Sur quelques caractéristiques des noms sous-spécifiés

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Sur quelques caractéristiques des noms sous-spécifiés
Sur quelques caractéristiques des noms sous-spécifiés
Dominique Legallois
Crisco
Université de Caen
[email protected]
Article paru dans Scolia, n°23, 2008, p.109-127
La fréquentation des corpus ou des bases de données textuelles permet
de constituer et d'étudier de nouvelles catégories lexicales, dont l'extension
échappait jusqu'à lors à la perspicacité des chercheurs. En plus d’une
appréhension plus directe du réel langagier, la linguistique sur corpus
présente donc l’intérêt redoutable de construire de nouveaux objets d’étude.
Ainsi en va-t-il de ces noms que je désigne par le terme de «noms sousspécifiés »1. Je propose ici de caractériser cette catégorie de plus en plus
présente dans le discours linguistique, en commençant par justifier son statut
lexico-grammatical et en rappelant brièvement certaines propriétés des
constructions qu’elle intègre. Je donnerai ensuite une liste de ces noms à
partir d’une extraction sur corpus, pour m’intéresser alors aux notions de
sous-spécification et de spécification, ainsi qu’au fonctionnement référentiel
des NSS. J’entamerai enfin une réflexion sur les motivations des emploi des
NSS et leur rapport avec la monstration de certains schémas rationnels.
Certaines des remarques que je ferai ici doivent beaucoup aux travaux
de F. Higgins (1979) et surtout H.J. Schmid (2000), C. Blanche-Benveniste
(1992) et D. Apothéloz (2008) et (à par. b).
1. Noms sous-spécifiés et Constructions Spécificationnelles
1.1. Lexique et grammaire
Les NSS constituent un ensemble nominal, sémantiquement non
homogène, employé dans une construction syntaxique particulière. Par
exemple :
1) Leur idée a été de dresser le "portrait-robot" du patron performant (Libé)
2) L'argument massue de Matra, c'est que l'opération permettrait d'éviter à
l'Etat de recapitaliser Thomson-CSF (Libé)
1
Désormais NSS.
1
Malgré leur différence2, nous poserons (comme nous l’avons fait dans
Legallois (2OO6) et Legallois et Gréa (2007) ) que ces deux constructions
instancient une même structure :
NSS Être QUE P \ DE INF
La littérature qualifie cette structure, à la suite de F. Higgins (1979),
de spécificationnelle3. Je ne reviendrai pas ici sur ses propriétés syntaxiques
qui ont été étudiées dans C. Blanche-Benveniste (1992), D. Apothéloz (à
par. a) et à par. b)4, Legallois (2006). Legallois et Gréa (2007) ont proposé
de voir dans la CS une construction au sens de la Grammaire de
Construction, c'est à dire une forme holistique et préconstruite, chargée de
particularités pragma-sémantiques en dehors même de sa saturation lexicale.
Legallois (2006), mais aussi les deux articles de D. Apothéloz ont montré
quelques-uns des fonctionnements textuels de ces CS.
Les noms que je qualifie de sous-spécifiés sont donc les noms qui
intègrent une CS. J’insiste sur le fait que la notion de NSS s'applique à un
type d'emploi nominal et non à une nature nominale. Plus précisément, je
fais mienne la conception selon laquelle une structure syntaxique (ici, la CS)
est employée avec un ensemble d’unités lexicales (les NSS) que l’on peut
circonscrire, et, inversement, que les unités lexicales sont employées
« préférentiellement » dans des configurations syntaxiques particulières5. Il y
a une interdéfinition entre lexique et grammaire, qui oblige à considérer que
la catégorie NSS n’a de pertinence que par rapport à la CS. Cela n'exclut pas,
évidemment, que ces mêmes noms peuvent être employés dans d'autres
constructions : il existe un rapport évident, comme on le verra plus loin,
entre certains NSS et les noms à compléments propositionnels (N que + P, N
de + inf.). Il est possible alors de considérer une catégorie plus large que les
NSS, celle qui recouvre les noms employés dans des constructions
apparentées. C’est la démarche de H.J. Schmid, pour l’anglais, qui nomme
shell nouns l’ensemble des noms qui intègrent les CS, mais aussi d’autres
constructions apparentées : N-that, N-to, N-wh, th-N, th-be-N (selon la
notation de Schmid (2000 : 22).). Je me limiterai pourtant ici au seul rapport
NSS et CS.
1.2. Extraction à partir d’un corpus
2
La construction avec complétive exprime un fait, un événement, un état de choses dont la valeur de
vérité a été suspendue par que. La forme infinitive exprime un procès hors de tout ancrage temporel (cf.
Gaatone, 1987 : 295). Je ne distingue pas ici les formes avec ou sans pronom de reprise « ce ».
3
Aussi parlerai-je de constructions spécificationnelles, désormais CS.
4
Les travaux de D. Apothéloz portent plus spécifiquement sur les pseudo-clivées qui constituent une
construction proche de la construction spécificationnelle. A cet égard, la lecture de Roubaud (2000) est
également d’un grand intérêt.
