La révolution du quaternaire

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La révolution du quaternaire
COMPTE RENDU
DE LA TABLE RONDE DU 20 NOVEMBRE 2007
Michèle Debonneuil est économiste, membre du Conseil d’analyse économique auprès du
Premier ministre, professeur à HEC, inspectrice générale des Finances, auteur de deux
ouvrages récents : L’Espoir économique. Vers la révolution du quaternaire (Paris : Bourin
éditeurs, 2007) et coauteur avec Pierre Cahuc de Productivité et emplois dans le tertiaire
(Paris : Conseil d’analyse économique, 2004, rapport du CAE n° 49, 254 p.).
François de Jouvenel introduit la table
ronde en présentant Michèle Debonneuil,
qui a travaillé à l’INSEE, l’OCDE, au
Plan, à l’inspection générale des Finances,
et qui est actuellement membre du CAE
(Conseil d’analyse économique), conseillère auprès de Jean-Louis Borloo, et
participe aux travaux de la commission
Attali. Elle a été l’inspiratrice du plan de
développement des services à la personne.
L’intervenante prend ensuite la parole pour
développer les idées contenues dans son
livre L’Espoir économique. Vers la révolution du quaternaire.
Les arbitrages impossibles
Nous entrons dans une nouvelle économie
qualifiée d’économie de l’immatériel dont
l’origine réside dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Il s’agit d’une technologie
générique et l’économie qu’elle fonde dépasse la précédente mais ne la détruit pas.
C’est un processus de destruction créatrice,
la transition peut être douloureuse mais
également pleine d’espoir. La question est
de savoir si on laisse faire la main invisible
du marché ou bien si une vision est utile
pour raccourcir cette transition et aller plus
vite vers la nouvelle économie.
Nous sommes face à trois arbitrages
impossibles :
1) La croissance du PIB (produit intérieur
brut) entraîne fatalement celle des inégalités. Les pays qui ont connu une forte croissance économique sont tous devenus plus
inégalitaires. Le FMI (Fonds monétaire
international) décrit cette réalité dans son
dernier rapport : la France et l’Afrique sont
les seuls pays au monde à ne pas connaître
de croissance des inégalités, mais c’est
parce que la croissance économique y est
faible.
2) On a l’impression que la croissance des
pays en développement se fait au détriment
des pays développés. Toutefois la tendance
Table ronde Futuribles du 20 novembre 2007 - La révolution du quaternaire
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à l’égalisation des savoir-faire va plus vite
que celle à l’égalisation des rémunérations.
3) La croissance économique entraîne la
destruction de la planète.
On ne peut donc pas se passer d’une vision
et attendre la solution du marché. La
technologie a permis de changer d’échelle
en domestiquant les énergies et en décuplant la force physique de l’homme. Les
NTIC vont plus loin en décuplant ses
capacités mentales. Le premier effet des
technologies, c’est de permettre l’automatisation de la production et de mettre au
chômage une partie de la population.
Les nouvelles technologies permettent
aussi de passer d’une production industrielle indifférenciée (la Ford T) à une
production très différenciée, avec des modèles personnalisables à volonté.
La transformation la plus radicale est celle
qui va se produire dans les services, qui
consistera en la mise à disposition volontaire d’un savoir et d’un savoir-faire.
Les services, réservoir de productivité
Auparavant, les gains de productivité
n’étaient pas possibles dans les services, ni
par conséquent les gains de pouvoir
d’achat. Ils ont donc été organisés en
services publics et services sociaux, et
financés par des prélèvements sur les gains
de productivité de l’industrie.
Les gains de productivité sont entendus ici
au sens large, comme le « supplément de
bien-être créé par heure de travail ».
L’élargissement du choix des produits et la
montée en gamme des produits est une
forme de gain de productivité.
Les services deviennent à présent eux aussi
candidats aux gains de productivité, c’est
même le plus grand réservoir de gains de
productivité aujourd’hui.
Le plan de développement des services à la
personne est emblématique de cette évolution, il a permis de montrer que des entreprises se créaient sur ce marché et gagnaient de l’argent. Acadomia (spécialiste
du soutien scolaire à domicile) est cotée en
Bourse. Environ 4 000 entreprises privées
et 110 000 emplois ont ainsi été créés en
un an, qui concernent l’aide aux personnes
âgées, la garde d’enfants, le ménage /
repassage, le jardinage, la réparation…, en
tout une liste de 17 activités.
Des réseaux de distribution de ces services
se mettent en place, portés par des
banques, des assurances, la Poste…
Des frontières qui s’estompent
Le grand changement c’est qu’avant, seuls
les riches avaient accès à ces services et
qu’à présent, on assiste à une extension
aux classes moyennes.
La frontière entre biens et services
s’estompe : la location, par exemple, est un
service qui inclut un bien. De même, la
frontière entre secondaire et tertiaire n’est
plus pertinente, c’est pourquoi Michèle
Debonneuil parle d’économie quaternaire.
Il faut savoir que la moitié de la
consommation de CO2 serait économisée si
les Français louaient toute l’année des
voitures plus petites, adaptées à leur
besoins quotidiens, et une fois de temps en
temps une grosse berline.
L’économie quaternaire est donc une
économie plus « propre ».
Rôle de l’État
Le rôle de l’État dans tout cela est de
préparer un nouveau compromis social et
de faire se rencontrer les différents acteurs,
d’orchestrer la coordination (par exemple
entre les compagnies de taxis, les constructeurs automobile, les parkings).
Le plan a permis de rendre solvable la
demande, par la distribution de titres
CESU (chèques emploi service universel),
mais c’est, selon l’intervenante, temporaire
et dangereux. D’un autre côté, beaucoup
d’argent est dépensé pour indemniser le
chômage : on pourrait « rendre » aux gens
leurs cotisations chômage, à condition
qu’ils dépensent cette somme dans les
services à la personne (piste qui avait été
suggérée par l’économiste).
2 Table ronde Futuribles du 20 novembre 2007 - La révolution du quaternaire
Comment font les autres ?
Les services sont très développés dans les
pays anglo-saxons mais il s’agit souvent de
« petits boulots », basés sur des inégalités
importantes entre classes sociales. L’Allemagne a gardé sa spécialisation industrielle
et a développé les services après-vente.
Extrait des débats
La définition des services présentés par
l’intervenante a été jugée trop restrictive
(ceux-ci se trouvent aussi dans la banque,
l’assurance, et même dans certaines activités comptabilisées dans l’agriculture ou
l’industrie).
Michèle Debonneuil explique qu’elle s’est
délibérément focalisée sur le segment qui
va créer le plus d’emplois dans les années
à venir, et qui va être le plus révolutionné.
Un rapport du CAE analyse la différence
en termes d’emploi entre des pays qui ont
réussi à diminuer nettement leur chômage,
comme le Royaume-Uni, et la France ; il
montre que cette différence est essentiellement due à un « déficit » d’emplois dans
les services en France.
La définition de la productivité suscite
également des réserves chez quelques
participants au débat, qui font référence
aux définitions arrêtées par les grands
organismes internationaux telle l’OCDE.
Une critique porte sur la qualité des
emplois créés : « on ne fait pas carrière
dans les services aux personnes ». Mme
Debonneuil estime au contraire que grâce
aux nouvelles plates-formes et à la professionnalisation croissante du secteur, il sera
de plus en plus possible de changer de
métier, de se former tout au long de la vie,
pour les salariés de ce secteur. Ces métiers
ne seront plus dévalorisés.
Céline Laisney
Table ronde Futuribles du 20 novembre 2007 - La révolution du quaternaire
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