Nul besoin d`être espagnol pour être « flamenco »
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Nul besoin d`être espagnol pour être « flamenco »
Reportage sur le flamenco en France Nul besoin d’être espagnol pour être « flamenco » Crédit photo : © Marie Julliard. 21 novembre 2009. Spectacle du Grupo Planete Andalucia, avec Eva Luisa et Karla Guzmàn E nivrée de cet air ibérique vif et pur, je me rappelle ce vieil adage qu’aime à conter Juan Manuel Cortes, le flamenco, «es vivir, sentir, compartir 1». Tout est là, résumé dans ces trois mots. De plus en plus apprécié, tout le monde s’accorde à le dire : le flamenco ne pourra jamais être une mode. C’est avant tout un état d’esprit, un art de vivre. 1 Musicien nîmois (chant, percussions, guitare). Cie Eva Luisa. « c’est vivre, sentir, partager ». 1 Planete Andalucia a fait salle comble samedi 21 novembre, comme à chaque fois me diriezvous. Tous étaient venus applaudir à Montreuil (93) la nouvelle scène française avec le Grupo Planete Andalucia, autour des guitaristes Dimitri Puyalte et Cristobal Corbel, du talentueux chanteur espagnol, "El Niño de Elche" et des danseuses Karla Guzmàn et Eva Luisa. Eventails, bustes de taureaux, calendriers d’époque, lumières chaudes sur chaux blanche côtoient drapeaux vert et blanc de l’Andalousie et rouge et jaune de l’Espagne. Tout est là pour nous rappeler la douceur du soleil, l’odeur de sa terre, les effluves de sa mer, et la force de son caractère. A s’imaginer un instant dans un récit de Gautier. Cliché ou non, le flamenco révèle toute la grâce et la puissance de ce pays. Une danse du sud sortie des quartiers pour se diffuser peu à peu à travers le monde. Qualité, simplicité et authenticité Créé en 1998 Planète Andalucia est un lieu voué à la danse et à la musique andalouse. Pour son fondateur Jean-Paul Ferrand, cette salle est « unique en France, et sans doute unique au monde. Nous sommes les développeurs du Flamenco en France. ». Parallèlement à ce lieu, on trouve l’association Flamenco en France, première peña de Paris crée en 1979. Elle œuvre à la promotion et à la diffusion du flamenco, et dispense notamment de cours de chant, de danse et de guitare. Ingrid Fouledeau, passionnée et future présidente de l’association me dévoilera quelques projets : « Dans cette musique, il y a une idée de transe : quelque chose qui s'élève et qui ne touche plus le sol, mais qui touche l'âme des spectateurs et des musiciens, quelque chose d'incontrôlable » Tony Gatlif, réalisateur gitan, « Vertiges, du flamenco à la transe » « En Espagne, les pieds quittent à peine la terre; point de ces grands ronds de jambe, de ces écarts qui font ressembler une femme à un compas forcé » Théophile Gautier « Voyage en Espagne » « Tant qu’il y aura un Gitan fier de sa tradition et de son sang, tant qu’il y aura un Andalou jaloux de ses racines, tant qu’il y aura un être humain ivre de paroxysme ou épris d’absolu, le flamenco vivra ! » Leblon Bernard, « Flamenco » Karla Guzmàn 2 Eva Luisa développement de conférences et projections de films. Des personnalités flamenco en France qui font avancer le Authentique et sans artifice, le flamenco est un art où l’on ne triche pas. En France, des personnes perpétuent cette tradition. Pour la plupart d’entre eux, culturellement, rien ne les relie, excepté… le flamenco. Pour Jean-Paul Ferrand, cette « passion qui remonte à l’enfance reste toujours un mystère. Il y a d’abord eu les taureaux, puis le flamenco. C’est la même histoire ». Mais « ce ne sera jamais une mode, car il ne peut pas être dansé par tout le monde, ce n’est pas comme la salsa. ». C’est avant tout une histoire de ressenti, voire une histoire charnelle. « Le but est de transmettre le flamenco, en tant qu’art, que culture, et non en tant que simple chorégraphie », Eva Luisa Mondialisé, le « flamenco se développe de mieux en mieux en France et à l'étranger. Les frontières s’estompent, avec une certaine facilité des échanges. Les français n'hésitent pas à se former en Espagne et les figuras espagnoles à venir dispenser leur savoir en France. » explique Eva Luisa, danseuse formée en Espagne et professeure à Nîmes, « Dans nos cours avec Juan Manuel Cortes, le but est de transmettre le flamenco, en tant qu’art, que culture, et non en tant que simple chorégraphie ». On a sans doute aussi trop tendance à ne voir dans le flamenco que la danse, pourtant la musique y est originelle et essentielle. Pour Pepe Fernandez, guitariste basé à Valence (69), « La seule façon de se distinguer des autres est de 3 transmettre une émotion à travers ses propres compositions. Disons que c'est beaucoup plus difficile pour un guitariste, que pour un chanteur, qui peut se distinguer simplement par le timbre de voix forcément différent des autres. On peut tous jouer « por buleria » mais chacun à son style et sa façon de voir la « buleria ». » De sa promotion à sa pratique, tous ressentent la même chose, que ce soit en France comme en Espagne. Nul besoin d’être gitan, le flamenco a ce pouvoir, cette force charnelle et émotionnelle. Exutoire aux sentiments, au ressenti, le flamenco est la liberté à l’état pur, la force arrachée à la terre et à l’histoire. Le flamenco est en nous, pas autre part. En France comme ailleurs, « Tant qu’il y aura des hommes et des femmes aux valeurs humaines, le flamenco restera un art, certes attaché à ses origines, mais à l’écoute de son temps et aux valeurs de son époque »2. Marie Julliard. « Peuple nomade, donc sans terre d’appartenance, et sans culture, ils se sont au fil des années, appropriés les coutumes, les mœurs des peuples présents, toujours en adaptant à leurs manières ces valeurs et en les faisant vivre avec leur propre ressenti, et leur propre manière d’être. Le flamenco est l’expression d’une mémoire collective, il est identifiant et structurant pour la communauté gitane d’hier et d’aujourd’hui. Jusqu’il n’y a pas si longtemps, toutes ses représentations étaient l’expression d’une identité, celle de la communauté gitane. »3 2 3 , Eva Luisa, extrait de son mémoire « Le Flamenco, un art scénique en devenir ? » 2006-2007, présenté pour l’obtention de la Maîtrise : IUP Métiers des Arts et de la Culture. 4