LES NUITS DE CABIRIA Le notti di Cabiria de Federico
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LES NUITS DE CABIRIA Le notti di Cabiria de Federico
LES NUITS DE CABIRIA Le notti di Cabiria de Federico FELLINI – Italie - 1957 110 min - Noir & Blanc Un dossier réalisé par l'espace Histoire-Image de la médiathèque de Pessac dans le cadre des Ciné-Mémoires du Pôle régional d'éducation artistique et de formation au cinéma et à l'audiovisuel (Aquitaine) Scénario : Federico Fellini, Ennio Flaiano, Tullio Pinelli Dialoguistes : Pier Paolo Pasolini Directeurs de la photographie : Aldo Tonti, Otello Martelli Compositeur de la musique : Nino Rota Directeur artistique et Costumes : Piero Gherardi Monteurs : Leo Catozzo, Adriana Olasio Conseiller artistique : Brunello Rondi Production : Dino de Laurentiis Cinematografica (Rome), Les Films Marceau (Paris) Directeur de production : Luigi De Laurentiis Sortie en France en 1957 Distributeur : Connaissance du cinéma Interprétation Giulietta Masina.... Cabiria Amedeo Nazzari.... Alberto Lazzari Dorian Gray .... Jessy Maria Luisa Rolando.... Marisa Polidor.... Le moine François Périer.... Oscar D'Onofrio Franca Marzi.... Wanda Pina Gualandri .... Matilda Loretta Capitoli.... Rosy Aldo Silvani.... L’hypnotiseur Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC -1- Résumé Cabiria est une prostituée romaine qui exerce son métier sur la Promenade Archéologique. C'est une fille candide que l'on abuse facilement. Ainsi Giorgio, son amant, la pousse dans le Tibre pour lui voler son sac et son argent. Elles est sauvée de la noyade par des enfants... Un peu plus tard, alors qu'elle fait le trottoir sur la Via Veneto, Cabiria est abordée par le grand acteur Alberto Lazzari, qui venant de se quereller avec son amie Jessy, l'entraîne dans un cabaret, puis dans sa somptueuse villa de la Via Appia. La pauvre fille rayonne de fierté. Quand survient Jessy, Lazzari la cache dans un cabinet de toilette où elle passe le reste de la nuit pendant que les amants se réconcilient. Quelques jours après, Cabaria accompagne ses consoeurs au pélerinage de Divino Amore. Tandis que toutes prient pour obtenir des grâces matérielles, Cabiria supplie la Madone de faire que sa vie change. Un peu plus tard, au passage d'une procession rencontrée au cours d'une partie de campagne, elle manifeste son dépit de ne pas avoir été exaucée... Cependant dans la rue, un jeune homme, Oscar, l'aborde avec timidité et prévenance. D'abord méfiante, puis curieuse, Cabiria finit par s'attendrir. Au cours des quelques rendez-vous qu'elle lui accorde, Oscar dévoile peu à peu ses intentions et lui demande de l'épouser. Folle de joie, Cabiria vent sa maison, rassemble ses économies, prend congé de son amie Wanda pour aller vivre avec lui. C'est alors qu'elle découvre que lui aussi n'en voulait qu'à son argent. Et, tandis qu'il s'enfuit avec le sac qu'elle lui a abandonné, Cabiria, appelant la mort, s'écroule en pleurant. A l'aube, tandis qu'elle regagne dans un total état d'hébétude la route de Rome, elle rencontre, à l'orée d'un bois, un groupe de jeunes qui, jouant de la musique, l'entourent et la saluent. A travers ses larmes, naît un sourire. Source : Ciné-club de Caen : http://www.cineclubdecaen.com/index.html. Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC -2- Biographie ... Né le 20 janvier 1920 à Rimini / † le 31 octobre 1993 à Rome Issu d'une famille de la petite bourgeoisie italienne, Federico Fellini commence d'abord une carrière de journaliste qui le conduit à l'écriture de scénarios. Il collabore notamment à Rome Ville ouverte de Roberto Rossellini. Ses premiers films, en s'intéressant à la vie des humbles gens et des marginaux l'inscrivent pleinement dans la veine néo-réaliste. Le succès de La Dolce Vita en 1960 assoit sa réputation. Ce film marque le début d'une longue amitié avec Marcello Mastroianni, son double dans les films qui suivront. Ses souvenirs d'enfance, réels ou rêvés, sont sa principale source d'inspiration. Son regard sans condescendance sur son passé (ou plus généralement sur le passé) alimente ses angoisses existentialistes dont