Notes de lecture - Reseau
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Notes de lecture - Reseau
Notes de lectures de Georges L e r o y avril 2016 H pas d’intérêt, HH peu d’intérêt, HHH un certain intérêt, HHHH un grand intérêt, HHHHH un intérêt exceptionnel. L’attribution des étoiles est relative, et peut comporter des aspects négatifs… le diable porte pierre. Si l’appréciation privilégie le fond à la forme, elle n’en constitue pas moins un jugement de synthèse avec sa part de subjectivité… mais non de relativisme. Note : La qualité de ce document permet l’impression sur une imprimante de bureau. Ce que dit Charlie HHHII Pascal Ory Gallimard, 250 p., 16 €. En janvier 2015, la France fut prise par surprise. Mais elle s'est, aussi, surprise elle-même. Aux deux massacres ont répondu des centaines de « marches républicaines », dont la polémique autour de ceux « qui n'étaient pas Charlie » n'a pas réussi à occulter la profonde signification politique. L'événement est entré dans l'histoire. Il est entré aussi dans la géographie, sous le regard de l'étranger, lui-même témoin, acteur ou victime du drame. Drame, au reste, ou tragédie ? Le massacre à Charlie Hebdo a mis face à face deux radicalismes : une extrême gauche vieillissante et un extrémisme religieux pour l'instant en plein essor. Le massacre à l'Hyper Cacher a confirmé la violence d'une haine du Juif cultivée dans certains milieux « issus de l'immigration ». On a déjà beaucoup parlé de janvier 2015. Et ce n'est pas près de finir. Ce que l’auteur, historien, essaye ici, c'est d'analyser ce qui s'est passé, ce qui se passe encore et, dans une certaine mesure, ce qui va se passer, au travers d'une douzaine de clés d'interprétation, qui vont de « Sidération » à Soumission, en passant par Liberté d'expression, Laïcité ou Religion. Les analyses restent sages et politiquement correctes, même si la mise en perspectives est intéressante. L'Histoire, « avec sa grande hache » (Georges Perec), a fait son travail. Un historien fait le sien. André Charlier le prix d’une œuvre HHHHI Dom Henri Terramare, 600 p., 25 €. Après avoir été blessé et fait prisonnier en Allemagne pendant la première guerre mondiale, André Charlier se tourna finalement vers l’enseignement. Devenu Directeur de l’École des Roches de Maslacq, transférée ensuite à Clères : sa grande œuvre sera la formation de la jeunesse. Son ami Paul Claudel voit en Charlier, beaucoup plus qu’un éducateur, un maître spirituel : « le maître idéal suivant l’Esprit de Dieu et le cœur chrétien ». Pour sa part Monseigneur Henri Brincard résume ainsi cette œuvre de formation de la jeunesse : « un élan de toute l’âme vers “la Lumière” ». John Keith, un jeune américain venu étudier pendant quelques mois à Clères, confiait y avoir trouvé « une École simple et non pas prétentieuse », où l’on se « trouve face à face avec Dieu ». L’instrument de cette rencontre avec Dieu était André Charlier lui-même, comme Antoine de Lévis Mirepoix l’explique dans la Préface. Mais cette œuvre exigea d’André Charlier qu’il renonce, après la mort de sa première femme en 1940, à redonner un véritable foyer à ses propres filles, sacrifice douloureux à son cœur de père et sur lequel il revient souvent dans le Journal qu’il écrivit à leur intention : « Vous avez eu [à Maslacq] une vie fort agréable en somme, et je pense qu’elle restera pour vous comme un beau souvenir. Pas un vrai foyer sans doute, mais qu’y puis-je ? J’ai dû sacrifier cela à l’École, et ce n’est pas moi qui ai Notes de lecture de Georges Leroy, février 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 1/19 voulu assumer cette charge ». Par ces sacrifices librement consentis, André Charlier fut un « témoin de l’Éternel », comme il se définit luimême. Son ami Gustave Thibon l’avait compris, qui lui écrivait : « Je pense souvent, très souvent à vous comme à l’un des derniers témoins des choses qui demeurent ». C’est ce témoignage de toute une vie que nous livre cette première et excellente biographie d’André Charlier Et bientôt au détriment de ceux qui l’entourent. trouve enfin la sérénité dans une tribu kanake. Ce livre est un roman hommage aux plus indépendants des artistes soviétiques et aux chefs-d’œuvre de ce que l’on a appelé « la dissidence ». C’est aussi une ode à l’amitié : celle qui lie, à travers les épreuves et les ans, le Russe Vladimir Katouchkov et l’Ukrainien Pavel Golchenko. En Arizona (USA), deux copains (Chassignet et Kenton) siollant les routes des états du Sud tombent en panne dans un bled perdu peuplé de ploucs racistes qui les retiennent otages. Une aventure véridique, selon l’auteur. Bonnes nouvelles de Chassignet Les âmes rouges Non, nous ne sommes ni chez Paul Bowles ou Agatha Christie, ni chez le Simenon de Quartier nègre, ni chez le Douglas Kennedy de Culde-sac. Les lecteurs enthousiastes de Retour à Zornhof retrouveront ici la "magie-Oberlé". Un vrai vent d'audace et de liberté souffle à travers ces trois nouvelles, qui font de l’auteur un représentant du baroque dans les Lettres contemporaines. Dans le ventre HHHII HHHII Gérard Oberlé Paul Greveillac Grasset, 220 p., 17 €. Gallimard, 460 p., 22,50 €. Érudit non conformiste, gastronome distingué, œnologue jouisseur, aventurier mélomane, amoureux de l'amitié, le Morvandiau Chassignet, personnage emblématique des premiers romans de Gérard Oberlé, ressemble beaucoup à son créateur, tout comme les trois histoires qu’il nous conte ici… Moscou, URSS. La culture est enrégimentée afin de servir l’État. Vladimir Katouchkov et Pavel Golchenko, la vingtaine, se rencontrent un soir par hasard. Le premier est censeur au sein du GlavLit, qui statue sur tout ce qui paraît dans le pays. Le second est projectionniste au Goskino, le cinéma des officiels du Parti. Deux institutions où sont quotidiennement interdites, coupées, asservies les œuvres d’une nouvelle génération d’écrivains et de cinéastes qui tente de s’épanouir depuis la mort de Staline. Vladimir Katouchkov, écœuré par le système, décide d’en dénoncer l’hypocrisie. À ses risques et périls. En Égypte, dans un hôtel d’Assouan où il passe ses hivers (il a pris ses habitudes), une femme mystérieuse fascine Chassignet. Par quel étrange destin Mitzi se trouve-elle sur les bords du Nil pour y jouir d’une ultime escale ? En Nouvelle-Calédonie, Chassignet rencontre un bourlingueur des tropiques au bout du rouleau qui HHHHI Sergio Perroni Ed de Fallois, 130 p., 18 €. La guerre de Troie a bien eu lieu. L’auteur nous le rappelle en racontant un épisode capital qui a permis la victoire des Grecs sur les Troyens, après des années de combats : celui du cheval de Troie. L'auteur donne la parole à un soldat grec, enfermé, avec d'autres soldats, à l'intérieur du cheval et avec trois "héros" : Épéios qui a construit le cheval sur les ordres de la déesse Athéna, Ulysse Notes de lecture de Georges Leroy, avril 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 2/19 et un adolescent Néoptolème, fils du défunt Achille. Le but des Grecs est de pénétrer par ruse dans la cité de Troie car le cheval est présenté comme un don des dieux pour protéger la ville assiégée. Le stratagème a été imaginé et voulu par la déesse Athéna qui souhaite la victoire des Grecs. Dans cette situation Ulysse réagit avec sagesse et calme, Épéios, en constructeur habile, sûr de son fait. Le jeune fils d'Achille a peur : il souffre d'être enfermé, de ne pas voir la mer, il doute du succès final et surtout du soutien des dieux. Estil lucide ? Ou pessimiste ? Des signes étranges vont alourdir l'atmosphère : des flèches lancées contre le cheval, la chute d'un casque ou d'une épée, l'unique chandelle qui s'éteint mais surtout l'apparition d'une "Dame" mystérieuse. Elle entre après une pluie diluvienne, elle sort suivie d'un sommeil qui accable tous les occupants du cheval. Ses premières paroles sont hésitantes comme si elle peinait à retrouver le langage des hommes ; lorsque le nom d'Athéna est prononcé elle cache son visage dans ses voiles. Elle évoque Laocoon, prêtre de Poséidon, (dieu de la mer) qui a lancé les flèches contre le cheval, elle évoque sa méfiance à l'égard des cadeaux grecs et surtout sa fin terrible ainsi que celle de ses fils. Mais pour les héros enfermés, le mystère ne s'arrête pas à ce témoignage étrange… L’écrivain a construit un conte fantastique : il réussit le prodige de maintenir le suspense avec virtuosité bien que l'issue du combat soit connue. Les héros, dans leurs conversations, expriment avec lyrisme les éternelles questions existentielles que se posent les êtres humains : quelle direction choisir dans la vie, le passé est-il un poids pour affronter le futur ? En effet ces héros légendaires nous apparaissent très humains car, malgré leur courage, ils sont les jouets des caprices des dieux qui les manipulent à leur guise. Démocratie radicale, lire J Dewey HHHII Jean-Pierre Cometti Gallimard Folio, 350 p., 8,20 €. À son tour, le public français découvre l'œuvre philosophique et politique de John Dewey (1859-1952). Convaincu que les évolutions du libéralisme, et particulièrement celles qui lui semblaient à venir, sont susceptibles d'être modifiées en profondeur, Dewey en appelle à l'« intelligence sociale » : comprendre les sources et les ressources du changement c'est refuser d'abdiquer devant les