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CHAMPIONNATS DU MONDE (BELGRADE, SERBIE, 27-31 OCTOBRE)
L’équipe de France
féminine combat
championne du
monde : la grande
satisfaction de la
compétition.
8 DÉCEMBRE 2010
Johan Lopes,
7e en -60kg…
L’équipe de France
– à l’exception de
Ludovic Cacheux –
est passée à côté
de ces mondiaux.
Le «girl power»
montre le chemin !
h
À Belgrade, la France signe un bilan très contrasté : le kata au creux de la vague,
les garçons décevants, mais des féminines au top classent la France cinquième
nation, troisième au nombre de médailles. TEXTE : E. CHARLOT / PHOTOS : D. BOULANGER
Quatre finales sur six possibles et un titre en
équipe emporté avec autorité, les combattantes
féminines françaises ont taillé la route à un niveau qui faisait plaisir à voir. Ce coup de filet collectif
est, de plus, réussi par des jeunes femmes, Tiffany Fanjat
mise à part, qui n’étaient encore jamais parvenues à ce
niveau –et pour certaines, comme les médaillées Nadège
Ait-Ibrahim et Betty Aquilina - qui faisaient leur premier
championnat du monde en individuels. Un bilan collectif qui montre qu’une page de transition est tournée depuis les Mecheri, Leroy et autre Fischer. Une réussite
qui restera la face lumineuse, pour la France, de ce vingtième rendez-vous mondial et qui rassure pour l’avenir.
Avec un tel résultat, la France, habituellement capable
de ramener des médailles dans tous les secteurs, pouvait prétendre retrouver le leadership mondial.
Malheureusement, une fois n’est pas coutume, le kata
français revient bredouille pour la première fois, lui qui
avait ramené trois médailles depuis 2004 (et n’était rentré que deux fois sans médaille d’or depuis… 1994).
Quant aux combattants masculins, si pour sa première
sortie mondiale, Johann Lopes (7e), a donné une belle
image, seul Ludovic Cacheux atteint le podium.
Impeccable, exemplaire… mais seul. En 2006 et 2008,
les combattants avaient ramené deux médailles, trois
en 2004, cinq en 2002, huit en 2000… Malgré les signes
encourageants montrés par ce groupe renouvelé, encore jeune et toujours en construction, il s’est brisé sur
le mur des championnats du monde, comme s’il refusait de sauter l’obstacle. En individuels comme en
équipes, les garçons n’ont pas osé. Une lourde déception par le résultat, mais aussi par le comportement.
Dans ces conditions, les cinq médailles dont une d’or
et la cinquième place de la France, en deçà des sept
médailles dont deux d’or de Tokyo 2008, sont un moindre mal… Il reste deux ans pour se remettre en selle et
s’inspirer de la posture mentale et de la belle réussite
des féminines. La transition entre la génération des
Biamonti, Baldé, Baillon n’a toujours pas eu lieu. Rendezvous à Paris.
DÉCEMBRE 2010 9
CHAMPIONNATS DU MONDE (BELGRADE, SERBIE, 27-31 OCTOBRE)
Nadège Aït-Ibrahim
à l’attaque : au
bout, un médaille
mondiale.
MERCREDI 27
Le coup du scorpion!
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Kata : les techniciens lancent le bal. Trois tours nets
pour Minh Dack jusqu’au choc Valdesi (ci-contre).
Pas de chance, le Français se retrouve toujours dans
le tableau du triple champion du monde. Tout en
puissance et en art de faire durer les temps lents,
le maestro italien prend les cinq drapeaux. Le déclin annoncé, ce n’est pas encore pour aujourd’hui.
«Minh était sans doute meilleur sur le plan technique»
relativise Yves Bardreau.
Kata : Sandy Scordo dans un troisième tour décisif
sur la jeune Japonaise Usami, championne du monde
juniors 2007 : on jurerait que son « kanku-sho » vaut
largement le «kosokun dai» adverse. Elle ne lui prend
que deux drapeaux. Pire que tout, la Japonaise tombe
ensuite dans le piège d’une autre « shito » toute en
élégance, mais avec plus d’autorité et de présence
qu’elle, la Vietnamienne Hoang Ngan N’guyen, deux
fois finaliste et championne du monde en titre. Un
tirage au sort cruel pour une Française vraiment
dans le coup.
