1669 madame tiquet
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1669 madame tiquet
1669 MADAME TIQUET Au début de l’année 1699, M. Tiquet, magistrat fort estimé, venait d’échapper à la mort. Après avoir essuyé le feu d’une bande d’assassins, il était tombé sanglant et presque inanimé sur le pavé de la rue. Sans l’intervention rapide de son valet de chambre qui avait accouru au bruit des détonations, il n’aurait probablement pas survécu. Malgré son état pitoyable, il avait refusé de se laisser transporter chez lui et préféra l’hospitalité d’une de ses amies, Madame la comtesse de Villemur. On sut que Mme Tiquet, à la nouvelle de l’attentat, était accourue chez Mme de Villemur pour voir son mari, mais que celui-ci avait refusé de la recevoir, en précisant à l’enquêteur, déjà sur place, qu’il n’avait pas d’autres ennemis que sa femme. Très vite, cette histoire circula de bouche en bouche : Angélique Nicole Carlier, (Mme Tiquet) était née à Metz en 1657. Son père, très riche, avait laissé en mourant une fortune de plus d’un million à ses héritiers, c'est-à-dire à elle et à son frère. Sa beauté et sa dot la fit rechercher en mariage par une foule de prétendants ; après avoir longtemps hésité, elle choisit - sur l’insistance de sa tante et de son frère - M. Pierre Tiquet, malgré la répulsion d’Angélique. On disait que le jour de fête d’Angélique, il lui avait offert un magnifique bouquet de fleurs mêlées de diamants et de pierreries d’une valeur de 15.000 livres (difficile à estimer, mais cela devait être équivalant à 75.000€). La lune de miel dura près de trois ans pendant lesquels vinrent deux enfants, un garçon et une fille. Mme Tiquet menait grand train et avait ouvert un salon où se réunissaient une société brillante. Son mari Henri-Clément Sanson,. Sept générations d'exécuteurs . Mémoires des Sanson. Tome premier. 1862./ Gallica-BNF 1669 MADAME TIQUET qui avait contracté des dettes pour arriver à cette union, faisait observer à sa jeune femme les grandes dépenses qu’elle faisait ; ces observations devinrent peu à peu plus fermes. Quant au frère, il introduit un jour, un jeune officier de ses amis qui éveilla le cœur de la jeune femme. Bientôt, Mme Tiquet n’eut plus rien à refuser à Montgeorges, le jeune capitaine. Le bruit s’en répandit dans tout Paris et la fureur de Pierre Tiquet fut grande ; L’officier fut mis à la porte et les réceptions de madame furent supprimées. Les scènes devinrent plus régulières et plus violentes. Pendant qu’elle parvint à obtenir la séparation de biens, elle voulait par-dessus tout retrouver sa liberté pour rejoindre Montgeorges et tenta de faire tuer son mari, mais, soit par crainte de trahison ou de remords, elle fit arrêter le crime. Pierre soupçonna le portier et le mis à la porte. Un jour ou le vieux conseiller était malade, elle lui fit porter un bouillon ; le valet, ayant deviné le dessein de sa maitresse fit semblant de trébucher et renversa sa tasse ; il demanda son congé et sorti. C’est donc, quelques jours plus tard qu’il reçut les coups de feu. Les soupçons commencèrent à peser sur elle et sur la recommandation de Mme d’Aulnay, sa confidente, elle comprit qu’elle pouvait accuser le portier pour le méfait. Puis vint un lieutenant-criminel avec plusieurs archers pour arrêter Mme Tiquet et la mener au Grand Châtelet pour la juger. L’arrestation était à peine connue, qu’un nommé Auguste Cathelain vint déclarer que trois ans auparavant, Jacques Moura, le portier, lui avait remis de l’argent pour tuer son mari. Henri-Clément Sanson,. Sept générations d'exécuteurs . Mémoires des Sanson. Tome premier. 1862./ Gallica-BNF 1669 MADAME TIQUET Le 3 juin 1699, Angélique-Nicole Carlier, femme Tiquet, était condamnée à avoir la tête tranchée en place de Grève ; Jacques Moura fut pendu et leurs biens confisqués. Quant au délateur, Auguste Cathelain, il fut condamné aux galères à perpétuité. La charrette qui amenait Angélique et Jacques Moura arrivait à peine en place de Grève, qu’un violent orage éclata : une pluie mêlée de grêle, d’éclairs et de tonnerre, tomba par torrents sans qu’aucun spectateur n’eut songé à s’abriter. On différa l’exécution d’une demi-heure pendant laquelle Angélique put découvrir l’appareil du supplice et la voiture de deuil attelée de ses propres chevaux. Jacques Moura fut exécuté le premier, quand vient le tour d’Angélique, elle s’agenouilla, baisa le billot et dit au bourreau : « Monsieur, voulez-vous bien avoir la bonté de dire dans quelle attitude je dois me mettre ? » Elle se plaça et dit encore : « Suis-je bien comme ceci ? » Troublé, Sanson souleva des deux mains la lourde épée et la laissa retomber sur le col de la victime. Le sang jaillit, mais la tête ne tomba pas. Un cri d’horreur s’éleva dans la foule. Sanson de Longval frappa de nouveau, mais la tête ne tomba pas ; l’épée se souleva une troisième fois et enfin, la tête vint rouler au pied du bourreau. Cela se passait un vendredi 17 juin 1669. Henri-Clément Sanson,. Sept générations d'exécuteurs . Mémoires des Sanson. Tome premier. 1862./ Gallica-BNF