Arrêter les antiviraux et s`injecter de l`IL2
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Arrêter les antiviraux et s`injecter de l`IL2
INT ER LEUKINE 2 questions Une étude importante montre le rôle fondamental des lymphocytes CD8 cytotoxiques pour contrôler le VIH minitel1 8 Séroconversion. Je souhai terais connaître tous les risques ainsi que tout ce qui sera mis en œuvre pour la sé roconversion d’un nouveau né. Il m’a été dit qu’à l’âge de six mois nous saurions exactement si l’enfant est positif ou négatif, sur quoi se base-t-on pour dire cela ? Si le bébé n’est pas encore né, grossesse en cours, un traitement sera proposé à la maman en fin de grossesse et à l’enfant à la naissance pendant six semaines. On a également discuté le mode d’accouchement et proposé un accouchement par césarienne. Cela permet de réduire considérablement le risque de contamination de l’enfant : 3 % au lieu de 19% sans traitement. Si le bébé est déjà né, il n’y a rien à faire de particulier. La surveillance du bébé se fait sur des prises de sang à la naissance, à un mois et à trois mois. Si l’ensemble du bilan est négatif à trois mois l’enfant n’est pas contaminé. Il n’est pas utile d’attendre le bilan du sixième mois pour être certain que l’enfant est négatif. Résistance. Ma charge vi rale vient de passer de 200 copies environ à 3700. Est ce le signe d’apparition d’une résistance à mes traitements ou est ce négligeable ? J’ai la même trithérapie depuis deux ans et demi. Est-il vrai qu’il est déjà rare que la même marche aussi long temps ? Quel pourcentage ? La charge virale est un examen très sensible qui peut varier pour des raisons indépendantes au virus. Toute surinfection (grippe, rhinite, bronchite) peut augmenter la charge virale. Il faut donc la contrôler de nouveau avant d’en tirer une conclusion. Si l’augmentation se confirme cela va effectivement dans le sens d’un début d’échappement et de résistance. Les échappements après 2 ans représentent à peu près 40 % des patients. I N F O T R A I T E M E N Arrêter les antiviraux et s’injecter de l’IL2 Arrêter un traitement antirétroviral efficace se solde habituellement par un rebond très rapide de la charge virale, même si elle était indétectable. Il n’y a que très peu d’exceptions, comme le fameux patient de Berlin. A l’ICAAC 1, on a beaucoup parlé d’une petite étude qui fait part d’un succès relatif chez neuf volontaires qui ont arrêté les antiviraux sous certaines conditions. Leur charge virale a fortement et rapide ment rebondi, comme prévu, mais elle fut par la suite partiellement contrôlée par le système immunitaire sans qu’ils n’aient recommencé les antiviraux. Nous publions l’interview de l’auteur de l’étude par la revue américaine Aids Treatment News n otons aussi que ces patients n’étaient pas récemment infectés, contrairement au patient de Berlin. Tout le monde a été surpris, y compris les chercheurs qui dirigeaient l’étude. On admet que ce protocole n’est pas généralisable mais ces résultats sont une étape importante vers des traitements qui aideraient l’organisme à contrôler le virus. On pourrait ainsi réduire voir éliminer la dépendance aux antirétroviraux chez certains patients ou simplement perfectionner les résultats obtenus avec les multithérapies. Au NIH 3, la dose quotidienne est de 15 millions d’unités d’IL2 Chiron administrée en deux injections de 7,5 millions d’unités dans la journée. La dose que nous avons retenue est sept fois et “Le jeu consiste à mettre assez d’IL2 pour activer les lymphocytes T tout en utilisant une dose insuffisante pour activer les natu ral killers demie plus faible et correspond à l’équivalent de 2 millions d’unités d’IL2 Chiron administrée en une seule injection. Equivalent car nous utilisons en fait 250.000 unités d’IL2 Amgen qui est Cette étude a été présentée par Kenplus puissante que celle de Chiron. dall A. Smith dont le laboratoire fut le premier à identifier l’IL2 et ses ré- Quels sont les effets secondaires à cepteurs à la fin des années 70 et au cette faible dose ? début des années 80. Nous utilisons cette dose pour qu’il n’y ait pas d’effets secondaires systéVous avez utilisé des doses d’IL2 miques, pas de fièvre ou de syndrome beaucoup plus faibles