Nouvelles drogues, nouveaux usages - association lrsh

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Nouvelles drogues, nouveaux usages - association lrsh
thema
Nouvelles drogues, nouveaux usages
Évolution de la consommation de substances psychoactives
en France et en Europe et particularités du milieu festif
Astrid Fontaine*
L'évolution des usages de drogues
ces dernières années met en lumière
un double phénomène : l'apparition
constante et la diversité de
nouveaux produits parallèlement
aux nouveaux usages de substances
parfois anciennes.
Cet article dresse un tableau
de l'évolution très rapide des usages
et rappelle également, grâce à
plusieurs fiches de synthèse rédigées
par Denis Richard, les principales
caractéristiques pharmacologiques,
les effets et les dangers de ces
substances : speed et amphétamines,
LSD, ecstasy, cocaïne et crack, kétamine, rachacha, héroïne et opiacés,
daturas, GHB…
Mais il est tout aussi important d'étu dier le contexte de consommation,
en premier lieu à partir du milieu festif
techno, pour identifier les motivations
et les comportements d'usage.
À travers les paroles et l'expérience
des usagers eux-mêmes on peut ana lyser les pratiques comme le polyusage
ou les stratégies de groupe.
Astrid Fontaine présente ici un article
de synthèse, documenté à partir
de nombreux travaux français et
européens et en utilisant ses propres
études déjà publiées.
** Le Laboratoire Autonome de Recherche sur les
Sociétés (RAS Lab, anciennement L IRESS) est une
association 1901 (non subventionnée, non affiliée
à une université) créée en 1999 et regroupant de
jeunes chercheurs issus de différentes branches
des sciences de l'homme et de la société.
Cité des Associations, BP 147 - 93, la Canebière
13001 Marseille. Email : ras.lab@voilà.fr
*** Centre Hospitalier H. Laborit, Pharmacie centrale, 370 av. Jacques Cœur - 86021 Poitiers cedex
S
I LA PLUPART DES MOLÉCULES qui cir-
culent aujourd'hui sur le marché des
psychotropes illicites en Europe et
en France ont été élaborées il y a plusieurs
dizaines d'années, la consommation de ce
type de produits a connu d'importantes
transformations au cours de cette dernière
décennie.
Certains produits, anciennement consommés dans de nombreuses parties du globe,
sont toujours utilisés aujourd'hui (cannabis,
cocaïne, opiacés, amphétamines essentiellement), tandis que d'autres substances que
l'on qualifie de synthèse sont venues s'ajouter à ce panel (MDMA et dérivés, tryptamines, etc.).
La présentation et les modes d'administration des produits évoluent, tout comme les
caractéristiques des usagers, la perception
* Astrid Fontaine
Laboratoire Autonome de
Recherche sur les Sociétés
(RAS Lab.)**
en collaboration
avec Denis Richard***
qu'ils ont de ces produits et la façon dont
ils les utilisent.
Nous commencerons par un rappel historique des différentes phases de consommation décrites en Europe, puis une seconde
partie présentera certaines informations
issues d'études européennes sur la consommation de substances illicites au sein de différentes scènes techno1. Le troisième volet
de l'article expose de manière plus
détaillée les résultats d'une recherche ethnographique menée en 1999-2000 sur les
nouveaux usages au sein du milieu techno
français 2.
1. Rappel historique sur les drogues de synthèse
Vers le milieu du XIXe siècle, on trouvait
dans les officines d'Amérique et d'Europe
quelques 70 000 médicaments dont la formule était secrète (le tonifiant du Dr X.,
l'Eau miraculeuse de Z., etc), contenant
presque toutes des drogues psychoactives
et dont les publicités envahissaient la
presse et les murs.
Cela n'est pas vraiment étonnant, car on
s'était mis à isoler les principes actifs de
différentes plantes, dans une longue série
qui commence par la morphine (1806) et
se poursuit avec la codéine (1832), l'atro pine (1833), la caféine (1841), la cocaïne
(1860), l'héroïne (1883), la mescaline
(1896), les barbituriques (1903) et la
découverte d'anesthésiques comme l'éther,
le chloroforme et le monoxyde d'azote (le
gaz hilarant des dentistes). Dès lors, il
n'était plus nécessaire de transporter
d'importantes quantités de plantes d'un
endroit à un autre, puisqu'à présent une
sacoche pouvait contenir l'équivalent
d'hectares de plantations. Cela permit
aussi de mettre un terme à l'incertitude
quant à la teneur en substances actives
des différentes plantes, étant donné que la
pureté des produits permettait un dosage
précis - et augmentait d'autant la marge
de sécurité de l'utilisateur. [sic]3
Le qualificatif de synthèse est aujourd'hui
communément employé pour désigner
une nouvelle génération de substances se
distinguant de celles, plus anciennes, et
traditionnellement consommées (depuis
quelques milliers d'années pour le cannabis et la marijuana, la feuille de coca et les
stimulants naturels, les opiacés).
Les designer drugs outre le fait qu'elles
n'apparaissent qu'au XXe siècle, sont
caractérisées par une structure moléculaire très légèrement modifiable par rapport
aux substances prohibées ; particularité
qui a permis aux producteurs de contourner la loi, tout au moins pour un temps.
revue toxibase n° 4 - décembre 2001
1
thema
En Europe, Thierry Delprat4 repère deux
foyers de consommation : un foyer de
consommation ancien, nord-européen,
essentiellement marqué par les psychostimulants, notamment les amphétamines, et
un foyer de consommation plus récent, sudeuropéen, marqué par la diffusion de l'ecstasy, parallèlement à la culture techno.
Dès les années 1930 en effet, le corps
médical utilise les amphétamines, en particulier pour le traitement de la dépression, plus fréquente en ces temps de crise
économique et sociale.
On a découvert les amphétamines à la fin
du XIXe siècle, et leurs applications médicales n'ont pas été reconnues avant les
années 1930 quand l'amphétamine a été
commercialisée comme excitant pour traiter les hypotensions artérielles. Elle était
également utilisée pour dilater les bronches, afin d'aider les asthmatiques à respirer. Plus tard, d'autres amphétamines ont
été utilisées comme traitement de la narcolepsie, d'une certaine forme d'épilepsie
et proposées pour traiter la dépression.
Au même moment, les effets excitants en
vinrent à être appréciés par des étudiants
préparant leurs examens, les conducteurs
de poids lourds sur les longs trajets, les
travailleurs faisant de longues heures supplémentaires, ainsi que les soldats et les
pilotes d'avion essayant de rester éveillés
48 heures d'affilée.5
Les speeds ou amphétamines
La métamphétamine est la molécule la plus
puissante de ce groupe (ice ou glass pour la
forme basique, aisément vaporisable, et de
crank ou de crystal pour la forme salifiée,
hydrosoluble). Il s'agit d'une drogue utilisée
sous forme prisée ou injectée mais aussi par
inhalation, exactement comme le crack.
Les amphétamines exercent leur activité sur
les neurones noradrénergiques et dopaminergiques; certaines d'entre elles (l'ecstasy
et apparentés) ont une action presque spécifique sur les neurones à sérotonine. Elles
déplacent ces médiateurs de leurs sites de
stockage et augmentent leur libération dans
la synapse.
Au plan somatique, elles accélèrent le rythme
cardiaque (d'où hypertension avec risque
d'hémorragies, et troubles du rythme) et le
rythme respiratoire mais dilatent les bronches.
Au plan psychique, elles réduisent le sommeil ou, souvent, l'empêchent totalement.
Elles augmentent temporairement la vigilance et limitent la sensation de fatigue. Ces
manifestations sont suivies d'une phase d'abattement, avec irritabilité, dépression, lassitude et parfois réactions d'agressivité.
Les sujets en consommant régulièrement
font montre d'une activité maniaque, d'altérations du jugement, d'une augmentation de
l'agressivité, d'un amaigrissement (action
anorexigène) et d'insomnie.
L'ecstasy (ecsta, pilule d'amour, E, EX, XTC, Adam, etc.)
L'ecstasy (méthylène-dioxy-3,4-méthamphétamine, MDMA en abrégé) est une phényléthylamine dont l'usage comme psychostimulant et agent empathogène ne cesse de se développer.
Bien que synthétisée dès les années 1912-1914, elle ne fut utilisée qu’à partir des années 1970,
en médecine mais aussi au sein des mouvements d'inspiration mystique. La MDMA fut surtout
utilisée à partir des années 1980 comme drogue récréative par une population jeune lors de soirées (raves), associant souvent l'usage de psychostimulants à de la musique techno.
L'ecstasy est utilisée par voie orale. D'autres produits apparentés sont parfois vendus sous la
dénomination d'ecstasy (MDA, MDEA, MBDB, etc.), isolément ou en mélange. Il est fréquent
de trouver d'autres substances associées : stimulants (amphétamines, caféine et éphédrine),
analgésiques (codéïne, aspirine, paracétamol), hallucinogènes (LSD, atropine, kétamine, phencyclidine), anabolisants divers (testostérone, etc.).
La drogue agit essentiellement sur les neurones sérotoninergiques, neuromédiateur impliqué
notamment dans la régulation des affects et de l'humeur ainsi que dans le contrôle de l'impulsivité. Elle entraîne une libération massive de la sérotonine, une inhibition de sa synthèse et un
blocage de sa recapture par le neurone émetteur.
Chez le rat soumis à l'administration chronique de MDMA, l'analyse histologique met en évidence une destruction sélective des terminaisons sérotoninergiques. Cet effet est également
retrouvé chez les primates (cortex frontal), mais à des doses moindres. Chez les primates, l'atteinte semble en partie irréversible.
L'action de la MDMA est psychostimulante et légèrement psychodysleptique. Son usage permet
une levée des inhibitions sociales avec une augmentation de la sensualité et des besoins de
contacts tant intellectuels que physiques, associée à une diminution de l'anxiété et du caractère
défensif. Des doses élevées (> 50 à 200mg) peuvent entraîner des troubles sensoriels. Par
ailleurs, l'ecstasy agit aussi au niveau somatique, sur l'ensemble des grandes fonctions physiologiques qu'elle perturbe plus ou moins gravement : hyperthermie, hypertension et arythmie cardiaque, hépatites, troubles neurologiques (risque d'AVC), troubles métaboliques (hyponatrémie).
Dans les années 1940, les militaires s'intéressent aux propriétés stimulantes de cette
substance : Afin d'améliorer les performances physiques des soldats au cours de
la Seconde Guerre mondiale, les médecins
des armées américaine, britannique, allemande et japonaise prescrivent en routine
de l'amphétamine pour lutter contre la
fatigue, améliorer l'endurance, et «donner
des ardeurs guerrières6 .
En Suède ce sont les propriétés anorexigènes des amphétamines qui suscitent l'intérêt. On les utilise alors fréquemment
pour le traitement de l'obésité.
Il faut attendre les années 1950 pour voir
apparaître un usage récréatif des amphétamines en Europe, avec des particularités
nationales : en Suède l'injection semble
prédominer, tandis qu'en Angleterre la
consommation se développe dans le
milieu rock et parmi les Hell's Angels
(modes d'administration plus variés). Une
consommation importante est également
observée en Finlande et au Danemark.
Le LSD, à la différence des amphétamines, est d'abord consommé hors d'Europe
(aux USA notamment) avant d'y être
introduit par le biais du mouvement psychédélique vers la fin des années 1960.