l'expression touche à l'Universel, grâce à la poésie qui s'en dégage. Il reçoit un Oscar d'honneur pour l'ensemble de sa carrière en 1993. En sav o ir plus : http://www.federico-fellini.net/accueil/accueil.htm ... Filmographie Réalisateur / Scénariste 1950 - Les Feux du music-hall (avec Alberto Lattuada) 1951 - Le Cheik blanc 1953 - L'Amour à la ville : Agence matrimoniale 1953 - Les Inutiles ou Les Vitelloni 1954 - Strada (La) 1955 - Bidone (Il) 1956 - Les nuits de Cabiria 1959 - Dolce vita / Douceur de vivre (La) 1961 - Boccace 70 : Les Tentations du professeur Antoine 1962 - Huit et demi 1964 - Juliette des esprits 1967 - Histoires extraordinaires : Il ne faut jamais parier sa tête avec le diable 1969 - Bloc-notes d'un cinéaste (court métrage) 1969 - Satyricon 1970 - Clowns (I) 1971 - Fellini Roma 1973 - Amarcord Interprète 1975 – Casanova 1947 - Amore (L') (de Roberto Rossellini) 1978 - Répétition d'orchestre 1970 - Alex in wonderland (de Paul Mazursky) 1979 - Cité des femmes (La) 1971 - Fellini Roma 1982 - Et vogue le navire 1974 - Nous nous sommes tant aimés 1985 - Ginger et Fred (de Ettore Scola) 1987 - Intervista 1983 - Tassinaro (Il) (de Alberto Sordi) 1989 - Voce della luna (La) 1987 - Intervista (de Federico Fellini) E n s a v o i r p l u s s u r l e s f i l m o g r a p h i e s : http://www.bifi.fr Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC -3- Quelques repères dans l'histoire du cinéma italien Les Nui ts de Cabiria se situent entre deux grandes périodes du cinéma italien : le néoréalisme et l'âge d'or des années 60 et 70. Si de par sa date de réalisation, Le s Nui ts de Cabiria se situe hors cette première période de référence du cinéma italien, ce film s'inscrit dans la première partie de la production de Federico Fellini (entre 1950 et 1957) qui s'ancre dans le néo-réalisme avec . En cela, les Nui ts de Cabi ria se présente comme un film charnière, teinté de « réalisme onirique ». Par ailleurs, Federico Fellini fait partie des cinéastes qui poursuivront une oeuvre exceptionnelle pendant l'âge d'or du cinéma italien. Le néo-réalisme italien : présentation du mouvement En opposition parfaite avec l'insouciance et la légèreté de la période dite des Téléphones blancs, le mouvement cinématographique du néo-réalisme fait son apparition en Italie au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il va couvrir la période allant de 1943 à 1955. La principale caractéristique de ce courant est de présenter le quotidien en l'état, en adoptant une position moyenne entre scénario, réalité et documentaire et en se servant souvent de gens de la rue à la place d'acteurs professionnels, en quelque sorte en romançant la « vraie vie ». La pénurie de moyens pour les films hors de la ligne du gouvernement fasciste avant sa chute en 1943 puis pour tous après, l'indisponibilité par manque de finances des plateaux de tournage après 1944 contraignent de tourner dans la rue, d'acclimater les longs métrages dans les lieux authentiques : cela devient une sorte de code stylistique du néorealisme qui va puiser dans ces apparentes contraintes une incontestable qualité de vérité. Les autres caractéristiques du néoréalisme sont d'une part, le déplacement du regard du réalisateur porté sur l'individu vers la collectivité (l'individu ne peut exister sans son contexte social, et ensuite on « zoome »), d'autre part, une prédilection pour la narration (on préfère raconter une situation plutôt que de mettre en scène une longue explication) et enfin, la prééminence de l'analyse lucide des scènes douloureuses et de la critique ouverte de l'autorité en place, cruelle ou indifférente. Ce retour au réel permet au cinéaste de se faire l'écho des interrogations de la société italienne et de pratiquer un examen de conscience de cette société meurtrie par la guerre et par le fascisme. Comme le montre Barthelemy Amengual, cet examen de conscience s'accompagne d'une prise de position face au réel que l'on montre. Cette prise de position s'est faite selon trois tendances principales : - Chrétienne (Rossellini, De Sica, Fellini) - Marxiste (De Santis, Visconti) - Agnostique (Blasetti, Zampa) L'intention des cinéastes néoréalistes était de faire des films utiles, de changer la réalité en la transposant de manière très précise à l'écran. Il est à noter que les films néoréalistes n'étaient pas majoritaires dans la production italienne de films de l'époque et bien que souvent chaleureusement reçu par les critiques, ils n'eurent que très Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC -4- rarement le succès populaire espéré. Pour conclure, bien que ce mouvement fut très bref et bien qu'il ne compte qu'une cinquantaine de films à son actif, il fut très important pour le cinéma italien d'après guerre et lança de nombreux réalisateurs majeurs de la seconde moitié du vingtième siècle et servi de modèle et d'inspiration à de nombreux autres. Sources : http://fr.wikipedia.org http://frames.free.fr/neorealisme.htm L'âge d'or du cinéma italien – Le miracle économique Le pays entre dans les années 60 avec l'impression que le miracle économique est en train de balayer tous les obstacles. L'Italie devient un extraordinaire laboratoire social où cohabitent des maentalités, des traditions culturelles et morales profondément différentes. La fracture entre le Nord et le Sud tend encore à se creuser. Ainsi dans les facettes d'une société aux mille visages, les auteurs de films – fidèles à la tradition réaliste – peuvent trouver tous les matérieux « humains » dont ils ontbesoin pour construire leurs oeuvres. La richesse du cinéma italien se mesure alors à sa diversité et à l'équilibre relativement harmonieux entre un cinéma d'auteru et un cinéma de genre, entre des films politiquement engagés et des oeuvres de pur divertissement destinées à un public qui n'a pas encore délaissé les salles de cinéma pour le petit écran de la télévision. Ce n'est pas par hasard que se développe au début des années 60, la comédie « à l'italienne », avec des oeuvres inoubliables. Dans La Grande Pagaille , Luigi Comencini évoque la confusion qui règne en Italie en 1943, à un moment de transition entre la chute du fascisme et la naissance de la Résistance à l'oppression nazie ; avec Une v ie difficile , La Marche sur Ro me , Les Monstres , Dino Risi évoque le passé fasciste de l'Italie, la difficile reconstruction morale du pays et la vaine folie du boom économique ; avec La Grande Gue rre et Les Cama rades , Mario Monicelli se penche en termes comiques sur les luttes ouvrières du siècle derniers et sur la terrible épreuve de la Première Guerre Mondiale ; enfin, avec Div o rc e à l'i talienne , Pietro Germi dénonce les aberrations du code pénal italien, qui permet à un mari trompé d'assassiner sa femme sans encourir autre chose qu'une légère peine de prison, tandis qu'avec Ces m e ss ieur s-da mes (Palme d'Or à Cannes en 1966), il fait une description au vitriol de la bonne société d'une ville de Vénétie. La puissance économique, fondée en partie sur les coproduction s réalisées avec la France, est bien réelle et , jusqu'au milieu des années 70, la production dépasse les deux cents films par an – en 1964, elle atteint même 315 films. De surcroît, les films italiens connaissent un grand sucxcès international. – Les maîtres au travail dans les années 60 et 70 A cette époque, des auteurs prestigieux, qui avaient parfois connu des difficultés, signent à nouveau des oeuvres en harmonie avec leur passé. Roberto Rossellini revient aux sujets liés à la guerre avec Le Général De lla Rov e rte et Les Ev adés de la nuit , avant de mettre en scène, en 1961, deux films historiques, Viv a l'It alia et Vanina Vani ni . Vittorio De Sica retrouve une veine féconde avec La Cioc iara d'après le roman de Moravia, Le Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC -5- Jug e men t de rnie r, Mariage à l'i talienne , Le ja rdin des Finzi Cont ini en 1970. Giuseppe De Santis donne en 1964 toute la mesure de son lyrisme avec une oeuvre sur les troupes italiennes en Russie pendant la Seconde Guerre Mondiale, It alia ni b rav a gent e , devenu pour l'exploitation française, amputé de vingt minutes, Marc her ou m o uri r... Luchino Visconti, au sommet de son art, tourne dans des registres divers à la fois