Le cercueil volant de Yayi - Les Amis de Abdoulaye BIO TCHANE

Transcription

Le cercueil volant de Yayi - Les Amis de Abdoulaye BIO TCHANE
Le cercueil volant de Yayi
Écrit par Webmaster
Jeudi, 09 Juillet 2009 22:44
Une comédie. Une vraie scène tragi-comique indigne de Hollywood. C’est le spectacle auquel
se sont donnés, deux de nos plus valeureux officiers de l’armée béninoise, spécialistes attitrés
d’épaves d’avions : le général Robert Gbian et le colonel Camille Mitchodjèhoun. Il parait qu’ils
ont gagné leurs galons à Boeing, donc, à même de parler au nom de cette firme qui se
passerait bien de leur blablabla de techniciens à la gomme.
Comiques, parce que nos deux officiers savent que les journalistes n’ignorent pas qu’ils
mentent. Ils ont décidé seulement de jouer le jeu « de la communication mensongère » pour
convaincre Yayi Boni que ce Boeing, véritable « cercueil volant », est un joyau. Alors, pour
fermer la gueule aux journalistes, des enveloppes de cinq mille francs ont été distribuées ? De
quel compte ?????? Tragique parce que l’avion aurait pu crasher. Avec deux hommes
d’équipage, deux officiers supérieurs (certifiés Boeing) de l’armée béninoise, et cinq journalistes
naïfs. Et si l’avion s’écrasait sur le marché Dantokpa, on serait en train aujourd’hui de couler
des larmes de croco, alors qu’on ne saurait attendre mieux d’une carcasse d’avion sortie tout
droit du cimetière aéronautique libyen. Je pèse bien mes mots. A bon vin point d’enseigne. A
force de vouloir communiquer intensément sur une carcasse, nos vaillants officiers ont fini par
attirer l’attention. Ils ont trop parlé. Ils ont tellement parlé qu’ils ont fini par se contredire. Prenez
par exemple le Colonel Mitchodjèhoun. Celui-là doit prendre les Béninois pour des tarés. Il
affirme : « l’avion présidentiel n’est pas en panne et n’a aucun problème ». Foutaises. C’est le
Général Gbian qui lui répond : Il dit que d’ici au mois d’Août, l’avion se rendra à Paris et «
…tous les compartiments de l’avion seront visités et toutes les pannes éventuelles seront
réparées ». Même lieu, même endroit. Deux déclarations contraires. L’avion n’a rien, pourtant, il
faut l’évacuer sur Paris. Une visite technique, relativise le général Gbian.
Des clous !!!
Ce qui nous amène au début de la rocambolesque histoire de cet avion sarcophage.
Crépuscule de Kérékou II. Kadhafi offre un Boeing 727-200 au Kaméléon par le truchement de
Martin Rodriguez, bras droit du non moins mafieux directeur de cabinet de Kadhafi. (Nb : l’avion
encombrait l’aéroport de Tripoli). Peu de temps après, Rodriguez Martin, perd sa place de
privilégié auprès du général. Il a été smashé par une dame de fer : Chantal de Souza. Réaction
de Rodriguez : il confisque l’avion qu’il envoie quelque part en Europe. Tout le monde sait que
là où passe Rodriguez, tout trépasse. Le Boeing 727-200 ne sera pas l’exception.
Avril 2006. Avènement du régime du Changement. Le président Yayi Boni décide de suivre la
piste de cet avion. Piste qui le conduit droit à Rodriguez. Négociations. Tractations : Rodriguez
décide de rendre l’avion à condition qu’il s’occupe de la réparation. Cette réparation durera plus
de deux ans et engloutira environ cinq milliards Fcfa ! Vous avez bien lu. Le Boeing sorti de la
poubelle aéronautique libyenne a englouti environ 5miliards de nos francs. C’est du Rodriguez
tout craché.