que dans les pseudo grippal. Si les gens développent deux grands essais internationaux ces effets indésirables, nous réduisons qui démarrent (l’essai Esprit du la dose. Finalement, il ne persiste NIAID avec 4000 patients et l’essai qu’une inflammation locale au point SILCAAT de Chiron2 avec 1400 d’injection qui n’a pas conduit les papatients). Toutefois, vos patients se tients à arrêter le traitement. sont injectés de l’IL2 quotidienne ment alors que dans l’essai du Quelle théorie derrière la faible NIAID 3 il s’agit de cures à haute dose, pourquoi fonctionne-t-elle dose de 5 jours toutes les 8 se sans effets secondaires ? maines. Quelle dose exacte avezL’IL2 est une hormone naturellement vous employée et pourquoi avezproduite par notre corps et c’est l’une vous préféré de petites doses des hormones les plus importantes administrées quotidiennement ? pour le système immunitaire. Des T S N ° 7 5 D E C E M B R E 1 9 9 9 souris qui manquent d’IL2 développent une immunodépression sévère. La justification de l’emploi d’une faible dose repose sur le récepteur à l’IL2. Après que nous l’ayons découvert en 1981, nous avons essayé de comprendre pendant plus de dix ans les relations entre la liaison de l’IL2 à ses réce pt eu rs et l’in duct ion de la prolifération des lymphocytes par cette même IL2. Ces cinq dernières années nous avons étudié chez des volontaires les doses d’IL2 nécessaires pour saturer les récepteurs à l’IL2 des lymphocytes et induire leur prolifération maximale. L’IL2 interagit donc avec les lymphocytes qui portent à leur surface des récepteurs pour cette hormone. Ces récepteurs lymphocytaires à l’IL2 ont une très haute affinité pour l’hormone ce qui signifie que vous n’avez pas besoin de beaucoup d’IL2 dans le sang pour qu’elle se fixe aux récepteurs qui la captent très efficacement. Par conséquent, de petites doses conduisent à de petites concentrations d’IL2 dans le sang, mais qui sont toujours suffisantes pour se fixer aux récepteurs des lymphocytes T et provoquer ainsi l’activation de ces lymphocytes. 1 ICAAC Conférence internationale annuelle en septembre sur les maladies infectieuses. 2 Chiron Laboratoire le plus impliqué dans le développement de l’IL2. 3 NIAID, NIH Structures de recherche dans le domaine de la santé et du VIH aux USA. 4 Perméabilité capillaire Fuite d’eau dans les tissus à partir des capillaires. Peut induire des oedèmes. 5 Réservoir En activant les cellules réservoir à virus latent, l’IL2 induirait le cycle du virus qui deviendrait alors accessible aux antiviraux. Un autre type cellulaire est impliqué : les lymphocytes natural killer ou NK. Environ 90 % des NK portent à leur surface un récepteur à l’IL2 incomplet ce qui diminue l’affinité à l’IL2 d’à peu près 100 fois. Il en résulte qu’il faut utiliser de fortes doses d’IL2 pour toucher les récepteurs de toutes les cellules NK. Une fois que vous avez appuyé sur le bouton IL2 du milliard de NK circulant dans le sang, vous avez activé ces cellules qui se mettent à secréter leurs propres cytokines qui vont être source de toxicité. Les cytokines produites par les NK sont dites cytokines pro inflammatoires. Le prototype en est le fameux TNF alpha ou Tumor Necrosis Factor (Facteur de Nécrose des tumeurs), qui est aussi le pire du point de vue des effets secondaires. Fièvre, fatigue et syndrome de perméabilité capillaire 4, sont des effets secondaires du TNF mais aussi des fortes doses d’IL2... Ces événements indésirables sous IL2 sont dus aux cytokines secondaires relarguées par les NK dont la principale est le TNF alpha. Par conséquent, le jeu consiste à mettre assez d’IL2 pour qu’elle se lie à ses récepteurs de haute affinité sur les lymphocytes T tout en utilisant une dose insuffisante pour activer les natural killers. Nos données indiquent aussi que l’usage continu de faibles doses d’IL2 est préférable à l’usage intermittent à fortes doses parce qu’il prévient la perte de cellules par apoptose, la mort cellulaire programmée. riode il leur était laissé le choix de retourner à leur traitement classique, c’est-à-dire la multithérapie sans IL2, ou de rentrer dans la seconde phase de l’essai consistant à arrêter les antiviraux tout en continuant l’IL2 quotidienne à