tâches qui sont les nôtres en tant qu'êtres humains et de consacrer définitivement un ordre du monde de plus en plus clos et insupportable. Dans toutes ses analyses, l'émancipation est un maître mot : il renvoie à une philosophie de l'enquête et de l'expérience qui en éclaire les processus, en dénoue les entraves. Il attribue à l'intelligence et à la connaissance un rôle social que les sciences du même nom doivent assumer grâce à une fonction critique. Or celle-ci ne se confond pas avec la dimension d'expertise qu'elles tendent à remplir dans nos démocraties qui, substituant cette expertise même aux vertus de l'enquête et de la libre discussion, ont ainsi vidé la fonction politique de son contenu. En synthèse, Dewey, défenseur de la démocratie radicale, en appelle à plus d'intelligence sociale et à une meilleure compréhension des vertus émancipatrices du changement. Pour Dewey, la radicalisation du libéralisme, comme la radicalisation de la démocratie, se condensent en une maxime : les moyens propres au fonctionnement des sociétés démocratiques, délibératives et participatives, doivent être à la mesure et à l'image de leurs fins. La fin des empires HHHII P Gueniffey et Th Lentz Perrin, 450 p., 22 €. L'histoire serait-elle vouée à n'être qu'un éternel recommencement ? Cette fameuse question mérite particulièrement d'être posée concernant la naissance et la chute des empires. Depuis l'Antiquité, et sur tous les continents, certaines contrées, par le fer, l'or et l'esprit, se hissent au rang de puissance prépondérante et Notes de lecture de Georges Leroy, avril 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 3/19 dominent une large partie du monde. Or, selon l'adage de Jean-Baptiste Duroselle, « tout empire périra » pour des raisons multiples, même si un noyau dur d'explications peut être avancé : crises de croissance, notamment en matière d'assimilation des populations conquises, paupérisation économique, épuisement du modèle militaire ; enfin et naturellement, apparition et renforcement de rivaux intérieurs et extérieurs. Sous la direction de MM Gueniffey et Lentz, une dizaine d’historiens de renom racontent et analysent le déclin et la chute des grands empires qui ont fait le monde. Ils nous entraînent dans le sillage d'Alexandre le Grand jusqu'au soft power de Washington, en passant par le modèle romain et son héritier byzantin, les empires des steppes, l'Empire ottoman, le binôme latino-continental espagnol, précédant le siècle idéologique (1917-1991) qui voit tour à tour s'effondrer l'empire des Habsbourg, le IIIe Reich, le Japon militariste, puis, après la guerre froide, le communisme soviétique, héritier de l'impérialisme séculaire des Romanov. Brisés par les deux guerres mondiales, la faillite des totalitarismes et le déclin de l'Europe qui avait dominé le monde depuis le XVIe siècle, les empires ont pu sembler, alors que l'on célébrait la fin de l'histoire, condamnés au bûcher des vanités. Seulement, si les empires trépassent, l'impérialisme ne meurt jamais, comme le prouvent les étonnantes métamorphoses de la Chine, l'éternel retour de la Russie, sans occulter le poids toujours majeur des États-Unis ni ignoré le « nouveau califat » de Daesh. Au final, une leçon d'histoire pour connaître le monde d'hier et comprendre celui d'aujourd'hui. Ecolonomie HHHII Emmanuel Druon Actes sud, 180 p., 20 €. « Il est plus économique de produire de façon écologique ». C’est à partir de cette affirmation, à contrecourant de la pensée traditionnelle, que l’auteur, entrepreneur près de Lille, a transformé, avec ses 122 collègues, l’entreprise Pocheco depuis dix-sept ans. Alors que la plupart des entreprises sont encouragées à rechercher la rentabilité à n’importe quel prix, Emmanuel et son équipe font le pari que prendre soin de la planète et des êtres humains assurera une véritable pérennité à leur projet. Car comme il le dit : “Nous, Occidentaux, avons épuisé la lithosphère et ses ressources fossiles, fissibles, minières et halieutiques. Les gens aussi sont épuisés. On peut encore produire et entreprendre mais sans détruire.” Autonomie en eau et en chauffage, panneaux photovoltaïques, recyclage, reboisement, toit végétalisé, phytoépuration, isolation, suppression des produits chimiques et polluants, une stratégie globale est mise en place pour progressivement limiter au maximum l’impact de l’industrie sur la biosphère. Et les résultats financiers sont là. Alors que Pocheco a investi 10 millions d’euros ces quinze dernières années pour réduire son empreinte écologique, elle a, dans le même temps, réalisé 15 millions d’économies. Cet ouvrage est le récit haut en couleur de cette aventure depuis son commencement en 1997 jusqu’à aujourd’hui. Avec conviction, humour et précision, l’auteur nous montre à quel point cette stratégie est non seulement efficace mais indispensable si nous voulons continuer à développer des activités économiques et industrielles dans le futur. Cœur-volant HHHII Philippe Bordas Gallimard, 240 p., 20,50 €. « Chaque soir, Natacha m’apprend la respiration. Elle me donne le sens de Paris et son goût de mer. Dans mon carnet à spirale, j’ai copié un vers ancien qui revêt sa personne comme une peau d’agneau. Elle est née de Paris, bercée à la fontaine des Orateurs sacrés, mais tout en elle, même son habit, supplante l’arrogance des Parisiennes. D’une gaze d’amnésie, elle tamise la violence du monde. Elle n'aperçoit ni les pavés disjoints ni la ronde des sé- Notes de lecture de Georges Leroy, avril 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 4/19 ducteurs. Elle oublie la monnaie sur la coupelle de la pharmacie du drugstore. Ses parapluies restent dans l’autobus et voyagent du Pont-Neuf jusqu’à la porte de Châtillon. Ses pupilles sont envahies d’ajours où des feuilles de bouleau tourbillonnent dans un ciel de Lituanie. Ses yeux regardent pour moi. Son odeur ne me quitte plus. Aux mondes hauts, moyens et bas préside Natacha. » Jeune homme en rupture dans le Paris des années 1980, le narrateur rêve de devenir écrivain et abandonne ses études. Il devient manutentionnaire dans une boutique de luxe et s'éprend de Natacha, qui l'initie à l'amour. La beauté de la jeune femme, tout comme les flacons de parfum qu'il manipule chaque jour, comblent son obsession pour l'élégance et le raffinement. Mais elle le quitte soudain… Œuvre lyrique et magnétique, troublante comme un parfum de femme, ce roman rassemble dans un même bouquet la note subtile de l’amour courtois et l’arôme violent du Paris moderne. L’été d’Agathe HHHII Didier Pourquery Grasset, 200 p., 17 €. « Vendredi 10 août 2007. Agathe s'est arrêtée de respirer. Après six mois de lutte depuis sa deuxième greffe et toute une vie de combat. Sa lumière, son rire, son esprit, son courage vont tellement nous manquer. Sept ans plus tard, moi, son père, j'ai décidé de raconter qui était cette jeune femme vivante, joyeuse et directe. Comment elle a avancé, aimé, partagé. Comment elle a vécu, jusqu'au bout, son dernier été. Je voulais parler de sa vie, de la vie. Je me suis replongé dans mes notes, j'ai repris les photos, les courriers de ses vingt-trois étés. Puis j'ai commencé à écrire. Jour après jour. Ce fut difficile et doux. Tu m'accompagnais, Agathe, avec ton regard sur le monde, sur la maladie, sur la famille, sur moi. Nous échangions. À la fin, tu étais en vie. » Un père raconte la lutte de sa fille contre la maladie. Comme une tragédie, il n'y a pas de suspens, et la fin est annoncée dès la naissance de l'enfant puisqu'un oncle médecin dira qu'il faut compter sur « vingt-cinq ans d'espérance de vie en moyenne ». Agathe est atteinte de la mucoviscidose mais ce pourrait être le cancer ou toute autre maladie, toute autre ennemie qui vous ronge de l'intérieur et ne vous laisse de répit que pour mieux vous broyer ensuite. Ce récit, c'est le quotidien des malades et de ceux qui les accompagnent quand la routine des soins devient la vie normale. Quand ce qui se passe entre les quatre murs d'une chambre d'hôpital devient plus précieux que tout ce qui peut se passer dehors, même s'il s'agit de perfusions, de nausées, de fièvre… Les soins, c'est s'installer dans un autre temps, presque une autre dimension où la mort resterait en suspens comme si les rituels de la maladie pouvaient s'étirer indéfiniment. Et, dans les interstices de la douleur, viennent se glisser des moments de vie et des mots, des mots comme ultime partage quand la personne aimée affaiblie, alitée n'est plus que regards, sourires et paroles. Les derniers jours de Drieu la Rochelle HHHII Aude Terray Grasset, 240 p., 18 €. Entre ses deux tentatives de suicide et son suicide le 15 mars 1945, Pierre Drieu la Rochelle – l’écrivain fasciste, directeur de la NRF sous l’Occupation, ami d’Aragon et de Malraux – est en convalescence, protégé et caché par quelques proches, des résistants, sa première épouse juive, près de Paris et à Paris, afin de s’épargner arrestation et jugement. Commence pour lui une étrange parenthèse de huit mois pendant lesquels cet homme complexe ne sait plus qui il est, ni où il en est. À la lecture on saisit mieux la complexité des situations, tous les écrivains se connaissaient et étaient amis dans les années vingt et 30. Puis la guerre et les engagements politiques les ont séparés. Notes de lecture