5
Cf. G.Francis (1993).
2
J’ai recensé 2797 CS pour une année du quotidien Libération (1995) :
1452 avec infinitifs et 1345 avec complétive. Les infinitives accueillent 214
noms, les complétives 208. 66 noms sont communs aux deux types. Pour le
même corpus, les chiffres diffèrent de ceux relevés dans Legallois et Gréa
(2007). J’ai, à l'occasion de cet article, repris l'extraction avec Unitex ; les
variations viennent de la prise en compte ou non de certaines unités
lexicales. Ainsi, j’ai intégré à la liste, les formes superlatives telles que « le
plus important, le plus urgent, le moins que l'on puisse dire, etc. », assez
nombreuses pour la construction avec complétive6.
NSS pour la CS avec inf. : acte action alternative ambition apport argument art
astuce atout attitude audace avantage avenir axe bataille boulot but caractéristique
cauchemar chance charge choix chose clé coeur concept confort conseil
conséquence consigne consolation contre-feu contribution controverse conviction
coup-de-génie courage crainte critère culot danger débat décision défaut démarche
dénominateur-commun désir dessein destin deuxième devoir difficulté dignité
direction directive discours discussion don effet éloge énigme enjeu enseignement
erreur espoir esthétique étape éthique exemple exigence face facilité façon faux-pas
fin-du-fin finalité fonction fond-de-notre-méthode force gageure geste grâce grandpied grande-affaire habileté hantise hommage idéal idée illusion impératif
inclination inconvénient initiative inquiétude intelligence intention intérêt l'essentiel
l'important le-plus-économique le-mieux le-moindre-mal le-plus-désagréable leplus-difficile le-plus-dur le-plus-éclairant le-plus-formidable le-plus-grand plaisir
le-plus-important le-plus-passionnant le-plus-remarquable le-plus-simple le-plussûr le-plus-urgent leitmotiv liberté ligne logique maîtrise mandat manière mérite
métier mission mode moment motif motivation moyen mystère nature nec-plus-ultra
nécessité normalité objectif objet obsession opinion orientation originalité paradoxe
pari parti-pris particularité partie-de-l'art penchant naturel performance plaisir
plan point-de-départ pratique premier principal principe priorité problème
programme projet propos proposition propre prouesse provocation question
question-clé raison raison-d'être réaction réflexe règle remède réponse reproche
responsabilité ressort résultat réussite rêve révolution risque rôle ruse sagesse
satisfaction sens solution souci souhait spécialité spécificité sport stratégie
suggestion surprise suspense tâche tactique technique tendance tentation terme tort
tournant tout tradition travail trouvaille truc urgence usage vocation volonté
NSS pour la CS en que : alibi ambition analyse apparence argument argumentmassue argumentation aspect atout attrait avantage avenir avis axiome beauté-dusport bénéfice bienfait bon-côté bonne-chose but calcul caractéristique certitude
chance charme choix chose clé comble conclusion condition conséquence
consolation constante constat contrepartie conviction côté-positif coup-de-théâtre
crainte critère croustillant danger démonstration dénominateur-commun désir
deuxième différence difficulté distinction donnée drame écueil effet-boomerang
6
Les formes nominales composées sont orthographiées avec un tiret pour faciliter et la lecture, et la
comptabilité des occurrences.
3
élément-déterminant élément-important ennui enseignement équité espoir évaluation
évidence exigence explication faiblesse fait fin-du-fin fin-mot fond-de-l'affaire fonddu-problème force gag génie grandeur grief hic hypothèse idéal idée impression
inconvénient information intérêt ironie jugement l'essentiel l'étonnant
l'extraordinaire l'important lacune le-plus-cruel le-plus-curieux le-plus-déplorable
le-plus-déprimant le-plus-désolant le-plus-terrible le-plus-fascinant le-mieux lemoins-que-l'on-puisse-dire le-pire le-pire le-plus-absurde le-plus-ahurissant le-plusamusant le-plus-beau le-plus-cocasse le-plus-déroutant le-plus-difficile le-plusdrôle le-plus-dur le-plus-étonnant le-plus-étrange le-plus-fort le-plus-fou le-plusfrappant le-plus-grave le-plus-important le-plus-impressionnant le-plus-incroyable
le-plus-inquiétant le-plus-insensé le-plus-intéressant le-plus-intrigant le-plusmarquant le-plus-probable le-plus-spectaculaire le-plus-stupéfiant le-plussurprenant le-plus-triste le-plus-troublant le-plus-vicieux le-plus-vraisemblable lepoint-capital leçon ligne-rouge limite logique malheur marque-du-moment
merveilleux message miracle morale mythe noeud non-dit normalité nouveauté
nouvelle objectif objection opinion originalité paradoxe pari particularité peur
philosophie piment-de-l'affaire point point-essentiel point-négatif point-noir pointpositif point-troublant position postulat premier principal probabilité problème
procédé propos propre raison raisonnement réalité récompense regret réponse
reproche résultat réussite rêve revers-de-la-médaille risque scandale sentiment
signe singularité singulier souci souhait soulagement sujet surprise talent thèse tout
trouvaille truc utilité valeur vérité vertu voeu volonté
NSS communs aux deux sous-constructions : ambition argument atout
avantage avenir but caractéristique chance choix chose clé conséquence
consolation conviction crainte critère danger désir deuxième difficulté enseignement
espoir exigence idéal idée inconvénient l'essentiel l'important le mieux le plus
difficile le plus dur le plus important logique normalité objectif opinion originalité
paradoxe particularité pari premier principal problème propos propre raison
réponse reproche résultat réussite rêve risque souci souhait surprise tout trouvaille
truc volonté.
