Chronique d`une dérive annoncée : catholaïcité, islamophobie et

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Chronique d`une dérive annoncée : catholaïcité, islamophobie et
Chronique d'une dérive annoncée : catholaïcité, islamophobie et racisme (3/3)
Extrait du Presse-toi à gauche !
http://www.pressegauche.org/spip.php?article21705
Chronique d'une dérive
annoncée : catholaïcité,
islamophobie et racisme (3/3)
- Québec - Politique -
Date de mise en ligne : mardi 21 avril 2015
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Chronique d'une dérive annoncée : catholaïcité, islamophobie et racisme (3/3)
Il importe de se rappeler que les êtres racistes existent, même si cela procure un profond
sentiment de dégoût. Il y a certes à l'autre bout du monde des cinglés qui tuent sans relâche
des êtres humains, musulmans et chrétiens. Je suis incapable de regarder ces tueries qui
circulent sur les réseaux sociaux et encore moins de les partager. Quand je les aperçois, je
passe outre pour ne pas voir une personne se faire flamber la cervelle ou se faire égorger.
Bien évidemment, nous n'en sommes pas là, mais nous avons notre lot de racistes. Ces
personnes ne voient pas que leur indignation incontrôlée repose sur le racisme le plus abject.
Pour prouver que ça existe, il convient parfois de les lire, de les partager, voire de les
commenter. Il convient de s'arrêter sur le cas de cette dame qui ne pouvait tolérer l'idée
d'être servie chez le dentiste par une préposée portant le foulard. Diane, le voile et
l'émoticône frown... (
http://www.cliqueduplateau.com/2015/02/24/diane-le-voile-et-lemoticone-frown/)
La 1ère partie de l'article : http://www.pressegauche.org/spip.php?article21635
La 2e partie de l'article : http://www.pressegauche.org/spip.php?article21704
Le racisme ordinaire
Il importe de se rappeler que les êtres racistes existent, même si cela procure un profond sentiment de dégoût. Il y a
certes à l'autre bout du monde des cinglés qui tuent sans relâche des êtres humains, musulmans et chrétiens. Je
suis incapable de regarder ces tueries qui circulent sur les réseaux sociaux et encore moins de les partager. Quand
je les aperçois, je passe outre pour ne pas voir une personne se faire flamber la cervelle ou se faire égorger. Bien
évidemment, nous n'en sommes pas là, mais nous avons notre lot de racistes. Ces personnes ne voient pas que leur
indignation incontrôlée repose sur le racisme le plus abject. Pour prouver que ça existe, il convient parfois de les lire,
de les partager, voire de les commenter. Il convient de s'arrêter sur le cas de cette dame qui ne pouvait tolérer l'idée
d'être servie chez le dentiste par une préposée portant le foulard. Diane, le voile et l'émoticône frown... (
http://www.cliqueduplateau.com/2015/02/24/diane-le-voile-et-lemoticone-frown/)
Une telle lecture permet d'observer un certain nombre de choses. (i) La personne prétend qu'elle n'a rien contre la
préposée qui est voilée, seulement contre ses croyances, mais elle la décrit comme une « petite crisse ». Il s'agit là
pourtant d'une expression très claire de haine dirigée contre une personne. (ii) Elle ne tolère pas les croyances de la
préposée, reconnaît-elle, mais elle proteste contre le non respect de ses propres croyances. Si on respectait ses
croyances, on ne l'exposerait pas à une personne ayant des croyances différentes. Et pourtant, le respect des
croyances des autres devrait aboutir à la tolérance mutuelle et il n'y a rien de violent dans le fait de manifester sa foi
musulmane. (iii) Les « Québécois de souche », dit-elle, sont fragiles face à « la meute de l'islam ». Ce propos
constitue de l'intolérance à l'égard d'une religion, mais c'est aussi un propos qui fait référence à la défense des
Québécois de souche contre une « meute ». Il s'agit là d'un véritable propos raciste. (iv) Le racisme nait de
l'intolérance à l'égard de la différence manifestée par un groupe ayant une autre origine ethnique. Ce peut être une
différence liée à la couleur de la peau, mais ce peut être aussi une différence de mentalité, de croyance, de religion,
voire de tenue vestimentaire. La différence exprimée par les autres leur est non seulement étrange, mais c'est aussi
une différence qu'ils ne peuvent tolérer. Or, c'est très exactement cela qui s'est exprimé dans le propos de la
plaignante.
