes
parmi vous me secoueront pour me rappeler qu’il y a belle lurette que le blasphématoire « Bienvenue aux dames » est
apparu au-dessus des portes de ces lieux jadis réservés aux mâles et que l’espace occupé par certaines tables a dû être
sacrifié pour accommoder une clientèle pour qui les urinoirs n’étaient d’aucun service. C’est vrai et je ne suis pas un
dinosaure qui le déplore.
Mais vous savez comme moi que la société québécoise, en galopant vers le nouveau et l’inconnu, aurait pu oublier
ce que ces temples, ces refuges, ces lieux puants de rots et de pets ont pu signifier dans notre histoire. Aurait pu disparaître
à jamais le souvenir de ces radeaux pour naufragés du quotidien, ces havres de paix et ces îlots d’impuissance, ces cuves
où fermentaient des colères d’une minute et où on noyait des frustrations de deux siècles. C’est à se demander
si les jeunes générations auront, elles aussi, de ces endroits, de ces lieux, de ces trous qui serviront de terreaux à des
camaraderies, à des amitiés même, comme celles qui ont adouci la vie de leurs ancêtres. Ah! Ces tavernes où sont nés
des enthousiasmes, des solidarités, des déterminations qui auraient pu faire une différence dans la vie de notre peuple,
mais qu’un malheureux « last call » vers minuit moins quart, trop tôt pour ceux qui avaient encore soif mais déjà trop tard
pour ceux qui avaient faim d’autre chose, venait tuer immanquablement chaque soir que le Bon Dieu amenait, sauf le
dimanche qu’Il se réservait pour Lui.
Non, nos tavernes ne mourront pas. Parce qu’il y a eu Broue, que depuis 27 ans déjà et 2 850 000 spectateurs plus
tard nous avons tous goûté à la taverne. Que tous ces gens ont désormais une idée de ce qui pouvait s’y tramer, s’y vivre
ou… s’y mourir. Parce que la pièce nous a présenté la faune des tavernes, une faune que le délire créatif d’auteurs géniaux
et le talent exceptionnel des comédiens de grande envergure nous ont fait connaître et aimer. Si ces personnages
savoureux ou misérables vous ont séduits, sachez que ce ne sont pas là les caricatures que vous pensez : je peux vous
assurer que dans les tavernes où, encore étudiant, je me faufilais sans avoir l’âge légal d’y entrer ou dans celles – j’en
avais compté 42 – qu’on trouvait dans le comté où j’ai été élu en 1970, on trouvait des quasi extra-terrestres que ni
Verrue ni Pointu ni Travolta ni Léo n’auraient impressionnés!
Quand le 21 mars 1979, Michel Côté, Marcel Gauthier et Marc Messier ont incarné pour la première fois les
personnages… d’« Un zoo le jour », ils se souhaitaient avoir un texte pour tenir les planches pendant 3 semaines. Huit
premiers ministres canadiens et huit premiers ministres québécois plus tard, ils sont toujours là! C’est que leur appel
lancé à l’esprit fou des Meunier, Saia, Ruel et Plante avait apporté sur la table tout ce qu’il fallait pour un banquet
sans fin. Le bouche à oreille des premières soirées folles, puis avec le grand Jean Duceppe venu rire à son tour, tout cela
fera que les portes de mille et un théâtres s’ouvriront à tour de rôle pour une comédie que la Belgique autant que le
Canada, en passant même par les États-Unis à une époque où on pouvait y rire encore, sont venus saluer comme un
accomplissement majeur de la culture québécoise. Et n’oublions pas la complicité du public : si les rires du public
québécois au cours de toutes ces années qui touchent à au moins deux générations avaient pu être harnachés comme on
le fait pour tirer de l’énergie de nos rivières, nous aurions pu fournir de la joie et de la bonne humeur à la planète entière!
Nous sommes peut-être encore les seuls à savoir que la clé de cette réussite extraordinaire tient dans les ingrédients
qu’on y trouve et qui font aussi notre unicité sur la surface du globe : une simplicité qui frise l’humilité, une joie de vivre
qui ne se dément jamais et un talent qui vient récompenser ce que la volonté et le travail ont fourni.
J’ai dit que nous sommes peut-être les seuls mais pas pour longtemps. Car ce même public qui a vu et revu Broue
apprendra avec plaisir l’extraordinaire nouvelle de l’honneur qui échoit à l’équipe de Broue. Parce que Michel, Marc et
Marcel ont joué 2726 fois en 27 ans et quelques mois maintenant, la pièce québécoise Broue figurera désormais – les
producteurs en ont la confirmation depuis la fin juin – au livre des records Guinness, de la maison du même nom dont
le siège est à Londres comme étant l’œuvre théâtrale qui, dans le monde entier, a été jouée le plus longtemps par les
mêmes acteurs. Bravo et longue vie à Broue!
CLAUDE CHARRON
Théâtre St-Denis
BROUE
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LE JOURNAL DE QUÉBEC, MERCREDI 27 SEPTEMBRE 2006
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LE JOURNAL DE QUÉBEC, MERCREDI 27 SEPTEMBRE 2006 (suite)
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THE GAZETTE, JEUDI 12 OCTOBRE 2006