Le travail de catégorisation de ces noms dans différentes classes
homogènes n’a pas été entrepris pour le français7, même si quelques pistes
ont été avancées par D. Apothéloz. Très succinctement (par manque de
place), je donne seulement et sans commentaires les grands domaines
proposés par Schmid (2000), avec des exemples en français :
- domaine factuel : Le NSS catégorise le contenu propositionnel (CP)
comme fait (la chose essentielle est que Paul vienne demain)
- domaine linguistique : le NSS catégorise le CP comme un objet
linguistique (la réponse est qu'il n'en sait rien)
7
Ce travail est en cours. Je pense qu’il conviendrait d’opérer un croisement entre classes de NSS et
fonctions textuelles de connecteurs des CS, dans l’objectif, par exemple, d’une annotation sémantique des
textes.
4
- domaine mental : le NSS catégorise le CP comme un processus ou un état
cognitif (l'objectif est de faire reculer le chômage)
- domaine modal : le NSS catégorise le CP comme une possibilité, une
certitude, une capacité, une permission, une obligation (la vérité est qu'il ne
viendra pas)
- domaine événementiel : le NSS catégorise le CP comme une activité, un
procès ou un état (la première action du gouvernement fut de baisser les
impôts)
domaine circonstanciel : le NSS catégorise le CP comme une manière (la
meilleure manière est de s'y prendre autrement)
A ces grandes catégories, Schmid ajoute un nombre important de
sous-classes. Au final, l’auteur distingue 75 classes différentes8 !
2. Les notions de sous-spécification et de spécification
2.1. A partir d’Higgins
Parler de noms sous-spécifiés demande une explication
terminologique; la notion de spécification est popularisée par Higgins, dans
la perspective d’une description des phrases copulatives. L’auteur donne
quatre types de phrases copulatives9, selon la combinaison entre la nature
sémantique du segment gauche (pour Higgins, le sujet) et le segment droit
(le predicat chez Higgins, traditionnellement donné comme l'attribut par la
grammaire française) :
Type
Nature du segment
gauche
référentielle
Prédicative
cette voiture est rapide
référentielle
Identificatrice
la dame avec le caniche,
c'est Madame Legros
référentielle
Identité
l'étoile du matin est
l'étoile du soir
superscripturale
Spécificationnelle
ce que je voudrais, c'est
des vacances
Nature du segment
droit
prédicative
identificationnelle
référentielle
spécificationnelle
8
Dans le travail de Schmid, un nom peut appartenir à plusieurs classes différentes.
Mon objet n’est pas de discuter les typologies des phrases copulatives. Le lecteur peut se référer, pour
une analyse complète, au livre de M. Van Peteghem (1991), ou encore aux articles d’A. Boone (1996) et
L. Picabia (2000).
9
5
Ce tableau appelle des commentaires. Premièrement, les spécificationnelles
chez Higgins sont le plus souvent des pseudo-clivées, avec, pour segment
droit, un SN. Comme indiqué en note plus haut, je considère que ces
dispositifs réalisent la même relation (de spécification) que les CS (d'autres
linguistes comme Roubaud, Apothéloz, ou Schmid partagent ce point de
vue)10. Deuxièmement, j’ai traduit par identificatrice le type identificational
de Higgins, et par identité, identity. Force est de constater que la
terminologie pourrait être améliorée. Troisièmement, le qualificatif
superscriptural11 (superscriptional), qui n'a pas connu de franc succès,
témoigne de l’apport d'Higgins : la différenciation de ce segment des autres
segments gauches des copulatives. Ainsi, ce que je voudrais est
superscriptural car le segment pourrait constituer une expression sur une
liste que viendrait spécifier le second segment. On peut penser, par exemple,
à
3) les gagnants sont : Dupont, Durant, Dupuis, etc.
Cette qualification de la nature du segment gauche sera discutée plus loin.
2.2. Spécification
Pour Higgins, donc, l’élément superscriptural se comporte comme une
rubrique, que vient remplir le segment droit. Ce « remplissage » constitue la
spécification. L’idée de l’élément superscriptural n’a guère été reprise dans
la littérature, sans doute à cause de son manque de précision, et de son aspect
trop analogique. En revanche, le principe d’une spécification a été retenu. Je
voudrais approfondir la nature de cette spécification.