de Georges Leroy, avril 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 5/19 On suivra, ici, l’auteur de Gilles et de Rêveuse bourgeoisie tandis que, réfugié dans une forêt, il cueille des pommes, coupe du bois, pense à ses maîtresses enfuies ou mortes… Que reste-t-il des engagements des années 1930 ? Est-il pressé de rencontrer enfin le néant ? Que cherchet-il à dire de lui-même à travers les figures de Judas et de Van Gogh auxquels il consacre ses pages ultimes ? Doit-il fuir à Sigmaringen avec Céline et Pétain ? S’exiler en Suisse ou en Espagne ? Ou en finir dignement ? Personne, à ce jour, n’avait aussi bien éclairé la psychologie du dernier Drieu. De cette période, l’auteur a reconstitué le récit minutieux et fascinant, la vie quotidienne d’un écrivain sensible et monstrueux qui se trompa de combat ; sa solitude, son enfermement physique et mental, tandis qu'il rédige « Récit secret » et se retrouve face à ses erreurs. Historienne, elle recompose subtilement son cheminement intellectuel, sa solitude, son désarroi. Un bel éclairage psychologique. François le petit HHHII Patrick Rambaud Grasset, 230 p., 16,50 € Chroniqueur aussi drôle qu'assassin du quinquennat de Nicolas Sarkozy, surnommé « Nicolas-leMauvais » ou « Nicolas Ier », l'écrivain Patrick Rambaud a repris la plume pour dézinguer le début du « règne » de François Hollande, alias « François IV » ou « François-le-Petit ». « Je raconte ici l'histoire d'un petit nombre d'hommes qui, poussés par les événements, ne se hissaient pas à leur portée », avertit Patrick Rambaud, 69 ans, facétieux SaintSimon du XXIe siècle, au début de son nouvel opus. Cet ouvrage emprunte son titre au Napoléon le Petit de Victor Hugo (1852), n'épargne personne et, mine de rien, constitue une analyse plutôt pertinente, sinon impitoyable, de la vie politique française de ces dernières années. « Avant de rejoindre le monde des esprits, François-le-Grand (François Mitterrand) avait estimé que ses successeurs ne seraient au mieux que des comptables ; c'était vrai : le règne de Nicolas-le-Mauvais puis celui de François-le-Petit avaient tourné aux calculs, à la combine, aux querelles de coteries », affirme le chroniqueur. « Ces parvenus avaient ennuyé le peuple, ils l'avaient trompé, maintenant ils l'exaspéraient », ajoute Patrick Rambaud, le désenchanté. Le début du quinquennat de François Hollande est décrit minutieusement. Rien n'échappe au regard acéré du juré de l'Académie Goncourt. Au jeu des portraits, il demeure imbattable. On croise la patronne du « Front populiste », Mlle de Montretout, le duc d'Évry nommé Premier ministre, le jeune comte Macron, Mademoiselle Julie et la marquise de Pompatweet. La chronique s'achève en janvier 2015 au moment où « deux crétins islamistes masqués fusillèrent la rédaction d'une gazette satirique ». La conclusion est particulièrement amère. L'auteur de La Bataille dresse en quelques pages percutantes le portrait du « crétin wahhabite » qui « veut arriver à l'âge d'or par le meurtre » et est « totalement dépourvu d'humour au point que la vue d'une caricature le met en transe ». Le livre est plus sombre que les chroniques consacrées au « règne de Nicolas Ier ». Génération Balavoine HHHII Didier Varrod Fayard, 250., 17 €. Daniel Balavoine reste vivant. Malgré sa disparition tragique, le 14 janvier 1986, il est porteur d’une œuvre dont l’influence perdure encore aujourd’hui. L’auteur, qui l’a beaucoup côtoyé, apporte un nouvel éclairage sur la vie de ce personnage aux multiples facettes : un chanteur qui voulait absolument être reconnu, un citoyen engagé qui s’emportait pour ce qui lui importait, un amoureux de la vie qui voulait vivre vite « pour ne rien regretter ». Fasciné par l’artiste, l’auteur brosse un portrait original, nourri de témoignages inédits de ses proches, de ceux qui l’ont connu, mais aussi d’autres, plus jeunes, qui, profondément marqués par ses chan- Notes de lecture de Georges Leroy, avril 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 6/19 sons, font partie de la génération Balavoine. Un livre est publié à l’occasion des trente ans de la mort du chanteur. Golem HHHII Pierre Assouline Gallimard, 270 p., 19 €. Soupçonné du meurtre de son ex-femme, décédée dans un mystérieux accident de voiture, Gustave Meyer, grand maître international d'échecs, voit soudain sa vie basculer. En un instant, ce solitaire devient un fugitif partout recherché. Dissimulé sous une autre identité, isolé des siens, il est rattrapé par ses failles : l’étrange opération chirurgicale qu’il a subie à son insu et qui l’a « golémisé » en décuplant ses facultés mentales ; la relation ambiguë qu’il entretient avec l’ami qui l’a opéré ; le sentiment diffus de ne plus s’appartenir et de devenir un monstre au regard de la société. Au fur et à mesure que l’homme se dépouille de son identité antérieure pour échapper à la police, des faits très inquiétants sont mis à jour. Gustave Meyer devrait sa prodigieuse mémoire et sa capacité de concentration inégalable à une autre opération secrète qui aurait fait de lui un monstre. Très spécifiquement un Golem. Le Golem, cette légende juive datant du XVIIe siècle d’un Adam inachevé, marqué au front par Dieu dont la vocation serait de protéger les juifs de Prague des pogroms. On raconte que cette créature, aperçue par quelques-uns, vit toujours dans les combles de la synagogue Vieille Nouvelle de Prague… Une clé lui manque, qu’il part chercher en errant au cœur de la vieille Europe, deux femmes à ses trousses : Emma, sa propre fille, qui essaie de l’aider, et Nina, chargée de l’enquête policière. Meyer y parviendra-t-il à temps ? Sera-t-il assez solide pour faire face à la vérité qu’il va découvrir ? L’auteur explore toutes les pistes, s’amuse, virevolte, met en garde aussi contre les possibilités infinies que pourraient offrir les nouvelles technologies si elles s’allient un jour à une science débridée et sans conscience. liardaire pêche la sirène, un billet de tombola ressurgit vingt ans plus tard… Il est permis d'acheter, ainsi qu'un bibelot original, la momie neuve d'une jeune fille qui se réveille la nuit, parle, chante… Un poète explore, face à la statue de bronze d'un écolier qui ressemble à l'enfant qu'il a été, un musée consacré à sa propre existence. Ce monde ressemble au nôtre dans ses profondeurs, et l'auteur nous y entraîne avec un parfait naturel, par la grâce d'une écriture élégante et précise. Un recueil envoûtant, onirique ; une vision du monde qui s’écarte du constat social ou de l’autofiction. Une jeunesse de Blaise Pascal Le goût de l’ombre HHHHI Marc Pautrel Gallimard, 100 p., 12 €. HHHII GO Châteaureynaud Grasset, 190 p., 16 €. À travers ces nouvelles ironiques et poétiques dont il a le secret, l’auteur nous convie à l’accompagner à l'extrême lisière de la réalité. Un homme apprend sa mort et entre post mortem en résistance, un mil- « Il regarde la grande roue tourner et donner un sens à l’eau, il a la bizarre sensation qu’il est luimême devenu à la fois la roue et l’eau, comme le fruit d’une inéluctable union, il est en même temps l’artisan et l’outil. Parce que ses questions sont immenses et que toujours il voudra découvrir le lieu où vont se cacher les morts, ses découvertes elles aussi sont devenues immenses. » Notes de lecture de Georges Leroy, avril 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 7/19 En l’absence de son père et ignorant des secrets, Blaise trace ses triangles et ses cercles à la craie sur le sol, assis pendant des heures sur le carrelage de la salle à manger devenu pour lui une immense ardoise de calcul. Cette jeunesse est le roman d’un génie, l’enfance romanesque d’une aventure qui va transformer le monde, ou, pour le moins, le regard que ses contemporains et leurs descendants vont porter sur lui. Ce roman est celui de l’enfance d’une pensée en mouvement – un trait continu (…) efficace et incontestable – qui va très vite sauter aux yeux de son père et de ses amis mathématiciens. Cette jeunesse est l’enfance d’un mouvement, le geste ample de Blaise Pascal, qu’éclairent les phrases souples, vives et élégantes de Marc Pautrel. Cette jeunesse est aussi celle de l’absence, de la perte, d’un trouble profond, Blaise Pascal ne cessera de se demander où se trouve sa mère, pourquoi est-elle morte, quel mal l’a traversée et terrassée, pourquoi n’était-il pas là pour la sauver ? Cette douleur habitera sa jeunesse, comme celles qui ne cesseront de l’assaillir, jusqu’à la dernière qui fécondera ses Pensées. Il conçoit et fait fabriquer la pascaline, sa machine arithmétique qui a libéré son père du poids des calculs quotidiens. Il expérimente et fait expérimenter ses théories, le vide le passionne, il ne cesse de vérifier ses gestes d’enfant surdoué, de prouver qu’il est un génie, et son nom résonnera de mille éclats dans les bulletins de la météo marine, de pascal en hectopascal. De mathématicien il se fera philosophe, penseur, écrivain, maître de sa langue, celle du XVII° siècle, il fixa la langue que parlèrent Bossuet et Racine. Cette jeunesse est un roman qui met à nu les secrets du mathématicien et du moraliste. Ce livre dessine ce visage, ces mains, ce corps, ces pensées en ébullition avec cet art du trait et de l’esquisse, l’art du trait est ici l’art du roman. Les faits commandent la plume. Les