Cette substance ne se maintient nulle part
à un niveau de consommation élevé durable (pas même en Angleterre où elle a très
largement été utilisée), elle décline dans
tous les pays d'Europe durant les années
1980 avant de réapparaître, aux côtés de
l'ecstasy, dans les années 1990 7 .
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L'ecstasy est également consommé hors
d'Europe dans un premier temps. Son usage
se distingue par une période de gestation
particulièrement longue puisque la MDMA
a été synthétisée par les laboratoires allemands Merck dès le début du siècle. On
peut prendre pour point de départ à l'histoire des drogues de synthèse l'arrivée de l'ecstasy, figure emblématique de cette nouvelle génération de substances.
L'ecstasy apparaît en France dans la
deuxième moitié des années 80, peu après
son classement sur la liste internationale
des stupéfiants. Il est d'abord consommé
par un très petit nombre de personnes. Son
prix excessif et sa faible disponibilité en
font une drogue réservée aux initiés. Ce
groupe semble grandir doucement jusqu'au tout début des années 1990, et la
consommation d'ecstasy ne cessera de
croître à partir de 19918 , parallèlement à
une baisse conséquente des prix 9 .
Dans les premiers temps de sa consommation, l'ecstasy est perçu par les usagers
comme la drogue safe, parfaite, sociabilisante, procurant du plaisir et des sensations
encore jamais expérimentées, ne présentant
aucun danger10. Son image est très éloignée de celle, alors courante, de l'usager de
drogues dépendant, voire délinquant.
Les tous premiers articles parus dans les
grands quotidiens (peu nombreux) sont
plutôt flatteurs, tant sur ce nouveau type
de fête que représentent les raves que sur
les propriétés de cette substance. L'ecstasy
est alors associé à la fête, au smiley, à la
convivialité et à une marginalité plus
branchée que socialement stigmatisée.
Elle est, entre autres une composante
importante des fêtes de la scène gay parisienne, qui verra plusieurs de ses établissements fermés. Act Up prend à cette
occasion position en publiant un tract
J'aime l'ecstasy en 1997.
Les particularités de la fabrication et de la
diffusion de l'ecstasy interviennent aussi
dans l'évolution de sa consommation. La
production industrielle de cette substance
et la baisse de son prix ont eu pour conséquence une forte dégradation de sa qualité. Tandis que les chimistes commençaient
à fabriquer des molécules ne figurant pas
sur la liste des stupéfiants et ayant des propriétés psychotropes similaires afin de
contourner la législation, certains dealers
vendaient des médicaments maquillés
sous l'appellation d'ecstasy.
Alors que les Hollandais, conscients des
risques sanitaires importants causés par la
composition incertaine des ecstasy, organisèrent rapidement un système de contrôle de la qualité des ecstasy, les politiques
français mettent plus de temps à réagir à
cette nouvelle situation. Ce sont les
actions menées dès 1995 par les associations d'usagers (Le Tipi, Techno +),
relayées par la Mission Rave de Médecins
du Monde (créée en 1997), qui contribueront à l'évolution des orientations politiques dans ce domaine.
Depuis trois ans la question bascule - tout
bouge sauf la loi. En mai 1998, le Prof.
Roques publiait les premiers résultats
d'un rapport consacré à la «dangerosité»
des drogues : il proposait de refondre la
classification des produits psychotropes.
Un mois plus tard défilait ce que certains
ont appelé la première «Toxipride» : des
usagers de drogues s'employaient à reprendre la parole, et à renverser leur image.
Un mois plus tard encore, un décret du
premier ministre organisait la refonte de
la Mission Interministérielle de Lutte
contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT),
et décidait, entre autres choses, d'élargir
ses fonctions aux psychotropes légaux.
Deux ans après, les ondes de choc de ce
virage atteignent le grand public, au travers notamment des campagnes de la
MILDT. Deux idées paraissent aujourd'hui
acquises : celle selon laquelle «une société
sans drogues, ça n'existe pas». Et l'autre,
corrélative, selon laquelle le savoir - pris
au sens large de savoirs sur les produits,
leurs effets, leur histoire, l'importance des
contextes d'usage, leur mode d'action sur
l'organisme - constitue l'une des compo-
santes essentielles des usages de drogues,
et doit être enrichi, plutôt qu'entravé.11
Parallèlement à l'apparition de l'ecstasy,
dont le nom devient rapidement incertain
à cause de la diversité des molécules qui
peuvent le composer, la consommation de
LSD connaît un nouvel essor. La prise
simultanée de ces deux produits, dont les
effets se complètent, est alors courante.
Peu de temps après apparaissent de nouvelles molécules, dont certaines offrent
des effets proches du mélange LSD ecstasy, comme le 2CB ou le DOB (d'usage encore peu courant).
Depuis le milieu des années 1990 environ,
on assiste à de profonds changements de
l'usage de drogues en milieu festif. Si l'ecstasy et le LSD étaient les principaux produits consommés il y a dix ans par une
part limitée de la population, la palette des
psychotropes aujourd'hui disponibles s'est
largement étendue, influant sur les comportements et les modes de consommation. Le nombre d'usagers de drogues dites
récréatives semble également en augmentation et déborde largement le contexte
techno. Ces tendances ne font que refléter
un phénomène plus général d'intégration
des psychotropes dans la société française, la consommation journalière de
médicaments psychotropes la situant très
au-dessus des autres pays européens. La
France consomme un peu plus de trois fois
plus de médicaments psychotropes que
l'Allemagne ou la Grande-Bretagne, et
largement deux fois plus que l'Italie. 12
Il semble que les consommateurs se servent des substances psychoactives comme
d'outils permettant de modifier l'humeur
selon les désirs de chacun. L'usage,
comme les substances, est designé, adapté, selon que l'on a envie d'être efficace,
éveillé, désinhibé, détendu, déconnecté,
ouvert aux autres ou plongé dans un voyage intérieur. À chaque état recherché correspond une substance, dont les effets
peuvent aussi être nuancés par une autre.
Il est donc plus ou moins possible d'éprouver artificiellement l'humeur que l'on
juge adaptée à la situation.
Cette tendance n'est pas sans rappeler les
motivations des usagers au XIXe siècle,
décrites ici par Escohotado : L'intérêt pour
les drogues psychoactives de tout type fut
stimulé non seulement par les chimistes,
les pharmaciens et les médecins, mais
aussi par les hommes de lettres, les philosophes, les artistes. Les besoins des uns
semblent rejoindre les possibilités ouvertes
par les autres, dans un contexte général
favorable. En dernière instance, le but est
de soumettre l'humeur à la volonté, en
jouant des émotions et de la perception
comme un pianiste joue de son clavier. Ce
projet imprègne plus ou moins explicitement la pensée de plusieurs génies de la
littérature, de Coleridge et De Quincey
jusqu'à Baudelaire et Rimbaud, en passant par le créateur du pragmatisme philosophique, William James, et par Nietzsche
pour qui l'ébriété était «le jeu de la nature
avec l'homme»13 .
Le LSD
Le LSD (Lysergik Saüre Diethylamide) ou, simplement, acide, est un hallucinogène extrêmement puissant obtenu par synthèse chimique. Il se présente sous des formes variées: comprimés, petits blocs de gélatine (windowpane), buvards imprégnés ou poudre. Les doses utilisées
varient entre 100 et 300µg, parfois plus chez des sujets peu réceptifs (jusqu'à 2000µg). Le LSD
est surtout administré par ingestion.
Le mécanisme exact de l'action du LSD demeure méconnu. Il s'agit d'un antagoniste des récepteurs
à la sérotonine, mais cette action ne peut à elle seule expliquer les propriétés hallucinogènes.
L'effet dominant de l'intoxication est d'ordre hallucinatoire. L'expérience, ou voyage (trip), dure
entre six et douze heures. Les effets rapportés sont analogues à ceux décrits avec d'autres hallucinogènes en général: désinhibition à la communication, modifications des perceptions avec
troubles visuels et auditifs, perturbations somesthésiques, synesthésies (fusion des divers sens:
illusion de voir les sons, association entre sonorités et couleurs), modifications subjectives de la
notion du temps.
L'expérience au LSD est dangereuse pour le psychisme et les mauvais voyages (bad trips) sont
à l'origine de troubles de l'humeur et de troubles du cours de la pensée. À fortes doses ou chez
des sujets prédisposés, on rapporte des illusions délirantes dangereuses (notamment lorsque
l'on imagine pouvoir voler...), des tentatives de suicide ou des perturbations psychiques durables. Il est fréquent que l'utilisateur soit pris d'une crise d'angoisse, de panique, avec la sensation de perdre définitivement la raison, surtout s'il absorbe le produit dans un environnement
stressant ou s'il en utilise une dose conséquente. Ces troubles peuvent laisser des séquelles
psychiques graves. Des phénomènes de flash-back ont été décrits (retours d'acide).
En plus des effets psychiques, le LSD est à l'origine de troubles neurovégétatifs : mydriase,
transpiration excessive alternant avec une sécheresse buccale, nausées avec parfois vomissements, palpitations cardiaques et accélération du rythme, hypertension, vasodilatation ou,
inversement, vasoconstriction, vision brouillée, tremblements, incoordination motrice.
revue toxibase n° 4 - décembre 2001
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thema
2. Informations sur la consommation de psychotropes
illicites en Europe
Globalement tous les travaux s'accordent
pour reconnaître une uniformisation et
une généralisation de la consommation de
drogues de synthèse dans la société européenne. L'harmonisation des méthodes de
recueil des données dans les différents
pays de l'Union Européenne n'étant pas
encore réalisée, il est actuellement difficile de comparer les informations nationales, bien que nous disposions tout de
même de quelques points de repères.
D'après le rapport du WHO Regional
European Office publié en 1997, l'ecstasy
occupe la seconde place en terme de prévalence après le cannabis en Hollande en
1992. En Espagne en 1994, on constate
également un accroissement de la consommation d'ecstasy et de dérivés amphétaminiques, tout comme au Portugal, en
Suisse, en Belgique et en Irlande14.
Pour Thierry Delprat, les consommations
de drogues synthétiques demeurent élevées là où elles sont anciennes : en Suède
et au Royaume Uni pour les amphétamines, au Royaume-Uni et en Espagne pour
l'ecstasy, au Royaume-Uni pour le LSD.
On assiste à un mouvement de généralisation et d'uniformisation de la consommation de drogues synthétiques dans
l'Union Européenne, notamment chez les
jeunes. Les données disponibles montrent
une hausse générale des niveaux de
consommation des différents produits.
Toutefois, la consommation de produits de
synthèse semble jusqu'ici engendrer peu
de problèmes sanitaires : La plupart des
cas de décès par intoxication aiguë sont
liés à la prise d'opiacés, souvent combinés
à de l'alcool ou à des tranquillisants.
Certains pays font état d'un nombre
important de décès d'adolescents dus à
l'absorption de substances volatiles. (…)
Les décès par intoxication aiguë dus exclusivement à la prise de cocaïne, d'amphétamines ou d'ecstasy sont peu courants,
même s'ils sont très médiatisés15 .
Le dispositif T REND de l'OFDT
TREND signifie Tendances Récentes Et Nouvelles Drogues. Ce dispositif vise à détecter,
comprendre les phénomènes émergents liés aux usages de drogues et diffuser auprès des
décideurs, des professionnels et des usagers, les éléments de connaissance acquis et les
analyses élaborées. Pour le moment, le dispositif ne concerne essentiellement que les produits illicites.
