Bernard Bauffe - Frères des Ecoles Chrétiennes

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Bernard Bauffe - Frères des Ecoles Chrétiennes
Témoignage de Bernard Bauffe - Frères des Ecoles Chrétiennes Journée annuelle Justice et Paix - Instituts Religieux - 28 janvier 2013
Comment intervient l'international dans ma vie religieuse en banlieue ou quartier populaire ?
Merveilles et fragilités repérées et les évolutions et déplacements vécus et à vivre... ?
Je me présente :
Bernard BAUFFE , F.E.C, vivant depuis quelques mois dans la cité des Doucettes à Garges les Gonesse (95)
ville de 40.000hab, mitoyenne de Sarcelles d'un côté et Stains du 93 de l'autre. Toute proche de Saint Denis
et Villiers le Bel.
Bien que d'autres seraient peut-être plus à même de prendre la parole, (je ne suis un p’tit frère…) j'ai
accepté de partager avec vous la réflexion de Justice et Paix sur la place de l'international dans la vie
religieuse en banlieue et quartier populaire parce qu'à la réflexion, j'ai eu la chance depuis longtemps de
découvrir et vivre l'international dans mon parcours de frère des écoles chrétiennes et cela a éclairé mes
engagements successifs , ma vie de foi et mes questionnements jusqu'à aujourd'hui, j'y viendrai dans
quelques instants.
Une présence qui s’inscrit dans une histoire :
D'abord par mon départ en coopération en 68 à Djibouti qui n'était pas encore Indépendant (TFAI)
Puis de retour à Lille, comme enseignant en quartier à forte population magrébine, mais peu de magrébins
dans le collège. Un élève de 4ème me dit un jour : « les maghrébins sont tous des fainéants ! » Je lui
demande pourquoi une telle affirmation. Il me répond : « au collège, ils sont tous en classe de transition ! »
Comme je militais sur le quartier dans un comité de défense des habitants avec un « curé rouge » comme
on disait à l’époque, et des militants de la jeunesse communiste, j’avais appris à enquêter sur les conditions
de logements et connaissais beaucoup de maghrébins…
J’ai alors proposé aux élèves d’enquêter un samedi dans 8 bistros tenus par des maghrébins sur le quartier.
Cela leur a ouvert les yeux et ils ont été interpellés par des papas qui leur ont demandés s’ils ne pouvaient
pas le soir aider leurs enfants pour le soutien scolaire car ne maîtrisant pas bien le français, leurs enfants
étaient pénalisés pour leurs devoirs.
Je suis reparti 5 ans après à Djibouti, (2 ans avant son accession à l'Indépendance et laquelle j’aspirais fort),
dans une Cté située en plein bidonville cette fois et cheminant avec la population locale, vers son
indépendance. A Lille, en 75, c’est une femme du Quart Monde, suite à une campagne de carême que
j’animais au collège pour Djibouti, et alors que je lui annonçais mon intention de repartir à Djibouti, qui
m’avait dit :
« C’est important que tu sois ici mais je comprends que c’est encore plus important que tu repartes là bas. »
J’enseignais encore à l’époque dans notre collège Ch de Foucauld accueillant des enfants français et
beaucoup de Djiboutiens mais situé en quartier français. J’y avais introduit des activités valorisant le travail
manuel, trouvant aberrant que tous les produits manufacturés étaient importés de France !
Cela me rappelle qu’à l’Indépendance de Djibouti, alors que les français étaient reclus chez eux avec des
barbelés sur leurs clôtures, nous étions avec les gens dans la rue pour accueillir la délégation de l’OUA en
scandant « vive l’indépendance », « non à la colonisation », et mes voisins d’ajouter : « mais vous vous
restez avec nous ! »
Ce qui fait qu’En 77, année de l'Indépendance, nous avons laissé le collège à l’Evêque (disons très
colonialiste pour faire court), pour ne garder qu’une école en bidonville et pour ma part, avec un confrère je
me suis consacré à la scolarisation, alphabétisation et formation professionnelle d'enfants et jeunes de la
rue…sur un autre lieu, dans une démarche éducative basée sur la responsabilité et l’esprit d’équipe, et
formation d’animateurs locaux pour leur passer le relai dès que possible.
