dossier pedagogique - Compagnie KF Association

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dossier pedagogique - Compagnie KF Association
DOSSIER PEDAGOGIQUE
approches théorique et ludique du spectacle
MA FAMILLE
de Carlos Liscano
Mis en scène par la compagnie KF
Interprété par Camille Kerdellant et Rozenn Fournier
Conseiller artistique Mickaël Egard
Chargée de production Maude Gallon
Administratrice de tournée Sophie Dietsch
Spectacle présenté au public pour la première fois
au Théâtre du Cercle à Rennes en février 2011
Mai 2012
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Sommaire
Dossier pédagogique
Visuel du spectacle …………………… p.1
La genèse d’un spectacle………………. p.3
A consulter le dossier artistique joint
Introduction ……………………………. p.4
Propositions de travail
L’avant spectacle ...........................……. p.5
L’après spectacle ……………………… p.7
Annexes
Extraits « Ma famille», M. Bernanoce ... p.10
Ressources bibliographiques ……………p.12
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La genèse d’un spectacle
En février 2011, les deux comédiennes, Rozenn Fournier et Camille Kerdellant se
sont isolées pendant plusieurs jours pour se consacrer à la lecture de pièces de
théâtre. Le projet de la compagnie était celui de réunir une équipe réduite, avec le
minimum de moyen technique.
Plusieurs textes destinés au jeune et tout public, avaient été choisis pour leur
curiosité. Le nombre de personnages importait peu aux deux lectrices, le sujet et
l’écriture étant ce qui touche en premier leur sensibilité.
C’est ainsi que le texte Ma famille s’est retrouvé entre leurs mains et a soulevé
immédiatement l’enthousiasme des comédiennes. La pièce se lit comme un conte
dont le lecteur est le récitant et les personnages à la fois. Le passage successif de l’un
à l’autre se faisant de façon ludique et naturelle. Le texte alterne représentation et
récit, lequel est porté par le personnage principal de la pièce. Une dizaine de
personnages apparaissent et disparaissent tout au long du récit, dont le sujet très
actuel, est la critique acerbe et grotesque d’une société, la nôtre, raconté par un
enfant à travers l’histoire de sa famille.
L’ « exercice » de la lecture à la table est devenu la forme artistique et
scénographique choisie pour la représentation publique. Les répétitions se sont
déroulées dans un premier temps entre les deux comédiennes, l’une à côté de
l’autre, ne se faisant jamais face, travaillant sur la sonorité des voix, selon une
distribution de la narration et des personnages préalablement décidée entre elles. Le
jeu de l’une et de l’autre s’articulant sur une partition sonore et gestuelle nécessaire,
pour comprendre objectivement le passage du rôle du conteur à celui du
personnage.
Il a été indispensable au cours des répétitions de présenter leur recherche à un
complice, Mickaël Egard, œil extérieur, le seul témoin de ce qui pouvait échapper
aux deux comédiennes, « innocentes » de ce qu’elles produisaient l’une à côté de
l’autre. Il a été le conseiller artistique de cette expérience qui est devenue une
aventure qu’elles partagent depuis avec le public.
Les deux comédiennes ont choisi ce texte par goût pour sa cruauté, sa délicatesse et
son humour. Ma Famille se rapproche par son sujet du conte Le Petit Poucet de
Charles Perrault. De façon provocatrice Carlos Liscano désacralise les liens
considérés comme indissolubles. Critique d’une société marchande et capitaliste qui
fragilise la Famille. A consulter le dossier artistique joint.
Camille Kerdellant & Rozenn Fournier
Septembre 2012
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Introduction
Sachant que la représentation de Ma Famille peut être une première
expérience pour beaucoup de jeunes spectateurs - et un défi parfois pour
l’enseignant - se pose la question de la manière la plus adéquate d’amener des
classes à assister à un spectacle professionnel, et en l’occurrence ici à une petite
forme de représentation : la lecture-spectacle.
