Les nouveaux défis de la distribution automobile

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Les nouveaux défis de la distribution automobile
Dossier z
Les nouveaux défis de
la distribution automobile
Sommaire
13 M
andataire automobile,
une activité sans concession
19 U
n cadre juridique
rénové pour les réseaux
des constructeurs
automobiles
23 L
a vente de véhicules
automobiles sur Internet
27 L
’utilisation d’Internet dans
la distribution automobile :
où sont les limites ?
Véronique Crouzy
12
jurisprudence automobile • N°823 • novembre 2010 • jurisprudence-automobile.fr
Nikolai Sorokin - Fotolia
P
arce que les règles du jeu
dans la distribution
automobile sont en
train de changer,
un arrêt sur
image s’impose
pour comprendre qui sont
aujourd’hui les acteurs qui font
ce marché et analyser les
incidences juridiques de cette évolution
sur leur organisation et leur fonctionnement.
Bousculés par l’abandon des règles spécifiques au secteur automobile
au profit d’une soumission aux règles générales applicables aux
accords de distribution (règl. n° 330/2010), les réseaux traditionnels
voient les cartes redistribuées dans la mise en place des nouveaux
contrats. La distribution traditionnelle est par ailleurs chahutée par la
montée en puissance des mandataires automobiles qui deviennent
des intervenants incontournables de la vente sur le terrain et mais
aussi de plus en plus sur Internet. En effet, comme pour les autres
biens de consommation, la vente d’automobiles en ligne est
aujourd’hui une réalité. Sans entrer dans le débat passionnel de ses
vertus ou de ses vices, nous analyserons les dispositions que doit
respecter tout vendeur professionnel qui commerce par Internet.
Dans ce cadre, quelles sont les limitations susceptibles d’être
apportées à l’utilisation d’Internet ? La réponse peut varier selon
qu’elle est le fait de membres des réseaux de distribution automobile
ou de tiers à ces réseaux. À l’heure actuelle, quel que soit le mode de
distribution choisi par le constructeur automobile, le règlement
1400/2002, toujours applicable aux ventes de véhicules neufs pendant
la période de transition, reconnaît au distributeur le droit d’utiliser
Internet. Et en énonçant qu’« en principe, tout distributeur doit être
autorisé à utiliser Internet pour vendre ses produits », les lignes
directrices du nouveau règlement ne devraient pas bouleverser le
régime actuel applicable à la distribution automobile. n
dossier
MANDATAIRE AUTOMOBILE
Une activité sans concession
intervenant incontournable, à côté des réseaux traditionnels, le mandataire s’inscrit
aujourd’hui comme un acteur majeur du circuit de la distribution automobile.
l’intérêt croissant que les consommateurs, mais aussi les distributeurs agréés,
peuvent leur porter est l’occasion d’analyser le cadre juridique dans lequel ils
exercent, et notamment leur positionnement au regard des revendeurs non agréés.
dr
L
nikolai sorokin - Fotolia
Anne-Sophie
Bonnault-Daly
avocat au
barreau de paris,
spécialisée en
droit du travail
et en droit
commercial, elle
assiste (conseil)
et représente
(contentieux)
les intervenants
du secteur de
l’automobile.
es dépenses liées à l’automobile constituent le deuxième
poste de consommation des
ménages français et représentent, selon l’Insee, entre 10,5 et
11 % de leur budget. Pour bénéficier
d’une baisse des coûts sur l’achat de
leur véhicule, 46 % des Français se
disent prêts à faire appel à un mandataire plutôt qu’à une marque automobile (étude de l’Observatoire
Cetelem de l’automobile 2010).
Pour les ménages, le recours aux
mandataires s’impose comme une
réponse à la crise du pouvoir d’achat
et s’inscrit dès lors dans le cadre
d’une dépense automobile raisonnée.
En effet, en dépit de l’intervention
des autorités européennes, les différences de prix au sein de l’Union
européenne demeurent importantes
et peuvent atteindre, d’un pays à
l’autre, pour une même voiture, jusqu’à 20 %. « Ces différences proviennent essentiellement de la politique
commerciale des constructeurs, qui
baissent fortement leurs prix dans les
pays où ils veulent gagner des parts
de marché, tout en maintenant des
prix plus élevés là où ils sont bien
implantés » (Rép. ministère de l’Économie, JO Sénat 29 févr. 1996).