Ce point mérite d'être souligné. Même si la plaignante vise en apparence seulement le foulard ou l'Islam, il peut s'agir
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de racisme si cela procède de l'intolérance à l'égard de la différence manifestée par une communauté issue de
l'immigration. (v) Les personnes qui ne veulent pas être traitées par des préposées « voilées » sont très exactement
comme les hommes qui demandent que leur femme ne soit pas examinée par un médecin homme ou les hommes
qui ne veulent pas passer leur examen pratique pour l'obtention d'un permis de conduire en étant évalué par une
femme moniteure. Ce sont des demandes d'accommodement déraisonnables. Ceux qui font de telles réclamations,
qu'ils soient déjà citoyens ou non, ne sont pas encore parfaitement bien intégrés à notre société et ils doivent
apprendre à fonctionner avec nos chartes de droits et libertés. Mais l'inverse est aussi vrai. La personne qui ne tolère
pas le foulard n'est pas non plus une personne qui respecte nos chartes de droits et libertés. Or, l'expérience de la
citoyenneté n'est possible que dans l'acceptation des différences entre les citoyens.
C'est déjà terrible de voir que la préposée a ainsi été stigmatisée. Mais ce qui est encore plus désolant, c'est que
cette stigmatisation provienne d'une autre femme.
Les médias
Les médias, on dirait, perdent aussi le contrôle. Ils sont obnubilés par l'évènement et refusent de regarder les causes
incitant à la radicalisation absurde et démentielle des fous de Dieu. Rappelons les faits qui sont pourtant têtus : 168
000 morts en Irak, la majorité étant des civils tués sans raison ; 18 000 morts en Afghanistan pour traquer Ben Laden
et les Talibans ; des milliers de morts en Libye ; un appui international à Israël qui a tué des milliers de civils à Gaza
en trois carnages successifs, dont le dernier qui a coûté la vie à plus de 2000 personnes, surtout des civils.
Comment peut-on penser qu'il est possible de se livrer à de tels carnages sans que cela n'entraîne des
conséquences terribles ? Mais dans plusieurs médias, cela ne compte pas. Nous sommes comme dans un film
d'aventure où les arabes et musulmans ne sont que des figurants anonymes. Ce qui compte aux nouvelles, ce n'est
que la folie furieuse de ISIS.
On n'a absolument rien à dire contre l'appui de Stephen Harper au criminel de guerre Benjamin Netanyahu. On n'a
absolument rien à dire contre Bell Helicopter et Pratt & Witney qui vendent de l'équipement militaire à Israël pour que
la boucherie puisse se poursuivre avec du matériel neuf. On ne voit que le meurtre insensé perpétré de sang-froid et
montré sur les réseaux sociaux.
Les mosquées sont scrutées à la loupe au cas où un financement pourrait peut-être remonter à l'Arabie saoudite. On
suit les faits et gestes des uns et des autres au cas où certains seraient recrutés pour aller combattre au sein des
groupes terroristes. On sait que n'importe quelle découverte constitue un scoop sensationnel susceptible d'attirer
l'attention du public. Voilà ce qu'il en coûte d'abandonner le journalisme d'enquête au profit d'un journalisme en quête
d'évènement.
Qu'il me soit permis de dire que je ne vise pas ici l'émission 24/60 et le travail d'Anne-Marie Dussault. Même si cette
dernière part de l'actualité et des évènements rapportés, ses entrevues, menées parfois de façon vigoureuse,
permettent de provoquer le débat et de forcer un regard réflexif au sein de la population. Je songe plutôt aux
nouvelles télévisuelles, aux lignes ouvertes et à certains tabloïds quotidiens.
