ce que pensent vraiment les patrons
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ce que pensent vraiment les patrons
Date : 19/25 JUIN 15 Page de l'article : p.36,38 Journaliste : Laurence Dequay Pays : France Périodicité : Hebdomadaire Paris OJD : 155538 Page 1/4 INDISCRETIONS CE QUE PENSENT VRAIMENT LES PATRONS "Marianne" a recueilli les confidences de ces chefs d'entreprise supposés créer de l'emploi. Surprise ! Loin des jérémiades sur le "trop de charges", "trop d'impôts", ils en arrivent - presque - à dire qu'ils reçoivent trop d'aides... PAR LAURENCE DEQUAY rinière gominée, pattes (650 sociétés). Toutle monde nepeut dè rockeur et bague en pas devenir chef d'entreprise ! » argent, Bruno Vanryb, Un boss qui jette un galet dans le le jedi d'Avanquest marigot des litanies du patronat Software (530 salariés étranglé par les impôts ? On dresse dans sept pays), adore l'oreille... secouer le cocotier Soutien des « pigeons », Vanpatronal. M. Loyal, ryb ose une blague : « T.es Améd'une table ronde consacrée, ce ricains ont Steve Jobs, nous, on a mercredi 10 juin, aux start-up du "PaulEmploi", ironisent mes amis numérique (plus de 7 DOO boîtes sur anglophiles. Dans mon milieu, on les 15 000 créées en 2014), le fonda- dit aussi que l'Urssafest devenue teur, avec Denis Payre, de Croissance le premier venture capitaliste de Plus, lance tout à trac : «XavierMel France. » Pôle emploi, l'Urssaf, [Free] qualifie la France de "para- portés aux nues ? Diable, voilà dis fiscal" pour les start-up. Paradis un « avantage collatéral de notre fiscal, ce n'est pas l'idée que l'on système de cotisations » que Pierre associe habituellement à notre pays. Gattaz, le président du Medef, Vous, vous en pensez quoi ? » Grand n'évoque guère lorsqu'il demande blanc parmi ses invités sur la scène aux chômeurs de se serrer les bleutée. Gloussements dans l'assis- indemnités... tance. Profil de médaille, Philippe En ces belles jourRodriguez, leveur de fonds dAvolta nées de juin, dans le Partners, sportivement, relève le confort de l'entregant : « Mel est dans le vrai ! Sur- sol, les patrons tout si l'on compare avec des pays affectionnent le étrangers. Nos entreprises innovantes parler « cash ». bénéficient de nombreuses aides. Et L e d e r n i e r leurs créateurs ont des revenus grâce p l a n T P E à Pôle emploi...»« C'est un système PME vendu dans lequel on a beaucoup de subven- par Manuel tions, un peu trop, poursuit le fonda- Valls comme teur de l'Electronic Business Group un <i Small Tous droits réservés à l'éditeur CROISSANCE3 6296634400505 Date : 19/25 JUIN 15 Page de l'article : p.36,38 Journaliste : Laurence Dequay Pays : France Périodicité : Hebdomadaire Paris OJD : 155538 Page 2/4 BRUNO VANRYB, président d'Avantquest Software. « DANS MON MILIEU, ON DIT QUE L'URSSAF ESTDEVENUE LE PREMIER VENTURE CAPITALISTE DE FRANCE. » BRUNO VANIYB PIERRE GATTAZ, président du Medef. « IL FAUT ETRE CAPABLE DE VOTER CE QUI VA DANS LE BON SENS. [LA LOI MACRON] EST UNE AURORE ! UN PETIT LEVER DE SOLEIL... » PIERRE GATTAZ Tous droits réservés à l'éditeur CROISSANCE3 6296634400505 Date : 19/25 JUIN 15 Page de l'article : p.36,38 Journaliste : Laurence Dequay Pays : France Périodicité : Hebdomadaire Paris OJD : 155538 Page 3/4 Business Act » en référence aux mesures protectionnistes prises dès 1953 aux Etats-Unis ? « Un Small Business Act sans business [un accès garanti aux marchés publics], moi j'appelle ça un small act », flingue un sexagénaire, salué par le public. "ON A TROP DE SUBVENTIONS" Biberonnes aux subventions, les jeunes boss rechignent bien à cotiser dès la première embauche. Faut-il leur verser 4 DOO € de plus, comme le projette Matignon ? «Dès le premier recrutement, l'Urssaf n'est plus du tout notre amie », se lamente Jack Habra, PDG de Reminiz (une application qui permet