faits et les situations font de cette jeunesse un roman de l’épure, de la vision, de la passion et de la langue. Elle va jaillir dans son infaillibilité avec l’accident que l’on connaît, cette suspension dans l’espace, pendu par les pieds Blaise Pascal est saisi par une autre révolution – un Feu –, elle ne sera pas mathématique cette fois, mais théologique, et sa portée sera tout aussi exceptionnelle. Joffre nombrables critiques : officier tour à tour présenté comme égoïste, incapable ou faible. Ni hagiographie ni critique systématique, la biographie qu'en propose Rémy Porte retrace sa carrière, sans parti pris. Formé sous le Second Empire, marqué par la défaite de 1870-1871, polytechnicien ouvert aux nouvelles technologies, Joffre est nommé chef d'étatmajor général en 1911. Porté au pinacle après la victoire de la Marne, il fait l'objet d'une véritable vénération jusque dans le plus petit village. À la tête des armées françaises jusqu'en 1916, il est remplacé par Nivelle à la suite des terribles batailles de Verdun et de la Somme. Reste que, plus que tous ses pairs, il a su incarner le commandement, en exigeant que chacun tienne sa place, à son niveau, et en assumant seul les prises de décision. Cent ans après la Grande Guerre voici un portrait nuancé du général, sans concession, mais construit sans œillères à partir des sources les plus diverses, dont plusieurs témoignages inédits. L’indiscipline de l’eau HHHII Rémy Porte Perrin, 400 p., 10 €. « On pouvait discuter la façon dont il avait établi ses plans, lui chicaner tel ou tel rayon de sa gloire, le peuple continuait à l'aimer d'une affection où la sympathie tenait encore plus de place que l'admiration », écrivait Le Petit Parisien le 6 janvier 1931, après la mort du maréchal Joffre. Dans le même temps, il concentrait sur sa personne d'in- HHHII Jacques Darras Poésie Gallimard, 250 p., 8 €. Écrire, pour Jacques Darras, c'est avant tout partir à la rencontre du monde. Communiquer, commercer Notes de lecture de Georges Leroy, avril 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 8/19 – d'où l'importance pour lui de Histoire du monde (t.2) toute voie navigable – avec toutes les dimensions de ce qu'il appelle "le massif de réalité". Or, au départ, le poème n'est qu'assis simplement sur sa chaise. Une chaise picarde qu'on appelle là-bas "cadot". Mais très vite et à la différence du petit écrit français qui se regarde bien calé sur son siège, avec ce poète, "le poème se lève". Sort de la pièce. HHHII Prend l'air. Suit d'abord le cours JM Roberts et O Westad d'une mince rivière. L'accompagne Perrin, 450 p., 24 €. jusqu'à son embouchure. Navigue. Raconter et décrypter l'histoire Revient avec à son bord le plus grand de ces clercs irlandais venus du monde, tel est le pari de cette ranimer par leur savoir l'époque œuvre majeure, divisée en trois voendormie de Charles le Chauve. lumes. Ce deuxième tome, qui couSe pose avec lui le temps d'une lu- vre mille ans, du VIe au XVIe siècle, mineuse célébration sur la muraille, s'ouvre sur l'émergence des cultures la citadelle, de la ville de Laon. nomades des grandes plaines, pour Repart en sautant des frontières qui se conclure sur les prémices de la pour lui n'en sont pas, en direction domination européenne du monde. de la Belgique. Chimay. Namur. Si toutes les cultures ont déjà des Pour, face à la buissonnante splen- points communs – tels l'agriculture deur des façades héritées de Charles de subsistance ou la place centrale Quint qui anime comme nulle autre des animaux, chevaux ou bétail –, part au monde, la Grand-Place de aucune n'est encore en mesure de Bruxelles, proclamer, Décidément s'imposer et de transformer en propolémique, qu'il n'aime pas Louis fondeur les autres. Partout, le poids XIV. Là, quand même, un moment, de la tradition reste énorme. le poème s'arrête. Non pour souffler. Cette riche époque de diversité Mais d'une traite s'abreuver à tous culturelle voit l'éveil de la sphère les mots, les moûts, colorés et mous- byzantine et du Japon, tandis que seux de la bière. Déguster effron- les carrefours de l'Eurasie centrale tément et dans tous ses sens, la deviennent les principaux centres moule. Ce qui ne l'empêchera pas d'échanges mondiaux. La Chine des de pointer son nez dans l'atelier Qing et l'Inde monghole revitalisent de Pierre Paul Rubens pour y sur- quant à elles les anciens héritages. prendre ou plutôt inventer le dia- Mais ces dix siècles sont aussi marlogue du peintre avec Helena, sa qués par l'apparition de deux acteurs femme ». majeurs : l'islam qui voit le jour et Une anthologie de poèmes, tous va bouleverser les équilibres régioliés à l’eau, qui évoquent la naviga- naux et l'Europe, métamorphosée, tion, la Belgique ou des conversa- lance ses vaisseaux sur tous les océans du globe. tions. Au-delà des immenses qualités d'écriture et de synthèse des auteurs, qui rendent la lecture particulièrement stimulante, la force du propos tient dans leur capacité à lier les cultures et les espaces entre eux. Les deux auteurs soulignent, par exemple, ce que Constantinople doit à l'hellénisme, ou expliquent le lien entre la naissance de la féodalité en Europe et les invasions barbares. À l'heure où les enjeux culturels, économiques, politiques, démographiques et environnementaux se structurent à l'échelle mondiale, ce livre, par sa hauteur de vue, son style et sa pertinence, donne les clés de compréhension de la passionnante histoire de l'humanité. Joséphine HHHII Philippe Branda Perrin, 460 p., 24,50 €. Elle ne s'appelait pas Joséphine de Beauharnais, mais Marie-JosephRose de Tascher de La Pagerie. C'est par la grâce de Napoléon qu'elle prit le nom de Joséphine, puis le titre d'impératrice. Ce premier mystère en cache beaucoup d'autres, dont l’auteur lève successivement les voiles. Certes, la Créole avait la grâce du cygne, dont elle se fit un instrument efficace, au point d'être désignée comme « l'incomparable », Notes de lecture de Georges Leroy, avril 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 9/19 de sa naissance à la Martinique en 1763 jusqu'à sa mort à Malmaison en 1814. Mais, bien plus que ses prouesses et ses trahisons amoureuses réelles ou supposées, l'auteur fait valoir la femme de réseaux, d'influence et d'argent, l'hostilité jamais démentie du clan Bonaparte à son égard et envers ses deux enfants, son goût pour la nature et les arts, et surtout ce lien complexe et indéfectible avec Napoléon dont elle accompagna la vertigineuse ascension sans connaître la chute ultime. Loin de la légende noire comme des potins anecdotiques, l’historien redonne vie à une femme de tête autant que de corps aux prises avec la grande histoire, dont elle sut tirer parti tout en subissant ses coups. FTP, une nouvelle histoire de la résistance HHHII Franck Liaigre Perrin, 370 p., 23 €. Chargés de mener la lutte armée au nom du Parti communiste français, les Francs-tireurs et partisans (FTP), créés en avril 1942 par la direction du PCF, ont été glorifiés par une mémoire prompte à exalter leur héroïsme. De Fabien à Manouchian, de Charles Tillon à Charles Debarge, les personnages légendaires ne manquent pas ! Pourtant, aucune étude scientifique n'avait été consacrée à ces hommes, faute d'archives, disait-on. Franck Liaigre propose une "nouvelle histoire" des FTP. Qui fait la part du sacrifice et de la légende. L’auteur a exploité de nombreux fonds d'archives et découvert des documents inédits au cours de quinze patientes années de recherche qui permettent désormais de placer les FTP sous un jour résolument nouveau : genèse, recrutement, fonctionnement, missions et idéaux… Rien n'échappe à ses questionnements qui répondent in fine à une interrogation centrale : quel bilan tirer du combat qu'ont livré les FTP au nom de la France, de la liberté… ou de l'idéal révolutionnaire ? Les historiens ont depuis longtemps fait un sort au chiffre magique des "75 000" fusillés brandi par le Parti communiste à la Libération. L'impôt du sang versé par les FTP oscille probablement entre 3000 et 5000 victimes. Autre légende, la thèse de la "double ligne" qui s'est imposée avec plus de succès. Bravant les consignes du PCF clandestin, une poignée de camarades auraient sauvé l'honneur en frappant l'occupant dès l'automne 1940. Ce mythe consolant ne résiste pas aux nombreux fonds d'archives. Avant la rupture du pacte germano-soviétique, en juin 1941, l'écrasante majorité des militants respecte à la lettre les consignes de Moscou : neutralité à l'égard du vainqueur, dénigrement du "chauvinisme gaulliste" et de la "guerre impérialiste". Le revirement imposé par l'attaque de l'Union soviétique va semer la confusion dans les rangs d'un Parti qui peinera toujours à recruter des combattants. Comme la plupart des Français, les communistes réprouvent l'assassinat de soldats allemands. Le catéchisme léniniste d'avant-guerre n'enseignaitil pas le rejet de l'attentat individuel, assimilé à une pratique anarchiste ? Pour les pères de la révolution bolchevique, seule la terreur de masse était officiellement digne d'éloges. L’auteur écorne l'image d'une organisation à la discipline de fer. Le manque de moyens et un certain amateurisme sont le plus souvent de règle. Sept fois sur dix, les auteurs d'attentat ne parviennent pas à tuer leur victime pourtant visée à bout