une oeuvre proche de son passé néoréaliste comme Ro cc o e t ses frè res , des oeuvres intimistes comme Sand ra, Mor t à Ve ni s e ou Vio lenc e e t pas s ion , ainsi que de grandes fresques historiques dans lesquelles il excelle, tels Le Gué pa rd , Les Da mnés , Louis II de Ba v ière . Révélations des années 50, Antonioni et Fellini poursuivent une oeuvre exceptionnelle. Après la trilogie L'Avventura , La Nuit , L'Eclipse , Michelangeli Antonioni diversifie son point de vue aussi bien que la représentation des personnages que leur insertion dans les lieux géographiques nouveaux qu'il découvre en parcourant le monde, de la Ravenne du Déser t Roug e (1964) à l'Amérique et à l'Afrique, avec même une escale en Chine pour y réaliser un documentaire de long métrage, Chung kuo (1972). Plus casanier, Federico Fellini arpente Cinecittà une Italie née de ses fantasmes, une Italie comprise entre Rome et Rimini (La Dol c e Vita, Hui t et dem i, Roma , Ama rcor d , La Cité des fe mmes ) ; il se lance aussi dans les reconstitutions historiques où il étale un univers plastique né d'une fantaisie débridée (Saty ric on , Ca s anov a, Et vog u e le nav ire ) ; enfin, il aime tourner des films plus liés à des expériences personnelles commes Les Clowns (1970) ou Répé ti tion d'o rche s tr e (1978). Dans ce panaroma, il faut réserver une place à part à l'un des artistes et des intellectuels qui ont le plus marqué la culture italienne contemporaine, Pier Paolo Pasolini. Au coeur des débats les plus vifs, s'exprimant aussi bien par le roman qu'au moyens d'essais, du théâtre ou du journalisme, Pasolini est animé par une boulimie de travail et une capacité de créer absolument exceptionnelles. Dans ce qui apparaît avec le recul comme une prémonition de la mort qui le frappera en pleine activité et ne lui laissera pas le temps de tout exprimer – il a été assassiné en 1975 -,Pasolini réalise en moins de quinze ans une oeuvre cinématographique considérable : douze longs métrages – d'Ac cat tone , à Solo en passant par Thé orè me et Mé dée -, cinq films-enquêtes, ainsi que quatre courts métrages de fiction dont les admirables La Rico tta (1963) et Que so nt le s nuage s ? (1968). in La Petite Encyclopédie du Cinéma, Editions du Regard – Réunions des musées nationaux, Paris 1998 Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC -6- Analyse du film Du personnage réel au mythe La « vraie » Cabiria s'appelle Wanda. Fellini l'a rencontré quand il tournait Il Bidone dans les baraques de la banlieue de Rome. Elle avait été particulièrement agressive à l'égard des cinéastes. Fellini, à force de patience et de prévenance, réussit à vaincre ses manifestations hostiles. Finalement, elle vint offrir une chaise au metteur en scène parce qu'il était toujours debout (sic). « A partir de ce jour, raconte Fellini, elle se coucha à mes pieds et resta dans cette position pendant tout le tournage du film, heureuse dès que je lui adressais un regard ou une parole. Elle cherchait une caresse. Ses manières sauvages et violentes ne cachaient qu'un immense besoin de tendresse. C'est ainsi que j'ai commencé à penser à Cabiria. »1 Fellini avait su voir dans cette Wanda, sous les apparences d'un être agressif, un être malheureux. Il avait reconnu le double visage qu'il cherche dans ses films : la méfiance et la candeur, la douceur et la brutalité. Voilà pour le personnage. Que pouvait-il lui arriver ? Là il suffisait à Fellini de plonger en lui-même. L'aventure de Wanda-Cabiria, ce devait être l'aventure spirituelle de Fellini, celle qui prolonge et recoupe les errances et les illuminations des Vitel loni , des bohémiens de La Strada , des « bidonistes ». Ecoutons ce qu'il en dit lui-même : « Ainsi j'ai pensé ; je vais faire un film qui raconte les aventures d'une malheureuse qui, en dépit de tout, espère confusément, naïvement en des rapports meilleurs entre les hommes, simplement en des rapports meilleurs, et à la fin du film je veux dire : Ecoute, je t'ai fait passer par toutes sortes de malheurs, mais tu m'es si sympathique que je veux te faire donner une petite sérénade. Et puis, sur cette idée peut-être un