En 82, 1 année sabbatique d’immersion en Mission Ouvrière à Roubaix (avec club ACE de Maghrébins et
comité-chômeurs immigrés Jociste) et préparation d’un nouveau projet Africain pour en 83 nouveau
départ chez les Afars (l'ethnie minoritaire opposée aux Issas ) pour fonder sur demande de l’éducation
nationale un centre d'apprentissage, que nous avons baptisé « Joseph CARDJIN ».
Enfin 11 ans de présence au Tchad pour fonder avec des confrères à N'djaména en plein quartier Nord,
musulman et très populaire, un centre de formation professionnelle par alternance pour adultes (16-30 ans)
ouvert à toutes les ethnies, avec ouverture aux femmes (une nouveauté pour le technique au Tchad !) et
mise en place d’un suivi pour micro entrepreneurs avec des micro crédits… ACC en ACE à la manière
africaine, et Fondation de la JOC dans les quartiers populaires de la Capitale pour faire découvrir un Dieu
qui appelle l’homme à se tenir debout, à se prendre en mains, tordant le cou au fatalisme ou à un « Dieu
faittout » avec des thèmes comme «Dieu n’a pas construit les ponts, il nous a donné des mains… » (fleuve
du Charri longeant le Tchad) ou encore « Dieu nous a confié un monde à transformer » parce qu’il fait
confiance à l’homme !… Nous avons aussi aménagé avec les jeunes du quartier un terrain omni sport près
de notre Centre , avec mise en place d’un bureau des sports composé de jeunes élus, représentant chaque
quartier jouxtant le Centre.
Les jeunes ont pris l’initiative de tournois, de création d’écoles de foot par tranches d’âge, ce qui entraîna
toute une dynamique inter-génération sur le quartier…
De retour en France, 10 ans en fraternité dans une cité HLM de LA Grand Combe, ( ancienne ville minière
du département du Gard) où j’ai découvert beaucoup de merveilles par une présence éducative sur la
cité, accompagnement en ACE et JOC et création de groupes « échange et dialogue » le midi dans un
collège et un lycée prof.
Ces engagements antérieurs à l’étranger, et la nécessité notamment de m’initier à l'apprentissage de la
langue m'ont entre autres permis de mieux comprendre les problèmes que vivent les étrangers arrivants en
France, en situation minoritaire, les tracas administratifs, le problème de la langue, et l'immersion dans un
autre mode de vie...etc.
A la communauté de La Grand Combe, que j’ai quittée il y a quelques mois, nous étions amenés à aider des
gens à remplir leurs chèques, une déclaration d'impôt, expliquer des factures, un contrat de logement ou
d'assurance...Aider des écoliers et collégiens le soir au Centre Social…etc.
Quand je suis arrivé pour la 1ère fois à la communauté de la Grand Combe venant du Tchad , j'ai sonné et
me suis retrouvé nez à nez devant un marocain de 30 ans qui me dit « Salam Alek ! « Paix à toi ! » avec un
large sourire. C'est que les confrères hébergeaient depuis 1 an cet homme sans papier et sans toit ! Fils d'un
ancien militaire retraité de l'armée française et venu sur ses conseils : « Ton avenir c'est la France ! » lui
avait-il dit.
Il avait un frère marié, vivant sur la cité mais jaloux de sa femme et soupçonneux, il avait fini par le jeter
dehors.
Il est resté 2 ans chez nous jusqu'à obtenir après moult démarches...avec nous, des amis de la M.O et des
associations...ses papiers et par la suite...le regroupement familial.
Son accueil chez nous, dans une confiance totale puisqu'il avait les clés de l'appartement (même en notre
absence prolongée) a favorisé les échanges culturels et religieux. Cela avait bousculé positivement la
communauté sur la confiance, le choix de la nourriture, les temps de prière,…et interpellé les chrétiens du
Centre ville qui le voyaient dans certaines rencontres paroissiales.
