Juin 1942 La contre-offensive présomptueuse de l`Armée Rouge

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Juin 1942 La contre-offensive présomptueuse de l`Armée Rouge
Juin 1942
13 – Le Front Russe
La contre-offensive présomptueuse de l’Armée Rouge
1er juin
Barbarossa
De Courlande à la Mer Noire, le front est provisoirement stabilisé, car les deux camps sont
trop épuisés pour se lancer dans de vastes opérations (voir annexe C B4). Mais cela ne signifie
pas que tout est calme. En fait, de nombreuses opérations limitées se déroulent le long de cet
immense front, tandis que les deux camps sondent les forces de l’adversaire, cherchent à
s’assurer un avantage tactique ou, pour les Soviétiques, tentent de ravitailler des unités
encerclées qui essayent de percer vers l’est. Certaines de ces opérations entraînent
l’engagement de forces allant jusqu’à la division.
…
– Secteur nord
Les opérations sont surtout liées aux tentatives maladroites de Vorochilov de réorganiser ses
forces pour pouvoir soutenir l’offensive prochaine de Timochenko.
…
– Secteur centre
Jusqu’au 10 juin, tout le centre du front soviétique est sous la responsabilité du Front de
Biélorussie, commandé par le Col.-général I. Boldine. Les opérations sont principalement les
suites des batailles précédentes. Des forces soviétiques assez importantes ont été piégées par
l’avance allemande et tentent maintenant de se frayer un chemin vers les positions russes.
Boldine les aide du mieux que le lui permet l’épuisement de ses troupes.
…
– Secteur sud et Mer Noire
Sur le front d’Ukraine, les troupes allemandes tentent de s’infiltrer dans Rovno, mais sont
bloquées par une défense énergique. Au sud de la ville, les formations d’artillerie des deux
camps se lancent dans six heures de duel, sans résultat net, car les deux camps manquent de
munitions pour atteindre une densité d’obus efficace.
Yevpatoriya (Crimée, URSS), 03h10 – D’étranges silhouettes s’alignent sur la piste d’un
terrain de l’Aviation de la Flotte de la Mer Noire. Des avions, sans doute, mais avec un
bizarre excès d’ailes et de moteurs, comme s’il était venu des bourgeons aux six Pe-8 et aux
trois TB-3 “Aviamatki” du 18e Groupe de Transport qui décollent en deux vagues.
Constantza (Roumanie), 05h20 – A l’aube, après deux heures de vol, les pesants
assemblages sont à 20 nautiques du grand port roumain. Chaque quadrimoteur laisse alors
filer vers le but deux monomoteurs du 32e Régiment de Chasse, douze Yak-1 SPB et six I-16
SPB en tout. Les chasseurs-bombardiers approchent à très basse altitude par la mer et ne sont
détectés que lorsqu’ils surgissent au-dessus du port. Sans opposition de chasse et presque sans
réaction d’une DCA sidérée, le raid est très efficace. Les Yak attaquent les bateaux, plaçant
trois bombes de 250 kg sur le destroyer Marasti, qui chavire, et deux sur le grand destroyer
Regele Ferdinand, bientôt dévoré par les flammes. Les Polikarpov prennent pour cible les
réservoirs de carburant – des cibles faciles, qui brûleront pendant deux jours.
Sur le chemin du retour, quelques Bf 109E roumains interceptent les Soviétiques, mais s’ils
arrivent à abattre un I-16, ils perdent un des leurs sous les coups des Yak-1.
Les problèmes de canons de la Panzerwaffe
Rastenburg – Le QG personnel d’Hitler est le siège d’une réunion importante sur l’état de la
Panzerwaffe, dont le grand savoir-faire tactique n’a pu masquer en Russie les douloureuses
insuffisances matérielles. Apprenant que la grande majorité des Pz-III sont encore armés du
50 mm/L42 et non du L60, Hitler a une de ses fameuses explosions de colère : « Equiper
aujourd’hui nos chars de ce vieux canon ridicule est une sorte de trahison ! Dès cet instant,
plus aucun Pz-III ne doit sortir d’usine sans être équipé du canon L/60 ! »
Halder, aidé du représentant de la branche technique de la Wehrmacht, a toutes les peines du
monde à convaincre Hitler que la production du 50 mm/L60 est encore trop lente pour équiper
à la fois tous les nouveaux Pz-III et tous les Pz-II et Pz-38(t) que l’on doit convertir en
Panzerjaeger. « Dès le début des combats en Russie, explique Halder, nous avons constaté
que nos chars armés de canons de 20 ou de 37 mm, comme le Pz-II et le Pz-38(t), étaient
complètement dépassés. Néanmoins, ce sont des véhicules fiables, qu’un bon canon en
casemate peut transformer à peu de frais en chasseurs de chars efficaces. Hélas, ils sont en
concurrence avec le Pz-III pour le 50 mm long et avec les nouveaux modèles de Pz-IV ou avec
les Pz-V pour le 75 mm long. Le choix le plus efficace, mon Führer, est de ne réduire que
progressivement la fabrication de chars armés de canons courts, pour l’interrompre lorsque
suffisamment de canons longs seront disponibles. »
Hitler admet finalement avec réticence que la transition du 50 mm/L42 au L60 ne se fasse que
peu à peu. Mais, pour se réconforter, il ordonne d’accroître la production des canons antichars
de 75 mm et de convertir tous les prototypes et modèles de pré-série du Porsche VK3601(P)
(le perdant du concours du Pz-V) en chasseurs de chars lourds, armés du canon de Flak de
88 mm/L56.