peu naïve, j'avais imaginé une scène. Il s'agissait d'une femme, d'un personnage malheureux qui à la fin d'une aventure plus terrible encore que les autres devait perdre de manière absolue et définitive sa confiance dans l'humanité qui l'entourait, qui ne pouvait en sortir que détruit complètement. Et je me suis alors demandé : pourquoi ce personnage, à un moment donné ne peeut-il se convaincre qu'il y a eu quelqu'un qui lui a dit gentiment et avec sympathie : Tu as raison ? Et ainsi ce personnage est devenu Cabiria, et ses aventures sont devenues celles d'une prostituée qui vit comme une petite souris dans un milieu épouvantable, continuellement écrasée par la réalité, mais qui traverse la vie avec innocence et cette mystérieuse confiance »2 Le chemin de Cabiria Ainsi Fellini construit son film à partir d'un personnage. L'unité n'est pas dans le ton, ni dans l'action, ni dans le genre choisi, car le grotesque, le tragique, le comique se mêlent d'une séquence à l'autre, et parfois même à l'intérieur d'une séquence. Les nui ts d e Cabiria commencent – comme Il Bidone – sur le ton d'un film d'aventures : un garçon poursuit une fille en riant. Elle s'approche d'un fleuve. Mais brusquement, la situation vire au tragique : Cabiria est jetée à l'eau. Des passants hésitent à se mouiller (détail drôle et tragique à la fois). Elle coule. Des gosses la repêchent, la ranime. Avec une vitalité déconcertante, elle se débat pour partir. Elle s'échappe. Qui est-elle ? Un 1 Interview publiée par Les lettres Françaises, n° 688. 2 Interview publiée dans Les Cahiers du cinéma, juin 1958. Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC -7- gamin a ce mot terrible : Ce n'est qu'une p... Cette introduction abrupte, en plein mouvement, ne se soucie pas « d'exposer » les personnages, ni d'imposer un climat. C'est une tranche de vie extrêmement dramatique, et à travers laquelle une vérité se dégage : Cabiria est une victime, elle est la proie d'un monde brutal et cynique. Comment va-t-elle réagir ? Pourquoi cette fatalité du malheur ? Dès lors l'intrigue est bien posée. Ce qui ne pourrait être qu'un mélodrame attendrissant se présente comme une question très profonde. Qui est Cabiria ? Entre la ferveur de ses rêves et sa sordide existence, il lui faut se frayer un chemin. Renoncer à ses aspirations les plus secrètes ? Changer de vie ? Doit-elle continuer à se défier des hommes ? Ne leur livrer que son masque, montrer les griffes ? Durcir la voix , se battre ? Ou s'abandonner à elle-même, se montrer telle qu'elle est, se livrer ? En un mot, va-t-elle étouffer son âme, ou l'accepter avec ses exigences d'ouverture, la livrer ? L'expression de l'invisible Cette question qui va très loin dans le domaine du spirituel, il faut l'exprimer en images et en situations. Fellini utilise pour cela une technique bien rôdée, très personnelle, très habile à créer une mythologie. Il met Cabiria aux prises avec « les autres », puis avec elle-même. Il la fait osciller entre l'action et la solitude, autrement dit avec ses masques habituels et son « moi profond » qu'elle ignore. Ele se frotte à la réalité terrible, puis elle se retrouve et repart. Mais chaque crise la détache un peu plus de ses illusionspour éclairer d'une lumière brûlante, douloureuse, la vérité de ses rêves. On a aussi un rythme chaotique, baroque, souligné encore par la composition des images et le surgissement des personnages secondaires, très nombreux, qui apprennent tous quelque chose à Cabiria. – La déception de Giorgio entraîne les longues scènes de solitude devant la maison. – L'agressivité prédomine ensuite. Mais la rencontre avec Lazzari est suivie de la scène de la solitude dans la salle de bains, à l'aube où sonne l'Angelus? – La longue scène agitée, exubérante du pélerinage est suivie d'une terrible dépression. Cabiria, assise sur l'herbe, déçue par la Madone, boit et veut fuir ses compagnes : Je ne suis pas comme vous..., proteste-t-elle. Mais après cet éclat de fierté, face à ellemême, face à la procession qui passe et dont le chant peu à peu efface, le mambo exalté, elle crie son désespoir : On n'est pas changées... – Alors