Une femme de la Frat (Fraternité chrétienne des personnes malades et handicapées) qui vit sur notre
quartier, a dit très récemment à une amie de l’ACO et qui vient de me le téléphoner : « Les frères m’ont fait
découvrir un autre regard vis-à-vis des étrangers. Avant, j’avoue que j’étais raciste. Et j’ai découvert qu’on
pouvait être chrétien… et de gauche ! »
Cela a bousculé aussi la communauté musulmane du quartier, car un jour l'Imam a interpellé son assemblée
en affirmant que « les vrais musulmans sur le quartier c'était les frères ! » parce que les seuls à avoir
accueilli Hamid, musulman pratiquant, dans une grande détresse… jusqu’à songer par 2 fois à en finir en se
jetant sur la voie ferré toute proche.
Je ne dis pas cela pour nous gonfler les chevilles mais parce que nos choix de communauté, en référence à
l’Evangile, ont parfois des répercussions qui vont bien au delà de ce qu'on aurait pu penser.
Il est à noter qu’il est plus difficile ou délicat pour nous hommes que pour des soeurs, d’entrer dans des
familles musulmanes si le mari est absent. Ce sont aussi des limites dans nos actions du « aller vers…qui
demandent beaucoup de tact… »
L’inattendu, je le rencontrerai encore par mes 1ers contacts sur la cité avec les enfants.
Une aventure qui fera bouger le quartier et développer le vivre ensemble.
Je demandais à ceux que je croisais : leur nom, où ils habitaient… et eux faisaient de même avec moi. J'ai un
jour proposé de regonfler leur ballon, puis un vélo...bref, le 2 rue Mistral est vite devenu la station de
gonflage du quartier. Et quelque soit le frère qui ouvrait la porte et gonflait le vélo, ce fut longtemps
Bernard avant qu'ils nous demandent le prénom de chacun, si on était de même père, même mère...car dire
qu'on était frères les questionnait beaucoup. Et ça ouvrait au dialogue...
Un jour, Eminé (8ans) m'invite à la fête des enfants organisée par la communauté Turque à la salle
municipale. Et ils me placèrent au 1er rang... ! Gêné mais interpellé par ces étrangers qui
m’accueillaient…sensibles sans doute aussi de leur côté à l'attention qu'on portait à leurs enfants sur le
quartier.
L'apprivoisement grandira peu à peu, par des actions responsabilisant les enfants, à partir de leurs constats,
d’une réflexion et d’une mis en action par eux...Ainsi le marquage à la peinture de jeux de marelle sur les
trottoirs de la cité, une lettre qu’ils décident d’adresser au Maire pour des équipements divers (jeux,
épandage du linge, tables et bancs…) sur des espaces devenus libres, avec signature de tous les enfants de
la cité + des dessins représentant les équipements, puis réception par le Maire et 2 adjoints dans la salle du
Conseil !...Également la réalisation d'un jardin floral...Des actions qui à leur initiative, les rendent acteurs,
citoyens et responsables de leur cité.
C’est ça la force des enfants ! comme le chante l’ACE !
Quand je repense à ce que des ados me disaient de leur cité à mon arrivée ou que je lisais sur les murs
repris par les plus jeunes : « Trescol-Chicago ! c’est pourri ! Nike les flics ! Mais aussi « On veut être
respecté !.. »
Et plusieurs années après, le club ACE se donnent comme nom de club « Les bogoss » ! en m’expliquant le
sens : « parce qu’on est fier de notre banlieue ! »… un vrai chemin d’Espérance. Ils m’avaient dit un jour où
on réfléchissait aux prochains thèmes ACE à proposer au National :
« Nous faire confiance pour qu’on grandisse » !
Un jour, je leur ai parlé de « fête des Voisins » à l'initiative de la CLCV où la communauté était engagée ,
aussitôt, les enfants ont pris l'initiative de faire des affiches, des guirlandes et des dessins avec tous les
drapeaux des Pays dont les habitants étaient originaires (Maroc, Algérie, Turquie, Ukraine, France) avec
cette phrase en grand : « La différence est une richesse ».