La principale motivation du consommateur dans son acte d’achat est désormais financière : c’est le montant
de la remise accordée qui va guider
son choix entre tel ou tel opérateur.
De nombreuses affaires judiciaires
ont montré l’existence de mandataires peu scrupuleux et le risque qu’ils
représentent parfois pour les
consommateurs (fraude à la TVA(1) et
disparition des fonds remis notamment). Néanmoins, l’attrait qu’ils
exercent reste plus fort que la crainte
qu’ils inspirent et leur importance
dans le circuit de distribution ne
cesse de croître.
Pour les professionnels du commerce
automobile, notamment les grands
groupes, le recours aux mandataires
est désormais envisagé comme un
Pour bénéficier d’une baisse des coûts sur
l’achat de leur véhicule, 46 % des Français
se disent prêts à faire appel à un mandataire
plutôt qu’à une marque automobile.
canal de distribution, au même titre
que celui des loueurs courte et longue durées ou des ventes aux entreprises. Ils voient en eux la possibilité
d’atteindre une clientèle répartie sur
tout le territoire national.
Le recours aux mandataires représente également une « sortie de
crise », notamment lorsque les distributeurs agréés (concessionnaires ou
succursales) peinent à réaliser leurs
objectifs tant en terme de volume
qu’en terme de mixte (combinaison
de véhicules provenant des différentes lignes de produits du constructeur) ou lorsque les véhicules s’accumulent sur parc sans trouver preneur
(modèles aux coloris atypiques, véhicules commandés mais non achetés,
modèles en fin d’année ou d’année
précédente, exemplaires difficiles à
écouler ou à faibles marges).
En 2009, un peu plus de 2,25 millions de véhicules se sont vendus en
France, grâce notamment à la prime
à la casse. Effectuant environ 3 % du
marché des ventes de véhicules neufs
(soit environ 70 000 véhicules, dont
1,5 % effectué par Carami), les mandataires deviennent des intervenants
incontournables de la distribution
automobile à côté des réseaux traditionnels. Leur nombre croît sans
cesse sur le territoire national et sur
Internet sans qu’il soit possible
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d’obtenir des données chiffrées car
ils ne sont pas regroupés au sein
d’instances professionnelles.
Qui sont-ils ? Quel est leur rôle ?
Auprès de qui s’approvisionnent-ils ?
Quelles sont leurs obligations vis-àvis du consommateur ? Autant de
questions auxquelles cette étude va
tenter de répondre…
n Un intermédiaire,
pas un vendeur
Les mandataires automobiles ne sont
pas des vendeurs de véhicules automobiles, mais des prestataires de
service, indépendants de tout réseau
de distribution, qui participent activement à une distribution automobile multimarque. Ils agissent en
qualité d’intermédiaire entre un
client particulier et un fournisseur
(distributeur, succursales et filiales
des constructeurs, loueurs ou revendeurs), dont la mission est de rechercher, de négocier, voire de livrer,
pour un meilleur prix, au nom et pour
le compte de leurs clients, des véhicules neufs ou d’occasion vendus en
France ou dans d’autres pays européens, voire à l’extérieur de l’Europe.
Ils se chargent généralement des
formalités administratives, surtout si
le véhicule est acquis à l’étranger.
Par véhicule neuf, il faut entendre
bien souvent des véhicules « fiscalement neufs », à savoir « les véhicules
terrestres dont la livraison est effectuée dans les six mois suivant la
première mise en service ou qui ont
parcouru moins de 6 000 kilomètres » (CGI, art. 29 sexies). La seule
immatriculation d’un véhicule, même
provisoire pour les seuls besoins de
son importation, ôte à celui-ci sa
qualité de véhicule neuf (Crim.,
10 janv. 1995, n° 94-80.215). Idem en
cas de faible kilométrage.
Les mandataires proposent, comme
les distributeurs agréés, la possibilité
de souscrire une extension de garan-
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tie, un contrat d’entretien, un financement, une location avec option
d’achat ou autre.
L’attrait de ces prestataires réside
d’une part dans le large choix d’automobiles qu’ils proposent, mais éga-
Le mandataire automobile agit
en tant qu’intermédiaire entre
un particulier et un fournisseur.