TREND est fondé sur une méthode d'analyse qualitative et quantitative des phénomènes
émergents. Il dispose pour cela d'un réseau de plus de 150 partenaires associatifs, médecins, chercheurs et ethnologues, institutionnels sanitaires ou répressifs s'appuyant sur un
système d'information et de collecte normalisée de connaissances.
Les sources d'information sont multiples. Elles proviennent d'une part de sources dites institutionnelles, telles les rapports d'étude, les statistiques, et les enquêtes produits par l'O FDT
ou d'autres institutions (InVS, AFSSAP, O CRTIS, C NAMTS , etc.) et d'autre part de sources propres au réseau TREND (structures de bas seuil, groupes d'autosupport et de prévention
(Techno plus, A SUD, etc.), réseau d'ethnographes (R AS Lab. et la base S INTES). Par ailleurs,
il existe une source d'information alimentée par une veille conduite sur la presse et Internet.
Le réseau TREND est constitué d'un réseau d'observateurs dits sentinelles répartis sur 13
sites, 10 métropolitains et 3 dans les départements d'outre-mer. Ils agissent tant dans des
espaces urbains que festifs (musique techno). Ces correspondants géographiques, collec tent leur informations selon une batterie de critères et une méthodologie précisées et codifiées. Des indicateurs communs ont été définis et des questionnaires précis élaborés pour
homogénéiser la collecte et l'analyse des phénomènes identifiés et décrits.
La banque de données SINTES (Système d'Identification National des Toxiques et
Substances) contient la description physique et chimique des échantillons de substance de
synthèse. Ces substances analysées proviennent d'une part des collectes réalisées dans
divers milieux festifs, soirées privées, établissements de nuit et, d'autre part, des saisies
effectuées par les services répressifs, douanes, police et gendarmerie.
La diffusion de l'information et des analyses se fait à partir de plusieurs outils. Les rapports
locaux produits par les sites TREND , à partir de 2002, lesquels seront susceptibles d'être
valorisés à l'échelle locale et un rapport annuel national dont la troisième livraison interviendra vers la fin du premier trimestre 2002. Un bulletin trimestriel d'analyse des données
contenues dans la base de données S INTES est réalisé. Enfin, des notes et des alertes sur
les substances présentant des risques particuliers ou des caractéristiques nouvelles et
remarquables sont rédigées et mises en ligne sur le site www.drogues.gouv.fr
Le dispositif Trend constitue ainsi un complément indispensable aux système d'information
sur les drogues de l'Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies.
Hassan Berber
4 revue toxibase n° 4 - décembre 2001
Données quantitatives
sur l'usage de drogues au sein
de différentes scènes techno
européennes
Peu de données sont encore disponibles
sur la population techno. Deux études
mêlant des données qualitatives et quantitatives ont été réalisées entre 199616 et
1998 17 dans différentes villes européennes.
Bien qu'il ne représente que la partie
émergée de l'iceberg dans le domaine de
l'utilisation de psychotropes18, le milieu
techno s'est largement imposé comme terrain de recherche en matière d'études sur
les nouveaux usages en France et en
Europe et ce pour plusieurs raisons :
• Même si ce phénomène musical existe
aussi dans d'autres parties du monde, il a
ses origines en Europe, où il connaît un
développement florissant depuis une
dizaine d'années.
• En ce qui concerne la consommation de
psychotropes dans ce contexte, elle y est
non seulement avérée (pour une partie des
participants) mais assumée, sujette à de
nombreuses discussions parmi des usagers
plutôt enclins à parler de leurs pratiques à
l'extérieur. La grande visibilité des
psychotropes et l'attrait que représente
pour cette population l'expérimentation
font du milieu techno un terrain de recherche particulièrement riche.
• La médiatisation du phénomène qui
contribue à alimenter les fantasmes, et la
relative perméabilité de ces rassemblements festifs visibles et aujourd'hui accessibles à tous, facilitent également le
recueil de discours et l'observation de pratiques. Les fêtes techno représentent actuellement la seule scène ouverte pour l'usage
de psychotropes.
En 1998, Tossman, Boldt et Tensil ont
effectué une recherche sur les usages de
drogues au sein de la scène techno dans
différentes métropoles européennes :
Amsterdam, Berlin, Madrid, Prague,
Rome, Vienne et Zurich. Environ 500 participants aux fêtes techno ont rempli un
questionnaire dans chaque ville.
La plupart des personnes interviewées
habitent encore chez leurs parents, en
nombre plus important à Madrid, Prague
et Rome. À Amsterdam, Berlin, Vienne et
Zurich au contraire, beaucoup de jeunes
vivent seuls ou en colocation. La situation
affective varie peu dans les différentes
métropoles étudiées. On remarque cependant que le pourcentage de relations
amoureuses stables est élevé à Prague et
Vienne, là où la moyenne d'âge est la plus
basse.
Tandis qu'à Rome environ la moitié des
personnes rencontrées disent se rendre en
fête techno moins d'une fois par mois, à
Madrid beaucoup d'adolescents et de jeunes adultes sortent plus de deux fois par
semaine. La fréquence moyenne des sorties varie peu entre Amsterdam, Berlin,
Prague, Vienne et Zurich.
D'après cette étude, la prévalence de l'usage de drogues est plus élevée chez les
participants aux fêtes techno que dans la
population générale dans les différentes
métropoles européennes. Tandis que le
cannabis (avec une prévalence au cours de
la vie supérieure à 90%) est la substance la
plus courante au sein de la scène techno
dans toutes les villes, des différences
importantes apparaissent concernant les
autres drogues illégales. Ces résultats
concordent avec ceux de l'IREFREA .
À Amsterdam, l'ecstasy est la deuxième
substance la plus consommée après le
cannabis, alors qu'à Berlin, il s'agit du
speed. Les hallucinogènes sont la deuxième substance la plus consommée à Prague
et Zurich, alors qu'à Rome et Madrid la
cocaïne suit de très près le cannabis.
L'usage d'opiacés est relativement bas
dans ces sept métropoles. Cependant, à
Vienne, Zurich et particulièrement à
Prague, il est nettement plus fréquent que
dans les autres villes.
3. Ethnographie des pratiques et représentations
actuelles en milieu festif19. Le savoir des usagers
Interroger les pratiques - s'interroger
notamment sur les risques qui y sont liés impose d'interroger l'ensemble des
savoirs qu'ils nourrissent. Or, ni les
savoir-faire (liés à l'acquisition ou à la
préparation des produits, principalement) auxquels sont le plus souvent renvoyés les usagers ; ni les savoirs positifs,
diffusés notamment au travers des campagnes d'information, ne rendent compte
de la diversité et de la complexité des
savoirs engagés dans la pratique.
S'y agrègent d'autres formes de connaissance, multiples et tout autant essentielles:
des idées empruntées aux représentations
culturelles des produits et de leurs usages;
des certitudes ou des doutes acquis dans
l'expérimentation antérieure (positive ou
négative) des produits ; des expériences
relatives aux différentes formes possibles
de l'ivresse et de leurs usages ; les
savoirs plus intimes dont dispose chaque
individu, concernant le fonctionnement toujours singulier - de son organisme,
l'équilibre de ses plaisirs et déplaisirs, la
nature ou les exigences de ses désirs…
Le savoir des usagers ne peut, en somme,
se laisser réduire à ses dimensions positive ou empirique. Lui restituer sa complexité et sa richesse impose de restituer
au terme sa polysémie et de le prendre au
sens où l'entendait Foucault : comme un
dispositif plutôt que comme des contenus,
comme l'empilement ou la stratification
des pratiques et des positivités qui le
constitue, inséparable des différents
seuils où il est pris, et incluant, autant
que des données issues de la science ou
de l'expérimentation, l'expérience perceptive, les idées imprégnant l'époque ou
les valeurs de l'imaginaire. 20
La méthode ethnographique, basée sur la
rencontre avec des usagers et la mise en
valeur de leurs discours, de leurs vécus,
et l'analyse de leurs pratiques, permet d'alimenter les connaissances empiriques
sur les usages de drogues.
Les citations encadrées viennent appuyer
cette approche et donnent un aperçu des
savoirs mis en œuvre par les usagers.
Sorties exceptionnellement de leur
contexte, elles sont issues de l'étude présentée ci-après.
Cette recherche visait à restituer les pratiques et représentations émergentes
dans le champ de l'usage de drogues en
France21 . Deux catégories de produits
étaient principalement concernées :
• Des produits dont on a pu observer un
accroissement ou un changement des
modes d'usages (cocaïne, amphétamines,
héroïne, rachacha, kétamine)
• Des produits dits nouveaux produits
et/ou produits rares (2CB, GHB, DMT,
Datura…).
Le recueil des données a débuté au
deuxième trimestre 1999 et s'est déroulé
sur une période de douze mois, autour de
quatre pôles régionaux (région parisienne, région P ACA, région Rhône-Alpes,
Languedoc Roussillon).
L'étude, réalisée d'avril 1999 à novembre
2000, est de nature qualitative, essentiellement construite à partir d'entretiens semidirectifs et d'observations de terrain.
40 entretiens semi-directifs ont été
réalisés entre avril 1999 et juillet 200022 .
Les usagers de psychotropes réguliers
(ou ex-usagers réguliers) ont été privilégiés. Toutes les personnes interrogées
consomment ou ont consommé plusieurs
produits différents au cours de leurs trajectoires psychoactives. Presque toutes
sont issues de réseaux différents, ce choix
méthodologique tendant à restituer la
diversité des discours, des vécus.
21 observations ont été réalisées entre
avril 1999 et mai 2000. Elles portent sur
l'ensemble des situations et discours
informels liés à la consommation des
substances étudiées.
Le contexte festif techno
en France et les tendances
de consommation
C'est à la fin des années 80 qu'émerge ce
phénomène socio-culturel nouveau conjointement à l'arrivée sur le marché de
nouveaux produits (drogues de synthèses,
l'ecstasy étant la plus médiatisée). Si il y
a quelques années les fêtes techno, alors
appelées raves, rassemblaient une minorité de personnes ayant un usage le plus
souvent récréatif de substances telles que
l'ecstasy ou le LSD, on observe aujourd’hui
d'importants changements tant au niveau
de la morphologie de ces événements
qu'au niveau des comportements par rapport à la consommation de produits licites et illicites.
La musique techno s'est scindée en plusieurs courants, donnant naissance à différents types de fêtes :
• Free parties ou assimilées (fêtes clandestines, gratuites, sur donation ou d'un
prix d'entrée inférieur à 50 francs)
• Soirées techno en clubs, discothèques
• Raves officielles et légales
• Fêtes privées (non flyées, pouvant rassembler d'une dizaine à une centaine de
personnes)
• Festivals et teknivals (qui s'étalent sur
plusieurs jours)
Le développement de la consommation de produits stimulants,
cocaïne et amphétamines
L'effet stimulant est aujourd'hui l'un des
principaux effets recherchés par les participants aux fêtes techno : pour tenir le
coup et profiter pleinement de la fête, tout
en maintenant une certaine vigilance.