faible dose. Le but de la première phase de l’essai, antiviraux plus IL2, était de déterminer si l’IL2 à faible dose permettrait d’aug- herpès comme la variole du poulet, l’herpès simplex 6 et le CMV. Un système immunitaire normal parvient à éliminer le virus lors de la première infection et sans aucun médicament. Cependant, il n’élimine pas la totalité du virus dont une toute petite partie est conservée à l’état latent. Si la personne traverse ultérieurement une période de déficit immunitaire, que ce soit Quand vos patients devaient-ils s’injecter l’IL2 dans votre étude et était-il nécessaire de la garder au ré frigérateur ? Vous pouvez prendre l’IL2 quand vous voulez. La plupart de nos patients se l’injectaient le soir avant de se coucher. L’IL2 doit effectivement se garder au réfrigérateur. A quels critères devaient satisfaire les volontaires recrutés ? Leurs CD4 devaient se situer entre 200 et 500 avec une charge virale maintenue en dessous de 400 copies. Ils ont continué à prendre leur multithérapie pendant toute l’étude, donc en même temps que l’IL2 dont l’utilisation a varié de 3 mois à un an. A l’issue de cette pé- questions minitel2 Suivi. Je viens d’avoir confir mation de ma séropositivité. J’habite la région parisienne. Ou dois-je aller pour la suite et pour quoi faire ? Il faut faire un premier bilan général pour connaître le taux de réplication de votre virus (charge virale) et vos défenses immunitaires (taux de CD4). En fonction de ces résultats, on vous proposera soit un suivi biologique régulier, soit de débuter un traitement. Vous pouvez pour cela vous adresser à votre médecin traitant généraliste si vous l’estimez compétent dans ce domaine. Il est toujours préférable d’avoir un seul médecin qui puisse vous faire la synthèse de votre état de santé. Vous pouvez aussi vous adresser à un médecin généraliste formé sur le VIH (Sida Info Service peut vous donner les coordonnées au 0 800 840 800) ou vous adresser à l’hôpital près de chez vous si vous souhaitez un suivi hospitalier. Sustiva. Après quelques es sais (tous d’ailleurs) de tri thérapies avec antipro téases, j’ai abandonné celles-ci en raison des effets secondaires digestifs systé matiques. Je prends mainte nant une trithérapie sans antiprotéases : Ziagen + Epivir + Sustiva. Je la sup porte mieux mais le Sustiva est toujours anxiogène après 7 semaines de traitement et je fais toujours des cauche mars. J’envisage de changer Sustiva pour Viramune. Mais j’ai des angiomes hé … Je suis désolé, je n’ai pas eu la fin de votre question : "mais j’ai des angiomes hé.". Je pense que vous voulez savoir, si vous avez des angiomes hépatiques, s’il y a un risque de toxicité supplémentaire avec la Viramune. La première chose est que les troubles du sommeil liés au Sustiva peuvent s’amenuiser après deux mois. Je vous conseillerai donc de patienter encore un peu à moins que ces troubles soient très marqués et vous rendent la vie impossible. En ce qui concerne la Viramune, il n’y a pas de toxicité rajoutée du fait des angiomes, cela ne représente pas une contre-indication. Vous pouvez donc l’utiliser sans risque supplémentaire. “Le système immunitaire maintient des virus à l’état dormant d’une façon très effi cace. Il devrait donc être possible de l’aider à faire la même chose avec le VIH menter le nombre de lymphocytes, CD4 et autres types. La réponse a été oui. On a vu les paramètres immunologiques revenir à la normale avec un virus indétectable en raison de l’efficacité de la thérapie. Le but de la deuxième phase était d’évaluer si l’arrêt des antiviraux avec maintien de l’IL2 permettrait d’optimiser les capacités du système immunitaire de façon à ce qu’il puisse contrôler toute activité résiduelle du VIH dans l’organisme. Notre interrogation ne se plaçait pas sur le même terrain que Tony Fauci, David Ho et quelques autres qui cherchaient à purger les cellules réservoir5 de leur virus latent en les activant avec de fortes doses d’IL2 tout en poursuivant la multithérapie. J’étais devenu sceptique sur cette approche depuis un an et demi, simplement à cause d’un problème de quantité : on estime que même quand la charge virale est indétectable dans le sang, il reste au minimum un à 10 millions