26 mai 2009. Le Boeing sarcophage est de retour enfin au Bénin. Je vous laisse lire un
communiqué officiel :... « …l’appareil, un Boeing 727-200 ty 24 qui a subi une cure de jouvence
de niveau 3 a regagné Cotonou dans la soirée du 26 Mai 2009… Selon le Colonel Camille
Mitchodjehoun, chef d’Etat major de l’armée de l’air, le Boeing 727-200 autrefois avion de ligne
a été entièrement relooké et sa structure modifiée…Côté technique, il peut voler jusqu’à une
1/3
Le cercueil volant de Yayi
Écrit par Webmaster
Jeudi, 09 Juillet 2009 22:44
vitesse de 900Km/heure avec une altitude 11.000 et 13.000 pieds et est doté d’une autonomie
de six heures »…Donc, si l’on les prend au mot, l’avion est neuf. Sans aucun problème. Car,
une réparation de niveau 3 signifie que l’appareil est redevenu neuf.
Or, un mois après, c’est la désillusion totale. L’avion révèle sa vraie nature : une carcasse. Ceci
pour trois raisons.
La première, c’est que nos officiers s’apprêtent à renvoyer l’avion sous prétexte d’une visite
technique. Un pilote qui a requis l’anonymat nous certifie ceci : un avion qui a subi une
réparation de niveau 3 et qui a englouti 5 milliards de francs ne retourne pas au garage un mois
après et surtout, après un seul vol de 6.000km. Faux ! Archi faux ! Sa conclusion, l’avion n’a
pas subi de réparation de niveau 3 et n’a surtout pas englouti 5 milliards. Où est partie la
différence ?
La deuxième raison, c’est le pseudo baptême de l’air organisé par nos « officiers Boeing » à
l’intention des journalistes. Ils ont vraiment pris nos confrères pour des imbéciles. C’est vrai que
plusieurs parmi eux n’ont jamais pris l’avion. Mais de là, à les prendre pour des idiots !!! Nos
officiers, parmi la trentaine de journalistes présents, ont demandé seulement cinq pour monter à
bord ! Alors un calcul simple édifie : 5 journalistes + deux officiers + deux membres d’équipages
= 09 personnes. Pourquoi seulement neuf personnes pour un avion qui en prend 46 ? Parce
que justement l’état de l’avion ne le permet pas et l’équipage craint un décrochage en plein air.
Le Boeing sarcophage ne peut pas prendre 46 personnes. Sinon, aujourd’hui même, Gbian et
Mitchodjehoun peuvent faire un essai. Qu’ils invitent toute la presse sur le tarmac. Qu’ils
remplissent l’avion des membres du gouvernement et de leurs familles jusqu’à concurrence de
quarante six personnes. Qu’ils aillent faire un tour à Abidjan à une altitude de 4000 m et à une
vitesse de 800km/heure. Nous journalistes serons là pour les accueillir. Sur le tarmac !
D’ailleurs, l’attitude des membres de l’équipage est inquiétante. Ils prennent neuf personnes, et
tournent autour de Cotonou à basse altitude et à vitesse réduite. Conneries. Le 727-200 est
conçu pour atteindre une vitesse de 900km /heure avec une altitude entre 3.500 et 4.200 m. Ce
qui aurait été mieux, c’est de prendre la route du Niger. D’atteindre une vitesse de croisière de
800km/heure et une altitude de 4000 m. Là, nous serons tous d’accord. Mais, les membres de
l’équipage savent très bien qu’à cette vitesse et à cette allure, le Boeing cercueil va se
désintégrer. Qui est fou ?
La dernière raison de l’état comateux de cet avion est l’attitude du chef de l’Etat lui-même. A
son retour de Libye avec ce cercueil, il a fait le signe de croix à l’aéroport. Ce qui veut dire «
Dieu merci, je suis sorti saint et sauf de cette tombe ». Les craquements du fuselage, les ratés
de moteurs, les pertes d’altitude ont fini de lui faire croire que son heure a sonné. Et puis, il
refuse de prendre l’avion. Après la Libye, il est allé au Gabon, au Burkina, au Niger, au Nigeria,
au Togo puis tout dernièrement, au Koweït. Pour tous ces voyages, il a affrété des avions. Et
quelles explications donne notre Colonel Mitchodjehoun ? Lisez plutôt : « …au lieu de prendre
le Boeing pour effectuer des voyages avec une petite délégation et sur une courte distance, on
préfère prendre d’autres avions ». Vous comprenez qu’il est tombé sur la tête, le Colonel. Aller
au Kowéit, c’est devenu une petite distance ? Qu’il nous calcule la distance Bénin-Libye et la
distance Bénin-Kowéit. « Air affaire Gabon », que le président affrète souvent pour ses « petites
distances », c’est quel type d’avion ? Quand on a rien à dire mon colonel, on la ferme ! Que
2/3
Le cercueil volant de Yayi
Écrit par Webmaster
Jeudi, 09 Juillet 2009 22:44
faut-il retenir de tout ceci ? Comme Jean Anouilh le dit, « rien n’est vrai que ce que l’on ne dit
pas ». Et ce que ces deux colonels ne disent pas, qui est la stricte vérité, dépasse
l’entendement.