Le travail de spécification que remplit la construction présuppose donc
une sous-spécification. C’est bien sûr la partie nominale qui est en appel de
spécification. Le NSS doit recevoir du co-texte, ce que Winter (1992) a
nommé une réalisation lexicale ; Schmid parle d’une incomplétude
sémantique, sensible, non pas dans la signification du nom (certains NSS ont
des « sémèmes » complexes qui ne peuvent être réduits à un trait), mais dans
l’acte de communication. Prenons le nom reason :
By evoking a two-place relation between cause and effect, the noun reason sets up
two cleary defined semantic gaps which need to be filled. However, when it comes to
specyfing these things the noun itself misses out and must rely on the context to
supply the necessary information, a characteristic which is of course again typical
of all shell nouns. (H.J. Schmid, 2000 :76).
De ce fait, la non spécification n’est pas, à proprement parler, sémantique,
comme le dit Schmid (et généralement les travaux anglo-saxons), mais, plus
exactement, informationnelle. Il s’agit bien, pour le NSS, de se grossir du
contenu informationnel véhiculé par la partie spécificationnelle. On pourrait
10
De ce fait, je reconnais une insuffisance terminologique, les phrases spécificationnelles ne se réduisent
pas aux CS.
11
M. Van Peteghem (1991 : 27) traduit par « sujet étiquette ».
6
dire que la spécification consiste à assigner un contenu au NSS. Mais si l’on
veut mieux définir le rapport entre la sous-spécification nominale et le cotexte, il faut aller plus loin dans la description de la nature « référentielle »
des NSS. Pour l’exemple
4) What I don't like about John is his tie
Higgins commente :
the subject « What I don't like about John » is not referential and the predicate
complement « his tie » is also not referential, for, although the phrase does denote
or mention an object, it is not used in this sentence in such a way that anything is
said about that object. (F. Higgins, 1979 : 214).
Il est en effet difficile de voir un fonctionnement référentiel au
segment gauche des CS. Dans :
5) Dini propose justement que le premier train ne parte pas avant d'afficher
"complet". L'alternative serait de renégocier Maastricht, ce qui serait
périlleux (Libé)
L’alternative ne fait référence ni à un objet textuel, ni à un objet
extralinguistique12. J. Gundel (1977) semble être la première à se référer à la
notion de description définie attributive de Donnellan (1966) pour expliquer
le phénomène. Plus récemment, C. Blanche-Benveniste et D. Apothéloz
s'appuient sur les travaux de Fauconnier mais aussi de Donnellan.
Fauconnier (1984) propose de voir dans un type d'emploi nominal – touchant
a priori tous les noms – un fonctionnement particulier pouvant être décrit en
termes de rapport entre rôle et valeur. Ainsi, l’exemple réactualisé :
6) Le président change tous les 5 ans
peut être compris :
6’) le Président, M. Sarkozy, change d'aspect tous les 5 ans.
ou, plus vraisemblablement :
6’’) il y a un nouveau président tous les 5 ans.
Dans la première interprétation, Sarkozy est la valeur de président. Au
rôle président on assigne, en effet, la « valeur » Sarkozy, entité définie et
repérable. Changer tous les 5 ans est alors une propriété de la valeur
(Sarkozy) d'un rôle (président). Dans la seconde interprétation, président est
un rôle non saturé, c'est-à-dire une fonction, dans le sens institutionnel du
terme, mais surtout, pour ce qui nous intéresse ici, dans le sens logique.
Changer tous les 5 ans est alors une propriété du rôle.
En 1966, Donnellan avait déjà décrit, d'une autre manière, le même
phénomène. Dans une critique des travaux de Russell et de Strawson, le
philosophe distinguait deux types de description définie : les descriptions
définies référentielles et les descriptions définies attributives qu'illustre le
célèbre exemple suivant :
7) Smith's murderer is insane
12
Des segments gauches référentiels existent cependant, en petit nombre : ce plan stratégique a été de
démédicaliser la lutte contre l'épidémie
7
Dans la lecture référentielle de cet énoncé, Smith's murderer renvoie à un
individu repéré dans l'univers de discours du locuteur : Brown, par exemple.
Dans la lecture attributive, Smith's murderer n'est pas découvert. Murderer,
dans les termes de Fauconnier, est un rôle auquel les services de police
cherchent à attribuer une valeur. C'est cette dernière lecture qui est requise
dans le cas des NSS. Ainsi, la valeur du déterminant nominal est
systématiquement définie (articles définis, déterminants possessifs, etc.),
sans que le GN soit référentiel. Ce GN tend donc vers une détermination qui
n'est rien d'autre que sa spécification, ou encore sa valeur. Si tout nom peut
en principe être employé comme rôle (président et assassin ne sont
évidemment pas des NSS), il est tout à fait remarquable que les CS
constituent des dispositifs spécialisés dans la mise en relation entre un rôle et
une valeur. Comme le remarque C.Blanche-Benveniste (1988 : 66), dans la
question en « quel est le N ? (quel est le problème, l'objectif, le résultat ?),
quel est désigne toujours un rôle. La question en « quel est le N ? » est celle
qui s'impose pour appréhender l'acte communicationnel de la partie
spécificationnelle : l’attribution d'une valeur.
