La grande distribution en plein bouleversement
Transcription
La grande distribution en plein bouleversement
marchés Arabie Saoudite La grande distribution en plein bouleversement L'Arabie Saoudite, avec un PIB de 185 milliards de dollars et une croissance de 7,6 % en 2000, reste le marché phare de la péninsule arabe du Golfe. C'est le marché que l'exportateur français ne peut pas mettre de côté dans sa stratégie de développement sur le Moyen-Orient. Ce jeune pays, créé en 1932, est en train de vivre des changements fondamentaux. Les défis que le Royaume doit soulever sont d'abord économiques : poursuivre sa politique de "sortir du tout pétrole et développer le tissu industriel local». Défis également politiques : l'Arabie Saoudite sera le dernier pays du Golfe à entrer dans l'OMC mais, la raison la plus sûre de son adhésion est son désir d'appartenir au "marché mondial». Enfin, défis sociaux : la population est étrangère à 35 % et jeune (43 % de la population n'a pas 14 ans). C'est dans ce contexte d'un pays de 22 millions d'habitants que la grande distribution est à l'image de l'évolution du Royaume : bouleversée. Ce bouleversement s’est opéré sur les 25 dernières années, avec une accélération sur les dix dernières années. Avant l’explosion des supermarchés en Arabie Saoudite, les familles avaient l’habitude de faire leurs courses directement chez les grossistes et dans les baqalas, les épiceries de quartier. Aujourd’hui, les baqalas de quartier laissent de plus en plus la place à des grandes surfaces : supermarchés et centres commerciaux. La première grande surface à ouvrir, dans les années 80, a été Azizia Panda, qui possède aujourd’hui 31 points de vente, dont 5 surfaces de 6000 m2. Les grandes surfaces occupent aujourd’hui près d’un tiers du marché, notamment pour les produits alimentaires. Ce développement des supermarchés repose sur plusieurs facteurs : tout d’abord, l’arrivée d’expatriés occidentaux à la fin des années 70 et dans les années 80 qui ont souhaité trouver sur place leurs marques habituelles. Des mini-supermarchés se sont donc développés jusqu’aux grandes surfaces actuelles. Conjointement, la population saoudienne, de plus en plus ouverte sur l’occident, a pris goût aux produits occidentaux à travers les voyages d’affaires ou de tourisme. Ainsi, la confrontation à d’autres cultures et styles de vie, rendue possible par le développement rapide de la télévision par satellite dans la région, a incité de nombreux locaux à réévaluer leurs besoins et leurs valeurs. C’est ainsi que deux catégories opposées de consommateurs sont en train d’apparaître : ceux (principalement des jeunes consommateurs) qui se précipitent vers les valeurs et les styles de vie occidentaux et ceux qui rejettent cette option et restent plutôt attachés au système de valeurs traditionnelles. Le secteur traditionnel n’a pas été en mesure de s’adapter à la nouvelle demande des consommateurs. Les grossistes, qui vendaient soit en direct soit aux baqalas, ne disposaient pas de suffisamment de place pour proposer différentes marques. Ils ne pouvaient pas stocker les produits dans de bonnes conditions et ne disposaient pas de réseaux de vente développés, au mieux quelques points de vente dans une même ville. De plus, la grande distribution proposait déjà des prix plus attractifs. Et ce critère est important dans un contexte où les dépenses grandissantes dues aux nouveaux styles de vie incitent à économiser sur les produits de la maison. Le nombre de familles nucléaires, composées de jeunes couples à la recherche de plus d’indépendance et d’autonomie, augmente sans cesse, aux dépens de la traditionnelle famille étendue. Les jeunes mariés doivent maintenant faire face à la dépense supplémentaire du loyer, auquel il faut ajouter les classe export 11 ■ n°114 Avril 2002 dépenses dues aux téléphones portables, aux abonnements Internet, aux vacances à l’étranger, etc, tout cela à une époque où les salaires n’ont pas suivi le rythme de l’inflation, surtout dans le secteur public. Les consommateurs se tournent désormais vers des marques moins chères. Les marques phares sont de plus en plus vulnérables à la concurrence des marques moins chères mais les marques de distributeurs n’ont pas encore été bien exploitées par les détaillants. Pourtant, les conditions nécessaires à leur succès sur le marché semblent être d’ores et déjà en place. D’autre part, les consommateurs célibataires plus jeunes ont encore tendance à habiter avec leurs parents qui paient les dépenses de la maison. Par conséquent, ils ont plus de revenus à leur disposition, surtout