2 juin
Barbarossa
– Secteur nord et Mer Baltique
Les forces soviétiques tentent de se donner un peu d’air pour manœuvrer autour de Liepaja
(Libau). Soutenues par l’artillerie navale locale, la 67e Division de Fusiliers repousse
l’infanterie allemande d’environ 1 500 mètres, mais à un prix élevé.
Dans la Baltique, le sous-marin soviétique L-1, en mission de mouillage de mines, est coulé
par des avions allemands au large de Pillau [Baltiysk]. Pendant la nuit, un convoi de caboteurs
escorté par les DD Skoryi, Statnyi, Strogyi, Stroinyi, Surovyi et par les canonnières Bakinskyi,
Markin et Rabochyi (d’anciens destroyers transformés) débarque de l’infanterie de marine à
Ventspils et évacue des blessés.
…
– Secteur centre
Le maréchal Chapochnikov rend visite à Boldine, dans son QG de Minsk, pour évaluer ses
efforts défensifs. « Bien que des contre-offensives puissent être prévues dans les prochaines
semaines, souligne-t-il devant l’état-major de Boldine, assurer la stabilité de la ligne de front
est une nécessité primordiale. » Pendant ce temps, 25 000 ouvriers de Minsk, sous le contrôle
des organismes locaux du Parti Communiste d’URSS, commencent à creuser des tranchées et
des fossés anti-chars.
Le discours de Chapochnikov a cependant des résultats mitigés. Certains commandants
d’unité décident d’améliorer leurs positions mais d’autres, craignant que l’on considère qu’ils
sont « d’esprit trop défensif », ont beaucoup de mal à s’écarter des Instructions de Campagne
(Polevoj Ustav), qui n’imposent que des trous d’hommes pour toutes mesures défensives
tactiques.
Sur le terrain, l’artillerie soviétique est très active toute la journée dans les secteurs de Minsk
et Molodechno. Dans la nuit, la 129e Division de Fusiliers lance une attaque limitée au nordouest de Minsk. Elle réussit à secourir 567 hommes de différentes unités, qui avaient été
isolés lors de la bataille de Novogrudok.
…
– Secteur sud et Mer Noire
01h15 – Couverts par les croiseurs Voroshilov et Molotov, le vieux croiseur reconstruit
Krasnyi Kavkaz (4 canons de 180 mm), les croiseurs légers armés de 130 mm Chervona
Ukraina et Krasnyi Krim ainsi que les destroyers Sovershennyi, Sposobnyi et Svobodnyi
ouvrent le feu sur le port de Constantza, visant les flammes des réservoirs de pétrole, qui
brûlent encore. La réaction des batteries côtières roumaines et allemandes est immédiate. Le
Sovershennyi est sévèrement touché par plusieurs obus de 152 mm, tandis que le Chervona
Ukraina est endommagé par un obus de 280 mm de la batterie sur rail Bruno Lange.
L’escadre soviétique se retire.
Cependant, le destroyer Regele Ferdinand, dont l’incendie n’était toujours pas maîtrisé, a été
achevé, et plusieurs cargos ont été endommagés. De plus, le grand réservoir de la Constantza
Oil a été touché, cette fois par les 180 mm à longue portée du Krasnyi Kavkaz.
Dans les airs aussi
Berlin et Prusse Orientale – Dans la nuit du 1er au 2, Berlin, mais aussi Königsberg, Dantzig
et Memel sont attaqués par quelques dizaines de bombardiers Pe-8, Yer-2 et DB-3 des VVS et
VVS-MF (l’aviation de la Marine). Les résultats matériels sont minimes, mais l’effet
psychologique est considérable.
