Les nouveaux défis de la distribution automobile
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Les nouveaux défis de la distribution automobile
Dossier z Les nouveaux défis de la distribution automobile Sommaire 13 M andataire automobile, une activité sans concession 19 U n cadre juridique rénové pour les réseaux des constructeurs automobiles 23 L a vente de véhicules automobiles sur Internet 27 L ’utilisation d’Internet dans la distribution automobile : où sont les limites ? Véronique Crouzy 12 jurisprudence automobile • N°823 • novembre 2010 • jurisprudence-automobile.fr Nikolai Sorokin - Fotolia P arce que les règles du jeu dans la distribution automobile sont en train de changer, un arrêt sur image s’impose pour comprendre qui sont aujourd’hui les acteurs qui font ce marché et analyser les incidences juridiques de cette évolution sur leur organisation et leur fonctionnement. Bousculés par l’abandon des règles spécifiques au secteur automobile au profit d’une soumission aux règles générales applicables aux accords de distribution (règl. n° 330/2010), les réseaux traditionnels voient les cartes redistribuées dans la mise en place des nouveaux contrats. La distribution traditionnelle est par ailleurs chahutée par la montée en puissance des mandataires automobiles qui deviennent des intervenants incontournables de la vente sur le terrain et mais aussi de plus en plus sur Internet. En effet, comme pour les autres biens de consommation, la vente d’automobiles en ligne est aujourd’hui une réalité. Sans entrer dans le débat passionnel de ses vertus ou de ses vices, nous analyserons les dispositions que doit respecter tout vendeur professionnel qui commerce par Internet. Dans ce cadre, quelles sont les limitations susceptibles d’être apportées à l’utilisation d’Internet ? La réponse peut varier selon qu’elle est le fait de membres des réseaux de distribution automobile ou de tiers à ces réseaux. À l’heure actuelle, quel que soit le mode de distribution choisi par le constructeur automobile, le règlement 1400/2002, toujours applicable aux ventes de véhicules neufs pendant la période de transition, reconnaît au distributeur le droit d’utiliser Internet. Et en énonçant qu’« en principe, tout distributeur doit être autorisé à utiliser Internet pour vendre ses produits », les lignes directrices du nouveau règlement ne devraient pas bouleverser le régime actuel applicable à la distribution automobile. n dossier MANDATAIRE AUTOMOBILE Une activité sans concession intervenant incontournable, à côté des réseaux traditionnels, le mandataire s’inscrit aujourd’hui comme un acteur majeur du circuit de la distribution automobile. l’intérêt croissant que les consommateurs, mais aussi les distributeurs agréés, peuvent leur porter est l’occasion d’analyser le cadre juridique dans lequel ils exercent, et notamment leur positionnement au regard des revendeurs non agréés. dr L nikolai sorokin - Fotolia Anne-Sophie Bonnault-Daly avocat au barreau de paris, spécialisée en droit du travail et en droit commercial, elle assiste (conseil) et représente (contentieux) les intervenants du secteur de l’automobile. es dépenses liées à l’automobile constituent le deuxième poste de consommation des ménages français et représentent, selon l’Insee, entre 10,5 et 11 % de leur budget. Pour bénéficier d’une baisse des coûts sur l’achat de leur véhicule, 46 % des Français se disent prêts à faire appel à un mandataire plutôt qu’à une marque automobile (étude de l’Observatoire Cetelem de l’automobile 2010). Pour les ménages, le recours aux mandataires s’impose comme une réponse à la crise du pouvoir d’achat et s’inscrit dès lors dans le cadre d’une dépense automobile raisonnée. En effet, en dépit de l’intervention des autorités européennes, les différences de prix au sein de l’Union européenne demeurent importantes et peuvent atteindre, d’un pays à l’autre, pour une même voiture, jusqu’à 20 %. « Ces différences proviennent essentiellement de la politique commerciale des constructeurs, qui baissent fortement leurs prix dans les pays où ils veulent gagner des parts de marché, tout en maintenant des prix plus élevés là où ils sont bien implantés » (Rép. ministère de l’Économie, JO Sénat 29 févr. 1996). La principale motivation du consommateur dans son acte d’achat est désormais financière : c’est le montant de la remise accordée qui va guider