portant. Ces insuffisances n'enlèvent rien au courage des hommes ni à l'ampleur du sacrifice consenti. Le mariage de plaisir HHHII Tahar Ben Jelloun Gallimard, 270 p., 20 €. Dans l’islam, il est permis à un homme qui part en voyage de contracter un mariage à durée déterminée pour ne pas être tenté de fréquenter les prostituées. On le nomme « mariage de plaisir ». C’est dans ces conditions qu’Amir, un commerçant prospère de Fès, épouse temporairement Nabou, une Peule de Dakar, où il vient s’approvisionner chaque année en marchandises. Mais voilà qu’Amir se découvre amoureux de Nabou et Notes de lecture de Georges Leroy, avril 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 10/19 lui propose de la ramener à Fès avec lui. Nabou accepte, devient sa seconde épouse et donne bientôt naissance à des jumeaux. L’un blanc, l’autre noir. Elle doit affronter dès lors la terrible jalousie de la première épouse blanche et le racisme quotidien. Quelques décennies après, les jumeaux, devenus adultes, ont suivi des chemins très différents. Le Blanc est parfaitement intégré. Le Noir vit beaucoup moins bien sa condition et ne parvient pas à offrir à son fils Salim un meilleur horizon. Salim sera bientôt, à son tour, victime de sa couleur de peau. Ce livre se déroule comme un conte. Un conte dramatique qui, au fil des mots, soulève des tragédies sociales, excave des douleurs qui fusent au grand jour pour révéler les violences et meurtrissures de traditions insensées, de dogmes inventés pour le plaisir des uns et le néant des autres, où la liberté des uns est étouffoir pour d’autres. Martin Heidegger HHHII Guillaume Payen Perrin, 620 p., 27 €. D'une plume agréable, il déroule l'existence complexe d'un catholique qui renonce à la prêtrise pour la philosophie. Ce livre n’est pas un livre de philosophie : on est bien dans l’histoire d’un homme, qui est philosophe et dont la philosophie a marqué son siècle (et peut-être plus !). « Le national-socialisme est un principe barbare », écrit Martin Heidegger dans ses Cahiers noirs, ajoutant : « C'est ce qui lui est essentiel et sa possible grandeur ». Révolutionnaire radical, ayant vu et approuvé le caractère destructeur du nazisme, le recteur de Fribourg a réservé d'autres surprises dans ses journaux philosophiques, dans lesquels il évoque par exemple l'« autoanéantissement du “juif"». Alors que le philosophe est devenu un objet d'incompréhension et d'horreur, nombre de spécialistes en appellent désormais à l'histoire. C'est cette réhistoricisation que l'auteur a entreprise dans ce livre. Refusant la polémique, l'adoration et la détestation, il s'emploie à comprendre l'homme et le penseur, de l'intérieur et en son temps, par le biais de toutes les sources disponibles : cours, lettres, textes de circonstance, de même que les Cahiers noirs qui suscitent tant d'émoi. Excédant largement le IIIe Reich, le cheminement de Heidegger fut heurté : il commença par un catholicisme intransigeant, qui laissa la place, après la Première Guerre mondiale, à une volonté farouche de révolution philosophique, terreau dans lequel son nazisme vint jeter de profondes racines qui survécurent à l'effondrement du régime hitlérien. De cette biographie se dégage un portrait fait d'ombres et de lumières : grand philosophe, maître, ami de juifs ou d'étrangers, Heidegger fut aussi un nationaliste antisémite, inquiet de l'« enjuivement » de son peuple et soucieux de son rôle historique prééminent. Il a aussi été l’amant avant et après la guerre d’Annah Arendt… Une personnalité complexe donc. L’un des avantages de cette biographie est de ne pas que se focaliser sur le rapport au nazisme mais d’embrasser la personne dans son entier. L’auteur a choisi de retracer la vie du penseur à travers les principales étapes de son élaboration intellectuelle. Les pages parfois puissantes de ce livre ne peuvent que nourrir un débat intarissable. Meuh ! HHHII François Morel Denoel, 130 p., 17 €. Qui n'a jamais été tenté, en passant devant un pré où se prélassent quelques bovidés placides, de devenir vache à son tour ? C'est la surprise que la vie réserve à Philippe, adolescent sensible et insouciant. Drôle de vacherie ! Un beau matin, le fils unique de M. et Mme Bonneval, propriétaires du beau magasin de confection de Rochebrune, se métamorphose en vache. Passé l'effet de surprise, Philippe, enfin Blanchette, abandonne la cigarette, prend 200 kg et rumine cette transformation impromptue. Face au rejet paternel, se sachant paria à jamais, il quitte les siens pour les prés. Or, comme chacun le sait, l'amour est dans le Notes de lecture de Georges Leroy, avril 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 11/19 pré. La coquette Blanchette y rencontre un fier taureau de Bilbao, l'amour de sa vie, le père de son veau, Toto. Ce livre est le témoignage loufoque d'une jeune vache qui s'affirme pour trouver sa voie, quitte à rompre avec son passé. La route est longue pour trouver de l'herbe verte et sa place au soleil. bases au tout jeune enfant, dès 4 ans, qui sera aidé dans sa progression par ses parents, par les questions posées en fin de chaque chapitre et par les éblouissantes illustrations. Le new deal français Caustique, cinglant, émouvant, l’auteur revient à ses origines normandes et offre une fable fantaisiste et touchante. La miche de pain, 1ère année HHHII Philip Nord Perrin, 760 p., 25 €. HHHHH Elor, 570 p., 49 €. Le « Catéchisme » de Marie Tribou a contribué à éveiller et former à la foi chrétienne des générations d'enfants. Progression très pédagogique en quarante leçons hebdomadaires avec des questions en fin de chapitres. Cet ouvrage fondamental vient d’être réédité avec son texte intégral et original du catéchisme traditionnel, une valeur sûre de la catéchèse où seule l'iconographie a été modifiée. Pour cette édition Elor a fait appel à Joëlle d'Abbadie pour 266 dessins couleurs. Suivant l'année liturgique, le Catéchisme permet à l'enfant d'apprendre sa religion, les gestes de la foi, le respect et l'amour du Bon Dieu. Ce premier volume donne les Né aux États-Unis sous le mandat de Roosevelt, le New Deal a son pendant français. Engagé dans les dernières années de la IIIe République, prolongé sous le régime de Vichy, puis développé après la Seconde Guerre mondiale, ce mouvement réforma la France, notamment par le développement de la planification de l'économie, la naissance d'un système de protection sociale, la première vague de nationalisations, mais aussi la création d'une politique culturelle d'envergure. À la Libération, la rénovation de l'État était certes inévitable, mais Vichy laissait en héritage tout un écheveau de concepts, d'initiatives et de pratiques. Contrairement à la vulgate, loin de rompre avec ces courants, la classe politique – gauche et droite – continuait de croire aux valeurs familiales, au culte des élites, à un État fort et interventionniste. La France de l'après-guerre ne fut pas ainsi entièrement neuve, puisée au creuset re- fondateur de la France libre conjugué au volontarisme gaullien. La modernisation du système, sans bouleversement des structures profondes, rendit possible la construction d'une république politique et sociale, dans laquelle nous vivons encore pour une large part. Un demi-siècle après les analyses pionnières, plus souvent citées qu’exploitées, de Stanley Hoffmann caractérisant la France des années 1930 aux années 1960 par la maturité, la mise à mal puis la reconstruction de ce qu’il dénommait « synthèse républicaine », l’historien de Princeton Philip Nord propose aujourd’hui, sous le titre France’s New Deal, une relecture de ces années de transition entre la III° République finissante et la IV° République, une fois sortis du jeu successivement de Gaulle puis le parti communiste. S’appuyant à la fois sur l’enrichissement de l’historiographie, française comme anglo-saxonne, et sur ses propres recherches dans des fonds privés peu fréquentés (papiers Carrel à Georgetown, archives de Pierre Schaeffer à Montreuil et archives de Sciences Po), l’auteur livre une lecture d’une indéniable richesse. Histoire institutionnelle, intellectuelle et sociale à la fois, le livre présente cette originalité d’aborder la séquence chronologique années 1930 post-Front populaire/Vichy/IV° République sous deux angles. D’abord de manière générale, en se focalisant sur la traduction institutionnelle du programme du Conseil national de la Résistance, véritable charte de la Nouvelle Donne (traduction littérale de New Deal) intervenue à la Libération, qui dota la France de rien de moins que la Sécurité sociale, la Notes de lecture de Georges Leroy, avril 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 12/19 planification, l’action publique en matière de démographie, l’École nationale d’administration. Une seconde fois en resserrant la focale sur les politiques culturelles, choisies à la fois en raison des continuités qui les sous-tendent durant toute la période et parce que la reconstruction de la France fut, pour l’auteur, un phénomène d’ordre au moins autant culturel qu’économique. La seconde partie de l’ouvrage prend la forme de trois chapitres d’histoire culturelle, chacun analysant, avec la même périodisation que celle retenue dans la première partie, l’évolution des trois vecteurs d’expression étudiés par