3 juin
Barbarossa
– Secteur nord et Mer Baltique
Vers midi, le convoi de Ventspils, sur le chemin du retour, est attaqué au large de l’île
Saaremaa par les bombardiers du SeeGruppe 806 escortés par des Bf 109F du JG 54. Malgré
douze chasseurs soviétiques qui tentent de couvrir le convoi, les Allemands coulent deux
caboteurs et le DD Strogyi.
Pendant ce temps, le croiseur Kirov et les DD Grozyashchnyi, Smertlivyi, Steregushcyi,
Strashnyi, Serdityi, Odvajnyi, Otverzhdyonnyj, Obrazsovyj et Otlichnyj ont quitté Tallinn. Ils
entrent au crépuscule dans le Golfe de Riga, où ils retrouvent les dragueurs de mines de classe
Tral T-1, T-2, T-3 et T-4, et une flottille de vedettes lance-torpilles de type G-5. A 23h35, le
croiseur et les destroyers commencent à bombarder les forces allemandes près de Riga.
…
– Secteur centre
Au tour du chef d’Etat-Major de l’Armée Rouge, le général G.K. Joukov, de débarquer à
Minsk. Joukov discute longuement avec Boldine et son état-major pour évaluer avec précision
la situation des forces soviétiques et allemandes dans le secteur.
Sur le terrain, Minsk et Moghilev sont attaqués par la Luftwaffe. Onze avions allemands sont
abattus en échange de douze chasseurs soviétiques – l’un des meilleurs résultats obtenus à ce
jour par les VVS.
…
– Secteur sud
La Luftwaffe attaque Jitomir et Vinnitsa. Le premier raid, sans opposition, endommage
sérieusement la gare. Le second est intercepté par la chasse soviétique, qui abat six avions
allemands mais perd dix appareils.
Moscou – Le chef des VVS, le Lt-Gén. P.F. Jigarev, est relevé de son commandement et
remplacé par son adjoint, le Lt-Gén. A.A. Novikov. Jigarev n’a pas été démis en raison des
résultats des VVS au mois de mai, mais la Stavka considère que ses aptitudes le portent plus
vers l’organisation et l’entraînement que vers l’introduction de nouveaux concepts tactiques,
tâche qui paraît mieux correspondre aux capacités de Novikov. Jigarev est envoyé superviser
les Districts Trans-Baïkal et d’Extrême-Orient, où il doit créer très rapidement de vastes
installations d’entraînement pour permettre l’expansion des VVS.
Washington – Le Département d’Etat a organisé une première réunion historique sur les
livraisons en Prêt-Bail destinées à l’Union Soviétique. L’ambassadeur d’URSS, Maxim
Litvinov, soumet aux autorités américaines la liste suivante :
(i) Tous types de matériels de radio, notamment émetteurs-récepteurs
portables pour les communications tactiques (matériels déjà demandés
dans le cadre de l’accord commercial américano-soviétique de 1941).
(ii) Machines-outils, notamment pour la production à la chaîne
(tapis roulants de convoyage).
(iii) « Tout type de chasseur d’appui au sol. »
(iv) Avions d’entraînement élémentaire et avancé, « en très grands
nombres » pour faciliter le programme d’expansion considérable des
VVS.
(v) Camions et véhicules de communication.
(vi) Locomotives et wagons de marchandises.
(vii) Engrais (en grande quantité) et certains produits chimiques.
(viii) Matériel agricole (moissonneuses-batteuses, tracteurs, etc.).
(ix) Aliments en boîtes pour les forces armées.
………
La même liste est communiquée aux autorités britanniques.
L’ambassadeur Litvinov demande que les livraisons commencent rapidement et indique que
le gouvernement soviétique accepte très volontiers la proposition franco-britannique de faire
passer des convois par la Méditerranée, la Mer Egée et le Bosphore. Les ports soviétiques de
débarquement doivent être Sébastopol ou Azov/Rostov, selon la menace représentée par les
bombardements de la Luftwaffe.
4 juin
Barbarossa
– Secteur nord et Mer Baltique
01h00 – Après un bombardement de 75 minutes, l’escadre soviétique sort à grande vitesse du
golfe de Riga, espérant être à l’aube hors de portée des bombardiers allemands.
03h55 – Alors que les Soviétiques doublent Sorve, ils sont attaqués par la 3e Flottille de SBoots. Le dragueur T-3 est torpillé et coule rapidement, mais les DD Strashnyi, Smertlivyi et
Steregushcyi contre-attaquent. La S-60 est incendiée et coulée au canon et la S-66, touchée,
est achevée par le Strashnyi qui l’éperonne ; mais le vainqueur est alors frappé par deux
torpilles et coule près des îles Saaremaa. Peu après cette action, le DD Odvajnyi saute sur une
mine et doit être échoué.