son choix entre tel ou tel opérateur. De nombreuses affaires judiciaires ont montré l’existence de mandataires peu scrupuleux et le risque qu’ils représentent parfois pour les consommateurs (fraude à la TVA(1) et disparition des fonds remis notamment). Néanmoins, l’attrait qu’ils exercent reste plus fort que la crainte qu’ils inspirent et leur importance dans le circuit de distribution ne cesse de croître. Pour les professionnels du commerce automobile, notamment les grands groupes, le recours aux mandataires est désormais envisagé comme un Pour bénéficier d’une baisse des coûts sur l’achat de leur véhicule, 46 % des Français se disent prêts à faire appel à un mandataire plutôt qu’à une marque automobile. canal de distribution, au même titre que celui des loueurs courte et longue durées ou des ventes aux entreprises. Ils voient en eux la possibilité d’atteindre une clientèle répartie sur tout le territoire national. Le recours aux mandataires représente également une « sortie de crise », notamment lorsque les distributeurs agréés (concessionnaires ou succursales) peinent à réaliser leurs objectifs tant en terme de volume qu’en terme de mixte (combinaison de véhicules provenant des différentes lignes de produits du constructeur) ou lorsque les véhicules s’accumulent sur parc sans trouver preneur (modèles aux coloris atypiques, véhicules commandés mais non achetés, modèles en fin d’année ou d’année précédente, exemplaires difficiles à écouler ou à faibles marges). En 2009, un peu plus de 2,25 millions de véhicules se sont vendus en France, grâce notamment à la prime à la casse. Effectuant environ 3 % du marché des ventes de véhicules neufs (soit environ 70 000 véhicules, dont 1,5 % effectué par Carami), les mandataires deviennent des intervenants incontournables de la distribution automobile à côté des réseaux traditionnels. Leur nombre croît sans cesse sur le territoire national et sur Internet sans qu’il soit possible jurisprudence automobile • n°823 • novembre 2010 • jurisprudence-automobile.fr ... 13 Dossier z Les nouveaux défis de la distribution automobile d’obtenir des données chiffrées car ils ne sont pas regroupés au sein d’instances professionnelles. Qui sont-ils ? Quel est leur rôle ? Auprès de qui s’approvisionnent-ils ? Quelles sont leurs obligations vis-àvis du consommateur ? Autant de questions auxquelles cette étude va tenter de répondre… n Un intermédiaire, pas un vendeur Les mandataires automobiles ne sont pas des vendeurs de véhicules automobiles, mais des prestataires de service, indépendants de tout réseau de distribution, qui participent activement à une distribution automobile multimarque. Ils agissent en qualité d’intermédiaire entre un client particulier et un fournisseur (distributeur, succursales et filiales des constructeurs, loueurs ou revendeurs), dont la mission est de rechercher, de négocier, voire de livrer, pour un meilleur prix, au nom et pour le compte de leurs clients, des véhicules neufs ou d’occasion vendus en France ou dans d’autres pays européens, voire à l’extérieur de l’Europe. Ils se chargent généralement des formalités administratives, surtout si le véhicule est acquis à l’étranger. Par véhicule neuf, il faut entendre bien souvent des véhicules « fiscalement neufs », à savoir « les véhicules terrestres dont la livraison est effectuée dans les six mois suivant la première mise en service ou qui ont parcouru moins de 6 000 kilomètres » (CGI, art. 29 sexies). La seule immatriculation d’un véhicule, même provisoire pour les seuls besoins de son importation, ôte à celui-ci sa qualité de véhicule neuf (Crim., 10 janv. 1995, n° 94-80.215). Idem en cas de faible kilométrage. Les mandataires proposent, comme les distributeurs agréés, la possibilité de souscrire une extension de garan- 14 tie, un contrat d’entretien, un financement, une location avec option d’achat ou autre. L’attrait de ces prestataires réside d’une part dans le large choix d’automobiles qu’ils proposent, mais éga- Le mandataire automobile agit en tant qu’intermédiaire entre un particulier et un fournisseur. Il recherche, négocie, voire livre, pour un meilleur prix, des véhicules vendus en France ou dans d’autres pays. lement et surtout dans leur offre de prix qui défie toute concurrence (octroi de remise pouvant aller de 5 à 35 %) et qui tient d’une part à leurs modalités d’approvisionnement, qui