de récupérer des informations sur les « stars » de la télé d'après leur photo). Avant d'insister : « A Paris, il faut six mois pour obtenir les 30 000 € de subventions promises !» « II vaudrait mieux, clarifier le, système, avoir moins de subventions et des charges moindres », intime Gregory Herbe, CEO de Myjobcompany (recrutement mobilisant des internautes). A l'heure où l'on mise sur l'agilité, « ce système de compensations ralentit le mouvement », renchérit Marie-Vorgan Le Barzic, présidente depuis quinze ans de l'incubateur Numa. Un comble ! Une fois leur décollage assuré par « Paul Emploi » ces entrepreneurs redoutent « la vallée de la Mort » : devoir dénicher des millions pour développer leurs progiciels, leurs bases de données, recruter, justifier encore d'une profitabilité solide. Or en France, depuis 2008, les fonds d'investissement dits de «private equity » ne signent que I 800 deals par an. Pas parce que les jeunes pousses déméritent. Simplement parce que, entend-on, elles n'étoffent pas les équipes qui les jaugent. Peur de partager le gâteau ? Cette procrastination à l'embauche génère en cascade du sous-emploi. Oblige aussi à aller voir ailleurs... Autre frein à la décrue du chômage largement passé sous Tous droits réservés à l'éditeur silence : « Selon un principe de précaution français, les grands groupes acquièrent peu d'entreprises innovantes, critique un pape du conseil. Ou exigent dès la signature des retours sur investissements rapides. Mais l'innovation, justement, ne se planifie pas ! » Des PDG préfèrent aussi faire une emplette à New York ou au Technion d'Haïfa (Israël) plutôt qu'à Issy-lesMoulineaux ou à Angers. Plus chic ? C'est ainsi qu'en 2012 - Waterloo du high-tech tricolore - Bruno Maisonnier (Aldebaran Robotics), papa des robots humanoïdes Pepper et Nao, a fini par se vendre au japonais Sofbank. «Aucun industriel français ne lui avait permis de réaliser son rêve », justifie l'un de ses amis. Autant de jobs qualifiés qui risquent de migrer au pays du Soleil-Levant... "NOUS MANQUONS D'AUDACE" Ce gâchis dans une France où 25 % des jeunes chôment peut-il se répéter dans « l'Internet des objets » ? Cette révolution qui va truffer notre environnement de capteurs communicants, un océan de données à valoriser... Sigfox, le futur Google des objets - nouvelle fierté nationale -, est aujourd'hui soutenu par la BPI, la Banque publique d'investissement, et compte à son board Eutelsat (satellites). Cependant, ni Orange ni Free ne parrainent le déploiement des antennes de l'ambitieuse entreprise toulousaine (75 salariés, des myriades de partenaires installateurs). «Ilfaudrait apprendre à travailler ensemble dans une culture d'écosystème et pas l'un contre l'autre », confie à Marianne son PDG rebelle, Ludovic Le Moan, star à San Francisco et Séoul. Bref, retrouver la martingale des années 80 quand Publicis, L'Oréal, Danone, Carrefour embarquaient leurs partenaires dans leurs aventures internationales. Hybrider start-up et ETI (entreprise de taille intermédiaire), harmoniser les standards européens, former les patrons... tout un programme. En effet, mis au défi par les mas- CROISSANCE3 6296634400505 Date : 19/25 JUIN 15 Page de l'article : p.36,38 Journaliste : Laurence Dequay Pays : France Périodicité : Hebdomadaire Paris OJD : 155538 Page 4/4 associé, il est quoi ? Français. Un problème de culture, de formation ? Pas uniquement. La numérisation des économies bouleverse tant de métiers, de lautomobile à l'aérien (pilotage et maintenance automatiques) en passant par la banque, le tourisme et les transports, que les spécialistes estiment à plus de 3 millions le nombre d'emplois sur la sellette. Ils prédisent aussi des pertes abyssales à ceux qui ne sauront pas s'installer dan le nuage (cloud), une pluie d'or pour les autres. Rares sont les