La nature fonctionnelle d’un NSS est donc la recherche d'une valeur
que lui fournit le co-texte grâce au dispositif de la CS. Cependant, ce
dispositif est également assuré par d'autres constructions, pour des clauses en
« ce que +P » (les pseudo-clivées), ou pour les noms opérateurs (dans la
terminologie de M. Gross) ou « à compléments propositionnels » (NCP dans la terminologie de M. Riegel)13. Ainsi, les NCP, comme les NSS, se
voient conférer une valeur par une complémentation en de ou que. Aussi, les
propos de M. Riegel, portant sur les NCP, éclairent également le mécanisme
des NSS. A partir de
8) l’impression que quelqu'un m'a observé / d'être observé par quelqu'un
m'était désagréable.
M. Riegel énonce la généralisation suivante :
le nom est un classificateur du CP, et le CP particularise le concept général du nom
en spécifiant en quoi consiste l'impression (M. Riegel, 1996 :.317).
L’auteur met ainsi en évidence le rapport « donnant-donnant » entre le rôle
et la valeur, ce qu'il appelle la double orientation de la relation de
catégorisation / spécification (p.317). Cette double orientation vaut, bien sûr,
pour nos NSS / CS14. Ainsi, nous dirons que le NSS est un classificateur de
la valeur qui le spécifie – ce qui, au niveau textuel, a son importance
(Legallois, 2006) puisque la valeur peut, dans la suite du texte, être à
nouveau évoquée par la seule convocation du nom. Au niveau argumentatif
(Schmid 2001), cette classification impose à l'interlocuteur le point de vue
du locuteur : la présupposition d'existence construite par l'article et la façon
13
Rappelons qu'il y a un recouvrement important entre NSS et NCP.
Riegel donne d'ailleurs comme indice de cette double orientation la paraphrase de 8) par une CS : mon
impression était que quelqu'un m'observait.
14
8
dont la valeur doit être interprétée (mystère, drame, vérité, etc.) se présentent
comme des évidences non négociables par l'interlocuteur.
2. 3. Le NSS comme classificateur de la spécification
M. Riegel parle donc de classification ; j’ajouterai qu’il s’agit d’une
classification en creux, c'est à dire sans expression explicite de la relation de
classification. Elle est décelable par la réversibilité possible (dans la plupart
des cas) de la construction :
9) L'objectif de cet article est de montrer que l'écriture est aussi la mémoire
du lieu (Internet)
implique
9’) Que l'écriture est aussi la mémoire du lieu est l'objectif de cet article.
La possibilité de la réversibilité n'autorise pas à conclure à la
dérivation d'une construction par une autre, ni à l'équivalence interprétative :
on a deux constructions différentes, avec toutefois une relation logique entre
(9) et (9’).
Si on interroge le type de classification en présence, on conclura
sans peine qu'elle se démarque des classifications typiques : par le fait,
justement, qu'elle ne repose pas sur l'identification de traits prototypiques. La
classification prototypique présuppose une représentation stable que la
valeur contextuelle ne possède pas, par définition. D'où une propriété très
intéressante des NSS, qui n'a pas été relevée, peut-être parce qu'elle s'impose
d'elle-même : la limite à la classification est en quelque sorte infinie.
N'importe quel contenu propositionnel peut être classé, en principe, comme
problème, objectif, intérêt, fait, vérité, conséquence...Les seules restrictions à
ces classifications sont la pertinence de leur rôle, pour un locuteur, dans des
séquences d'enchaînement (cf. plus bas). En employant une CS, le locuteur
est en quelque sorte un démiurge qui s'affranchit des conditions ontologiques
de catégorisation. Il est libre de catégoriser ce qu'il veut comme il veut. La
seule limite est la durée de cette classification qui n’existe que le temps d'un
discours ; c'est une classification temporaire et ad hoc, au sens du
psychologue L. Barsalou (1983), ou, si on veut, une classification discursive.
En cela, et paradoxalement, les CS ressemblent fortement aux énoncés
métaphoriques. Dans
10) Le locuteur est un démiurge
la « catégorisation » ne vaut que parce qu'elle est motivée par une évaluation
spécifique : le comportement des locuteurs dans une certaine situation,évalué
par D. Legallois. L’énoncé ne prétend pas établir une nouvelle classification
permanente de l’activité du locuteur. Comme bien d’autres énoncés, celui-ci
sera oublié, même par son auteur, une fois l’article achevé ! Mais il aura joué
temporairement son rôle discursif.
9
Il s'agit donc pour le locuteur qui emploie une CS, d'opérer une
reconversion du statut ontologique du CP : un processus ou un événement
est versé (parfois pour des stratégies argumentatives) dans une catégorie
comme celle (pour reprendre Schmid) des faits, des discours, des objets
mentaux, des valeurs modales, etc. On pourrait dire péremptoirement que
les CS permettent des fictions au sens premier du terme, c'est-à-dire des
fabrications de l'énonciateur.