leur garantissent de fortes remises par les professionnels du commerce de l’automobile, d’autre part à leur mode d’exercice. n De multiples sources d’approvisionnement Leurs sources d’approvisionnement sont multiples : concessionnaires français ou étrangers, filiales ou succursales des constructeurs, sociétés de location ou de crédit-bail, grossistes. Les véhicules proviennent d’opérations de déstockage, de lots d’invendus ou de distributeurs agréés qui, peinant à réaliser les objectifs que leur assignent les constructeurs, n’hésitent pas à « pousser de la tôle », quitte le plus souvent à abandonner leur marge, non seulement sur les véhicules dont ils souhaitent se débarrasser mais également sur des produits dits « chauds » c’est-à-dire des véhicules très demandés par les consommateurs et qu’ils pourraient vendre facilement et sans intermédiaire. Parfois, les remises sont accordées par les fournisseurs aux mandataires en contrepartie de leur engagement à atteindre un certain volume annuel de ventes. Dans ce cas, le mandataire intervient généralement en tant que courtier ou négociant. Les tarifs proposés par les mandataires s’expliquent aussi – surtout ? – par le fait que, n’étant pas membres d’un réseau de distribution, ils ne sont pas soumis aux contraintes des concessionnaires qui supportent de lourds investissements pour satisfaire aux standards qualitatifs que leur imposent les constructeurs. Force est de constater que ces standards se sont considérablement durcis avec l’entrée en vigueur du règlement européen n° 1400/2002 qui, en voulant libéraliser le marché, a conduit les constructeurs à imposer des normes de sélection plus strictes et des investissements plus importants, notamment au niveau de l’immobilier. Il en est résulté une augmentation globale des coûts de distribution de 20 %, lesquels représentent actuellement près du tiers du prix d’un véhicule. À titre indicatif, selon des sources professionnelles, à la fin de l’année 2010, pour les marques premium, le coût de l’immobilier sera d’environ 1,2 % du chiffre d’affaires global et, à la fin de l’année 2012, pour les marques généralistes qui ont pris du retard, le poids des standards immobiliers sera de l’ordre de 0,8 % du chiffre d’affaires global. Le succès des mandataires tient au fait qu’ils pratiquent l’automobile sans concession, et ce dans tous les sens du terme. n De l’opacité à la transparence Les mandataires sont dits « transparents » lorsqu’ils contractent au nom et pour le compte d’un jurisprudence automobile • N°823 • novembre 2010 • jurisprudence-automobile.fr Dossier client identifié que le fournisseur facturera directement. Le consommateur connaît alors la provenance de son véhicule et son fournisseur d’origine. « Le mandataire fournit une prestation de service. Comme tel, il n’est pas un vendeur et ne détient pas le véhicule en stock. À aucun moment il n’est propriétaire du véhicule, qui est cédé directement au consommateur par l’établissement vendeur qui établit la facture au nom du consommateur » (arrêté du 28 oct. 1996). Au moment de la livraison, le mandataire doit remettre la facture d’achat à l’étranger ou en France. Pour l’administration fiscale, le consommateur est le seul redevable du paiement de la TVA. Il est donc seul susceptible de poursuites en cas de non-paiement de celle-ci. Les mandataires dits « opaques » sont également mandatés par un utilisateur final. Leur source d’approvisionnement se trouve à l’étranger. Pour des raisons tenant à la fiscalité et afin de faciliter les démarches administratives en France, ils négocient en leur propre nom. Néanmoins, le véhicule est facturé par le distributeur au nom et à l’adresse du mandataire, avec mention du numéro de TVA intracommunautaire du mandataire mais avec indication expresse du nom du mandant, utilisateur final. Le véhicule est immatriculé au nom du client final et le mandataire s’acquitte de la TVA pour le compte du client qui a réglé le prix. Seul le mandataire est redevable de la TVA dès lors que le quitus fiscal a été remis au client. Le mandataire automobile, qu’il soit transparent ou opaque, est lié à l’utilisateur final par un contrat de mandat. Il n’achète ni ne vend de véhicule pour son propre compte. Il se distingue en cela du revendeur non agréé, professionnel indépendant des réseaux de distribution, qui achète et revend pour son propre compte, hors