s’ils travaillent. Ils dépensent donc beaucoup d’argent dans des articles personnels comme les vêtements, les voitures, les sorties et les voyages. Cela fait d’eux un groupe particulièrement attractif en terme de marketing. Autre changement notable, les grandes surfaces sont devenues “des lieux de vie” pour les familles. Dans un pays où les sorties sont plutôt rares, où les femmes ne conduisent pas, la sortie au centre commercial est une occupation à part entière. Ils ont donc mis en place des espaces réservés aux enfants, avec des aires de jeux. Trois sociétés dominent le marché : Al Azizia Panda, Tamimi Supermarket avec neuf points de vente de 3 à 4000m2, et Arabian Stores avec 7 points de ventes de 3 à 4000 m2. Ces groupes entendent se développer au rythme de deux à trois ouvertures par an de points de vente nouveaux. Les Saoudiens sont ouverts au partenariat avec des groupes occidentaux. Carrefour est d’ores et déjà im-planté sur les Emirats Arabes Unis et au Qatar ; Géant est implanté à Bahrein. L’enjeu est de taille: l’Arabie Saoudite est le marché le plus important de la zone avec 22 millions d’habitants et 60 % du budget familial consacré à l’achat de biens de consommations courante y compris les produits alimentaires. L’arrivée sur le Royaume de concepts occidentaux de supermarché ne fait plus aucun doute. Safeway, distributeur américain est déjà implanté via un partenariat avec Tamimi. Depuis 1995, la grande distribution se développe à grands pas : à titre d’exemple, la tour construite par le Prince Al Waleed, la Kingdom Tower Mall. D’une hauteur de 300 mètres, elle comprend bureaux, hôtel et deux centres commerciaux de 8000 m2. Ou bien le très luxueux Al Rashid Mall à Al Khob- M. Nâamen Bouhamed, Directeur General Alwen International, et Son Excellence Sheikh Ahemd Bin Saled Al Maktoum, Président du Departement Of Civil Aviation et Chairman de Emirates Group Les grands magasins étrangers sont peu présents : on note la présence de British House (UK) et de l’enseigne du Printemps à Djeddah et récemment l’arrivée de Mark&Spencer et Sack’s à Riyadh, situé dans le Kingdom Tower Mall. Le paysage de la grande distribution s’est complètement métamorphosé en une vingtaine d’années. bar (à l’est du pays) considéré comme le plus grand centre commercial du Golfe, ou Al Akaria, Al Faisailla Complex à Ryiadh, Danube à Djeddah... Toutes les grandes marques internationales de vêtements, de produits pour la maison, de consommation, sont représentées au sein de ces gigantesques et toujours plus luxueux centres commerciaux. Ces endroits ont aussi favorisé le développement de franchises. Les centres commerciaux se répartissent sur le marché suivant des segments identifiés : ainsi, les populations à haut pouvoir d’achat fréquentent les centres comme le Rashid Mall ; les Philippins, eux, fréquentent plutôt les supermarchés STAR ou Centre Corniche. La présentation de la grande distribution ne serait pas complète si l’on n’évoquait pas les grands magasins saoudiens : Gazzaz, Al Fitahi, Sawani, Al Ghazali, Bajsair, Bugshan. Tous appartiennent à des familles commerçantes saoudiennes, et portent leur nom. Ils disposent de leurs propres bâtiments et en plus ont de points de vente dans les centres commerciaux les plus prestigieux pour la plupart d’entre eux. Même si les baqalas devraient pouvoir encore survivre en tant que commerces de proximité, il semble improbable de remettre en cause l’évolution des supermarchés et des grands magasins en Arabie Saoudite. Demain, il s’agira pour le pays d’inventer ses réseaux de grande distribution : peut-être moins énormes, mais plus proches des lieux d’habitation de la population et des besoins d’une population qui oscille entre l’attrait pour les modes de consommation occidentaux et les valeurs traditionnelles. L’opportunité pour les entreprises européennes et notamment françaises est réelle car les Saoudiens sont ouverts au partenariat avec les étrangers. La législation s’est assouplie pour attirer des investisseurs étrangers. Cependant, le marché saoudien est plus exigeant que ses voisins du Golfe : le niveau des investissements est supérieur, le pays est plus étendu (quatre fois la France), la rentabilité ne peut se concevoir que sur du long terme et les relations d’affaires sont plus ardues en Arabie Saoudite. Ne dit-on pas que plus la négociation est longue, meilleur est le résultat ? Le jeu en vaut la chandelle, dans Alwen international un pays qui représente 70% des marchés du Golfe. Vos outils de développement à l’international www.classe-export.com n°114 Avril 2002 ■ classe export 12