Plusieurs objectifs peuvent être visés par l’enseignant :
- faire partager le plaisir, “ l’émerveillement ”, de la représentation et
développer l’imaginaire des élèves ;
- leur faire découvrir un lieu de spectacle, son fonctionnement, ainsi que les
codes culturels et sociaux qui peuvent lui être associés ;
- développer leur relation à l’art et contribuer à la construction d’une culture,
notamment en s’interrogeant sur le(s) sens à donner à la “ lecture mise en scène ”.
Comment préparer à la réception du spectacle ?
- On partira du présupposé que cela ne va pas de soi pour un nombre
significatif d’élèves et que, par conséquent, il est pertinent de l’accompagner.
- S’il est toujours possible de préférer le contact direct avec l’œuvre, les
propositions qui suivent ont été guidées par le souci de susciter le désir de la
découvrir et par celui d’accompagner, voire d’affiner, la réception du spectacle, en
amont et en aval de la représentation.
Ce dossier pédagogique est constitué de propositions de travail avec la classe.
Ces temps de travail concernent l’avant-spectacle et l’après-spectacle. Les activités
sont indépendantes les unes des autres et ne constituent ni une “ séquence ”
d’enseignement ni une exploration exhaustive des différentes entrées dans l’œuvre
et sa représentation. Elles peuvent donc être combinées, être envisagées séparément
ou compléter une étude plus savante, que nous avons délibérément écartée ici.
Ces propositions se sont nourries de la rencontre avec les metteures en scène,
Rozenn Fournier et Camille Kerdellant : qu’elles en soient vivement remerciées.
Karine Montarou
Professeur au collège Georges Brassens, Le Rheu (35)
Mise à jour : mai 2012
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Propositions de travail autour de Ma Famille, de Carlos Liscano
et de la mise en scène de la compagnie KF association
1. L’avant-spectacle
1.1. Créer une attente.
L’utilisation d’indices partiels est possible. La préparation à la venue au spectacle se déroulerait alors en trois
étapes.
a) indice n°1 : le flyer promotionnel de la lecture-spectacle (avec ou sans accès au verso du document).
Le travail pourra alors porter sur les hypothèses qui émergent de l’observation de l’illustration…
On peut également imaginer une orientation différente à l’observation, en s’arrêtant sur le milieu du spectacle
vivant et le travail de production et de diffusion d’un spectacle (observer les coordonnées de l’expéditeur de
l’enveloppe pour découvrir les métiers associés au spectacle vivant,…).
b) indice n°2 : la réplique finale de la pièce
ACTEUR UN.- Et ici se termine une partie de l'histoire de ma famille. Un jour mes enfants et mes petitsenfants raconteront le reste, cette passion que tous nous avons toujours eue pour les enfants. Et que nous avons
héritée de nos parents.
On pourra travailler sur son contenu et valider ou non les premières hypothèses formulées lors de la première
étape : la notion de double énonciation au théâtre (adresse au spectateur ? adresse à un autre personnage ?), le
nom du personnage qui invalide au moins partiellement la référence au genre du conte,…
On peut ensuite proposer aux élèves de mettre en voix et en espace cette courte réplique, en leur demandant
par exemple deux versions, l’une neutre, l’autre décalée.
Enfin, on peut imaginer une consigne d’écriture incitant les élèves à proposer leur version de cette “ histoire
de famille ”.
c) indice n°3 : découverte du début de la pièce.
RÉCIT
ACTEUR UN.- Mon père, on l'a vendu quand il avait cinq ans.
ACTRICE.- D'après ce qu'il racontait ce fut un hasard.
ACTEUR DEUX.- Ma grand-mère pensait qu'avant l'arrivée de l'hiver elle devrait vendre un ou deux enfants,
mais elle n'avait encore rien décidé.
ACTEUR TROIS.- Si la récolte était mauvaise elle en vendait deux, si elle était bonne elle en vendait un et elle
gardait l'autre pour l'année suivante.
ACTRICE.- Tous les enfants savaient que l'un d'entre eux allait être emmené au marché à l'automne, mais celui
qui allait devenir mon père n'était pas au courant. C'est alors qu'une nuit avec ma tante Elda, qui devait avoir
dans les six ans, ils se levèrent affamés et en essayant de trouver quelque chose à manger ils renversèrent la
jarre de lait.