Parmi ces substances stimulantes on trouve les amphétamines en comprimés , fréquemment vendues sous le nom d'ecstasy ;
elles sont quelquefois absorbées par
erreur par des personnes qui ont cru se
procurer du MDMA. D'autres, qui apprécient l'effet stimulant, sont satisfaits par
ce type d'ecstasy.
revue toxibase n° 4 - décembre 2001
5
thema
Mais les amphétamines sont le plus souvent sniffées. Le speed, que l'on trouve
sous forme de poudre ou de pâte, largement consommé depuis quelques mois,
semble présenter plusieurs avantages aux
yeux des usagers.
La cocaïne fait aussi partie des produits
rencontrés et son prix a baissé depuis
quelques années.
Dans l'ensemble, ces produits parce qu'ils
altèrent peu l'état de conscience, ne semblent pas être considérés comme difficiles à gérer ou dangereux par la plupart
des personnes, qui les utilisent de façon
occasionnelle. Par manque d'informations, les usagers ne perçoivent pas toujours leurs potentialités addictives.
Particularités de l'usage de speed
Le speed intervient dans les trajectoires
de consommation après la découverte de
l'ecstasy et apparaît donc comme relativement nouveau, même si certains usagers avaient fait l'expérience des amphétamines sous d'autres formes antérieurement, et si ce produit était déjà consommé il y a une quinzaine d'années.
Peu cher, le speed est largement perçu
comme un psychotrope bas de gamme,
nocif, impur. Il apparaît comme un produit d'agrément, accessoire et secondaire
dans une association.
La consommation de speed est rarement
programmée. Elle intervient occasionnellement et au gré des rencontres, souvent à
défaut d'autre chose. Le speed est fréquemment partagé, offert ou troqué.
L'usager a tendance à multiplier les prises
lors d'un même épisode de consommation.
Les effets du speed sont essentiellement
physiques, il stimule les capacités, facilite la communication, et est de ce fait
considéré comme adapté à la fête.
Il semble être, à la différence de la cocaïne, beaucoup plus rarement consommé
pour exercer une activité professionnelle,
mais le plus souvent dans un contexte
festif pour lutter contre la fatigue.
Le speed, considéré comme un produit
moins subtil que la cocaïne, a des effets
secondaires marqués. Il rend nerveux,
agressif, trouble le sommeil et l'appétit.
La phase de descente, jugée particulièrement difficile, est souvent accompagnée
de produits relaxants visant à l'adoucir.
Particularités de l'usage de cocaïne
La cocaïne est un produit disponible,
dont le prix est en baisse et que toutes les
personnes que nous avons interrogées ont
déjà consommé. Elle est le plus souvent
prise en sniff de manière conviviale et
dans des contextes festifs (lieux privés ou
publics). L'usage de cocaïne peut également être de type utilitariste, motivé par
le désir ou le besoin d'accroître ses performances, que ce soit dans le travail,
dans le sexe ou dans une autre activité.
Lorsqu'elle est consommée en freebase
(technique qui semble se développer) ou
en injection, l'usage peut devenir très
compulsif, engageant parfois l'usager
dans une phase de dépendance au produit
et/ou au mode de prise.
Elle est très fréquemment associée à d'autres produits, du fait de son prix onéreux
d'une part, et de ses propriétés stimulantes d'autre part, qui font qu'elle se marie
bien avec des substances relaxantes telles
que l'alcool, le cannabis, l'héroïne ou la
kétamine. Ces associations permettent
d'atténuer la nervosité engendrée par la
cocaïne et de mieux maîtriser les effets
relaxants des autres produits.
Toutes les personnes interviewées ont
consommé de la cocaïne dans le cadre de
leur travail, de manière solitaire.
Cependant, les contextes les plus souvent
évoqués sont des soirées privées entre
amis en appartement ou divers événements festifs (concerts, fêtes techno,
anniversaires…).
L'image de la cocaïne reste celle d'une
drogue de luxe, coûteuse, dont la qualité
n'est pas toujours assurée et principalement consommée par une frange privilégiée de la population. Elle est fréquemment partagée entre les usagers.
Malgré la subtilité des effets de la cocaïne
(déception quasi systématique lors de la
Cocaïne et crack
La cocaïne est un alcaloïde extrait de la feuille d'un arbrisseau cultivé en Amérique latine, le
cocaïer. Elle est aisément résorbée au niveau des muqueuses et notamment de la muqueuse nasale: les consommateurs prisent (sniffent) et la voie nasale est demeurée longtemps la modalité la
plus populaire d'utilisation de la drogue. L'administration intraveineuse de cocaïne induit un effet
presque immédiat (en environ une ou deux minutes). Elle est commune chez les polytoxicomanes.
L'utilisation par voie intramusculaire ou sous-cutanée est rare. Le crack est une forme de cocaïne
destinée à être fumée ou injectée (syn. free-base). Les vapeurs gagnent les alvéolaires pulmonaires où l'alcaloïde passe dans le sang. L'action survient en cinq à dix secondes mais est très brève.
Les usagers de crack recherchent une sensation proche du flash induit par l'injection de cocaïne,
mais les effets fugaces les poussent à réitérer de façon compulsive l'administration. Les conséquences cliniques de l'utilisation du crack sont celles, exacerbées, de l'usage de la cocaïne salifiée.
Cette forme de cocaïne induit une dépendance rapide, plus forte que lorsque l'alcaloïde est simplement sniffé.
La cocaïne bloque la recapture d'un certain nombre de neuromédiateurs, en particulier de la dopamine et dans une moindre mesure de la noradrénaline et de la sérotonine. Elle entraîne une activation importante des neurones dopaminergiques dans diverses régions du cerveau jouant un rôle
clé dans la régulation des émotions.
Les effets de la consommation de cocaïne résultent pour l'essentiel d'une stimulation sympathique:
toxicité cardio-vasculaire (vasoconstriction, troubles du rythme cardiaque, etc., crises hypertensives
à l'origine possible d'autres troubles (hémorragies pulmonaires et cérébrales, dissection aortique),
angor et infarctus du myocarde, toxicité sur le système nerveux (céphalées, hémorragie méningée,
convulsions), toxicité pulmonaire (toux, expectorations sanglantes, douleurs thoraciques parfois
vives, dyspnée, pneumomédiastin, pneumopéricarde, réduction de la capacité de diffusion du monoxyde de carbone et hémorragie alvéolaire avec le crack), toxicité hépatique et rénale (ischémies par
vasoconstriction, insuffisance rénale aiguë si intoxication aiguë), complications psychiques.
Lors d'une consommation occasionnelle à faible dose, l'usager décrit une sensation d'euphorie et
de bien-être, de facilitation relationnelle, d'hypervigilance. Il est sujet à des insomnies. Cette phase
est le rush (la course). Lorsque les doses sont répétées sur une brève période, la fin de l'activité du
produit se traduit par une anxiété inclinant à utiliser à nouveau de la drogue. Cette phase dépressive est le crash (la chute, l'écrasement).
Lorsque la dose utilisée est plus importante, une agitation psychomotrice intense peut s'accompagner d'idées délirantes (sentiment de persécution, illusions sensorielles, amnésie) avec comportement violent.
Lorsque l'usage se fait compulsif, le consommateur devient sujet à une grande instabilité caractérielle (dysphorie). Les illusions sensorielles se généralisent. Les délires d'interprétation revêtent
volontiers une forme paranoïde et s'accompagnent d'attaques de panique. Les phases de dépression caractérisée alternent avec les phases d'excitation maniaque, d'insomnie, d'amnésie.
20% des usagers de cocaïne deviennent dépendants de la drogue. Mais, compte tenu de la proportion toujours plus grande d'individus consommant de la drogue, et, notamment, la consommant
sous forme de crack ou par injections (des modes d'administration donnant un pic sanguin précoce et élevé, facteur connu pour favoriser la survenue d'une dépendance) le nombre de consommateurs incapables de maîtriser la consommation de cette drogue va s'accroissant.
6 revue toxibase n° 4 - décembre 2001
Le RESTIM : un réseau « stimulant»
première prise), les personnes ayant déjà
une certaine expérience du produit insistent sur la difficulté à le gérer. Presque
tous ont connu une période de consommation quotidienne allant de 4-5 mois à 2 ans
(d'1 à 6 grammes par jour en sniff), à la
suite de laquelle ils ont décidé d'arrêter
suite à des problèmes de santé physique
et/ou mentale. Tous en consomment encore aujourd'hui, occasionnellement mais
parfois intensément et une des personnes
interrogées continue à avoir des problèmes de gestion du produit (peur de retomber , tremblements, paranoïa).
Les entretiens font état de perturbations
d'ordre psychologique, généralement
après des épisodes de consommation
intense. Sont évoqués : la paranoïa, la
dépression, la tendance à l'hypocondrie,
les crises d'angoisse, la nervosité, la perte
du sommeil, mais aussi des pertes de
poids, des problèmes respiratoires, des
irritations au niveau du nez, des palpitations, des tremblements.
Les associations de produits avec la
cocaïne semblent avoir deux fonctions :
l'une consiste à mieux gérer les effets
négatifs du produits et l'autre a plutôt une
dimension expérimentale, festive ou
encore pour la défonce.
Le développement de
la consommation de kétamine
Ce produit est aujourd'hui disponible
dans l'espace festif techno ; de plus en
plus de personnes en ont fait l'expérience,
parfois sans être bien informées des
effets qu'il génère.
La kétamine semble être recherchée pour
la radicalité de ses effets, à la fois très
intenses mais relativement courts. Ce
produit induit des modifications de l'état
de conscience très profondes dans le rapport au monde, à l'espace et permet -c'est
ce que beaucoup de ceux qui en usent
semblent rechercher - une déconnexion
brutale de la réalité ordinaire.
Ses effets diffèrent énormément selon le
mode d'absorption et le dosage.
Les associations sont courantes (kétamine
+ LSD, ou ecstasy, ou speed ou cocaïne).
Elles sont quelque fois perçues comme
dangereuses mais peuvent permettre une
meilleure gestion du produit.
Les informations qui circulent sur la kétamine ont trait le plus souvent à la nature
du produit (anesthésiant humain et vétérinaire) et à son effet le plus caractéristique
qui est une sensation de séparation du
corps et de l'esprit. Ces premières données
sont souvent dissuasives.
Le RESTIM 1 est un réseau inter-institutionnel d'information, de formation et de développement
des connaissances cliniques et thérapeutiques sur les usages de psychostimulants, hallucinogènes et nouvelles drogues. Créé en décembre 1999, avec l'appui de la MILDT et la collaboration de divers partenaires (OFDT , Toxibase, Marmottan…), il a pour objectif de réunir des connaissances fiables sur ces questions, de soutenir les équipes dans leurs efforts d'adaptation et, de
favoriser au sein des dispositifs existants, l'ouverture à de nouveaux modes d'accueil et de prise
en charge tenant compte des spécificités des usagers de ces produits et de réfléchir sur les
conduites à tenir adaptées aux différents stades de la consommation et aux altérations pharmaco-cliniques provoquées par l'abus de psychostimulants. Les connaissances sur les pratiques
sont élaborées grâce au réseau de correspondants, elles sont présentées à l'ensemble du réseau
et au public par le biais du site Internet www. restim.org
Face à l'augmentation de la consommation de produits psychostimulants observée par les différents acteurs de terrain, les professionnels du secteur de la toxicomanie et leurs partenaires (praticiens hospitaliers, généralistes,…) sont amenés à adapter leurs pratiques aux besoins spécifiques des usagers de ces produits. En effet, si pour le plus grand nombre d'entre eux la
consommation restera occasionnelle, non problématique, elle pourra pour certains aboutir à de
sérieuses complications. La première est liée à l'intoxication aiguë, la survenance d'accidents
psychiques traumatisants («bad trips»)2 suite à une surdose ou une combinaison de substances
psychoactives. La seconde est associée à l'usage prolongé d'une ou plusieurs substances. À
long terme certains ne gèrent plus, glissent vers des conduites addictives et des (poly)consommations compulsives qui peuvent favoriser des processus d'exclusion et de marginalisation.