Ce que l’on a volontairement omis de dire au président Yayi Boni, c’est que son avion ne peut
pas être daté. Vu toutes les manipulations dont il a été l’objet. Ce que l’on peut dire, c’est que le
premier vol du Boeing 727-200 date de décembre 1967. Soit, 42 ans aujourd’hui. La firme
Boeing a arrêté la production de ce type d’appareil en 1984. Soit 25 ans. Donc, les plus naïfs
diront que l’avion présidentiel béninois est âgé de 25 ans au moins et 42 ans au plus. Ce qui
n’est pas vrai. Car, la Libye ne peut pas avoir acheté cet avion en 1984. Impossible. Pourquoi ?
La raison est toute simple.
Le 06 Mars 1982, les Etats-Unis ont imposé unilatéralement un embargo commercial contre la
Libye. Ronald Reagan, rappelez-vous avait décidé de l’anéantissement total de la Libye. Il est
même allé jusqu’à décider du boycott du pétrole libyen. Des compagnies américaines
encouraient jusqu’à la dissolution en cas de violation de cet embargo. Boeing, une firme
américaine ne pouvait pas vendre un 727-200 à la Libye en 1984. Donc, l’avion date d’avant
1982. Et là encore, des documents de l’aviation civile libyenne, attestent que la Libyan Arab
Airlines a commandé 4 avions Boeing 727-200 en 1979. Probablement, parmi lesquels, notre
très cher cercueil volant. Faites alors les calculs et donnez un âge approximatif à notre coucou.
Par ailleurs, suite aux attentats de Lockerbie (Ecosse) contre un Boeing…747 américain en
1988 et du Dc 10 d’Air France en 1989, l’ONU a décrété un embargo total en 1992 et en 1993
contre la Libye. Les compagnies occidentales avaient déserté la Libye. Sur le plan commercial,
la Libye n’avait pas accès aux pièces de rechange ni à la maintenance de sa flotte civile.
L’embargo a été levé par les Européens le 11 Octobre 2004. De 1992 à 2004 donc, notre
Boeing « cercueil volant » 727-200 qui était propriété libyenne, n’a pas volé et n’a pas eu de
maintenance appropriée. Laissé aux intempéries à l’Aéroport de Tripoli, c’est presque avec un
ouf de soulagement que les autorités libyennes nous l’ont offert : ce n’était ni plus, ni moins
qu’une carcasse d’avion. Ce n’est pas pour rien que « sa réparation aurait coûté » cinq
milliards. Même sur Internet, un avion de cette génération, en bon état de marche ne vaut pas
cette somme actuellement !
Or le nôtre ne marche vraiment pas. Le lundi dernier, les journalistes ont failli fuir. A
l’atterrissage, l’avion a fait un bruit assourdissant de feuilles de tôle que l’on froisse. Ce qui veut
dire que la structure entière est atteinte et ne peut résister longtemps à un vol en haute altitude.
La peinture ? On dirait qu’elle a été faite à l’aide de pinceaux. Les moteurs ratent chaque fois.
Une véritable locomotive pour l’au-delà.
En conclusion, disons ceci : s’il arrivait au président Yayi Boni de vouloir se suicider, il peut
toujours prendre ce cercueil volant ! Mais de grâce, qu’il le prenne seul.
Charles Toko
Journal LE MATINAL 02/07/09
3/3