(…)
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Il s’agira de confronter les propositions des élèves à cette scène initiale.
On travaillera d’abord la lecture à voix haute, la première découverte se faisant de la manière la plus neutre
possible, en respectant scrupuleusement la ponctuation. On pourra prolonger la découverte de ce début par un
travail de mise en voix et en espace, en s’appuyant ou non sur les indications de la didascalie initiale.
Un travail par groupes à effectifs hétérogènes (de 2 à 6 élèves, par exemple), complété éventuellement par des
protocoles de lecture différents (lire au ralenti, lire en canon, lire en chuchotant, lire en accentuant un mot,
etc…), conduira à s’interroger sur les effets produits.
D’emblée, cette approche suscitera des questionnements liés à l’écriture du texte de théâtre, et
particulièrement du texte de théâtre contemporain. En effet, il n’y a pas de découpage classique en actes et en
scènes et le lecteur est confronté à l’alternance récit/action (= l’épicisation, terme qui rappelle la mise à
distance que prônait Bertold Brecht dans son “ théâtre épique ”), matérialisée par la typographie, et le
dédoublement du personnage du narrateur.
A cela s’ajoute l’incompatibilité d’une représentation “ réaliste ” avec l’absence d’équivalence acteurpersonnage, la désignation impersonnelle, la fusion des rôles masculins ou féminins.
1.2. S’appuyer sur la didascalie initiale
Les costumes sont sobres et simples, et n'indiquent aucune classe sociale ni aucun style déterminé.
Au fond de la scène, visibles, les différents éléments de décor et les accessoires nécessaires à la
représentation : tables, chaises, bouteilles, verres, qui seront éclairés lorsqu'on les utilisera. Un ensemble de
chaises servira à représenter la nombreuse famille dont il est question. Les chaises seront placées pour les
fêtes et suivant les indications scéniques.
L'arbre dont on parle dans le texte pourra être représenté par n'importe quelle structure, pourvu qu'elle
permette à l'acteur de parler “ d'en haut ”.
L’Acteur trois réalisera les différents changements de décor et remettra aux autres les accessoires à mesure
qu'ils en auront besoin.
- faire imaginer les costumes d’un ou de plusieurs personnages, soit à l’aide de la liste des personnages, soit
après avoir lu le début (aide possible : des fiches-costumes de spectacles divers) ;
- selon le niveau de la classe, proposer de réaliser une maquette de scénographie, à partir des indications de
Carlos Liscano
1.3. Quelques prolongements :
- Lecture-découverte du texte, jusqu’à la page 15 seulement.
- On peut préparer des tableaux visuels ou sonores du début de la pièce, jusqu’à la fin de la page 15 par
exemple (travail choral, par petits groupes, avec un groupe de spectateurs)
- Proposer aux élèves d’imaginer la “ photo de famille ” de Ma Famille, à partir de la lecture de la pièce ou
d’une partie de celle-ci (dessin, photo-montage,…)
- Tenter d’expérimenter des rythmes, des émotions, des intensités différentes,… et compléter ce travail par des
tentatives de mise en espace (en utilisant toutes les possibilités qu’offre la salle de classe), en se demandant
notamment : comment rendre signifiantes dans l’espace les alternances récit/action ?
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2. L’après-spectacle
2.1. Quelques propositions pour commenter le spectacle :
- comparer des articles de presse ; écrire une critique du spectacle vu et l’adresser à la compagnie.
2.2. S’interroger sur la théâtralité
La réflexion, conduite à l’issue du spectacle, peut amener à un débat sur les choix réalisés par les metteures en
scène. Orientent-ils le spectateur vers une interprétation particulière de la pièce ?
- revenir sur la question du rapport numérique comédiens / personnages ;
- s’arrêter sur le traitement par les metteures en scène du discours didascalique présent dans le texte de Carlos
Liscano.
- jeu et rejeu : revenir par groupes sur un passage marquant de la lecture spectacle, en faire un “ arrêt sur
image ”, proposer une toute autre version scénique.