de cellules infectées. Dix millions, ce n’est certes pas énorme, mais cela signifie tout de même que vous devez réduire cette population de 7 log (un milliard de fois) pour venir à bout de la dernière cellule. Dans d’autres maladies comme le cancer avec les mêmes données, cela n’a pas été possible. Il y a d’autres maladies où, lorsque vous avez été infecté, vous ne revenez jamais à l’état "zéro virus". Il subsiste un reliquat de virus dormant ou latent. C’est un phénomène bien connu dans les infections à virus de la famille à cause du sida, de drogues ou de quoi que ce soit d’autre, alors ces virus qui étaient maintenus à l’état latent ne sont plus contrôlés et commencent à se répliquer en relançant l’infection. Le système immunitaire maintient des virus à l’état dormant d’une façon très efficace. Il devrait donc être possible de l’aider à faire la même chose avec le VIH comme il le fait déjà avec le CMV. La combinaison IL2 faible dose quo tidienne plus multithérapie a-t-elle permis à tous les patients de retrou ver un nombre normal de CD4 ? C’est une question de durée. Certaines personnes ont besoin de plus de temps que d’autres. En un an ou deux d’IL2 quotidienne associée aux antiviraux, presque tous les individus retrouvent un compte normal de lymphocytes CD4 circulants, à condition d’avoir eu, dans notre essai, plus de 200 CD4 au commencement de l’IL2. Dès lors, la question clé est de savoir si le retour à la normale de leur taux de CD4 s’accompagne d’une restauration de l’immunité spécifique anti-VIH. Le test crucial pour répondre à cette question c’est l’arrêt de la thérapeutique antirétrovirale qui va montrer si le système immunitaire maintient le virus à un stade latent ou parvient à contrôler la multiplication virale si elle redémarre. Nous n’avons que neuf patients qui ont accepté d’arrêter les antiviraux en poursuivant l’IL2 quotidienne. Ils ont tous eu la même évolution avec une charge virale qui redevenait détecI N F O T R A I T E M E N T S N ° 7 5 D E C E M B R E 1 9 9 9 9 6 Herpès simplex Agent de l’herpès banal du "bouton de fièvre" et des lésions génitales. 7 Neuf millions d’unités Divers essais, dont celui mené par Yves Lévy pour questions table au bout de deux semaines et demie à trois semaines puis augmentait rapidement jusqu’à atteindre un pic au bout de deux semaines. Mais ensuite, la charge virale décroissait rapidement durant les deux semaines suivantes pour se stabiliser à une valeur d’environ 10 % du pic. La valeur moyenne du pic de charge virale observé chez les neuf patients a été de 350.000 copies. Puis, la charge virale a régressé à près de 26.000 copies. Une réduction de plus de dix fois (un log) en quinze jours et sans antirétroviraux ! Apparemment, leur organisme devenait capable de répondre à la réplication virale en la contrôlant. minitel3 10 Fellation. L’homme risquet-il quelque chose en cas de fellation ? Si votre question est "Y a-t-il un risque à se faire faire une fellation ?", la réponse est non, hormis s’il existe des lésions dans la bouche de votre partenaire, type herpès ou gingivite. Si votre question est "Y a-t-il un risque à pratiquer une fellation ?", la réponse est que le risque existe mais est faible s’il n’y a pas éjaculation, le risque est important s’il y a éjaculation. Fiabilité des tests. Mon mé decin m’a dit qu’un test séro logique Elisa négatif après deux mois était très fiable et ne demande pas de confir mation. Que dois-je en pen ser sachant que la politique actuelle officielle est d’at tendre trois mois ? Les tests Elisa sont effectivement très fiables. À deux mois, l’intervalle de confiance d’un test négatif est de 97 %. Néanmoins, pour le faible pourcentage restant il est préférable de faire un test à 3 mois. Ce n’est pas une raison pour changer de médecin. Le risque d’une positivité entre le deuxième et le troisième mois étant extrêmement faible, ce n’est pas une erreur de votre médecin mais une attitude optimiste ! CD8 et IL2 Avez-vous des hypothèses à suggérer? Comment le corps parvient-il à faire ça ? Nous avons découvert que le sang de ces patients s’enrichit fortement en cellules T tueuses, c’est-à-dire en lymphocytes T CD8+, en même temps que se produit le rebond de la charge