groupes qui ^ tel Gorgé, une ETI de sécurité passée à la fabrication d'imprimantes SD, savent se « disrupter » : changer de produit phare, de marketing, de ressources humaines. QUAND PIERRE GATTAZ RECADRE NICOLAS SARKOZY T out juste sorti d'un petit déjeuner avec Sarkozy qui lui a reproché d'avoir signé le pacte de responsabilité voulu par François Hollande, Pierre Gattaz, le président du Medef, tenait mardi 16 juin à le marteler : jusqu'en 2018, le Medef « ne fera pas de politique ». Il attendra son « Grand Soir libéral »... en se félicitant de « l'aurore » proentreprise qui illumine la loi Macron et la réforme du dialogue social. Du moins si les députés de la majorité cessent leurs zigzags, avec des amendements qui « ruineraient » la confiance des chefs d'entreprise en leur infligeant de nouvelles obligations. Et le patron du Medef de les inviter à écouter ces grandes figures de gauche, Robert Badinter, Antoine LyonCaen, dénoncer l'obésité du code du travail ! Le PDG de Radiall exhorte aussi Les Républicains à s'élever audessus des clivages droitegauche en ne soumettant pas la loi Macron au Conseil constitutionnelSur sa promesse de créer I million d'emplois, alors que le chômage galope, Pierre Gattaz abuse en revanche de la méthode Coué. On y arrivera : premièrement parce qu'on l'a déjà fait (entre 1998 et 2003 sous le gouvernement de Lionel Jospin) ; deuxièmement parce que d'autres le font todontes que sont devenus Google, Amazon, premier comparateur mondial de prix capable d'ajuster ses étiquettes quatre fois par jour ; mithridatisés par ses « nouveaux barbares » que sont booking.com, Airbnb, liber dont le déferlement dans le transport de petits colis est redouté, les Tous droits réservés à l'éditeur (Grande-Bretagne, Suède). Le bouleversement numérique qui déstabilise ses pairs ? Une révolution « très très schumpétérienne », reconnaît Gattaz, industriel de l'aéronautique. Comprendre : un processus de destruction créative d'emplois au solde final positif, à un horizon indéfini. Mais le Medef va mobiliser ses adhérents en organisant des débats et en lançant en septembre un Mooc numérisation conçu avec le Cnam. Il était temps. Jusque dans son entourage, d'aucuns font grise mine devant cette activité des PME-TPE qui recule « parce que la conjoncture est dégueulasse ». rn L.D. chefs d'entreprise le confessent collectivement : ils manquent d'audace. « Les Américains pensent tout de suite en production hollywoodienne, veulent conquérir le monde, ironise Vanryb. Un Français, lui, préférera tourner un film à la Jean-Pierre Mocky, dans lequel il contrôle tout. » On se raille : Ton LA TÊTE AILLEURS Au sous-sol du Medef, à la table ronde consacrée au commerce, des professionnels de la grande distribution s'enfoncent un peu plus dans leur chaise en entendant l'universitaire Philippe Moati leur annoncer cliniquement leur disparition, puisque les grandes marques reprennent le contrôle de leur clientèle. Telle Dash qui installe sur les machines à laver américaines un bouton sur lequel il suffit d'appuyer pour être livré en poudre blanche ; circuit qui préfigure le réassort autogéré des maisons via Internet. Directeur innovation du groupe Mousquetaires, Stéphane Leray les édifie en évoquant une imprimante SD de pâtes sur laquelle travaille Panzani. « Le point d'inflexion va ètre violent », prévient ce haut cadre. Dans ce maelstrôm, Manuel Valls peut donc multiplier, après le Cice, le pacte de responsabilité, les mesures proentreprises, il imprime mal... en SD comme en 4K, le nouveau standard image. Le patronat déjà a la tête ailleurs. Même Geoffroy Roux de Bézieux (ex-Virgin Mobile), vice-président du Medef en charge de la fiscalité, a envie de parler d'autre chose que du « social » (comprendre « coût du travail »). C'est dire ! • L.D. CROISSANCE3 6296634400505