mandat et qui, bien souvent, et de manière inappropriée, est assimilé au mandataire. La confusion provient sans doute du fait que les jurisprudences communautaire (arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes, 2 e ch., 20 févr. 1997 n° C‑128/95) et interne (Com., 10 févr. 1998, n° 96-11.281 et n° 9612.980, publiés au bulletin) admettent qu’un opérateur non agréé par les constructeurs cumule les activités de mandataire stricto sensu et celle de revendeur libre de véhicules provenant d’importations parallèles, pourvu que les véhicules aient été acquis régulièrement. Dès lors, et sous l’appellation commune et impropre de « mandataires », ces professionnels cumulent deux activités, bien souvent avec succès, et commercialisent plusieurs milliers de véhicules automobiles par an. C’est à juste titre que les concessionnaires, dont la principale source de revenus – quoique moins rentable – reste l’activité de vente de véhicules neufs, les considèrent comme de redoutables concurrents. n Une activité juridiquement loyale Bien que les concessionnaires ressentent l’activité des mandataires (le terme « profession » est impropre) comme une véritable intrusion dans le circuit de la distribution automobile et l’assimilent à une concurrence déloyale, il n’en demeure pas moins qu’elle est parfaitement licite. Apparue en 1985, à la faveur du premier règlement d ’e xemption 123‑85, l’activité de mandataire automobile répond à la volonté du législateur, tant européen que national, de ne pas restreindre excessivement la concurrence et de garantir « la liberté des consommateurs de pouvoir acheter un véhicule automobile n’importe où dans la Communauté européenne, conformément au principe du marché unique ». Le principe est clair : « Les constructeurs ne doivent pas entraver la possibilité pour les mandataires automobiles d’acheter des véhicules neufs pour le compte de consommateurs finaux » (Réponse du ministère délégué à l’Industrie, JO 5 mai 2003). Les conditions édictées par les autorités européennes sont tout aussi claires : si le contrat de concession ne peut pas interdire à un concessionnaire de vendre à des clients par l’intermédiaire d’un mandataire, encore faut-il que celui-ci présente un mandat signé et daté par un client final particulier précisément déterminé et dont les coordonnées sont expressément mentionnées. Si tel est bien le cas, « le mandataire opérant en tant que tel peut s’approvisionner en toute transparence auprès d’une entreprise membre du réseau, et l’entreprise peut contracter avec lui sans contradiction aucune avec ses obligations à l’égard du constructeur puisqu’il intervient non comme acheteur-revendeur mais au nom et pour le compte d’un consommateur » (Thierry Lambert : « Le mandataire automobile acheteur-revendeur : autopsie d’une pratique », Dalloz 2006, p. 582). Si ces dispositions sont de nature à calmer les ardeurs de certains directeurs de réseau et/ou groupements de concessionnaires, enclins à livrer une véritable « chasse aux sorcières » à l’encontre des mandataires pour débusquer leurs concessionnaires fournisseurs, gare toutefois à ceux qui n’auraient pas pris le soin de mettre dans leurs dossiers commerciaux une copie du mandat assortie d’une copie du document prouvant l’identité et l’adresse de l’acheteur final… Gare également aux « mandataires » qui, sous couvert de cette appellation, se livrent en fait à une jurisprudence automobile • N°823 • novembre 2010 • jurisprudence-automobile.fr ... 15 Dossier z Les nouveaux défis de la distribution automobile activité de revendeur non agréé en s’approvisionnant pour leur propre compte, en dehors de tout mandat, soit auprès d’un concessionnaire lié à son constructeur par une interdiction de revente hors réseau, soit auprès d’un professionnel, étranger ou non, ayant acquis prétendument pour ses besoins, en qualité d’utilisateur final, un nombre important de véhicules et qui en fait pratique la revente à d’autres revendeurs indépendants, en violation de l’interdiction de revente de véhicules neufs insérée à son contrat (exemple : les sociétés de location). Le mandataire engage alors sa responsabilité délictuelle « car toute personne qui aide un contractant à enfreindre ses obligations contractuelles commet une faute délictuelle » (Marie Malaurie-Vignal : « De la difficulté de protéger les réseaux contre les distributeurs