Au matin, une brume dense couvre la Baltique jusqu’à 11h00. Elle empêche les avions
allemands d’attaquer l’escadre en retraite et interdit aux appareils soviétiques de pourchasser
les vedettes allemandes qui rentrent à Königsberg.
Dans la journée, le vice-amiral Tributs, commandant de la Flotte de la Baltique, ordonne que
les convois destinés à la Courlande s’arrêtent aux Saaremaa, d’où troupes et matériels doivent
être transportés de Sorve à Ventspils par des forces légères.
…
– Secteur centre
Des combats éclatent derrières les lignes allemandes à l’est de Sluck. Un avion de
reconnaissance ayant signalé qu’un groupe important de soldats soviétiques tente de percer
vers les lignes amies, les forces soviétiques lancent des attaques au niveau du régiment. Dans
l’après-midi, Boldine autorise deux régiments indépendants d’artillerie à engager les troupes
allemandes pour couvrir une attaque limitée des véhicules survivants du 52e Corps Mécanisé.
Au crépuscule, dans les deux camps, des forces supplémentaires sont aspirées dans les
combats, 15 km à l’est de Sluck. Peu avant minuit, les survivants des troupes qui s’efforcent
de se dégager, qui appartiennent à trois divisions différentes, parviennent à atteindre les lignes
soviétiques.
Au total, 1 567 soldats, hommes et femmes, dont la moitié sont blessés, rejoindront les
positions soviétiques dans la nuit. Certains d’entre eux réussiront même à traîner jusque là
deux canons antichars de 45 mm.
…
– Secteur sud
Le colonel-général Kirponos rencontre à Vinnitsa le chef d’état-Major de l’Armée Rouge, le
général G.K. Joukov (qui avait commandé le District Militaire d’Ukraine jusqu’à fin 1940), et
le maréchal B. Chapochnikov, pour discuter de la réorganisation du Front d’Ukraine.
Dans les airs aussi
Berlin, Pologne et Prusse Orientale – Dans la nuit, 137 bombardiers des VVS et des VVSMF attaquent de nouveau Berlin, Varsovie, Dantzig et Königsberg. La flak et les chasseurs de
nuit de la Luftwaffe détruisent six des attaquants.
Prudence
Moscou – Au Comité d’Etat pour la Défense (Gosudartsvennyi Komitet Oborony), Staline et
Voznesensky décident le déménagement de toutes les usines de Biélorussie et de l’ouest de
l’Ukraine vers la région de Moscou ou de la Volga. Le GKO ne craint pas tant l’invasion que
la désorganisation industrielle par les raids de la Luftwaffe.
5 juin
Barbarossa
– Secteur nord et Mer Baltique
Liepaja (Libau) – Les Allemands lancent l’opération Gustav. Soutenu par les bombardiers
des II & III/KG 1 et du III/KG 77, la 291e Division d’Infanterie du Lt-général Kurt Herzog
attaque d’est en ouest. Au soir, ses forces ont percé la première ligne de défense russe, mais
sont arrêtées aux limites de la ville.
Riga – Les Soviétiques lancent des pointes pour évaluer la force et la qualité des troupes
allemandes qui tiennent l’embouchure de la Dvina.
Dans la nuit, la Kriegsmarine exécute l’opération Weststurm I. La ville est bombardée par une
escadre commandée par le contre-amiral Bey : croiseurs légers Leipzig, Köln et Nürnberg et
DD Z-25 et Z-27, couverts par les TB T-7, T-8 et T-10 et les S-Boots de la 2e Flottille.
…
– Secteur centre
Au terme d’un intense duel d’artillerie et malgré l’engagement de deux régiments d’artillerie
supplémentaires, les Soviétiques ne peuvent dégager un autre groupe de soldats qui essayaient
d’échapper à l’encerclement en passant au sud-est de Sluck.
La Luftwaffe attaque à nouveau Minsk et Moghilev. La gare de Minsk est endommagée, mais
non mise hors service. Le raid contre Moghilev est gêné par les nuages et une DCA très
active.
…
– Secteur sud
La Luftwaffe lance une attaque de grande envergure sur Kishinev pour aider les troupes
roumaines, qui doivent attaquer la ville le lendemain.
6 juin
Barbarossa
– Secteur nord et Mer Baltique
Liepaja – L’attaque allemande reprend dès l’aube, mais tourne vite à un combat de rues, où
chaque maison est transformée en fortin. La plus grande partie de la vieille ville de Libau est
gravement endommagée par les tirs d’artillerie.