Lorsque les premières difficultés surviennent, il est encore rare que les usagers s'adressent d'euxmêmes aux professionnels spécialisés en toxicomanie. Pourtant ils sont des plus qualifiés pour
apporter le soutien nécessaire à une prise en charge globale de la personne. Les savoir-faire de
l'accueil, l'accompagnement thérapeutique et l'orientation sont dans les structures de soins acquis
de longue date. Pourquoi alors la rencontre ne se fait-elle pas ?
La méconnaissance du fonctionnement des structures (gratuité, respect du secret professionnel),
la crainte d'une médicalisation excessive de la situation, le rejet de l'étiquette de toxicomane, le
refus de la stigmatisation, sont des éléments qui ne favorisent pas l'émergence d'une demande
d'aide de la part des usagers. Pour leur part, certains professionnels ne sont pas familiers des produits utilisés et des logiques de la consommation. De ce fait, lorsqu'ils sont sollicités, parfois dans
l'urgence, il leur est difficile de proposer des réponses adaptées aux demandes d'informations, d'orientation, de sevrage, de traitement ou de suivi médico-psychologique.
L'adaptation des services institutionnels aux pratiques actuelles consiste à répondre aux besoins de
ces populations qui ne sont pas majoritairement demandeuses de soins mais d'une intervention
sanitaire d'aide à la gestion de la consommation. Les demandes de ces usagers, dans le premier
temps souvent centrées sur les produits, testent les interlocuteurs, leurs capacités à (s')informer
et à faire preuve d'intérêt pour ces usagers dont les modes de consommation obéissent à des
logiques fort différentes de celles des héroïnomanes familiers (et donc rassurants) des structures.
Cette réorientation des services, avec une attention marquée sur la qualité de l'accueil, doit s'accompagner d'un renforcement de la coordination des organismes entre eux ainsi que de la rencontre entre partenaires intervenant sur les lieux festifs et dans les centres. La reconnaissance
mutuelle des compétences et des savoirs de chacun est une des bases essentielles au développement de modalités de prise en charge innovantes, appropriées. Le réseau RESTIM s'emploie à favoriser ces rencontres et ces échanges, vous êtes invités à vous joindre à la réflexion.
Mélanie King - Chargé de mission Restim
1. 5 rue de Clamart, 92100 Boulogne-Billancourt. 01 58 17 02 69. contact @restim.org - www.restim.org
2. Cf bulletin de liaison RESTIM n° 4. Etude Bad Trip
La kétamine
(k, Special, k, vitamine k, Kit Kat)
Cet anesthésique est parfois détournée de
son usage médical par des amateurs d'expériences psychédéliques, qui vont le sniffer
mais aussi l'ingérer ou se l'injecter par voie
intramusculaire.
Les effets, persistant plusieurs heures, sont
surtout dissociatifs. Les usagers évoquent un
sentiment d'extracorporalité, une sensation
de flottement dans l'espace, avec de possibles hallucinations visuelles et tactiles.
Comme pour tous les hallucinogènes, les
effets indésirables sont essentiellement d'ordre psychique, avec attaques de panique,
anxiété réactivée.
On rapporte également des troubles neurologiques (paralysies temporaires) et des signes
digestifs (nausées, vomissements). L'intoxication aiguë se traduit par un coma prolongé.
Ce produit pourrait être caractérisé par
l'étrangeté de ses effets et la perte de
contrôle de soi qu'il occasionne. Ainsi, il
est tantôt recherché pour la nouveauté
des effets qu'il procure, et pour leur intensité, tantôt rejeté par ceux qui veulent rester maître des situations et d'eux-mêmes.
La kétamine provoque des troubles de la
vision, induit une modification du rapport à l'espace, une perte des notions de
distance, d'où des déséquilibres et un
manque de précision dans le mouvement,
mais aussi l'impression de faire partie de
l'espace, d'entrer en synergie avec le son,
de voir les volumes déformés, et de percevoir un sens de l'apesanteur renforcé.
revue toxibase n° 4 - décembre 2001
7
thema
La kétamine est considérée comme un
produit difficile à gérer. L'étrangeté et
l'intensité de l'expérience font que les
usagers adoptent souvent une attitude
réservée à son égard, bien que la prise de
risque puisse être perçue comme valorisante (vaincre sa peur, se tester…).
L'usage de kétamine est occasionnel pour
la plupart des personnes que nous avons
interrogées. Quelques unes rapportent
des épisodes de consommation très régulière. Ce produit semble susceptible d'induire une accoutumance et une dépendance psychique à ses effets.
Bien que le contexte festif soit peu adapté à l'expérimentation d'un produit anesthésiant par nature, la kétamine est
consommée dans ce contexte par beaucoup d'usagers, du fait de sa disponibilité
(même relative dans ce type d'événement) et des pratiques courantes de partage, d'offre ou de troc. Les usagers amateurs d'expériences psychédéliques qui
souhaitent en explorer plus profondément
les effets, privilégient des contextes intimes plus souvent privés.
Le développement
de la consommation d’opiacés
Ces produits semblent le plus souvent
utilisés pour pallier aux descentes difficiles de produits stimulants et/ou hallucinogènes. L'utilisation de rachacha est
courante, l'usage d'héroïne reste caché et
mal perçu, l'usage de subutex et de codéine semble avoir été introduit par la force
des choses, ces produits étant abondants
sur le marché des stupéfiants.
Le développement de la consommation
d'opiacés en descente et dans un contexte
essentiellement récréatif, de fin de fête
pourrait conduire à des utilisations plus
régulières et dans d'autres contextes.
Particularités de l'usage de rachacha
La fabrication de rachacha semble s'être
développée au cours des dix dernières
années, en particulier dans le sud de la
France. Cette décoction de têtes de pavot
est réalisée dans des conditions d'hygiène
plus ou moins bonnes.
Le rachacha est un produit bon marché
fréquemment troqué ou offert. Son usage
Héroïne, morphine, codéine et autres : les opiacés
Les opiacés sont des molécules naturelles ou synthétiques dont les effets au niveau de la cellule sont transmis par des récepteurs spécifiques (ropiorécepteurs), dont l'action est agoniste ou
antagoniste de celle du référent du groupe, la morphine, un alcaloïde isolé de l'opium.
Ils sont le plus souvent utilisés par injection intraveineuse, qui expose aux risques les plus importants qui, seule, donne l'effet violent de flash recherché par les usagers. L'héroïne peut également
être prisée, la drogue passant alors dans le sang au travers de la muqueuse nasale, fumée dans
une pipe à eau voire sous forme de cigarette, mélangée à du tabac ou à du cannabis. Les vapeurs
de l'héroïne base peuvent être inhalées (chasser le dragon). Une forme spécifique d'héroïne,
appelée tar (goudron en anglais) se présente sous forme de petits morceaux pâteux de couleur
noirâtre : elle est essentiellement destinée à être fumée.
Les propriétés pharmacologiques de la morphine sont caractéristiques de celles de tous les agonistes opiacés (notamment héroïne, codéine, méthadone, etc.). La morphine agit en se fixant sur
des récepteurs connus pour fixer des substances physiologiques spécifiqes : les endorphines.
Ses effets pharmacologiques ont des conséquences sur trois grands systèmes physiologiques: le
système nerveux central, le système gastro-intestinal et le système cardio-vasculaire.
Au niveau du système nerveux central, la morphine provoque une sédation et une analgésie puissante. Un myosis s'observe chez presque tous les toxicomanes aux opiacés (une mydriase signe
quant à elle un état de manque ou, surtout, une overdose). Une dépression respiratoire résulte
d'une réduction de la sensibilité des centres respiratoires à l'augmentation de la teneur en gaz
carbonique du sang. Cette dépression est la cause essentielle des décès par intoxication aiguë
(overdose). Une inhibition de la toux et l'apparition de nausées ou de vomissements sont signalés lors de l'administration de morphine, même à faible dose. L'action émétisante disparaît avec
l'accoutumance. Selon les doses, la morphine peut provoquer l'apparition d'un état d'euphorie,
voire d'une dysphorie: ce sont les effets recherchés par les toxicomanes. A forte dose, la morphine induit des convulsions, notamment chez les individus ayant des antécédents d'épilepsie.
L'action de la morphine sur l'intestin provoque une diminution du tonus et du péristaltisme des
fibres longitudinales alors qu'elle augmente le tonus des fibres circulaires. Ce mécanisme est à
l'origine d'une constipation.
Au niveau cardio-vasculaire, la morphine entraîne une dilatation des veines et des artères et peut
provoquer une hypotension orthostatique. La morphine a d'autres effets pharmacologiques de
moindre importance : elle induit un spasme des voies urinaires, une vasodilatation cutanée, une
chute du taux d'hormones hypophysaires (LH, FSH), une augmentation du taux plasmatique de
la prolactine et de l'hormone de croissance. Comme tous les opiacés, la morphine franchit la barrière placentaire et passe dans le lait maternel.
L'administration répétée d'un agoniste opiacé peut entraîner, dans un contexte psychologique
particulier, une toxicomanie caractérisée par une dépendance psychique et physique ainsi que
par une tolérance. L'arrêt brutal des administrations peut provoquer un syndrome de sevrage et
doit se faire progressivement.
8 revue toxibase n° 4 - décembre 2001
Le rachacha
L'opium est obtenu par incision des capsules
de pavot le latex qui s'en écoule est simplement séché à l'air pour former une masse noi râtre et friable. Riche en morphine, il s'agit de
l'un des plus anciens médicaments connus.
L'intérêt de l'opium tient à sa richesse en alcaloïdes. Une vingtaine de molécules différentes
en ont été isolées, appartenant à plusieurs
groupes chimiques dont la morphine (base de
la préparation de l'héroïne) et la codéine.
Le rachacha, comme d'autres préparations à
base d'opium (paille de pavot, etc.), est utilisé
pour ses propriétés anxiolytiques, antalgiques, euphorisantes. Son usage peut
entraîner une dépendance physique et psychique d'installation rapide. Ses effets pharmacologiques sont ceux de tous les opiacés,
mais moins accentués que lorsqu'il s'agit des
alcaloïdes isolés (morphine, héroïne injectées, fumées ou sniffées).
est le plus souvent occasionnel, opportuniste, et peut devenir régulier pendant des
périodes de disponibilité du produit. Il
n'est pas nécessairement lié à un événement particulier. Il est consommé à plusieurs ou en solitaire, en contexte festif
mais aussi dans des contextes privés.
Il a des effets calmants, relaxants qui
peuvent être recherchés en contexte festif
pour pallier les descentes difficiles de
produits stimulants et/ou hallucinogènes.
Il peut aussi être consommé au quotidien
à faibles doses pour obtenir un état d'apaisement, de décontraction, de bien-être
intérieur, en n'altérant que très légèrement l'état de conscience de l'usager.