La parenté avec les emplois métaphoriques15, qu'il faudrait travailler
davantage, trouve une explication dans le fait que les deux types d’emplois
nominaux sont syncatégorèmatiques. Cette nature est révélée par la
modification par les enclosures vrai et véritable (cf. D. Legallois, 2002), qui
peuvent d’ailleurs constituer des indices d’énonciation métaphorique. Les
restrictions à cette modification sont d'ordre morphologique : avec les
adjectifs nominalisés
11) * le vrai important est de participer,
ou avec les constructions superlatives (le comble, le plus stupéfiant), ou
polyphoniques : « le fait est que », qui outre son figement manifeste, a pour
fonction argumentative de
renforcer la portée du discours du locuteur puisque le locuteur prend en charge un
point de vue donné pour acquis. (V. Lenepveu, à par.)16,
rôle incompatible avec une modification par vrai ou véritable (Legallois
2002).
Je me réfère à G. Kleiber qui donne une des rares définitions
linguistiques de la notion de syncatégorématicité nominale :
les substantifs référentiellement syncatégorématiques présupposent des concepts
généraux dits syncatégorématiques, parce qu'ils rassemblent des occurrences
individuelles qui ne forment pas une catégorie référentielle stable homogène. (G.
Kleiber, 1981 : 39).
Ainsi, et contrairement à chien ou neige, les noms sagesse et
blancheur peuvent connaître des occurrences fort diverses (p.39). Les deux
noms, qui sont les exemples de G. Kleiber, sont intéressants parce qu'ils
pourraient illustrer deux types différents d'emplois de syncatégorèmes. En
effet, le concept de blancheur s'instancie en tant que propriété d'objets fort
variés ; mais le cas de sagesse est plus complexe : il connaît le même type
d’instanciation que blancheur : la sagesse du Dalaï-Lama. Mais sagesse
peut également avoir un emploi de NSS fort différent ; ainsi, dans notre
corpus Libération :
12) La sagesse est de développer une communication très globale en utilisant,
en stimulant, toutes les voies de perceptions visuelles...
La sagesse n’est sûrement pas inhérente au CP, comme elle l’est au DalaïLama !
15
Parenté paradoxale puisque car les NSS ne sont généralement pas de bons candidats pour participer aux
énoncés métaphoriques.
16
Cf. également K. Aijmer (2007 pour « the fact is... ».
10
Il y a donc bien une syncatégorématicité des NSS qui explique leur
flexibilité, comme il y a une syncatégorématicité nominale dans les emplois
perçus comme métaphoriques17.
3. Remarques subsidiaires sur les NSS et incidemment sur les CS
3.1. Les NSS sont les indices de la rationalisation des discours.
J’admets volontiers que les propos que je tiens dans cette partie restent
spéculatifs. Mais ils me permettent de lancer quelques pistes au sujet de la
motivation de l’emploi des NSS.
J’avais montré (Legallois 2006) que les CS participent à l’expression
de séquences d’enchaînement. J’entends par séquences d’enchaînement les
étapes constitutives de l’organisation du texte18, possèdant une origine
cognitive, puisqu’elles régissent aussi d’autres productions sémiotiques, et
plus largement toute expérience. Par exemple, la séquence [situation,
évaluation, problème, solution, évaluation] que la sémiotique a plus d’une
fois mise en évidence, et qui constitue un programme que l’on rencontre
dans des types de textes fort différents. D’autres séquences, telles que
[situation, évaluation, objectif, mise en œuvre, évaluation] ou [situation,
évaluation, désir, mise en œuvre, évaluation]19 sont très proches. Toutes ces
séquences se réalisent sous des modalités linguistiques fort différentes, mais
il n’est pas absurde de penser que NSS et CS forment des moyens spécialisés
dans l’expression des séquences. En effet, les CS possèdent une fonction
d’« exhibition » des mouvements organisateurs des séquences
d’enchaînement. Elles rendent explicites les divers mouvements que le
langage commun désigne par des noms susceptibles de constituer des NSS :
problème, désir, objectif, etc.. D. Apothéloz et C. Blanche-Benveniste
insistent à juste titre sur la fonction évaluative de ces noms. La notion
d’évaluation mériterait un examen particulier dans la mesure où elle dépasse
l’étape évaluative présente dans les séquences d’enchaînement (l’évaluation
d’une situation, l’évaluation de la solution) ; je préfère réserver le terme
d’évaluation à ces étapes. Mais il reste que problème, par exemple, est sans
discussion possible intrinsèquement évaluatif. Les constructions superlatives
le sont par essence : le plus intéressant, le plus important…
17
La place manque pour développer d’avantage. En fait, il apparaît que ce n’est pas le caractère
métaphorique qui importe (pour moi, la métaphore ne répond pas à un fonctionnement particulier, cf.
