Audience de rentrée du tribunal de grande instance de LA ROCHE

Transcription

Audience de rentrée du tribunal de grande instance de LA ROCHE
Audience de rentrée
du tribunal de grande instance de LA ROCHE SUR YON
le 15 janvier 2010
Discours de M. Xavier PAVAGEAU, procureur de la République
Monsieur le Président,
Vous me permettrez de m’associer aux vœux et aux remerciements que vous
avez adressés aux diverses personnalités civiles, militaires et judiciaires qui nous font
l’honneur d’assister à cette audience solennelle de rentrée.
A l’aube de cette nouvelle année judiciaire, je me vois encore au début du mois
de septembre dernier, prenant la parole en cette enceinte, à l’occasion de mon installation
dans mes fonctions de Procureur de la République.
Le temps de l’observation est vite passé pour être rapidement remplacé par le
temps de l’action avec son cortège d’urgences, le flux des affaires courantes et le cap à ne
jamais perdre des réformes à accomplir.
L’audience de rentrée correspond à un rite d’une particulière nécessité
puisqu’elle nous amène à rendre compte de l’exercice de notre mandat de magistrat.
Le volet comptable de l’exercice est difficile cette année du fait de
l’implantation en 2009 de notre nouveau logiciel pénal CASSIOPEE dont nous n’avons pas
encore récolté les fruits.
Je tiens publiquement à souligner le parfait engagement des fonctionnaires et
greffiers de ce Tribunal qui, malgré tout, ont fait face et ont fait qu’à ce jour le tribunal n’a
pas accumulé de retards insurmontables. Mesdames et Messieurs, soyez remerciés de ce
dévouement qui a permis à la chaîne pénale de ne pas être grippée !
I : bilan de l’activité pénale de 2009
L’activité pénale de l’année 2009 s’est caractérisée par la continuité des
orientations de politique pénale impulsées par mon prédécesseur.
En effet, la plaquette qui vous a été diffusée l’atteste : il y a lieu de retenir deux
idées majeures concernant l’activité pénale du parquet en 2009 :
- la première est simple : le nombre des affaires a augmenté et il faut y voir la
conséquence de l’efficacité des services de police et de gendarmerie ; qu’ils en soient
remerciés! Le taux de réponse pénale est resté particulièrement élevé, à 97 %, c’est à dire
largement au-dessus de la moyenne nationale. Cela veut dire que dans 97% des procédures,
les personnes interpellées par les enquêteurs n’ont bénéficié d’aucune impunité.
- la deuxième idée importante à retenir est celle de la diversité de la réponse
pénale. Le document diffusé l’illustre très bien en permettant de visualiser comment en 2009,
il a été répondu aux actes de délinquance élucidés par les enquêteurs.
On notera que 49 % des affaires furent traitées essentiellement par le procureur
et ses services. Ce sont les alternatives aux poursuites (32%) et les mesures de composition
pénale (17%) qui sont mises en oeuvre par les délégués du procureur. Ces mesures
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permettent d’adresser des rappels à la loi aux petits délinquants primaires, d’enjoindre à des
prévenus de se soigner, de payer des amendes, de suspendre des permis de conduire, de faire
effectuer des travaux d’intérêt collectif. La part de ces mesures et notamment des
compositions pénales ne pourra qu’augmenter en 2010 !
Les poursuites correctionnelles (51 % des affaires ) ont été majoritairement, au
deux tiers, traitées selon des formes simplifiées de l’ordonnance pénale et de la CRPC, la
procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Ces procédures
simplifiées sont adaptées aux contentieux de masse qui assaillent notre juridiction et
n’empêchent nullement en cas de contestation de venir devant le juge s’expliquer en audience
publique, dans le cadre d’un débat contradictoire.
L’évocation de ces contentieux de masse m’incite à dire quelques mots sur le
premier regard que je suis amené à poser sur la délinquance du département.
La Vendée est un département dont le taux de criminalité peut être envié par
beaucoup. Néanmoins, certaines affaires survenues depuis quelques semaines ne doivent pas
nous laisser indifférents.
- deux vols avec arme ont frappé en quelques jours, des établissements
bancaires ou postaux du ressort montrant que notre territoire n’est nullement épargné par la
grande délinquance.
- un jeune de 18 ans était interpellé récemment pour trafic de stupéfiants et
l’enquête a établi, c’est assez singulier pour être souligné, qu’il participait à ce trafic, sans être
toxicomane, pour le seul profit. Il est désormais en détention ! Mais le développement de cette
économie souterraine, même de petite envergure, doit nous mobiliser pour ne pas être
banalisée!