2.3. Pistes de lecture et d’écriture :
- Ecrire une lettre à l’un des personnages de la pièce pour lui dire ce que l’on pense de lui.
- Ecrire une lettre aux comédiens et/ou aux metteures en scène pour leur dire ce que l’on a pensé du spectacle.
- Approfondissement : travail d’écriture avec des variations récit / action (intercaler ou récrire des passages
qui sont des commentaires a posteriori de ce qui se passe) ; mettre en espace ou en jeu les textes écrits. (Voir
les propositions de Marie Bernanoce en annexe.)
Ce travail peut être l’occasion de traiter des thématiques sociales contemporaines et d’inviter les élèves à
réaliser des recherches en vue d’écrire et de compléter leur première approche de la lecture-spectacle.
- La thématique “ Arts, états, pouvoir ” en Histoire des Arts peut être nourrie par la venue au spectacle Ma
Famille.
2. La rencontre d’artiste
Si la classe a l’opportunité de rencontrer l’équipe artistique ou l’un de ses membres, que ce soit en
amont ou en aval de la représentation, il convient, comme pour la rencontre avec l’œuvre, de préparer cette
rencontre, afin d’en faire un temps qui fera trace.
On recherchera, au travers de cette situation, à rendre les élèves actifs. Pour cela, de multiples entrées
sont possibles (voir quelques propositions dans l’annexe 2).
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Annexe 1 : préparer une rencontre d’artiste
Les pistes de travail qui suivent s’inspirent largement du travail de Nathalie Rannou, conseillère académique
lecture-écriture-oralisation de l’académie de Rennes, de 2008 à 2011, et actuellement professeur de
didactique de la littérature à l’université de Grenoble.
Il est toujours possible de faire réaliser un questionnaire à l’avance aux élèves, qui seront chargés ensuite
d’interroger les artistes. Pourtant, la démarche rend parfois ce genre de rendez-vous artificiel ou mécanique et
ne permet pas aux élèves de s’investir personnellement dans l’activité.
Il est sans doute préférable d’inventer des formes de rendez-vous qui permettront de surmonter les passivités
individuelles et de faire en sorte qu’au-delà du “ j’aime / j’aime pas… ”, chacun sorte enrichi de la rencontre
avec l’œuvre et les artistes. Cela peut passer par la création d’un petit “ événement ” dans l’établissement
scolaire.
Thème
Les conditions
d’accueil
Aide à la préparation et à l’évaluation
de la rencontre d’artiste
- Le lieu du rendez-vous a-t-il été
évoqué avec l’artiste ?
- La disposition des chaises et de
l’espace sont-ils favorables à la vue et à
l’écoute ? Peut-on imaginer un
dispositif plus intime que les rangées de
tables classiques ?
- Faut-il prévoir un micro ?
- L’artiste a-t-il été accueilli et
accompagné, à l’arrivée et au départ ?
Exemple d’actions possibles
Préparer la séance avec le chef
d’établissement, le documentaliste, les
personnels de la restauration (café ?), et
un groupe d’élèves qui sera responsable
de bout en bout de ces aspects
- surprendre les artistes (par exemple en
s’habillant avec des vêtements reprenant
les couleurs des costumes du spectacle,
en apportant un objet récurrent dans le
spectacle, en citant quelques formules
mémorisées à l’issue du spectacle,…)
Le rythme de la - comment ont été préparées les phases - Se mettre d’accord au préalable avec
de la rencontre et en quelles les artistes.
rencontre
proportions ? (temps de lectures, phases
d’analyse ou de commentaires plus
généraux, partie questions-réponses,
activité, temps de silence…)
- Charger un ou deux élèves de la
modération ou bien du respect du
conducteur de la séance
- Intervenir au besoin pour faire lire ou
jouer, ou rejouer un passage par les
élèves (utile quand un aspect du
spectacle pose problème…)
- Prévoir éventuellement une activité (
faire écrire, lire, jouer les élèves, faire
découvrir des objets, des images, aux
artistes, les faire réagir par rapport à une
thématique en lien avec le spectacle…)
- faire réagir les artistes par rapport à
des citations d’auteurs dramatiques
(sous forme de papiers pliés à piocher
dans une corbeille) ou à une pile de
textes de théâtre choisis par les élèves
(posés dans un panier)
La distribution - Combien d’élèves ont pris la parole ? - éviter de s’asseoir à côté des artistes
de la parole Qui la distribue (le professeur ? des face au groupe
La richesse de
l’apport des
artistes
élèves modérateurs ?)