Le maréchal K.V.Vorochilov, commandant du Front Nord, ordonne à la Marine d’appuyer de
son mieux les défenseurs. Le vice-amiral Tributs s’inquiète de la proximité des bases de
vedettes lance-torpilles allemandes, mais décide d’organiser un nouveau convoi de renfort
direct et d’y associer une puissante opération de bombardement côtier. A Tallinn, deux
bataillons d’infanterie de marine sont embarqués sur les DD Artem, Volodarskij, Engel’s et
Kalinin (de la classe Novik, relativement ancienne) et sur les plus récents Serdityi, Silnyi,
Smertlivyi et Steregushcyi. Le bombardement doit être effectué par une escadre venant de
Kronstadt. Commandée par le capitaine de 1er rang N.E. Feldman, elle comprend le vieux
cuirassé Marat, le croiseur Kirov, le DL Leningrad et Minsk et les DD Skoryi, Smelnyi,
Spokoinyi, Statnyi, Stoikyi, Strashnyi, Stroinyi et Surovyi. L’ensemble (un BB, un CA, un DL
et 17 DD) doit être couvert par douze vedettes G-5, chargées de poser des mines au sud-ouest
de Liepaja. Tous les chasseurs dépendant de la Flotte de la Baltique sont concentrés sur les
terrains de Tallinn et des îles du golfe de Riga pour protéger ce qui doit être l’opération
navale soviétique la plus ambitieuse organisée jusqu’alors.
…
– Secteur centre
Le président du Gosplan et Premier ministre délégué, N. Vojnesensky, se rend à Minsk pour
superviser l’évacuation de la plupart des usines locales vers la région de Moscou. Un décret
du SovNarKom (Conseil des Ministres ou, techniquement, “Conseil des Commissaires du
Peuple”) organise la répartition des réfugiés dans la région de Moscou et de Kalinine.
…
– Secteur sud
Le XIe Corps (76. et 239. ID allemandes renforcées par la 6e DI et la 1ère Division Blindée
roumaine) tente de nouveau de percer les lignes soviétiques devant Edinet. Il se heurte à une
ligne de collines où des grottes fournissent un abri naturel aux forces soviétiques.
Le XXXe Corps d’Armée germano-roumain (13e et 14e DI roumaines, 198. ID allemande,
renforcés par la 35e Division d’Infanterie de Réserve) lance une offensive limitée contre
Kishinev. La ville étant couverte à l’ouest par une ligne de hauteurs boisées, l’attaque tente de
la tourner par le sud, par R!zeni. Après quelques progrès, l’attaque est bloquée par les
fortifications de campagne et l’artillerie des Soviétiques. La 13e D.I. roumaine subit de très
lourdes pertes. En fin de journée, le commandant du XXXe Corps, le général von Salmuth,
constatant que la première ligne de défense soviétique n’a pas été percée, rappelle l’attaque.
« A ce stade de la campagne, on voit apparaître les différences d’objectifs entre les Allemands
et leurs partenaires de l’Axe. Les Roumains sont avant tout impatients de reprendre Kishinev,
capitale de la Bessarabie et objectif symbolique majeur ; mais von Schobert considère que la
priorité est de percer au nord de la province, vers Mogilev-Podolskyi, pour prendre en tenaille
les forces soviétiques d’Ukraine occidentale. Ces discordes entre le commandement roumain,
aux objectifs surtout politiques et nationaux, et le commandement allemand, qui cultive la
destruction de l’ennemi comme priorité absolue, réapparaîtront à toutes les étapes de la
campagne.
Von Schobert fait presser les opérations autour de Chernovtsy et décide que le LIVe Corps, en
réserve à Iasi, sera envoyé par chemin de fer vers le nord pour épauler le XIe Corps, tandis
que la 4e Armée roumaine franchira à son tour le Prouth vers Leova, au sud-ouest de
Kishinev, pour fixer le maximum de forces ennemies au sud. Mais, vu l’état des transports et
des approvisionnements, ce mouvement prendra près de trois semaines. » (Ronald L.
Tarnstrom, Balkan Battles, 1999, p. 360-362.)
7 juin
Barbarossa
– Secteur nord et Mer Baltique
Liepaja – Les combats se poursuivent toute la journée. Les forces allemandes, incapables de
percer vers le port et la base navale, subissent de lourdes pertes. En revanche, les défenseurs,
débordés, sont à bout de forces.
Dans la journée, des chasseurs soviétiques se redéploient sur les îles du golfe de Riga.