C'est ainsi qu'est né mon club ACE interculturel et multi religieux (catho, protestant, musulmans),
interpellant là aussi le Mouvement et l’Église par leur présence active à Noël, à des récos (dans le respect de
chacun), au camp d'été et à Terre d’Avenir (surtout avec le thème : Migrants, raconte-moi !)...etc
Il faut dire que la fête des voisins là-bas, ce n'était pas un apéro sur le pas de la porte ! C’est devenu peu à
peu un après midi festif avec des jeux, des ateliers, des tournois, y compris pour la 1ère fois du basket pour
les filles toute musulmanes ! Et un goûter : inter générations sur la place du quartier. Et le soir, podium avec
orchestre de jeunes de la cité : Rapp, Slam, Raï…Valorisant les jeunes talents locaux.
Et d’année en année, il y a eu une véritable mutualisation d’associations : CLCV, CNL, ACE, ACO, Femmes
Solidaires, et le Centre Social.
Une année, je propose au club de faire une « fête de la Paix » afin de concrétiser le thème d’année ACE, qui
était : « on n’est pas fait pour se battre, osons cultiver la Paix ». On obtient la salle de sport de l'école
publique du quartier. Étaient invités enfants et mamans.
Les enfants du club décident de donner des invitations aux familles en sonnant aux portes.
Je fais remarquer qu'ils n'en n'ont pas donné à la famille comorienne nouvellement arrivée, et seule famille
noire du quartier. Je demande pourquoi Assimini, qui est dans leur classe n'est pas invitée. Réponse : « elle
ne sait pas le français, alors pourquoi l'inviter ?
Après argumentation de ma part, une invitation lui est remise et tout la famille sera présente à la fête de la
Paix où sera réalisée un arbre de la Paix , rédigée une charte de la Paix et exécuté par les enfants des chants
dans leurs langues d'origine et en français pour le chant de la Paix de l'ACE.
L'international, c'est aussi par exemple notre participation au parrainage républicain de Salima (9 ans)
élevée dès sa naissance par ses grands parents arrivés sur la cité 7 ans auparavant.
A cette occasion le Maire s'est exprimé en ces termes :
« L'idée de parrainage républicain constitue un acte de résistance à l'exclusion, à la gangrène xénophobe. Je
le déclare solennellement, ce parrainage est un acte de fraternité républicaine en référence à ce mot gravé
sur les frontons des établissements publics.
Et ici, à La Grand Combe, issue de la mine, les mots solidarité et fraternité ont une consonance particulière.
Au fond du puits, Slovaques, Polonais, Italiens, Algériens, Espagnols, Portugais, Marocains, avaient tous la
même couleur de peau... »
L'international on l'a vécu aussi par nos engagements aux cercles de silence sur Alès, avec Réseau sans
frontières pour la régularisation d'une famille kurde, de Bosniaques et plusieurs arrêts d'expulsions pour
familles avec enfants scolarisés...
Il y a eu en particulier l’accueil de Kosovars dispatchés sur tout le Gard dont plusieurs familles sur La Grand
Combe. Les enfants ont été accueillis par l’ACE et les adultes par l’ACO. Nous étions donc impliqués à
plusieurs titres…et avons été invités à des mariages…
Et depuis 2011 , des enfants Roms sont en ACE à La Grand Combe..
Depuis quelques mois, suite à la fermeture de notre communauté de La Grand Combe, me voici à Garges
les Gonesse. C'est pour moi le passage d'une commune de 5500 hab à 40.000 !
Quand j'ai rejoint un confrère qui se retrouvait seul dans son HLM suite à des mutations…un réfugié
politique du Bengladesh y était hébergé depuis 6 mois. Depuis lors, il a déménagé vers Grenoble.
Comme je suis là depuis peu, je n’ai pas grand-chose à dire…j’ai tout à découvrir et à apprendre du lieu et
de sa population…je cherche donc toutes les occasions pour créer des liens avec les habitants, par le biais
du Centre Social où j'ai pris ma carte de membre, avec les enfants des immeubles, (les premiers à m’avoir
accueilli..! et à me demander très vite : « c’est quand qu’on commence le club ?)… participation à la fête des
voisins de Juin (pique nique sur le parking), de la fête du quartier, des sorties familiales organisées par le
Centre Social , du forum des associations , des vœux de Janvier par différents leaders, des rencontres
paroissiales aussi...et par ma présence au Centre Scolaire OSCAR ROMERO fondé par des frères il y a plus
de 40 ans pour des enfants et jeunes en grandes difficultés de tous ordres, dont le décrochage scolaire, où
je participe à un groupe de parole… et travail de prospection pour orientation et stages des
préprofessionnels de 3ème.