- faire préparer les questions à poser en
- Les adultes accompagnateurs ont-ils petits groupes ; constituer des équipes,
accaparé la parole ?
chacune se chargeant d’évoquer un
aspect
- une prise de notes est-elle prévue ? a-t- - charger un groupe d’élèves de faire un
elle été fructueuse ?
compte-rendu (pour le journal, le blog
de l’établissement, la presse locale, un
panneau au CDI,…)
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elle été fructueuse ?
les questions ont-elles été
satisfaisantes ?
- les réponses sont-elles prévisibles ?
- la rencontre donne-t-elle envie d’aller
plus loin ?
compte-rendu (pour le journal, le blog
de l’établissement, la presse locale, un
panneau au CDI,…)
- organiser un bilan avec les élèves (qui
peut être consigné dans leur journal de
bord ou leur cahier d’Histoire des arts)
- les artistes se sont-ils adaptés à leur
public ?
- les élèves ont-ils pu exprimer de la
reconnaissance ?
- les artistes ont-ils manifesté de la
satisfaction ?
L’intérêt de la - la rencontre entre-t-elle en résonance
rencontre pour avec la progression de l’année, avec le
l’enseignement programme disciplinaire, avec des
objectif transdisciplinaires ?
- comment cette séance va-t-elle devenir
une référence pour l’année scolaire ?
- faire rédiger un message de
remerciement à l’attention des artistes
par un groupe d’élèves
l’apport des
artistes
L’intérêt
humain de la
rencontre
La
reconnaissance
du travail
accompli (et les
chances de
pouvoir
recommencer !)
- d’autres élèves, des parents, des
collègues, les chefs d’établissement ontils perçu l’intérêt du projet ?
- des lectures ont-elles été suscitées en
dehors du cercle restreint de la classe ?
des places ont-elles été réservées par
des familles pour d’autres séances ?
- faire acquérir les textes en lien avec la
représentation au plus tôt par le CDI ou
les familles
- utiliser les propos des artistes ou de
l’auteur dramatique à l’occasion de
divers travaux ou exercices tout au long
de l’année
- valoriser les élèves qui sauront le faire
spontanément
- inscrire ce type de projet dans le volet
artistique et culturel du projet
d’établissement
- solliciter presse ou radio locale
- confier à des élèves la responsabilité
de prendre quelques photographies ou
de filmer la rencontre (avec accord
préalable des artistes)
- diffuser les comptes-rendus, y compris
aux financeurs du projet
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Annexe 2 Ma Famille, Carlos Liscano
A la découverte de cent et une pièces, Marie Bernanoce
Editions théâtrales / SCEREN-CRDP de Grenoble, pages 264-267.
NIVEAU
AUTEUR
ÉDITEUR
>
>
>
CYCLE 3 PRIMAIRE / COLLÈGE / LYCÉE
CARLOS LISCANO
ÉDITIONS THÉÂTRALES, 2001
THÉMATIQUES
> cruauté ; famille ; mercantilisation ;déshumanisation
DRAMATURGIE
> épicisation ; dédoublement du personnage ; monodrame ; enchâssement du passé ; voix
didascalique de régie ; focalisation
Ma Famille
Carlos Liscano est un auteur uruguayen, né en 1949. Il s'illustre dans divers genres et est traduit dans de nombreux
pays. Son histoire personnelle ne peut qu'attirer l'attention sur son écriture pour les jeunes. Carlos Liscano est en effet
devenu écrivain en prison, où il a été enfermé pour des raisons politiques pendant treize ans et torturé, du fait de ses
activités révolutionnaires avec les Tupamaros. Il y écrivait sur de petites feuilles, qu'il faisait sortir de prison cachées
dans une guitare. Exilé ensuite en Suède, puis en Espagne, il vit de nouveau dans son pays.