Dans la soirée, l’escadre soviétique qui a quitté Tallinn à l’aube approche de Liepaja. Au
même moment, l’escadre allemande qui a bombardé la ville l’avant-veille s’apprête à
recommencer (opération Weststurm II).
22h35 – Le Marat et le Kirov ouvrent le feu sur les positions allemandes au sud et à l’est de la
ville, à 22 000 mètres.
22h41 – Les S-Boots envoyés en éclaireurs, entendant le canon, signalent au contre-amiral
Bey la présence d’importantes forces russes.
22h57 – Les S-Boots détectent des forces légères soviétiques au sud-ouest de Liepaja. Ce sont
les vedettes G-5, qui viennent d’achever de mouiller leur champ de mines. Mais les S-Boots
évitent d’attaquer et s’éloignent pour ne pas donner l’éveil, pendant que l’escadre allemande
continue vers le nord-est.
23h05 – Les huit destroyers chargés de troupes entrent dans le port de Liepaja et l’infanterie
débarque sous la protection des 300 mm du Marat, qui martèlent les positions allemandes,
avec les 180 mm du Kirov et les 130 mm des autres destroyers.
…
– Secteur centre
Alors que le colonel-général Ivan Boldine est convoqué à Moscou, des combats éclatent près
de Starya Dorogi. Le commandement soviétique local doit porter secours à une nouvelle
tentative de percée de troupes encerclées. Les avions d’appui au sol des VVS effectuent
plusieurs missions, et la réaction allemande est relativement faible. Les restes de la 3e Armée
Blindée du major-général M.G. Khatskilevich (environ 45 chars), aidés par les parachutistes
du 4e Corps Aéroporté, se retrouvent plongés dans ce qui devient bientôt la plus importante
bataille de la “phase de stabilisation” de juin. Dans la nuit, les parachutistes, jouant le rôle
d’infanterie légère, atteignent les abords de Starya Dorogi.
…
– Secteur sud
La Luftwaffe attaque Rovno et Jitomir, mais avec des forces limitées qui ne font que peu de
dégâts. Plus au sud, Odessa est la cible d’une attaque aérienne bien plus puissante. Une
importante formation germano-roumaine perd six bombardiers et trois chasseurs d’escorte,
pour seulement dix chasseurs soviétiques abattus.
8 juin
Barbarossa
– Secteur nord et Mer Baltique
00h02 – Les deux destroyers et les trois torpilleurs allemands se hâtent sur les traces des SBoots. Ceux-ci, ayant contourné les vedettes russes (et, sans le savoir, leur champ de mines),
approchent de la position des navires qui bombardent les forces terrestres allemandes. Le plan
allemand est de prendre les Russes entre les S-Boots et les destroyers et torpilleurs. Mais à ce
moment, le destroyer Z-27 saute sur une mine soviétique, qui détruit la proue du destroyer
jusqu’à sa tourelle avant. Les vedettes soviétiques, jusqu’alors inconscientes de la présence
allemande, se réveillent en sursaut et commencent à tirer un peu au hasard. La riposte des
Allemands ne tarde pas, mais eux savent sur qui ils tirent, et ils sont précis.
00h03 – Comprenant que l’effet de surprise est perdu, le commandant de la 2e Flottille
ordonne d’attaquer immédiatement les navires ennemis les plus proches. Il s’agit de certains
des DD qui escortent le Marat et le Kirov. Leurs équipages sont plus attentifs que ceux des
vedettes, mais ils sont cueillis à froid par des adversaires aussi furtifs que leurs torpilles sont
précises. Dès la première salve, le DL Minsk et le DD Spokoinyi, touchés, coulent rapidement.
Ensuite, le S-43 est incendié par les DD Stoikyi et Serdityi, mais le Skoryi est immobilisé par
une nouvelle torpille. Les autres S-Boots se replient alors à toute vitesse derrière un rideau de
fumée, non sans avoir aperçu ce qu’ils croient être « un cuirassé, un croiseur lourd et un
léger » (sans doute le DL Leningrad).
Plus au sud, les quatre destroyers et torpilleurs allemands intacts font du dégât chez les
vedettes soviétiques : trois des G-5 sont coulées, et une quatrième si endommagée qu’elle
devra être sabordée.
00h14 – Alors qu’il tente de se replier, le Z-27 saute sur une autre mine. Les sources
soviétiques affirment qu’il s’agissait d’un engin du nouveau champ de mines. Cela semble
peu probable ; selon les Allemands, l’équipage du Z-27 aurait perdu la notion de la position
du navire après l’explosion de la première mine et se serait égaré dans un champ de mines
allemandes… Quoi qu’il en soit, le destroyer malchanceux commence à couler. Le T-7 le
rejoint et récupère l’équipage.