c'est le retour au rêve, aux exigences profondes. Sous le doigt de l'hypnotiseur, Cabiria perd ses griffes, son visage rayonne la douceur, elle aime enfin... mais ce n'est qu'une farce atroce. – Pourtant Oscar existe. Il est bon. Il répond à tous les espoirs secrets de Cabiria. Elle s'abandonne à la vie. Dernière déception : Tue-moi... Je ne veux plus vivre... Mais il la laisse seule, prostrée ; elle va tâcher néammoins de traverser cette forêt, cette nuit, de revivre. Sur ce procédé de construction, Fellini s'est souvent expliqué. « J'essaie, dit-il, de créer une sorte de spasme du temps où on peut espérer qu'advienne un miracle, que les personnages aient enfin une révélation. C'est comme un suspens à rebours de l'action intérieure. » Dans l'espace, cette solitude s'appelle un vide de décor : la lande où habite Cabiria, avec ses échafaudages saugrenus où s'agitent les enfants, la lande où le pélerinage finissant éparpille ses papiers salis et ses musiques ; la zone au bord de la ville ; le lac crépusculaire. Dans ces paysages passent des monstres ou des « anges » : c'est là que le petit moine quêteur, Don Giovanni, livre son message : L'important c'est Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC -8- d'être dans la grâce de Dieu. « Le vide, dit Fellini, laisse la place à des présences occultes qui tentent d'aider les personnages à regarder autour d'eux avec des yeux neufs. »... Alors, contrairement aux apparences, ces moments de vide, les « déserts » du film sont des étapes décisives dans l'aventure du personnage. La solitude n'y est qu'apparente, car une mystérieuse communion s'établit entre celui qui est seul et le silence où parle les voix de la Grâce, ou l'âme s'éveille hors de ses habitudes et s'épanouit. La vraie solitude est ailleurs, dans la comédie humaine, dans les masques qu'elle nous impose et où l'on se perd. Les masques de Fellini « Pour moi, dit Fellini, le déguisement est tantôt une représentation transposée du sens de la vie, tantôt le goût de l'attitude qui vous donne un alibi. » Ce jeu des masques résume l'itinéraire de Cabiria – et aussi sans doute celui de Felllini lui-même, car il y a au moins une scène (le cinéma) qui est une bouleversante méditation sur les métiers de comédiens et de metteur en scène. Toute l'oeuvre de Fellini, et Cabiria en est un remarquable exemple, est une protestation contre les apparences, contre un monde qui veut se suffire des apparences. Mais ce monde est une jungle et l'amour, le seul moyen d'échapper à la solitude, d'accéder à l'autre « vraiment » ; l'amour va toujours au-delà des apparences. Les prostituées qui se fardent et se pavanent, Oscar aux lunettes fumées, Lazzarini et son appartement cossu, les fantômes humains qui brûlent et trépignent dans la kermesse du pélerinage : comédie tout cela. Cabiria elle-même n'échappe pas à la contagion. C'est contre cette imposture fondamentale qu'elle se bat sans le savoir. Sa brutalité, son égoïsme vis-à-vis de Wanda ne sont que des revers douloureux et grimaçants de sa tendresse profonde. Il faut que passe le magicien, ou les mirages de l'alcool, pour qu'elle avoue son drame et dénoue son coeur. Mais le monde est impitoyable, l'homme n'est pas aimé. Qu'importe. Cabiria a vu assez loin en elle pour qu'elle affronte l'imposture avec un intrépide espoir. Ici Fellini, le metteur en scène, rejoint Fellini le mystique, et Cabiria se retrouve en Giuletta Masina. « Je ne commets jamais l'erreur, dit Fellini, d'adapter l'acteur au personnage, mais je fais toujours le contraire, je m'efforce d'adapter le personnage à l'acteur... Gelsomina est une « interprétation » tandis que « Cabiria » était beaucoup plus dans ses cordes, avec son agressivité, son caractère un peu halluciné, sa prolixité.3 » Et Fellini va jusqu'à préciser « En ce qui concerne ma collaboration avec Giuletta, je peux vous dire qu'elle n'est pas seulement l'interprète de mes films, mais qu'elle en est également l'inspiratrice, je veux dire l'inspiratrice à la manière d'une muse. C'est que la vie avec Giuletta – ce que j'en pense, l'idée que je me suis faite d'elle, de ce que peut être son humanité, de ce que peut être son sens dans ma vie – m'a inspiré La Strada et Le Not ti di Ca bi ria . » In Télérama n°477 du 8 mars 1959. 