Ma Famille a d'abord été publiée en 1998 dans le recueil Cinq pièces d'Amérique latine, par les éditions Théâtrales. Sa
reprise dans une collection jeunesse en 2001 I'a présentée aussi à ce public, à juste titre. En 1996, le texte a obtenu le
Prix de théâtre de la ville de Montevideo.
Ma Famille, comme son titre l'indique, associe lecteur et spectateur à la parole d'un personnage principal qui donne à
découvrir l'histoire de sa famille. Carlos Liscano aurait pu écrire un monologue, il a préféré le monodrame. La parole du
personnage principal est diffractée, éclatée entre les différents acteurs, selon des effets de polyphonie, et la pièce est
elle-même divisée en deux registres, celui du récit au passé et celui de la représentation du passé au présent.
Une actrice et trois acteurs interprètent les multiples voix et les différents personnages. Ils sont habillés de la
même façon, et se définiront selon les exigences du texte.
La longue didascalie initiale est clairement de régie, réglant la mise en scène de façon assez précise, même si cela n'est
pas toujours fermé :
Les costumes sont sobres et simples, et n'indiquent aucune classe sociale ni aucun style déterminé.
Au fond de la scène, visibles, les différents éléments de décor et les accessoires nécessaires à la
représentation : tables, chaises, bouteilles, verres, qui seront éclairés lorsqu'on les utilisera. Un ensemble de
chaises servira à représenter la nombreuse famille dont il est question. Les chaises seront placées pour les
fêtes et suivant les indications scéniques.
L'arbre dont on parle dans le texte pourra être représenté par n'importe quelle structure, pourvu qu'elle
permette à l'acteur de parler “ d'en haut ”.
L’Acteur trois réalisera les différents changements de décor et remettra aux autres les accessoires à mesure
qu'ils en auront besoin.
Ces procédés épiques, que l'on pourrait croire un peu éculés, retrouvent ici toute leur force du fait de la thématique de la
pièce, éloignant le lyrisme et tout risque de pathos de façon assez brechtienne, mais sans maîtriser les effets produits car
les temps de “ représentation ” n'en sont pas moins forts. Qu'on en juge par le début du dialogue :
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RÉCIT
ACTEUR UN.- Mon père, on l'a vendu quand il avait cinq ans.
ACTRICE.- D'après ce qu'il racontait ce fut un hasard.
ACTEUR DEUX.- Ma grand-mère pensait qu'avant l'arrivée de l'hiver elle devrait vendre un ou deux enfants,
mais elle n'avait encore rien décidé.
ACTEUR TROIS.- Si la récolte était mauvaise elle en vendait deux, si elle était bonne elle en vendait un et elle
gardait l'autre pour l'année suivante.
ACTRICE.- Tous les enfants savaient que l'un d'entre eux allait être emmené au marché à l'automne, mais celui
qui allait devenir mon père n'était pas au courant. C'est alors qu'une nuit avec ma tante Elda, qui devait avoir
dans les six ans, ils se levèrent affamés et en essayant de trouver quelque chose à manger ils renversèrent la
jarre de lait.
Nous sommes donc dans un pays où chaque famille vend et parfois rachète ses enfants comme on mettrait un objet en
gage au mont-de-piété : quand il faut boucler les fins de mois, quand le réfrigérateur donne des signes de faiblesse,
quand il n'y a pas assez de nourriture, ô paradoxe !, sur la table de fête des retrouvailles familiales... Nous sommes dans
un pays où les parents aussi se vendent, lorsqu'ils commencent à ne plus être assez jeunes et que la dure loi des
générations fait son œuvre. On les met alors dans des dépôts où leur vente devient l'objet d'un trafic aux pourboires
exorbitants.
Cette histoire se finit comme elle avait commencé : la vente et l'achat des enfants constituent un cycle naturel, les
enfants font ce qu'ont fait avant eux leurs parents :
ACTEUR UN.- Et ici se termine une partie de l'histoire de ma famille. Un jour mes enfants et mes petitsenfants raconteront le reste, cette passion que tous nous avons toujours eue pour les enfants. Et que nous avons
héritée de nos parents.