Il recherche, négocie, voire
livre, pour un meilleur prix,
des véhicules vendus en France
ou dans d’autres pays.
lement et surtout dans leur offre de
prix qui défie toute concurrence
(octroi de remise pouvant aller de 5
à 35 %) et qui tient d’une part à leurs
modalités d’approvisionnement, qui
leur garantissent de fortes remises
par les professionnels du commerce
de l’automobile, d’autre part à leur
mode d’exercice.
n De multiples sources
d’approvisionnement
Leurs sources d’approvisionnement
sont multiples : concessionnaires français ou étrangers, filiales ou succursales des constructeurs, sociétés de location ou de crédit-bail, grossistes. Les
véhicules proviennent d’opérations de
déstockage, de lots d’invendus ou de
distributeurs agréés qui, peinant à
réaliser les objectifs que leur assignent
les constructeurs, n’hésitent pas à
« pousser de la tôle », quitte le plus
souvent à abandonner leur marge, non
seulement sur les véhicules dont ils
souhaitent se débarrasser mais également sur des produits dits « chauds »
c’est-à-dire des véhicules très demandés par les consommateurs et qu’ils
pourraient vendre facilement et sans
intermédiaire.
Parfois, les remises sont accordées
par les fournisseurs aux mandataires
en contrepartie de leur engagement
à atteindre un certain volume annuel
de ventes. Dans ce cas, le mandataire
intervient généralement en tant que
courtier ou négociant.
Les tarifs proposés par les mandataires s’expliquent aussi – surtout ? – par
le fait que, n’étant pas membres d’un
réseau de distribution, ils ne sont pas
soumis aux contraintes des concessionnaires qui supportent de lourds
investissements pour satisfaire aux
standards qualitatifs que leur imposent les constructeurs.
Force est de constater que ces standards se sont considérablement durcis
avec l’entrée en vigueur du règlement
européen n° 1400/2002 qui, en voulant
libéraliser le marché, a conduit les
constructeurs à imposer des normes de
sélection plus strictes et des investissements plus importants, notamment au
niveau de l’immobilier. Il en est résulté
une augmentation globale des coûts de
distribution de 20 %, lesquels représentent actuellement près du tiers du prix
d’un véhicule. À titre indicatif, selon des
sources professionnelles, à la fin de
l’année 2010, pour les marques premium, le coût de l’immobilier sera
d’environ 1,2 % du chiffre d’affaires
global et, à la fin de l’année 2012, pour
les marques généralistes qui ont pris du
retard, le poids des standards immobiliers sera de l’ordre de 0,8 % du chiffre
d’affaires global.
Le succès des mandataires tient au
fait qu’ils pratiquent l’automobile
sans concession, et ce dans tous les
sens du terme.
n De l’opacité
à la transparence
Les mandataires sont dits
« transparents » lorsqu’ils contractent au nom et pour le compte d’un
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client identifié que le fournisseur
facturera directement. Le consommateur connaît alors la provenance
de son véhicule et son fournisseur
d’origine. « Le mandataire fournit une
prestation de service. Comme tel, il
n’est pas un vendeur et ne détient pas
le véhicule en stock. À aucun moment
il n’est propriétaire du véhicule, qui
est cédé directement au consommateur par l’établissement vendeur qui
établit la facture au nom du consommateur » (arrêté du 28 oct. 1996). Au
moment de la livraison, le mandataire
doit remettre la facture d’achat à
l’étranger ou en France. Pour l’administration fiscale, le consommateur
est le seul redevable du paiement de
la TVA. Il est donc seul susceptible de
poursuites en cas de non-paiement
de celle-ci.
Les mandataires dits « opaques »
sont également mandatés par un
utilisateur final. Leur source d’approvisionnement se trouve à l’étranger.
Pour des raisons tenant à la fiscalité et
afin de faciliter les démarches administratives en France, ils négocient en
leur propre nom. Néanmoins, le véhicule est facturé par le distributeur au
nom et à l’adresse du mandataire, avec
mention du numéro de TVA intracommunautaire du mandataire mais
avec indication expresse du nom du
mandant, utilisateur final. Le véhicule
est immatriculé au nom du client final
et le mandataire s’acquitte de la TVA
pour le compte du client qui a réglé le
prix. Seul le mandataire est redevable
de la TVA dès lors que le quitus fiscal
a été remis au client.
Le mandataire automobile, qu’il soit
transparent ou opaque, est lié à l’utilisateur final par un contrat de mandat. Il n’achète ni ne vend de véhicule
pour son propre compte. Il se distingue en cela du revendeur non agréé,
professionnel indépendant des réseaux de distribution, qui achète et
revend pour son propre compte, hors
mandat et qui, bien souvent, et de
manière inappropriée, est assimilé au
mandataire.