virale. Il est bien connu en immunologie que ce sont ces cellules T8 tueuses qui repoussent les infections virales. Ces dernières années, des études chez l’animal ont bien montré que, quand vous injectez des virus, vous provoquez une multiplication très rapide des CD8. Deux éléments poussent les CD8 à proliférer selon un processus dynamique. Le premier est la reconnaissance spécifique du virus par ces cellules. Cette reconnaissance a pour résultat de faire exprimer au lymphocyte CD8 les récepteurs de l’IL2 à sa surface. Les CD4, quand il y en a, collaborent à cette activation cellulaire en secrétant de l’IL2 qui va être captée par les récepteurs des CD8. La liaison IL2-récepteur sur les CD8 agit alors comme un puissant signal qui donne l’ordre à ces cellules de se multiplier. Je pense que chez nos neuf patients, la rapide expansion des CD8 était médiée par le même mécanisme à deux étapes : les CD8 reconnaissent le VIH puis répondent par leur prolifération à l’IL2 injectée. infoline La ligne d’information sur les traitements fonctionne du lundi au vendredi de 15h00 à 18h00 au 0143 67 00 00. I N F O T R A I T E M E N l’ANRS, ont montré que l’injection deux fois par jour de 4,5 millions d’unité peut être considérée comme le standard lorsque l’IL2 est administrée de façon intermittente par cure de cinq T S N ° 7 5 D E C E M B R E 1 9 9 9 jours toutes les huit semaines. 8 Adapté du mensuel Aids Treatments News n°329 du15.10.99, p. 1 à 6. Est ce que les séropositifs ont des concentrations d’IL2 dans le sang inférieures à la normale ? Les données ne sont pas complètes, mais la réponse semble être oui. Il y a une déficience relative de la production d’IL2 chez ces personnes. Nos propres données établies chez 50 séropositifs montrent qu’ils ont une production d’IL2 déficitaire par rapport à des séronégatifs. Je crois que même les personnes en bonne santé, lorsqu’elles sont confrontées à une infection systémique, ont des difficultés à produire rapidement assez d’IL2 pour vite faire face à cette infection. L’administration thérapeutique d’IL2 compense toute déficience en cette hormone chez le séropositif au VIH, mais va plus loin en corrigeant toute déficience qui pouvait naturellement être présente. Rappelons d’abord qu’ils étaient déjà sous multithérapie depuis un certain temps avant de débuter l’IL2. Leur charge virale moyenne était de 70.000 copies avant toute thérapie. Après la succession des traitements qu’ils ont suivis : multithérapie, multithérapie + IL2 et enfin IL2 sans antiviraux, la charge virale moyenne est descendue à 25.000 copies en passant par un pic de 340.000. C’est une réduction significative. Toutefois, je pense qu’il faut maintenant faire un essai prospectif pour savoir s’il est possible, avec notre approche, de stabiliser la charge virale à un niveau nettement plus faible. Ce n’était pas le sujet de la première étude, mais nos résultats suggèrent qu’une stimulation encore plus complète du s ys tèm e i mmu ni t ai r e p ou rr ai t conduire à un contrôle total de la réplication du VIH (lire à ce propos l’article sur les essais de vaccinothérapie de Et les CD8 restent mobilisés ? l’ANRS page 7), comme c’est le cas Chez l’animal, lorsqu’un virus comavec les virus de la famille herpès. mence à décroître et qu’il cesse donc de stimuler les lymphocytes CD8, alors le Combien de temps ces neuf patients compte de ces cellules se met à dimi- sont-ils restés sans antirétroviraux? nuer aussi. Ce qui est spectaculaire Ils ont décidé en accord avec leur médans nos données c’est que les CD8 des decin s’il convenait de reprendre la neuf patients n’ont pas diminué mais multithérapie, ce que cinq d’entre eux “Nos résultats suggèrent qu’une stimula tion encore plus complète du système im munitaire pourrait conduire à un contrôle total de la réplication du VIH sont restés stables. Les données chez l’animal nous montrent également que ce qui fait diminuer les CD8 c’est le manque de stimulation de cette population cellulaire par l’IL2. Ces cellules qui ne sont plus stimulées finissent alors par mourir d’apoptose. Cette apoptose est apparemment prévenue par l’administration d’IL2. Ainsi l’IL2 provoque l’expansion rapide des CD8, mais elle permet aussi de