Je me trouve dans une situation internationale très différente. Ici, cohabitent Espagnols et Portugais qui
avaient fui les dictatures, et ont trouvé du boulot...
Puis sont arrivés des Marocains et Tunisiens et Algériens, Pieds Noirs suite aux indépendances, ainsi que des
Antillais et des africains avec beaucoup de précarité, de mères célibataires… et chez les grands jeunes : des
décrocheurs et chômeurs occupants les halls d'entrée (seul lieu de convivialité à leur disposition) et dont
certains se tournent vers la drogue, vol...Il y a aussi les Sri Lankais, les Turcs, les Pakistanais…Bref, très
cosmopolite.
Pour le moment un club ACE vient de démarrer avec des Antillais, Sénégalais, Haïtiens, Portugais (donc
chrétiens et musulmans) à ma grande joie. J'ai mis dans le coup une maman antillaise.
Mais il faudra beaucoup de temps encore pour aller plus loin....en sachant qu'au niveau des adultes, des
Espagnols et Portugais me paraissent assez méfiants vis à vis des jeunes « blacks » qu'ils soupçonnent de
vivre sans un vrai travail... Quand j'entends Lulu (Portugaise) qui nettoie les entrées d'immeubles me dire
alors qu’un Centre Africain qui vient d’occuper l’appart face au nôtre était présent « autrefois c'était la
solidarité mais aujourd'hui vaut mieux chacun pour soi ! » c'est pas très engageant et ça dit s'il y a des
souffrances… de la pauvreté aussi qui elle-même entraine de la mobilité dans ces cités dortoirs, des
incompréhensions, du repli identitaire, de l’incivisme qui peut décourager parfois, sans doute aussi par
absence d' analyse des causes pour trouver des solutions constructives...une mairie de droite qui
chancelle…des associations de locataires en perte de vitesse faute de leaders… Bref, il y a donc beaucoup à
faire pour du vivre ensemble et motiver..
Les écoles du quartier et les associations de loisirs jouent un grand rôle positif pour le brassage des
différentes origines.
Pour ma part, j'ai commencé à rejoindre quelques grands jeunes pour la J.O.C …
Oser aller à la rencontre est ma démarche présente.
J’ai pu découvrir samedi soir encore, lors des vœux d’un leader politique, des militants engagés dans les
syndicats, des associations, dans le social, à l’ACO aussi près de Garges. Des contacts à poursuivre bien
sûr…car on ne bâtit pas la paix sans justice, ni seul !
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Je persiste à croire en une présence discrète, mais proche, qui valorise voire suscite et soutienne
toutes les initiatives qui responsabilisent…
Que le regard accueillant sur chacun le fait exister et la proximité est une bonne façon de se laisser
soi-même évangéliser !
Un jour de Ramadan, un groupe de jeunes qui causaient tard le soir près des immeubles, et que j'ai
rejoint, m'a remercié en partant, de les avoir écoutés. Cela m'a beaucoup interpellé.
Je garde espoir en rejoignant des familles dans leur diversité, en particulier par les enfants en club
et des jeunes en équipe JOC, de contribuer à poursuivre un chemin de rencontre, de fraternité et
d'humanité dans la diversité qui rejoint le projet de Dieu pour chacun- acteur, qui que nous soyons.
J’observe beaucoup de petites choses très positives en solidarité de proximité, en petites
attentions…mais qui ne font pas la une et sont balayées par les constats négatifs…
Tout ce vécu est partagé et prié en communauté avec mes frères de Stains (nous ne formons qu’une
fraternité en 2 lieux d’habitation proche d’un km) Mais aussi avec la Mission Ouvrière et les
rencontres mensuelles de religieux-religieuses en M.O. avec des SFX qui ont un centre pour primo
arrivants et soutien scolaire et avec le Conseil Pastoral qui n’a pas à priori un vécu de M.O…
Sur la Paroisse aussi je suis plongé dans une grande diversité de cultures, principalement d’Antillais,
d’Africains, de Tamouls, de Chaldéens et quelques Européens.