La confusion provient sans doute du
fait que les jurisprudences communautaire (arrêt rendu par la Cour de
justice des Communautés européennes, 2 e ch., 20 févr. 1997
n° C‑128/95) et interne (Com.,
10 févr. 1998, n° 96-11.281 et n° 9612.980, publiés au bulletin) admettent qu’un opérateur non agréé par
les constructeurs cumule les activités de mandataire stricto sensu et
celle de revendeur libre de véhicules
provenant d’importations parallèles, pourvu que les véhicules aient
été acquis régulièrement.
Dès lors, et sous l’appellation commune et impropre de « mandataires »,
ces professionnels cumulent deux
activités, bien souvent avec succès,
et commercialisent plusieurs milliers
de véhicules automobiles par an.
C’est à juste titre que les concessionnaires, dont la principale source de
revenus – quoique moins rentable –
reste l’activité de vente de véhicules
neufs, les considèrent comme de
redoutables concurrents.
n Une activité
juridiquement loyale
Bien que les concessionnaires ressentent l’activité des mandataires (le
terme « profession » est impropre)
comme une véritable intrusion dans
le circuit de la distribution automobile et l’assimilent à une concurrence
déloyale, il n’en demeure pas moins
qu’elle est parfaitement licite.
Apparue en 1985, à la faveur du
premier règlement d ’e xemption 123‑85, l’activité de mandataire
automobile répond à la volonté du
législateur, tant européen que national, de ne pas restreindre excessivement la concurrence et de garantir « la liberté des consommateurs
de pouvoir acheter un véhicule
automobile n’importe où dans la
Communauté européenne, conformément au principe du marché
unique ». Le principe est clair : « Les
constructeurs ne doivent pas entraver la possibilité pour les mandataires automobiles d’acheter des véhicules neufs pour le compte de
consommateurs finaux » (Réponse
du ministère délégué à l’Industrie,
JO 5 mai 2003).
Les conditions édictées par les autorités européennes sont tout aussi
claires : si le contrat de concession ne
peut pas interdire à un concessionnaire de vendre à des clients par
l’intermédiaire d’un mandataire,
encore faut-il que celui-ci présente
un mandat signé et daté par un client
final particulier précisément déterminé et dont les coordonnées sont
expressément mentionnées. Si tel est
bien le cas, « le mandataire opérant
en tant que tel peut s’approvisionner
en toute transparence auprès d’une
entreprise membre du réseau, et
l’entreprise peut contracter avec lui
sans contradiction aucune avec ses
obligations à l’égard du constructeur
puisqu’il intervient non comme acheteur-revendeur mais au nom et pour
le compte d’un consommateur »
(Thierry Lambert : « Le mandataire
automobile acheteur-revendeur :
autopsie d’une pratique », Dalloz
2006, p. 582).
Si ces dispositions sont de nature à
calmer les ardeurs de certains directeurs de réseau et/ou groupements
de concessionnaires, enclins à livrer
une véritable « chasse aux sorcières »
à l’encontre des mandataires pour
débusquer leurs concessionnaires
fournisseurs, gare toutefois à ceux qui
n’auraient pas pris le soin de mettre
dans leurs dossiers commerciaux une
copie du mandat assortie d’une copie
du document prouvant l’identité et
l’adresse de l’acheteur final…
Gare également aux « mandataires »
qui, sous couvert de cette appellation, se livrent en fait à une
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Les nouveaux défis de la distribution automobile
activité de revendeur non agréé en
s’approvisionnant pour leur propre
compte, en dehors de tout mandat,
soit auprès d’un concessionnaire lié
à son constructeur par une interdiction de revente hors réseau, soit
auprès d’un professionnel, étranger
ou non, ayant acquis prétendument
pour ses besoins, en qualité d’utilisateur final, un nombre important de
véhicules et qui en fait pratique la
revente à d’autres revendeurs indépendants, en violation de l’interdiction de revente de véhicules neufs
insérée à son contrat (exemple : les
sociétés de location).
Le mandataire engage alors sa responsabilité délictuelle « car toute
personne qui aide un contractant à
enfreindre ses obligations contractuelles commet une faute délictuelle » (Marie Malaurie-Vignal :
« De la difficulté de protéger les réseaux contre les distributeurs parallèles », Dalloz, 1998, p. 206).