l’auteur. Ce ne sont sans doute pas là les premières monographies sur la radio, le théâtre et le cinéma depuis le milieu des années 1930 jusqu’au milieu des années 1940, mais ce sont à la fois les plus convaincantes, car les plus intimement associées aux enjeux politiques, idéologiques et sociaux de la période, et les plus riches, par la multiplicité des perspectives qu’elles ouvrent. Ainsi la chaîne, récit d’un moment historique saisi par les institutions qui l’ont façonné, se croise-t-elle avec la trame, ensemble de biographies politico-intellectuelles des acteurs, qu’il s’agisse des tout premiers rôles (Laroque, Sauvy, Debré, Monnet) ou d’hommes d’influence aux parcours, aux modes de pensée et aux visions du monde aussi divers que ceux de Robert Buron ou de Louis Jouvet, de Gaston Defferre ou de Jean Giraudoux. Cette galerie de portraits conduit l’historien à souligner l’apparition progressive d’une nouvelle classe dirigeante. La résumer par l’idée de technocratie lui paraît insuffisant, même si l’un des traits majeurs de la séquence réside précisément dans la conviction qu’une condition nécessaire et suffisante pour réformer vite et bien consiste à ne laisser au Parlement qu’une place au mieux résiduelle et idéalement nulle – ce que firent, dans des contextes et avec des substrats idéologiques radicalement différents, aussi bien l’État français que la France libre puis le GPRF. L’auteur en déduit la mise en évidence de continuités de la période, relativise l’effet de rupture qu’aurait constitué le Front populaire et souligne la pluralité des devenirs possibles à la Libération. comme nombre d’entreprises nationales ou, plus caractéristique encore, comme le commissariat général au Plan. Il existe un marché implicite entre l’État et ses hauts fonctionnaires : non sans doute « tout changer pour que rien ne change » mais « beaucoup changer sans changer l’essentiel », explication qui permet au passage de mieux comprendre les « ratés de l’épuration » qu’évoquait Raymond Aron dès octobre 1945 dans la première livraison des Temps modernes. L’oreille d’or Les hommes aux affaires à partir d’août 1944 mettent le renforcement de l’État au cœur du renouveau national, idée partagée par des hommes aussi différents que Charles de Gaulle, Jean Moulin et Adrien Tixier. Mais on doit aussi rappeler l’analyse en termes de structures, que mettait déjà en lumière le publiciste Gaston Jèze dans les premières décennies du XXe siècle lorsqu’il décrivait la France comme un régime républicain bâti sur une ossature administrative bonapartiste, oncle et neveu réunis. Enrichie par la III° République d’un ordre colonial plus autoritaire encore, cette ossature a bien surmonté l’épreuve du temps, comme en témoigne la série de bicentenaires institutionnels que célèbre le pays. En regard de cette pérennité que rien ne semble menacer, toutes les institutions apparues à la Libération sont – à l’exception de l’ÉNA qui ne survit qu’au prix de remise en cause continuelle – soit en crise comme la Sécurité sociale, soit déjà mortes HHHII Elisabeth Barillé Grasset, 130 p., 14 €. Entendre, mais d’une seule oreille. Ne pas entendre comme il faudrait, donc, à l’école, en société, chez soi, mais entendre autre chose, souvent, entendre mieux, parfois. Dans ce récit intime, l’auteur évoque son handicap invisible, malédiction et trésor, qui l’isole mais lui accorde aussi le droit d’être absente, le droit à la rêverie, au retrait, à la rétention, voire au refus. « Merci mon oreille morte. En me poussant à fuir tout ce qui fait groupe, la surdité m’a condamnée à l’aventure de la profondeur… » Elle revient sur ce parcours du silence : sa vie d’enfant un peu à Notes de lecture de Georges Leroy, avril 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 13/19 part, les refuges inventés, les accidents et les rencontres… De l’imperfection subie au « filon d’or pur », l’écrivain traverse l’histoire littéraire et musicale, dans une réflexion presque spirituelle. Quand la gauche agonise cette réalité que certaines élites occultent alors qu'elles reconnaissent ce principe pour d'autres pays, de la Russie à Israël. L'auteur exhorte à une décolonisation des esprits. Il nous rappelle l'avertissement de Jean-Paul II, en 1980, lors de sa venue à Paris : « Veillez par tous les moyens à votre disposition sur cette souveraineté fondamentale que possède chaque nation en vertu de sa propre culture ! » Pas de découvertes ni de révélations mais un livre rempli de justes et pertinents rappels. HHHHI Paul-François Paoli La république des conseillers L’auteur jure ses grands dieux qu’il n’est pas venu régler ses comptes. Il n’empêche, il ne mégote pas lorsqu'il s'agit de balancer quelques scuds en direction de ses anciens employeurs. Le Rocher, 210 p., 19 €. Pourquoi la gauche a-t-elle perdu le soutien des classes populaires et celui des intellectuels ? Parce qu'elle a fait l'impasse sur ce qui constitue l'identité de la France, brutalisée par la mondialisation. La gauche ne s'est pas seulement ralliée au libéralisme, elle a adhéré à une vision post-nationale de la République qui trahit l'héritage de Clemenceau et De Gaulle. Face au défi que représente l'islam, elle a recours à un discours creux sur le « vivre ensemble » qui tente de camoufler l'ampleur de fractures ethniques et religieuses. L’auteur (journaliste au Figaro) rappelle que la question de l'identité de la France, marquée par la tradition chrétienne et l'héritage gréco-romain, et celle de sa souveraineté sont liées. S'il existe un peuple français, celuici a des droits historiques sur la France, laquelle n'est pas qu'une idée mais une terre et un pays. C'est « À l’été 2010, au terme de huit années passées au sein de quatre cabinets ministériels, j’étais contraint de quitter mes fonctions. Ce rouleau compresseur auquel j’ai consacré toute mon énergie, aux ministères de la Justice, de la Défense et de l’Intérieur, avait fini par se retourner contre moi. Une poignée d’agents du renseignement intérieur, la DCRI, avaient découvert mes échanges avec un journaliste. J’étais soudain frappé du sceau de l’infamie. Considéré comme indésirable, voire dangereux. Banni du pouvoir, j’ai eu le temps de réfléchir à l’exercice de l’État : ses petitesses, ses lâchetés et surtout son absence de sentiment. Il faut survivre, quitte à tuer ou blesser. » HHHII David Sénat Grasset, 240 p., 18 €. Le conseiller travaille dans les grands ministères, participe aux réunions sensibles, reçoit dans son bureau, explique, suggère, influence, avertit. Les textes de loi, c’est lui. Les amendements, c’est lui. Les parapheurs, c’est lui. Il connaît et maîtrise ses dossiers, tandis que les ministres font de la communication… et passent. Mais ces femmes et ces hommes, dont le nom est parfois cité, n’écrivent pas. David Senat, lui, raconte cette république des conseillers. Et c’est un événement. Il évoque deux affaires dans lesquelles Nicolas Sarkozy aurait directement donné des consignes. "Dans l’affaire Polanski, je peux en parler puisque je l’ai connue de façon tout à fait officielle (…) Il a été demandé à la Chancellerie de suspendre toute coopération judiciaire avec la Suisse après qu’un magistrat Suisse a mis en exécution un mandat d’arrêt d’un juge américain", affirme-t-il. En 2009, le cinéaste est arrêté par la police à Zurich pour une affaire de viol sur mineure qui remonte à 1977. En 2005, la justice américaine avait émis un mandat d’arrêt international contre lui. L’autre anecdote concerne cette fois un ami proche du président, Christian Clavier qui aurait "sollicité Notes de lecture de Georges Leroy, avril 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 14/19 l’intervention des forces de l’ordre pour l’évacuation de manifestants dans sa maison", rappelle David Sénat. "J’ai vu le responsable de la sécurité en Corse être limogé pour avoir refusé de prêter main forte à Christian Clavier avec les moyens de l’État", se souvient-il. Enfin, l’ancien conseiller de MAM n’oublie pas l’ancienne ministre de la Défense lorsqu’il relate son entretien avec celle qui a scellé son sort. "Elle m’a demandé qui est ce journaliste (NDLR Gérard Davet), qu’ elle fait semblant de ne pas connaître, qu’elle a pourtant bien connu à l‘époque où il fallait déjà alimenter la presse quand le dossier Clearstream projetait ses feux…" Il est suspecté notamment d’alimenter le journaliste Gérard Davet du Monde sur l’affaire Bettencourt. Les cuisines de la Sarkozie ne sont décidément pas des plus appétissantes… Le roi et l’architecte HHHII Laurent Dandrieu Le Cerf, 210 p., 12 €. Enivré de fête, de théâtre, de faste et d’ores et déjà passionnément épris de grandeur, le jeune Louis XIV avait tout pour être séduit par le cavalier Bernin. Le jeune monarque, poussé par son esprit baroque et sa soif de gloire, exige et obtient du pape qu’il se détache de son artiste préféré pour le laisser venir à Paris. Le Bernin reçoit en effet comme mission de réaliser une rénovation et une transformation du Louvre. L’esprit fécond de l’architecte-sculpteur se met en marche et, tout en étant sollicité de toutes parts, fournit les plans d’un palais à l’italienne. Le silence religieux Mais les obstacles sont nombreux sur sa route. Sa franchise, son italianité, ses critiques à l’encontre du classicisme français et son don inimitable