parallèles », Dalloz, 1998, p. 206). Ces mandataires pourront être reconnus coupable de complicité dans la violation d’une obligation de nonconcurrence. n Un statut hybride L’activité de mandataire automobile n’est pas organisée en profession et n’est donc pas réglementée à ce titre. Elle est néanmoins soumise aux dispositions du code civil et, en premier lieu, aux articles 1984 à 2010 relatifs au mandat. Le contrat de mandat est également soumis aux règles relatives à la formation des contrats, et plus généralement au droit des obligations. Le Conseil national de la consommation a quant à lui rendu en 1996 un avis « relatif à une meilleure protection du consommateur qui recourt aux services d’un mandataire automobile » (CNC, avis du 19 mars 1996, BOCC 23 avr.). L’avis comporte en annexe plusieurs actes types : 16 L’activité de mandataire automobile n’est pas organisée en profession et n’est donc pas réglementée à ce titre. Elle est néanmoins soumise aux dispositions relatives au mandat du code civil. – le contrat de mandat de recherche et de livraison de véhicules neufs ; – la confirmation du contrat de mandat ; – l’avenant au contrat de mandat ; – le compte-rendu de mandat. Il doit en outre définir précisément les caractéristiques du véhicule recherché, la somme totale que le consommateur entend consacrer à son acquisition, les prestations incluses dans cette somme, et notamment le montant de la commission du mandataire, ainsi que les délais de livraison. L’arrêté du 28 octobre 1996 « relatif à l’information des consommateurs sur les prix et services effectués par les mandataires automobiles » (JO 28 nov.) fait obligation aux professionnels qui, au moyen d’un contrat de mandat, proposent d’effectuer des opérations afférentes à l’acquisition d’un véhicule neuf, d’afficher dans les lieux où la prestation est proposée au public, de manière lisible et visible : – « le montant TTC de la rémunération perçue par le mandataire, soit en pourcentage du coût total d’acquisition et de mise à disposition du véhicule, soit en valeur absolue ; – la liste des frais annexes payés à des tiers, en précisant s’ils sont inclus dans le coût d’acquisition et de mise à disposition du véhicule ; – les conditions de paiement et la nature des garanties financières offertes ; – les conditions de révocation du mandat ». Vis-à-vis de son mandant, la responsabilité du mandataire est contrac- tuelle (C. civ., art. 1147). La jurisprudence apprécie sévèrement les obligations du mandataire en affirmant notamment qu’« il appartient au mandataire de s’assurer que le véhicule qu’il a recherché pour le compte de son client dispose des qualités et équipements requis par lui et résultant de la commande mandat » (CA Besançon, 25 sept. 2007, n° RG : 07/587). Vis-à-vis des tiers, le mandataire n’est en principe pas tenu personnellement du contrat. Le contrat de vente de véhicule est réputé conclu directement entre l’utilisateur final et le distributeur, tiers contractant. Toutefois, il demeure tenu personnellement à l’égard des tiers des délits ou quasidélits commis lors de l’exécution du mandat (Com., 20 avr. 1977 : Petites Affiches 1978, n° 137, p. 54). Ainsi peuvent-ils être poursuivis et condamnés pour publicité trompeuse et concurrence déloyale, notamment s’ils se présentent faussement comme vendeur, offrent à la vente des véhicules non disponibles, annoncent des rabais trompeurs, ou encore proposent des véhicules sous-équipés par rapport aux modèles distribués par le réseau de la marque (TGI Sarreguemines, 15 mars 1993 : Contrats, Conc. Consom. 1993, comm. 109). Désormais nombre de mandataires officient via Internet (sur ce sujet, voir articles pages 19 et 23). Leur activité de prestataires de service est alors également soumise aux dispositions du code de la consommation relatives aux « ventes de biens et fournitures de prestations de service à distance » (C. consom., art. L. 121-16 et s.). jurisprudence automobile • N°823 • novembre 2010 • jurisprudence-automobile.fr Dossier n Le sort de la garantieconstructeur « Dans le cadre de la vente en réseau, l’acquéreur d’un véhicule automobile bénéficie de la garantie conventionnelle du fabricant appelée aussi “garantie-constructeur”, qui lui permet de faire réparer sa voiture gratuitement pendant un certain délai auprès de n’importe quel membre du réseau. C’est une extension conventionnelle de