- autre constat : le nombre des augmentations des accidents mortels de la
circulation en Vendée. Les causes de ces drames sont connues : l’alcool et la vitesse !
- dernier constat : l’augmentation des violences aux personnes sous deux
formes: les violences intra-familiales et les violences liées au trafic de stupéfiants ! Ces
dernières sont trop fréquentes pour être tues ! La violence déployée montre, si besoin était, les
enjeux financiers de ces trafics et viennent tordre le cou aux fausses réputations de “douceur “
de certaines drogues. Quand un jeune reçoit trois coups de couteau, je ne crois pas que l’on
puisse parler de drogues douces !
Les violences intra-familiales, qu’elles frappent l’enfant, l’ancien ou le
conjoint, nous renvoient dans la majeure partie des cas à un problème d’alcool. Avec vous,
Monsieur le Préfet, notamment dans le cadre de l’état-major de sécurité, nous avons fait le
constat navrant que la Vendée était le 5 ème département concernant les accidents corporels
de la route où l’alcool est en cause.
Ce département est le 98 ème (pour ne pas dire parmi les derniers ! ) pour le
taux de consultation des centres de soins, ce qui laisse craindre une trop faible prise de
conscience de la problématique « alcool » par nos concitoyens.
Les professionnels de la santé et de la sécurité savent les ravages de l’alcool. Il
faut que la société s’empare de cette question. La justice dispose de quelques outils mais ne
peut certainement pas venir seule à bout de ce fléau. Elle ne peut que participer aux actions
publiques globales !
Voilà un défi majeur pour 2010 qui vient s’ajouter à d’autres dont je dois vous
parler désormais !
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II - les défis de 2010
L’année 2010 nous amènera à nous confronter à trois grands défis : il nous
faudra
- continuer à apporter une réponse pénale de qualité malgré les contraintes
- améliorer l’exécution des peines d’emprisonnement
- affronter les réformes à venir.
1- Continuer à apporter une réponse pénale de qualité malgré les contraintes
Le premier défi évoqué nous renvoie à la réalité des contraintes qui pèsent sur
l’appareil de l’Etat du fait de la R.G.P.P.. Cette révision générale des politiques publiques
n’épargne pas la Justice. Elle nous amène à concevoir notre action et son développement à
l’aide de moyens matériels, financiers et humains limités. Il faut certes espérer un retour à
meilleure fortune mais il ne faut pas s’illusionner et rester passif en attendant un age d’or qui
n’est pas d’actualité.
Des directives ont été adressées aux services de police et de gendarmerie. A
er
compter du 1 janvier dernier, le traitement en temps réel des affaires pénales doit connaître
un nouvel essor afin de simplifier, de fluidifier les procédures. Nous allons alléger les
rapports entre les enquêteurs et le parquet, automatiser le plus possible certains circuits de
transmission des dossiers, développer le traitement par courrier électronique des affaires
pénales pour rendre résiduelles les procédures-papiers. Le traitement en temps réel est un
mécanisme gagnant-gagnant car les services enquêteurs et les services judiciaires voient leur
efficacité renforcée.
Nous allons optimiser autant qu’il est possible les circuits de traitement en
usant encore davantage des procédures simplifiées comme l’ordonnance pénale. Est annoncée
pour 2010, à la suite des travaux de la commission GUINCHARD, l’extension de la
procédure de plaider coupable et de l’ordonnance pénale afin de ne consacrer à l’audience
correctionnelle que les affaires les plus graves, les affaires contestées. Demain, ne viendront
devant le juge, en audience publique et contradictoire, que les affaires contestées et seront
traitées, par des voies simplifiées les affaires non contestées. On peut s’émouvoir, critiquer
cette orientation, mais il faut sans doute y voir une orientation incontournable et déjà bien
amorcée à LA ROCHE SUR YON comme je l’indiquais il y a quelques instants.
Cette nouvelle procédure pénale française qui se dessine, partagée entre la
voie du procès contradictoire et la voie du traitement simplifié, n’empêche pas que la réponse
pénale soit de qualité. Simplifier la procédure ne veut pas dire bâcler la procédure !
J’en veux pour preuve ce qui va être enfin mis en oeuvre en 2010 : les stages
de sensibilisation aux dangers de l’usage des produits stupéfiants. En matière de lutte contre le
trafic de stupéfiants, la priorité a toujours été donnée à la répression la plus ferme. Les
services de police et de gendarmerie oeuvrent déjà avec beaucoup d’efficacité et nous
attendons que ces efforts soient renforcés par l’aide accrue du GIR, le Groupe d’Intervention
Régional, qui doit permettre de frapper les trafiquants encore davantage sur leur patrimoine et
les ressources qu’ils tirent de leurs affaires illicites. Une proposition de loi initiée par M.