Un dépliant trouvé dans une mosquée, le propos déplacé d'un imam, un départ intrigant vers la Syrie, un bout de
foulard sur la tête, c'est cela qui fait la une. Le mauvais pli est pris lorsque, voulant attraper le scoop, le journaliste ne
se rend pas compte qu'il mesure l'importance d'une nouvelle à l'aune de l'impact créé sur l'imaginaire d'une
population en quête de sensations fortes et d'opinions tranchées. Cette propension est anodine lorsqu'on fait état du
proverbial "chien écrasé", mais ce ne l'est pas du tout lorsque cela relève d'une fixation xénophobe.
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Les cerises sur le gâteau
Pour couronner le tout, il fallait que la juge Éliana Barengo parle au travers de son chapeau pour interdire le hijab en
Cour. Elle refusa d'entendre la cause de la plaignante parce que celle-ci refusait d'enlever son foulard.
Heureusement, une plainte a été déposée contre cette juge qui ne respecte pas la jurisprudence du pays.
Il y a enfin le projet de loi C-51 du Parti conservateur canadien. Les Québécois qui, n'écoutant que leur petite peur
maladive, sont contents de voir le premier ministre Harper et sa horde adopter le projet de loi C-51, devraient
notamment songer aux 75 municipalités québécoises qui s'opposent au projet d'oléoduc Énergie Est de la
TransCanada pipelines. Le terrorisme a le dos large dans ce projet de loi. Il ne vise pas que la sécurité « des
Canadiens et des Canadiennes », mais aussi toute tentative de nuire au développement économique du Canada.
Une opposition trop organisée par un groupe écologiste comme Greenpeace pour empêcher le projet Énergie Est
pourrait rapidement être interprétée comme un acte de terrorisme en vertu de ce projet de loi. Mais il y a aussi la vie
privée des gens qui risque d'être mise à mal avec un tel projet de loi. L'obsession sécuritaire, lorsqu'on l'écoute au
lieu de la maîtriser, est un peu comme un cheval fou lâché « lousse » au Stampede de Calgary. Ils ont lâché un
cheval fou en 2006 et il trône maintenant au pouvoir à Ottawa. Le premier ministre Harper carbure à la peur
sécuritaire des citoyens et un autre attentat chez nous ferait sans doute son affaire, pour dépasser les autres partis
politiques dans le dernier stretch électoral et les coiffer au fil d'arrivée.
Conclusion
Il faut distinguer le projet de charte de la laïcité du Parti Québécois que l'on peut tout au plus qualifier de catholaïc, et
le discours de certains ténors péquistes qui, par moments, a servi à véhiculer une certaine forme d'islamophobie.
Puis, à un troisième niveau, il y a les propos racistes que l'on a vu surgir au sein de la population. Si on veut parvenir
à s'entendre un jour, il va falloir que l'on distingue ces trois niveaux les uns des autres.
Certains terroristes profitent sans doute d'une polarisation de l'Occident contre les Musulmans et je suis triste de voir
à quel point nous mordons à l'hameçon. Je suis également triste de voir cette clameur qui monte alors que, de l'autre
côté, l'Occident a depuis à peine dix ans à son actif des centaines de milliers de morts civils arabes. On se demande
ensuite d'où viennent les fous de Dieu ?
Nous voilà pris avec le projet de loi 51, avec le gouvernement Couillard qui veut s'en prendre à la « radicalisation »,
avec Fatima Houda Pépin qui voit l'Arabie Saoudite derrière chaque mosquée, avec des municipalités qui ne veulent
pas voir de mosquées s'installer près de chez eux et avec des journalistes qui investiguent la moindre nouvelle
impliquant des intégristes. Nous sommes sous l'emprise d'une vaste paranoïa collective qui n'a qu'un seul effet : la
pénétration toujours de plus en plus grande d'une islamophobie qui s'installe lentement mais sûrement dans les
réflexes et les mentalités.
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