la garantie des vices cachés » (Laurence Mauger-Vielpeau : « Le revendeur non agréé : un concurrent qui profite des avantages du réseau sans en supporter les contraintes », Dalloz, 2000, p. 341). La garantie-constructeur est une garantie européenne, c’est-à-dire qu’elle doit bénéficier à tous les véhicules vendus par les membres du réseau en Europe, quel que soit le lieu d’acquisition. La question s’est donc posée de savoir si cette garantieconstructeur bénéficie aussi aux véhicules vendus par l’intermédiaire d’un mandataire. Si, dans un premier temps, les constructeurs ont pu penser suppri- Obligation de garantie du vendeur non agréé Com., 9 février 2010, n° 08-20.255 LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant : Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a acquis de la société Parking Auto Centrale un véhicule neuf en provenance d’Espagne ; que ce véhicule ayant connu diverses pannes, M. X... a assigné la société Parking Auto Centrale, notamment en garantie des vices cachés ; qu’invoquant sa qualité de mandataire automobile et non de vendeur, la société Parking Auto Centrale a appelé la Société Importation Automobiles du Pacifique Sud (la société Sidaps), concessionnaire de véhicules Mitsubishi en Nouvelle-Calédonie, en garantie ; Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche : Attendu que ce grief ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ; Mais sur la première branche du moyen : Vu l’article 1134 du code civil ; Attendu que pour condamner la société Sidaps à rembourser à M. X... une certaine somme correspondant aux frais engagés à la suite du refus de prise en charge du véhicule, l’arrêt retient que l’article 8 du contrat de concession prévoit que le concessionnaire doit offrir une garantie similaire à celle qui lui a été délivrée par la société Mitsubishi Motors Corporation, garantie qu’il doit étendre à ses distributeurs éventuels, lesquels doivent également l’étendre à leurs revendeurs de véhicules automobiles ; Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la société Parking Auto Centrale n’était ni un distributeur au sens de l’article 1er du contrat de concession visant « les entreprises ou sociétés désignées par le concessionnaire pour revendre le produit sur le territoire », ni le revendeur d’un tel distributeur, mais un opérateur non agréé tenu d’assurer l’obligation de garantie auprès de l’acheteur final quelles que soient les modalités par laquelle cette obligation s’exerce, la cour d’appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du contrat, a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen : Casse et annule, mais seulement en ce qu’il a dit que la société Sidaps ne pouvait refuser la prise en charge du véhicule de M. X... dans le cadre de la garantie constructeur et condamné la société Sidaps à rembourser à M. X... la somme de 786 523 FCFP correspondant aux frais engagés à la suite de ce refus de prise en charge du véhicule, majorée des intérêts au taux légal à compter de la demande, l’arrêt rendu le 26 mai 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Nouméa ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nouméa, autrement composée. mer la concurrence drastique faite par les mandataires à leur réseau en refusant leur garantie aux véhicules acquis par leur intermédiaire, cette solution, qui n’avait aucun fondement juridique, n’a pu prospérer. L’intervention d’un mandataire ne modifie pas les droits relatifs à l’achat et au service après-vente accordés tant par le règlement européen n° 1400/2002 du 31 juillet 2002 en vigueur encore jusqu’au 1er juin 2013 que par le droit français : « Le mandant est informé qu’il bénéficie de la garantie du constructeur auprès de l’ensemble des distributeurs du réseau et reçoit à cet effet les documents qui permettent d’y recourir. Cette garantie commence à courir dès la date de sortie du véhicule du réseau agréé » (arrêté 28 oct. 1996). La marque est légalement tenue de fournir les mêmes services après-vente et la même garantie qu’à un acheteur en concession. Cette solution est logique dès lors que « Le mandataire n’a pas réellement acheté lui-même, puisqu’il n’a servi que de truchement pour le véritable acheteur, son mandant, auquel la garantie est incontestablement due » (Jurisclasseur ContratsDistribution). Le mandataire n’est pas lié au client final par un contrat de vente, mais uniquement par un contrat de mandat, qui ne met pas à sa charge une obligation de garantie du véhicule. Il lui appartient néanmoins de remettre à son client tous les documents nécessaires à la mise en jeu de cette garantie (carnet d’entretien, etc.). Qu’en est-il de la garantie-constructeur si le « mandataire » est en fait intervenu, hors mandat, en qualité de revendeur non agréé ? La jurisprudence a précisé que les véhicules d’importation profitent des mêmes services et des mêmes garanties : ils sont couverts par la garantie- jurisprudence automobile • N°823 • novembre 2010 • jurisprudence-automobile.fr ... 