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Ludovic Cacheux
médaillé mondial
en -84 kg : un
superbe baroud
d’honneur.
10 DÉCEMBRE 2010
h
Dynamite Ludo is back ! Le doyen de l’équipe de
France, déjà en pré-retraite, est concentré et perforant en -84 kg. Le Néerlandais Petersen prend un
6-2 au passage, dans un combat choc. Hélas, en
quart, le combat part mal sur le Turc Y. Karamollaoglu.
Une attaque trop courte bien remisée par le Turc et
c’est la course impossible derrière un combattant
devenu intouchable. Ludo Cacheux va trouver les
ressources pour revenir un peu plus tard, net et tranchant face à un Allemand, prendre sa chance d’une
médaille.
Elle n’a pas mis beaucoup de points, deux en trois
combats qui s’enchaînent vite contre une Indienne,
une Belge et une Chinoise, mais elle est restée toujours dans le bon état d’esprit. Et voici Nadège
Ait Ibrahim en finale des +68 kg !
L’Égyptien Mohamed (+84 kg) sort l’Italien
Maniscalco d’un mawashi applaudi par le Transalpin
lui-même. Il en plantera d’autres au Russe Tebuev,
pour un 8-0 sans appel en demi-finale.
Cela restera le combat du championnat : en -75 kg,
le triple champion du monde Aghayev est mené à
quelques dizaines de secondes de la fin par le Japonais
K. Matsuhisa qui vient de le distancer par un incroyable coup de pied : le coup du scorpion ! Sasori Geri.
Une ruade précise qui touche le petit diable Azéri
derrière la tête. Aghayev revient immédiatement avec
une projection de hanche. La salle est debout. Il laissera le Japonais à trois points en prolongation.
Les autres Français :
I. Gary (+84 kg) perd 1-2 au 3e tour face
à D. Hrachou (BLR).
K. Grillon (-75 kg) perd 0-1 au 1er tour
face à D. Vandeschrick (BEL).
T. Fanjat (-68 kg) perd 1-0 au 3e tour
face à H. Abdelrahman (EGY).
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JEUDI 28
La prima Dona étincelle !
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C’est l’évidence en -61kg : la brune Lolita est dans
un excellent jour. Tonique et engagée comme elle
sait l’être, elle est aussi précise et contrôlée. « Pas
de stress, chaque fois que tu es touchée, tu en remets une derrière », la rassure Yann Baillon, entraîneur sur la chaise. C’est vrai. Elle passe facilement
à travers la Suissesse Schwab, médaillée mondiale,
la combattante de Malaisie, celle de l’Argentine, et
deux championnes en titre en quart et en demie, la
Russe Sobol – battue dans les dix dernières secondes –, et la quadruple championne du monde
elle-même, l’Américaine Fonseca Au, un peu perdue
devant tant de mobilité. Quel tableau !
Les filles donnent le ton. Alors que les supporters
français digèrent l’échec de William
Rolle (-67 kg) et la domination
du Brésilien Brose, futur
champion du monde, sur
Johann Lopes (-60 kg) par un
5-1 douloureux, Betty Aquilina
(-50 kg) avance. Dans la douleur…
mais elle avance! 2-1 sur une Slovène,
puis 1-0 sur une Bulgare, puis une décision (unanime) sur une Kazakhe, et encore 1-0 sur l’Américaine Wolfe. Elle donne
une seconde finale à la France avec un
dernier 1-0, contre la Russe Ponomareva,
médaillée européenne et mondiale. Sans vista,
mais solide en défense, en progrès depuis ses
derniers championnats d’Europe.
En kata par équipes, les trios français commencent de façon encourageante avec un 5-0 des filles
sur l’Egypte et un 4-1 au deuxième tour des garçons
sur les Turcs, mais la sanction est rude : un seul drapeau pour les Françaises contre les « shito » vietnamiennes et aucun pour les garçons contre les champions italiens.
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L’équipe de France
masculine combat
s’incline contre
la Serbie, future
championne
du monde.
VENDREDI 29
les filles… et les Serbes
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Le jour des équipes ! Les garçons seront-ils bons ?