Ces mandataires pourront être reconnus coupable de complicité dans
la violation d’une obligation de nonconcurrence.
n Un statut hybride
L’activité de mandataire automobile
n’est pas organisée en profession et
n’est donc pas réglementée à ce titre.
Elle est néanmoins soumise aux dispositions du code civil et, en premier
lieu, aux articles 1984 à 2010 relatifs
au mandat.
Le contrat de mandat est également
soumis aux règles relatives à la formation des contrats, et plus généralement au droit des obligations.
Le Conseil national de la consommation a quant à lui rendu en 1996 un
avis « relatif à une meilleure protection du consommateur qui recourt
aux services d’un mandataire automobile » (CNC, avis du 19 mars 1996,
BOCC 23 avr.). L’avis comporte en
annexe plusieurs actes types :
16
L’activité de mandataire automobile n’est pas
organisée en profession et n’est donc pas
réglementée à ce titre. Elle est néanmoins soumise
aux dispositions relatives au mandat du code civil.
– le contrat de mandat de recherche
et de livraison de véhicules neufs ;
– la confirmation du contrat de
mandat ;
– l’avenant au contrat de mandat ;
– le compte-rendu de mandat.
Il doit en outre définir précisément
les caractéristiques du véhicule recherché, la somme totale que le
consommateur entend consacrer à
son acquisition, les prestations incluses dans cette somme, et notamment
le montant de la commission du
mandataire, ainsi que les délais de
livraison.
L’arrêté du 28 octobre 1996 « relatif
à l’information des consommateurs
sur les prix et services effectués par
les mandataires automobiles » (JO
28 nov.) fait obligation aux professionnels qui, au moyen d’un contrat
de mandat, proposent d’effectuer
des opérations afférentes à l’acquisition d’un véhicule neuf, d’afficher
dans les lieux où la prestation est
proposée au public, de manière lisible et visible :
– « le montant TTC de la rémunération perçue par le mandataire, soit
en pourcentage du coût total d’acquisition et de mise à disposition du
véhicule, soit en valeur absolue ;
– la liste des frais annexes payés à
des tiers, en précisant s’ils sont inclus
dans le coût d’acquisition et de mise
à disposition du véhicule ;
– les conditions de paiement et la
nature des garanties financières offertes ;
– les conditions de révocation du
mandat ».
Vis-à-vis de son mandant, la responsabilité du mandataire est contrac-
tuelle (C. civ., art. 1147). La jurisprudence apprécie sévèrement les
obligations du mandataire en affirmant notamment qu’« il appartient
au mandataire de s’assurer que le
véhicule qu’il a recherché pour le
compte de son client dispose des
qualités et équipements requis par
lui et résultant de la commande
mandat » (CA Besançon, 25 sept.
2007, n° RG : 07/587).
Vis-à-vis des tiers, le mandataire n’est
en principe pas tenu personnellement
du contrat. Le contrat de vente de
véhicule est réputé conclu directement entre l’utilisateur final et le
distributeur, tiers contractant. Toutefois, il demeure tenu personnellement
à l’égard des tiers des délits ou quasidélits commis lors de l’exécution du
mandat (Com., 20 avr. 1977 : Petites
Affiches 1978, n° 137, p. 54). Ainsi
peuvent-ils être poursuivis et condamnés pour publicité trompeuse et
concurrence déloyale, notamment
s’ils se présentent faussement comme
vendeur, offrent à la vente des véhicules non disponibles, annoncent des
rabais trompeurs, ou encore proposent des véhicules sous-équipés par
rapport aux modèles distribués par le
réseau de la marque (TGI Sarreguemines, 15 mars 1993 : Contrats, Conc.
Consom. 1993, comm. 109).
Désormais nombre de mandataires
officient via Internet (sur ce sujet, voir
articles pages 19 et 23). Leur activité
de prestataires de service est alors
également soumise aux dispositions
du code de la consommation relatives
aux « ventes de biens et fournitures
de prestations de service à distance »
(C. consom., art. L. 121-16 et s.).
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Dossier
n Le sort de la garantieconstructeur
« Dans le cadre de la vente en réseau,
l’acquéreur d’un véhicule automobile
bénéficie de la garantie conventionnelle du fabricant appelée aussi “garantie-constructeur”, qui lui permet
de faire réparer sa voiture gratuitement pendant un certain délai auprès
de n’importe quel membre du réseau.