Legallois, 2000), mais le rôle évaluatif inhérent aux métaphores nominales.
18
Je pense être assez proche ici des routines discursives de D. Apothéloz, c’est-à-dire des mouvements
discursifs préférentiels dans lesquels les constructions identificatives sont employées.
19
Rappelons que les mouvements qui composent une séquence ne sont pas nécessairement tous réalisés
dans un texte.
11
Les séquences d’enchaînement ont un rôle sémiotique et cognitif
fondamental ; elles constituent, en quelque sorte, des cartes qui permettent
de nous orienter dans nos expériences. Que les locuteurs manifestent
explicitement les étapes dans les discours est révélateur d’une coopération
transparente avec les interlocuteurs ; comme je le disais dans Legallois 2006,
le texte exhibe sa structure grâce au NSS, en même temps que le locuteur
rend visible sa démarche, son raisonnement, ses intentions. La nature
dialogique des CS est assez évidente : tout se passe comme si, dans un
discours, on s’attendait à devoir rendre compte d’objectifs, de problèmes, de
désirs, de réponses, d’appréciations. De ce fait, l’article défini (ou le
possessif) s’explique : le problème ne renvoie pas à un problème présent
dans la mémoire discursive partagée entre les locuteurs au moment du texte,
mais à une étape sémiotico-cognitive récurrente dans la diversité des
expériences et partagée par tous. Aussi, un examen philosophique des NSS
serait passionnant à mener : l’emploi des CS et des NSS sont des indices de
rationalité, ou plus exactement, des tentatives de rationalisation20. Le
principe de charité décrit par Quine qui consiste à considérer que l’autre est
rationnel et que son comportement cognitif est en partie identique au mien,
expliquerait pourquoi les NSS sont des pierres balisant pour l’interlocuteur
le terrain des expériences. En tant que marques des séquences
d’enchaînement, elles-mêmes garantes de rationalité, les NSS rendent
concrètes les formes d’action ; rappelons que pour un philosophe comme
Davidson21, l’action est le résultat d’une « pro-attitude » (désir, envie,
intention) et d’une croyance. Pour ces raisons, les CS apparaissent de façon
privilégiée – ce n’est pas un hasard – dans les types textuels pour lesquels la
rationalité joue un rôle fondamental : types argumentatifs ou explicatifs,
aussi bien à l’oral qu’à l’écrit, mais certains textes académiques, comme le
texte scientifique, en abuse grandement. Les NSS seraient donc, en quelque
sorte, une émanation d'une « psychologie populaire », d'une « théorie de
l'esprit », d’un « pragmatisme cognitif », par lesquels il est possible aux
sujets de rendre publique et clair ce qui constitue le cadre conceptuel
nécessaire à l'action et à la cognition rationnelles. Ce cadre contient des états
intentionnels et des concepts de croyance, désir, plaisir, haine, peur,
intention, colère, intérêt, etc..., autant dire, des concepts recouvrant les
notions auxquelles renvoient la plupart, sinon la totalité, des NSS.
Si la rationalité a aussi une histoire, il serait intéressant de croiser
celle-ci avec un examen diachronique de l’apparition de constructions telles
que les CS pour vérifier les propos spéculatifs tenus ici. Pour l’anecdote, la
plus ancienne attestation de CS que j’ai identifiée est
20
Je fais mienne cette suggestion de C. Schnedecker : « on pourrait dire aussi « tentative de
rationalisation » car c’est aussi des N qu’on utilise après coup pour combler les brèches, les failles ».
21
Cf. I. Delpla (2001).
12
13) Et l’opinion de beaucoup est qu’il vauldroit mieux aller combattre (Jean
de BUEIL, Jouvencel, 1456).
3.2. Métaphore grammaticale
Enfin, j’aimerais terminer cet article sur quelques considérations
portant sur la CS. Schmid fait référence à la notion de métaphore
grammaticale de Halliday (1985), pour caractériser l'emploi des schell
nouns. Je conviens que la notion de métaphore grammaticale est
problématique, en raison du terme polémique de métaphore et de la
conception trop orthodoxe, à mon goût, de la notion Hallidayenne de la
métaphore lexicale qui sert de modèle à la métaphore grammaticale.
Pourtant, la notion est intéressante puisqu'elle permet de montrer que la CS
possède une structure marquée ; je rappelle le processus lexico-grammatical
que Halliday désigne par métaphore grammaticale : pour ce linguiste, les
expériences sont représentables par des structures congruentes, non
marquées, comparables à ce que B. Pottier (1987) désignait par orthonyme
pour le niveau lexical. Ainsi, un procès sera exprimé de façon congruente –
prototypiquement - par un verbe. Les discours peuvent s'affranchir de cette
représentation directe par l'emploi de structures non congruentes, donc par
métaphores grammaticales. La nominalisation en est une réalisation
fréquente ; ou encore:
14) Le premier jour de l'an 2002 a vu la naissance de la sixième unité de
recherche (UR) de l'INRIA (Internet).
où le locatif de la phrase congruente devient le sujet de la phrase non
congruente. Ce moyen dont disposent les locuteurs est le plus souvent
motivé par une reconfiguration diathétique. A noter, comme l’illustre
l’exemple, que les constructions non congruentes apparaissent parfois
comme des routines, des façons quelque peu conventionnelles d'exprimer
une scène. Convention et métaphore, comme on le sait, ne s'opposent pas.