3 Interview publiée dans Les Cahiers du cinéma, n°84. Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC -9- Présenter un film du patrimoine Quelques repères Le publ ic quel est-il ? La présentation doit tenir compte du public accueilli (classes, groupes divers, public habituel, cinéphiles...) qui a des attentes différentes Inté rê ts de la pré s e nt ation Compléter une culture cinématographique Une découverte ou redécouverte dans de bonnes conditions, en grand écran Donner accès à des films oubliés Porter un regard différent, nouveaux sur des films qui appartiennent à l'histoire du cinéma Partager une passion pour un film, pour le cinéma, communiquer son plaisir (le « gai savoir » ) Ch ois ir le m om ent d e l' int e rv e nt io n : Pa rle r ava nt et/ o u ap rè s l e film ? avant : présenter le contexte, relever les points d'intérêts (la difficulté étant de ne pas déflorer l'intrigue du film) après : proposer une analyse plus précise et un échange avec la salle Le s bes oins po ur co nstru ire s a p résentati o n : Se documenter (ouvrages...) Une certaine culture cinématographique nécessaires. Q u e lque s p is tes p ou r c onst rui re la p résentat ion : et connaissance du film sont (entre parenthèses, exemples donnés pour Les Nuits de Cabiria) Mettre l'accent sur certains passages même si le film n'est pas connu Replacer le film dans son contexte, le genre qu'il représente, le mouvement auquel il appartient ou pas (le néo-réalisme italien) / l'origine du réalisateur Donner quelques clés essentielles sur le film : un retour sur l'histoire de..(cinéma italien – période faste de l'après guerre / Les faits qui ont inspiré Fellini) ; un personnage incontournable, à l'écran (Giuletta Masina) ou dans la production ; le décryptage de certaines scènes importantes pour le sens, dans leur construction formelle (oscillation action / solitude) la réception du public à l'époque Laisser une tra ce éc rit e Fiche spectateur Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC - 10 - Documents disponibles pour les bibliothèques Ouvrages Federico Fellini : le faiseur de rêves, 1920-1993. Chris Wiegand. Taschen, 2003 Fellini, un rêve, une vie. Jean-Max Méjean. Cerf, 1997 Le cinéma italien de 1945 à nos jours, crises et création. Laurence Schifano. Nathan, 2002 Films Amarcord. Federico Fellini, 1974 Le Casanova de Fellini. Federico Fellini, 1976 Le Cheik Blanc. Federico Fellini, 1952 Les Clowns. Federico Fellini, 1970 La Dolce Vita. Federico Fellini,1961 Fellini Roma. Federico Fellini, 1971 Ginger et Fred. Federico Fellini, 1986 I Vitteloni. Federico Fellini, 1953 La Strada. Federico Fellini,1954 Allemagne année zéro. Roberto Rossellini, 1947 Les Amants diaboliques. Luchino Visconti, 1942 Blow up. Michelangelo Antonioni, 1967 Chronique d'un amour. Michelangelo Antonioni, 1950 Les Damnés. Luchino Visconti, 1969 Le Désert rouge. Michelangelo Antonioni, 1964 L'Eclipse. Michelangelo Antonioni, 1962 Le Fanfaron. Dino Risi, 1962 les Feux du music-hall. Federico Fellini, 1950 Le Guépard. Luchino Visconti, 1963 Les Monstres. Dino Risi, 1963 Païsa. Roberto Rossellini, 1946 Profession reporter. Michelangelo Antonioni, 1974 Riz amer. Giuseppe De Santis,1949 Rocco et ses frères. Luchino Visconti, 1960 Rome Ville ouverte. Roberto Rossellini, 1945 Sciuscia. Vittorio De Sica, 1946 Stromboli, terre de Dieu. Roberto Rossellini, 1949 Umberto D. Vittorio De Sica, 1952 Viva l'Italia. Roberto Rossellini, 1960 Le Voleur de bicyclette. Vittorio De Sica, 1948 Voyage en Italie. Roberto Rossellini, 1953 Documentaires Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma italien. Martin Scorsese, 2002 Fellini, je suis un grand menteur. Damian Pettigrew, 2002 Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC - 11 - Sites le film http://cinema.encyclopedie.films.bifi.fr/index.php?pk=43378 Federico Fellini http://www.federico-fellini.net/ http://www.cineclubdecaen.com/realisat/fellini/fellini.htm Dossier documentaire – espace Histoire-Image – Médiathèque de PESSAC - 12 -