pour se faire des ennemis braquent une partie du monde artistique et courtisan. L’artiste bénéficie certes de la faveur royale mais que peut-il faire devant l’hostilité du tout-puissant ministre Colbert et de son âme damnée, Charles Perrault ? HHHII La rencontre du jeune roi de gloire et du maître de la splendeur baroque allait s’achever piteusement, par une rebuffade qui n’osait pas dire son nom. Mais cet échec fut curieusement fécond, et peut-être aurait-il fallu la visite à Paris du plus grand des artistes italiens pour que Louis XIV prenne pleinement conscience que la grandeur du royaume à laquelle il entendait si passionnément travailler ne pouvait se faire qu’en créant les conditions d’éclosion d’un art proprement français, qui ne dût rien à personne. L’auteur ne fait pas du Bernin une victime innocente des cabales. Son obstination à refuser à acclimater le goût italien aux exigences françaises (ce que parviendra à faire Lully) a lourdement pesé. Trop italien en fait ce cher Bernin… Aucun art ne peut s’extraire de la nation et de ses Jean Birnbaum Le Seuil, 240 p., 17 €. Vaut mieux tard que jamais ! Alors que la violence exercée au nom de Dieu occupe sans cesse le devant de l’actualité, la gauche semble désarmée pour affronter ce phénomène. C’est qu’à ses yeux, le plus souvent, la religion ne représente qu’un simple symptôme social, une illusion qui appartient au passé (obscur), jamais une force politique à part entière. Là où il y a de la religion, la gauche ne voit pas trace de politique. Dès qu’il est question de politique, elle évacue la religion. Voilà pourquoi, quand des tueurs invoquent Allah pour semer la terreur en plein Paris, le président socialiste de la France martèle que ces attentats n’ont « rien à voir » avec l’islam. Incapable de prendre la croyance au sérieux, comment la gauche comprendrait-elle l’expansion de l’islamisme ? Comment pourrait-elle admettre que le djihadisme constitue aujourd’hui la seule cause pour laquelle un si grand nombre de jeunes Européens sont prêts à aller mourir à des milliers de kilomètres de chez eux ? Et comment accepterait-elle que ces jeunes sont loin d’être tous des déshérités ? Éclairant quelques Notes de lecture de Georges Leroy, avril 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 15/19 épisodes de cet aveuglement (de la guerre d’Algérie à l’offensive de Daech en passant par la révolution islamique d’Iran), ce livre analyse, de façon vivante le sens d’un silence qu’il est urgent de briser. L’auteur critique la gauche pour son ignorance (revendiquée) du fait religieux. Un aveuglement qui l’empêche de comprendre l’expansion de l’islamisme violent, dont les facteurs sont en partie religieux mais aussi politiques. L’auteur défend la thèse que le manque de réflexion de la gauche sur le religieux la prive de la possibilité de comprendre le djihadisme, notamment celui de l'État islamique. Son livre est stimulant et fourmille de références intellectuelles diverses de Marx à Furet, de Foucault à Walter Benjamin. Lecture roborative donc et qui pourrait ramener à Durkheim et à ses analyses du fait religieux. Très belles pages aussi sur les penseurs du monde arabo-musulman en lutte contre les intégrismes. L’auteur a des pages fortes intéressantes sur l'aveuglement de la gauche face au FLN durant la guerre d'Algérie. Il faut noter cependant que cet aveuglement ne concernait pas que l'Islam mais que dans un contexte où "il fallait choisir son camp" l'aveuglement concernait avant tout les pratiques politiques et militaires d'une insurrection anticoloniale qui mangeait ses propres enfants, comme d'autres révolutions auparavant, aussi bien en France qu'en Russie. Camus n'avait pas partagé cette cécité. Le religieux n'est jamais indépendant du politique et l'erreur de Foucault est précisément là : il a vu la ferveur religieuse qui motivait les soulèvements mais il n'a pas compris qu'elle était aussi politique. La théo- cratie est une politique et une religion, pas du tout une "désertion du politique" ou "une grève par rapport au politique" (Foucault cité dans le livre). L’auteur a raison de montrer que le "rien-à-voirisme" est une mutilation intellectuelle mais ici il nous propose un "tout-à-voirisme" qui en est une autre. Il s'inscrit effectivement dans le sillage de Foucault mais aussi dans le fourvoiement foucaldien. Le progressisme est une religion séculière mais la religion peut être une politique révolutionnaire. La fin de l'ouvrage, l’auteur rappelle que le socialisme, le marxisme ou le communisme, en gros le "mouvement révolutionnaire" est une religion séculière. Finalement l'aveuglement de la gauche n’est-il pas lui-même religieux ? La religion du progrès en lutte contre le religieux théiste a perdu une bataille mais l'histoire continue… Sous Ponce Pilate HHHII Gabriel Robin Ed de Fallois, 400 p., 22 €. D’abord, il relève un vieux défi : situer dans l’espace et dans le temps le plus possible des épisodes évangéliques. Interrogés avec savoir-faire et pénétration, bien des indices géographiques ou historiques sortent de l’ombre, et, rapprochés les uns des autres jalonnent un parcours. Il faut suivre de près la démonstration serrée (bien résumée dans le chapitre final de conclusion-résumé) qui aboutit à proposer deux dates extrêmes, 28 et 33, pour le parcours public de Jésus, et à établir à l’intérieur de chacune des quatre années centrales un ou deux faits bien datés, qui servent de pivots autour desquels en regrouper d’autres, avec un avant et un après. Les événements évangéliques ne flottent plus dans un espace narratif décollé de la réalité, mais prennent place dans une aventure, en Judée, en Galilée et autour de la Galilée, puis à nouveau en Judée. La vie publique de Jésus prend une dimension historique, s’inscrit dans le monde juif et romain de l’époque, et cette surprenante valeur de réalité concrète en renouvelle la lecture. On suit l’action de Jésus, étape par étape, semestre après semestre, et on comprend peu à peu les Évangiles comme un drame à plusieurs séquences, dont chacune a sa dominante propre. D’abord, la phase initiale, en Judée, dominée par la présence du Baptiste, qui pendant un an sera, d’abord devant, puis derrière Jésus, le grand référent qui protège, authentifie, et encourage sa mission ; puis la phase centrale, en Galilée, pendant laquelle Jésus, installé à Capharnaüm, recrute et s’attache ses apôtres et ses disciples, déploie son action, organise sa prédication, appuyée par des miracles impressionnants, et connaît une popularité extraordinaire, mais à deux reprises, doit s’éloigner. Dernière phase, celle du retour en Judée, vraiment héroïque : on suit Jésus dans les attaques permanentes que déclenchent contre Notes de lecture de Georges Leroy, avril 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 16/19 lui les autorités religieuses, qui ne cessent de l’affronter dans des joutes théologiques visant à lui faire perdre la face, et dont il surmonte admirablement les défis, puis, qui, finalement, se décident à la manière forte, dans une épreuve à laquelle il se soumet. Bien des épisodes reçoivent un éclairage neuf : l’algarade avec les marchands du Temple, qui n’est qu’un affrontement mineur et limité, situé au début, en Judée, dont Jésus se tire habilement en invoquant le nom du Baptiste ; le départ précipité de Judée, qui suit directement l’arrestation du Baptiste ; les deux séjours de Jésus en Décapole et surtout en Syrie du Sud, qui n’ont rien d’une promenade inexplicable, mais sont des fuites devant des dangers réels ; la guérison de la fille de Jaïre, qui prend un piquant certain si on se souvient que Jaïre, chef de la synagogue de Capharnaüm, faisait partie de ceux qui, scandalisés par la guérison de l’infirme un jour de sabbat, avaient poussé Jésus à partir, et pourtant, père désespéré, l’appelle au secours ; les affrontements avec les pharisiens, puis les sadducéens, à Jérusalem, où Jésus joue à chaque fois son autorité, et démontre sa supériorité, ce qui exaspère ses adversaires ; l’entrée des Rameaux à Jérusalem, que l’auteur présente comme une dernière tentative pour rallier tous ses partisans, et essayer de changer le rapport de force avec les autorités religieuses, mais qui finalement, n’aboutit pas. Le lecteur admirera enfin la présentation de la période des apparitions postpascales, dans laquelle l’auteur voit la clé de la naissance de l’Église, une préparation de la Pentecôte… Tout livre sur Jésus serait décevant, s’il ne parlait pas aussi au cœur. Il ne s’agit pas seulement de la nécessaire sympathie méthodologique qu’auteur et lecteurs doivent réserver aux acteurs de l’histoire, mais ici, plus précisément, de ce mélange de respect et de vénération qui est comme la condition indispensable à tout effort d’intelligence de cette figure extraordinaire. L’auteur ne récuse aucun fait des Évangiles, aucune phrase mise dans la bouche du Christ, et ses nombreuses analyses des paroles de Jésus, teintées de foi, donnent beaucoup à voir, à comprendre, et à admirer. Son livre est inséparablement un exposé historique et une méditation, et c’est cette synthèse qui en fait toute la richesse, et toute la valeur. Les tilleuls de Berlin HHHII Jean Octeau Grasset, 560 p., 24 €. À trente ans, Karl Schuster a déjà conquis le milieu de l’art à Berlin. Il