La notion de métaphore grammaticale peut paraître peu consistante
au regard de la grammaire formelle (qui, si on y réfléchit bien, a abusé de
concepts bien plus extravagants comme celui de dérivation), mais elle est
tout à fait intéressante dans la perspective sociale, idéologique et discursive
qui est celle de la linguistique systémique fonctionnelle d'Halliday. D'abord,
parce que la métaphore grammaticale est le résultat d'un choix entre
plusieurs possibilités – l'option grammaticale étant au coeur du dispositif de
la LSF. Ensuite, parce qu'elle permet, sinon d'expliquer, en tous cas de
mesurer la spécificité de certains discours. Ainsi, la métaphore grammaticale
est-elle fréquemment convoquée dans la description du discours scientifique
(Cf. Banks, 2003). Qu'en est-il des CS ? On posera qu'elles participent à ce
type d'option ; cet exemple
15) Notre seul objectif, c'est de conserver à Argenteuil son caractère de ville
progressiste (Libé)
13
serait la forme non congruente de
15’) nous avons pour unique objectif de conserver à Argenteuil son caractère
de ville progressiste
On s'aperçoit que la forme congruente est moins naturelle, paradoxalement
moins adéquate, par rapport à la CS fortement spécialisée dans cette fonction
d'indication des plans cognitifs et textuels. La CS permet une objectivation
de l’énoncé, au détriment de la présence linguistique directe du locuteur (qui
peut au mieux se révéler dans la forme faible que constitue le déterminant
possessif). Cette évacuation des formes les plus subjectives permet cet effet
de construction : la réification d’une intentionnalité (dans l’exemple cidessus) qui donne un statut moins personnel au texte. En cela, la métaphore
grammaticale en question est, dans les termes d’Halliday, aussi bien
idéationnelle qu’interpersonnelle. On procède ainsi à une objectivation
découlant d'une représentation d'une représentation, qui permet un
phénomène intéressant qu'une étude « cognitive » comme celle de Schmid
n'a pas manqué de relever : l'emballage (les termes d'encapsulation ou
d'empaquetage sont parfois proposés). L'emballage est la contrepartie
cognitive de la spécification : une fois la spécification saturée, le NSS,
chargé de son contenu informationnel, reste saillant en mémoire discursive.
Cette désincarnation des concepts « rationnels » (objectif, désir,
etc.), dans le sens où l'agent humain ne constitue plus le vecteur direct de ces
concepts, serait à mettre en rapport avec les propos de la section précédente.
Conclusion
J’ai essayé dans cet article de cerner un peu plus cette « nouvelle »
catégorie nominale que forment les NSS. Le travail n’est que partiel, il
conviendra de le compléter par une classification critique des items selon des
ensembles sémantiques homogènes, au regard des séquences
d’enchaînement. Il serait nécessaire également d’analyser les modifieurs de
ces noms, car il est évident que des collocation sont nombreuses (par ex.
meilleure solution / le problème qui se pose). Il faudrait encore s’intéresser à
la fréquence de chaque nom dans la CS (cf. Legallois et Gréa 2007), pour
mesurer leur force préférentielle pour la structure, et confronter les résultats
à un corpus autre que journalistique. Enfin, mais la tâche est difficile, il
faudrait examiner davantage les rapports entre la motivation de l’usage de
ces noms et le besoin pour le locuteur d’exhiber des structures
« rationnelles » objectivantes.
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Résumé en français
Après avoir relevé l’ensemble des noms sous-spécifiés (les noms
intégrant la construction NSS Être QUE P \ DE INF.) d’un corpus, nous
intéressons aux notions de spécification et de sous-spécification, en
montrant un double mouvement : le Nss catégorise un contenu
propositionnel, alors que ce dernier apporte une détermination au
nom. Nous examinons ensuite la nature syncatégorématique de ces
noms, nature rappelant sur certains points celle des noms employés
métaphoriquement. Nous remarquons également que les Nss sont des
indices de rationalité des discours et que la construction
spécificationnelle peut être comprise comme une métaphore
grammaticale, au sens de M. Halliday.
Abstract
16
The purpose of this paper is to study a set of French nouns: noms
sous-spécifiés (shell nouns) in the construction “NSS Être QUE P \ DE
INF”. After having extract shell nouns from a corpus, I explain the
notions of sub-specification and specification. Then I highlight the
syncategorematic nature of shell nouns, comparing them to
metaphorical nouns. In addition, shell nouns can be considered to be
linguistic signposts of rationality. Following Schmid, I finally
conclude that “constructions spécificationnelles” are a kind of
grammatical metaphor, in the sense of Halliday.
17

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