À plus fortes doses, il est ressenti comme
un produit planant. Bien qu'il soit souvent perçu comme inoffensif, le rachacha
crée chez des usagers réguliers une tolérance et une accoutumance.
Particularités de l'usage d'héroïne
L'héroïne pourrait être qualifiée de dro gue à étapes, ses effets se métamorphosant à chaque stade de consommation.
Lorsque les usagers n'en sont pas dépendants, elle est fréquemment utilisée
comme produit de soutien, permettant de
se soustraire à différentes pressions de la
réalité quotidienne, d'effacer un mal être
général, de gommer les tensions, de faciliter une ouverture aux autres, de soigner
le stress ressenti lors des descentes de
produits stimulants et/ou hallucinogènes,
de contrecarrer les dérapages psychologiques provoqués par ces mêmes substances. Une fois sous l'emprise de ce
produit, la prise d'héroïne n'apporte plus
à l'usager qu'un plaisir en négatif, celui
de ne pas être en manque.
L'héroïne représente parfois l'ultime barrière à ne pas franchir en matière de
consommation de substances psychoactives. Elle reste un produit des plus mal
perçus, que ce soit par les anciens usagers, par les usagers occasionnels actuels
ou par ceux qui n'ont jamais goûté, et son
usage demeure caché, même en contexte
festif. Le fait de stigmatiser aussi fortement cet usage peut constituer un moyen
pour d'autres usagers de se rassurer quant
à leur propre consommation psychoactive.
La buprénorphine
La buprénorphine est un agoniste/antagoniste partiel des récepteurs aux opiacés. Cet
analgésique (Temgésic®) est également
indiqué comme traitement de substitution à
l'héroïne (Subutex® par voie sublinguale).
La buprénorphine neutralise partiellement
les effets de l'héroïne, calme le syndrome de
manque et n'expose pas à un risque de tolérance. Il faut l'utiliser avec précaution chez
l'insuffisant respiratoire, hépatique ou rénal
ainsi que chez la femme enceinte ou allaitante. Elle expose à des risques de constipation, de maux de tête, de troubles du sommeil, de nausées et vomissements, de
sueurs profuses. Des décès par dépression
respiratoire surviennent dans le contexte
d'un détournement du médicament, par voie
intraveineuse et en association avec des
benzodiazépines et de l'alcool.
L'apparition
de nouveaux produits
Le terme produits rares recouvre ici un
ensemble confondant des produits peu
disponibles (GHB, 2CB, DMT et PCP) et
des produits disponibles dont les usages
paraissent exceptionnels ou très restreints
(Datura)23 .
Les produits rares sont l'objet de discussions et de spéculations, ils nourrissent
l'imaginaire même si leur usage reste
marginal et la connaissance de leur nature et de leurs effets très approximative.
La Datura, le PCP et le DMT sont caractérisés par l'intensité de leurs effets, par la
modification radicale dans le rapport au
monde qu'ils occasionnent. Ils sont souvent comparés à des produits de type hallucinogène plus connus comme la kétamine ou le LSD. Les discours concernant
le GHB et le 2CB sont le plus souvent
approximatifs et stéréotypés. Ces deux
derniers produits sont comparés à l'ecstasy dans leurs effets.
La consommation de ces produits rares
reste limitée et occasionnelle chez les
usagers rencontrés. La plupart les connaissent peu, bien qu'ayant une longue
expérience des psychoactifs en général.
Dans l’ensemble ces produits sont
méconnus et très minoritaires.
Le 2CB semble présent sur le marché de
l'ecstasy, (les résultats du Contrôle Rapide des Produits et des analyses en laboratoire l'attestent), il est probable que les
personnes le consomment parfois sans en
connaître la nature. Le peu d'informations qualitatives dont nous disposons sur
l'usage de PCP, de DOB, de Gamma OH,
ne nous permet pas de formuler des
hypothèses sur l'usage de ces substances.
Le polyusage
Le polyusage24 est une pratique ancienne
(mélanges variés dans les milieux punk et
rock - alcool, médicaments, cocaïne, héroïne notamment -) et courante (alcool, tabac,
cannabis sont très souvent consommés en
association, et par une part importante de
la population) actuellement influencée et
accentuée par la variété de produits
disponibles sur le marché 25.
Les combinaisons possibles sont nombreuses et aboutissent finalement à ce
que les usagers explorent de façon plus
superficielle qu'auparavant les effets propres à chaque produit.
L'alcool, le tabac et le cannabis apparaissent comme des produits plates-formes
qui accompagnent presque systématiquement la prise d'autres produits.
L'augmentation du nombre de produits et
de leur disponibilité sur le marché a sans
doute accentué le phénomène du polyusage.
Les daturas
Les espèces de daturas, plantes herbacées
ou arbustives de la famille des Solanacées,
sont répandues sur tous les continents. Leurs
feuilles sont riches en atropine (ou son isomère, l'hyoscyamine) et en scopolamine (=
hyoscine), d'où leurs propriétés hallucinogènes et leur extrême toxicité.
En Europe, Datura stramonium (Pomme épi neuse ou stramoine) est une herbe annuelle
commune dont les propriétés médicinales et
hallucinogènes, repérées dès l'Antiquité,
furent mises à profit dans les pratiques de
divination puis de sorcellerie (d'où son nom
populaire d'herbe à sorcière ou d'herbe au
diable).
L'activité anticholinergique de la plante se traduit par des illusions sensorielles (hallucinations notamment) avec agitation, par une
sécheresse buccale, une mydriase, des troubles du rythme cardiaque, une rétention urinaire douloureuse. Ce tableau est souvent
associé à une hyperthermie. Le décès peut
survenir pour des quantités de drogue faibles
(10mg d'atropine ou seulement de 4mg de
scopolamine chez l'adulte).
Le GHB
Le g-hydroxybutyrate (GHB, g-OH), structurellement proche du GABA, est naturellement
produit dans le cerveau des mammifères. Il
a un rôle probable de neurotransmetteur
GABAergique et agit également sur la transmission dopaminergique. Le GHB fut et reste
encore utilisé en thérapeutique comme anesthésique d'action rapide et comme hypnotique.
Une toxicomanie au GHB, alors utilisé essentiellement par ingestion, s'est développée
outre-Atlantique depuis les années 1990, certains usagers recherchant spécifiquement
ses propriétés euphorisantes puis sédatives.
Des intoxications ont été décrites avec : vertiges et étourdissements, nausées, vomissements, lipothymie, contractions musculaires
cloniques, diminution de la vision périphérique, agitation, bradycardie, difficultés respiratoires, hallucinations, évanouissement et
coma. Ces effets sont aggravés si le produit
est associé à d'autres drogues: alcool, ecstasy et amphétamines. L'utilisation répétée de
GHB peut donner lieu à dépendance psychique comme physique, mais les signes de
sevrage restent frustes.
Sur ce terrain foisonnant, la présentation
des différents types d'associations relevées dans les entretiens et les observations reste limitée. Elle nous semble ici
manquer d'exhaustivité pour deux raisons. D'une part, les épisodes de polyusage sont fréquents et pas toujours intentionnels ; les usagers se souviennent rarement de toutes les associations qu'ils ont
pratiquées. D'autre part, certaines associations de produits paraissent tellement
banalisées que peu de personnes pensent
à les mentionner spontanément en entretien. Les enquêteurs eux-mêmes, trop
focalisés sur des produits spécifiques, ont
parfois omis d'attirer l'attention sur les
pratiques courantes.
Seules deux personnes sur toutes celles
que nous avons rencontrées, disent ne pas
apprécier et éviter de pratiquer les associations de produits 26 .
La pratique quasi systématique du polyusage pourrait donc laisser penser que les
usagers sont moins intéressés par l'exploitation des propriétés psychoactives
d'une substance particulière que par le
fait même de prendre des produits, peu
importe lesquels. En dépit de cette apparence, les associations obéissent à des
règles complexes en terme de dosages,
d'échelonnement des prises, de combinaison des effets, souvent acquises au fil des
expériences et auprès des pairs.
Le polyusage semble s'être accentué avec
la diversification et le développement de
l'offre de psychotropes, il recouvre des
logiques, des stratégies d'associations très
revue toxibase n° 4 - décembre 2001
9
thema
Le cannabis et ses dérivés
Le cannabis est une plante de culture désormais ubiquitaire, à l'origine de nombreuses préparations psychoactives dont, notamment le haschisch (shit, teuch). Le principe actif majeur du cannabis est le THC. Il agit en se fixant à des récepteurs spécifiques retrouvés notamment dans le
système nerveux central, mais aussi dans la plupart des autres organes.
Les signes psychiques d'intoxication au cannabis, souvent frustres, varient selon l'usager, le
contexte et la quantité de produit consommée. On retrouve de façon théorique : désorientation
temporelle, troubles mnésiques, troubles de la vigilance, altérations sensorielles, troubles de l'équilibre et de la coordination des mouvements, troubles thymiques et dissociatifs (euphorie,
dysphorie, anxiété, agressivité, dépersonnalisation, délire). L'intoxication cannabique semble, de
façon exceptionnelle, induire des attaques de panique, dans un contexte d'anxiété chronique.
La décompensation psychotique liée à un usage important de cannabis chez des sujets prédisposés, rare, est caractérisée par un syndrome délirant souvent à thème de persécution, avec
anxiété, labilité émotionnelle, dépersonnalisation, amnésie, et symptomatologie physique (tremblements, incoordination motrice, etc.). Ces signes s'abolissent rapidement. Des manifestations
durables peuvent s'observer lors d'une consommation prolongée et l'usage de cannabis peut précipiter la décompensation d'une pathologie psychique préexistante.
Les signes physiques induits par l'utilisation de cannabis sont variables et souvent non significatifs au plan clinique : douleurs gastriques, troubles du transit; rares signes hépatiques, signes
allergiques (asthme, bronchoconstriction, irritation avec toux, etc.) induits par les substances de
coupe, modifications du rythme cardiaque inconstantes et variables, altérations fonctionnelles des
voies respiratoires (surtout si association au tabac), altération du système immunitaire (si
consommation prolongée à fortes doses, sans conséquences cliniques encore évidentes).
L'arrêt brutal d'une consommation chronique de cannabis induit des signes de sevrage en 12 à
24 heures. Ils s'intensifient pendant un à deux jours avant de disparaître en trois à cinq jours. Ces
signes se caractérisent par de l'anxiété, de l'irritabilité, de l'agitation, des insomnies, de l'anorexie,
et un syndrome pseudo-grippal.
diverses, pour ainsi dire personnalisées.
C'est en ce sens que l'on peut parler d'une
consommation utilitariste, les psychotropes servant le consommateur dans sa
recherche de bien-être, d'efficacité, de
décompression, de relaxation, d'introspection, de rêve… Ils peuvent modifier leur
humeur et leurs sensations à la carte.
Prendre un second produit peut permettre
de gérer les effets du premier, de les annihiler ou au contraire de les accentuer, de
les faire remonter. De la combinaison de
plusieurs produits peuvent naître de nouveaux effets, de nouvelles sensations.
Le développement d'un polyusage répond
souvent à un désir d'expérimentation. Il
montre enfin que l'usage de psychotropes
tend à se banaliser.
Les associations de produits s'organisent
alors selon plusieurs modalités.