WARZMANN devrait également en 2010 nous apporter les outils juridiques pour renforcer
les possibilités de saisies et de confiscations des avoirs criminels.
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En matière de lutte contre l’usage de stupéfiants, il faut souligner que les forces
de l’ordre ont de plus en plus recours aux tests de détection salivaire pour prévenir les
comportements dangereux des conducteurs d’automobile.
Pour les usagers de produits stupéfiants, seront mis en oeuvre pour la
première fois en 2010 à La Roche sur Yon, les stages de sensibilisation aux dangers de
l’usage de produits stupéfiants.
Les personnes interpellées, dès la première fois, seront obligées de suivre un
stage, à leurs frais, afin que leur soient exposés les dangers légaux, médicaux et sociaux de ce
genre de produits.
Ces mesures de sensibilisation seront mises en oeuvre par une association
partenaire, la Sauvegarde 85, agissant sous le contrôle et sur délégation du Procureur.
Cette mesure contribuera à l’évidence, les premières expériences en attestent, à
rendre la réponse pénale plus adaptée donc plus efficace.
Cet exemple montre que malgré les contraintes qui s’abattent sur la Justice, il y
a encore de la place pour développer une réponse pénale de qualité.
C’est avec cet état d’esprit qu’il nous faudra aborder un autre chantier en 2010.
J’en parlais déjà dans mon discours de septembre ; ce chantier c’est celui de la médecine
légale.
L’intérêt commun, des victimes et des enquêteurs, des médecins et des
magistrats, et d’une manière générale de la société, est à l’évidence de disposer d’une
médecine légale de qualité. En 2010 est également annoncée une réforme visant enfin à
clarifier le rôle de la Justice et celui de la santé. L’initiative locale doit permettre d’avancer
sur le terrain et je pense que les sujets de discussion entre l’hôpital, la médecine et la Justice
sont nombreux et que le dialogue doit pouvoir être fructueux.
2 - améliorer l’exécution des peines d’emprisonnement
Le deuxième défi que je me dois d’évoquer concerne l’amélioration de
l’exécution des peines d’emprisonnement.
Il y a quelques semaines, notre Garde des Sceaux soulignait qu’il fallait porter
nos efforts sur l’exécution des peines afin, au-delà du débat sur la sévérité et l’automaticité
des sanctions, que nous puissions en assurer l’effectivité. Une peine ne peut être efficace que
si elle est effectivement exécutée.
Les bons résultats du bureau de l’exécution des peines constituent une première
réponse à cette exigence.
Nous attendons beaucoup de la mise en place des Commissions d’Exécution
des Peines qui doivent permettre d’assurer un meilleur suivi de l’application des peines de
prison.
Cette réflexion ne nous exonère pas d’être en permanence vigilants sur les
conditions de détention dans nos deux maisons d’arrêt de Vendée.
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Le contrôleur Général des lieux privatifs de liberté est venu visiter la prison de
La Roche-sur-Yon et a confirmé ce que nous savions sur les conditions d’emprisonnement
des détenus. Elles ne sont pas tolérables pour les prisonniers, pas acceptables pour les
surveillants pénitentiaires et pour la société en général.
Cela ne peut que renforcer notre détermination à développer une politique
d’aménagement de peines volontariste.
La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 nous y invite fortement. Cette loi
indique clairement :
: que la prison doit être la peine prononcée en dernier recours, quand aucune
autre ne peut plus être envisagée
: que toute peine d’emprisonnement doit par principe être aménagée.
Pour autant, cette réforme ne résoudra pas le problème endémique de la
surpopulation carcérale à La Roche-sur-yon. Cet état des lieux et l’analyse partagée avec le
Contrôleur Général des Prisons nous confortent dans l’idée que l’accueil des détenus, les
conditions de travail des surveillants ne pourront être améliorées que par la création d’un
nouvel établissement pénitentiaire en Vendée, établissement moderne, plus vaste, en tout cas
plus adapté que nos deux petites et anciennes maisons d’arrêt de La Roche-sur-Yon et de
Fontenay-le-Comte.
3 - affronter les réformes à venir.
Le troisième défi auquel vont être confrontés les acteurs du monde judiciaire
est celui des réformes à venir.
Je viens d’évoquer la loi pénitentiaire de la fin de l’année 2009.
J’ai parlé de la réforme de la médecine légale qui devrait survenir en 2010.
J’ai fait référence à la réforme de simplification à venir à l’issue des travaux de
la commission GUINCHARD et qui devrait développer les procédures de plaider coupable et
de l’ordonnance pénale.