C’est une extension conventionnelle
de la garantie des vices cachés »
(Laurence Mauger-Vielpeau : « Le
revendeur non agréé : un concurrent
qui profite des avantages du réseau
sans en supporter les contraintes »,
Dalloz, 2000, p. 341).
La garantie-constructeur est une
garantie européenne, c’est-à-dire
qu’elle doit bénéficier à tous les véhicules vendus par les membres du
réseau en Europe, quel que soit le lieu
d’acquisition. La question s’est donc
posée de savoir si cette garantieconstructeur bénéficie aussi aux véhicules vendus par l’intermédiaire
d’un mandataire.
Si, dans un premier temps, les
constructeurs ont pu penser suppri-
Obligation de garantie du vendeur non agréé
Com., 9 février 2010, n° 08-20.255
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE
COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X...
a acquis de la société Parking Auto
Centrale un véhicule neuf en provenance
d’Espagne ; que ce véhicule ayant connu
diverses pannes, M. X... a assigné la société
Parking Auto Centrale, notamment en
garantie des vices cachés ; qu’invoquant sa
qualité de mandataire automobile et non de
vendeur, la société Parking Auto Centrale a
appelé la Société Importation Automobiles
du Pacifique Sud (la société Sidaps),
concessionnaire de véhicules Mitsubishi en
Nouvelle-Calédonie, en garantie ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième
branche :
Attendu que ce grief ne serait pas de nature
à permettre l’admission du pourvoi ;
Mais sur la première branche du moyen :
Vu l’article 1134 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société
Sidaps à rembourser à M. X... une certaine
somme correspondant aux frais engagés à la
suite du refus de prise en charge du véhicule,
l’arrêt retient que l’article 8 du contrat de
concession prévoit que le concessionnaire
doit offrir une garantie similaire à celle qui
lui a été délivrée par la société Mitsubishi
Motors Corporation, garantie qu’il doit
étendre à ses distributeurs éventuels,
lesquels doivent également l’étendre à leurs
revendeurs de véhicules automobiles ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la
société Parking Auto Centrale n’était ni
un distributeur au sens de l’article 1er du
contrat de concession visant « les entreprises
ou sociétés désignées par le concessionnaire
pour revendre le produit sur le territoire »,
ni le revendeur d’un tel distributeur, mais
un opérateur non agréé tenu d’assurer
l’obligation de garantie auprès de l’acheteur
final quelles que soient les modalités par
laquelle cette obligation s’exerce, la cour
d’appel, qui a dénaturé les termes clairs et
précis du contrat, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de
statuer sur la deuxième branche du moyen :
Casse et annule, mais seulement en ce qu’il
a dit que la société Sidaps ne pouvait refuser
la prise en charge du véhicule de M. X...
dans le cadre de la garantie constructeur et
condamné la société Sidaps à rembourser
à M. X... la somme de 786 523 FCFP
correspondant aux frais engagés à la suite
de ce refus de prise en charge du véhicule,
majorée des intérêts au taux légal à compter
de la demande, l’arrêt rendu le 26 mai
2008, entre les parties, par la cour d’appel
de Nouméa ; remet, en conséquence, sur ce
point, la cause et les parties dans l’état où
elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour
être fait droit, les renvoie devant la cour
d’appel de Nouméa, autrement composée.
mer la concurrence drastique faite
par les mandataires à leur réseau en
refusant leur garantie aux véhicules
acquis par leur intermédiaire, cette
solution, qui n’avait aucun fondement juridique, n’a pu prospérer.
L’intervention d’un mandataire ne
modifie pas les droits relatifs à
l’achat et au service après-vente
accordés tant par le règlement européen n° 1400/2002 du 31 juillet
2002 en vigueur encore jusqu’au
1er juin 2013 que par le droit français : « Le mandant est informé qu’il
bénéficie de la garantie du constructeur auprès de l’ensemble des distributeurs du réseau et reçoit à cet
effet les documents qui permettent
d’y recourir. Cette garantie commence à courir dès la date de sortie
du véhicule du réseau agréé » (arrêté 28 oct. 1996). La marque est
légalement tenue de fournir les
mêmes services après-vente et la
même garantie qu’à un acheteur en
concession.