00h23 – Informé par les S-Boots que la flotte soviétique est puissante et en alerte, le contreamiral Bey décide de rentrer à Pillau [Baltiysk]. La bataille est terminée.
01h02 – Les destroyers soviétiques qui ont débarqué des troupes à Liepaja s’en vont, à la
suite des navires qui ont bombardé.
01h07 – Le Skoryi, dont les machines sont irréparables, doit être sabordé.
Les Soviétiques ont perdu un DL, deux DD et quatre vedettes, contre un DD et une vedette
seulement. Mais le résultat de ce que certains historiens appellent “bataille de Liepaja”,
d’autres “bataille du Golfe de Riga” ne satisfait personne.
« Le vice-amiral Tributs accusa à juste raison de médiocrité les équipages des G-5,
incapables de jouer efficacement leur rôle de sentinelles dans cette opération. Les deux
premières pertes subies par les Soviétiques auraient sans doute pu être évitées si l’alerte avait
été donnée à temps. Néanmoins, Tributs félicita N.E. Feldman pour son idée de combiner un
convoi de renforts pour Liepaja avec un puissant bombardement naval. Le double écran
établi autour des unités lourdes de la Flotte de la Baltique avait empêché l’ennemi de les
attaquer ou même de les approcher. De plus, le Marat et le Kirov, bien regroupés, avaient pu
infliger d’autant plus de dégâts. Les concepts opérationnels mis en œuvre dans le cadre de
cette opération étaient sains, même s’ils pouvaient être améliorés. Finalement, Tributs
attribua à l’absence d’entraînement réaliste la plupart des défauts qu’il avait pu observer
dans les réactions des équipages soviétiques lors de ce combat. » (A.A. Sagoyan,
Korabel’naja Artillerija v Velikoj Otechetsvennoj Vojne, Naval Publishing House, Moscou,
1952, pp. 34-35).
Côté allemand, la réaction est encore plus négative. Bien que la Kriegsmarine ait infligé à
l’ennemi des pertes nettement supérieures à celles qu’elle a subies, elle n’a pu empêcher ni
l’acheminement de renforts à Liepaja, ni un bombardement naval qui a occasionné des pertes
sérieuses aux troupes allemandes. Ce dernier point en particulier soulève la colère d’Hitler. Il
convoque à son QG de Rastenburg le vice-amiral Ciliax, commandant les unités navales en
Mer Baltique, et le Grand-Amiral Raeder.
…
– Secteur centre
Les combats près de Starya Dorogi se font plus violents, avec l’engagement, du côté
allemand, de 30 à 35 chars du PanzerGruppe de Guderian. La Luftwaffe effectue dans la
journée 154 missions dans ce secteur, contre 213 des VVS ; sept avions allemands et 19
soviétiques sont abattus. En fin de journée, la ligne de front initiale est rétablie. Les
Soviétiques ont perdu 27 blindés et les Allemands 16. Mais les forces soviétiques ont réussit à
récupérer un groupe important de combattants. Ce sont 2 765 hommes et femmes qui ont
réussi à rentrer, survivants d’un groupe que son commandant improvisé, un colonel vétéran de
la Guerre Civile, estimait à 5 600 au début des combats.
Frank Capra fera une place à cet épisode dans la partie consacrée à l’URSS de “Pourquoi
nous combattons” afin de montrer la volonté de combattre des Russes. Et bien entendu, le
cinéma soviétique célèbrera à plusieurs reprises les héros des combats de Starya Dorogi,
morts ou vivants, hommes ou femmes, tankistes, paras, fusiliers ou aviateurs, dans des films
sortis pendant la guerre et jusqu’aux années soixante.
…
– Secteur sud
Au nord d’Ivanovo-Frankovsk, les Soviétiques lancent une attaque limitée pour élargir leur
périmètre défensif. L’attaque est repoussée, car l’artillerie soviétique manque de munitions
pour mettre en œuvre le tir de barrage prévu. En fait, le saillant d’ d’Ivanovo-Frankovsk n’est
guère menacé, car son flanc nord est tenu par les Hongrois et son flanc sud par les Roumains :
les deux peuples sont depuis des années à couteaux tirés et aucun ne souhaite contribuer à une
victoire de l’autre.
Près de Kishinev, du 8 au 10 juin, la 9e Armée du général Tcheveritchenko tente une nouvelle
contre-attaque en visant la 1ère Division de la Garde (roumaine), à la jonction entre la 11e
Armée germano-roumaine et la 4e Armée roumaine. Les bombardiers roumains interviennent
et brisent l’élan des attaquants en larguant 37 tonnes de bombe, mais trois appareils sont
abattus ou gravement endommagés.
