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BAT TAM TAM 24_25_BRESIL.qxd T 10/03/08 12:11 Page 24 AM TAM La batterie dans la m u Stage - Janvier 2008 - Rio de Janeiro - Brésil Certaines années commencent mieux que d’autres. Ce fut le cas en ce début 2008 pour le groupe de dix batteurs français dont j’ai eu la chance de faire partie, qui s’est rendu à Rio de Janeiro au mois de janvier, en plein été brésilien ! io, c’est bien sûr le Pain de Sucre, le Christ du Corcovado, les jolies naïades mais, au-delà des clichés touristiques, Rio possède une richesse culturelle infinie, articulée entre autres autour du chant, de la danse et bien sûr de la musique. Le stage de deux semaines que nous avons suivi nous a permis de nous immerger au cœur de la multitude des rythmes traditionnels brésiliens, avec pour guides trois des plus grands spécialistes du pays qui nous ont transmis leur savoir et leurs immenses connaissances avec une grande gentillesse et simplicité. Voici les moments forts d’un stage haut en couleurs qui, pour un coup d’essai, fut un coup de maître. Récit d’un séjour inoubliable. Après une escale à Madrid, et un vol de plus de 10 heures, nous arrivons enfin à Rio où une température tropicale nous attend. Nous profitons de cette première soirée pour prendre un verre en ville afin de nous immerger dans l’atmosphère et sentir les vibrations qui nous entourent. Les deux jours suivants nous permettront de nous familiariser avec la ville en nous rendant vers des hauts lieux comme Copacabana et Ipanema, sans oublier de profiter de la gastronomie locale et des Caipirinhas1. R Rencontre avec les intervenants Le 7 janvier, nous avons rendez-vous à l’école de musique « Maracatu Brasil » où le directeur Claudio nous accueille chaleureusement et nous montre les locaux superbement équipés et, chose importante sous ces latitudes, climatisés, dans lesquels se dérouleront les cours chaque jour. Nous faisons également connaissance avec les trois grands batteurs avec qui nous passerons les deux prochaines semaines : Oscar Bolao, Cassio Cunha et Marcio Bahia. C’est l’occasion pour chacun d’eux de nous dévoiler son approche de l’instrument et les lignes directrices pédagogiques qu’il utilise- ra durant le stage. Trois personnalités fortes pour trois univers musicaux complètement différents mais ô combien complémentaires, qui nous laissent d’ores et déjà entrevoir un superbe voyage au cœur de la tradition musicale brésilienne. Marcio Bahia : « O grande Mestre2 » Certains musiciens, en raison de leurs choix artistiques dénués de toute considération commerciale, n’ont pas eu la reconnaissance qu’ils méritaient. Marcio Bahia en est un vibrant exemple. Membre du groupe du grand Hermeto Pascoal depuis 1981, Marcio a développé au fil des années un jeu d’une richesse infinie, synthèse parfaite du musicien de jazz élevé dans la tradition de son pays. Le résultat en est un langage et un discours uniques qu’il développe grâce à des petites percussions additionnelles (tamborim, agogos, cloche…) montées sur des « clamps », jouées aux baguettes ou aux balais, le tout servi par une technique et un contrôle instrumental sans failles. Durant les 15 heures passées en sa compagnie, Marcio a ouvert suffisamment de pistes de travail pour occuper chacun d’entre nous jusqu’à la fin de ses jours, tout en n’ayant en trois jours dévoilé qu’une toute petite partie de son immense talent. Cassio Cunha : la batterie du « Nordeste » Autre approche et autre univers rythmique pour trois nouvelles journées de travail avec Cassio Cunha. Originaire de la ville de Recife, au nord-est du Brésil, Cassio développe un “background” complètement différent de son aîné Marcio, avec un son moins “acoustique”. Il possède une connaissance parfaite des rythmes traditionnels de son état natal « Pernambouco » : Maracatu, Frevo, Ijexà, Coco, Xote… La majorité de ces rythmes sont basés sur un gros travail de caisse claire utilisant toute la palette des rudiments connus mais adaptés au “feel” brésilien. En complément, il nous présente une méthode qu’il a récemment publiée « IPC » (Independance Polyrythmique coordonnée), où il développe toute une série de systèmes d’indépendances verticales, horizontales et croisées3 permettant à terme de faciliter l’approche et la maîtrise de certains rythmes aux polyrythmies très complexes. Oscar Bolao : le