Cette solution est logique dès lors
que « Le mandataire n’a pas réellement acheté lui-même, puisqu’il n’a
servi que de truchement pour le
véritable acheteur, son mandant,
auquel la garantie est incontestablement due » (Jurisclasseur ContratsDistribution). Le mandataire n’est
pas lié au client final par un contrat
de vente, mais uniquement par un
contrat de mandat, qui ne met pas à
sa charge une obligation de garantie
du véhicule. Il lui appartient néanmoins de remettre à son client tous
les documents nécessaires à la mise
en jeu de cette garantie (carnet
d’entretien, etc.).
Qu’en est-il de la garantie-constructeur si le « mandataire » est en fait
intervenu, hors mandat, en qualité
de revendeur non agréé ? La jurisprudence a précisé que les véhicules
d’importation profitent des mêmes
services et des mêmes garanties : ils
sont couverts par la garantie-
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Dossier z
Les nouveaux défis de la distribution automobile
constructeur. Cette garantie joue à
compter de la date initiale d’achat des
véhicules. Il appartient au vendeur
parallèle d’informer le consommateur de ce qu’une partie de la garantie est écoulée si le véhicule a été
acheté plusieurs mois auparavant.
Par ailleurs, cette garantie se poursuit après leur revente, le vendeur
parallèle étant tenu de prendre en
charge cette obligation de garantie
auprès de l’acheteur final pour le
temps restant à courir (Com., 7 oct.
1997, n° 96-10.495 ; Com., 19 oct.
1999, n° 97-16.506).
Les modalités par lesquelles cette
obligation de garantie doit être exercée par le revendeur non agréé ne
sont néanmoins pas définies. Le droit
reconnu au revendeur non agréé
d’exécuter lui-même la garantie
constructeur et ainsi de procéder aux
réparations nécessaires devrait impliquer à l’évidence celui de se retourner contre le constructeur.
Récemment, la Cour de cassation (voir
encadré page précédente) a eu l’occasion de réaffirmer l’obligation de garantie à laquelle est tenu le vendeur non
agréé à l’égard de l’acheteur final, dans
une affaire où il convient de souligner
que le contrat de mandat a été requalifié en contrat de vente au vu de ses
caractéristiques (notamment indica-
18
tion du numéro de châssis, renseignement particulièrement précis, démontrant qu’il ne s’agissait pas de rechercher
un quelconque véhicule de marque).
Il appartient désormais à la Cour
d’appel de renvoi de dire si c’est à juste
titre, en application du contrat de
concession, que le distributeur agréé
a refusé d’intervenir gratuitement
dans le cadre de la garantie-constructeur sur un véhicule qu’il n’avait pas
vendu et de préciser les modalités
selon lesquelles le vendeur aurait dû
exercer son obligation de garantie.
Nul doute que si le vendeur non agréé
avait fait procéder aux réparations à
ses frais et pris contact avec le distributeur en Espagne pour se faire
rembourser, toutes les parties y
auraient gagné en temps, en argent et
en termes d’image de marque.
Depuis le règlement 461/2010, la distribution de véhicules neufs est traitée
comme tout autre marché où existe
une distribution sélective. L’application de ce règlement ne sera effective
que le 1er juin 2013. Pendant la période
transitoire, le règlement d’exemption
demeure en vigueur. Il devrait aboutir
à une profonde restructuration des
réseaux par un contrôle marqué des
distributeurs par leurs constructeurs,
notamment en termes de géographie
et de propriété.
Avec la disparition de dispositions
européennes favorables aux distributeurs de marque (multimarquisme,
liberté d’approvisionnement en pièces détachées, obligation de motiver
les résiliations, liberté de cession des
entreprises composant les réseaux),
la jurisprudence favorable aux professionnels du marché gris, l’érosion
de la rentabilité des concessions et
l’augmentation de leurs investissements et de leur endettement, la
pérennité de la surproduction de
l’industrie automobile (30 à 35 % en
2010) qui fait le lit des mandataires
et les velléités de la grande distribution de s’essayer à nouveau à la vente
des véhicules neufs à prix cassés
(Auchan en juin 2010), se pose plus
que jamais avec acuité la question de
l’intérêt d’être concessionnaire.
Les distributeurs de marque vont
être contraints à réagir. Certains
pourraient décider que leur salut
passe non plus par une simple collaboration avec les mandataires mais
par une véritable association avec les
mandataires les mieux structurés. À
terme, il n’est pas inenvisageable que
les mandataires les plus importants
deviennent la propriété de groupes
automobiles. n
1. Voir à ce sujet, ce numéro page 49.
jurisprudence automobile • N°823 • novembre 2010 • jurisprudence-automobile.fr