1. Le cumul non-intentionnel
lié au contexte et au groupe
• On ne refuse pas un produit offert. Les
produits sont consommés au gré des rencontres et des propositions, ils ne sont pas
toujours achetés. Il est d'usage de ne pas
refuser un trait offert et proposer des substances se fait naturellement.
Dans ce cas, couramment observé, l'usager ne prévoit pas spécialement de se trouver sous l'effet de plusieurs produits et les
combinaisons ne répondent à aucune
logique préétablie.
Ce type d'association n'est parfois pas
identifié comme tel par les usagers, qui
peinent souvent à retracer précisément
leur épisode de consommation. Victor, un
étudiant de 23 ans, parle de ses expériences sous kétamine et ne mentionne le
mélange avec d'autres substances que
lorsqu'il a délibérément pris la décision
de les consommer simultanément. Il
réalise qu'en fait il n'a jamais goûté la
kétamine comme unique produit, il était
toujours sous l'effet (même soft) d'une
autre substance.
• L'effet surprise ou les produits de coupe.
Il peut arriver que l'usager prenne un
deuxième produit lorsqu'il pense que le
premier n'est pas efficace (absence de
montée ou impatience, effets jugés trop
légers…), et qu'il ressente finalement les
effets des deux de manière simultanée, ou
encore qu'il absorbe un comprimé dans
lequel sont déjà mélangées plusieurs
molécules actives.
2. La stratégie planifiée pour répondre
à des objectifs précis
• Dans le but d'obtenir un effet spécifique.
L'usager décide de se procurer des produits déterminés pour obtenir un effet
particulier déjà expérimenté et apprécié,
ou parce qu'il a simplement envie d'essayer un cocktail dont il a entendu parler.
Les mélanges antagonistes illustrent particulièrement ce type de stratégie (le
Speedball - cocaïne + héroïne, ou encore
le Calvin Klein - cocaïne + kétamine).
10 revue toxibase n° 4 - décembre 2001
• Dans le but de se déchirer la tête . Se
défoncer, se mettre cher, se déconnecter,
se retourner, s'arracher, se démonter, se
mettre la tête à l'envers, se dépouiller,
prendre cher, sont autant d'expressions
qui traduisent l'état de défonce apprécié
par certains sujets.
La défonce est ici entendue comme la
recherche d'une sensation très forte,
vécue de manière plutôt solitaire, et qui
s'inscrit dans une logique d'excès. Ce
désir occasionne des abus, exceptionnels
ou non, en termes de quantités absorbées,
de variétés de produits et de durée de l'épisode de consommation. L'effet de groupe et l'effet de contexte jouent souvent un
rôle dans cette démarche.
• Dans le but de gérer les descentes.
Associer les produits peut se faire volontairement dans le but d'atténuer les effets
négatifs ressentis pendant les descentes.
Ce sont les substances relaxantes (principalement cannabis, opiacés, médicaments) qui entrent ici en jeu bien que parfois des stimulants puissent être pris,
pour, dans ce cas, repousser le moment
de la descente.
3 - Le partage intentionnel au sein
d'un groupe
Le partage des produits entre les membres d'un groupe est courant. Il a lieu à
différentes étapes de l'épisode de consommation. Les membres du groupe peuvent avoir décidé d'acheter collectivement plusieurs produits qu'ils apprécient
de prendre simultanément. Il arrive aussi
qu'à la fin d'un épisode de consommation, chaque membre du groupe soit en
possession de substances mais pas en
assez grande quantité pour être consommées individuellement. Il s'agit alors de
mettre en commun les fonds de poches,
d'accommoder les restes.
Le partage découle d'une décision prise
en commun. Il nécessite une préparation
culinaire et est vécu comme un moment
particulier, intense, qui soude les membres du groupe.
Boire la potion n'est pas anodin, puisqu'en général personne ne connaît le
dosage de substances psychoactives
contenu dans une gorgée, ni les effets
générés par le mélange. La prise de
risque passe ici par une mise en scène
collective. Cette conscience d'un danger
éventuel se révèle dans le fait que, souvent, la potion n'est pas partagée avec des
inconnus et/ou avec des personnes peu
expérimentées, ignorantes du principe.
3. Paroles, pratiques et savoirs d’usagers
Les citations présentées ci-dessous
sont tirées des 40 entretiens réalisés
avec des usagers de produits rares, dans le cadre de la recherche ethnographique Pratiques et représentations émergentes dans le champ de l'usage de drogues en France (1999-2000).
Bien que sorties de leur contexte, elles donnent un aperçu des différents savoirs construits par les usagers et sur lesquels ils s'appuient. Ces savoirs, qu'ils concernent les représentations sociales, la (mé)connaissance des produits, les
stratégies de gestion individuelles ou collectives ou le sens donné à l'usage de drogue, sont essentiels pour qui cherche
à comprendre ces pratiques.
• Cindy, 23 ans, sans activité professionnelle. À propos des
contextes d'usage : Pour moi la défonce en général j'aime
bien la partager. J'aime bien qu'y ait une ambiance, un
support, un contexte quelque chose qui te motive à en
prendre ; pas en prendre pour en prendre quoi.
• Fanny, 23 ans, petits boulots alimentaires. À propos de
la kétamine en Angleterre, des stratégies de gestion collectives : C'est dingue comme ça peut être une fashion
tout ça, une mode. Tu sais qu'en teuf ils interdisent en ce
moment ? - Ils interdisent quoi ? - La kétamine. Il y a des
propagandes qui sortent. Tu peux plus vendre ta kétamine dans certaines teufs comme tu veux quoi, y'a des gens
qui ne sont plus d'accord. Comme à Londres maintenant
c'est plus pour faire de la thune par rapport aux pays
étrangers comme la France que pour nous quoi.
• Richard, 30 ans, travaille en contrat aidé. À propos du
speed : Moi j'appelle ça un peu la drogue des pauvres. C'est
comme prendre une cuite avec du vin en bouteille en plastique à 2 F les deux litres et te boire une bonne bouteille.
Franchement l'effet ne va pas être le même. Je pense que
c'est quand même une drogue de mauvaise qualité.
• Séraphin, 27 ans, sans activité professionnelle. À
propos du partage des produits, du polyusage, de sa
stratégie personnelle : Non ça s'est fait comme ça,
les gens y te proposent, tu dis oui ou non et voilà
quoi on te propose et t'as du mal à dire non. J'ai dû
refuser 2 traits dans l'histoire quoi, histoire de dire
quoi… enfin de toute façon en ce moment j'prends
pas grand chose et puis j'ai jamais vraiment pris
beaucoup, j'ai toujours un peu picoré le nectar de
chaque (rires) enfin y'a toujours eu aussi les
ambiances fêtes ou tekos où là forcément tu mélanges et déjà sur plusieurs jours de suite quoi, t'as
pas envie de dormir par exemple et alors ben tu
prends un peu de tout quoi.
• Bernard, 23 ans, vendeur. À propos des rumeurs sur le
GHB : Ah tout ça j'ai… j'en ai entendu parler. Je sais que
c'est… y paraît que c'est surpuissant, que c'est une dose
encore plus minime mais franchement j'y ai jamais touché. J'ai jamais eu l'occasion en fait. Je sais pas où en
trouver. J'ai vu ça à la télé le GHB, qui se mettait dans
des bouteilles d'eau.
• Marius, 27 ans, contrat emploi solidarité.
À propos de l'utilisation qu'il fait des produits : Non j'évite parce que chacun à un
effet différent et maintenant selon l'effet
que je veux, si j'veux être tripé à fond, halluciné, voyager dans… dans le space,
j'prends des trips, si j'veux m'amuser, danser… toute la soirée, j'prends des ecstas…
Si j'me sens maintenant de bosser physiquement, j'prends du speed, j'essaie de
trouver du speed.
• Odile, 20 ans, sans activité professionnelle. À propos de la cocaïne :
La coke euh… La coke déjà tu vas t'en mettre un p'tit peu sur les gencives voir si
elle t'endort, le goût qu'elle a, la texture qu'elle a, comment elle est. Quand tu la
mets sur la bouche normalement elle fond, direct. Sinon ben t'as plusieurs pro cédés, tu peux la tester à l'ammoniaque c'est-à-dire tu mets la coke dans de l'ammoniaque tu la chauffes avec une bougie et ça va faire un caillou et plus y a de
cailloux plus elle est pure parce que ce que tu ressors en fait c'est un espèce de
crack artisanal que tu fumes en fait et euh…Sinon tu peux la tester aussi à l'aluminium suivant les traces qu'elle fait ou… mais bon j'utilise pas trop ce
procédé-là moi. Généralement tu te prends pas trop la tête. J'veux dire
• Séraphin, 27 ans, sans activité professionnelle. À
quand t'achètes quelque chose, tu goûtes juste et tu t'en fous un p'tit peu
propos de la notion de partage et de l'héroïne : Moi
sur la langue, tu regardes la texture qu'elle a, comment elle est et pis voilà. j'ai l'impression que y'a des gens qui partagent et
d'autres qui partagent pas quoi c'est un rapport
Généralement tu fais ça à la va vite quoi.
euh… y'a pas un type de drogues quoi, tu partages
quand t'es avec des potes quoi… quoique l'héro
• Jean, 35 ans, travailleur social. Description des effets de la kétamine :
c'est… c'est pas que c'est difficile de le partager
C'est simplement que le corps est totalement (insistant) out puisqu'il est
mais c'est surtout inciter quelqu'un à prendre une
anesthésié et l'esprit, quand on est bien dosé il est totalement lucide, et
grosse merde quoi, donc moi j'ai jamais engrainé
l'esprit se déplace à la vitesse de la pensée c'est-à-dire ça va encore plus quelqu'un à prendre de l'héro avec moi, j'me suis
vite que les nerfs, je pense au soleil je suis sur le soleil euh je pense à la
toujours laissé gentiment engrainer… et la derChine je suis en Chine enfin c'est… ça va à la vitesse de la pensée donc
nière fois j'ai trop aimé, c'était un tout petit trait
c'est sans limites et on peut remonter, enfin moi j'ai fait cette expérience de
tout blanc mais vraiment bien quoi, ça m'a pas
me retrouver à remonter dans le temps ou à me déplacer, à voler, à être au- speedé longtemps hein on s'est vite retrouvés
dessus avec une facilité déconcertante, à un moment j'avais l'impression
allongés chacun dans le camion à tchatcher, à se
que le hamac que j'avais attaché dehors était accroché entre les étoiles et
raconter notre life, un peu soif quand même et dès
que j'étais en train de me balancer juste sous la voûte céleste mais c'était
que je bougeais pour boire j'ouvrais la porte du
camion pour gerber (rires).
une sensation que je vivais quoi (insistant), c'est ce type d'intensité.
revue toxibase n° 4 - décembre 2001
11
thema
• Claire, 24 ans, journaliste. À propos du partage, du polyusage : Ça m'est
plus arrivé de mélanger, genre ça commence soft, je sais pas, c'est un bout
d'X, parce qu'on est un groupe, on partage toujours, on prend tous les
mêmes choses pour être tous sur le même truc, et après bon chacun a ses
préférences et a envie de ralentir ou de speeder, après on se laisse un peu
libre, quoi, mais on aime bien partager nos délires quoi, donc généralement
c'est un peu l'amuse-gueule, enfin, on va se choper un taz, on partage quoi,
et en même temps, il faut vite trouver autre chose, parce qu'il y a des fois, on
prend juste un bout de taz et enfin, un
taz, il faut le prendre entier, si tu • Richard, 30 ans, travaille en contrat
prends qu'un bout, ça te casse et aidé. À propos des classifications des
drogues et de leurs usages : Entre manaprès tu vas dormir quoi.