La monotonie ne sera pas de mise en 2010 et encore moins quand j’évoquerai
trois réformes majeures qui vont bouleverser notre Justice française.
La première d’entre elles résulte de la loi du 10 décembre 2009 relative à
l’article 61-1 de la constitution.
A compter du 1er mars 2010, selon certaines conditions de forme à respecter,
un justiciable pourra faire valoir l’inconstitutionnalité de la loi. Le Juge à qui on soulèvera la
question de savoir si une loi respecte la Constitution, devra faire remonter la question à la
Cour de Cassation qui en saisira le conseil Constitutionnel.
Cette question prioritaire de constitutionnalité, puisque telle est le nom de cette
procédure, est une nouveauté !
C’est une avancée sur le chemin des droits des citoyens !
C’est également un facteur d’alourdissement de nos procès.
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La deuxième réforme qui devrait être promulguée au 1er semestre permettra
au justiciable de saisir le Conseil Supérieur de la Magistrature de comportements de
magistrats qu’il estime susceptibles de constituer une faute disciplinaire.
Bien évidemment, certaines garanties, certains filtres devront permettre
d’éviter les pires dérives et la déstabilisation permanente des juges.
Les magistrats sont des professionnels conscients de leur responsabilité, qui ont
toujours entendu les assumer. Il convient juste d’éviter qu’une surexposition disciplinaire
n’aboutisse à paralyser la Justice. Responsabiliser les magistrats, oui, ils le sont déjà !
Paralyser les juges, non, cela ne serait pas acceptable !
Enfin, la procédure pénale française risque de connaître, en cette année de
réforme, un bouleversement important de son architecture.
Il y a un an, le Président de la République annonçait, pour orienter les travaux
du comité présidé par M. LEGER, qu’il voulait mettre fin à la procédure d’instruction.
Les pistes de réflexion retenues en l’état amèneraient à voir toutes les enquêtes
confiées au Procureur sous le contrôle d’un juge, le Juge de l’Enquête et des Libertés, le JEL,
pour les actes les plus importants.
Si les juges d’instruction ne gèrent que 3 à 5% des affaires pénales, force est de
constater que ce sont les dossiers les plus importants.
Cette réforme, je n’ose dire cette révolution procédurale, pour réussir devra
surmonter trois écueils.
- Tout d’abord, il faudra offrir aux victimes la possibilité de déclencher une
enquête malgré le refus du Procureur. Actuellement, une victime peut se constituer partie
civile afin de demander que des investigations soient diligentées malgré un classement sans
suite de sa plainte. Un dispositif analogue doit leur être proposé dans la nouvelle réforme.
- Ensuite, le rôle prépondérant du Procureur doit avoir comme corrélatif des
droits accrus pour la défense. Une modification du déroulement de la garde à vue est sans nul
doute nécessaire de ce fait.
- enfin, le Procureur et ses services doivent être renforcés à la hauteur des
charges nouvelles qui lui seront confiées. Les magistrats du parquet ont la compétence pour
diriger, superviser des enquêtes : c’est déjà leur travail quotidien pour 97% des dossiers.
Mais les 3% de dossiers restant, les plus lourds, les plus complexes nécessitent
du temps et des moyens en conséquence.
Le débat qui agite la place publique est celui de l’impartialité du Procureur
pour mener ces enquêtes. Je ne veux pas douter de cette impartialité qui est de l’essence
même de la qualité de magistrat du Procureur.
Mais il ne suffit pas d’être impartial, il faut en avoir l’apparence ; il ne faut pas
que l’on puisse suspecter le procureur de ne pas être.impartial
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C’est par la qualité de son travail que cette image d’impartialité lui sera
reconnue même si des garanties statutaires ne pourraient que renforcer cette exigence
d’impartialité.
Voilà le bilan de l’année 2009 !
Voici les défis de l’année 2010 avec ses nouvelles lois, ses contraintes . Nous
les affronterons avec nos compétences et notre volonté de faire pour le mieux dans le cadre de
l’exécution de notre mission.
“ En voulant, on se trompe souvent ; mais en ne voulant pas, on se trompe
toujours“ écrivait Romain Rolland, nous invitant ainsi à l’action, à l’innovation plutôt qu ‘à
l’inertie, la frilosité et la résignation.
Je requiers qu’il vous plaise, M.. le Président :
- déclarer clos les travaux de l’année judiciaire 2009
- déclarer ouverts ceux de l’année judiciaire 2010
- me donner acte de mes réquisitions
- dire que du tout il sera dressé procès verbal
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