Cette pièce terrible et légère à la fois, non dénuée d'humour, pourra tout aussi bien être lue et étudiée par de jeunes
enfants de cycle 3 que par des élèves de collège, de préférence des 4e, ou par des lycéens. La première activité à
proposer pourrait être la mise en voix de ce texte. Ecrit pour trois acteurs et une actrice, il peut être découpé en autant de
sections (récit et/ou représentation) qu'il en faudra pour diviser l'effectif de la classe ou du groupe.
Bien sûr, on s'attachera à la portée sociale et humaine de cette fable que la mise en voix aura déjà rendue vivante. Il est
d'ailleurs intéressant de remarquer combien la référence à Italo Calvino est présente dans la pièce : I'un des frères du
narrateur, nommé L’Arboricole, se retrouve en effet perché dans les arbres avec toute sa petite famille, qu'il élève de
façon peu commune. Comment ne pas penser au Baron perché ?
Comment, de façon plus générale, ne pas penser au talent d'observateur ironique de Calvino ou bien encore à celui de
Buzzati dont “ La Chasse aux vieux ” dans Le K n'est pas très loin, dans le genre narratif, de cette courte pièce.
Mais on fera également en sorte de rendre les enfants ou les jeunes sensibles au rapport entretenu par cette fable avec la
structuration dramaturgique de la pièce : le drame de l'éclatement familial et personnel ne pouvait pas, précisément, se
dire sur le mode univoque du monologue. Le sujet y éclate en morceaux, comme la famille, comme la forme
dramatique, le tout sur un mode ironique donnant à entendre que tout cela est normal, pour mieux rendre cet état de fait
insupportable. Il serait ainsi intéressant de construire un atelier d'écriture consistant à faire chercher des faits divers
posant des problèmes de société pour en imaginer ensuite une concrétisation ironique que l'on pourrait rapprocher de la
science-fiction. Ce serait en quelque sorte de la sociologie-fiction, débouchant sur l'écriture en groupe de courtes pièces
fonctionnant comme celle de Liscano, sur le dédoublement du personnage à la fois récitant au présent et héros au passé.
Les courtes pièces produites pourraient alors être mises en voix par la classe voisine ou par un autre groupe de la classe,
histoire de rester fidèle à l'effet de distance créé par ce type d'écriture dramatique.
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Eléments bibliographiques
Ressources pour les enseignants :
- Revue Lettres ouvertes, n°9, “ Le théâtre, dissident il va sans dire ”, décembre 1997, CRDP de Bretagne.
- Revue Pratiques, n° 74, “ Pratiques textuelles théâtrales ”, juin 1992
- “ Théâtre et enfance : l’émergence d’un répertoire ”, n°9 dans la collection “ Théâtre aujourd’hui ” du réseau
SCEREN-CNDP.
- Plusieurs DVD sont édités par le SCEREN dans la collection “ entrer en théâtre ”, dont Du jeu au théâtre,
Texte et représentation, Lire le théâtre à voix haute.
- A la découverte de cent et une pièces, répertoire critique du théâtre contemporain pour la jeunesse, Marie
Bernanoce, éditions Théâtrales/CRDP de l’académie de Grenoble, 2006.
- Lire le théâtre, volumes I, II et III, Anne Ubersfeld, Collection Lettres Sup, Belin, 1977, édition revue en
1996.
- Scénographies du théâtre occidental, Anne Surgers, Collection Lettres sup., Armand Colin, 2005
- Lire le théâtre contemporain, Jean-Pierre Ryngaert, , Nathan Université, coll. Lettres Sup., 2003.
Ressources en ligne :
Une bibliographie généraliste est accessible sur la page “ Arts, sciences et Culture ” de l’espace éducatif de
l’académie de Rennes, en se rendant dans la rubrique “ Ressources ” du domaine “ Théâtre ”.
compagnie KF association
http://compagniekf.free.fr/compagnie.html
[email protected]
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