ger un piment et un grain de maïs dans la
• Séraphin, 27 ans, sans activité pro- bouche ça ne te fait pas pareil, si tu manfessionnelle. Sur le sens donné à l'u- ges un kilo de piments tu peux peut-être
sage, les représentations sociales : Le en mourir, brûlures d'estomac ou je ne
trip ça a été la grosse claque quoi, la sais pas quoi. Donc à la limite je fais
société tu te rends compte que c'est quand même une différence entre les dro du carton pâte quoi, la société c'est gues, il y a des drogues plus fortes que
un gros truc qu'est là pour euh te d'autres, mais après ce qui compte c'est
cloisonner euh enfin c'est ça hein tu le dosage, tu vois le shit c'est une drogue
te dis " mais on nous a menti " (avec douce, quand tu commences à fumer 30
joints par jour, ça devient une drogue
un accent innocent, rires), tu te dis
mais alors ça fait 20 ans qu'on nous dure. La cocaïne c'est une drogue dure,
drogue à l'insu de notre plein gré et si tu prends un gramme par an, ça fait
moins mal que de fumer un paquet de
on nous interdit certains produits
quoi, c'est ça le truc quoi te dire que cigarettes tous les jours. Donc voilà, les
y'a des plantes qui sont labellisées, drogues, c'est les quantités dans le laps
de temps dans lequel tu les prends qui
des plantes que t'as le droit d'autres
fait qu'elles sont nocives ou pas.
que t'as pas le droit, alors qu'y a des
sociétés où l'alcool y'en n'a pas du
tout quoi.
• Xavière, 23 ans, étudiante en maîtrise. Sur le sens donné à l'usage, les représentations sociales : En fait je pense que cette attirance pour le voyage intérieur y vient
d'un… c'est paradoxal enfin on pourrait même penser qu'y a aucun rapport mais
j'pense que ce qui m'y a amené précisément c'est un mensonge, un mensonge qui a
été fait par une instance supérieure parentale auquel j'accordais euh un certain bon
sens et surtout un entendement et donc pourquoi est-ce que j'parle aussi d'anthropologie et vraiment de transcendance de l'humanité c'est que alors que j'étais petite je montais à cheval et alors qu'avec mon père pharmacien on allait beaucoup
dans la forêt se balader etc. et j'avais donc remarqué relativement que y'avait des
champignons rigolos qu'on croise aussi dans les contes d'enfants donc euh une certaine sphère d'imaginaire quoi, tout un truc, Alice au pays des merveilles euh y'a
des champignons amanite tue-mouche et moi on m'avait dit parce que sans doute
j'avais du poser la question euh on m'avait dit que c'était mortel et un jour j'ai
appris que c'était pas du tout mortel et là il m'est apparu ce qui était concret, de
toute pièce des mensonges et qu'on détournait un savoir des plantes je sais pas au
profit de quoi, peut-être pour mieux asseoir ce que Thomas Satz appelle la panacée
pharmacologique moderne quoi et ça il m'est apparu que y'avait quelque chose qui
était injuste, c'est-à-dire on peut promouvoir certains produits sans aucun problème mais on a pas le droit d'en dévaloriser d'autres au profit de cette promotion
parce que c'est vraiment du mensonge donc du déni de réalité et donc du génocide
anthropologique (rires)…. D'autant plus qu'en fait y'a certains bouquins euh alors
c'est marrant parce que c'est le sexe et la dope donc en fait un des plaisirs dont
maintenant arrivée à l'âge adulte je me dis que c'est des plaisirs dont on peut pas
euh se passer et qui font vraiment partie de la vie et que c'est un peu ça notre humanité aussi… parce que donc à cette même période j'ai commencé un peu à me rencarder sur les états de conscience modifiés, je tombe dans une bibliothèque de
famille sur Fantastica de Lewin et j'commence à le bouquiner et là on me le cache
en me disant qu'on me refuse cette lecture, ils voulaient pas que je lise ça, j'avais 15
ans et je commençais à lire et cette même année on m'avait aussi interdit de lire les
Liaisons Dangereuses de Choderlos de Laclos et ça j'pense que ça a quand même
vachement forcé l'attirance sur les bonnes choses de la vie (rires), parce que peutêtre qu'on est obligé de transgresser pour être dans l'individuation et découvrir son
propre chemin, on est obligé de transgresser le désir que l'autre porte à notre égard.
12 revue toxibase n° 4 - décembre 2001
NOTES
1. Tossman P., Boldt, S., Tensil M.D., The use of
drugs within the techno party scene in European
metropolitan cities, in European Addiction
Research 2001, 7:2-23.
Voir aussi : IREFREA, Characteristics and social
representation of ecstasy in Europe, IREFREA &
European Commission, Espagne, 1998.
2. Pratiques et représentations émergentes dans
le champ de l'usage de drogues en France,
Laboratoire de Recherche Autonome sur les
Sociétés (A. Fontaine, C. Fontana, C. Verchère, R.
Vischi), publication OFDT, février 2001. (RAS Lab,
anciennement LIRESS).
3. Escohotado A., Ivresses dans l'histoire. Les drogues, des origines à leur interdiction, L'Esprit
Frappeur n°18, 1998, p. 85.
4. Les drogues synthétiques en Europe : uniformisation et généralisation du phénomène. Tendances
n°3, novembre 1999, OFDT
5. Inaba D.S., Cohen W.E., Excitants, calmants,
hallucinogènes, Piccin, 1997, p. 67.
6. Inaba D.S., Cohen W.E., Excitants, calmants,
hallucinogènes, Piccin, 1997, p. 11.
7. Tant le nombre de saisies de LSD que les quantités concernées ont augmenté jusqu'en 1993 puis
diminué dans l'ensemble, en dépit de fluctuations
dans la plupart des pays. Les saisies de LSD sont
moins fréquentes que celles d'amphétamines ou
d'ecstasy, OEDT, Rapport annuel sur l'état du phénomène de la drogue dans l'Union européenne,
2000, p. 26.
8. Evolution des saisies en France : 32 en 1987,
5047 en 1988, 62 000 en 1991, 130 000 en 1992,
133 000 en 1993, 254 804 en 1994, 273 779 en
1995, 349 210 en 1996, 600 000 environ en 1998.
Leclaire G., Usage et trafic d'ecstasy en France sur
les dix dernières années. In : Ecstasy. Des données
biologiques et cliniques aux contextes d'usage,
expertise collective INSERM , juin 1998.
9. Une gélule d'environ 160 mg de MDMA valait au
début des années 90 à peu près 300 F., un comprimé peut aujourd'hui se trouver à moins de 50 F.
10. Bien que de nombreuses polémiques aient encore lieu à ce sujet, on constate que la mortalité liée à
l'ecstasy semble effectivement limitée. Une soixantaine de décès, dont on ne sait s'ils sont du à la prise
d'ecstasy uniquement, ont été recensés en Europe
entre 1987 et 1996.
11. Drogues. Mais qu'allons-nous faire de tout ce
savoir?, avant-propos du dossier Minorités, in
Vacarme n°13, automne 2000
12. Zarifian E., Le prix du bien-être, Odile Jacob,
1996, p. 139.
13. Escohotado A., Ivresses dans l'histoire. Les drogues, des origines à leur interdiction, L'Esprit
Frappeur n°18, 1998, p. 84.
14. WHO Regional Office for Europe, Smoking,
drinking and drug taking in the European Region,
Copenhagen : WHO, 1997.
15. OEDT, Rapport annuel sur l'état du phénomène de
la drogue dans l'Union européenne, 2000, p 9 et 21.
Tendances générales concernant la consommation de
drogues eu Europe centrale et orientale exposées par
l'OEDT : - Le pourcentage de la population globale,
en particulier les lycéens, ayant essayé des drogues
illicites au moins une fois est en hausse. - L'âge de
première consommation ou de premier contact avec
des substances licites et illicites décroît. - La demande de traitement pour dépendances envers les opiacés augmente. - Les modèles de consommation changent, avec davantage d'injections et un remplacement des opiacés produits localement par de l'héroïne d'importation. - La drogue s'étend des grands
centres urbains à toutes les régions. - Les arrestations et les saisies sont en hausse.
16. Voir aussi : IREFREA, Characteristics and
social representation of ecstasy in Europe, IREFREA & European Commission, Espagne, 1998.
Cette étude menée en 1996-1997 a porté sur 5
villes: Coimbra (Portugal), Modena (Italie), Nice
(France), Palma de Mallorca (Espagne) et Utrecht
(Hollande). Elle visait d'abord à récolter des informations pouvant aider à améliorer les différentes
actions de prévention de l'usage de drogues.
17. Tossman P., Boldt, S., Tensil M.D., The use of
drugs within the techno party scene in European
metropolitan cities, in European Addiction Research 2001, 7:2-23
18. D'autres contextes de consommation, tels que
les clubs ou les milieux professionnels font plus
rarement l’objet d’études ethnographiques.
19. Pratiques et représentations émergentes dans
le champ de l'usage de drogues en France,
Laboratoire de Recherche Autonome sur les
Sociétés (A. Fontaine, C. Fontana, C. Verchère, R.
Vischi), publication OFDT , février 2001.
20. Interroger les savoirs par A. Lalande in
Vacarme n°13, automne 2000.
21. Elle s'inscrit dans le cadre du projet pour un
suivi des tendances récentes dans le champ des
toxicomanies en France (T REND ).
22. La population interrogée présente une nette
dominante masculine : 31 hommes pour 9 femmes. Elle se situe entre 20 et 30 ans, est très majoritairement citadine. Les profils socio-professionnels sont divers, un tiers des personnes peuvent
toutefois être qualifiées de précaires.
23. À l'exception du GHB (anesthésiant léger), les
substances évoquées sont de type hallucinogène
(d'origine naturelle ou synthétique).
24. Nous entendons par polyusage le fait de
consommer plusieurs produits lors d'un même épisode de consommation.
25. Plusieurs facteurs semblent jouer un rôle dans
la pratique du polyusage d'après les personnes que
nous avons interrogées : - la disponibilité de plusieurs produits ; - l'habitude de cette pratique ; une occasion que l'on ne veut pas rater, un bon
plan qui ne se présente pas souvent, des circonstances ou des contextes particuliers ; - l'effet de
groupe : la majorité des produits se consomment
en groupe, groupe qui rassure, permet la convivialité, évite les dérapages ou bad trip d'un côté mais
accentue aussi la polyconsommation, du fait du
partage des produits.
26. Ces deux personnes pratiquent tout de même
les associations traditionnelles telles que alcoolcannabis-tabac. Dans le corps du texte, le terme
association concerne principalement la combinaison de substances de synthèse.
Bibliographie des auteurs
ALEAS ; BOUARD I ., Alcool, cannabis, ecstasy
chez les 18-25 ans en Centre Bretagne. Enquête
exploratoire., Convention d'étude OFDT , n°17,
Paris, O FDT , ALEAS, 1999, 40 p.
Document Toxibase n° 1000499
ANGEL P., RICHARD D., V ALLEUR M. , Toxicomanies. Paris, Masson, 2000, 276 p.
Document Toxibase n° 102133
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