Malguy ouvre par un 4-0 sur les Slovaques, bien relayé par Nadir Benaissa, qui touche à six secondes
de la fin (1-0) et par Ibrahim Gary contre le vieillissant Farmadin (2-1). Mais les Bosniaques,
tous taillés sur le gabarit de Florian Malguy,
marquent la différence. Agressifs et
confiants, ils bousculent durement des
Français timorés. Kenji Grillon encaisse
un 2-6, Ibrahim Gary reste figé à 0-1.
Florian Malguy ne fait pas mieux que
0-0 et Freddy Ichane que 11. La messe est dite.
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Les autres Français :
A. Calizingoue (-55 kg) perd 1-5 au 3e tour contre
J. Kovacevic (CRO)
W. Rolle (-67 kg) perd 0-1 au 4e tour (dont
un « kiken gachi » du Tunisien au 3e) face
à S.Salem Saad (EGY).
Lolita Dona,
Vice-championne
du monde
des -61 kg.
DÉCEMBRE 2010 11
CHAMPIONNATS DU MONDE (BELGRADE, SERBIE, 27-31 OCTOBRE)
h
Les filles soufflent le chaud. Ruth Soufflet plante
un 5-1 contre la première Marocaine, et c’est Alexandra
Recchia qui termine par un 4-1 assuré, après un nul
de Fanjat. La Bulgarie ne résiste pas à Ruth Soufflet
encore, et à Lolita Dona. 8-0 à elles deux. La partie
est plus serrée contre d’excellentes Tunisiennes.
Lolita Dona est d’abord menée 0-3 avant un mawashi
déterminant à la dernière seconde ! Ruth Soufflet fait
match nul elle aussi, mais Alexandra Recchia termine
en beauté par un 3-1 plein d’autorité. Fanjat se réveille en ouvreuse contre la Croatie (3-1), et Laetitia
Dona termine ensuite par un 3-2 serré. Et les redoutables Turques ne pourront pas faire mieux, battues
2-0 par Fanjat et Recchia, qui gagne d’un point sur la
double championne d’Europe Celik. Une finale de plus
pour la France, toujours par les féminines !
Repêchés, les garçons vont-ils sauver leur journée ?
Les Argentins sont consentants. Mathieu Cossou,
en ouvreur convaincant, plante un mawashi d’entrée,
avant de s’arrêter (3-1). Jean-Christophe Taumotekava
fait match nul (1-1), mais Florian Malguy tout en puissance, relance au pied par un 6-0 sur un combattant
trop léger pour lui. Le match nul de Freddy Ichane
(0-0) assure la victoire. Les Mexicains ne résistent
guère. Mathieu Cossou vainqueur (2-1), est bien relayé par Freddy Ichane (1-0) et Florian Malguy, 8-0
cette fois sur un autre petit gabarit. Les Néerlandais
impressionnent sur le papier, mais malgré Petersen
L’équipe de France
kata masculine
encore un peu
juste, termine 5e.
L’apprentissage
continue.
qui tient le nul au troisième combat face à Malguy,
ils ne sont pas là. 1-0 de Cossou et de Grillon sur les
deux premiers combats. Nadir Benaissa ferme le tout
par un 4-0. Les voici en place de trois. Ouf ! Les
Serbes déménagent tout, jusqu’en finale.
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SAMEDi 30
Cacheux toujours là
Quatrième titre
de champion
du monde pour
le petit géant
Rafael Aghayev.
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Les phases finales commencent fort par un grand
combat pour le bronze entre l’Espagnol Gomez (-60kg),
mené 8-2 par le Colombien Redon, avant de gagner
11-10 avec un balayage sublime et un mawashi à
deux secondes de la fin ! Un spectacle qui restera
malheureusement assez isolé.
Betty Aquilina (-50 kg) mène à quelques secondes
de la fin, mais se fait reprendre par la Chinoise Hong
Li qui gagne finalement de deux drapeaux. De l’or
pour la Chine, une grande première, hélas.
Douglas Santos Brose le Brésilien est impressionnant avec ses jambes en finale des -60 kg comme il
l’avait été en demie contre l’Espagnol Gomez, battu
8-2. L’Italie Giuliani est dominé par 4-2. France,
Espagne, Italie… C’est l’Amérique du Sud qui passe
en revue toute l’Europe du Nord.