les garder en vie et fonctionnels, ce qui les fait réagir plus efficacement contre toute multiplication virale résiduelle. ont déjà fait. Il en reste donc quatre qui sont toujours en arrêt de traitement antirétroviral mais avec de l’IL2. Jusqu’à présent, la plus longue période d’interruption a été de neuf mois. Quelle a été la plus grande surprise de cette étude ? Nous savions que la charge virale rebondirait à l’interruption en atteignant un plateau. Mais, nous pensions que ce plateau serait stable et nous ne nous attendions pas à la voir diminuer de plus de 10 fois sans aucun antirétroviral. En fait, les données acEst ce que ces neuf patients ont stabi - quises chez l’animal auraient dû nous lisé leur charge virale à un niveau in - faire anticiper ce résultat. férieur à celui qu’ils avaient avant de Nous attendions une montée de la commencer tout traitement ? charge virale avec stabilisation en fonc- 1 (Notes de la page 12, suite) 2 Immunogène Qui suscite une réponse immunitaire de la part de l’organisme. tion de travaux antérieurs déjà publiés. Mais les patients n’étaient pas suivis dans ces études d’une façon aussi serrée que dans la nôtre et les chercheurs sont peut-être passés complètement à côté du pic de charge virale. Nous mesurions la charge virale deux fois par semaine et les lymphocytes T CD4 et CD8 étaient comptés toutes les semaines. Sans cette fréquence bi-hebdomadaire de la charge virale, nous n’aurions pas vu le pic chez certains patients. E lle peut monter puis redescendre si vite qu’on peut manquer ses variations avec une mesure par semaine. Dans ce cas, on peut avoir l’impression d’avoir atteint un plateau après le rebond de charge virale simplement parce que le pic qui précède n’a pas été mis en évidence. Est ce que le rebond de charge virale a été plus tardif chez ces neuf volon taires que dans les cas déjà décrits ? A Barcelone, au début de l’année 1999, a été cité le cas de 10 patients traités depuis plus de deux ans par multithérapie sans IL2 et dont la charge virale redevenait détectable deux à trois jours après l’arrêt. A l’ICAAC, Tony Fauci et Rick Davey ont fait état de 18 patients sous multithérapie plus IL2, prescrite de façon classique, avec des niveaux de virus dans l’organisme extrêmement faibles. A l’arrêt, 17 sur 18 ont vu la charge virale rebondir en à peu près dix jours. Dans notre étude, le délai moyen du rebond était de dix-neuf jours. La charge virale de ces 17 patients est montée à un niveau élevée où elle s’est stabilisée. En revanche, le dix-huitième patient a connu une évolution semblable à ce que nous avons vu : sa charge virale a atteint un pic puis est largement redescendue. Les deux essais géants sur l’IL2 qui se mettent en place, l’essai du NIAID et l’essai de Chiron, vont-ils compléter vos résultats ? Non parce qu’ils sont fondés sur une autre hypothèse que la nôtre et avec des doses très différentes. Les comparer à notre essai revient à comparer des patates et des poireaux. On a l’impression que l’essai du NIAID vise à établir si le gain de CD4, chez des patients qui commen - cent l’IL2 a plus de 300 CD4, ap porte un bénéfice clinique alors que l’essai de Chiron s’adresse à des pa tients au déficit immunitaire plus avancé, de 50 à 300 CD4, au mo ment où ils commenceront l’essai. En effet, avec comme autre différence que Chiron va utiliser une dose un peu moins forte de neuf millions d’unités par jour en deux fois quatre millions et 3 Traduit et adapté du mensuel américain Aids Treatments News n° 327 du 15.09.99, pp 1 à 4. appel montent à un niveau environ dix fois supérieur à celui qui était observé avant l’IL2. Au-delà de sept semaines d’interruption toutes ces cellules voient leur concentration sanguine diminuer progressivement. Elle revient finalement au niveau initial avant IL2 si une nouvelle cure n’est pas mise en route. On ne sait pas exactement s’il y a une redistribution des cellules de la circula- à solidarité Débarrassez-vous de vos médicaments désormais inutiles, et faites un geste pour les pays du Sud ! Faites-nous parvenir les médicaments que vous n’utilisez plus et qui présentent un intérêt dans l’infection à VIH: antibiotiques, antifongiques et antiviraux classiques pour soigner