Samba de Rio Ce qui frappe tout d’abord lorsque l’on croise pour la première fois Oscar Bolao (la boule), de son vrai nom Oscar Luiz Werneck Perron, c’est son imposante corpulence. Puis, très rapidement, lorsqu’il s’assoie derrière la batterie et qu’il commence à jouer, on se dit qu’on a probablement jamais entendu quelqu’un faire groover le samba de cette manière. Ici pas de cymbales, uniquement les peaux et les cerclages. Le concept général de son enseignement est de reproduire sur la batterie l’effet rythmique créé par plusieurs instruments de percussion traditionnelle joués simultanément. Il explique de manière très claire l’importance du phrasé, de l’articulation, des accents, des textures de sons… Oscar a poussé très loin le travail sur la grosse caisse en l’utilisant comme un « Surdo4 » qu’il accentue PAGE 24 BATTEUR MAGAZINE N°213 BAT TAM TAM 24_25_BRESIL.qxd 10/03/08 12:11 Page 25 usique populaire du Brésil Par Laurent Paranthoën La salle où se déroulait les cours, climatisée et équipée d’un matériel conséquent ! en se servant d’une technique de sons ouverts et fermés. Et, comme si cela ne suffisait pas, en s’aidant d’une double pédale, il nous fait une brillante démonstration de combinaisons des trois surdos utilisés dans les batucadas (ensembles de percussions des écoles de samba). Du grand art ! En complément, Oscar nous explique son approche d’autres rythmes comme le Maxixe, Choro, Baiao, qu’il illustre par des écoutes d’enregistrements audio du début du siècle mettant en valeur la richesse du jeu de batteurs aujourd’hui disparus. En marge du stage, le groupe a profité de ses soirées pour se rendre sur des lieux de concerts, que se soit dans des petits bars intimistes ou dans de grandes salles afin de profiter au maximum de la scène musicale foisonnante. C’est ainsi que nous avons pu voir au Canecao (l’équivalent de l’Olympia parisien) le Spok Frevo Orquestra, un incroyable big-band originaire de Recife, d’une vingtaine de musiciens, chanteurs et danseurs à l’energie festive irrésistible qui achèvera le concert en formation de fanfare dans la rue, comme pendant le carnaval. Nous avons également pu découvrir Moyseis Marques, superbe chanteur dans la lignée de Chico Buarque, accompagné d’une formation traditionnelle. Le séjour s’est achevé par deux soirées auxquelles participait Marcio Bahia, évoluant avec deux formations différentes, qui nous ont donné l’occasion d’apprécier en ‘live’ le musicien après avoir admiré l’enseignant. Nous avons pris le chemin du retour des images et des sons plein la tête, emportant avec nous partitions, CD, DVD et de nombreuses percussions traditionnelles. Pour la plupart d’entre nous, ce séjour au Brésil ne sera cer- Les dix stagiaires réunis autour d’Oscar Bolao. tainement pas le dernier, tant le charme de ce pays est puissant. Je ne saurais que trop recommander à tous ceux qui s’intéressent à la culture brésilienne de tenter l’aventure lors de la prochaine édition du stage. À votre retour en France, si vous êtes amené à jouer The Girl From Ipanema, vous ne l’appréhenderez plus jamais de la même facon, tout simplement parce qu’entre-temps vous aurez visité la plage où Jobim l’a fait naître. Un grand merci aux trois personnes sans qui ce stage n’aurait pu voir le jour : Gilbert Carreras et son association « Samba Jacare » pour ses compétences et sa disponibilité, qui a su grâce à sa grande connaissance du Brésil et de sa culture, placer le groupe dans des conditions optimales. Marcos China, son homologue à Rio, grand percussionniste amoureux de la France. Et enfin Claudio Diegues, directeur de l’école de Batterie/ Percussion « Maracatu-Brasil », qui a accueilli le stage. Pour tout renseignement sur les projets et les futurs stages prévus par « Samba Jacare », contactez Gilbert Carreras au 04 77 21 08 23 ou par e-mail : [email protected] 1. Boisson nationale à base de cachaça (alcool de canne), de sucre et de citron vert. 2. Le grand maître. 3. Indépendance verticale : main droite/pied droit ; main gauche/ pied gauche. Indépendance horizontale : main droite/main gauche ; pied droit/pied gauche. Indépendances croisées : main droite/pied gauche ; main gauche/pied droit 4. Tambour basse dans la section de percussion d’une école de samba. Cassio Cunha, ou la batterie du Nordeste. Marcio Bahia, le grand maître. Oscar Bolao, ou la passion du samba.