9 juin
Barbarossa
– Secteur nord et Mer Baltique
Liepaja – L’infanterie de marine soviétique contre-attaque. Elle subit des pertes sans guère
avancer, mais en fin de journée, le commandement du Groupe d’Armées Nord suspend
l’opération Gustav.
…
– Secteur centre
Timochenko vient à Minsk informer l’état-major de Boldine de la partition du Front de
Biélorussie. Boldine, qui doit transférer son QG à Gomel, demande à la plupart de ses
officiers de rester avec Timochenko pour organiser au mieux la contre-offensive prévue.
…
– Secteur sud et Mer Noire
Le sous-marin roumain Delfinul attaque les vieux destroyers Zheleznjakov et Nezamozhnik
(classe Novik) au large d’Odessa, mais sans succès. Le Delfinul est victime de l’obsolescence
d’une partie de ses équipements, qui limitent ses capacités. En particulier, il met du temps à
plonger et il est incapable de recharger ses batteries lorsqu’il est en mouvement.
10 juin
Barbarossa
– Secteur nord et Mer Baltique
Daugavpils (Dunaburg) – Les forces soviétiques commencent à sonder les défenses
allemandes.
Liepaja et Ventspils – Des avions allemands frappent durement ces deux ports. A Ventspils,
ils coulent le dragueur de mines T-206 (classe Tral).
………
Rastenburg (QG d’Hitler) – Ciliax et Raeder subissent deux heures durant le déchaînement
de la colère du Führer. « Les résultats déplorables de votre Kriegsmarine ne peuvent que
rappeler l’échec lamentable de la Marine Impériale, qui s’est toujours montrée incapable de
soutenir les forces terrestres ! Il faudra un jour ou l’autre que je fasse mettre au rebut tous
ces navires inutiles et que leurs équipages soient versés dans l’infanterie, au moins ils
serviraient à quelque chose ! » Hitler enchaîne ensuite avec la situation en Mer Noire, dont
von Ribbentrop lui a glissé un mot suite à son entretien avec le vice-premier ministre roumain
au début du mois. « Par ailleurs, il faut sans délai envoyer des renforts navals aux Roumains,
il n’est pas normal que la flotte des Rouges puisse bombarder en toute impunité leurs ports et
leurs troupes. »
Cette séance aura des conséquences importantes. En sortant du QG de Hitler, Raeder, pâle de
rage, autorise en effet Ciliax à engager toutes ses unités navales pour empêcher la répétition
de ce qui est considéré comme un succès soviétique. De son côté, le Grand-Amiral va une
nouvelle fois racler les fonds de tiroirs pour soutenir cette fois-ci l’allié roumain. Encore une
confrontation déplaisante avec Dönitz en perspective…
– Secteur centre
La partition de l’ancien Front de Biélorussie en deux entités est officiellement annoncée. Le
“Front Centre” qui vient d’être créé aura son QG à Gomel. La limite entre ce Front et le
nouveau Front de Biélorussie doit être une ligne est-ouest passant par Zlobin.
– Secteur sud
Le colonel-général A.A. Novikov, commandant des VVS, et le major-général S.A.
Khudyakov, son chef d’état-major, visitent Kiev et Jitomir pour inspecter les unités aériennes
soviétiques sur le Front d’Ukraine. Les deux officiers en profitent pour recueillir le plus
possible de témoignages de première main sur les trois premières semaines de la guerre.
A la fin de leur visite, Novikov envoie un message aux ingénieurs d’Ilyouchine afin qu’ils
élaborent aussi vite que possible une variante biplace de l’Il-2 d’attaque au sol, car le besoin
d’un mitrailleur dorsal sur ces appareils se fait cruellement sentir. En guise de réponse
provisoire aux lourdes pertes que ces appareils très efficaces ont subies, Novikov et
Khoudyakov s’accordent pour remettre en service de vieux chasseurs I-153 dans les régiments
de Shturmovik. Armés de roquettes de 82 mm, les I-153 doivent escorter les Il-2 pour faire
taire la flak légère. Une fois leurs roquettes tirées, ils doivent fournir aux solides mais peu
manœuvrants bombardiers une escorte rapprochée. A très basse altitude, l’extraordinaire
agilité du I-153 en fait un avion capable de se défendre contre les chasseurs de l’Axe.
Prudence
Berlin – Le haut commandement de la Luftwaffe décide de redéployer plusieurs unités de
chasse de nuit en Pologne et en Prusse Orientale.

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