les infections opportunistes ou prévenir leurs rechutes et bien sûr antirétroviraux. Qu’il s’agisse de nous mêmes ou de personnes de notre connaissance, nous avons souvent des médicaments rangés dans une armoire et que nous n’utilisons plus. Ces médicaments qui dorment seront d’une grande utilité dans les pays où leur accès est excessivement restreint et où nous avons des contacts. Vous pouvez nous donner ces médicaments qui seront très utiles à Donald de Gagné. Celui-ci a développé des contacts directs avec des personnes atteintes impliquées dans des structures de prise en charge en Afrique et en Asie et participe à des projets : il leur expédie des médicaments ou leur amène lors des missions qu’il est amené à effectuer. Vos dons de médicaments ont déjà permis à Donald d’apporter directement aux personnes touchées actives dans les centres de traitement et de prise en charge une aide dont elles ont immédiatement bénéficié. Ces quelques boîtes peuvent paraître dérisoires face à l’énormité des besoins des pays du Sud. Mais il faut bien savoir, d’une part, que le réseau développé rassemble des destinataires eux-mêmes atteints et impliqués dans la prise en charge dans leurs pays respectifs, d’autre part, que la qualité et le sérieux de ces contacts nous assurent que ces médicaments vont directement aux personnes qui en ont le plus besoin. Notre action rejoint une dynamique développée par d’autres structures en France et de par le monde. “L’objectif de ces essais est d’accélérer la restauration immunitaire. Je pense que ce sera bien le cas mais que nous ne devons pas imposer des toxicités aux patients demie7 par jour. L’essai du NIAID qui emploiera quinze millions d’unités. Qu’il s’agisse de neuf ou quinze millions, de toutes façons il y a aura des toxicités. C’est pourquoi on doit limiter le traitement à des cures de cinq jours, particulièrement pour des personnes qui travaillent et s’efforcent de mener une vie normale. L’objectif de ces essais est d’accélérer la restauration immunitaire grâce à l’IL2. Je pense que ce sera bien le cas mais que nous ne devons pas imposer des toxicités aux patients. On peut baisser la dose de presque dix fois et l’administrer quotidiennement au lieu de traiter par de très fortes doses tous les deux mois. S’ils en avaient eu la volonté, les investigateurs auraient pu ajouter un groupe de personnes traitées par faibles doses dans leurs essais. Il y aurait eu dans ce cas une intéressante comparaison sur la qualité de la restauration immunitaire et la toxicité entre les deux méthodes. tion sanguine vers les tissus entre les cures avec redéploiement en sens inverse à l’interruption d’une nouvelle cure. Quelle a été la contribution de votre laboratoire à la découverte de l’IL2? Mon équipe a assuré l’une des trois étapes de cette découverte. Tout d’abord, Doris Morgan et Frank Ruscetti ont montré en 1976, à l’Institut National sur le Cancer dans le laboratoire de Robert Gallo, que l’IL2 était un facteur de croissance des lymphocytes T. Ils avaient découvert que les lymphocytes secrètent quelque chose qui induit la multiplication des autres lymph ocytes s ans avoir identifié la substance responsable de cette activité. Ils n’ont pas continué sur ce sujet de recherche parce qu’ils travaillaient surtout sur les leucémies et les rétrovirus. Plus tard, à la fin des années 70 et au début des années 80, nous avons repris leurs travaux et nous avons caractérisé et purifié la molécule responsable, en Existe-t-il des données qui per l’occurrence l’IL2. Enfin l’équipe de Tamettent de savoir si le gain en CD8 datsugu Taniguchi a cloné le gène de obtenu pendant les cures intermit - l’IL2 au Japon. Cela permit de protentes d’IL2 s’effrite durant les sept duire industriellement par génie génésemaines d’inter-cure ? tique de l’IL2 utilisable en thérapeuLa forte dose intermittente cause tout tique. d’abord une diminution de tous les Adapté par Serge Le Coz 8 types de lymphocytes dans le sang, CD4, CD8, NK, et lymphocytes B pendant les cinq jours de cure ainsi qu’une diminution des monocytes. Ensuite, après l’interruption de la thérapie à l’IL2, il y a un rebond et les cellules reI N F O T R A I T E M E N T S N ° 7 5 D E C E M B R E 1 9 9 9 11