ignore que son voyage au pays natal va bouleverser son existence. Désormais, sa vie sera une aventure de tous les instants. Karl est ébloui par une femme qui accomplit des merveilles dans un monde qui lui est étranger. Plus tard, le rêve d’un bel été devient su- bitement réalité : avec Esther, il découvre la passion. La séparation, inévitable, ne brisera jamais l’amour qui les a réunis. Avec Janina, l’amour renaît sous une autre forme. Karl devine chez cette femme effacée une clairvoyance qui le guidera parmi les dangers d’une Europe en guerre. À l’heure de l’attentat contre Hitler, que signifie le dernier message de Janina ? Quelle machine infernale les nazis cachent-ils au sanatorium d’Obrawalde ? Sauvé de la mort par les femmes de Berlin, Karl évite le Goulag soviétique, mais il doit rendre des comptes aux autorités américaines. Réfugié à Vienne, il cherche la trace d’Esther et suit dans la rue un fantôme à peine sorti de l’enfer. Pourquoi la pauvre femme dissimule-t-elle son mystérieux prénom ? C’est à cause d’elle que Karl se retrouvera si loin de ses tilleuls de Berlin, et si près de la vérité. Les tilleuls de Berlin est un roman dans lequel le narrateur, un jeune critique d’art né en Transylvanie, raconte sa carrière et ses aventures à travers l’Europe. Roman de l’Europe au XX° siècle, de Berlin à Bucarest ou à Paris, en passant par Vienne et Budapest. Roman d’un pacte avec le diable au nom de l’art, donnant la parole à Hermann Voss, dernier collaborateur d’Hitler dans le gigantesque projet du musée de Linz. Choc des événements vus par des personnages aussi bien réels que fictifs. Enquête sur une dérive ultrasecrète des autorités médicales nazies. Révélation du secret d’un mystérieux prénom enfoui dans la mémoire des années sombres. Un grand Notes de lecture de Georges Leroy, avril 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 17/19 roman d'amour qui s'inscrit dans l'Histoire dont l'auteur a connu nombre de protagonistes. La vérité HHHII Sous la direction de J.Ph. Genet Paris Sorbonne, 600 p., 28 €. Signs and States, programme financé par l'European Research Council, a pour but d'explorer la sémiologie de l'État du XIIIe siècle au milieu du XVIIe siècle. Textes, performances, images, liturgies, sons et musiques, architectures, structures spatiales, tout ce qui contribue à la communication des sociétés politiques, tout ce qu’exprime l’idéel des individus et leur imaginaire, est ici passé au crible dans trois séries de rencontres dont les actes ont été rassemblés dans une collection des Presse de la Sorbonne, Le pouvoir symbolique en Occident (13001640). Ces volumes, adoptant une perspective pluridisciplinaire et comparative dans une visée de long terme, combinent études de cas, analyses conceptuelles et réflexions plus théoriques. Et les réponses à ce questionnaire, issu d’une réflexion sur une histoire culturelle poursuivie sur plus de cinq siècles, remettent en cause une histoire de l’Occident latin où l’on opposerait Église et État. La mutation culturelle engendrée par la réforme grégorienne qui, tout en assurant d’abord le triomphe de la papauté, a donné à l’État moderne les moyens d’assurer sa propre légitimité en créant les conditions d’une révolution du système de communication. Elle engendre un partage du pouvoir symbolique et des processus de légitimation avec l’État : la capacité de ce dernier à se légitimer par le consentement de la société politique en dehors de la contingence religieuse est une spécificité de l’Occident latin, clé de l’essor des États modernes européens. Ce volume est une contribution sur la place de la vérité dans la philosophie, le droit, la théologie, l'art et la communication politique à l'époque médiévale. L'affirmation de la vérité, en lien avec la domination symbolique de l'Église, devint l'un des principes qui structurent l'imaginaire médiéval et configurent les vecteurs qui le médiatisent. La violence des potiches HHHII Marie Nimier Actes Sud, 320 p., 25 €. Elles parlent toutes de leur corps c'est-à-dire à partir de leur corps, et à propos de leur corps. Et parfois, du corps des autres, passants, clients, amants, fils, maris. Corps aimés, corps silencieux, immobiles, heureux, morts, attendris, étrangers, exultant. Épluchant des oignons, repassant des chemises, assis au volant d'un taxi ou sur un tabouret de bar. Voici douze monologues qui sont autant de portraits à vifs où se mêlent drame, mélancolie, douceur et autodérision. La parole est aux accidentés de la vie les mots constituent un exutoire. Ce n’est pas ce que l’auteur a écrit de mieux, même si elle cherche à capter la réalité du monde actuel. Les serviteurs inutiles HHHII Bernard Bonnelle La table ronde, 280.p, 18 €. Nous sommes au XVIe siècle. La France est déchirée. Les têtes des huguenots trônent sur des pics, les catholiques sont brûlés vifs dans leurs églises. François II, Charles IX, Henri III… Les souverains se succèdent sans parvenir à faire baisser les armes. Partout des villages assiégés sont décimés par la famine. Pourtant, Gabriel des Feuillades, vétéran des guerres d'Italie et héros du siège de Sienne, veut retrouver foi dans les hommes. Depuis son domaine périgourdin, il tente d'oublier les excès de son temps en jouant aux échecs, relisant les Grecs, courtisant sa servante observant les arbres pousser. Notes de lecture de Georges Leroy, avril 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 18/19 Et l'existence de cet amoureux de la nature, plus préoccupé du cosmos que des dogmes chrétiens, s'égrène, entre conversations avec son chapelain, parties de chasse avec son fils Ulysse et dialogue en silence avec les sages de l'antiquité -autant de menus plaisirs que cet hédoniste rapporte à la manière de Montaigne dans son livre de raison. Mais l'Histoire ne se laisse pas ignorer si facilement : alors que les guerres de religion ensanglantent les pavés de Paris et de Bergerac, Gabriel est forcé de rallier le camp des catholiques. De son côté, Ulysse, déçu et révolté par l'indifférence de son père et inconsolable depuis la mort de sa sœur, décide de s'engager. Le voilà parti sur les routes de France, amoureux d'une protestante mais guerroyant auprès des catholiques pendant de longues années. Jusqu'au jour où, apprenant que son père a préféré subir de redoutables épreuves plutôt que céder à l'ennemi, et que sa mère est morte sans sépulture, il oublie son animosité et décide de revenir vers les siens… Tableau impressionniste, herbier littéraire, parabole sur l'adolescence et la maturité, photographie d'une époque, ce roman est un diptyque romanesque qui interroge la mentalité des hommes de l'Ancien Régime avec une rare modernité. Ce récit fait résonner en notre siècle la faconde de Brantôme, l'âpreté de Monluc, et peut-être même la sagesse de Montaigne. De sa langue sensuelle et ciselée, l’auteur exhume l'un des chapitres les plus sombres de l'Histoire française et parle de tolérance et de réconciliation à une époque – la nôtre – qui n'en a jamais autant eu besoin. Tout paradis n’est pas perdu que certains véhiculent et les propos HHHII Jean Rouaud Grasset, 200 p., 17 €. Quand le ton a monté sur la question du voile et du menu de substitution, « il m’a suffi de me retourner pour revoir dans mon enfance ce geste des femmes se couvrant la tête d’un fichu avant de sortir. Nous étions en Loire-Inférieure et la loi de 1905 était suffisamment accommodante pour accorder un jour férié aux fêtes religieuses et servir du poisson le vendredi dans les cantines, et pas seulement celles des écoles libres ». Loi de séparation des Églises et de l’État, mais en réalité de l’Église catholique et de l’État, les autres faisant de la figuration, et l’Islam n’étant existant pas, en France. De même, « il a fallu la tragédie de Charlie pour nous rappeler qu’on avait longtemps débattu avant d’autoriser la représentation des figures sacrées ». Ce qui n’allait pas de soi tant le monothéisme se méfiait de l’idolâtrie en souvenir du veau d’or. C’est tout l’intérêt de la crise iconoclaste. Les conciliaires réunis à Nicée tranchèrent en faveur de la représentation. C’était au VIII°s (787). Notre monde « envahi » d’images vient de là. pernicieux qui parfois les sous-tendent, en instrumentalisant à des fins électorales un concept déjà centenaire. Suppression du double menu dans les cantines, soupçon sur toute représentation de l'image divine, injonctions de toutes parts à interdire et à congédier sont parmi les symptômes d'une société inquiète jusqu'à la schizophrénie : « En quoi un poing vengeur sur un tee-shirt, demande Rouaud, serait-il plus acceptable qu'en pendentif, une croix, une étoile de David ou une main de Fatma ? » Le titre est issu du poème Clair de terre d’A Breton. Dans ces chroniques où les références à Proust, Zola ou George Orwell illustrent le propos, ce n'est ni plus ni moins qu'à un dépoussiérage lucide et courageux de la laïcité qu'invite l'auteur. Une laïcité emprisonnée dans une société qui mise tout sur « l'ici et maintenant et le contentement de ses désirs » et qui, au fond, reproche à la religion ce dont elle est privée : la poésie. L’auteur interroge tous les discours actuels sur la laïcité, les contresens Notes de lecture de Georges Leroy, avril 2016 – Aller = > au dossier d’origine = > à l’accueil du Réseau-regain 19/19