Mais je me suis posé quelques questions :
Comment se mixte ou se juxtapose cette assemblée ? Comment la culture de chacun peut s’exprimer ?
Comment se partage les responsabilités ? Et qu’entend chacun, surtout chez les J.M.Jistes quand il parle
d’Evangélisation ?
Tout récemment, je me suis fait inviter à une 1ère réco décidée par des grands jeunes post confirmés (1628ans) après consultation entre eux. 32 étaient présents. Et ils ont décidé de se retrouver un samedi soir sur
2 entre jeunes pour un partage spirituel (Lectio Divina- témoignages et enseignement- Prières style
« évangéliste »), le tout dans l’esprit Youcat.
Plusieurs ont déjà vécu des JMJ…Ils sont fan des chants du renouveau, très rythmés…auxquels ils ajoutent
volontiers des gestes. Les africains et antillais sont très à l’aise et ils aimeraient bien que tous les autres,
Tamouls compris, « rentre dans leur danse » ! Mais les cultures sont différentes…D’où question sur l’accueil
des différences…
Dans leur partage d’Evangile et dans leurs prières, je sens le souci d’Evangéliser les autres, de rendre
compte verbalement de sa foi. Certains sont très enthousiastes mais qu’en est-il de se laisser évangéliser,
de la rencontre et du reçu de l’autre sur son terrain, de sa culture différente, de l’engagement solidaire
dans la société, de la foi dans le vécu quotidien ? Et de l’Eglise présente hors les Murs et de tous les autres ?
Il y a 1200 paroissiens aux messes de Garges, mais 40.000 habitants !
C’est le questionnement que j’essaie d’apporter discrètement…
Je sens pour ma part que j’ai beaucoup à découvrir chaque jour en vivant proche des gens, en les écoutant,
en accueillant leur vécu, la diversité des cultures et des religions, pour que chacun soit reconnu, valorisé,
estimé, pour se sentir acteur et partenaire d’une société à construire ensemble
J’ai causé hier avec des animateurs au centre sportif du quartier. Ils m’ont dit qu’ils voyaient peu de
parents…mais eux-mêmes n’habitent pas sur place. Et c’est le cas de beaucoup d’animateurs …C’est
évidemment très dommage. Et une raison de + pour notre présence sur place.
Une présence qui me semble la moindre des solidarités pour un avenir à bâtir ensemble où chacun se sente
reconnu dans sa différence comme une richesse pour tous et puisse être acteur de sa vie. Une solidarité qui
se donne et se reçoit. Dans des cités aussi cosmopolites et populaires, être relai, et témoin de la présence
d’un Dieu incarné, proche, silencieux, toujours imprévisible est d’une grande richesse.
Et au Tchad, quand le dictateur Hissein Habré s’est enfui à l’étranger après un vrai carnage dans la capitale,
et rapatriement des français par avions, les chrétiens qui nous ont vus le lendemain à la messe dominicale
nous remerciaient émus d’être restés avec eux. Ce qui était la moindre des solidarités envers un peuple vers
lequel nous étions envoyés.
Sur Trescol, Justine et Marina étaient rejetés, comme leurs parents, par tout le monde…sur la cité au point
que même les enfants les rejetaient sur l’aire de jeux…Un enfant m’avait expliqué qu’elles avaient des poux !
Justine venait souvent chez nous après sa cliss pour avoir une pomme parce qu’il n’y avait personne chez
elle.
Notre choix d’accueillir tout le monde a intrigué les enfants de mon club…y compris quand nous les avons
invités à une journée CCFD en minibus…Peu à peu elles ont eu leur place sur l’aire de jeux et ont été invitées
au camp ACE. Ce fut un changement pour les parents…et pour ces 2 fillettes qui ont bien pris leur place et
ont épaté par leurs talents, et donc aussi pour le voisinage…
Je pense souvent au Chant de Steeve Gernez : « tout le monde a besoin d’être aimé… »
Au Tchad, il est arrivé que les musulmans du quartier nous demandent une salle du Centre pour avoir un lieu
neutre (sic) pour régler un conflit entre eux !