Lolita Dona (-61 kg) s’enferre sur Kristina Mah (AUS).
Moins précise, moins lucide, elle cède 0-1. Une défaite frustrante et une grande victoire pour Mah.
Surprise en finale des kata, les Japonaises bénéficient du forfait des Vietnamiennes.
Ludo Cacheux (-84 kg) en majesté : en marquant
d’entrée contre l’Algérien Guiri, le « vétéran » de
l’équipe de France élimine le doute et l’emporte par
5-2.
Le grand Aghayev (-75 kg) touche lui aussi d’entrée
par un mawashi sur l’Italien Busa et emporte son
quatrième titre individuel. Chapeau bas.
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Les autres Français :
Les trios kata masculin et féminin en kata perdent
0-5 face aux Espagnols. Les « shito » ne nous
réussissent pas.
DiMANCHE 30
les filles sauvent la France !
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Deux médailles à prendre en combat par équipes,
dont le bronze pour les garçons contre de dangereux Égyptiens. Mais Florian Malguy n’assume pas
le rôle d’ouvreur contre le rapide M. Mohamed, qui
le bat 3-0 d’un mawashi, son arme maîtresse. Kenji
Grillon redonne de l’espoir avec une victoire difficile
par 3-1. Hélas, la flamme retombe vite avec un échec
sans révolte d’Ibrahim Gary (0-1). La pression est
trop forte pour Mathieu Cossou. Un peu perdu, il est
écarté 0-2, et la France avec, par un T. Abdelroot,
éclatant d’assurance. Un contraste qui ajoute à la
déception.
L’Azerbaïdjan d’Aghayev ne fait pas douter le «cinq»
gaillard serbe. Seul le champion du monde sauvera
un point. Un titre mondial, chez eux, qui ne doit rien
au hasard. Attention à cette équipe jeune dans deux
ans à Paris.
Il reste une chance au kata français de sauver
une médaille de bronze. Minh Dack la joue à fond et
séduit le public connaisseur avec un original
« Matsumara Bassai » auquel il donne beaucoup
d’intensité et de majesté. Le Japonais Oki, sans faute,
parvient tout de même à l’emporter d’un drapeau…
Le Français était au niveau du podium.
Kata féminin : émouvante, la Vietnamienne Nguyen
monte sur le tatami pour saluer. La béquille qui la
soutient explique au public pourquoi elle renonce à
une deuxième chance de médaille d’or en deux jours.
Elle s’est blessée au genou dans un entraînement.
Un premier titre individuel en kata pour le Venezuela !
Kata masculin : le second ne doit rien à personne
et frappe comme un coup de tonnerre : quatre fois
médaillé de suite aux championnats du monde, et finaliste l’année dernière contre le grand Valdesi,
Antonio Diaz triomphe cette fois du triple champion
du monde transalpin. Le maître italien shotokan est
à égalité avec le regretté Mickaël Milon avec quatre
finales et trois titres mondiaux. Stop ou encore pour
Luca Valdesi ?
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L’équipe de française féminine combat tient son
destin, et accessoirement le classement final de la
France, entre ses mains. Les terribles Espagnoles,
triple championnes en titre, sont traditionnellement
emmenées par la multiple médaillée européenne et
mondiale Feo Gomez. Dans le secret de la salle
d’échauffement, l’entraîneur Louis Lacoste a
convaincu tout le monde que Ruth Soufflet pouvait
ouvrir contre elle et l’emporter. Coaching parfait !
Déterminée, elle inflige un 7-4 déjà décisif au point
fort des Espagnoles ! Mais le doute s’introduit par
la défaite de Lolita Dona (1-3). Tiffany Fanjat, déçue en individuel, va-t-elle être forte en équipe? C’est
oui ! Un premier point, puis un mawashi la mettent
à distance. La France retrouve le titre mondial en
kumite par équipes féminines, pour la première fois
depuis 2000. Un joli point d’orgue.
Auteur d’un bon
championnat, Minh
Dack a une nouvelle
fois buté sur Lucas
Valdesi.
DÉCEMBRE 2010 13