17 Dossier z Les nouveaux défis de la distribution automobile constructeur. Cette garantie joue à compter de la date initiale d’achat des véhicules. Il appartient au vendeur parallèle d’informer le consommateur de ce qu’une partie de la garantie est écoulée si le véhicule a été acheté plusieurs mois auparavant. Par ailleurs, cette garantie se poursuit après leur revente, le vendeur parallèle étant tenu de prendre en charge cette obligation de garantie auprès de l’acheteur final pour le temps restant à courir (Com., 7 oct. 1997, n° 96-10.495 ; Com., 19 oct. 1999, n° 97-16.506). Les modalités par lesquelles cette obligation de garantie doit être exercée par le revendeur non agréé ne sont néanmoins pas définies. Le droit reconnu au revendeur non agréé d’exécuter lui-même la garantie constructeur et ainsi de procéder aux réparations nécessaires devrait impliquer à l’évidence celui de se retourner contre le constructeur. Récemment, la Cour de cassation (voir encadré page précédente) a eu l’occasion de réaffirmer l’obligation de garantie à laquelle est tenu le vendeur non agréé à l’égard de l’acheteur final, dans une affaire où il convient de souligner que le contrat de mandat a été requalifié en contrat de vente au vu de ses caractéristiques (notamment indica- 18 tion du numéro de châssis, renseignement particulièrement précis, démontrant qu’il ne s’agissait pas de rechercher un quelconque véhicule de marque). Il appartient désormais à la Cour d’appel de renvoi de dire si c’est à juste titre, en application du contrat de concession, que le distributeur agréé a refusé d’intervenir gratuitement dans le cadre de la garantie-constructeur sur un véhicule qu’il n’avait pas vendu et de préciser les modalités selon lesquelles le vendeur aurait dû exercer son obligation de garantie. Nul doute que si le vendeur non agréé avait fait procéder aux réparations à ses frais et pris contact avec le distributeur en Espagne pour se faire rembourser, toutes les parties y auraient gagné en temps, en argent et en termes d’image de marque. Depuis le règlement 461/2010, la distribution de véhicules neufs est traitée comme tout autre marché où existe une distribution sélective. L’application de ce règlement ne sera effective que le 1er juin 2013. Pendant la période transitoire, le règlement d’exemption demeure en vigueur. Il devrait aboutir à une profonde restructuration des réseaux par un contrôle marqué des distributeurs par leurs constructeurs, notamment en termes de géographie et de propriété. Avec la disparition de dispositions européennes favorables aux distributeurs de marque (multimarquisme, liberté d’approvisionnement en pièces détachées, obligation de motiver les résiliations, liberté de cession des entreprises composant les réseaux), la jurisprudence favorable aux professionnels du marché gris, l’érosion de la rentabilité des concessions et l’augmentation de leurs investissements et de leur endettement, la pérennité de la surproduction de l’industrie automobile (30 à 35 % en 2010) qui fait le lit des mandataires et les velléités de la grande distribution de s’essayer à nouveau à la vente des véhicules neufs à prix cassés (Auchan en juin 2010), se pose plus que jamais avec acuité la question de l’intérêt d’être concessionnaire. Les distributeurs de marque vont être contraints à réagir. Certains pourraient décider que leur salut passe non plus par une simple collaboration avec les mandataires mais par une véritable association avec les mandataires les mieux structurés. À terme, il n’est pas inenvisageable que les mandataires les plus importants deviennent la propriété de groupes automobiles. n 1. Voir à ce sujet, ce numéro page 49. jurisprudence automobile • N°823 • novembre 2010 • jurisprudence-automobile.fr